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Table des matières



Accord en CMP

Mise au point au sujet d'un vote

Soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure

Discussion générale

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi

M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des finances

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Marc Gabouty

M. Julien Bargeton

M. Éric Bocquet

M. Jean-Pierre Decool

M. Bernard Delcros

Mme Catherine Dumas

M. Olivier Jacquin

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

Explications de vote

M. Jérôme Bascher

M. Julien Bargeton

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Marc Gabouty

M. Vincent Segouin

Procurations électorales

Discussion générale

M. Cédric Perrin, auteur de la proposition de loi

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

M. Jean-Marc Gabouty

M. Arnaud de Belenet

M. Pascal Savoldelli

M. Dany Wattebled

Mme Françoise Gatel

M. Éric Kerrouche

M. François Bonhomme

M. Jean-Yves Leconte

M. Antoine Lefèvre

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier A

ARTICLE PREMIER

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLE PREMIER TER

ARTICLES ADDITIONNELS

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mise au point au sujet d'un vote

Annexes

Ordre du jour du mercredi 3 juin 2020




SÉANCE

du mardi 2 juin 2020

87e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Accord en CMP

M. le président.  - La CMP relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes, ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est parvenue à un accord.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Vincent Segouin.  - Au scrutin public n°105, Sébastien Meurant souhaitait voter contre.

M. le président.  - Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure.

Discussion générale

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi .  - Dans cette France du 2 juin 2020 qui retrouve le goût et le plaisir de la liberté, je présente un texte attendu et espéré, répondant à tous les chefs d'entreprise qui ont appelé à l'aide les pouvoirs publics. La crise sanitaire a été d'une violence inouïe et sans précédent.

Face à la vague épidémique, la réponse des pouvoirs publics a été, elle aussi, inédite.

La quasi-totalité des établissements a été fermée sur décision administrative, ce qui a entraîné des pertes colossales pour les entreprises : effondrement des marges et baisse, voire privation, du chiffre d'affaires, alors que les charges devaient être honorées Des emplois sont menacés et la hausse du chômage, rendue publique la semaine dernière, nous préoccupe. La réaction logique des entreprises a été de se tourner vers leur assureur. Ils ont notamment sollicité la garantie de perte d'exploitation. Or celle-ci n'était pas adaptée à la situation, ce qui a suscité incompréhension, colère et polémique.

Personnellement, je ne crois pas que les assurances aient bien réagi : leur temps de réaction a été trop long, leur prudence excessive et des erreurs de communication ont été constatées. Les polémiques ont souvent été justifiées.

La réactivité des compagnies d'assurances aurait dû être plus forte, plus rapide et plus puissante, allant jusqu'à une responsabilité extracontractuelle.

Les assureurs auraient dû démontrer qu'ils étaient aux côtés des entreprises.

Certes, c'est l'État qui a fait fermer les établissements et qui donc était responsable. Fallait-il pour autant que les assureurs restent les bras ballant sans rien faire ? Non, car des obligations morales s'imposent à eux, comme nous l'avons indiqué dans notre exposé des motifs.

Il y avait urgence à se hisser à la hauteur des enjeux. Les responsables politiques auraient manqué à leur responsabilité devant les Français s'ils n'avaient proposé des solutions innovantes. Chômage partiel et annulation de charges ont ainsi été essentiels pour la survie des activités mais leur coût est particulièrement élevé. La totalité du soutien ne doit pas venir de l'État. C'est pourquoi, avec Catherine Dumas, Vincent Segouin et 150 sénateurs, nous avons donc déposé cette proposition de loi.

Le modèle sur lequel la relation entre compagnies d'assurances et entreprises s'est construite ne pouvait pas fonctionner dans le cadre d'une crise d'une telle ampleur. Nous avons donc innové en partant des besoins des entreprises et nous avons installé un dialogue nourri avec les assureurs.

Notre proposition de loi poursuit trois objectifs.

Nous tirons les leçons du passé en proposant un niveau de protection identique pour toutes les entreprises. Nous voulons aussi définir les responsabilités respectives des assureurs, de l'État et des assurés pour éviter que se reproduisent les querelles actuelles. Enfin, nous proposons un nouveau partenariat entre l'État et les assurances pour assurer conjointement la protection de nos entreprises contre les événements sanitaires exceptionnels. C'est ce que nous appelons un paratonnerre économique reposant sur la responsabilité partagée entre l'État et les assureurs.

Notre dispositif repose sur quatre principes. D'abord, les assurances couvriront obligatoirement toutes les entreprises contre un événement sanitaire exceptionnel dans le cadre de l'assurance garantie dommages. La notion d'obligation est essentielle pour que la solidarité fonctionne afin d'éviter une insuffisance de l'assiette des cotisants.

Ensuite, le financement du risque et assuré par une cotisation additionnelle au contrat et soutenu par un fonds d'État permettant d'instaurer une solidarité entre assureurs abondé à hauteur de 500 millions d'euros par an minima.

Troisième principe : l'indemnisation des entreprises a lieu quand les mesures prises pour lutter contre une crise sanitaire entraînent une perte d'au moins 50 % du chiffre d'affaires.

Enfin, l'indemnisation des assurances sera aidée par le fonds d'État au prorata des indemnités versées.

Nous avons enfin souhaité insérer des garde-fous dans ce texte.

La garantie est réservée aux entreprises les plus en difficulté, avec la perte d'au moins 50 % de chiffre d'affaires.

L'indemnisation ne couvrirait que les charges fixes d'exploitation, l'État prenant à sa charge l'indemnisation du chômage partiel, les impôts et taxes.

L'indemnisation doit être versée dans les trente jours.

Enfin, la Caisse centrale de réassurance aurait la charge de gérer le Fonds d'État afin d'éviter que l'État ne siphonne ce fonds.

Cette proposition de loi, déposée le 16 avril, préfigure des grands principes que la représentation nationale entend poser pour le nouveau dispositif.

C'est peut-être la première pierre du grand plan de résilience. Nous n'avons pas le droit de décevoir les acteurs économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi est au coeur d'une actualité brûlante. Dès les premières mesures de confinement et de fermetures d'entreprises, le rôle des assureurs a déchaîné les passions. En dépit de leurs engagements, ils ne sont pas au rendez-vous.

Certes, le risque paraît inassurable, mais le législateur est déjà intervenu pour permettre l'assurance du risque exceptionnel par le passé. Ainsi, en 1982, la loi a défini un régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles après les terribles inondations de 1981. Aujourd'hui, les entreprises se tournent vers l'État et les assureurs pour surmonter la crise et, avec ce texte, nous posons les jalons d'une future couverture assurantielle.

Bruno Le Maire a mis en place un groupe de travail rassemblant l'État, la fédération française des assurances (FFA), les entreprises et des parlementaires dont Jean-François Husson, pour travailler sur le sujet. En quelques semaines seulement, nos collègues ont mis sur pied un dispositif complet, et je veux les en remercier.

La tâche était particulièrement ardue, et les auditions que j'ai menées ont souligné à quel point la conciliation des intérêts de chacun constituait un véritable « château de cartes ». Les entreprises doivent se voir garantir une couverture assurantielle juste, tandis que les assureurs doivent pouvoir couvrir les indemnisations à verser. L'État doit protéger le tissu économique, préserver la stabilité du secteur des assurances et limiter le coût pour les finances publiques.

Pour parvenir à une solution équilibrée, les paramètres sont très nombreux : le fait déclencheur, le champ de l'indemnisation, le périmètre des entreprises bénéficiaires, le montant des primes, le mode de déclaration et de versement de l'indemnisation, la présence d'une franchise, les conditions de mobilisation du fonds et son abondement, les conditions de réassurance publique. Chacun de ces facteurs modifie l'équilibre financier du dispositif.

L'appréciation budgétaire de ce mécanisme, et en particulier de son coût pour les entreprises, est d'autant plus difficile que le groupe de travail constitué par le ministère commencerait tout juste à réaliser de premières projections financières. L'absence de recul nous encourage donc à la prudence.

Comme rapporteur, j'ai un triple objectif : préparer l'avenir pour éviter les divergences entre assureurs ; sécuriser nos entreprises ; garantir un partage équilibré des responsabilités et des coûts entre assurés, assureurs et responsabilité nationale.

J'en viens à la proposition de loi.

Le premier article prévoyait initialement l'indemnisation des pertes d'exploitation consécutives à l'application de mesures administratives en cas de crise sanitaire. Cette assurance prend la forme d'une garantie obligatoire des contrats d'assurance contre les dommages d'incendie souscrits par les entreprises, ce qui permet une large couverture des assurés. Cette garantie est couverte par une cotisation additionnelle.

Le dispositif proposé est très protecteur car toutes les entreprises sont concernées, sans distinction de statut juridique, de taille ou de chiffre d'affaires. En outre, les entreprises bénéficiaires sont à la fois celles dont les pertes d'exploitation résultent directement des mesures administratives en vigueur et celles dont les pertes sont indirectes.

Toutefois, plusieurs améliorations ont fait l'objet d'amendements adoptés par la commission des finances. La principale d'entre elles porte sur la notion même de pertes d'exploitation. En effet, la philosophie du dispositif est davantage de sauvegarder temporairement une entreprise, en la soulageant de ses charges fixes, plutôt que d'indemniser la perte de bénéfice qui aurait pu être réalisé en l'absence de mesures extraordinaires. De plus, l'indemnisation des pertes d'exploitation serait colossale en cas de crise systémique comme celle de la Covid-19, ce qui serait de nature à renchérir le coût de la prime pour les entreprises.

Votre commission propose donc d'indemniser les charges fixes lorsque la perte de chiffre d'affaires est au moins équivalente à 50 %. Elle a également prévu un versement rapide de l'indemnisation et l'encadrement réglementaire de la prime. La commission a aussi précisé la vocation du fonds de garantie, la limitant aux crises sanitaires graves.

Pour les autres crises, les assureurs font tout simplement leur métier en indemnisant leurs assurés. Nous posons une double exigence envers les assureurs, en leur demandant d'assurer un risque financé par des cotisations additionnelles et en participant à un fonds servant de réserve de précaution pour les crises sanitaires majeures. Cette configuration présente un double intérêt. D'une part, elle pérennise les ressources du fonds car, s'il avait été sollicité pour l'indemnisation du moindre sinistre, ses ressources disponibles n'auraient pas permis de faire face à une crise d'ampleur nationale, en particulier si son financement ne repose que sur les assureurs. D'autre part, ce schéma permet de garantir une forme de « ticket assureurs », c'est-à-dire qu'il leur revient d'assumer une part du risque. En effet, si les assureurs avaient seulement perçu des primes pour les verser au fonds, leur rôle aurait été réduit à celui d'un collecteur.

L'article 3 prévoit un mécanisme de réassurance publique : si les assureurs ne peuvent faire face au montant des indemnisations à verser, la Caisse centrale de réassurance peut jouer son rôle de réassureur, puisqu'elle bénéficie de la garantie de l'État, permettant à ce dernier d'intervenir en dernier ressort si besoin.

Je ne peux que souscrire aux objectifs de cette proposition de loi que j'ai cosignée. Elle nous donne l'occasion de nous prononcer en faveur d'une première architecture assurantielle et de déterminer les responsabilités de chacun dans la mise en oeuvre de ce paratonnerre économique. Nous devons néanmoins garder à l'esprit que ce premier mécanisme proposé a vocation à évoluer au fil des travaux parlementaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'épidémie que nous traversons n'a pas d'équivalent récent. Ses conséquences économiques sont encore difficiles à chiffrer précisément, mais nous sommes certains qu'elles seront massives.

Les solutions traditionnelles ne fonctionnent pas. Il faut en inventer de nouvelles, dans un état d'esprit solidaire, fraternel et uni, en tant que concitoyens d'un pays qui fait face, comme l'a dit le président de la République le 13 avril.

Parce que de telles crises pourront se reproduire à l'avenir, il est nécessaire de créer un régime de type assurantiel destiné à intervenir en cas d'une future catastrophe sanitaire majeure.

Dès la fin avril, sous l'égide du ministère de l'Économie et des finances, un groupe de travail rassemble toutes les parties prenantes. Je remercie Jean-François Husson et Michel Raison qui y participent activement. Quatre séances de travail ont déjà eu lieu. Les débats sont riches et ont permis d'évoquer la typologie des contrats, les éléments déclencheurs, le champ des périls à couvrir et les mécanismes d'indemnisation.

