Financement de la sécurité sociale pour 2021 (Nouvelle lecture)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Discussion générale
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas ordinaire, preuve que les textes débattus au Parlement font écho à la vie bouleversée de nos concitoyens.
Le Gouvernement a fait des choix clairs et ambitieux pour combattre le virus, soutenir l'hôpital public et les soignants, consacrer de nouveaux droits et agir face au risque croissant de la perte d'autonomie.
Avant l'adoption prévisible de la question préalable, je veux rappeler que l'Ondam, déjà majoré de 10,1 milliards d'euros dans le texte initial, a été rehaussé de 3,2 milliards d'euros supplémentaires pour tenir compte des surcoûts liés à la crise sanitaire et revaloriser les salaires des soignants. Nous sommes bien au rendez-vous, le « quoi qu'il en coûte » n'était pas une simple formule.
Je me félicite du vote conforme sur la prime Covid pour les aides à domicile et la revalorisation dans les Ehpad, de 183 euros dans les secteurs public et privé non lucratif, et de 160 euros dans le secteur privé lucratif. Personne ici ne peut juger cette hausse injustifiée.
Je me félicite de l'adoption conforme de l'allongement du congé de paternité, voté à la quasi-unanimité. Une cinquantaine d'articles ont fait l'objet d'un vote conforme, comme la mission d'intérêt général contre les violences faites aux femmes ou le tiers payant pour les frais liés à l'IVG.
La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a permis des aménagements en vue d'un accord, sur la lutte contre la fraude notamment.
L'Assemblée est en revanche revenue sur certaines dispositions introduites par le Sénat, comme l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. S'agissant du financement de la revalorisation des métiers du domicile, nous sommes revenus à un dispositif qui respecte la compétence des départements, qu'il ne s'agit pas de déresponsabiliser.
L'objet de cette aide est bien de financer l'augmentation salariale. Nous avons ainsi agréé l'avenant 44 de l'aide à domicile. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) couvrira aussi les salariés et les non-salariés agricoles, sans que cela remette en cause le rôle essentiel que joue la Mutualité sociale agricole (MSA) dans les territoires. La création de la branche autonomie ne prive nullement les caisses de MSA de leurs missions en soutien à la perte d'autonomie.
La reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux apportera 13 milliards d'euros à notre système de santé. Soignants, hôpital public, autonomie nous mobilisent tous. Les débats se poursuivront avec le projet de loi Grand âge et autonomie qui continuera à améliorer la protection sociale de nos concitoyens tout au long de la vie. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - L'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture ce PLFSS dans la nuit de mardi à mercredi ; encore une fois, les délais sont particulièrement contraints.
Comme annoncé, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée des amendements qui dégradent le solde prévisionnel de 8 milliards d'euros par rapport à notre vote en première lecture, pour prendre en compte la dégradation des hypothèses macroéconomiques.
Le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'établirait à 34,9 milliards d'euros, pour 552,4 milliards d'euros de dépenses, et à 35,8 milliards pour le seul périmètre du régime général et du FSV. On est bien au-delà du précédent record de déficit, de 28 milliards d'euros en 2010. La pente sera difficile à remonter.
L'Assemblée nationale a retenu 55 de nos amendements, dont cinq partiellement.
Concernant la mise en place de la branche autonomie, le principe d'une conférence des financeurs du soutien à l'autonomie a été conservé, même si les députés ont aligné son périmètre sur celui du conseil de la CNSA.
Ont également été conservés plusieurs dispositifs antifraudes : annulation automatique des numéros d'inscription au répertoire (NIR) obtenus frauduleusement, déconventionnement d'office du praticien en cas de fraude...
Mais l'Assemblée nationale a surtout supprimé de nombreux apports du Sénat. Le refus de pérenniser le dispositif d'exonération Travailleurs occasionnels-Demandeurs d'emploi (TO-DE) pour les saisonniers agricoles est regrettable. Il faudra à nouveau le prolonger fin 2021 et fin 2022, car il répond à l'équilibre économique des filières concernées. Donnons-leur une visibilité en le pérennisant, plutôt qu'une impression de sursis permanent.
