SÉANCE
du lundi 12 juillet 2021
7e séance de la session extraordinaire 2020-2021
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : M. Pierre Cuypers, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 (Conclusions de la CMP)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021.
Discussion générale
M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Une dizaine de jours après la première lecture, nous examinons les conclusions de la CMP qui a eu lieu lundi 5 juillet.
En première lecture, nous avions pris acte de la mise à jour par le Gouvernement des données macroéconomiques, avec un déficit à 9,4 points de PIB et un endettement à 117,2 %. Le rebond de l'activité est fragile et sera moins important que celui de nos principaux voisins européens. J'avais également exprimé des réserves sur les reports exceptionnels de crédits à 2021, qui dépassent largement l'autorisation parlementaire.
L'augmentation des dépenses prévue par ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) répond à un objectif de précaution. Le Sénat a adopté, en responsabilité, la prolongation du fonds de solidarité, les nouvelles aides au paiement des cotisations sociales, le renforcement du carry back, la prolongation de la garantie de l'État au titre du prêt garanti par l'État (PGE) et la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA).
Le Sénat s'est donc montré constructif, et raisonnable dans ses propositions, comme le montre la faible évolution de l'article d'équilibre.
Outre des améliorations techniques et juridiques, de nombreux apports du Sénat ont été conservés. Je remercie le rapporteur général de l'Assemblée nationale pour son écoute.
Ont été maintenus le passage à 2 000 euros du plafond de la PEPA, ainsi que son exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales pour les entreprises de moins de cinquante salariés, jusqu'au 31 mars 2022.
Je me félicite également que la CMP ait conservé l'exonération d'imposition sur le revenu pour la majoration des indemnités de garde des internes effectuées pendant la première vague.
Idem pour les aides aux entreprises ou l'exonération d'imposition de l'aide à la reprise des fonds de commerce et la prolongation jusqu'à la fin 2022 du relèvement à 25 % de la réduction d'impôt pour les investissements dans les foncières solidaires ; ainsi que le report au 1er janvier 2023 de la fin du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le gasoil non routier (GNR).
L'extension aux régies départementales, à l'initiative du Sénat, de la compensation au titre de la perte d'épargne brute a elle aussi prospéré. Les « filets de sécurité » applicables à certaines ressources spécifiques aux collectivités territoriales d'outre-mer et à la collectivité de Corse ont été reconduits en 2021.
L'abattement dérogatoire sur la taxe locale sur la publicité extérieure, voté par le Sénat, a également été maintenu, tout comme l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA (FCTVA) des dépenses engagées par les collectivités au titre des documents d'urbanisme et de l'amélioration du cadastre.
La CMP a également retenu deux ouvertures de crédits supplémentaires au titre du plan de relance : 10 millions d'euros pour les travaux préalables à la reforestation - nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que la réglementation évolue - et 50 millions d'euros pour les investissements des autorités organisatrices de mobilité (AOM).
La CMP a aussi adopté deux mesures du Sénat visant à mieux contrôler l'usage des crédits qui abondent le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et de l'enveloppe exceptionnellement élevée de 1,5 milliard d'euros au titre de la dotation pour « dépenses accidentelles et imprévisibles ».
Une solution doit encore être trouvée pour les entreprises créées en 2020, qui n'ont obtenu aucun soutien faute de chiffre d'affaires déclaré.
Si nous regrettons que les mesures pour l'investissement dans la transition énergétique des entreprises n'aient pas prospéré, globalement, ce PLFR a été considérablement enrichi par le Parlement.
Une fois l'économie repartie, il faudra réfléchir aux moyens de mettre fin à cette économie de perfusion. Nous y reviendrons lors du débat d'orientation des finances publiques. Pour l'heure, je vous invite à voter ces conclusions de cette CMP sur un texte nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Claude Raynal, président de la commission des finances, applaudit également.)
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable . - Veuillez excuser l'absence d'Olivier Dussopt qui a dû se rendre à Matignon.
Ce texte illustre l'attachement du Gouvernement et du Parlement à soutenir la reprise. Il finance l'accompagnement de l'économie dans la sortie de crise. C'est pourquoi nous avons proposé l'ouverture de 15,5 milliards d'euros de crédits, dont 4 milliards pour des exonérations et des aides au paiement de cotisations sociales, 3,4 milliards pour le Fonds de solidarité, 6,4 milliards pour l'activité partielle, notamment de longue durée. Quelque 150 millions d'euros supplémentaires sont alloués à la mission « Urgences » au titre de mesures de soutien à la culture.