Plusieurs options du dispositif sont à l'étude. Selon les estimations de la FFA, les acteurs sont unanimes : les coûts sont colossaux et ne peuvent être pris en charge par une solution assurantielle habituelle. Ainsi, le coût de perte d'exploitation est de 120 milliards d'euros pour deux mois de confinement, selon la FFA. Cette somme est à rapporter aux primes annuelles d'assurance dommages aux biens professionnels collectées, qui s'élèvent à environ 4,5 milliards d'euros : la différence parle d'elle-même. Or ce sont ces primes qui permettent de provisionner un risque futur.

Une surprime de 12 % engendrerait 540 millions d'euros annuels. Il faudrait donc plusieurs décennies de cotisations pour obtenir la somme nécessaire.

Si nous voulons construire le paratonnerre économique dont la France a besoin, pour reprendre vos propres mots, monsieur Husson, nous devons donc poursuivre les travaux. Le groupe de travail rendra ses conclusions mi-juin. Le dispositif pourrait être opérationnel à la rentrée, après les nécessaires consultations de toutes les parties prenantes.

Cette proposition de loi pourrait représenter la première pierre de l'édifice et j'espère qu'elle sera votée cette année. Cela suppose toutefois d'avoir pu finaliser les consultations techniques auprès de toutes les parties prenantes sur la base des scénarios dessinés par le groupe de travail. Si ce texte met en avant des principes auxquels nous souscrivons, je ne dirais pas que nous avons tous les éléments pour cristalliser le dispositif. Le dialogue et le travail vont se poursuivre pour parvenir à un dispositif pertinent, utile et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Voici venu le temps de tirer les leçons de la crise et de construire l'avenir. Il nous faudra, la prochaine fois, être prêts, notamment en matière assurantielle.

Nous nous réjouissons donc de cette proposition de loi. À la lecture de son titre, on croit à une participation forte des assureurs au dispositif, telle que nous le souhaitions lors du débat du projet de loi de finances rectificative où nos amendements sur la contribution exceptionnelle des assureurs au fonds de solidarité avaient été repoussés.

La majorité sénatoriale envisageait sans doute un texte plus global à l'ambition contributive, à l'image de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 7 avril ou bien de celle de nos collègues Jacquin et Courteau qui portait à court terme avec une contribution exceptionnelle, et à moyen terme en étendant la garantie de perte d'exploitation dans le cadre d'un nouveau risque.

Hélas, nous restons sur notre faim : le texte se limite à la création d'un risque - c'est bien - et d'un fonds de solidarité garanti financièrement par les cotisations des assurés. Ladite solidarité ne repose hélas que sur les entreprises avec des cotisations additionnelles et non sur les assureurs : c'est là que le bât blesse. Le dispositif créé à l'article 2 ne s'appuie que sur la solidarité entre les entreprises, avec une cotisation additionnelle. Mais où est la solidarité des assureurs eux-mêmes, où est leur participation à ce fonds ?

Depuis le début de la crise, la question de l'engagement des assureurs dans la gestion de crise sanitaire et économique est revenue sans cesse dans le débat public. Certes, les assureurs ont fini par participer à hauteur de 3,2 milliards d'euros, suivant l'exemple des mutuelles et sous la pression de l'opinion publique.

Il faut désormais une solution organisée et équilibrée. Apprenons de cette crise et créons un mécanisme efficace pour sécuriser nos entreprises, grandes ou petites, en cas de nouvelle crise.

La création de ce risque est bien sûr positive : nous la soutenons. Mais nous interrogeons l'équilibre de la proposition de loi sur laquelle nous nous abstiendrons.

M. Jean-Marc Gabouty .  - Il faut replacer l'examen de cette proposition de loi dans le contexte particulier de l'état d'urgence sanitaire. La crise a révélé les failles des contrats d'assurance en matière de pertes d'exploitation ne résultant pas d'un dommage matériel.

Toutefois, dans le contexte de la crise actuelle, il est naturel que les assureurs participent à l'effort de solidarité nationale. Les mesures du Gouvernement liées au confinement ont conduit, en outre, à réduire la sinistralité, entraînant une économie estimée par la FFA à environ 750 millions d'euros. Le groupe de travail s'est-il penché sur le sujet ? Je suis surpris qu'on ne puisse obtenir un chiffre plus précis.

Les économies réalisées me semblent largement sous-estimées par les compagnies d'assurance : les indemnisations s'établissement à 40 milliards par an, soit 3,3 milliards par mois, dont 45 % pour les seules assurances automobiles. Avec 60 % d'accidents en moins, il n'y aurait eu qu'une baisse de 20 % des dommages ? Les économies réelles seraient de trois à cinq fois le montant annoncé par la FFA. Les assureurs ont versé 200 millions d'euros au fonds de solidarité, pour les petites entreprises et indépendants, avant de doubler leur participation quelques semaines plus tard sous la pression notamment du Sénat qui, fin avril, avait voté dans le PLFR 2 les amendements socialistes dont parlait Mme Taillé-Polian, ainsi que celui de M. Retailleau, à hauteur, me semble-t-il, de 1,9 milliard d'euros. Hélas, ces amendements n'ont pas été retenus en CMP dans l'attente d'un dispositif plus pérenne.

Le secteur affirme participer à hauteur de 3,2 milliards d'euros, additionnant des choux à des pamplemousses, à savoir des dotations complètement différentes - fonds de solidarité, investissements en quasi-fonds propres, reports d'échéances, remises commerciales. Le tout, dans une transparence toute relative...

J'adhère à la démarche des auteurs de la proposition de loi. Même imparfaite, elle a le mérite de cadrer les enjeux. Je regrette pour ma part le choix du critère de la perte de 50 % du chiffre d'affaires tant il varie en fonction de l'activité des entreprises. Je préfère un critère de marge ou de résultat brut d'exploitation, moins brutal s'agissant des effets de seuil et plus conforme au fonctionnement habituel des compagnies d'assurance.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, espérant que les travaux parlementaires l'améliorent.

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Cette proposition de loi met le doigt où ça fait mal. Nous avons vécu une crise inédite aux conséquences majeures pour les entreprises. Aux yeux des Français, les assurances n'ont pas été à la hauteur, ce qui n'est pas le cas des banques, initialement critiquées dans le processus d'attribution des prêts garantis aux entreprises (PGE) puis qui ont su en améliorer les modalités.

Les assureurs, en revanche, ont manqué de responsabilité sociale et environnementale, bien qu'ils aient fini, sous la pression du Parlement, par réagir. La mobilisation du Gouvernement, notamment de Bruno Le Maire, a obtenu de leur part une participation de 200 millions d'euros, puis de 400 millions d'euros au fonds de solidarité.

Il faut désormais un dispositif plus pérenne ; c'est ce que propose la proposition de loi avec un double mécanisme reposant sur un fonds de l'État et sur une prime.

Je salue l'implication de Jean-François Husson et du rapporteur, mais il me semble que nous légiférons un peu vite. La commission des finances n'a pas eu le temps d'auditionner des experts. Je le regrette, d'autant qu'un groupe de travail est en place, auquel participent nos collègues Husson et Raison. Il conviendrait d'attendre ses propositions pour avoir un dispositif plus abouti.

Dans une tribune de 2015, les assureurs nous s'interrogeaient déjà sur comment assurer un monde qui va se réchauffer de 2 à 4 degrés. En Californie, certaines compagnies refusent d'assurer le risque incendie. Dans des zones où la montée des eaux est trop importante, le risque inondation n'est plus pris en charge. L'assurance repose sur un risque quantifiable, mesurable et mutualisable. Comment modéliser le risque de pandémie, la pollution et les risques naturels ? Quel est le rôle des assurances dans la transition écologique et climatique ?

Le fonds Barnier, qui fut une grande avancée, fait régulièrement l'objet de critiques sur son périmètre. Évitons ce type de débat... On parle d'une perte d'exploitation de 50 à 60 milliards d'euros mais d'un fonds de 500 millions d'euros. Qui prendra en charge un tel écart ? Ce ne peut être les assureurs, sauf à les faire sombrer.

L'équation n'est pas résolue à ce stade. Notre groupe s'abstiendra donc, le temps d'expertises plus approfondies. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Éric Bocquet .  - Ce texte rappelle les termes de la demande du PDG d'Axa, le 5 avril 2020, de créer un régime d'assurance pandémie inspiré de celui des catastrophes naturelles, à la charge de l'État pour 50 % de son coût, le reste étant pris en charge par un pool d'assureurs privés.

L'analogie avec l'exposé des motifs est parlante.

Les pertes d'exploitation liées à la pandémie se chiffrent à près de 60 milliards d'euros : indemniser l'intégralité mettrait le secteur à terre, estime la présidente de la Fédération française des Assurances (FFA) - malgré la progression de son chiffre d'affaires ces dernières années.

En 2019, Axa a vu son bénéfice net bondir de 80 % pour atteindre 3,86 milliards d'euros, et a reversé 3,46 milliards d'euros en dividendes, tout en imposant à ses salariés de prendre cinq à dix jours de congés payés en avril.

Le « paratonnerre » que propose ce texte n'est pas intégral. Les petites entreprises ne pourront pas payer la surtaxe. À l'inverse, l'État prendrait en charge les salaires, avec le chômage partiel, et les impôts et taxes. Rappelons qu'il a fallu le discours télévisé du Président de la République, le 13 avril, pour que les assurances prennent leur part de la mobilisation économique, en s'engageant à verser 400 millions d'euros dans le cadre du plan tourisme.

Cette proposition de loi critique l'absence de morale des assureurs mais fait financer la garantie par les entreprises et l'État. Elle appelle les assurances à la générosité - sachant que les 400 millions représentent moins de 1 % du total de leurs réserves, qui s'élevaient en 2019 à 54 milliards d'euros. Et ces résultats vont sans doute augmenter, puisque les assurances ont réalisé environ 2 milliards d'euros d'économie sur les indemnisations pendant le confinement.

La proposition de loi a vocation à couvrir « la menace de crise sanitaire grave », notion bien imprécise. Certes, elle comporte des aspects intéressants mais fait la part trop belle aux assurances et aux entreprises aux reins solides, qui auront les moyens de payer la surcotisation. Au total, son efficacité risque d'être limitée car ce sont les plus petites entreprises qui sont les plus soumises aux aléas.

En outre, il paraît déséquilibré de prévoir la prise en charge des dépenses de personnel par l'État, alors que les grandes entreprises pourront continuer à verser des dividendes. Dès lors, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Decool .  - Au XVIIIe siècle, Laplace définissait le calcul des probabilités en un langage clair, net et précis, comme si l'esprit humain était capable de réduire le hasard à des nombres, d'épuiser l'imprévu par le seul usage de la raison.

Or l'imprévu se réinvente sans cesse et excède toujours le cadre de notre pensée, comme nous le montre la crise sanitaire. Cette dernière tient à la propagation fulgurante d'un nouveau virus ; la crise économique, à la réponse politique que nous lui avons apportée, en privilégiant la santé à l'économie. D'autres pays ont fait d'autres choix. Le nôtre, que nous assumons, a des conséquences majeures pour nos entreprises. Les acteurs économiques ont vite compris l'ampleur de la catastrophe qui les attendait et ont cru à la mobilisation des assurances.

Mais les pertes d'exploitation n'étaient pas couvertes par les contrats, entraînant l'incompréhension de nos concitoyens. C'est le signe que le cadre assurantiel n'est pas adapté, que le législateur doit intervenir.

Je me réjouis que le Sénat se soit rapidement emparé du sujet. J'ai déposé pour ma part une proposition de loi, le 8 avril, instaurant un mécanisme d'assurance contre les pertes de recettes ouvrant droit à un crédit d'impôt, à l'initiative des entreprises.

Nous devons agir vite. Je sais le travail réalisé par la commission des finances sur cette proposition de loi qui a reçu de nombreux soutiens. Elle peut cependant être améliorée et je vous soumettrai plusieurs amendements pour préciser les modalités de calcul de la baisse d'activité et faciliter la reprise d'activité.

L'objectif qui nous rassemble n'est pas d'écrire une loi de circonstance, mais de construire un cadre pour l'avenir. Calderón disait que le pire n'est pas toujours certain ; nous devons élaborer un dispositif pour l'éviter, en espérant ne pas avoir à nous en servir.

M. Bernard Delcros .  - Les débats que nous avons eus sur le deuxième collectif budgétaire ont montré l'étendue des interrogations liées à la contribution des assurances à l'effort de maintien du tissu économique et de redressement du pays.

Le droit en la matière est insuffisant, et nous saluons l'initiative de Jean-François Husson.

Cette proposition de loi définit les rôles respectifs des assureurs et de la solidarité nationale dans le soutien au tissu économique et social.

Les compagnies d'assurance enregistrent malgré elles des résultats exceptionnels sur la couverture des dommages dans la période du confinement. Pourtant, ce n'est que sous la pression qu'elles ont consenti à verser 400 millions d'euros au fonds de soutien aux petites entreprises et aux indépendants. C'est un premier pas, mais c'est insuffisant.

Le Sénat avait adopté deux mesures fiscales, l'une relevant la taxe sur les excédents de provisions des assurances, l'autre appliquant une taxe exceptionnelle de 10 % sur leur réserve de capitalisation. Nous y avons renoncé en commission mixte paritaire, le Gouvernement ayant indiqué conduire des négociations avec le secteur. Où en êtes-vous, madame la ministre ? Où en est-on également du plan d'investissement d'un milliard d'euros destiné à soutenir l'économie ? Un troisième PLFR apportera-t-il la solution?

L'assurance relative aux crises sanitaires que propose ce texte ne vaudrait que pour l'avenir. L'objectif est de bâtir un cadre pérenne sans qu'il soit nécessaire de colmater les brèches dans l'urgence. C'est donc un texte qui s'inscrit dans le temps long. Il crée une couverture obligatoire des entreprises par les assurances pour les pertes générées par une menace ou une crise sanitaire grave et, corrélativement, en prévoit le financement par un fonds mutualisé entre les assureurs et abondé par l'État.

La commission des finances a souhaité que le calcul de l'indemnisation se fonde sur les charges fixes des entreprises. Elle a souhaité que l'éligibilité à la garantie repose sur les mêmes critères que ceux du fonds de solidarité pour les TPE-PME. Elle a prévu que le montant des primes serait encadré par décret, et précisé les délais de versement des indemnisations aux assurés.

La mutualisation entre les assureurs des ressources qui alimenteront le fonds de soutien proposé à l'article 2 et la contribution de l'État à ce fonds constituent deux points forts. La clarification sur le rôle de ce fonds, recentré sur les crises de grande ampleur, est totalement justifiée.

Nous soutenons sans réserve la création de cette assurance obligatoire et adopterons à l'unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Dumas .  - Je m'étonne du passage éphémère de la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des finances dans notre hémicycle. Elle est partie au bout de trente minutes...Le sujet est pourtant d'importance.

Face au risque pandémique, la France a fait le choix inédit de la quarantaine et du confinement en privant les commerçants de toute ressource financière, notamment les restaurants. Cet épisode catastrophique pour le secteur touristique parisien fait suite à une succession dramatique d'évènements : attentats terroristes, crise des gilets jaunes, blocage des transports. (M. Jérôme Bascher approuve.) Comment ne pas comprendre le désarroi et l'exaspération des professionnels ? (Même mouvement)

Les sociétés d'assurance ne se sont pas montrées à la hauteur, au motif que les pandémies n'étaient pas couvertes par les contrats d'assurance, y compris les contrats multirisques. À quoi servent-elles donc ? Les pertes d'exploitation liées à une catastrophe naturelle sont, elles, couvertes. En revanche, aucune assurance obligatoire spécifique n'est prévue pour raison de crise sanitaire. En effet, dans le cas d'une catastrophe sanitaire, c'est la décision administrative de fermeture de l'établissement pour limiter la propagation de l'épidémie qui suscite les pertes d'exploitation.

Le tribunal de commerce de Paris a pourtant condamné Axa à indemniser un restaurateur qui avait souscrit une clause particulière prévoyant une indemnisation des pertes d'exploitation résultant de la fermeture administrative.

Par ailleurs, sous la pression médiatique, plusieurs assureurs ont pris en charge une partie des pertes d'exploitation, dans une démarche extracontractuelle solidaire. Reste que la clause d'Axa ne concerne que 10 % des restaurateurs assurés. Il faut donc un système plus global.

Même si cette proposition de loi n'a pas d'effet rétroactif, le secteur des assurances a un devoir moral d'intervention et de soutien. D'où un dispositif que nous proposons pour protéger l'ensemble des entreprises, y compris celles qui subissent des pertes financières indirectes, comme les hôtels. Outre la cotisation additionnelle créée, le fonds d'aide à la garantie des pertes d'exploitation sera alimenté à hauteur de 500 millions d'euros minimum par an, pris en charge par les entreprises et par les assureurs.

La Caisse centrale de réassurance pourra intervenir dans le cas où les assurances ne pourraient pas faire face.

La commission des finances a modifié le texte pour limiter le coût assurantiel pour les entreprises. Elle a remplacé la notion de « perte d'exploitation » par celle de « charges fixes ». Elle a limité le champ de la couverture pour prendre en compte le dispositif du chômage partiel. Le montant de la prime versée par les entreprises sera encadré par voie réglementaire et assis sur le produit des primes ou cotisations des contrats d'assurance de biens professionnels.

Elle a prévu quatre niveaux d'intervention en fonction de la gravité : en premier l'assureur, en deuxième le réassureur, en troisième le fonds d'indemnisation créé par la PPL et en quatrième l'État.

Ces modifications vont dans le bon sens. Souhaitons que le Sénat, d'une seule et même voix, adopte ce texte pour soutenir nos entreprises, qui pourront ainsi continuer d'incarner l'art de vivre à la française, apprécié de chacun dans le monde entier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Mme Pannier-Runacher devrait revenir vers 16 heures. Le ministère des Relations avec le Parlement avait informé la présidence de cette courte absence.

M. Bruno Retailleau.  - Je ne ferai donc pas de rappel au Règlement !

M. Olivier Jacquin .  - Mes propos ne sont que complémentaires de ceux de ma brillante collègue Sophie Taillé-Polian. Le titre de ce texte est ambigu. On tendrait à coordonner le rôle des assureurs et de la solidarité nationale. Or ce n'est pas tout à fait cela. Il s'agit de faire de la prospective et de se doter d'un outil capable de protéger les entreprises en cas de nouvelle crise. Les assureurs y gagneront un nouveau marché.

Un devoir moral d'intervention et de soutien s'imposerait aux assureurs ? Cependant, si la solidarité suffisait, il n'y aurait pas d'impôts ! Ainsi va la vie...

J'ai déposé une proposition de loi cosignée par Claude Raynal et Sophie Taillé-Polian pour instaurer une contribution exceptionnelle des assureurs face à une crise sanitaire. L'idée consiste à prélever une partie des économies opérées par les assureurs lors de la période de crise en raison de la baisse de la sinistralité.

Votre proposition de loi protège la rente future des assurances, en socialisant les pertes et en privatisant les bénéfices.

Lors du deuxième budget rectificatif, M. Retailleau a déposé un amendement non chiffré pour augmenter la taxe sur les excédents de provision des assureurs. Cette taxe ne représenterait quasi rien - quelques dizaines de millions d'euros - or en 2018 les primes d'assurance représentaient plus de 56 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pannier-Runacher, qui participe à une réunion sur les vaccins contre la Covid-19 avec ses homologues européens.

Monsieur Gabouty, certains assureurs ont enregistré des baisses de sinistres pendant le confinement. Mais d'autres risques comme la prévoyance sont en hausse et un surcoût lié à la reprise des accidents depuis le déconfinement a été constaté.

Les assureurs ont pris des engagements à hauteur de 3,2 milliards d'euros pour accompagner les assurés pendant la crise, auxquels s'ajoutent 400 millions d'euros de contribution au fonds de solidarité, ainsi que des mesures d'exemption de cotisations. Le ministre de l'Économie et des Finances a mis en place un comité de suivi à ce sujet. Les versements au fonds de solidarité ont été très largement engagés.

Quant à l'indemnisation des pertes d'exploitation, le ministre des Finances a saisi l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) afin d'examiner la présence de clauses pouvant s'appliquer aux circonstances de la crise de la Covid.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël, MM. Vogel, Bonhomme, Lefèvre et Moga, Mme Imbert et M. Pierre.

Alinéa 4

Remplacer la référence :

par les mots :

7° et 10°

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement prend en compte le cas de la réquisition d'un bien dans le cadre d'une crise sanitaire grave, par exemple la réquisition d'un hôtel pour y installer des malades.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui n'est pas pertinent. Les réquisitions font déjà l'objet d'une indemnisation prévue dans le code de la défense.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Noël et Garriaud-Maylam, MM. Bonhomme, Lefèvre et Moga, Mme Imbert et MM. Pierre et Vogel.

Alinéa 5

1° Supprimer les mots :

La protection contre les évènements sanitaires exceptionnels, objet de

2° Remplacer les mots :

lorsqu'ils ont subi

par les mots :

justifiant d'

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement réaffirme que la charge de la preuve du préjudice revient à l'assuré, ce qui est toujours le cas en matière de droit des assurances.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement rédactionnel. Cela va mieux en le disant.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Decool, A. Marc, Menonville, Bignon, Guerriau, Capus, Fouché et Amiel, Mme N. Delattre, MM. Daubresse et Longeot, Mme Guidez, MM. Lefèvre, Schmitz et Henno, Mmes Noël et Bories, MM. Bonhomme, Vogel, Laménie et Gabouty et Mme Garriaud-Maylam.

Alinéa 5

Après le taux :

50 %

insérer les mots :

due aux mesures prises en application du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la sante? publique

M. Jean-Pierre Decool.  - La rédaction actuelle de l'article indique que la prise en compte de la perte de chiffre d'affaires est évaluée sur la période de crise sanitaire. Or il s'agit bien de couvrir les dommages induits par la mise en oeuvre de mesures dans le cadre de l'état de crise sanitaire.

Cet amendement précise que la perte de chiffres d'affaires doit être liée à la mise en place de telles mesures, afin de garantir l'efficacité du dispositif.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable à cet amendement, satisfait par l'alinéa 4 de l'article. L'amendement pourrait avoir des conséquences non voulues par l'auteur en s'appliquant de manière trop restrictive. Notre rédaction englobe aussi les entreprises qui subissent des pertes indirectes comme les hôtels.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Decool, A. Marc, Menonville, Bignon, Guerriau, Capus, Fouché et Amiel, Mme N. Delattre, MM. Daubresse et Longeot, Mme Guidez, MM. Lefèvre, Schmitz et Henno, Mmes Noël et Imbert, MM. Bonhomme, Vogel, Laménie et Gabouty et Mme Garriaud-Maylam.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

d'application des mesures mentionnées au même article L. 125-7

par les mots :

comprenant la période d'application des mesures mentionnées au même article L. 125-7 et une période équivalente au dixième de la période d'application

M. Jean-Pierre Decool.  - Le nouvel article L. 125-8 prévoit de protéger les entreprises contre les évènements sanitaires exceptionnels lorsqu'elles ont subi une perte de chiffre d'affaires importante durant cette période.

Il convient de la prolonger d'une période post-crise durant laquelle l'activité des entreprises assurées peut poursuivre sa tendance largement en dessous du chiffre d'affaires habituel ou reprendre en forte augmentation. Dans le premier cas, cet amendement vient au soutien des assurés ; dans le second cas, il modère l'aide aux entreprises aux bénéfices des assureurs.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui traite trop largement du soutien à l'activité des entreprises sans se limiter au champ assurantiel. Encourager la reprise économique relève de la compétence de l'État par des assureurs.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le sujet doit être suivi dans le cadre du groupe de travail. Tout accroissement du quantum de l'indemnisation renchérirait le coût pour les entreprises. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Decool.  - Merci alors d'en tenir compte lors des discussions du groupe de travail.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Noël et Garriaud-Maylam et MM. Vogel, Bonhomme, Lefèvre, Moga et Pierre.

Alinéa 6

Après le mot :

charges

insérer le mot :

fixes

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement exclut du bénéfice de l'indemnisation les charges variables d'exploitation qui, en cas de baisse d'activité, diminuent également, mais sont à la main de l'assuré.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Le but de notre dispositif est bien d'écarter les charges d'exploitation variables. Avis favorable.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°8 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël et MM. Vogel, Lefèvre, Moga et Pierre.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

et taxes et de l'allocation financée conjointement par l'État et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage et versée en application

par les mots :

, taxes et versements assimilés, ainsi que de l'allocation versée en application du II

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement fait apparaître l'intitulé exact du poste de charges d'exploitation dans le formulaire Cerfa du compte de résultat.

Par ailleurs il supprime une précision inutile.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement réactionnel de précision.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël et MM. Lefèvre, Moga, Vogel et Pierre.

Alinéa 9 

Remplacer le mot :

couverte

par le mot :

financée

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement est purement rédactionnel.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait. Le terme doit bien être « couverte » et non « financée ».

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël, MM. Lefèvre, Moga, Pierre et Vogel et Mme Imbert.

Alinéa 9 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'assiette de ce taux est assise sur le chiffre d'affaires de l'exercice précédent et, pour les nouvelles entreprises, sur un montant forfaitaire de chiffre d'affaires fixé par arrêté.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement vient préciser l'assiette du taux unique auquel devront se plier les sociétés d'assurance, en prévoyant que l'assiette de ce taux est assise sur le chiffre d'affaires de l'exercice précédent et, pour les nouvelles entreprises, sur un montant forfaitaire de chiffre d'affaires fixé par arrêté.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait. Il pourrait y avoir malentendu sur le taux. Je rappelle que les cotisations ne portent pas sur le chiffre d'affaires et que nous prévoyons un remboursement des charges fixes et non de la partie du chiffre d'affaires.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°11 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Decool, A. Marc, Menonville, Chasseing, Bignon, Guerriau, Capus, Fouché et Amiel, Mme N. Delattre, MM. Daubresse et Longeot, Mme Guidez, MM. Lefèvre, Schmitz et Henno, Mmes Noël et Bories, MM. Bonhomme, Vogel, Rapin, Laménie et Gabouty et Mme Garriaud-Maylam.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 125-11.  -  Sans préjudice de stipulations plus favorables, une provision sur l'indemnisation due au titre du présent chapitre est versée a? l'assure? au moins une fois par mois a? compter de la date de réception par l'entreprise d'assurance de la déclaration de l'assuré ouvrant droit à la garantie prévue à l'article L. 125-7.

M. Jean-Pierre Decool.  - Le nouvel article L. 125-11 prévoit une indemnisation de l'assuré attribuée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception par l'entreprise d'assurance de la déclaration de baisse d'activités de l'assuré. Je préférerais un mécanisme d'acompte.

Il semble plus judicieux de prévoir des provisions mensuelles sur l'indemnisation, afin de garantir la trésorerie des entreprises dès le début de la crise, ajustées tous les mois et soldées à la fin de la crise. Pour les entreprises, la crise est tellement fulgurante qu'elles ne peuvent pas attendre pour être indemnisées.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. La rédaction de la proposition de loi est plus efficace pour les entreprises en permettant plus de réactivité. Nous partageons votre objectif, mais une crise encore plus grave pourrait entraîner une demande de trésorerie tous les quinze jours et non par mois.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël et MM. Moga, Lefèvre, Pierre et Vogel.

Alinéa 11, première phrase

1° Remplacer les mots :

pour l'assuré, l'indemnisation doit être attribuée

par les mots :

à l'assuré, l'indemnité d'assurance doit être versée

2° Après le mot :

déclaration

insérer le mot :

de sinistre

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement est purement rédactionnel.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Retrait de l'amendement n°4 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°12 rectifié.

M. Jean-Pierre Decool.  - Je maintiens mon amendement n°4 rectifié qui prévoit des acomptes, ce qui pourrait sauver des entreprises.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Je soutiens cet amendement n°4 rectifié. Les compagnies d'assurances peuvent retarder des versements pour des raisons administratives parce qu'il manque tel ou tel document. L'amendement qui prévoit des versements programmés est plus sécurisant pour les entreprises.

En outre, le rythme correspond à celui des remboursements des salaires effectués par les Urssaf dans le cadre du chômage partiel.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

L'amendement n°12 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Noël et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Vogel et Lefèvre, Mme Imbert et MM. Bonhomme et Pierre.

Alinéa 13

Remplacer les mots :

majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal

par les mots :

assortie d'un taux de l'intérêt légal majoré de cinq points

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Le versement d'indemnisation doit se faire dans les trente jours. À défaut, elle sera majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal.

Cet amendement prévoit de la remplacer par une majoration de l'intérêt au taux légal majoré de 5 points telle que prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait. Le double de l'intérêt légal est suffisant : c'est 6,30 %. Le porter à 8,15 % serait exagéré, compte tenu du montant colossal des indemnisations. Cela pourrait nuire à la solvabilité des assureurs.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Je le maintiens. Le double du niveau d'intérêt légal, j'estime que ce n'est pas dissuasif pour les compagnies d'assurance.

L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. Moga, Mmes Noël et Garriaud-Maylam et MM. Lefèvre, Pierre, Vogel et Bonhomme.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

pris après avis d'une commission interministérielle chargée de se prononcer sur l'ampleur des indemnisations dues aux assurés

par les mots :

pris sur avis conforme du fonds

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - L'arrêté de répartition des ressources est pris après avis d'une commission interministérielle chargée de se prononcer sur l'ampleur des indemnisations dues aux assurés.

Cet amendement prévoit que cet avis soit pris auprès des acteurs du fonds. C'est plus pertinent.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Le fonds serait, dans votre dispositif, juge et partie car son avis conforme serait requis pour décaisser des fonds. L'avis n'est pas conforme puisque les critères de décaissement sont objectifs.

Enfin, le fonds n'a pas de gouvernance spécifique : c'est un véhicule budgétaire. Cela ne lui permet donc pas de rendre le moindre avis.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le caractère suffisant de la dotation budgétaire du fonds nous interpelle.

Au-delà, cet amendement allège les procédures. Avis favorable.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël, MM. Moga et Lefèvre, Mme Imbert et MM. Pierre et Vogel.

Alinéa 6

1° Première phrase

Remplacer la référence :

L. 125-10

par la référence :

L. 125-11

2° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

fin de la période mentionnée à l'article L. 125-8

par les mots :

date fixée par arrêté ministériel, mentionnée à l'article L. 125-11

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - La proposition de loi prévoit que les assurances doivent communiquer le montant versé à une date déterminée. Cet amendement prévoit une date unique, ce qui sera plus simple pour l'ensemble des assureurs.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Nougein, au nom de la commission.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer la référence :

L. 125-10

par la référence :

L. 125-8

M. Claude Nougein, rapporteur.  - C'est un amendement de coordination, portant sur la franchise des indemnisations.

Demande de retrait de l'amendement n°18 rectifié, qui n'est pas opérant. Il entraînerait une charge de trésorerie lourde pour les assurances. Comment, en outre, la date de réception de l'avis de sinistre pourrait-elle être unique pour tous les assureurs ?

Nous préférons une déclaration unique auprès du fonds pour l'ensemble des sinistres plutôt que par sinistre.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Retrait de l'amendement n°18 rectifié pour les mêmes raisons. Avis favorable à l'amendement n°22.

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

L'amendement n°22 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Noël et Garriaud-Maylam et MM. Lefèvre, Moga, Vogel, Pierre et Bonhomme.

Alinéa 6, dernière phrase

Remplacer le mot :

quarante-cinq

par le mot :

soixante

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - La proposition de loi prévoit que les assureurs disposent de 45 jours pour communiquer à la Caisse centrale de réassurance les indemnisations versées dans le cadre du fonds d'aide à la garantie. Ce délai est trop court. Cet amendement le porte à 60 jours.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui laisse plus de temps aux assureurs.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le délai est encore trop court. Retrait.

L'amendement n°19 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël et MM. Bonhomme, Moga, Lefèvre, Vogel et Pierre.

Alinéa 6, dernière phrase

Remplacer les mots :

fin de cette période

par les mots :

date, fixée par arrêté ministériel, mentionnée à l'article L. 125-11

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement fixe une date unique à partir de laquelle court le délai de communication des indemnisations versées.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement tire les conséquences de l'amendement n°18 rectifié.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°20 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Garriaud-Maylam et Noël et MM. Moga, Lefèvre, Vogel, Bonhomme et Pierre.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....- L'article L. 114-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la garantie des risques d'événements sanitaires exceptionnels mentionnée à l'article L. 125-7, l'action de l'assuré contre l'assureur est prescrite au plus tard trente jours à compter du début de la période d'application de la première des mesures mentionnées au même article L. 125-7. » ;

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cet amendement prévoit un délai de déclaration de sinistre, pour permettre aux assureurs d'indiquer au fonds de garantie le montant des indemnisations versées dans le délai prévu, et permettre ensuite à ce dernier de répartir ses ressources entre les assureurs.

M. Claude Nougein, rapporteur.  - Demande de retrait de cet amendement qui ne répond pas à l'objectif poursuivi. En outre, cela relève du domaine réglementaire. Le délai de prescription ne doit pas être confondu avec celui de déclaration du sinistre. La prescription biennale concerne les actions portant sur la validité, la nullité ou l'exécution du contrat, telles que les actions en responsabilité engagées contre l'assureur.

Heureusement que les assurés ne disposent pas de deux ans pour déclarer un sinistre ! Il est par exemple de 10 jours pour les catastrophes naturelles.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°21 rectifié bis est retiré.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté, de même que les articles 4 et 5.

Explications de vote

M. Jérôme Bascher .  - Cette proposition de loi est particulièrement bienvenue. De fait, je n'ai pas totalement entendu les arguments du Gouvernement et du groupe LaREM selon lesquels on peut attendre.

On peut toujours attendre ! Mais avec les amendements de MM. Gabouty et Retailleau sur le PLFR, nous avions donné un coup de semonce aux assureurs qui n'étaient pas au rendez-vous.

Le Gouvernement nous a demandé de le laisser négocier, mais tout n'est pas encore prêt, on le voit bien. Certes, il y a un groupe de travail, mais dès que le groupe Les Républicains émet une proposition, le Gouvernement nous dit toujours que c'est trop tôt, alors qu'il ne cesse de nous demander de l'habiliter à prendre des ordonnances. Non ! Nous ne pouvons plus entendre ces arguments à la sortie de crise.

Je remercie Mme Dubos d'avoir pallié l'absence de Mme Agnès Pannier-Runacher (Mme la Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances arrive dans l'Hémicycle et prend place au banc du Gouvernement.) mais vous arrivez après le combat. (Sourires)

Cette proposition de loi est extrêmement nécessaire. Évidemment, des améliorations doivent être apportées mais saisissez notre main tendue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Bargeton .  - Il ne s'agit pas d'attendre mais de ne pas légiférer trop dans l'urgence. (M. Jérôme Bascher s'exclame.) Nous sommes les premiers à pester quand on est trop dans l'urgence. C'est bizarre de voter un texte qu'il faut compléter et corriger.

Il n'y a eu aucune audition pour préparer cette proposition de loi. C'est plutôt rare ! En outre, la partie sur l'urgence climatique n'est pas totalement prise en compte.

Il faudra un texte sur le fonctionnement des assurances. Je vois ce qui se joue. Il y a aussi un texte socialiste... Prenons quand même le temps de préparer un texte qui convienne à tout le monde.

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi .  - M. Bargeton dit qu'il ne faut pas aller trop vite. Ce que j'ai retenu de ces deux derniers mois, c'est qu'il y a urgence. C'est parce qu'il y a eu des embouteillages à l'hôpital que la population a paniqué.

Nous avons des points de vue qui ne convergent pas tous, c'est normal.

La Représentation nationale doit chercher des solutions, qui correspondent aux attentes des Français. Dans cette crise, nous devons tous être des soutiens. C'est notre devoir. J'ai envie que la France s'en sorte le mieux possible. Or mieux on prépare les choses, mieux ce sera pour les générations futures. Ne soyons pas hypocrites ni lâches ! Nous avons une exigence de responsabilité et un devoir de vérité. Nous devons nous engager aux côtés des entreprises de la maison France. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Je voterai cette proposition de loi, proposition de base solide. Il faut partir de quelque chose et chercher un calcul de couverture suivant le modèle post-incendie.

Aujourd'hui, les entreprises souhaiteraient une couverture de leurs pertes d'exploitation, au moins à hauteur de 50 %.

Arrêtons de mélanger les choses, madame la ministre.

Les assurances disent qu'elles offrent 3,2 milliards d'euros, mais dans cette somme, il y a du don, de l'investissement et des facilités de trésorerie pour les entreprises. Quelque 30 millions d'euros seraient notamment dus à des opérations de crowd-funding. Les assurances devraient avoir la rigueur de ne pas tout mélanger. Les compagnies additionnent des choses très disparates : il faut différencier le don sans retour de l'investissement ! Au-delà des facilités qu'elles accordent aux uns ou aux autres, les assurances doivent faire preuve de rigueur.

M. Vincent Segouin .  - Ce texte a un fort caractère d'urgence. Sans vaccin, la situation peut se reproduire.

Les aides de l'État sont importantes, mais parfois insuffisantes.

Ce texte respecte la responsabilité de chacun, l'État, l'assuré et l'assureur. Il faut peut-être encore trouver un meilleur équilibre, mais il faut continuer à travailler sur le texte.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements au centre et à droite)

La séance est suspendue quelques instants.

Procurations électorales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à sécuriser l'établissement des procurations électorales.

Discussion générale

M. Cédric Perrin, auteur de la proposition de loi .  - Nous sommes appelés à discuter d'un texte destiné à aménager le droit électoral pour le bon déroulement du second tour des élections municipales. Son objet initial, en mars 2017, se limitait à faciliter et sécuriser le recours aux procurations électorales. Déjà, à l'époque de Périclès, tous les citoyens ne pouvaient pas se déplacer quotidiennement sur la Pnyx pour voter et la démocratie en souffrait. C'est d'autant plus vrai à notre époque, où son fonctionnement est plus complexe encore, plus encore à l'heure de cette crise inédite.

Faciliter l'usage de la procuration électorale est pourtant dans nos missions. Des obstacles empêchent son exercice effectif. Depuis le décret du 11 octobre 2006 qui visait à le simplifier, il revient au mandant d'informer son mandataire : cela semble logique, mais le mandant oublie souvent et, alors, perd son vote.

Le choix de renoncer à l'information automatique du mandataire a donc créé un angle mort. Son rétablissement était l'objet de ma proposition de loi. Je l'avais déposée en octobre dernier, bien avant que l'on entende parler de Covid...

Depuis, la crise sanitaire est intervenue et a considérablement perturbé le premier tour des élections municipales. Je salue du reste tous les sénateurs, leur travail a contribué à éviter une démocratie confinée ces derniers mois.

Le 22 mai, les présidents Bas, Retailleau et Marseille ont déposé une proposition de loi pour sécuriser la tenue du second tour. Car repousser le second tour est une décision qui ne pouvait être prise à la légère, elle aurait relativisé la périodicité des mandats et retardé l'investissement local, alors que l'économie souffre tant.

Le texte prévoit plusieurs démarches convergentes : sécurisation des procurations, élargissement du recours aux procurations, facilitation de l'accès au vote des personnes vulnérables, sécurisation des bureaux de vote grâce à des équipements dont le coût sera pris en charge par l'État, ou encore avis du Conseil scientifique, afin qu'un éventuel report s'organise en bon ordre.

L'abstention a augmenté de 18 points. Ces mesures dérogatoires sont essentielles pour rétablir la confiance des électeurs. À défaut d'autre possibilité, la commission des lois a choisi ma proposition de loi comme véhicule législatif pour ses mesures. J'approuve le travail qu'elle a effectué. Je proposerai pour ma part plusieurs amendements sur l'information, par voie électronique, du mandataire, de sa préfecture et de sa commune. Compte tenu des délais postaux, nous ne pouvons prendre aucun risque. Et cela vaut pour toutes les échéances électorales !

Il faut aussi simplifier les conditions d'établissement d'une procuration pour les élections du mois de juin - d'autant qu'elles varient d'un département à l'autre. Pourquoi demander au mandant un courrier pour que l'autorité administrative se déplace chez lui ? De même les certificats médicaux doivent être supprimés : l'autorité est parfaitement capable d'apprécier la nécessité de la démarche.

Il faut envoyer un signal fort aux électeurs comme aux organisateurs des élections. Le Gouvernement nous a montré la célérité dont il est capable pour faire adopter ses projets de loi pourtant complexes et touffus.

Jacques Coeur avait pour devise : « À coeur vaillant rien d'impossible ». Je souhaite que vous fassiez preuve de la même vaillance pour faire adopter ce texte sénatorial dont l'adoption finale n'a rien d'impossible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - Je vous demande d'excuser l'absence de notre rapporteur François-Noël Buffet. Je ferai de mon mieux pour le suppléer...

Le 28 juin, seront convoqués 16,5 millions d'électeurs pour désigner les conseils municipaux de 4 857 communes, certaines parmi les plus grandes de France.

Ce scrutin a fait l'objet de nombreuses incertitudes ; en plein coeur du confinement, on n'imaginait pas les tenir très prochainement... Le décret a finalement été pris mercredi dernier.

Beaucoup de concitoyens n'en sont pas moins anxieux face à la promiscuité qu'ils devront affronter dans les bureaux de vote. Certains, vulnérables ou encore affaiblis par la maladie, hésitent à se rendre aux urnes. Il faut les rassurer. Nous espérions le faire en parfaite harmonie avec le Gouvernement et la majorité parlementaire, au nom d'un impératif d'intérêt supérieur, le bon fonctionnement de la démocratie.

Notre proposition de loi a fait l'objet de nombreuses expressions positives, y compris au sein de la majorité parlementaire. Las, le Gouvernement n'a pas déclenché la procédure accélérée, dont il est si familier pour ses propres textes, presque tous examinés selon cette procédure.

Ce faisant il prend, seul, la responsabilité d'empêcher un assouplissement du vote par procuration ou par correspondance. Nous en sommes là... J'ai hélas aujourd'hui la certitude que notre volonté de bien faire fonctionner la démocratie le 28 juin n'est pas partagée par le Gouvernement.

Mais peut-être avez-vous songé, monsieur le ministre, à d'autres instruments que celui de la procédure accélérée ? Je vous rappelle que le projet de loi soumis à l'examen des députés, élaboré non pour tenir mais pour reporter les élections du 28 juin, ne pourrait accueillir des amendements relatifs aux procurations. Ceux-ci seraient des cavaliers, ils mettraient en péril la conformité du texte à la Constitution.

En outre, le texte est en cours de discussion et n'arrivera pas à destination à temps. Vous enfourchez un mauvais cheval ! Le seul convenable est le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bascher.  - C'est un animal solide !

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Nous proposons d'autoriser une double procuration. Cela vous choque ? Nous autorisons une procuration dans une autre commune si elle est donnée par l'électeur à l'un de ses enfants ou petits-enfants. Cela vous choque ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi ne soutenez-vous pas notre initiative ? Elle nous donne le temps d'organiser les opérations de vote, afin que l'abstention ne soit pas trop élevée.

Je ne vous ferai pas le procès de souhaiter l'abstention à ce scrutin. Cela serait hors de propos. Quel que soit le taux, jamais il ne remet en cause la légitimité des élus, car ceux qui votent ont le pouvoir de décision. L'abstention a été bien supérieure aux législatives de 2017, il ne viendrait à l'esprit de personne de remettre en cause la légitimité des députés de la majorité. Mais on doit à la démocratie, à la République, une participation satisfaisante.

Les communes ont su gérer la crise et la sortie de crise. Il leur faut à présent investir. Nous devons tout faire pour que les Français, qui hésitent à se déplacer, puissent prendre part au vote. Les dispositions du texte vont dans le sens des annonces du Premier ministre : masques disponibles à l'entrée des bureaux, pris en charge par l'État, bureaux de vote organisés dans le respect de la sécurité sanitaire, que ce soit lors du vote ou du dépouillement.

Nous attendons beaucoup du Gouvernement, non pour nous-mêmes, car nous ne pouvons être élus maires, mais pour défendre la libre expression au suffrage universel. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Union Centriste et Les Indépendants)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La période a changé nos habitudes et bousculé nos usages. Les gestes barrières et la distanciation sociale que nous ignorions il y a six mois font désormais partie de notre quotidien.

En annonçant, le 22 mai, l'organisation du second tour des élections municipales le 28 juin, le Premier ministre a agi en conscience et en responsabilité, après avis du Conseil scientifique et consultation des élus et des formations politiques.

La commission des lois de l'Assemblée nationale examine en ce moment un texte permettant le report de cette élection, si nécessaire.

La campagne et le vote seront différents en raison du respect des gestes barrières, le Conseil scientifique a fait ses recommandations le 18 mai. Mais nous devons tout faire pour favoriser la participation des électeurs qui le souhaitent. Nous prendrons par décret ou par circulaire les mesures applicables à la campagne et au vote. Elles relèvent bien du champ réglementaire...

Ainsi, une seconde affiche sera possible. Nous assouplirons aussi le régime des procurations, supprimant le motif, facilitant le recueil des procurations à domicile ou dans d'autres lieux. Des recommandations seront adressées au maire et au président du bureau de vote pour assurer la sécurité des opérations. Il faut montrer que l'on peut voter en confiance.

Des mesures ont été prises en urgence pour le premier tour ; cette fois, nous disposons d'un mois. La coopération entre l'État et les communes fait que chacun pourra exprimer son vote - ce qui est l'objectif de cette proposition de loi, le Gouvernement n'en doute pas.

Il partage les préoccupations des auteurs, et soutient la possibilité de porter à deux le nombre de procurations par mandataire. Mais pour être utile, la mesure doit être votée à temps. À cet égard, le projet de loi en discussion constitue un vecteur plus sûr et plus efficace. (M. Bruno Retailleau ironise.)

Par ailleurs, la proposition de loi pose diverses difficultés, notamment s'agissant de l'information du mandataire : elle alourdirait la charge des officiers de police judiciaire et remettrait en cause le décret pertinent de 2004, pris par Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur. Au demeurant, cela ne relève pas du niveau législatif.

En outre, la procuration à un mandataire votant dans une autre commune poserait un problème de vérification et pourrait favoriser des démarches frauduleuses. Du reste, c'est pour cette raison technique que le décret sur le projet de loi Engagement et proximité n'a pu encore être pris.

Les mesures que vous proposez, procuration pour les personnes vulnérables, mesures de protection, sont utiles et seront prises - par voie réglementaire. Telle est bien notre intention. Procuration des personnes vulnérables, suppression du motif... Quant au matériel de protection sanitaire dans les bureaux, l'État le prendra à sa charge, le ministre de l'Intérieur s'y est déjà engagé.

La police du bureau de vote - qui donne lieu à plusieurs mesures dans votre proposition - relève du président de ce bureau.

Que chacun puisse exprimer son vote le 28 juin : telle est l'ambition que le Gouvernement soutient. Mais ce texte abrite trop de mesures ne relevant pas du champ législatif.

Vous avez cité Jacques Coeur. Sachez que vous parlez à un Berruyer et que cette devise est celle de la ville de Bourges ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Cette proposition de loi a un caractère urgent puisqu'elle porte sur le deuxième tour des élections municipales le 28 juin.

Si les mesures sont de bon sens et incitent à la participation électorale, il faudrait, pour cette raison même, éviter de trop les dater.

Le premier tour des municipales a enregistré un taux de participation particulièrement bas et il convient d'en tirer les leçons, mais la comparaison des taux entre élections de nature différente - législatives, européennes, municipales  - me paraît vaine, monsieur Bas. La tendance lourde est néanmoins à la baisse, indubitablement, passant de 80 % de participation en 1983 à 64 % en 2014. Cela est notamment lié à la mobilité des familles. Beaucoup de listes électorales ne correspondent plus aux habitants réels de la commune, ce qui est embêtant. Il faudrait y remédier.

Les craintes sanitaires ont été fortes lors du premier tour, qui se tenait juste après la fermeture des écoles, des collèges, des universités puis des bars et restaurants, et alors que le Premier ministre avait exprimé, la veille au soir, des alertes -  justifiées - qui ont fait l'effet d'une douche écossaise. Cela explique le faible taux du premier tour.

Même si j'étais favorable au maintien de ce premier tour, alors que la tenue du second tour n'était pas certaine, je reconnais désormais que c'était une erreur. Il faut assumer collectivement cette erreur car peu de responsables politiques étaient contre la tenue du scrutin le 15 mars.

Le nouveau scrutin pour les conseils municipaux non élus a été fixé au 28 juin. Je ne suis pas favorable à cette date pour des raisons économiques et sociales. L'urgence est de reconstruire notre économie et de permettre aux Français de retrouver leurs familles, de partir en vacances. Quelque 55 % d'entre eux considèrent que la date n'est pas bonne. Le taux de participation risque d'en pâtir et je suis assez pessimiste sur la question, même si je continue à mobiliser nos concitoyens.

Favoriser le vote par procuration est une bonne initiative, dès lors que l'on retient les dispositifs les plus opérationnels. Le pragmatisme s'impose. Tels qu'ils sont organisés pour faire face aux obligations sanitaires, les bureaux de vote ne donnent pas très envie d'y entrer. Ils manquent de convivialité sociale. Qui a envie de s'attarder pour discuter ?

Certaines personnes vulnérables et âgées ne pourront se rendre aux urnes et le recours à la procuration les aidera. Il faut favoriser la participation au vote de nos concitoyens le 28 juin mais aussi conserver les garanties sanitaires efficaces pour les appliquer lors des prochains votes.

M. Arnaud de Belenet .  - (M. Bernard Buis applaudit.) Il nous faut rassurer, protéger, organiser les élections municipales et installer les conseils municipaux. C'est un impératif démocratique et social essentiel.

Sur le fond, il n'y a pas de difficulté. Cependant, le cheval législatif peut poser question. La visibilité n'est pas au rendez-vous. Le choix d'un cheval dans la précipitation interpelle. La clause de revoyure avec le Conseil scientifique est prévue à l'article premier A : or faut-il l'inscrire dans la loi ?

Rien ne coûte de l'afficher dans le texte, même si l'on peut douter que le sujet relève de la loi. Même réflexion concernant les dépenses à la charge de l'État. En revanche, l'accélération de l'application des mesures de la loi Engagement et proximité, sur les mandataires et mandants, relève bien d'un texte de loi.

Permettre à chaque mandataire de disposer de deux procurations répond à une demande de l'association des élus locaux et entre dans le champ de compétences du ministre de l'Intérieur. Des mesures réglementaires ont été prises dans le décret du 27 mai. Certes, j'aimerais vous être agréable, mais je veux également être intellectuellement... Que dire des dispositions qui prévoient la mise à disposition d'équipements sanitaires dans les bureaux, à l'article 2 bis ? Faut-il vraiment l'inscrire dans la loi ? Cela me laisse perplexe.

Aucune difficulté sur le fond. Dans la méthode, le projet de loi en discussion à l'Assemblée nationale et inscrit à notre ordre du jour le 18 juin est suffisamment vaste pour répondre aux enjeux. La proposition de loi d'Alain Richard entrera en vigueur le 22 juillet. D'autres textes existent sur le sujet comme la proposition de loi d'Éric Kerrouche sur le vote par correspondance. La lisibilité risque de souffrir de cette multiplicité des véhicules.

Rien n'empêche que nous poursuivions notre réflexion sur l'automatisation de l'inscription, la dématérialisation de la propagande électorale, sur le vote par correspondance, voire le vote électronique. Nous ne pouvons pas répondre dans l'urgence à de tels enjeux, évoqués par les sept associations d'élus locaux consultées. J'espère que nous parviendrons à un texte efficace et lisible d'ici le 28 juin, afin que les administrations et les administrés ne se perdent pas en interrogations chronophages.

M. Pascal Savoldelli .  - Le Gouvernement a fait un choix qui a créé des incertitudes juridiques et politiques : maintenir le premier tour des élections municipales 48 heures avant l'annonce du confinement total du pays, en sachant pertinemment que le second tour ne pourrait se tenir comme prévu.

Cette décision nous conduit à légiférer de manière palliative, pour rafistoler l'organisation de ces élections.

En 2008, les municipales avaient été reportées d'un an pour des motifs bien moins graves qu'une pandémie : il s'agissait alors simplement d'éviter trop d'élections la même année. Le Gouvernement a préféré mettre en danger nos concitoyens, qui se sont trouvés pris entre des injonctions contradictoires : restez chez vous mais allez voter !

S'assurer de la sécurité sanitaire des opérations de vote sans que cela ne pèse financièrement sur les communes est un moindre mal.

Le local reste la valeur d'ajustement budgétaire du Gouvernement, particulièrement en temps de crise - j'en veux pour preuve le plan de soutien aux collectivités, insuffisant à bien des égards. Le local est sur-sollicité et - en même temps - le Gouvernement réclame une spécialisation des compétences, au mépris de la libre administration des communes.

Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux QPC. Au 19 avril, on comptait 2 828 recours devant le juge de l'élection, deux fois plus qu'en 2014, et certains émanent d'élus dont la légitimité est remise en cause.

Et ce texte modifie les conditions d'organisation du second tour par rapport au premier, à rebours du principe d'égalité devant le suffrage !

Ce pansement législatif ne suffira pas à fermer la plaie démocratique ouverte. Les personnes âgées et les parents de jeunes enfants ont été les abstentionnistes contraints du premier tour, où la participation est tombée à 45 %, 20 points de moins qu'en 2014. Comment mobiliser autour du second tour alors que la vague du chômage déferle ?

Notre démocratie est malade, brouillée par les intérêts égoïstes du marché ; nos institutions sont minées par le présidentialisme et le néolibéralisme. Née du chaos, la Ve République favorise aujourd'hui un régime autoritaire d'exception, loin d'une République des communs, plus juste, égalitaire et participative.

Notre position dépendra du sort réservé à un certain nombre amendements, peu conformes à la souveraineté populaire et la démocratie locale : soit nous nous abstiendrons, soit nous voterons contre.

M. Dany Wattebled .  - Les procurations électorales, introduites en 1946, ont longtemps été réservées à certains électeurs. Leur périmètre s'est élargi en 1975. Elles pallient aujourd'hui l'absence temporaire d'un électeur, pour raisons personnelles ou professionnelles.

Ce texte vise à améliorer l'information du mandataire ; ses conditions de mise en oeuvre en seraient précisées par décret en Conseil d'État. L'enjeu est de sécuriser l'utilisation des procurations et, partant, l'exercice du droit de vote. À cet égard, je regrette la suppression du volet « mandataire » du formulaire de procuration depuis 2006.

Plus largement, la proposition de loi vise à sécuriser les opérations de vote. Je me réjouis que la commission des lois ait supprimé la disposition chargeant les membres du bureau de vote de contrôler la régularité des procurations ; celle-ci relève du maire, sous le contrôle du juge de l'élection. La commission a également renforcé les précautions sanitaires.

En cette période, les procurations sont indispensables pour tous les électeurs malades ou vulnérables qui ne pourront se rendre dans un bureau de vote le 28 juin. La commission des lois a porté de un à deux le nombre possible de procurations pour le même mandataire. Un électeur pourra en outre disposer d'une procuration dans une autre commune au nom d'un ascendant, descendant, frère ou soeur. Enfin, certains électeurs pourront demander aux autorités compétentes de se déplacer à son domicile pour établir ou retirer la procuration. La mesure protège ainsi les plus vulnérables, au sein des Ehpad notamment.

Quelque 16,5 millions d'électeurs de 4 857 communes sont appelés aux urnes le 28 juin. Dans le contexte actuel, ce scrutin implique des précautions. Ce texte pragmatique renforce la sécurité sanitaire dans les bureaux de vote. Le groupe Les Indépendants le soutient sans réserve. (M. Jérôme Bascher applaudit.)

Mme Françoise Gatel .  - La crise sanitaire a interrompu le cycle des élections municipales, prolongeant le mandat des maires sortants. Si cette situation incongrue a été compliquée dans certaines communes, elle a aussi montré le sens des responsabilités des élus locaux.

Les maires ont fait face avec courage et efficacité, surmontant les difficultés même quand c'était impossible : voyez ce qu'ils ont fait pour l'école. Ils font partie des essentiels, ceux qui font tenir la France par gros temps.

La décision d'organiser le second tour le 28 juin est sans doute pertinente. La France doit revenir à la vie rapidement et la gouvernance des collectivités être stabilisée et sécurisée, car d'autres coups de tonnerre nous attendent.

La proposition de loi des présidents Bas, Retailleau et Marseille visait elle aussi à garantir à la fois la sécurité sanitaire et l'expression démocratique. Nous souscrivons à la mise à disposition de matériel sanitaire dans les bureaux de vote, dont le financement revient à l'État.

L'élection municipale est un scrutin au taux de participation traditionnellement élevé. Or, en mars dernier, l'abstention a atteint 52,5 %, 19 points de plus qu'en 2014.

Nous devons permettre au maximum des 16,5 millions d'électeurs, appelés aux urnes le 28 juin d'exercer leur droit sacré de vote.

La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe mais d'apprendre à danser sous la pluie, dit Sénèque. Le vote par correspondance participe de la volonté de faciliter le vote, mais circulaires et ordonnances n'ont jamais séduit les électeurs, cela se saurait...

Après la crise, il faudra réfléchir sereinement à tous les dispositifs favorisant le vote et à leur sécurité. Monsieur le ministre, il vous appartient d'être offensif pour faciliter les procurations. La belle endormie qu'est La Poste fonctionne encore au ralenti dans notre pays dont on dit qu'il se déconfine. Elle n'a pas l'air d'être au courant...

Quand le pays est en danger, les clivages doivent s'effacer. Depuis le début de la crise, le Sénat n'a jamais failli, se délestant même de certaines de ses prérogatives. À votre tour de faire preuve du même sens des responsabilités. Monsieur le ministre, agissez. La démocratie ne peut souffrir ni lenteur ni indifférence, fortiori en état d'urgence, car après l'heure, ce n'est plus l'heure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Cette proposition de loi de Cédric Perrin sert de véhicule législatif à celle de MM. Bas, Retailleau et Marseille. C'est une bouture dont le succès dépend en grande partie du Gouvernement. Je déplore que celui-ci n'ait pas déclaré la procédure accélérée.

Cette proposition de loi répond à des enjeux sanitaires et démocratiques.

Le premier tour a été marqué par une abstention inédite. Il faut donc favoriser la participation au second tour.

Dans les années 1990, la participation aux élections municipales est passée sous la barre des 80 %, puis des 70 % dans les années 2000. Nous pensions avoir atteint un plancher à 63,4 % en 2014, malgré l'attachement des Français à leur maire.

Alors que le 15 mars, la France passait au stade 3 de la pandémie, le choix a été fait de maintenir le premier tour, alors que l'on savait pertinemment que le second tour ne pourrait être organisé. Bilan : moins de la moitié des électeurs sont allés voter.

Selon une enquête Ipsos-Cevipof, 57 % des abstentionnistes disent ne pas s'être rendus dans un bureau de vote par peur du virus. L'abstentionnisme a augmenté avec l'âge : 32 % chez les 18-24 ans, mais 67 % parmi les plus de 65 ans. Le virus était invoqué par 48 % des abstentionnistes dans les communes rurales, mais par 69 % des électeurs urbains. Le scrutin du 15 mars aura lui aussi été infecté par le coronavirus !

L'abstention pourrait être tout aussi forte au second tour. Pas moins de 64 % des Français auraient souhaité un report et un tiers seulement se dit prêt à se déplacer. Nous avons une campagne 2.0 : le Conseil scientifique a demandé que les contacts soient limités et édité des recommandations que nous partageons ; elles figurent dans le texte. Les standards électoraux exigent de la stabilité, mais la situation actuelle demande une certaine plasticité. 

Une mobilisation des services de l'État comme des communes sera nécessaire.

Le vote postal que je propose pourrait rassurer une partie des électeurs. Un amendement introduit à l'Assemblée nationale voudrait l'étendre à l'ensemble des élections. Le coût reste à détailler mais la démocratie n'a pas de prix et nous devons la faire vivre, « quoi qu'il en coûte ». (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte s'inscrit dans un contexte particulier. Ce sont 16,5 millions d'électeurs qui sont appelés aux urnes le 28 juin dans 4 857 communes. Il est particulièrement important de veiller à la sécurité sanitaire dans tous les bureaux de vote.

Les travaux de notre commission des lois ont été largement alimentés par la proposition de loi de MM. Bas, Retailleau, Marseille, pour mieux protéger les électeurs et les candidats lors du second tour des élections municipales de juin 2020.

Nos travaux se sont axés sur la sécurité sanitaire du scrutin et la généralisation des procurations, enjeu démocratique majeur.

Le taux d'abstention a atteint plus de 55 % des inscrits lors du premier tour, en hausse de 19 points par rapport à 2014.

Ce texte vise à garantir une meilleure information du mandataire d'une procuration afin de s'assurer que ce dernier se rende bien au bureau de vote en lieu et place du mandant. Comme M. Perrin, j'estime qu'un envoi électronique serait préférable à un envoi postal. Je précise que je demeure opposé au vote électronique, vieille lune technophile affaiblissant la solennité du vote, qui doit demeurer physique.

Nous prévoyons deux procurations par mandataire, et la possibilité de voter pour un membre proche de sa famille dans une autre commune. Nous rendons possible l'établissement de la procuration à domicile mais aussi son retrait.

En deuxième lieu, cette proposition de loi s'attache à sécuriser les opérations de vote. Des équipements de protection, tels que des masques, devront être mis à la disposition des électeurs et de toutes les personnes qui participent aux opérations de vote. La dépense sanitaire doit revenir à l'État, comme pour les autres dépenses liées à l'organisation du scrutin.

La stratégie portée par ce texte implique une grande mobilisation de la part du Gouvernement. Il incombera à ce dernier d'organiser un véritable service public des procurations. Il sera par ailleurs tenu de mobiliser les moyens nécessaires afin de permettre aux électeurs les plus fragiles d'exercer leur droit de vote.

Je ne sais pas comment les collectivités territoriales pourraient assumer seules l'organisation sanitaire des opérations de vote. C'est pourquoi ce texte prévoit également de mieux encadrer l'organisation du dépouillement.

Je suis donc favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La commission des affaires européennes, début mai, affirmait dans un avis politique que les autorités nationales devaient s'abstenir de changer les règles d'un scrutin juste avant celui-ci, même dans le cadre de la crise sanitaire. Elle ne faisait ainsi que rappeler cette tradition républicaine de ne pas changer le droit électoral dans l'année précédent un scrutin, tradition consacrée dans la loi du 2 décembre 2019 à l'initiative de notre collègue Alain Richard.

Faisons preuve de prudence. C'est d'autant plus nécessaire que la loi du 23 mars qui décale de trois mois les deux tours pose des questions inédites sur l'égalité et la sincérité du scrutin, en témoigne la QPC transmise par le Conseil d'État au Conseil constitutionnel le 26 mai. Il n'est donc pas raisonnable de modifier le code électoral entre les deux tours du même scrutin, même si ce texte répond à des préoccupations réelles.

J'entends bien sûr les critiques sur le second tour où on pourrait voter mais non faire campagne de façon traditionnelle, si on lit le rapport du Conseil scientifique. Le risque d'abstention massive est donc problématique. Mais on ne peut prévoir un vote par correspondance qui a entraîné de nombreuses contestations qui ont conduit à son abandon.

Cette proposition de loi ne pouvant être adoptée avant le 28 juin, je crains qu'elle ne fasse que brouiller les cartes.

M. Antoine Lefèvre .  - « Il y a dans l'année, un jour où le plus imperceptible citoyen participe à la vie immense du pays tout entier, où le plus faible sent en lui la grandeur de la souveraineté nationale, ou le plus humble sent en lui l'âme de la patrie », disait Victor Hugo en 1850.

Les jours d'élection demeurent le moment le plus emblématique de l'exercice de la citoyenneté ; ils s'accompagnent, au sein des bureaux de vote, d'un rituel formalisé, avec les bulletins, l'isoloir et l'urne transparente.

Plusieurs dispositions de la partie législative du code électoral ont constitué lors de leur adoption de véritables innovations. Elles tendaient à garantir la confiance que les citoyens placent dans les opérations électorales, condition de la légitimité des résultats du scrutin. La Constitution, elle-même, veille sur ce pacte républicain. Le juge de l'élection s'assure de l'égalité des citoyens, du secret du vote et de la sincérité du scrutin.

Lorsque la législation électorale est modifiée, le juge constitutionnel contrôle sa conformité à ces mêmes principes.

Le principe du secret du vote repose sur le fait que nul ne voit ce qui est glissé dans l'urne.

La suppression du vote par correspondance en 1975, et l'installation de machine à voter, ou encore les essais de vote par internet, ont élargi les possibilités, mais avec beaucoup de réserves.

Le rétablissement du vote par correspondance, évoqué par l'amendement du président Retailleau, semble à nouveau en odeur de sainteté, le ministre de l'Intérieur ayant affirmé : « que l'objectif du Gouvernement était de faire en sorte qu'un maximum de Français puissent voter, dans un cadre légal ou dans un cadre réglementaire qui peut évoluer d'ici au jour de l'élection ».

François Bayrou plaide pour le vote électronique, estimant que : « L'espèce de blocage de la France sur le vote numérique par internet paraît une absurdité ». Il n'est cependant pas possible de s'y avancer sans en connaître les dangers. En 2014, j'ai commis un rapport sur ce thème : nous avions rencontré des spécialistes informaticiens, des juristes et des usagers, et étudié les expériences étrangères.

Ce rapport en exposait les mérites et les risques. Nous nous étions prononcés pour le maintien de la situation actuelle : poursuite du vote par internet seulement pour les Français établis à l'étranger à l'occasion des législatives. Car en matière de vote à distance, la sécurité est d'autant plus délicate à garantir, que la puissance publique n'a aucune prise ou moyen de contrôle sur le terminal qui sert à l'électeur pour voter. Or comme le rappelle l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi), les moyens pour parer tous les risques informatiques sont hors de prix pour un simple particulier.

Ce risque est d'autant plus fort que selon les électeurs, les terminaux varient, de même que les logiciels et les navigateurs. Il faut aussi regretter l'absence de cadre formel garantissant le secret, comme l'isoloir. En outre, nombre de personnes souffrent d'illectronisme, ce qui peut conduire à les soumettre à la pression de tiers.

J'ai le souvenir de moments de convivialité au cours desquels on aidait les gens à voter par internet...

Le vote électronique des Français de l'étranger a été supprimé pour la présidentielle et les législatives de 2017 à cause de ses dangers. Il suffit de voir ce qui s'est passé lors des élections américaines en 2016.

Enfin, selon le spécialiste du droit électoral Romain Rambaud, on ne peut pas mettre en place le vote électronique à un mois du scrutin en raison du principe de stabilité du droit électoral.

Malgré le temps réduit qui restera au Gouvernement pour organiser ce que notre rapporteur a nommé le service public des procurations, cette proposition de loi apparaît comme juste et nécessaire. Je la voterai. (M. Jean-François Husson applaudit.)

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur .  - Je remercie tous ceux qui se sont exprimés. Nous avons pu mesurer la préoccupation de chacun de favoriser la participation au second tour des municipales.

Monsieur le ministre, sur le caractère législatif des dispositions, je suis prêt à en parler avec vous. Laissez au Parlement quelques latitudes sur le sujet : les termes de l'article 34 de la Constitution sont très généraux.

Nous avons eu tendance à ériger au niveau législatif des éléments réglementaires, comme la durée des campagnes électorales ou les caractéristiques des bulletins de vote pour interdire les photos ou la représentation d'un animal.

Nous mentionnons parfois dans la loi des éléments financiers comme c'est le cas ici pour la prise en charge des masques, point sur lequel vous nous avez rassurés.

Le coeur de la proposition de loi, les procurations, relève bien du domaine législatif. Je comprends que c'est le choix du vecteur législatif qui est en débat. Le vecteur que vous préférez annule le second tour et organise un nouveau scrutin d'ici le 31 janvier 2021.

Suggérez-vous d'inscrire des dispositions sur les procurations pour les élections du 28 juin dans un texte qui annule ces mêmes élections ? Cela me rendrait perplexe. En outre, je ne suis pas certain que ce texte pourrait aboutir plus rapidement que le nôtre si toutefois vous décidiez de mettre en oeuvre la procédure accélérée. Il est très rare que le Sénat s'en réjouisse ! Mais nous pensions que le Gouvernement aurait été reconnaissant au Parlement d'avoir adopté si rapidement ses projets de loi d'urgence. Illusion, naïveté !

Pensez-vous avoir la possibilité d'organiser un nouveau régime de procuration et de vote par correspondance entre le 20 et le 28 juin ? Je ne comprends pas la position du Gouvernement ! Il faut faire vite et là, nous ne le pourrons pas.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État .  - Je ferai deux remarques : notre projet de loi porte aussi organisation du nouveau scrutin ; et seule la disposition sur le nombre de procurations pouvant être établies relève de la loi. Les autres relèvent d'un décret en Conseil d'État, qui sera pris.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Je n'ai pas dit le contraire !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Certes, mais je tenais à la rappeler.

Dès lors, la question du délai pour ces dispositions se pose avec moins d'acuité. Sur l'autre projet de loi, des amendements sont en préparation pour augmenter le nombre de procurations autorisées.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier A est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier A

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 49, il est inséré un article L. 49-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 49-1 A.- L'utilisation de tout ou partie des listes d'émargement du premier tour afin de démarcher les électeurs est interdite. » ;

2° Après l'article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-... ainsi rédigé :

« Art. L. 90-....- Toute infraction aux dispositions de l'article L. 49-1 A est punie d'une amende de 75 000 €. » ;

3° Le II de l'article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, de l'accès à tout ou partie des listes d'émargement du premier tour de scrutin afin de démarcher des électeurs. » 

Mme Christine Herzog.  - Cet amendement interdit tout démarchage dans le but d'obtenir une procuration. Certains candidats le font auprès de personnes âgées ou auprès de celles qui se sont abstenues au premier tour. Il faut mettre fin à ces abus.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Défavorable. C'est heureusement déjà interdit.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. François Bonhomme.  - Le caractère communicable de ces documents ne fait aucun doute. M. Masson doit le savoir, vu son ancienneté à l'Assemblée nationale et au Sénat. En outre, le terme démarchage me semble ambigu : l'électeur et le candidat doivent pouvoir entrer en contact.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 52-1, il est inséré un article L. 52-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 52-1-1.- Le démarchage d'un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. » ;

2° Après l'article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-... ainsi rédigé :

« Art. L. 90-....  -  Toute infraction aux dispositions de l'article L. 52-1-1 est punie d'une amende de 75 000 €. » ;

3° Le II de l'article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, du démarchage afin d'obtenir des procurations. »

Mme Christine Herzog.  - Cet amendement interdit l'utilisation des listes d'émargement du premier tour aux fins de démarchage. C'est d'autant plus essentiel que les maires sortants ont seuls accès à ces listes.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 72-1 du code électoral, il est inséré un article L. 72-2 ainsi rédigé : 

« Art. L. 72-2.- Le démarchage d'un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. » ;

2° Après l'article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-... ainsi rédigé :

« Art. L. 90-....  -  Toute infraction aux dispositions de l'article L. 72-2 est punie d'une amende de 75 000 €. » ;

3° Le II de l'article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, du démarchage afin d'obtenir des procurations. » 

Mme Christine Herzog.  - Cet amendement interdit le démarchage en vue de solliciter une procuration de la part d'un électeur.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Ces deux amendements sont satisfaits. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Cédric Perrin.  - Je suis étonné d'entendre dire que seuls les maires auraient accès aux listes électorales ; c'est complètement faux. C'est une pratique courante d'autant que les préfectures mettent à disposition ces listes d'émargement.