Nous avons avec l'Assemblée nationale des différends fondamentaux : sur la non-compensation à la sécurité sociale des pertes de recettes des deux dernières années, au mépris des principes du rapport Charpy-Dubertret ; sur la non prise en charge par l'État du budget de Santé Publique France, passé en un an de 150 millions d'euros à 4,8 milliards d'euros ; sur la prise en charge par la Cades du financement d'un tiers de la dette des hôpitaux, qui plus est conditionnée à de nouveaux investissements ; sur la mise en place de la conférence de financement des retraites, assortie en cas d'échec de mesures paramétriques à compter de 2022. Autant de désaccords de principe qui ont fait échouer la CMP.
Comment revenir à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale si on la leste de dettes qui ne sont pas les siennes, si l'on multiplie les entorses à la loi Veil, si l'on fait financer n'importe quoi par la Cades ? Certains ministres envisagent déjà, mezzo voce, d'y loger la dette covid de l'État...
Dans ces conditions, la commission a préféré acter la fin du dialogue utile entre les deux assemblées et vous proposera d'adopter une motion opposant la question préalable.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Bravo !
M. Daniel Chasseing . - Nous regrettons que la CMP ne soit pas parvenue à un accord car ce PLFSS comporte des avancées significatives, à commencer par les 9 milliards d'euros de revalorisations salariales pour les soignants.
Nous regrettons le rejet par l'Assemblée nationale de nombreux apports du Sénat, certains à notre initiative, comme la suppression de la part salariale pour la prime de feu des sapeurs-pompiers ou la téléconsultation avant tout passage aux urgences.
Nous nous félicitons du maintien des mesures de lutte contre la fraude, et de la réunion d'une Conférence des financeurs de l'autonomie - les besoins s'élèveront à 2 milliards d'euros dès 2021, 6 milliards en 2024, 10 milliards en 2030. Il faudra à la fois doubler le nombre de soignants en Ehpad et renforcer le maintien à domicile avec un plan d'adaptation des logements à la dépendance. Nous attendons beaucoup du projet de loi Grand âge et autonomie.
Les circonstances ne sont pas favorables à une réforme des retraites, mais vu le vieillissement de la population et le déficit de la branche vieillesse, de 8 milliards d'euros en 2020, il faut des mesures pour maintenir le niveau des retraites. Nous étions favorables à la hausse du taux de contribution.
Le groupe RDPI n'était pas opposé à la reprise d'une partie de la dette hospitalière par la Cades. La sous-revalorisation chronique de l'Ondam - 2 % seulement entre 2012 et 2017 - a creusé le déficit des hôpitaux, qui ont dû emprunter pour leur fonctionnement. De même, les dépenses exceptionnelles de Santé Publique France auraient dû être couvertes par l'Ondam.
Le groupe RDPI s'abstiendra sur la motion.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Le groupe écologiste salue les quelques avancées du PLFSS : Ségur de la santé, allongement du congé paternité, maisons de naissance, avancement de la prime à la naissance.
Hélas, ce texte maintient la trajectoire austéritaire. L'hôpital est sommé de réaliser 800 millions d'euros d'économie ; sa dette n'est pas reprise par l'État ; la branche autonomie n'est pas financée. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux.
Nous regrettons le rejet de mesures de lutte contre le non-recours aux prestations sociales, le rétablissement du transfert de l'allocation supplémentaire d'invalidité vers la sécurité sociale ou celui de la surcotisation salariale des sapeurs-pompiers, dont le Sénat avait largement voté la suppression.
Les députés de la majorité se sont livrés à un détricotage systématique du travail du Sénat.
Nous regrettons le rejet de la compensation à son coût réel de Santé Publique France par l'État et estimons que la dette des hôpitaux, qui découle des sous-financements antérieurs, relève de la responsabilité de l'État.
Notre amendement visant à garantir une répartition territoriale équitable des 150 millions d'euros pour les services à domicile a été supprimé par l'Assemblée nationale au profit d'un mécanisme calqué sur la prime Covid, source de disparités et d'injustice.
Nous demandions que soient revalorisés les salaires des oubliés du Ségur. Notre groupe a alerté sur les effets délétères de ces inégalités de traitement, alors que la digue du domicile permet à l'hôpital, lui-même sinistré, de tenir en cette période.
