Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.
Organisation des événements culturels
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ma question s'adressait à Mme la ministre de la culture.
Ce week-end, un jeune Rennais de 22 ans avait décidé d'aller danser à Redon avec quelques centaines de jeunes pour renouer avec la fête. Il y a perdu une main, victime une nouvelle fois d'une grenade tirée de façon indéterminée et de l'escalade de la violence policière. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)
Les forces de l'ordre ont aussi détruit à coups de hache 100 000 euros de matériel musical, en l'absence de toute procédure, et en s'en réjouissant sur les réseaux sociaux. Et le ministère ne réagit pas ! Cela montre son mépris de cette scène et de la jeunesse.
Allons-nous passer un été culturel sous le signe de la répression ? (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)
Le 21 juin, plusieurs rassemblements festifs ont été dispersés à coups de grenades lacrymogènes. Après un an et demi de confinement, la jeunesse de ce pays veut faire la fête. À l'Élysée, on a dansé à la musique de Jean-Michel Jarre ; dans la rue, on a réprimé.
La politique culturelle pour la jeunesse est-elle sous-traitée à un ministre de l'intérieur dont l'incompétence à organiser les élections n'a d'égal que son incompétence à maintenir l'ordre ? Son approche répressive des rassemblements festifs met en danger notre jeunesse. (Brouhaha)
Quelles sont les perspectives culturelles pour notre jeunesse cet été ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Lamentable !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - La jeunesse mérite mieux que les caricatures. Depuis plus de dix ans, les services de l'État - jeunesse, intérieur, culture, santé... - organisent des médiations interministérielles avec les organisateurs de rassemblements festifs. Nous déployons ces médiateurs sur le territoire, pour que notre jeunesse puisse sortir, vivre pleinement. Le dialogue avec les associations est de qualité.
Cet été, nous sommes pleinement mobilisés pour que la jeunesse profite de l'extérieur, du retour de la fête, mais en respectant l'État de droit.
La ministre de la Culture est retenue à l'Assemblée nationale pour défendre le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès à la culture.
Les règles sanitaires perdurent. Ce samedi 19 juin, l'évacuation du Teknival international à Redon - qui était interdit - a nécessité des manoeuvres complexes de la part des forces de l'ordre, parce qu'il fallait agir vite. Je salue l'intervention, calme et organisée, des forces de l'ordre. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.) Certains individus ont d'ailleurs été secourus par des unités nautiques.
Mme Laurence Rossignol. - Heureusement !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Le matériel de sonorisation a été saisi...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Non, il a été détruit !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - ... pour mettre fin à l'infraction, dans le cadre de la procédure judiciaire. Il y a eu des dégradations, le Procureur de la République a été saisi.
La réouverture, le retour à la fête aura lieu dans les règles. La ministre de la Culture a réuni les acteurs pour un retour à la normale au plus vite, avec des jauges à 100 % en extérieur, afin que des concerts puissent se tenir dès le 21 juin. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP)
M. Thomas Dossus. - Il fut un temps où les autorités dialoguaient avec les acteurs. Désormais, vous privilégiez la matraque. C'est irresponsable. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE)
Abstention aux élections départementales et régionales
M. Jean-Pierre Decool . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le spectre d'une abstention massive nous menaçait. Pour une fois, les sondages ne se sont pas trompés. Ce fut une douche froide : deux Français sur trois ne se sont pas exprimés.
Comment expliquer ce phénomène ? Certes, le covid a sa part de responsabilité. On reproche à notre classe politique nationale d'être éloignée du terrain - mais aux élections locales, les électeurs sont aux abonnés absents ! Les gilets jaunes déploraient le manque de représentativité, les jeunes se lamentent de l'absence de rendez-vous démocratique, mais lorsqu'ils sont organisés, cela fait pschitt...
Alors que nous disposons de moyens de communication vertigineux, je m'interroge sur les modalités de l'exercice démocratique. Les ratés de livraison des professions de foi ne justifient pas tout.
La concomitance de deux élections est-elle heureuse ? Ne faudrait-il pas accepter le vote par correspondance ou par internet ? Quid du vote obligatoire ou du vote blanc ?
Quelle est cette majorité silencieuse ? Après quarante ans de vie publique locale en tant que maire d'une commune rurale et vingt ans de vie parlementaire, je suis abasourdi par cette désaffection des électeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Julien Bargeton et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Cette abstention nous choque tous. Le silence est là, il vient de loin et veut dire quelque chose.
À la fin des années 1980, lors des premières élections régionales, 77 % des Français ont voté. Aux dernières élections, en 2015 - sans concomitance, ni report, ni problème dans la livraison des professions de foi - ils n'étaient plus que 50%. Lors des municipales de mars 2020, nous avons constaté le même niveau d'abstention dans de nombreuses grandes villes. Aux élections présidentielles, en revanche, 75 % des Français vont aux urnes.
