Délais d'organisation des élections partielles (Conclusions des CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et du projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.
Discussion générale commune
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires . - Les deux textes ont été déposés le 18 novembre et nous arrivons déjà au terme du processus législatif. Preuve que le Parlement sait travailler vite, mais aussi que le Gouvernement a manqué d'anticipation...
Merci à Catherine Kamowski, rapporteur de l'Assemblée nationale, pour son écoute ; nous avons pu faire converger nos points de vue.
Le constat est partagé : la dégradation de la situation sanitaire nous contraint à reporter des élections partielles. Le danger n'est pas tant dans le bureau de vote que pendant la campagne qui précède le scrutin.
Que l'intention du législateur soit très claire : les élections doivent être organisées dès que la situation sanitaire le permet et au plus tard le 13 juin 2021, qui est une date butoir.
Deux sièges sont déjà vacants à l'Assemblée nationale. Le nombre d'élections municipales partielles à organiser est de 161, 100 de plus que la liste annexée à l'étude d'impact. Dans 101 communes de moins de 1 000 habitants, il faut des élections complémentaires pour compléter le conseil municipal. Dans 60 communes, une délégation spéciale a été mise en place. Ces dernières doivent faire l'objet d'une attention particulière au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales : seul un motif sanitaire impérieux peut justifier le report du scrutin.
Il faut appliquer le principe constitutionnel de périodicité raisonnable des élections, comme l'a rappelé Philippe Bas.
Le Sénat avait prévu trois garde-fous, sur lesquels nous avons trouvé un équilibre en CMP.
Nous avions souhaité territorialiser l'information sur la situation sanitaire pour tenir compte des circonstances locales. Les recommandations générales du comité de scientifiques ne seraient pas assez précises, notamment pour les petites communes. Le Sénat a préféré une information des ARS, rendue publique tous les quinze jours. La rédaction de la CMP précise qu'il s'agit de données épidémiologiques chiffrées, non d'un avis de fond ; loin de nous l'idée de lier la décision à l'avis de l'ARS.
Deuxième garde-fou, le Sénat avait visé les vacances survenues avant le 16 février 2021, date de sortie de l'état d'urgence sanitaire. La rapporteure de l'Assemblée nationale a souligné un risque d'effet de seuil pour les législatives ; nous nous sommes donc ralliés à la date du 13 mars. Le ministère de l'Intérieur a confirmé qu'il n'était pas possible d'organiser trois scrutins le même jour ; le calendrier électoral devra être adapté en conséquence.
En contrepartie, la CMP a maintenu le troisième garde-fou prévu par le Sénat : une voie de recours permettant à tout électeur de demander au sous-préfet d'organiser l'élection lorsque la situation sanitaire le permet. L'absence de réponse sous quinze jours valant rejet, l'électeur pourra ensuite déposer un référé-liberté, sur lequel le juge administratif statuerait en 48 heures. C'est donc un contrôle juridictionnel et citoyen.
Enfin, la CMP a retenu la double procuration, prévue par l'Assemblée nationale, ainsi que la facilitation des procurations à domicile, prévue par le Sénat. Toutes les conditions ont été réunies pour un dénouement heureux. Je vous invite donc à voter ces textes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - Les débats au Sénat comme à l'Assemblée nationale ont permis d'enrichir ces textes ; la CMP a trouvé un équilibre. Merci, en particulier à vous, madame la rapporteure, pour ce résultat qui remplit les objectifs que nous partagions.
Les élections ne seront décalées que tant que les circonstances sanitaires particulières l'exigeront, notamment au regard de la campagne qui est un moment essentiel de la démocratie.
Vous avez voulu ajouter la double procuration, la hausse du plafond des dépenses de campagne, l'éclairage des ARS et la possibilité d'un recours. Les échanges entre les deux chambres et avec le Gouvernement ont été riches et constructifs. Ces mesures temporaires nous permettront d'adapter notre vie démocratique à la crise sanitaire sans la remettre en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Claude Malhuret . - Si la crise sanitaire bouleverse notre vie sociale, économique et démocratique, elle a révélé la formidable capacité d'adaptation des élus.
La deuxième vague requiert aujourd'hui de nouvelles adaptations dans le fonctionnement de nos institutions. Ces deux textes prévoient la possibilité de reporter les élections partielles. La navette les a enrichis et je suis heureux que la CMP ait été conclusive.
Je salue l'introduction par l'Assemblée nationale de la double procuration et de la majoration des plafonds de dépense de campagne de 5 % par mois.
Je me félicite que la commission des lois du Sénat ait préconisé une évaluation locale par les ARS de la situation sanitaire des circonscriptions concernées, permettant d'organiser plus vite les élections partielles là où c'est possible. Ces rapports seront établis tous les quinze jours et publiés.