Vous priez la branche du domicile de revenir à la table des négociations alors que les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur une réforme ambitieuse. Les conséquences seront dramatiques.
En revanche, le groupe écologiste ne regrettera pas la tentative, par la majorité sénatoriale, d'accélérer la contre-réforme des retraites.
Nous voterons contre ce texte, quasi identique au texte initial.
M. Martin Lévrier . - En première lecture, le Sénat a profondément modifié ce PLFSS.
Ainsi, l'article 27 sur la reprise partielle de la dette hospitalière a été supprimé. Que dire de l'amendement adopté en catimini par la majorité Les Républicains sur le report de l'âge de la retraite ? Il était évident que la CMP ne pouvait être conclusive.
Néanmoins, les députés ont joué le jeu du bicamérisme et retenu une bonne partie des apports du Sénat, notamment sur la fraude sociale ou l'extension du droit d'action directe à l'encontre des assureurs des anciens centres de transfusion sanguine.
Des députés serviles, une administration omnipotente : voilà ce qui justifierait le rejet d'une discussion sur le PLFSS, selon la commission des affaires sociales. Ce PLFSS singulier donne pourtant une traduction législative concrète à la lutte contre l'épidémie. Quelle tristesse que cette posture politicienne qui, avec la motion de rejet, écorne le bicamérisme !
Les grandes transformations structurelles que sont la revalorisation des salaires décidée par le Ségur...
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Elle n'a rien de structurel !
M. Martin Lévrier. - ... l'augmentation de l'Ondam, l'allongement du congé de paternité ou encore la création de la cinquième branche ne seraient-elles pas à la hauteur de vos quelques propositions non retenues à l'Assemblée ?
Le groupe RDPI votera contre la motion.
Mme Véronique Guillotin . - C'est un sentiment d'inachevé pour le groupe RDSE.
Le PLFSS est un moment fort du calendrier législatif, tout particulièrement cette année. Notre groupe attendait autre chose qu'un blocage entre les deux chambres qui constituent le socle de notre modèle démocratique.
Mme Laurence Rossignol. - Très bien !
Mme Véronique Guillotin. - La motion marquera la fin de nos travaux sur le texte alors qu'un consensus pouvait être trouvé.
Pas moins de 42 articles ont été adoptés conformes, sur l'activité partielle, la revalorisation des carrières des personnels hospitaliers, la cinquième branche, l'allongement du congé paternité. Ce dernier point a été adopté après un long débat. Déjà, la presse était prête à caricaturer les papis et mamies du Sénat ; nous avons montré que nous étions prêts à accompagner les évolutions de notre société.
L'Assemblée nationale a retenu nos apports sur la pratique sportive en entreprise ou sur les maisons de naissance notamment.
Néanmoins, de profonds désaccords, notamment sur les retraites, ont cristallisé les oppositions. Cette réforme majeure mérite à nos yeux une concertation approfondie et un projet de loi dédié.
Nous regrettons toutefois le rejet par l'Assemblée nationale de l'obligation de quatre mois de stock pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Le Gouvernement souhaite deux mois maximum, par « réalisme ». La réalité, c'est que 45 % des personnes confrontées à des pénuries de médicaments ont été contraintes de reporter leur traitement, voire d'y renoncer. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Bernard Jomier. - Bravo !
Mme Véronique Guillotin. - Ces pénuries s'aggravent : 3 200 médicaments à intérêt thérapeutique majeur manquaient en 2020, contre 40 en 2008. Notre rapport, il y a deux ans déjà, sonnait l'alarme.
« La France gouvernée par une assemblée unique, c'est l'océan gouverné par l'ouragan » disait Victor Hugo. Le bicamérisme garantit la qualité de la loi. Le groupe RDSE souhaitait la poursuite des débats et votera contre la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et RDPI)
Mme Laurence Cohen . - Le ministre de la Santé, avec qui nous n'avons pas eu l'honneur d'échanger, en première comme en seconde lecture (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche comme à droite), a évoqué devant les députés un PLFSS « exceptionnel », qui ne fait pas le choix de l'austérité. Qui est dupe ? L'Ondam 2021 suit la même logique que les années précédentes, avec une progression de 2,4 %, bien inférieure à l'augmentation tendancielle des dépenses de santé. Vous rognez 4 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros pour l'hôpital. C'est ce que j'appelle une cure d'austérité.
L'hôpital reste une variable d'ajustement. De 2008 à 2017, 10 % des établissements ont été fermés, 15 % des lits ont été supprimés. Le CHU de Sainte Marguerite à Marseille va perdre sa pharmacie, après ses urgences et son service de réanimation. La construction de l'hôpital Nord en Île-de-France se traduira par la fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon, et la perte de 300 à 400 lits.
Alors que la covid-19 a montré qu'il fallait repenser la place de nos aînés en situation de dépendance, le plan gériatrie de l'AP-HP se poursuit, avec une baisse de 40 % de lits de soins de longue durée.
Ce projet de loi de financement n'a décidément rien d'exceptionnel.
Vous dites vouloir améliorer l'attractivité des métiers à l'hôpital, mais les étudiants en santé et les soignants démissionnent sans bruit car ils n'en peuvent plus.
Vous dites vouloir reconnaître ceux qui ont été en première ligne, mais 50 000 agents du médico-social, dont le secteur de la psychiatrie, sont exclus des revalorisations du Ségur.
L'avenant 43 qui prévoit un rattrapage pour la branche des soins à domicile a été considéré comme trop onéreux par le Gouvernement. Le « quoi qu'il en coûte » ne s'applique décidément pas à tout le monde !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Allez dire cela aux départements.
Mme Laurence Cohen. - Pour ce 75e anniversaire de la sécurité sociale, le Gouvernement continue à affaiblir notre système de protection sociale. Nos amendements ont été rejetés. Le groupe CRCE votera contre ce PLFSS qui tourne le dos à une société solidaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Votre méthode nous pose problème, madame la ministre. Vous avez légitimement exercé vos prérogatives constitutionnelles à l'Assemblée nationale, où le fait majoritaire s'est exprimé.
Dans cette loi de financement de la sécurité sociale, marquée par un contexte mouvant, nous ne vous avons jamais reproché une quelconque insincérité, alors que le texte n'a cessé d'évoluer. Mais vous avez balayé nombre d'apports du Sénat qui relevaient non du fait majoritaire mais d'une réflexion parlementaire réfléchie.
L'absence du ministre de la Santé tout au long du débat est, à ma connaissance, inédite. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - C'est l'Arlésienne !
M. Bernard Jomier. - Vous imposez la volonté de l'exécutif au mépris du jeu démocratique. Et ce constat est partagé jusque dans les rangs de la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale ! C'est celui d'une démocratie parlementaire que vous altérez.
Nous comprenons la question préalable, même si, par principe, nous préférons continuer à travailler.
Vous avez systématiquement refusé les amendements qui précisaient la compensation pourtant annoncée par l'État.
Le transfert à la Cades d'une dette relevant de l'État montre à quel point le budget social devient pour vous une annexe du budget de l'État.
Vous refusez, sur certains points, de discuter à partir de faits. Vous dites que les missions de Santé Publique France relèvent du budget de la sécurité sociale, mais les faits sont têtus : la veille sanitaire relève bien des compétences de l'État ! Difficile de débattre dans ces conditions.
Sur les stocks de médicaments, on peut discuter du niveau de stock optimal, mais vous ne pouvez pas vous abriter derrière le droit européen, alors que la Finlande applique ce que nous proposions.
Vous dites que les TO-DE sont trop coûteux pour les finances sociales - finances que vous dégradez volontairement ! Nous regrettons aussi votre refus de tout progrès pour l'outre-mer et les sapeurs-pompiers.
Opposés à ce budget d'injustice sociale, nous ne voterons pas la question préalable, mais les arguments en sa faveur sont signifiants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contexte de ce PLFSS est historique. La crise a bouleversé les finances sociales, le Gouvernement a dû réviser trois fois les tableaux d'équilibre au cours de l'examen du texte. Le groupe Les Républicains les a toujours adoptés, en responsabilité.
Une disposition adoptée au Sénat établissant un seuil unique de chiffre d'affaires pour l'aide aux entreprises des listes S1 et S1 bis a été conservée. L'Assemblée nationale a rejoint le Sénat sur le financement de la cinquième branche.