Les modalités du vote peuvent sans doute être améliorées et modernisées, en conservant le secret du scrutin pour éviter le risque de pressions communautaires, patriarcales, familiales.
Mais tous les pays occidentaux sont touchés. Nous devons y réfléchir collectivement. La concomitance des élections voulue en 2015 n'était peut-être pas la meilleure solution. Nous pourrions faire évoluer la loi pour n'avoir qu'un seul bureau de vote, et réfléchir aux modalités du scrutin. Je suis à la disposition du Sénat pour y réfléchir.
Élections départementales et régionales (I)
M. Laurent Duplomb . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des enveloppes dans les fourrés ou les poubelles, des professions de foi brûlées... Voilà le triste résultat d'une distribution chaotique de la propagande électorale partout en France. C'est inadmissible ! Des millions d'électeurs n'ont pu être informés des élections ni faire un choix éclairé, alors que la crise sanitaire empêchait de faire campagne.
Vous n'aviez pourtant pas le droit à l'erreur, vous qui affaiblissez le Parlement et ignorez les corps intermédiaires en favorisant le tirage au sort et les conventions citoyennes. Le « en même temps » donne le sentiment que même si on élit quelqu'un, d'autres sont légitimes... Ce fiasco a abouti à une abstention record.
Monsieur le ministre de l'Intérieur, allez-vous poursuivre ce hold-up de la démocratie ? (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - J'ai entendu que le Sénat allait créer une commission d'enquête : toute information et tout document nécessaire vous seront fournis. J'étais ce matin dès potron-minet devant votre commission pour évoquer les dysfonctionnements graves constatés dans la distribution de la propagande électorale.
Les deux sociétés concernées, La Poste et Adrexo, ont déclaré 9 % de documents non distribués.
Les directives européennes de 1997 et 2002 ont libéralisé le service postal ; la loi de 2005 a obligé le Gouvernement à mettre en concurrence deux sociétés.
M. Pierre Laurent. - Vous n'étiez pas obligés de les choisir !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a que deux sociétés qui sont validées par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), autorité indépendante : Adrexo et La Poste.
Les moyens pour la distribution de la propagande ont été doublés en dix ans, de 150 millions d'euros en 2010 à 328 millions d'euros dans le dernier ce budget. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Les dysfonctionnements ne sont pas acceptables. Nous l'avons signifié aux deux sociétés, singulièrement à Adrexo. Des plis n'ont pas été distribués, voire détruits, ce qui est inacceptable.
Je répondrai à toutes les questions de votre commission.
M. Laurent Duplomb. - À vous écouter, vous n'êtes jamais en faute. Pour moi, vous êtes coupable, avec tout le Gouvernement, de ne pas avoir agi en temps et en heure alors que vous étiez alertés depuis des semaines.
Vous êtes coupable d'avoir tenté un coup de poker en choisissant une entreprise au bord de la faillite : vous pensiez que l'abstention vous servirait, mais elle a amplifié votre élimination du second tour...
Oui, vous êtes coupable d'avoir joué un jeu dangereux, à vouloir réduire le débat démocratique entre saint Macron et le diable Le Pen. La droite républicaine, qui vous a mis au monde, n'est pas morte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Situation en Iran
M. Philippe Bonnecarrère . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quelle est la position française à l'égard de l'Iran ?
Tout à l'heure, nous débattrons avec le ministre des Affaires étrangères de la programmation militaire et de l'évolution des menaces, dont le risque de conflit de haute intensité.
L'un des foyers de risque se situe au Moyen-Orient, zone d'interférence de différents « États puissance ». Les relations entre l'Occident et l'Iran sont importantes : négociations de Vienne et plan d'action conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action), changement politique aux États-Unis, en Israël, élection du président Raïssi, balistique, nucléaire... Où en est la France sur ces sujets interconnectés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité . - La France a pris acte de l'élection, vendredi 18 juin, d'Ebrahim Raïssi à la présidence de la République iranienne. Il prendra ses fonctions fin août.
La France maintiendra des attentes fortes et des positions claires sur les droits de l'homme, sur la situation de ses ressortissants détenus et sur le nucléaire.
La perspective du plein retour des États-Unis et de l'Iran dans l'accord de Vienne sur le nucléaire - après le changement d'administration américaine et alors que l'Iran n'en respecte plus une partie - mobilise pleinement la France, en étroite concertation avec nos partenaires allemands, britanniques, ainsi qu'avec les États-Unis, la Russie et la Chine. Jean-Yves Le Drian rencontrera prochainement son homologue américain, Antony Blinken, pour évoquer le nucléaire.
Il faudra prendre des décisions rapides si les négociations n'avancent pas. La France est impliquée dans les efforts de paix au Moyen-Orient.
M. Philippe Bonnecarrère. - Avec l'Iran, les choses sont rarement blanches ou noires, mais souvent blanches et noires.
Volet noir : nos compatriotes Fariba Adelkhah et Benjamin Brière sont détenus dans des conditions insupportables.
Volet blanc : les Iraniens ont arrêté Daech, à Erbil, aux côtés des Kurdes. Pensons aussi au rôle de l'Iran comme espace de sécurité pour nous, par rapport à l'Afghanistan et au Pakistan.
Allocation aux adultes handicapés (I)
M. Gérard Lahellec . - Jeudi dernier, madame Cluzel, vous vous êtes déshonorée en recourant à la réserve puis au vote bloqué à l'Assemblée nationale pour tordre le bras de votre propre majorité, lors d'une journée d'initiative parlementaire, sur un texte émanant du droit de pétition.
Sur le fond, vous avez refusé de reconnaître l'autonomie des personnes en situation de handicap, les renvoyant à leur dépendance économique vis-à-vis de leur conjoint. C'est une humiliation dénoncée par les associations. Le Gouvernement s'enferme dans une posture bien éloignée des valeurs de progrès et d'humanisme. Allez-vous inscrire à l'ordre du jour de la session extraordinaire la proposition de loi ou préférez-vous botter en touche en renvoyant à l'examen du budget pour proposer un abattement fiscal sans rapport avec l'individualisation de l'allocation adulte handicapé ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Quel dommage de voir tout le travail commun fait avec le Gouvernement et les associations remis en cause par opportunisme politique ! (Protestations sur toutes les travées à l'exception du RDPI ; huées sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains)
Frilosité budgétaire, dites-vous ? Ce Gouvernement aura investi 2 milliards d'euros pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH) sur le quinquennat ! (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.) Vous critiquez la baisse de 5 euros des APL mais balayez la revalorisation de l'AAH de 100 euros par mois, pour atteindre 900 euros pour plus d'un million de personnes !
Notre approche vise à assurer un système social basé sur des principes de solidarité et de redistribution. Les personnes en situation de handicap ont des compétences et sont des citoyens à part entière. Cet abattement fiscal est une avancée majeure pour l'autonomie. C'est 110 euros de plus par mois, 180 euros de gain pour les couples quand le revenu du conjoint est situé autour du SMIC. Au nom des valeurs de votre groupe, vous devriez vous réjouir que nos aides n'aillent pas aux plus aisés, comme ce serait le cas en cas de déconjugalisation !
M. Hussein Bourgi. - Les associations vous écoutent !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. - Nous portons une mesure de simplification et de justice sociale. (Mme Laurence Cohen proteste.) J'inscrirai cette avancée majeure dans le budget de l'État quoi qu'il arrive. Le Gouvernement est fier de cette politique d'émancipation. (Protestations) Nous soutenons le pouvoir d'achat de ces personnes, que je respecte profondément. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Hussein Bourgi. - C'est cela !
M. Gérard Lahellec. - Votre entêtement à faire des économies budgétaires est dogmatique. Certes, 200 millions d'euros pour votre abattement, ce n'est pas rien, mais il manque 550 millions d'euros : on pourrait imposer les dividendes des actionnaires à hauteur de 1 % ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous saurons nous en souvenir, avec les associations de personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, SER et GEST)
Soutien aux salariés de la filière automobile
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) La filière automobile fait face à une révolution - technologique et écologique - qui bouscule son modèle.
Le plan de soutien de 8 milliards d'euros annoncé par le Premier ministre vise à encourager le développement de l'industrie automobile de demain. Le lancement du fonds de reconversion, vendredi dernier, est une nouvelle étape du déploiement de ce plan. Une convention a également été signée avec les acteurs de la filière.
Avec le plan de relance, le Gouvernement espère redresser notre économie en deux ans, pour retrouver en 2022 le niveau de 2018 tout en accompagnant la reconversion d'emplois vers des secteurs d'avenir.
Quelle place pour le fonds d'accompagnement dans cette perspective ? Les forces vives du secteur automobile seront-elles bien au coeur de la relance ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Je salue votre réélection comme conseiller départemental de la Drôme au premier tour, (applaudissements sur les travées du RDPI) et félicite tous les nouveaux élus. (Murmures ironiques à droite)
Face aux mutations de la filière automobile, l'accompagnement des salariés est indispensable. Il est cofinancé par l'État à hauteur de 30 millions d'euros et par les constructeurs Renault et Stellantis pour 20 millions d'euros. Il s'adresse particulièrement aux salariés d'entreprises sous-traitantes en redressement ou en liquidation. Des cellules territoriales d'appui au reclassement sont également mises en place. Ce fonds finance notamment la formation et les aides au reclassement et à la mobilité.
Les salariés de MBF dans le Jura en ont déjà bénéficié. Je partage leur émotion à l'annonce de la liquidation de leur entreprise. Nous prévoyons aussi 1 milliard d'euros pour le FNE (Fonds national de l'emploi) - Formation dans le cadre de France Relance. Des moyens importants sont déployés pour la formation et la reconversion des salariés. Le Gouvernement se mobilise pour que tous les salariés puissent rebondir rapidement !
M. Bernard Buis. - Je me félicite que les sous-traitants ne soient pas oubliés. Merci pour eux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Élections départementales et régionales (II)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Que reste-t-il de l'État quand il est incapable d'organiser les élections ? Monsieur Darmanin, vous nous expliquez qu'il est difficile d'organiser deux élections le même jour. Sans doute faites-vous référence à votre propre expérience, puisque vous étiez candidat à deux élections dimanche dernier... (Rires et applaudissements)
Des paquets de tracts jetés dans les fossés, brûlés dans les bois. Le corps préfectoral a dit sa honte devant une telle image de l'État. Adrexo aurait fait part de 21 000 plis non distribués, mais en Bourgogne-Franche-Comté, nous dépassions déjà ce chiffre dès dimanche soir !
D'après vous, les responsables sont Lionel Jospin, La Poste, le Parlement - mais surtout pas vous !
Il reviendra à la commission d'enquête du Sénat de définir l'ampleur des dysfonctionnements et d'en rechercher les causes.
Mais à quel taux de non-distribution de la propagande électorale considérez-vous que votre responsabilité est engagée ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - C'est un fait établi : la privatisation de la distribution de la propagande électorale a été réformée entre 1997 et 2002, par le Gouvernement que vous souteniez à l'époque. Autre fait : depuis 2005, un marché public s'impose au ministère de l'Intérieur.
Il y a toujours eu des dysfonctionnements, certes moins importants - aux dernières élections, Annecy n'a reçu aucune propagande électorale.
Seules deux sociétés sont autorisées par l'Arcep à candidater au marché, en vertu de la loi et des directives européennes : La Poste et Adrexo, qui se sont vu attribuer les deux lots, pour plus de 100 millions d'euros. La Poste et surtout Adrexo sont responsables de la non-distribution, et il est possible qu'une partie du marché ne soit pas payé, voire révoqué.
Attendons les élections de dimanche. Je ne veux pas démotiver ceux qui distribuent la propagande électorale et essaient de redresser la barre.
Mais si l'on considère les taux de participation entre les bureaux relevant du périmètre de La Poste et ceux relevant d'Adrexo, il y a un point de différence. J'aurai l'occasion de le démontrer devant votre commission d'enquête. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Tout va bien alors !
M. Jérôme Durain. - Notre groupe avait suggéré de nombreuses solutions pour lutter contre l'abstention, en déposant cinq textes et trente amendements, sur le vote par correspondance, par internet, l'étalement du vote sur différents jours...
Monsieur le ministre, votre responsabilité est à l'évidence engagée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)
Présence postale
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) De nombreux maires de l'Hérault ont protesté contre la réduction des horaires des bureaux de poste et leur transformation en simples agences postales communales, sans compter les fermetures surprises ou l'insuffisance de la compensation financière. Si cela peut se concevoir dans les communes les plus rurales, c'est incompréhensible dans des communes de 3 000 à 4 000 habitants.
L'État a une large part de responsabilité. Le récent rapport de nos collègues Chaize, Louault et Cardon montre que le déficit des quatre missions de service public de La Poste s'élève à 2,103 milliards d'euros : 1,320 milliard pour le service postal universel, 296 millions pour le transport et la distribution de la presse, 227 millions pour l'aménagement de territoire, 260 millions pour l'accessibilité bancaire. Or La Poste n'a reçu que 503 millions d'euros en compensation... Cela fait 1,6 milliard d'euros de déficit. Difficile de maintenir le service public dans ces conditions.
Quand allez-vous mettre fin à cette situation ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Martine Filleul et M. Patrick Chaize applaudissent également.)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - J'ai bien reçu votre courrier adressé fin mai à ce sujet. Aux termes de la loi de 2010, La Poste doit maintenir au moins 17 000 points de contact, qui doivent être à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes pour 90% de la population. Elle doit distribuer le courrier cinq jours sur sept.
La Poste connait toutefois des difficultés, car le nombre de courriers et de colis s'est effondré en dix ans : division par deux pour les colis, par sept pour les courriers prioritaires. Cela se traduit par des déficits, par une réorganisation du service postal. La Poste s'emploie à transformer ses métiers, à réorganiser sa présence territoriale et à diversifier ses services. L'État et le Gouvernement répondront présents. Le Premier ministre l'a rappelé à la présidente de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Le rapport de l'ancien député Jean Launay, remis le 28 mai, alimente notre réflexion. La solution est-elle budgétaire, fiscale, ou un mélange des deux ? Nous mettrons à profit le projet de loi de finances pour 2022 afin de mieux accompagner La Poste. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Christian Bilhac. - La Poste est très importante dans les territoires ruraux mais aussi dans les quartiers sensibles.
Vous vous retranchez derrière l'Arcep, mais 50 millions de moins que le chiffrage de l'Arcep ont été versés à La Poste. Respectez ce chiffrage ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)
Élections départementales et régionales (III)
M. Philippe Pemezec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment en sommes-nous arrivés là, au taux d'abstention le plus élevé de l'histoire de la République ? Personnellement, je ne me plains pas : nous avons obtenus un large succès, fruit d'un travail quotidien sur le terrain.
Cette abstention est un vrai déni démocratique. Le Gouvernement porte une lourde responsabilité, notamment à cause d'une campagne d'information minimaliste sur la concomitance des deux scrutins. Il est vrai que le Gouvernement et le Président de la République sont en campagne présidentielle : ils ont choisi de mettre les scrutins locaux sous le boisseau. La preuve de leur obsession pour l'élection présidentielle ? En annoncer les dates entre les deux tours des élections régionales et départementales !
Cela vous aura toutefois donné l'occasion de découvrir le charme des Hauts-de-France, où pas moins de cinq ministres ont été envoyés sur les terres d'un candidat de droite jugé dangereux...
Il y a deux ans, vous souhaitiez supprimer la propagande électorale. Vous avez finalement trouvé pire : exiger la profession de foi des candidats lors du dépôt de candidature. Quant à la propagande, certains documents ne sont jamais arrivés, d'autres ont été reçus un mois avant le scrutin... Vous avez ainsi tué la mobilisation !
En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'intervention du Premier ministre en faveur de la fusion des listes La République en Marche et Les Républicains a provoqué incompréhension et dégoût et conduit au désintérêt de l'électorat.
Pour le second tour, le parti socialiste passe des accords avec l'extrême gauche : pourquoi le Premier ministre ne les dénonce-t-il pas ? Pourquoi la majorité présidentielle ne retire-t-elle pas ses listes pour faire barrage à l'islamo-gauchisme ? (Exclamations à gauche ; M. Sébastien Meurant applaudit.) Comment pouvez-vous accepter des fusions avec des listes d'extrême-gauche qui veulent mettre le feu à la France ? (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je limiterai ma réponse aux élections départementales et régionales. Pour la première fois depuis 1986, nous avons organisé deux scrutins le même jour sur l'ensemble du territoire. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et SER ; M. Laurent Duplomb proteste.). Oui, les élections cantonales d'autrefois ne se tenaient que dans la moitié des circonscriptions.
La plupart de nos voisins ont reporté les élections locales, c'est le cas notamment de l'Italie. Nous avions longuement débattu d'un report supplémentaire, après deux décalages liés respectivement à la crise sanitaire et à la nécessité d'accélérer la campagne de vaccination.
Sur le plan sanitaire, toutes les précautions ont été prises ; vaccination et test PCR pour les assesseurs, notamment. Partout, les bureaux de vote ont ouvert dans de bonnes conditions, exception faite des difficultés survenues à Marseille et qui relèvent de la responsabilité de la mairie.
Mme Laurence Rossignol. - C'est fini !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je félicite les maires pour leur engagement dans l'organisation de ces élections, y compris dans les zones touchées par les inondations.
Conséquences des inondations
Mme Martine Filleul . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'an passé, les sinistres causés par les intempéries ont coûté 1,5 milliard d'euros, soit plus que la moyenne des quarante dernières années.
La situation s'aggrave. Les inondations causées par les récents orages ont conduit les maires à demander la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les conséquences du changement climatique mettent ce régime sous tension : il est indispensable d'en assurer la pérennité.
La mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, rapportée par notre collègue Nicole Bonnefoy en 2019, a donné lieu à une proposition de loi adoptée à l'unanimité par notre assemblée. Elle renforce le soutien aux victimes, déplafonne le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, et accroit les pouvoirs du maire. Hélas, faute de soutien du Gouvernement, elle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le comble : un texte étrangement similaire y a été déposé...
Le projet de loi Climat et résilience reste silencieux sur la question, bien qu'il comporte un titre relatif à l'adaptation des territoires au changement climatique. Il y a pourtant urgence !