Enfin, je me réjouis que le Sénat ait consacré le droit pour les plus vulnérables d'établir leur procuration à leur domicile et l'obligation pour l'État de fournir les équipements de protection adaptés pour les électeurs et les membres des bureaux de votes.
Le groupe Les Indépendants votera ces textes qui permettent de concilier sincérité du scrutin et préservation de la santé publique.
M. Thani Mohamed Soilihi . - La crise sanitaire a exigé des élus qu'ils adaptent leurs pratiques. La propagation de l'épidémie a conduit à reporter plusieurs échéances électorales.
Suivant l'avis du Comité scientifique, nous avons reporté le second tour des élections municipales du 22 mars au 22 juin, les élections consulaires de mai 2020 à mai 2021, le renouvellement des dix sénateurs des Français de l'Étranger et les élections départementales partielles.
Ces deux textes qui nous occupent poursuivent le même objectif : reporter, au plus tard le 13 juin, les élections partielles : deux législatives partielles, pour la 6e circonscription du Pas-de-Calais et la 15e de Paris, huit élections sénatoriales faisant l'objet d'un recours, les élections municipales dans 161 communes, certains arrondissements de Paris, Lyon et Marseille et à la métropole de Lyon, ainsi que l'élection des membres de 28 commissions syndicales des sections de communes.
Ces scrutins partiels auront lieu « dès que la situation sanitaire le permettra », au regard notamment des recommandations des ARS.
Je tiens à saluer la qualité du travail des deux rapporteures Catherine Di Folco et Catherine Kamowski, qui ont su trouver un consensus.
Parmi leurs apports, signalons l'extension des dispositions du texte à la Nouvelle-Calédonie, la création d'une voie de recours spécifique et l'obligation pour l'État de fournir les équipements de protection adaptés.
Le groupe RDPI votera les textes issus des travaux de la CMP.
Mme Maryse Carrère . - Nous le constatons depuis de nombreuses semaines, la covid met à l'épreuve nos institutions démocratiques. Depuis neuf mois, la gouvernance est faite de mesures provisoires et extraordinaires. Attention toutefois à ce que l'exception ne devienne pas la norme.
Il nous revient de consolider nos institutions pour qu'elles puissent tenir leur rôle, comme le rappelait ici le président Larcher la semaine dernière.
Nous avons toujours affiché notre soutien aux élus locaux qui font vivre la démocratie locale en dépit des circonstances.
Le calendrier électoral ignore la crise sanitaire ; il nous faut l'adapter pour que la pandémie ne soit pas synonyme de suspension de notre vie démocratique mais qu'elle révèle notre attachement à ce modèle. Le Sénat est au travail, avec notamment sa mission d'information pour évaluer la faisabilité du vote à distance. Nous en reparlerons en janvier.
À l'heure des réseaux sociaux et de la commercialisation de nos données personnelles, l'isoloir est peut-être le dernier lieu où chaque citoyen fait un choix libre, seul avec sa conscience.
Le report est donc nécessaire : il faut attendre, certes pas indéfiniment, mais le temps que les conditions sanitaires soient satisfaisantes, et que les conditions démocratiques garantissent des élections fiables et sincères, dans le respect du caractère secret et personnel du vote. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Mme Éliane Assassi . - Ce fut un examen express pour des textes qui permettront - nous l'espérons - de régler la situation pour les deux législatives partielles et la centaine de communes concernées, notamment celles qui sont sous le régime de délégation spéciale.
Les élections ne sauraient être confisquées, et nous avons dénoncé le manque d'anticipation du Gouvernement. Sur de tels sujets, les conditions d'examen parlementaire devraient être plus sereines.
Nous serons vigilants sur la tenue des élections partielles au plus vite, dès que la situation sanitaire le permet. L'exception ne peut devenir la norme.
La décision doit s'appuyer sur des évaluations chiffrées et localisées. Nous nous réjouissons que la solution du Sénat ait été conservée : une appréciation au regard des données épidémiologiques rendues publiques par les ARS tous les quinze jours.
Ce cadre doit permettre aux communes d'organiser les élections dans de bonnes conditions. L'abstention est un fléau que la crise a aggravé. Il est crucial de soutenir la participation. À cet égard, la facilitation des procurations et la majoration des dépenses de campagne sont bienvenues.
Les inquiétudes sont légitimes sur les élections départementales et régionales. Le calendrier électoral doit être régulier et éviter les embouteillages. Il est temps, madame la ministre, de présenter votre texte sur le report de ces élections.
Nous voterons ces textes, tout en restant vigilants.