Mais ces notes positives sont rares. Nous regrettons la suppression de la pérennisation du dispositif TO-DE, de la baisse des charges sociales pour les médecins en zone sous-dense, du statut de junior entrepreneur.
La majorité sénatoriale avait proposé un dispositif très progressif sur les pensions. Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), le système des retraites ne reviendra pas à l'équilibre avant les années 2030. Depuis les années 1980, l'espérance de vie a augmenté de sept ans, or l'âge moyen du départ à la retraite baisse. Si nous ne faisons rien, les niveaux de pensions vont baisser. Or nous refusons la paupérisation des aînés.
Le déficit de 33,7 milliards d'euros de la branche maladie ne nous satisfait pas plus que la prévision pour 2021, à 23,7 milliards d'euros. Pour répondre en partie au mécontentement des professions libérales, insuffisamment associées au Ségur, le Sénat avait voté l'avancement de la convention médicale à mars 2022 au lieu de mars 2023 ; vous ne l'avez pas écouté.
Le volet hospitalier du plan de relance ne devrait pas relever des finances sociales. Ce n'est pas dans l'esprit de 1945.
La CMP a échoué notamment à cause de la reprise de la dette hospitalière. La Cades n'a pas pour objet de se substituer à l'État. Nous sommes face à une méthode verticale contraire à l'esprit du débat parlementaire.
Nous regrettons l'absence de cap et de vision. Nous regrettons aussi l'absence du ministre de la Santé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, SER et CRCE) Vous n'avez pas choisi de vous appuyer sur la sagesse du Sénat. Vous êtes généreux sur le secondaire, avares sur l'essentiel. Vous auriez pu souligner que les efforts doivent être supportés par les Français mais vous avez préféré réserver une facture salée aux générations futures.
Nous vous avons donné les moyens d'agir contre la pandémie. Soyez à l'avenir plus attentifs à la voix du Sénat, qui fait preuve de sagesse et de hauteur de vue. La reprise de la dette des hôpitaux étant un point de rupture, le groupe Les Républicains votera la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'excellent travail de nos collègues de la commission des affaires sociales. Nous avons adopté de nombreux amendements pour enrichir ce texte.
Les années passent et se ressemblent. Voici ce que déclarait le Premier Ministre en juillet à cette tribune : « Si j'ai tenu à présenter la politique de mon Gouvernement devant le Sénat, c'est avant tout pour marquer mon attachement personnel, peut-être familial, au bicamérisme et à l'équilibre démocratique qu'il permet de garantir »... Un échec en CMP n'est certes pas une atteinte au bicamérisme. Mais si les sénateurs siégeant à la CMP avaient la volonté d'aboutir à un compromis, ce n'était visiblement pas le cas des députés. Ce n'est pas nouveau dans la Vème République, mais ce n'est pas une raison pour s'en satisfaire.
Pendant les débats, nous avons trop souvent le sentiment que le ministre au banc n'a pas de marge de manoeuvre, et que les réponses sont déjà écrites. (Mme la ministre déléguée se récrie.) Peut-être est-ce la vraie raison de l'absence du ministre de la Santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains)
Françoise Gatel avait fait adopter deux amendements sur l'autonomie, dont un qui définissait la notion de « domicile à usage privatif », pour éviter que les Urssaf aient des pratiques différentes ; ils n'ont pas été repris. Françoise Férat avait fait rétablir le plafond de 1,25 Smic pour les exonérations de charge des TO-DE ; il n'a pas été retenu. Nos collègues Hervé Maurey, Pascal Martin, Jocelyne Guidez, Alain Duffourg, Nadia Sollogoub, Annick Jacquemet, Jean-Pierre Moga avaient fait adopter la suppression de la part salariale de la surcotisation versée par les sapeurs-pompiers à la Caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL) ; elle n'a pas été conservée. Même chose pour la cotisation ubuesque sur les cartes de service des salariés d'entreprises de transports, pour les amendements de lutte contre la fraude de Nathalie Goulet et Jean-Marie Vanlerenberghe. Même chose pour mon amendement sanctuarisant les dispositifs médicaux innovants.
Élisabeth Doineau avait renforcé l'autonomie des sages-femmes dans les maisons de naissance et associé la comptabilisation de l'activité des maisons de naissance à celle de leurs structures partenaires. Cela a été rejeté. Michel Canevet avait proposé d'améliorer la régulation des urgences, dont beaucoup d'actes pourraient être pris en charge par la médecine de ville. Cette disposition n'a pas non plus été retenue.
Nous avions aussi étendu aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes les avantages maternité et paternité dont bénéficient les médecins conventionnés. Cela non plus n'a pas été repris.
Les dés étaient pipés d'avance ; le groupe UC votera donc la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme le président. - Motion n°1, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur de nombreux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que le montant des compensations de l'État à la sécurité sociale des pertes de recettes et des nouvelles charges qui lui ont été affectées, la prise en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) d'une partie de la dette des hôpitaux, ou encore la nécessité d'engager dès à présent la concertation sur le retour à l'équilibre financier de la branche vieillesse ;
Considérant que la non-compensation au juste niveau du budget de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) ainsi que l'absence de compensation de diverses mesures de pertes de recettes décidées depuis deux ans à partir de l'hypothèse caduque d'un excédent durable des comptes de la sécurité sociale détériorent artificiellement le déficit de la sécurité sociale et rendront plus douloureuses les mesures à prendre pour revenir à l'équilibre des comptes ;
Considérant que la prise en charge par la Cades, à la place de l'État, d'une partie de la dette des hôpitaux est totalement injustifiée sur le plan des principes et crée un précédent dangereux de transfert d'une charge indue à cette caisse ;
Considérant qu'il est nécessaire d'affirmer dès à présent la nécessité de corriger les déséquilibres structurels de la branche vieillesse et de mobiliser les partenaires sociaux à cette fin dans les meilleurs délais ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - Au terme d'un parcours singulier, les principaux articles de ce PLFSS et l'article d'équilibre ont été modifiés à plusieurs reprises. Ce texte est inédit par l'ampleur abyssale des déficits, acceptés par le Sénat pour éviter que notre économie ne plonge.
Face à la plongée vertigineuse des finances publiques, à peine convalescentes, le Sénat a voulu réaffirmer la nécessité de rétablir rapidement les finances sociales pour éviter l'effondrement du système.
Cela s'est traduit par deux amendements : l'un sur la trajectoire et l'autre sur les retraites, avec une réforme paramétrique - ce qui n'a rien de péjoratif.
Avant la crise sanitaire, le Sénat aurait dû examiner un projet de loi de réforme des retraites, adopté à l'Assemblée nationale après recours à l'article 49-3 de la Constitution. Nous avons voulu relancer ce processus car la réforme est nécessaire.
Il faut réformer clairement et pour de bonnes raisons, et non parce que l'assurance maladie a dû rembourser les masques à Santé publique France ! S'il faut renflouer la Cades, ce n'est pas pour permettre aux hôpitaux d'investir. Nous sommes favorables à la règle du « chacun chez soi ».
Revenons aux fondamentaux des dépenses sociales : maladie, chômage, retraites, financés par des cotisations. Des allègements sans compensation ne produisent que des déficits.
Ne perdons pas de vue l'équilibre. Il est illusoire et dangereux de prétendre pouvoir s'en dispenser.
La commission des affaires sociales considère avoir épuisé le dialogue institutionnel sur le PLFSS, alors que de nombreux points d'accord semblaient possibles. C'est pourquoi elle a déposé une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Sans surprise, mon avis est défavorable. Je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges...
Mme Laurence Rossignol. - Ce n'est pas réciproque !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - J'ai la correction de vous laisser parler, veuillez faire de même. (Mme Laurence Rossignol manifeste, en se tapant sur les doigts, qu'elle a été réprimandée.)
J'ai noté les désaccords qui demeurent.
Mme Laurence Cohen. - Cette motion est justifiée. Le groupe CRCE avait déposé une question préalable dès le début de la première lecture, sans illusions sur l'écoute du Gouvernement et de la majorité présidentielle... Nous nous abstiendrons cette fois-ci, en raison de notre désaccord avec la majorité sénatoriale sur le financement de la branche vieillesse. Vous voulez allonger la durée de cotisation, nous préférons d'autres voies. (M. Laurent Duplomb proteste.) Comme cela figure dans la motion, nous ne la voterons pas.