Nous avons également introduit de nouvelles mesures au cours de la navette, comme le report au 31 décembre 2021 de la date limite de candidature à un PGE ou le renouvellement de la prime Macron pour le pouvoir d'achat, dont le plafond est porté de 1 000 à 2 000 euros pour les entreprises de moins de cinquante salariés, grâce à un assouplissement introduit par le Parlement, ainsi que pour celles qui auront mis en oeuvre un accord d'intéressement ou qui s'engageront dans des actions de revalorisation des travailleurs de la deuxième ligne. La défiscalisation de la prime sera rétroactive.
L'assouplissement du carry back, avec un déplafonnement total des reports, procède également de notre action de soutien aux entreprises.
La hausse du tarif de TICPE sur le GNR est repoussée au 1er janvier 2023 ; sans ce report, les entreprises auraient été mises en grande difficulté.
Parmi les dispositifs fiscaux en faveur des entreprises, signalons aussi la prolongation du taux majoré de réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME, ou IR-PME, destiné à orienter l'épargne de précaution issue de la crise vers les investissements en fonds propres dans les PME et ETI. Il en va de même pour les entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS), auxquelles je suis particulièrement attachée, qui ont montré leur rôle essentiel au cours de cette crise.
Ce PLFR prolonge également le soutien aux collectivités territoriales, avec 203 millions d'euros pour compenser les pertes au titre des équipements gérés par les régies. Les députés ont étendu l'aide aux régies déléguées, et vous-mêmes l'avez élargie aux régies départementales.
La baisse des recettes d'Île-de-France Mobilités est compensée par l'intégration dans le filet de sécurité de la compensation des pertes de recettes au titre du versement mobilité. La CMP a également ouvert 50 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les investissements des AOM.
Ce PLFR aide les élus locaux à accompagner les acteurs économiques, notamment en prolongeant la possibilité d'abattement sur la taxe locale sur la publicité extérieure.
Ce texte vise aussi à faciliter le déploiement du plan de relance, avec la réallocation de 600 millions d'euros au dispositif « Industries du futur », qui a déjà financé 8 500 projets, et des mesures nouvelles en faveur de l'hébergement d'urgence, des étudiants boursiers, du Pass'Sport, des agriculteurs touchés par le gel.
Le « quoi qu'il en coûte » nous a permis de renouer rapidement avec l'activité, mais il ne sera pas sans conséquences. Une fois la crise passée, nous devrons engager le retour à l'équilibre de nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Gérard Longuet applaudit également.) Ce texte entérine la préoccupante situation de nos finances publiques. Ce n'est pas une surprise, mais un effet de la crise. Depuis mars 2020, la situation n'a cessé de se dégrader. Seule la croissance qui repart peut nous apporter une consolation : elle est soutenue et nous devons tout faire pour qu'elle le demeure.
Le PLFR contient un grand nombre de mesures pour revenir à une croissance durable, dont plusieurs sont issues du Sénat. Nous avons ainsi proposé deux ouvertures de crédits : 50 millions d'euros pour les investissements des AOM, et 10 millions d'euros pour les travaux de renouvellement forestier. Je salue la mobilisation du rapporteur général sur ce dernier point : la vitalité de nos forêts de production est essentielle pour le tissu économique de nos territoires, en particulier dans le Grand Est.
Je me réjouis que le Sénat ait été entendu sur l'extension aux régies départementales de la compensation des pertes d'épargne brute, ainsi que sur le report de la fin de l'exonération de TICPE sur le GNR : une trajectoire plus progressive était nécessaire. Nous avons été nombreux à relayer cette revendication.
Malgré la situation préoccupante de nos finances publiques, le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Gérard Longuet applaudit également.)
Mme Sophie Taillé-Polian . - La logique de ce texte demeure injuste et inefficace, avec des aides accordées aux entreprises sans conditions, quand les aides aux ménages sont insuffisantes et versées avec suspicion.
Mme Vidal a ainsi annoncé la fin du repas à 1 euro dans les Crous, comme si les étudiants ne mangeaient pas l'été... Plusieurs annonces ne sont pas suivies d'effets, par exemple sur les masters en tension : les étudiants ont dû crier leur colère sur les réseaux sociaux pour que 3 000 à 4 000 places soient ouvertes en urgence - mais où sont les crédits correspondants ?
Quelques rares avancées votées au Sénat n'ont malheureusement pas été retenues en CMP, comme la conditionnalité du carry back au non-versement de dividendes, ou les 2 millions d'euros supplémentaires pour le 3919. Sur la forêt, les propositions de notre rapporteur général ont été entendues, mais pas celle de Joël Labbé conditionnant le versement des aides du plan de relance à la vente de bois de chêne transformé au sein de l'Union européenne, qui avait convaincu le Sénat.
Des crédits pour l'enseignement technique agricole et l'enseignement supérieur et la recherche agricoles ont été annulés.
Le GEST proposait de taxer les plus riches : Bercy a annoncé que l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) avait rapporté 1,56 milliard d'euros... soit 2,5 milliards d'euros de moins que l'ISF !
Sur la lutte contre les injustices fiscales internationales, nos espoirs ont également été déçus : la proposition du G20 est à trous. Ce n'est pas demain que la question sera réglée, au niveau international comme au niveau national.
Vos choix vont à contresens de l'ultimatum du Conseil d'État, qui vous donne neuf mois pour engager des actions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes donc en désaccord profond sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Isabelle Briquet et Angèle Préville applaudissent également.)
M. Didier Rambaud . - Pour la cinquième fois depuis le début de la crise, nous examinons un PLFR. Celui-ci, qui porte sur près de 15,5 milliards d'euros de crédits, est consacré à la sortie progressive des mesures d'urgence.
Je me réjouis du report de la suppression de l'exonération de TICPE sur le GNR, qui est un engagement du Président de la République. La décision a fait couler beaucoup d'encre, mais c'est un soutien bienvenu à nos entreprises. Nous avons également maintenu le dispositif fiscal de prise en compte des abandons de loyers, et ouvert la faculté pour les communes de dégrever de taxe foncière les discothèques.
Le soutien massif aux collectivités territoriales est renforcé, avec les 50 millions supplémentaires attribués aux AOM.
Les plus fragiles ne sont pas oubliés, avec 700 millions d'euros pour le maintien du plan d'hébergement hivernal : 200 000 places resteront ouvertes jusqu'en avril 2022. Après les épisodes très difficiles de 2021, 350 millions d'euros iront au secteur agricole.
S'ajoutent 100 millions d'euros pour le Pass'Sport et 150 millions d'euros pour les bourses sur critères sociaux. L'enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour les dépenses accidentelles a été rétablie en CMP. Je m'en félicite, mon groupe s'étant opposé à sa réduction à 500 millions d'euros par le Sénat.
Autre bonne nouvelle, l'obligation d'information du Parlement au moins trois jours avant tout décret prévoyant un versement de plus de 100 millions d'euros sur un programme. Le pouvoir de contrôle du Parlement en sort renforcé.
Le groupe RDPI votera ce texte.
M. Jean-Claude Requier . - Des incertitudes sur notre situation économique persistent. Heureusement, le rebond des contaminations n'a pas d'effet sur les hôpitaux, mais le reflux de l'épidémie à l'été pourrait être suivi d'une forte reprise à l'automne... L'espoir réside dans la vaccination à grande échelle.
Les hypothèses de croissance et de déficit retenues par le Gouvernement restent difficiles à évaluer, même si elles ont été jugées réalistes par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
De nombreuses mesures budgétaires et fiscales renforcent le soutien à l'économie : fonds de solidarité aux entreprises (FSE), activité partielle, compensations à la sécurité sociale... La plus grande partie du choc économique sera absorbée. Les montants des reports de crédits ne correspondent pas à une situation budgétaire classique.
Je salue la qualité du travail mené et l'accord obtenu en CMP, témoin que les clivages partisans ont été dépassés.
Notre endettement, qui frôle les 120 % du PIB, est préoccupant, en dépit des taux d'intérêt historiquement bas. Mais la charge de la dette a déjà augmenté depuis la loi de finances initiales, et la remontée des taux devrait se poursuivre...
Notre déficit se dégrade de 46 milliards d'euros par rapport à la loi de finance initiale. Il faut y ajouter les 40 milliards d'euros de déficit de la sécurité sociale, pour la deuxième année consécutive.
Je regrette que les mesures en faveur de l'épargne agricole et de la fiscalité écologique n'aient pas survécu à la CMP. En revanche, la reconduction de la PEPA aidera les salariés de la deuxième ligne. Je salue également la prolongation en 2021 de l'abattement de la taxe sur la publicité extérieure.
Enfin, de nouvelles compensations de pertes de ressources pour les collectivités viennent compléter le dispositif en place.
L'ensemble du RDSE votera le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Éric Bocquet . - « Budget rectificatif : accord a minima en CMP », titrait La Gazette des communes. Et pour cause : vous avez négocié un texte au rabais. Certes, certaines dispositions votées au Sénat ont été adoptées, comme l'exonération d'impôt de l'indemnisation exceptionnelle accordée aux internes en médecine, ou le report de la fin du tarif réduit de TICPE pour le GNR. Le Sénat s'arrime à la majorité de l'Assemblée nationale, il va parfois même plus loin, comme sur cette niche fiscale...
Dans l'obscurité du conclave de la CMP, vous avez repoussé nos propositions, notamment l'augmentation de la taxation des transactions immobilières supérieures à 1 million d'euros ou l'interdiction, pourtant adoptée par le Sénat, du versement de dividendes aux entreprises en déficit qui profitent du carry back.
Avec le dispositif voté, une entreprise structurellement bénéficiaire, qui décide de racheter un concurrent, pourrait se retrouver en situation de déficit et se faire rembourser l'impôt déjà versé. C'est tout bonnement scandaleux. Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre ? L'opinion publique ne s'était pas mobilisée en faveur de ce dispositif. Les Échos, le 28 mai, ont d'ailleurs qualifié cette mesure de « coup de pouce fiscal très attendu par les entreprises ».
Vous trouvez bien une raison de prolonger ce mécanisme d'allègement fiscal, et nous aurons peut-être droit au carry back éternel... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Une nouvelle fois, la CMP est parvenue à un accord sur un projet de loi de finances rectificative. Le groupe UC s'en félicite. Depuis l'adoption conforme du premier PLFR, c'est la quatrième CMP conclusive consécutive sur un collectif budgétaire.
Cela traduit l'esprit de responsabilité des deux assemblées dans le contexte de crise et la capacité de dialogue de nos deux rapporteurs généraux.
Nous espérons que ce PLFR sera celui de la sortie de la pandémie. Il maintient le soutien de l'État envers nos concitoyens, les entreprises et les collectivités locales.
Nous nous réjouissons de la compensation des pertes de recettes tarifaires au bénéfice de certaines communes fragilisées par la gestion de leurs services en régie. Cela répond à un engagement constant du Sénat.
Autre motif de satisfaction, la réintégration des dépenses liées aux documents d'urbanisme et à l'amélioration du cadastre dans l'assiette du FCTVA, à l'initiative de Sylvie Vermeillet. Ce sont des dépenses importantes, en particulier dans les territoires ruraux où les communes sont plus étendues et le potentiel fiscal plus faible.
Nous saluons aussi la prolongation du relèvement de 25 % du taux de réduction de l'impôt sur le revenu pour l'investissement dans les foncières solidaires.
Nous apprécions le report de la suppression de tarif réduit de TICPE sur le GNR au 1er janvier 2023, qui correspond aux annonces initiales : la relance appelle la confiance.
Grâce à la défiscalisation des gardes des internes et médecins, nous reconnaissons leur engagement au pic de la crise.
L'augmentation de 10 millions d'euros des crédits pour la forêt est un autre motif de satisfaction.
Quelques regrets demeurent. L'encadrement des exonérations fiscales et sociales pour les aides du fonds de solidarité aux entreprises se heurterait à un problème de sécurité juridique ; je l'entends. Certaines propositions du groupe UC auraient également pu prospérer, comme celle de Michel Canévet en faveur des dons familiaux, ou de Loïc Hervé élargissant le bénéfice de la déduction pour épargne de précaution aux sociétés exerçant une activé agricole très prépondérante. C'est la règle du compromis...
Le groupe UC, dans sa quasi-totalité, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Isabelle Briquet . - Que reste-t-il de nos débats sur ce PLFR bien décevant, mais que le Sénat avait quelque peu enrichi ? À peine l'illusion d'avoir pris part à une véritable discussion. Certaines mesures, pourtant, auraient mérité d'être conservées.
Au moment où la crise sanitaire creuse les inégalités, le Gouvernement maintient le cap d'une politique qui, depuis quatre ans, ne nous convient pas. L'urgence sociale devrait être une priorité !
C'est pourquoi nous avons proposé de renforcer nos services publics, à commencer par l'hôpital, où des moyens sont nécessaires pour améliorer l'accueil des patients comme les conditions de travail des soignants. Nous avons demandé aussi l'extension du RSA aux 18-25 ans, alors que l'allongement des files d'attente d'étudiants sollicitant l'aide alimentaire symbolise la précarisation de notre jeunesse.
Nous avons appelé à la revalorisation du personnel enseignant, en vain.
Le Gouvernement refuse de modifier sa doctrine fiscale, alors que certains contribuables se sont enrichis pendant la crise et que de grands groupes enregistrent des profits records : toujours pas de rétablissement de l'ISF, toujours pas de taxation des géants du numérique... Il s'accroche à la théorie hasardeuse du ruissellement, ne songeant qu'à réduire les dépenses et à mener des réformes, comme celle des retraites, dont on sait bien qui seront les gagnants et les perdants.
Une autre voie est possible, fondée sur la mobilisation de recettes nouvelles. Nous redoublerons de pédagogie lors de l'examen du projet de loi de finances 2021 pour défendre nos convictions.
Un large consensus s'est dégagé dans notre assemblée autour de la lutte contre les violences faites aux femmes : un amendement de notre groupe a été adopté pour accroître les moyens des acteurs et renforcer le 3919. Mais le rapporteur général de l'Assemblée nationale a refusé toute mesure de crédits. Toute règle doit pourtant avoir des exceptions - surtout pour 2 millions d'euros... Alors que le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint ne cesse d'augmenter, il y a des occasions manquées qui sont lourdes de sens. (Mme la secrétaire d'État s'exclame.)
Nous ne voterons pas le texte issu de la CMP. (M. Claude Raynal, président de la commission des finances, applaudit.)
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général applaudit également.) Nous avons de la chance ! (Sensation à droite) De la chance, oui, non seulement parce que nous vous avons avec nous, madame la secrétaire d'État - nous apprécions aussi M. Dussopt, nettement plus assidu devant le Sénat que certains de vos collègues... -, mais parce que nous sommes aujourd'hui - aujourd'hui et pas demain.
Ce soir, en effet, le Président de la République va parler, remettant tout en cause... Ce projet de loi de finances rectificative est donc à tout le moins incomplet, si ce n'est complètement faux.
M. Gérard Longuet. - Eh oui !
M. Jérôme Bascher. - C'est la limite de l'exercice : les PLFR ne prennent pas en compte des décisions parfois déjà prises, au détriment de l'information du Parlement. Comme le disait Léon Blum - qui, lui, me cite peu... (Sourires) - , « ce qui est difficile, ce n'est pas de ne dire que la vérité, mais de dire toute la vérité. »
Je salue le plus grand commun diviseur trouvé par les deux rapporteurs généraux, mais il en manque... Notamment pour La Poste et, comme notre collègue vient de le souligner, pour la lutte contre les violences faites aux femmes.
C'est dommage, mais le Sénat fera preuve de responsabilité, comme sur les précédents projets de loi de finances rectificative - celui-ci est le cinquième en quatorze mois... Le Sénat est une chambre sérieuse !
Nous nous félicitons du carry back, du soutien aux régies communales, de la prolongation du PGE ou encore de la prime pour les entreprises de moins de cinquante salariés - imaginée, à l'origine, par Olivier Dassault.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous saluons l'extension du FCTVA aux dépenses liées aux documents d'urbanisme, les 50 millions d'euros, chers au président Raynal, pour les autorités organisatrices de transport et le filet de sécurité pour la Corse.
Nous voterons le PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général applaudit également.)
Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°157 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 245 |
Contre | 93 |
Le projet de loi est définitivement adopté.
La séance est suspendue quelques instants.