M. Loïc Hervé . - Une fois encore, l'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord, c'est heureux.
Mardi matin, la commission des lois examinait le texte arrivé de l'Assemblée nationale ; l'après-midi, nous l'adoptions en séance publique. Il y a tout juste quatre heures, la CMP aboutissait, et ce soir nous en votons les conclusions. Rarement nous avons connu des délais aussi contraints. J'espère, madame la ministre, que la crise sanitaire ne servira pas de prétexte à une telle organisation à l'avenir.
Je salue le travail des deux rapporteures et leur ouverture. Nos deux chambres ont partagé le même objectif : que ces élections soient organisées le plus rapidement possible, au plus tard le 13 juin 2021.
Citons, parmi les apports du Sénat : la territorialisation des informations sanitaires en exploitant les données épidémiologiques transmises par les ARS tous les quinze jours ; l'organisation d'une voie spécifique de recours pour tout électeur - le silence du sous-préfet vaudra rejet et le juge des référés devra se prononcer sous 48 heures ; la possibilité de disposer de deux procurations. Nous regrettons toutefois que la date du 13 mars ait été retenue et non celle du 16 février.
Le Gouvernement nous a assuré qu'il serait impossible d'organiser trois élections dans la même journée - municipale, départementale et régionale : le calendrier sera heureusement adapté en conséquence.
Je salue l'accord conclu en CMP et en remercie nos collègues députés.
Le groupe UC votera ces deux textes, en espérant que nous n'ayons pas à en examiner de même type en 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Hussein Bourgi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il n'y aura pas de suspense ce soir : le groupe SER votera les projets de loi.
J'ai néanmoins quelques regrets, notamment le temps trop long mis par le Gouvernement pour saisir le Parlement de ces projets de loi. Le ministère de l'Intérieur aurait pu anticiper la vacance dans le Pas-de-Calais, ainsi que la nécessité d'organiser des municipales partielles...
Le Gouvernement nous invite à donner une base juridique à des décisions administratives de report : nous le ferons, madame la ministre.
Deuxième regret : l'impact démocratique de la covid-19 n'est pas souvent évoqué. Des dizaines de milliers de nos compatriotes sont privés de leur député pour les accompagner dans leurs démarches. Face à la crise, les citoyens ont besoin de tous leurs élus.
Une circonscription sans député, ce n'est pas sain pour la démocratie. Il faut déconfiner la démocratie ! Si l'état d'urgence sanitaire est levé le 16 février, il n'y aura plus de raison de ne pas organiser ces élections partielles dans la foulée.
Troisième regret : que nous n'ayons pas été suivis sur notre demande de calendrier des élections plus clair et plus lisible.
J'en viens aux points de vigilance. Le premier concerne le suivi territorial de la pandémie. Je forme le voeu que les ARS qui seront mobilisées sur la campagne vaccinale disposent du temps et des moyens pour établir les rapports attendus. Nous y serons attentifs.
Deuxième point de vigilance : nous attendons de la transparence sur les calendriers électoraux. Le volet démocratique sera aussi important que les volets économique et social.
Troisième point de vigilance : il faut que les candidats soient mieux informés par les préfectures des dates et modalités retenues.
Le groupe SER votera les textes dans un esprit de responsabilité, qui est celui de la CMP et celui de tout cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Jacky Deromedi . - Ces textes procèdent à des ajustements du droit électoral dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Je regrette les délais très brefs dans lesquels nous avons été saisis, en quelques jours à peine ! La procédure législative a été réduite à sa plus simple expression... L'adoption de ces textes avant la fin du mois de décembre était impérative. Cette précipitation révèle malgré tout le manque d'anticipation du Gouvernement.
Mais la situation sanitaire nous engage à opérer ces ajustements au regard de la règle des trois mois. Le report des élections départementales et régionales est d'ailleurs déjà envisagé, à la suite du rapport Debré...
L'autorité administrative a déjà pu annuler certaines élections partielles en se fondant sur la théorie des circonstances exceptionnelles, mais une intervention du législateur était néanmoins nécessaire.
Le Sénat a amélioré ce texte, améliorations largement maintenues dans le texte issu de la CMP. Plusieurs garde-fous ont ainsi pu être édictés.
Tout d'abord en substituant la consultation des ARS, plus proches du terrain, à celle du comité de scientifiques.
Ensuite, en prévoyant une voie de recours spécifique pour tout électeur demandant l'organisation du scrutin quand la situation le permet. Le silence du sous-préfet vaudra rejet et permettra un référé liberté sous 48 heures.
Enfin, en posant des garanties supplémentaires pour le bon déroulement du scrutin, notamment des équipements de protection. Ces changements ne sont pas anodins, mais la situation n'est pas anodine.
Le groupe Les Républicains votera ces projets de loi tout en restant vigilant. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE)
La discussion générale est close.
Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°50 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 343 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté le projet de loi organique.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, lundi 14 décembre 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 15.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication