Bilan de l'application des lois
M. le président. - L'ordre du jour appelle le bilan de l'application des lois.
Nous voici réunis pour ce rendez-vous annuel du bilan de l'application des lois. Cela fait près d'un demi-siècle que le Sénat fait de ce contrôle une priorité. Chaque année, il en affine le périmètre.
Les commissions suivent la parution des décrets d'application, mais aussi d'autres sujets tels que les ordonnances sur lesquelles nous vous avons interpellés l'an dernier. Elles ont été replacées au coeur de l'actualité par la crise sanitaire puisque nous avons voté, dans les mois qui viennent de s'écouler, des dizaines d'habilitations dont certaines n'étaient pas dictées par l'urgence. Le Parlement a prouvé en supprimant certaines de ces habilitations, finalement inscrites directement dans la loi, qu'il pouvait légiférer vite.
Le délai est en moyenne plus long pour la publication d'ordonnances que pour l'application d'une loi ! L'argument de la célérité ne se vérifie donc pas toujours dans les faits.
Mme la présidente Létard va nous présenter son excellent rapport sur les 49 lois votées pendant la période.
Mme Valérie Létard, vice-présidente du Sénat, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle . - Le bilan de l'application des lois est un temps fort du contrôle du Gouvernement. Il permet de s'assurer que les textes d'application sont pris en temps et en heure et respectent la volonté du législateur.
Tout au long de l'année, les commissions permanentes mènent un travail approfondi de veille règlementaire pour les textes d'application relevant de leur compétence. Ce suivi a dû cette année être effectué dans des conditions délicates du fait de la crise sanitaire. Je remercie vivement les commissions de leur mobilisation.
La résolution du 6 juin 2019 modifie le Règlement du Sénat en confiant au rapporteur d'un projet ou d'une proposition de loi la responsabilité du suivi de son application. La mesure est trop récente pour être évaluée. L'efficacité du bilan de l'application des lois découle également d'un dialogue nourri avec les administrations et le secrétariat général du Gouvernement, comme en témoigne le nombre de décrets d'application parus seulement quelques jours après la communication des commissions en la matière.
Au cours de la session 2018-2019, soit du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, 49 lois ont été votées, dont 22 d'application directe. Près de la moitié des lois votées cette année sont d'initiative parlementaire.
Le taux global d'application est de 72 %, en baisse par rapport à l'année dernière où il était de 78 %. Sur les 918 mesures règlementaires attendues, seules 660 ont été publiées. Je le regrette d'autant plus que les perturbations liées à la crise sanitaire ne concernent que peu les textes prévus par les lois adoptées au cours de la dernière session. En effet, le Gouvernement s'engage depuis 2008 à prendre les décrets d'application six mois au plus après la parution des lois. Ce délai était déjà écoulé au début de la crise sanitaire.
Il y a un an, je me félicitais de la réduction du délai nécessaire à la prise des mesures d'application. Cette année, le délai a été d'un mois de plus que lors de l'année précédente, à cinq mois et douze jours après la promulgation de la loi. Les raisons de ce retard sont parfois liées à des difficultés juridiques apparues notamment lors des consultations obligatoires, de la notification à la Commission européenne, ou éventuellement du passage en Conseil d'État.
Le recours à la procédure accélérée est généralisé et concernait 31 lois sur la session 2018-2019. Il est essentiel que la mise en application complète des lois soit à la hauteur de la rapidité exigée du législateur.
Le taux de remise de rapports demandés par le Parlement au Gouvernement est très faible, à 12 % contre 35 % l'an passé. C'est d'autant moins compréhensible pour les rapports demandés par le Gouvernement lui-même, pour lesquels le taux était de 8 % en 2017. C'est à croire que ce type de disposition avait pour seule vocation de donner une satisfaction de principe à une demande sans réelle volonté d'aboutir. Le Sénat s'est efforcé de son côté de limiter les demandes de rapport aux seuls cas où ils sont indispensables à l'information du Parlement.
Les raisons pour lesquelles certains décrets ne sont pas publiés sont parfois confuses. Ainsi, on attend toujours le décret approuvant les nouveaux statuts d'Action Logement. L'arrêté nécessaire à la mise en place du comité des partenaires réunissant élus et opérateurs du logement social n'est pas paru. J'ai peine à croire que ce retard soit dû à de simples raisons techniques. Cet exemple illustre également les différences d'interprétation dans nos méthodes de décompte des textes d'application. Il en est de la gouvernance d'Action Logement comme de l'ensemble des rapports dits de l'article 67 : le bilan ne peut être dressé qu'en prenant en compte les arrêtés.
Plus d'une cinquantaine d'ordonnances a été prise pendant la crise sanitaire. Il y a un an, vous nous aviez indiqué, monsieur le ministre, qu'au cours des six dernières années, le nombre d'habilitations à légiférer par ordonnance était supérieur au nombre de lois adoptées par le Parlement. Pour autant, encore une fois, l'argument de la rapidité ne tient pas. Le délai moyen entre la promulgation de la loi d'habilitation et la publication des ordonnances est de près d'un an, soit un délai supérieur au temps moyen d'adoption de la loi.
De nombreuses habilitations restent sans suite. Par exemple, l'ordonnance prévue à l'article 17 de la loi pour un État au service d'une société de confiance devait être publiée avant avril 2019 mais le Gouvernement a depuis indiqué y avoir renoncé.
Par ailleurs, la ratification des ordonnances n'est pas toujours effective, faute d'inscription des projets de loi de ratification à l'ordre du jour des Assemblées. Depuis de longues années, cela prive le Parlement d'un débat sur la conformité de l'ordonnance à la volonté du législateur. Aux termes de la décision du Conseil constitutionnel « Force 5 » du 28 mai dernier, une ordonnance non ratifiée acquiert valeur législative à compter de la fin du délai d'habilitation, dès lors qu'elle intervient dans le domaine de la loi.
En d'autres termes, l'ordonnance devient la loi, avec deux conclusions à tirer : il est plus que jamais nécessaire de veiller, en amont, à la définition du périmètre de l'habilitation consentie au Gouvernement, et il faut s'interroger sur la portée exacte de la ratification par le Parlement.
À l'heure actuelle, les projets de lois de ratification, une fois déposés, ne sont que rarement examinés, faute d'inscription à l'ordre du jour dans un agenda parlementaire extrêmement dense. Monsieur le ministre, comment comptez-vous organiser cette inscription, indispensable à la poursuite du débat parlementaire et au plein exercice de la fonction de contrôle ?
En application de l'article 38 de la Constitution, les ordonnances deviennent caduques si un projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Mais rien ne contraint le Gouvernement à inscrire son projet à l'ordre du jour des assemblées. Le Gouvernement compte-t-il désormais indiquer, dès la demande d'habilitation, à quelle date il entend inscrire le projet de loi de ratification à l'ordre du jour ?
Les expérimentations peuvent être des outils remarquables pour garantir une loi plus souple et mieux adaptée aux circonstances locales. Plus d'un quart d'entre elles sont abandonnées en cours de mise en oeuvre. D'autres sont généralisées trop vite, comme celle sur le relèvement du seuil de revente à perte prévue par la loi EGalim. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Josiane Costes applaudit aussi.)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Merci à Mme Létard et aux présidents de commissions pour leur travail minutieux.
Cette année, les calculs du Sénat et du Gouvernement font apparaître des résultats plus divergents que l'an dernier en raison de différences méthodologiques. Ainsi le taux d'application est de 82 % pour le Gouvernement, 72 % pour le Sénat. Le Gouvernement ne retient que les mesures immédiatement applicables, le Sénat intègre les mesures d'application différée, d'où un écart d'environ 150 mesures. De plus, nous ne prenons pas en compte les arrêtés.
Le Premier ministre est le titulaire du pouvoir réglementaire. Il est donc naturel qu'il assure un suivi général de l'application des lois et que nous venions en débattre chaque année avec vous. Cela permet d'avoir une vision panoramique des quelques 1 600 décrets qui sortent chaque année.
En revanche, il revient à chaque ministre d'assurer un suivi continu des arrêtés qu'il signe, parmi les 8 000 qui sont pris chaque année. La modification du Règlement du Sénat du 6 juin 2019 doit permettre ce suivi fin.
Le taux d'application de la loi s'est légèrement tassé à 82 % au 31 mars 2020 contre 85 % un an plus tôt. Il convient toutefois de souligner que le nombre de mesures à prendre a significativement augmenté, de 461 pour 2017-2018 à 715 pour 2018-2019.
Sur la procédure accélérée, la révision constitutionnelle de 2008 semble avoir favorisé un recours plus systématique sous cette législature et la précédente que sous la treizième. Les conditions d'examen exceptionnelles que nous avons connues au cours des trois derniers mois ne sont pas représentatives de la situation depuis 2017, le Gouvernement s'efforçant de ménager des conditions d'examen raisonnables entre le dépôt ou la transmission et l'examen d'un texte.
Pour ce qui est des rapports, l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 avait été introduit dans un contexte de très faible application de la loi. La situation a radicalement changé : entre 80 % et 90 % des mesures sont prises avant six mois. Le Gouvernement vous transmettra bientôt 100 % des tableaux faisant le point sur l'application des lois. Pour autant, la transmission de ces tableaux vaut-elle transmission du rapport au sens de l'article 67 de la loi de 2004 ? La question mérite d'être posée.
Par ailleurs, certaines lois présentent des mécanismes complexes à mettre en oeuvre avec pour effet une date différée d'entrée en vigueur, qui peut retarder la remise des rapports.
S'agissant des rapports demandés spécifiquement par le Parlement, je regrette comme vous la situation, qui n'est pas satisfaisante.
En ce qui concerne les expérimentations, je partage votre souci de mieux les suivre, pour mieux les évaluer et ensuite envisager une éventuelle pérennisation. La solution qui a été retenue par la commission mixte paritaire et définitivement adoptée par le Parlement au sujet de l'expérimentation de relèvement du seuil de revente à perte me paraît conforme à cet objectif.
Quelque 59 ordonnances ont été prises en 2019 contre 27 en 2018 et 81 pour la session 2016-2017. Depuis 2007, la moyenne annuelle s'établit à 43. C'est bien une « banalisation » que nous constatons, pour reprendre le mot de Jean-Marc Sauvé lors d'un colloque de 2014 sur la législation déléguée. Évitons d'y voir une forme de facilité à laquelle céderaient les gouvernements. Je partage, de façon empirique, l'analyse de l'ancien vice-président du Conseil d'État : « L'inflation législative (...) a trouvé dans la législation déléguée un exutoire durable, d'abord pour répondre à l'urgence de certaines réformes ou pour décharger le Parlement de l'adoption de textes techniques (...), ensuite pour investir très largement le domaine devenu très extensif de la loi ».
Je ne peux pas commenter la décision du Conseil constitutionnel sur le caractère législatif d'une ordonnance non ratifiée après l'expiration du délai d'habilitation. Je me contenterai de remarquer que le calendrier parlementaire est contraint et ne peut accueillir l'examen d'une quarantaine de projets de loi supplémentaires chaque année, sauf à considérer cette ratification comme une simple formalité.
Le Gouvernement envisage une évolution de la gouvernance d'Action logement. Il a demandé un rapport à l'Inspection générale des finances. D'où la suspension de toute nouvelle disposition réglementaire relative à la gouvernance du groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - À la date de la rédaction du rapport, la loi portant organisation et transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019, tant attendue par les acteurs, n'était applicable qu'à hauteur de 30 %. Aucune des onze ordonnances prévues par le texte n'avait été publiée, alors qu'elles portaient sur des sujets aussi lourds que l'autorisation sanitaire et les hôpitaux de proximité.
La crise sanitaire ne l'explique qu'en partie. Il faut que le Gouvernement cesse de solliciter du Parlement des habilitations à légiférer par ordonnances sur des projets de réformes à l'état d'ébauche. Qu'il nous donne un nouvel échéancier des mesures d'application de ce texte, en nous indiquant, le cas échéant, les dispositions dont la pertinence lui paraît remise en cause par la crise actuelle.
M. Marc Fesneau, ministre. - Oui, les délais n'ont pas été tenus, notamment en raison de la crise sanitaire. Plusieurs décrets sont en cours d'examen par le Conseil d'État. C'est toute l'utilité de cet exercice que d'inciter les ministères à accélérer un certain nombre de processus.
Certains textes seront publiés avec retard. La loi du 23 mars 2020 a reporté de quatre mois le terme de toutes les habilitations en cours prévues par la loi OTSS. Le récent projet de loi portant diverses dispositions sur l'état d'urgence prévoit également le report de la réforme du deuxième cycle des études médicales, ainsi que d'autres ordonnances portant sur la certification périodique des médecins.
Le Ségur de la Santé doit tirer toutes les conséquences de la crise sanitaire. Il faut transformer et revaloriser les métiers de la santé, définir une nouvelle politique d'investissement et de financement au service des soins, simplifier l'organisation et le quotidien des équipes, fédérer les acteurs de la santé dans les territoires. Les textes à prendre en application de la loi OTSS seront revus rapidement. C'est d'ailleurs ce que vous nous invitez à faire : prendre des décrets en les faisant évoluer à l'aune de la crise. Nous le faisons par exemple pour l'ordonnance sur les groupements hospitaliers des territoires (GHT), l'emploi médical de proximité et les télésoins.
Ces textes seront publiés dès la rentrée, mais je ne puis vous donner d'échéancier précis.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques . - Six mois après sa promulgation, la loi Énergie-Climat connaît un début d'application difficile : une dizaine de mesures réglementaires publiées sur environ soixante-dix décrets ou arrêtés prévus, une ordonnance prise sur cinq articles et quinze habilitations, aucun rapport formellement remis au Parlement sur les six attendus du Gouvernement. S'agissant des ordonnances, un quart aurait déjà dû être publié.
Il y a pire que le retard. Pour ce qui concerne la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), certains objectifs, sur le biogaz, l'hydrogène ou l'éolien en mer, sont en retrait par rapport à ceux adoptés par le législateur. C'est inacceptable.
La lenteur dans l'application de la loi contraste avec les délais particulièrement contraints qui nous avaient été imposés par le Gouvernement lors de son examen l'été dernier. À quelle échéance paraîtront les ordonnances prévues dans la loi Énergie-Climat ? Qu'en est-il des décrets prévus ?
Nous sommes toujours en attente du décret et de l'arrêté permettant de réorganiser la gouvernance d'Action Logement. C'est la pérennité et la mission du groupe paritaire qui est en jeu. Notre pays fait face à une crise économique majeure, alimentée par une crise du logement. Continuer d'empêcher Action Logement de fonctionner normalement, c'est tout simplement condamner de nombreux Français à vivre dans un logement suroccupé ou insalubre. Action logement doit avoir les moyens d'agir, et il vous incombe de lever le blocage.
M. Marc Fesneau, ministre. - Vingt-six mesures sont à prendre pour appliquer la loi Énergie Climat, dont six ont été publiées, pour un taux d'application de 23 %. La majorité des textes à prendre sont des décrets en Conseil d'État avec consultation préalable. C'est faible, mais le confinement a décalé le calendrier.
Le décret sur l'autorité environnementale a été visé par le Conseil d'État le 16 juin 2020 et sera prochainement publié. Celui sur les aides pour l'électrification rurale est en cours de transmission. Les travaux se poursuivent sur les textes qui concernent les garanties d'origine du biogaz.
Quatre ordonnances sur seize ont été prises, les autres ont vu le terme de leur habilitation prorogé de quatre mois. Six habilitations feront l'objet d'ordonnances qui devraient être examinées en Conseil des ministres au cours du mois de juillet. Elles concernent, entre autres sujets, l'adaptation du droit de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie et du climat, ou encore la fermeture des centrales à charbon.
Concernant Action Logement, le Gouvernement souhaite une évolution de la gouvernance, ce qui suspend de fait l'application des textes ; mais rien n'interdit à Action Logement de réunir les acteurs de façon informelle.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères . - Le bilan est satisfaisant pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : dix-neuf conventions internationales adoptées, mise en oeuvre quasi complète de la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018, à 92 %.
Seuls deux arrêtés mineurs manquent. Le décret de la loi du 23 juillet 2010 sur l'allocation au conjoint d'un agent de l'État en service à l'étranger est toujours attendu, mais globalement nous sommes à un taux d'application de 83 %, ce qui est satisfaisant.
Élément de satisfaction supplémentaire, nous constatons un net progrès dans la transmission des rapports, notamment pour tout ce qui relève des opérations extérieures et intérieures. Nous vous en remercions.
M. Marc Fesneau, ministre. - Merci de ces encouragements. Le fameux décret attendu depuis 2010 avait vocation à remplacer le supplément familial mais sa mise en oeuvre se heurte à une difficulté technique et à des interprétations divergentes des différentes directives ministérielles sur le régime social à appliquer à une telle allocation.
La crise ne remet pas en cause la trajectoire financière de la loi de programmation militaire, la ministre des Armées l'a rappelé le 4 juin dernier devant votre commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Cinq textes ont été promulgués dans les domaines de compétence de la culture. Seule la loi sur l'école de la confiance devait faire l'objet de décrets d'application. Au 31 mars 2020, elle présentait un taux d'application acceptable - de l'ordre de 60 %, les décrets ou arrêtés en question ayant été publiés dans un délai raisonnable.
La mise en oeuvre des deux lois d'initiative parlementaire s'avère particulièrement difficile. Celle relative à la lutte contre la manipulation de l'information n'a démontré ni son efficacité, ni sa pertinence. Le Sénat s'était fermement opposé à son adoption, tout comme à celle de la loi contre la haine en ligne, justement censurée par le Conseil Constitutionnel.
La loi sur les plateformes en ligne n'est pas appliquée, car les plateformes refusent de s'y conformer. Cela montre les limites de l'action législative nationale. Nous suggérons la réouverture de la directive e-commerce consacrant l'irresponsabilité des plateformes.
La loi relative à la reconstruction de Notre-Dame de Paris est applicable dans son intégralité. À quelle date le rapport annuel faisant état du montant des fonds recueillis pour cette reconstruction, de leur provenance, de leur affectation et de leur consommation sera-t-il transmis au Parlement ?
L'application complète du texte créant l'Agence nationale du sport (ANS) dépend de trois textes. Où en sommes-nous ?
M. Marc Fesneau, ministre. - En effet, le périmètre européen est le plus approprié pour le texte sur les plateformes en ligne.
L'article 5 de la loi du 29 juillet 2019 sur la reconstruction de Notre-Dame de Paris prévoit un rapport avant le 30 septembre 2020. Ce délai sera respecté. L'article 8 de cette même loi prévoit que l'établissement public chargé de la restauration de la cathédrale publie également chaque année un rapport. Il le fera avant la fin de l'année 2020.
Pour ce qui est des ordonnances, le délai d'habilitation a été prolongé de quatre mois jusqu'au 29 novembre 2020. Un projet d'ordonnance prévoyant certaines dérogations aux dispositions applicables au chantier est encore à l'étude qui devrait donner lieu à une saisine du Conseil d'État fin août 2020 et à une présentation en Conseil des ministres à la mi-octobre.
Concernant l'ANS, la publication des deux textes prévus devra intervenir avant fin juillet.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La loi pour un nouveau pacte ferroviaire a fait l'objet d'habilitations portant sur quatre ordonnances. Aucune n'a été ratifiée par le Parlement, leur examen n'étant même pas inscrit à l'ordre du jour des assemblées. Cela méritait un débat de fond, d'autant que l'ordonnance sur la gouvernance de la SNCF, entrée en vigueur au 1er janvier 2020, est contraire à la volonté du législateur : les parlementaires ne sont pas représentés au conseil de surveillance.
Le Gouvernement n'a toujours pas tiré les conséquences de l'échec des accords collectifs alors que M. Djebbari avait promis une ordonnance.
Qu'en est-il, enfin, du décret sur les modalités de transfert de certaines petites lignes aux régions, prévu par la loi d'orientation des mobilités (LOM) ?
M. Marc Fesneau, ministre. - La ratification des quatre ordonnances que vous évoquez n'est pas inscrite à l'ordre du jour. Pour ce qui est des décrets manquant de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, le premier porte sur la composition et les moyens de fonctionnement d'une instance commune. Il était subordonné à la signature d'un accord relatif aux conditions d'exercice social entre les entreprises issues du groupe public ferroviaire. Le projet de décret a été finalisé et doit maintenant être examiné par le Conseil d'État.
Quant au décret sur la portabilité garantie de l'affiliation au régime général de la retraite de la SNCF en cas de changement d'employeur, il est en attente du vote de la réforme des retraites.
Le décret relatif aux modalités d'attribution directe des contrats de service publics de transport ferroviaire de voyageurs a été publié le 17 juin dernier.
Le délai d'adoption de l'ordonnance relative à la négociation collective au sein de la branche ferroviaire a été décalé de quatre mois, au 23 janvier 2021, en vertu de la loi du 23 mars, à la suite de l'échec de la négociation collective sur les classifications et rémunérations. Le Gouvernement a décidé qu'il pourrait utiliser cette ordonnance afin d'établir un cadre commun en matière de classification et de rémunération pour les salariés de la branche ferroviaire. Des analyses juridiques sont en cours.
Sur les petites lignes, le décret est en cours de rédaction. Le Conseil d'État sera saisi en octobre 2020, et le décret publié fin 2020.
M. Éric Bocquet, vice-président de la commission des finances . - La commission des finances a constaté un taux d'application en progrès pour les lois de finances, mais les délais de publication s'allongent : moins d'un tiers en six mois. Sept mesures d'application de la loi de finances initiale 2019 sont en attente, en raison des exigences européennes en matière d'aides d'État.
Nous suivons attentivement la mise en oeuvre du texte sur la lutte contre la fraude. Une question préjudicielle posée par l'Estonie doit être examinée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Quand les mesures d'application seront-elles prises ?
L'entrée en vigueur de l'article 134 de la loi de finances pour 2012 sur le régime de licence de vente du tabac dans les départements d'outre- mer a été repoussée au 30 juin 2019, sans pour autant que la mesure entre en application. Ne faut-il pas reconnaître que ce dispositif n'est pas applicable ? Ou bien comptez-vous le mettre en oeuvre rapidement ?
Le Sénat a adopté le 21 avril un taux réduit de TVA pour les tenues de protection. (M. Jean Bizet approuve.) Bruno Le Maire nous a annoncé un arrêté « en cours de signature » ; pourquoi n'a-t-il toujours pas été pris ?
M. Marc Fesneau, ministre. - J'ai saisi les services de Bercy pour obtenir un état des lieux des demandes introduites auprès de la Commission européenne sur les aides d'État.
S'agissant de l'application des articles 14 et 15 de la loi relative à la lutte contre la fraude, un arrêt de la CJUE est attendu pour juillet. Le ministère s'engage à prendre les mesures d'application une fois cet arrêt rendu.
Concernant le dispositif d'encadrement de la vente du tabac dans les outre-mer, les assemblées délibérantes de ces collectivités estiment qu'elles n'ont pas les moyens humains et financiers de le mettre en oeuvre. Une réflexion est en cours pour assouplir les modalités de la mesure.
L'arrêté sur le taux réduit de TVA pour les tenues de protection est à la signature des ministres compétents et il paraîtra cette semaine. (Marques de satisfaction sur toutes les travées)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Monsieur le ministre, il y a eu du relâchement cette année. La commission des lois a examiné plus de 40 % des textes soumis au Sénat, mais n'a obtenu que la moitié des mesures d'application.
Quant aux divergences de calcul, elles ne remettent pas en cause les tendances. Certains décrets ont été pris quelques jours avant une réunion avec le secrétaire général du Gouvernement, dont ceux sur les apprentis en situation de handicap et le télétravail. Il faudrait faire plus de réunions...
Le décret sur l'open data des décisions de justice s'est perdu dans le labyrinthe administratif.
Enfin, la récente décision du Conseil constitutionnel ne risque-t-elle pas de vous dissuader d'inscrire à l'ordre du jour les textes de ratification des ordonnances ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Le Gouvernement a mesuré un taux d'application de 68 % au 31 mars, de 82 % au 23 juin 2020.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique appelle 94 mesures actives : 77 sont appliquées au 23 juin 2020, ce qui porte le taux d'application de la loi à 82 %. Ce taux était de 57 % au 31 mars 2020. Parmi les 17 mesures actives restant à appliquer, 8 seront publiées dans les prochains jours pour un taux d'application de 90 %. La parution tardive de deux mesures d'application est liée à la crise sanitaire.
Le décret sur les apprentis en situation de handicap a été transmis au Conseil d'État début février. Son examen a été différé à avril à cause de la crise sanitaire. Le décret a ensuite été publié au Journal officiel du 7 mai 2020.
S'agissant du décret d'application de l'article 49 sur les conditions de recours ponctuel au télétravail, le Conseil d'État a été saisi en février. Son examen a dû être reporté, en raison des mesures de confinement prises dans le cadre de la crise sanitaire. Il s'est tenu en avril dans le cadre d'une visio-conférence. Le décret a ensuite pu être publié le 6 mai 2020.
La publication du décret relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives le 19 mars 2020 a été suspendue à cause de l'épidémie de Covid-19. Cette suspension vient d'être levée pour publication d'ici la fin du mois de juin ou le début du mois de juillet 2020.
Quant aux ordonnances non ratifiées, la décision du Conseil constitutionnel est « inédite », selon le commentaire de la décision, qui invite toutefois à la prudence dans l'interprétation. Il n'y a jamais eu, toutefois, de ratification systématique : des années 1960 à 1990, sur les 68 ordonnances, seule une trentaine avait été ratifiée.
En 2008, lors de l'examen de la révision constitutionnelle, certains avaient proposé une ratification obligatoire. La majorité des chambres en avait décidé autrement.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Les résolutions européennes de la commission des affaires européennes sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution donnent au Gouvernement des orientations pour les négociations avec les États membres et les institutions européennes.
Mon rapport de février montre la réelle influence de ces propositions de résolutions européennes sur les directives et règlements : dans 87 % des cas, nos résolutions ont été prises en compte au cours des négociations. Un dialogue étroit et fructueux avec la secrétaire d'État aux Affaires européennes et le secrétaire général aux affaires européennes a été noué.
Le contrôle de la commission des affaires européennes a été étendu en février 2018 avec une mission d'alerte sur les surtranspositions - je remercie le président - consacrée en juin 2019 dans le Règlement du Sénat. En mai dernier, le secrétaire général du Gouvernement m'avait assuré de l'engagement du Gouvernement à lutter contre les surtranspositions, notamment dans les ordonnances. C'est un point important de l'action normative de l'exécutif. Qu'a-t-il fait pour progresser dans cette voie, et avec quel calendrier ?
M. Marc Fesneau, ministre. - La surtransposition peut être assumée dans certains domaines comme l'environnement, le social ou la santé.
Le paquet neutre de cigarettes comme la durée du congé maternité en France constituent, par exemple, des surtranspositions voulues comme telles.
Le Gouvernement considère donc que ne constituent des surtranspositions à proscrire que celles qui induisent des contraintes plus importantes pour les entreprises et les citoyens et qui ne sont pas justifiées. Afin de lutter contre ces surtranspositions, le Premier ministre a publié le 26 juillet 2017 une circulaire qui proscrit, par principe, toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive.
Parallèlement à ces règles visant à prévenir de nouvelles surtranspositions, cette circulaire entendait réduire le stock en s'appuyant sur un travail d'inventaire confié à une mission d'inspection. Sur cette base, le Gouvernement a présenté un projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes, dont l'examen n'a pas été conduit jusqu'à son terme. La « désurtransposition » est en effet un exercice délicat.
Le Gouvernement a cependant veillé à ce que les mesures qu'il comportait soient reprises dans le cadre d'autres vecteurs législatifs tels que la loi d'orientation des mobilités qui supprime les surtranspositions de la directive 2012/34 établissant un espace ferroviaire européen.
Dès qu'un vecteur législatif approprié sera disponible, nous supprimerons les surtranspositions notamment la suppression de l'obligation de déclaration des nouveaux opérateurs à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep).
M. le président. - La parole va maintenant être donnée aux orateurs des groupes.
M. Jean-Pierre Sueur . - Monsieur le ministre, après les déclarations du président Larcher, de Mme Létard et de M. Bas, vous n'ignorez pas qu'il y a un profond malaise sur les ordonnances. Vous ne pouvez pas le contourner par vos explications confuses et embarrassées.
La ratification d'une ordonnance est-elle superfétatoire ? Le Gouvernement peut-il s'en dispenser ? Dans le cas contraire, revenez sur l'ordonnance relative à la justice des mineurs ou, sinon, prévoyez un « vaste débat », comme l'avait promis quatre fois Mme Belloubet.
Dans les lois du 23 mars et suivantes, les ordonnances ne seront-elles pas ratifiées, faute de temps ? Cessez de demander des habilitations puisque Mme Létard a montré qu'il fallait en moyenne 539 jours entre l'habilitation et sa mise en oeuvre. Nous devons avoir une réponse claire du Gouvernement. Vous ne pouvez pas vous défausser sur une question aussi importante puisqu'il s'agit des droits du Parlement.
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Marc Fesneau, ministre. - Pas question de se défausser ! Reprenons les faits.
La question de la ratification des ordonnances ne concerne pas que ce Gouvernement. Globalement, la majorité des textes pris par ordonnances n'ont pas été ratifiés par le Parlement. Ce n'est donc pas une nouveauté.
Nous devons examiner les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel.
Oui, il y a un problème de calendrier parlementaire. Nous devons donc être vigilants sur les recours aux ordonnances.
Sur la justice des mineurs, la ministre s'est engagée à venir en débattre au Parlement, avant un vote. Ce débat aura donc lieu, c'est un engagement ferme et définitif du Gouvernement, même si je n'en connais pas encore le calendrier.
Mme Josiane Costes . - L'école occupe une place singulière au sein des institutions de notre pays, gage de promesse républicaine.
Si la réforme de l'école figurait déjà au coeur de l'action du Gouvernement, elle apparaît aussi comme l'un des points névralgiques de la gestion de la crise inédite que traverse notre pays.
C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur l'application de cette loi, notamment sur les dispositions relatives à l'inclusion des enfants handicapés.
Cette épidémie a-t-elle modifié l'application de la loi pour une école de la confiance ?
Pouvez-vous garantir que les diverses dispositions réglementaires qui concernent les élèves en situation de handicap, et ceux qui souffrent de troubles du langage ou de difficultés psychologiques seront prises d'ici la rentrée 2020 ? Je pense notamment aux articles 13, 30 et 31 qui traitent du dépistage des troubles du langage et des apprentissages chez les enfants de moins de six ans, de la coopération entre établissements médico-sociaux et scolaires pour la prise en charge des élèves en situation de handicap, et de l'accompagnement des jeunes qui présentent des difficultés psychologiques.
M. Marc Fesneau, ministre. - Plusieurs mesures restent à prendre pour l'application de l'article 30. Un groupe de travail a été constitué mais il a dû interrompre ses réunions avec la crise sanitaire, et les reprendra incessamment. Le projet de décret devrait être publié en octobre, après deux consultations, l'une obligatoire du comité national de l'organisation sanitaire et sociale, l'autre non obligatoire mais incontournable du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Un groupe de travail a été constitué sur l'intégration des élèves en situation de handicap, prévu à l'article 31. Le projet de décret paraîtra là encore en octobre.
Pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap, les textes seront présentés lors du comité technique ministériel du 8 juillet.
Sur l'article 46, le groupe de travail poursuit ses travaux. Une quatrième réunion est prévue jeudi 25 juin pour valider le cahier des charges ; 30 heures de formation seraient notamment dédiées à la scolarisation des enfants en situation de handicap. Un arrêté sera ensuite publié en septembre 2020.
M. Alain Richard . - Je souhaite évoquer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai, qui n'a fait que lire la Constitution. Depuis le 4 octobre 1958, les termes sont les mêmes. Une fois franchi le délai de dépôt du texte de ratification, l'ordonnance ne peut être modifiée que par la loi ; l'ordonnance a donc une valeur législative : c'est la Constitution.
Nous regrettons tous que les projets d'habilitation ne soient pas débattus.
Pourtant, je n'ai pas vu beaucoup de rapports indiquant que la Conférence des présidents s'était émue de la non-inscription à l'ordre du jour des ratifications d'ordonnances.
Je fais remarquer aussi que le Conseil constitutionnel se prononce à l'occasion de questions prioritaires de constitutionnalité sur le respect des droits et libertés garanties par la Constitution par ces ordonnances ; en outre, dès le lendemain, le Parlement peut modifier l'ordonnance ainsi pérennisée. Nous ne le faisons jamais, alors que les opportunités seraient multiples vu le nombre de textes débattus en séance. On peut aussi procéder par amendement ; nous l'avons d'ailleurs fait grâce à un amendement du président Bas pour corriger la réduction malencontreuse du quorum des assemblées locales par une ordonnance prise pendant la crise.
Pourquoi ne le faisons-nous pas plus souvent ? Il faudrait un bilan en Conférence des présidents des projets en retard. Pourquoi ne pas les soumettre à la législation en commission ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Vous avez dit le droit, rappelé votre lecture de la décision du Conseil constitutionnel. J'ai du mal à vous répondre ; surtout sous le regard de juristes éminents dont le président Bas.
Il y a un problème de calendrier pour ratifier dans les temps les ordonnances. La Conférence des présidents des assemblées devrait se saisir du sujet. Au fond, quel usage voulons-nous faire des ordonnances ? Cet outil se développe, mais n'est pas propre à cette législature. Continuons à nous interroger sur la manière dont on légifère par ordonnance et dont on les ratifie.
M. Jean-Pierre Decool . - L'application rapide d'une loi est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit de juger les expérimentations. Depuis 2008, les décrets d'application doivent être pris, au plus tard, six mois après la parution des lois.
La loi du 3 août 2018 sur les caméras mobiles a étendu à titre expérimental, pour trois ans, l'usage des caméras pour les sapeurs-pompiers et les surveillants pénitentiaires.
Utilisées depuis 2013 par les forces de la police et de la gendarmerie, les caméras mobiles ont pour objectif de sécuriser les interventions de ces agents publics confrontés, dans l'exercice de leurs missions, à une agressivité croissante. Les évènements récents témoignent, si besoin est, de la pertinence de ce dispositif.
La loi du 3 août 2018 pérennise également l'utilisation des caméras mobiles par les agents de police municipale. Trois décrets en Conseil d'État étaient nécessaires, après avis de la CNIL. Ils ont été pris au-delà des six mois : février, juillet et décembre 2019 ! L'application de la loi a pris seize mois pour la mise en place d'une expérimentation censée durer trois ans !
Avons-nous l'assurance de l'utilisation de ces caméras ? Posséder les outils ne suffit pas, il faut les utiliser. Cela pourrait éviter bien des débats aujourd'hui...
M. Marc Fesneau, ministre. - Tous les professionnels le disent : la présence de la caméra incite certaines personnes à davantage maîtriser leurs actes et leurs propos. Elles renforcent donc par conséquent la sécurité de nos policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers et surveillants pénitentiaires. Les enregistrements facilitent l'identification, et sont utiles pour l'exercice de la justice.
Depuis 2013, cet équipement utilisé par les forces de l'ordre a su démontrer son efficacité. Nous avons largement échangé avec le Conseil d'État et la CNIL. Les retours sont prometteurs. Entre 2016 et 2018, ces caméras ont été expérimentées dans plusieurs polices municipales avec succès.
Les délais importants que vous avez évoqués sont dus à l'entrée en vigueur concomitante du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive police-justice, qui a occasionné des échanges nombreux entre la CNIL et le Conseil d'État.
Mme Éliane Assassi . - Je remercie Mme Létard pour son rapport qui nous éclaire sur le déséquilibre entre le Parlement et le Gouvernement. Trop de textes restent examinés en urgence - deux tiers des projets de loi et propositions de loi.
Nous regrettons le recours trop important aux ordonnances, plus nombreuses que les lois ordinaires entre 2012 et 2018. Nous sommes très inquiets de la récente décision du Conseil constitutionnel permettant de donner force législative à une ordonnance non ratifiée. Cela renforce le glissement vers le pouvoir exécutif.
Concernant les rapports du Gouvernement au Parlement, Mme Létard a rappelé que seuls 12 % des rapports prévus lors de cette session ont été remis et seuls 11 % des rapports demandés par le Sénat ont été déposés, contre 69 % pour l'Assemblée nationale.
Le Sénat a obtenu qu'un rapport sur la relance des trains de nuit prévu dans la loi pour l'orientation des mobilités soit remis avant le 30 juin. Qu'en est-il ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Ce débat est utile ; le Gouvernement peut ainsi rendre des comptes sur l'application des lois.
J'ai noté la différence des taux de rendus des rapports entre Assemblée nationale et Sénat. J'en ferai part aux ministres.
Le rapport sur les trains de nuit prévu par la LOM devait être remis avant le 30 juin. Une étude sur les trains d'équilibre des territoires (TET) est en cours ; elle comprend les trains de jour et de nuit. Concernant la nuit, l'étude a pris la forme d'une comparaison internationale avec les réseaux - Norvège, Suède et surtout Autriche - qui sont en pointe sur ce secteur. Il a fallu également consulter les constructeurs.
Le rapport de l'étude technique devrait être remis dans les prochains jours. Mais il faudra procéder aux auditions des exécutifs régionaux et des associations cet automne, auditions qui ont été annulées en raison du Covid.
M. Jean-François Longeot . - Le taux d'application des lois est dans l'ensemble satisfaisant, bien qu'en léger retrait. Il est cependant décevant pour la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ou les articles relatifs à la privatisation d'Aéroports de Paris contenus dans la loi Pacte.
Depuis le début de la crise sanitaire, le Parlement s'est attelé à adopter dans les plus brefs délais des textes prioritaires ; il est temps que l'État en fasse de même afin d'apporter de la visibilité aux différents acteurs parfois mis à rude épreuve. Je pense ainsi à la loi portant nouveau pacte ferroviaire.
L'augmentation du recours aux ordonnances pose un problème démocratique, surtout quand le délai entre la demande d'habilitation et la rédaction de l'ordonnance est supérieur au délai moyen d'adoption d'une loi.
Le taux de remise des rapports est de 12 %, contre 35 % l'an passé. Il y a une forme de discrimination entre les deux chambres, comme dit précédemment.
Quelle est la ligne du Gouvernement sur le recours aux ordonnances et le retard pris pour la remise des rapports au Parlement ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Je ne reviens pas sur la question des ordonnances qui a été évoquée à plusieurs reprises.
Le taux de dépôt des rapports prévus dans le texte de la loi est de 12 % ; ce qui n'est pas acceptable. Je m'engage à en faire part à mes collègues. Les rapporteurs peuvent aussi saisir le Gouvernement lorsqu'ils dressent le bilan d'application des lois.
Le taux de remise des rapports étant en baisse, il faudra que le Gouvernement soit vigilant. Vous avez raison de souligner les distorsions entre les deux assemblées. Les assemblées seront systématiquement destinataires des échéanciers d'application régulièrement mis à jour. Un dialogue fructueux entre le Gouvernement et le Parlement pourra améliorer la situation.
Mme Anne-Marie Bertrand . - Rédiger un texte de loi est gratifiant et réserver des points techniques au pouvoir réglementaire peut être confortable... Nous avons donc tous une part de responsabilité.
Néanmoins, la difficulté de l'État à prendre, en temps et en heure, les mesures règlementaires nécessaire à l'application des lois, contraste avec les délais toujours plus courts qui sont imposés au Parlement. La procédure accélérée semble être devenue la norme et les ordonnances se multiplient.
Le Gouvernement ne joue-t-il pas la montre pour anesthésier la représentation nationale, voire la censurer ? Une loi ne doit pas être un voeu, mais un texte applicable et appliqué. Rien n'est pire pour la démocratie qu'une loi réduite à du bavardage : le citoyen ne l'écoute plus. Souvenons-nous de ces milliers de gilets jaunes, qui ne croyaient plus à rien.
M. Marc Fesneau, ministre. - Comme vous le dites, la question de l'application des lois n'est pas un sujet technique mais politique. Le Sénat est vigilant, je le sais, à ce que les lois ne soient pas trop bavardes.
Il est vrai que le taux d'application des lois a légèrement baissé depuis l'an passé. Les administrations ont été très sollicitées par la crise, mais le taux a augmenté depuis le 31 mars.
Les délais nécessaires à la prise d'un décret ont plusieurs explications : un certain nombre de consultations doivent être menées, d'abord en interministériel, puis par un certain nombre d'organismes dont la saisine est obligatoire, avant l'intervention du Conseil d'État. Ces consultations et les délais qui en découlent sont la contrepartie de la qualité et de la stabilité des textes règlementaires publiés.
Il devient de plus en plus difficile d'anticiper les textes d'application à prendre : entre la version initiale et le vote définitif, le nombre d'articles a augmenté de près de 135 % lors de la session 2018-2019.
Le droit doit être intelligible : le caractère technique des textes publiés est regrettable. Mais le droit est un reflet de la société, qui est de plus en plus complexe. Faire plus simple est possible mais pourrait relever de l'incompétence négative.
Je ne vous suis pas sur la censure du Parlement : la non-application d'une loi peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif. De plus, le Gouvernement est pleinement responsable devant le Parlement : c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis cette année encore avec vous aujourd'hui.
M. le président. - Je salue Stéphane Cardenes, sénateur du Gard, qui remplace Pascale Bories. (Applaudissements) Je lui souhaite la bienvenue.
Je souhaite remercier la présidente Valérie Létard pour la qualité de son rapport. Deux sujets d'actualité ont animé nos débats : les ordonnances et les expérimentations. J'écrirai au président Fabius pour lui demander des éclaircissements - même si le débat a été riche et a permis de faire avancer la réflexion. La Conférence des présidents a d'ailleurs déjà évoqué ces sujets à plusieurs reprises.
Mme Valérie Létard, présidente de la délégation. - Merci à l'ensemble des présidents de commission pour leur travail intense, et au Secrétaire général du Gouvernement ; ce débat a pour origine une réunion le 12 mai dernier. Depuis cette date, un tiers des demandes de décret ont été satisfaites.
Le Parlement peut ainsi servir d'aiguillon, qui fait avancer les choses dans l'intérêt général. Cet exercice, année après année, améliore le travail du Gouvernement et du Parlement. (Applaudissements)
M. Marc Fesneau, ministre. - Merci à la présidente Létard pour son travail d'aiguillon, utile au Gouvernement.
Je remercie moi aussi les services du Secrétaire général du Gouvernement qui m'ont aidé à préparer cette séance. Faire appliquer la loi n'est pas le moindre des exercices. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, RDSE et sur diverses travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - L'un des rôles du Parlement est le contrôle, même si cet exercice peut sembler plus aride que d'autres débats ; le Sénat l'a renforcé et le renforcera encore.
La séance est suspendue à 19 h 10.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.