Ce PLFSS ne prend pas en compte la crise structurelle de notre système de santé. Chacun dénonce les déserts médicaux, mais vous créez une course d'obstacles pour les centres de santé dans des zones « sur-dotées » - qui restent à définir. Vous leur imposez un agrément de l'ARS, alors que la majorité des professionnels veulent le salariat. Je regrette que nous ne puissions débattre avec le ministre de la Santé, aux abonnés absents. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est la quatrième motion sur ce texte, à la hauteur du mépris de la majorité présidentielle, qui a minutieusement démantelé tous les ajouts du Sénat, trahissant son dédain pour tout ce qui ne vient pas d'elle. Ce jusqu'au-boutisme aveugle étonne, à l'heure où le Président de la République appelle à l'unité nationale...
Désormais, on nous impose un examen de plus en plus contraint, avec une adoption à l'Assemblée nationale mardi dans la nuit. Rien de surprenant pour qui considère le Parlement comme une chambre d'enregistrement.
Ulcéré par un fond dogmatique et un procédé péremptoire, le GEST s'abstiendra en raison du désaccord sur la branche vieillesse. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme Laurence Rossignol. - Le groupe SER s'abstiendra pour envoyer un message au Gouvernement : de nombreux amendements bienvenus du Sénat, comme celui sur le non-recours aux droits pour les plus défavorisés, n'ont pas été repris. La CMP a échoué rapidement, la capacité législative du Sénat n'étant pas prise en compte. Mais nous ne voterons pas la question préalable, en raison de désaccords avec le texte du Sénat, en particulier sur le recul de l'âge de départ à la retraite et l'allongement de la durée de cotisation.
Madame la ministre, ne vous offusquez pas lorsque des parlementaires s'exclament. Cela fait partie du débat, et figure au compte rendu ! Vous-même n'avez pas été une parlementaire muette, même si votre place actuelle est inconfortable, j'en conviens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
M. Daniel Chasseing. - Malgré la dégradation du budget de la sécurité sociale, le Gouvernement a bien fait de revaloriser les salaires des soignants.
Il faut cependant maintenir le niveau des retraites. Le groupe Les Indépendants s'abstiendra. Une partie des 13 milliards de dette des hôpitaux sont la conséquence d'un Ondam sous-doté : 2 % seulement entre 2012 et 2017, alors que la hausse des dépenses atteignait 7 %. Les hôpitaux ont dû emprunter pour acheter du matériel courant.
J'espère que la cinquième branche pourra être créée. Nous avons un déficit de personnel dans les Ehpad, il faut y remédier.
Nous regrettons l'absence d'accord entre les deux assemblées sur ce PLFSS.
M. Martin Lévrier. - Le groupe RDPI votera contre la question préalable, par respect du bicamérisme. Le débat, c'est la controverse, le travail ; ce n'est pas invectiver une ministre qui est en train de remercier ! Vous refusez d'examiner un texte qui augmente l'Ondam, qui consacre le Ségur, qui augmente les salaires des soignants. Tout cela parce que l'Assemblée nationale ne reprend pas des mesures inapplicables sur les retraites, introduites au dernier moment, alors que le Gouvernement a stoppé sa réforme à cause de la pandémie ! Je regrette que le Sénat ne veuille pas débattre, et montre cela aux Français. (« Oh » sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Véronique Guillotin. - Le RDSE s'oppose par principe aux questions préalables. Il est réticent face aux mesures proposées par la majorité sénatoriale sur les retraites - une réforme est nécessaire, mais pas dans ce PLFSS. Nous ne voulons pas donner un blanc-seing au Gouvernement. J'ai aussi le sentiment que le Sénat n'est pas écouté ; l'absence du ministre de la Santé est choquante, et nos propositions sont balayées d'un revers de main, même si ce PLFSS de crise comporte aussi quelques avancées.
La motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°36 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 237 |
Pour l'adoption | 199 |
Contre | 38 |
Le Sénat a adopté et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est rejeté.