Quand déclarerez-vous l'état de catastrophe naturelle dans les territoires victimes des récentes inondations ? Quand apporterez-vous des réponses législatives et financières pour améliorer le régime d'indemnisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Oui, les évènements climatiques extrêmes se multiplient et nous devons en tirer les conséquences. Je salue l'action efficace des secours, notamment dans le Nord de la France.
Il faut renforcer notre résilience, d'abord par un régime plus pérenne d'indemnisation. À cet effet, le fonds Barnier a été porté à 205 millions d'euros en 2021, soit une augmentation de 50 % de ses crédits.
Il s'agit également de prévenir les sinistres en réduisant la vulnérabilité de nos territoires. L'artificialisation des sols aggrave le ruissellement et empêche l'eau de pénétrer dans la terre ; c'est l'une des causes principales des inondations. Aussi, je regrette que le Sénat ait refusé la division par deux du rythme de l'artificialisation d'ici à 2030. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous avons enfin investi 144 millions d'euros pour renforcer les capacités de prévision de Météo France. Son dispositif Vigicrues Flash améliore le temps de réaction, mais seuls 15 % des maires s'y sont abonnés. Nous aurons l'occasion d'en discuter dans le cadre du projet de loi Climat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Situation du commerce extérieur français
M. Serge Babary . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Partout, l'activité repart. La France bénéficie d'un rebond technique : après une baisse de 8 % en 2020, le PIB devrait augmenter de 6 % en 2021. Toutefois, les comparaisons internationales montrent que notre économie ressort de la crise plus dégradée, en réalité, que celle de nos voisins.
Nos parts de marché à l'exportation régressent. Selon la direction générale des douanes et des droits indirects, le déficit commercial de la France atteint 65,2 milliards d'euros en 2020, contre 57,9 milliards en 2019. Les exportations de biens et de services reculent de 19,3 %, à comparer avec la baisse de 13,2 % enregistrée par la zone euro. Notre déficit commercial se dégrade à 3,6 % du PIB, quand l'Allemagne conserve un excédent de 5,5%.
Les exportations françaises enregistrent leur niveau le plus bas depuis vingt ans. Cette détérioration concerne la quasi-totalité des produits, y compris l'agro-alimentaire. Qu'en conclure ? Que la compétitivité de nos entreprises est dégradée et notre fiscalité particulièrement désavantageuse.
Le déclassement français est-il inéluctable ? Nous attendons des actions fortes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité . - Il est vrai que le déficit du commerce extérieur français s'est aggravé en 2020 en raison de la crise sanitaire. Des secteurs forts de notre économie, comme l'aéronautique, ont été très touchés. Nous sommes mobilisés pour le redresser.
La compétitivité des entreprises s'améliore (M. Laurent Duplomb le conteste), notamment grâce aux décisions fiscales de ce Gouvernement : baisse de la fiscalité du capital, de l'impôt sur les sociétés, des impôts de production, simplification des relations entre les entreprises et l'administration, efforts en faveur de l'innovation et de la formation.
La France, en 2020 comme en 2019, apparaît comme le pays le plus attractif pour les investissements étrangers. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains) Nous le verrons très prochainement lors du sommet Choose France.
Notre stratégie industrielle doit être encore renforcée. C'est l'objet du plan de relance s'agissant des secteurs innovants. Nous devons également mener une politique commerciale européenne moins naïve. Enfin, France Relance accompagne les entreprises, notamment les PME, auxquelles je vous sais attaché, à l'international. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Affectation prioritaire des fonctionnaires ultramarins dans leurs territoires
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Colette Mélot applaudit également.) Depuis ma première mandature en 2015, je suis interpellée par des fonctionnaires polynésiens désireux de rentrer servir dans leur territoire d'origine après plusieurs années en métropole. Pour visiter leur famille, ils doivent parcourir 18 000 kilomètres, traverser deux océans et débourser une somme conséquente.
Certes, des évolutions sont intervenues. Il est normal que les enfants du pays qui souhaitent y retourner le puissent, quand une vacance d'emploi correspondant à leur grade le permet.
Les lois du 20 avril 2016 relatives à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer ont consacré le caractère prioritaire du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) parmi les critères de mutation. Toutefois, certains ministères techniques ignorent ce principe et privilégient les expatriations au retour au pays. De tels agissements de la bureaucratie parisienne doivent être dénoncés !
Que comptez-vous faire pour que aider les fonctionnaires polynésiens à revenir dans leur territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques . - Depuis 2017, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour une fonction publique plus représentative. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
Cela concerne notamment la facilitation du retour des fonctionnaires ultramarins dans leur territoire d'origine. Le CIMM crée en leur faveur une priorité légale d'affectation. Je promeus ce dispositif avec force.
Je vous rendrai un rapport sur ce sujet dans les prochains jours. Cet outil récent est un accélérateur puissant de mobilité : il permet à 28 % des demandes de mutation d'aboutir, deux fois plus qu'avec les autres critères de priorité comme le handicap ou le rapprochement familial.
Les fonctionnaires polynésiens n'y ont cependant pas toujours recours. Je m'attache à renforcer leur information, alors que quelque 1 800 postes ont été ouverts outre-mer. Nous continuerons à oeuvrer pour cet enjeu crucial. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Allocation aux adultes handicapés (II)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, au cours d'une séance surréaliste et après un passage en force du Gouvernement, l'Assemblée nationale a refusé de déconjugaliser l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Le vote bloqué que vous avez imposé a empêché la tenue d'un débat légitime. Cet épisode témoigne de votre peu de considération pour le Parlement et pour ceux qui se battent pour l'indépendance financière des personnes handicapées !
Le calcul de l'AAH pénalise les couples : les bénéficiaires sont privés de leur allocation en dessous d'un plafond de ressources communes. Je pense à ces femmes handicapées qui vivent seules pour la conserver, voire se séparent pour des raisons financières.
Le 9 mars dernier, le Sénat s'est prononcé en faveur de la déconjugalisation de l'AAH, une mesure de justice, à la suite d'une pétition déposée sur la plateforme de pétitions en ligne souhaitée par le président Larcher pour établir un contact direct avec les citoyens.
Allez-vous revenir sur cette position moralement regrettable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées . - En 2018, ici même, votre groupe s'opposait à la déconjugalisation de l'AAH, dénonçant une vision individualiste de l'homme, un éclatement du lien social et une déconstruction de la famille ! (Mme Éliane Assassi s'amuse.) Où sont donc passés ces principes de solidarité nationale et familiale ? Considérez-vous à présent le couple comme un lieu de violence permanente, où les personnes en situation de handicap seraient sous emprise ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous nous donnez en permanence des leçons de bonne gestion budgétaire, mais vous proposez un revenu universel sans condition de ressources, pour un coût de 5 milliards d'euros. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Quant à la déconjugalisation du RSA, elle coûterait 9 milliards d'euros - sur le budget des départements. Je serais curieuse d'entendre vos propositions pour la financer.
Notre réforme ne fait aucun perdant. C'est 110 euros de plus pour personnes en couple, dès 2020, en toute équité et justice sociale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Pascale Gruny. - N'y a-t-il pas de « quoi qu'il en coûte » pour les personnes en situation de handicap ? (Protestations sur les travées du RDPI) Certaines perdront à votre réforme.
Nous ne faisons pas, nous, de politique politicienne sur les personnes en situation de handicap. Ce texte finira par passer ! (On se récrie sur le banc du Gouvernement et du RDPI ; Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de l'assurance chômage
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 9 juin, j'interrogeais le Gouvernement sur la réforme de l'assurance chômage ; celui-ci m'assurait qu'aucun demandeur d'emploi ne serait pénalisé.
Hier, cependant, le Conseil d'État infirmait votre propos en suspendant la réforme du mode de calcul de l'allocation chômage qui devait entrer en vigueur le 1er juillet, en raison d'incertitudes économiques. De fait, elle désavantage les personnes qui enchaînent les contrats courts.
Après l'échec des négociations avec les partenaires sociaux en 2018, le décret de juillet 2019 a été partiellement annulé par le Conseil d'État en novembre 2020. Celui du 31 mars 2021 amendant la réforme a subi le même sort. Quand pensez-vous abandonner ce bras de fer ?
D'après l'Unedic, 1 150 000 personnes verraient leur allocation baisser de 17 % en moyenne, dont 345 000 jeunes.
Cette réforme est injuste ; elle fait des économies sur le dos des chômeurs les plus précaires et accroît les inégalités. Abrogez-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, de même que sur quelques travées du groupe CRCE)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Aucun demandeur d'emploi ne verra son allocation diminuer. Le montant global des allocations sera maintenu. Seuls ceux qui gagnent plus au chômage qu'en travaillant seront concernés, mais ils toucheront une allocation plus longtemps.
Du reste, le Conseil d'État ne remet pas en cause la réforme : il ne retient aucun des arguments de fond des syndicats. Il estime simplement que le calendrier n'est pas opportun, la situation économique étant incertaine... Or l'économie repart et les embauches sont très dynamiques. Des entreprises peinent à recruter, on le sait.
Le bonus-malus entrera en vigueur au 1er juillet pour les entreprises.
Nous préciserons dans les prochains jours les modalités de mise en oeuvre de la réforme. En attendant, un décret prolongera l'indemnisation des demandeurs d'emploi au-delà du 1er juillet. L'ambition du Gouvernement reste inchangée. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Annie Le Houerou. - Nous n'entendons pas les mêmes échos... Vous refusez de reconnaître l'injustice de la réforme pointée par le Conseil d'État.
Soutien à la filière bois
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La filière bois française se trouve dans une situation critique. Avec le plan de relance américain et le dynamisme russe et chinois, la demande mondiale de bois flambe, avec pour conséquence une envolée sans précédent des prix. Or les traders étrangers ont des moyens financiers bien supérieurs aux acheteurs français.
Cela met en péril nos ressources nationales en bois. Les professionnels de la construction, les artisans ne peuvent plus honorer leurs commandes et de nombreux chantiers sont en retard ou à l'arrêt. Il faut agir !
Les marges de manoeuvre sont limitées, notamment par le droit européen, nous le savons. Le Sénat a rétabli la carte professionnelle d'exploitant forestier dans le projet de loi Climat et résilience ; espérons que cette mesure sera conservée par l'Assemblée nationale.
Que comptez-vous faire pour protéger les entreprises de ce secteur de la concurrence étrangère ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Un certain nombre de règles communautaires s'imposent effectivement à nous. La filière bois est victime d'un double phénomène conjoncturel : une reprise économique très rapide et des comportements spéculatifs.
Nous avons travaillé depuis avril avec le comité de filière sur la question des surstocks. Nous invitons les acteurs publics à ne pas appliquer les pénalités de retard inscrites dans les marchés publics ; l'État ne les applique pas.
Nous agissons parallèlement pour structurer la filière. Le projet de loi Climat et résilience et le plan de relance visent à décarboner la construction, en faisant notamment la promotion du bois. Le plan de relance consacre 200 millions d'euros à la diversification et au renouvellement des parcelles et à la cartographie de la forêt.
Nous lancerons prochainement deux appels à manifestation d'intérêt. Ainsi, notre filière pourra s'adapter aux nouvelles règles environnementales de construction et se structurer à long terme. Il s'agit d'un travail de longue haleine.
Mme Sabine Drexler. - Des mesures ont été prises pour la forêt publique, mais plus de 60 % des bois privés sont vendus à des professionnels qui les exploitent à l'international.
Une régulation est nécessaire pour préserver nos ressources forestières et échapper à la prédation. La France doit peser en ce sens au niveau européen, sinon, les conséquences économiques et sociales pourraient s'avérer dramatiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Financement des locaux de la gendarmerie nationale
Mme Annick Jacquemet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Certaines communes du Doubs m'ont interpellée, ainsi que notre collègue Jean-François Longeot, sur la construction des gendarmeries.
Les promoteurs, comme Idea Construction ou la Soderec, reçoivent un loyer des communes dans lesquelles sont installées les gendarmeries construites par leurs soins, ensuite remboursé par l'État.
Au début, l'opération est équilibrée, mais les deux loyers évoluent différemment : l'un, adossé à l'indice de la construction, augmente, tandis que l'autre, dont l'indice dépend de France Domaines, diminue. Un écart apparaît progressivement entre le loyer versé par la commune à l'organisme et celui versé par l'État à la commune.
Quatre communes du Doubs, Bavans, Bethoncourt, Etupes et Remiremont, subissent un manque à gagner substantiel - 50 000 à 183 000 euros par an - lié à cet effet de ciseau.
Pourquoi l'État ne verse-t-il pas directement le loyer au promoteur ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je connais bien ce problème rencontré par les communes, notamment modestes, qui accueillent une gendarmerie, lieu de service public et de logement. Environ 25 % des casernes appartiennent à l'État ; les autres relèvent soit des collectivités territoriales, soit de baux emphytéotiques administratifs (BEA) rendus possibles par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Dans ce dernier cas, les indices posent en effet problème, mais rappelons qu'in fine, la propriété des bâtiments revient à la commune. Si l'État verse directement un loyer au promoteur, il en deviendra propriétaire.
Cela ne peut cependant pas durer pour des raisons financières, de responsabilité, d'entretien et de maintien sur site des gendarmeries Je m'engage sur ce dernier point.
Il faudra faire évoluer le modèle dans un prochain texte, peut-être avec la Caisse des dépôts et consignations. Le problème des baux concernés sera réglé par des renégociations de contrats ; je l'ai déjà fait au cas par cas. Il faut payer le juste prix pour la qualité de nos gendarmeries ! (M. François Patriat applaudit.)
Mme Annick Jacquemet. - Je compte sur vous. Personne ne veut voir partir les gendarmes, mais il faut aussi entendre le cri d'alarme des élus qui ont du mal à boucler leur budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
La séance est suspendue quelques instants.