M. François Bonhomme.  - Pourquoi utiliser le terme de démarchage ? Un maire qui se laisserait aller à ce type de pratique se ferait une très mauvaise publicité. Je ne comprends pas cet amendement.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 66, il est inséré un article L. 66-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 66-1.- Avant l'élection, sont interdits tout collationnement du nom des abstentionnistes lors du premier tour et toute reproduction totale ou partielle, de la liste d'émargement. » ;

2° Après l'article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-... ainsi rédigé :

« Art. L. 90-...  -  Toute infraction aux dispositions de l'article L. 66-1 est punie d'une amende de 75 000 €. »

Mme Christine Herzog.  - Cet amendement interdit le recensement des abstentionnistes au premier tour, afin d'interdire le démarchage par certains candidats peu scrupuleux.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Cela est contraire au droit. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Éric Kerrouche.  - L'article premier qui réintroduit le principe de l'information du mandataire, supprimé en octobre 2006, ne nous apparaît pas forcément opportun. Le but de ce texte est de réduire les contraintes. Or cet article les accroît.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est contraire à la position de la commission.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Cet article est du domaine réglementaire. La disposition en question a d'ailleurs été abrogée par décret. Elle ferait en outre peser une charge supplémentaire sur les magistrats et les officiers et agents de police judiciaire, déjà lourdement mis à contribution

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Perrin, Raison, Milon, B. Fournier, Saury et Bouchet, Mme M. Mercier, M. Piednoir, Mme A.M. Bertrand, M. Lefèvre, Mme Lassarade, M. Bouloux, Mme Lopez, MM. Pierre et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. Bonne, Mmes L. Darcos, Micouleau et Puissat, MM. Bascher et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Grosperrin et Mandelli, Mme Imbert, M. del Picchia, Mmes Deromedi, Lamure, Canayer et Bruguière, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, MM. Vogel, Rapin et Bonhomme, Mme Bories, MM. Chaize et Charon, Mmes Berthet et Raimond-Pavero et MM. Sido et Darnaud.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Les autorités compétentes pour établir la procuration en informent, par voie électronique, la préfecture de département du mandant. Cette dernière en informe, également par voie électronique, la commune du mandant.

M. Cédric Perrin.  - L'objet de ce texte est de faciliter l'expression des électeurs au second tour, en nous assurant que l'information en matière de procuration arrive dans les temps dans les préfectures. Il suffirait que dans le formulaire de procuration on inscrive le mail de la préfecture du mandataire pour que celle-ci informe la commune du mandataire. On gagnerait du temps, d'autant que La Poste n'a pas rendu les services attendus en cette période de Covid et je doute qu'elle soit en capacité de le faire en juin.

Il serait donc utile de mettre en place cette procédure dématérialisée simple à mettre en oeuvre. Nous avons tous connu, en tant que maires, des procurations qui ne sont pas arrivées dans les temps parce que La Poste n'avait pas fait son travail.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous désirons tous simplifier les procédures de procuration et il est vrai que certaines arrivent trop tard. Nous communiquerons largement auprès des électeurs pour qu'ils établissent leur procuration bien en amont du scrutin.

Mais votre proposition, réglementaire, risque au contraire d'allonger les délais. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric Perrin.  - J'entends vos arguments, mais je crois l'inverse. Il suffit que l'officier de police judiciaire (OPJ) informe la préfecture du département. C'est simple et immédiat et cela permettra de prendre en compte les procurations tardives qui ne pourraient pas être traitées à temps par La Poste. Je ne comprends pas votre avis défavorable.

Mme Françoise Gatel.  - Je souscris à cette proposition, car nous sommes en situation d'urgence. Vous dites avoir communiqué sur les procurations, mais La Poste ne fonctionne pas assez bien pour livrer les procurations à temps en cette période. C'est le cas dans une commune de 10 000 habitants de mon département où le bureau n'est ouvert que deux jours par semaine.

La valeur et la force d'une chaîne dépendent de son maillon le plus faible. En l'occurrence, ce n'est pas l'établissement des procurations, mais leur acheminement par La Poste qui pose problème. Et l'on se retrouvera dans les bureaux de vote face à des gens courroucés qui se verront refuser de voter pour leur mandant car la mairie n'aura rien reçu.

M. Jean-François Rapin.  - Je soutiens aussi cet amendement. Une circulaire ministérielle autorisait les fax de dernière minute au bureau de vote. Mieux vaut prévenir que guérir : un mail préalable à toutes les préfectures me semble utile.

Dans ma commune, qui comportait de nombreuses résidences secondaires, un commissariat parisien avait failli et nous avions pu obtenir toutes les procurations par fax.

M. Vincent Segouin.  - Ce dispositif me semble plus simple à mettre en place que d'inciter La Poste à mieux fonctionner.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous voulons aussi un maximum de procurations. Nous communiquerons largement. Les procurations pour le 22 mars ont été prolongées. Nous travaillons aussi avec La Poste pour l'acheminement des procurations.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Perrin, Raison, Milon et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. Bonne, Mmes L. Darcos, Micouleau et Puissat, MM. Bascher et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Grosperrin et Mandelli, Mme Imbert, M. del Picchia, Mmes Deromedi, Lamure, Canayer et Bruguière, M. Pierre, Mme Lopez, M. Bouloux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme A.M. Bertrand, M. Piednoir, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Saury et B. Fournier, Mme Bories, MM. Bonhomme, Rapin et Vogel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Duplomb, Chaize et Charon, Mmes Raimond-Pavero et Berthet et MM. Sido et Darnaud.

Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il est informé par voie électronique ou, lorsqu'il n'a pas accès à un moyen de communication électronique, par voie postale.

M. Cédric Perrin.  - Vous parlez d'une communication importante. Cet amendement concerne l'information du mandataire. L'essentiel des procurations est fait à la dernière minute : la communication du Gouvernement ne suffira pas.

Il faut aussi pouvoir établir une procuration le dimanche du vote, ce que les textes permettent. Dès lors, l'information doit être instantanée, sauf à priver certains de procurations, notamment parce que le service postal est déficient. Si un service public a été déficitaire durant cette crise, c'est bien celui de La Poste. D'ici le 28 juin, les services n'auront pas été rétablis.

Combien de procurations perdues car le mandataire n'était pas au courant ? Il faut revenir sur le décret de 2006.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Votre amendement ne précise pas sur qui reposerait la charge d'informer le mandataire. Cela relève en outre du domaine réglementaire.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous allons voter cet amendement comme le précédent, car il n'intervient pas sur le choix de l'électeur ni sur la sincérité du vote. Il est purement technique et facilite le vote par procuration.

On dit qu'il faut lutter contre l'abstention, mais vous refusez un amendement en ce sens car les services de l'État auraient à la charge le soin d'avertir le mandataire... Or la disposition prévue ici utilise l'outil numérique que vous vantez tant !

M. Cédric Perrin.  - Il faut savoir vivre avec son temps et être cohérent sur les procédures électroniques. Ma proposition est simple et n'alourdira que très modérément la charge de l'OPJ. Le mail est un moyen de communication efficace : utilisons-le !

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mmes Costes et N. Delattre, MM. Requier et Artano, Mme M. Carrère et MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Jeansannetas, Roux et Labbé.

Alinéa 1

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

2° Remplacer les mots :

y compris lorsqu'elles sont

par les mots :

dont deux

M. Jean-Marc Gabouty.  - Cet amendement augmente à trois le nombre maximal de procurations, dont deux établies en France. La troisième serait pour les procurations établies par les Français de l'étranger.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Retrait ? Le texte de la commission des lois est déjà une avancée pour les électeurs. Depuis 2016, les Français de l'étranger ne peuvent être inscrits concomitamment sur les listes communales et sur les listes consulaires.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Gabouty, Requier, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gold, Jeansannetas et Roux et Mme Jouve.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Attendu qu'il est impossible pour les services municipaux de vérifier l'établissement des procurations hors de leur commune, cette disposition pourrait entraîner des fraudes à défaut de l'existence d'un système centralisé qui permettrait les vérifications nécessaires.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. - Le mandataire peut ne pas être inscrit dans la même commune que le mandant.

M. Éric Kerrouche.  - Cet amendement étend le « vivier » des mandataires possibles en levant intégralement la restriction qui oblige que mandant et mandataire soient inscrits dans la même commune.

Cette disposition a été adoptée par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, mais son entrée en vigueur a été différée au 1er janvier 2022, afin de laisser le temps de procéder aux adaptations techniques du répertoire national unique.

Il ne nous apparaît pas clairement en quoi le critère retenu - le cercle familial - constitue une réponse adaptée aux enjeux techniques que soulève l'extension du vivier. Nous proposons en conséquence de supprimer ce critère et de donner sa pleine portée à la disposition plus large adoptée lors de la loi Engagement et proximité.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Après le mot :

procuration

insérer les mots :

de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin,

M. Éric Kerrouche.  - Élargissons le vivier au conjoint ou concubin.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Sans surprise, nous préférons notre texte. Le critère familial se justifie : il n'est pas exorbitant pour un très proche parent n'habitant pas la commune de recevoir une procuration d'un membre de sa famille âgé ou qui ne peut se déplacer. Avis défavorable à l'amendement n°15 rectifié.

L'amendement n°12 élargit le périmètre des personnes non électrices dans la commune, susceptibles de recevoir une procuration, au-delà de la famille proche. C'est ce qu'il faudrait faire, mais l'administration n'est pas prête. Souhaitons que nous puissions appliquer une telle mesure l'an prochain. En attendant, c'est en raison des difficultés pratiques que ne manquera pas de soulever le Gouvernement et dont nous avons vérifié qu'elles sont réelles que nous avons émis un avis défavorable à l'amendement n°12.

Cependant, la commission a accepté de modifier ce cercle de la famille proche au-delà des ascendants et des descendants, pour prendre en compte les concubins ou partenaires liés par un PACS, qui ne seraient pas inscrits dans la même commune. Avis favorable à l'amendement n°13.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Oui, une disposition législative prévoit effectivement, à terme, cette faculté, mais le décret a été prévu au 1er janvier 2022, uniquement pour des raisons techniques. Il faut que le fichier du répertoire électoral unique fonctionne pour que nous puissions exercer les contrôles suffisants. Pour l'instant, il ne permet pas de vérifier une procuration établie dans une autre commune. On sait qu'il peut y avoir des fraudes. Le contrôle reposerait sur les maires.

Avis favorable à l'amendement n°15 rectifié. Avis défavorable aux amendements nos12 et 13.

M. Éric Kerrouche.  - Nous retirons l'amendement n°12 au profit du n°13, sensibles aux arguments du président Bas.

L'amendement n°12 est retiré.

M. Pascal Savoldelli.  - Pourquoi discuter en commun ces trois amendements ? L'amendement n°15 rectifié évite une demande supplémentaire aux communes dont nous savons qu'elle n'est pas tenable. Nous le voterons.

Quant à l'amendement n°13, ne peut-on pas en rester au niveau local ? Si l'on veut faire évoluer la relation entre l'électeur et l'élu, il faut un débat assumé. Les conditions particulières des élections à venir ne se prêtent pas à de telles transformations. Ce n'est pas sérieux pour la République !

Les femmes et les hommes que j'ai côtoyés, quelle que soit leur sensibilité, ou leur milieu, n'ont pas besoin d'appeler leur cousin, leur mère ou leur amant pour aller voter. Ils ont des amis dans leur voisinage, une vie associative ou professionnelle qui peuvent les aider à exercer leur droit de citoyen dans leur commune. Cessons l'infantilisation !

M. le président. - Ces trois amendements sont en discussion commune parce que l'adoption de l'un fait tomber les autres.

M. Pascal Savoldelli.  - Soit !

M. Jean-Marc Gabouty.  - L'amendement n°15 rectifié n'est pas d'opinion. Il ne s'agit pas de stigmatiser les organisations diverses. Mais nous n'avons pas pour l'instant les moyens d'un contrôle efficace du dispositif. En outre, cela redonnerait de nouvelles charges aux mairies.

Mme Françoise Gatel.  - L'argument qui consiste à dire qu'on charge trop la barque des communes vaut tout à fait. Cependant, l'enjeu est d'éviter les abstentions. Je ne crois pas qu'on infantilise les gens quand on permet à une dame de 85 ans de voter par procuration grâce à un membre de sa famille...

M. Pascal Savoldelli.  - Non, je vous en prie, n'employez pas ce type d'argument compassionnel !

Mme Françoise Gatel.  - Vous vous méprenez : j'ai vécu la situation avec mes parents ! Ils souhaitaient absolument que leur mandataire soit leur fille ou leur fils, ne serait-ce que pour des raisons de confidentialité.

Je suis favorable aux amendements proposés et à l'élargissement aux concubins. Certaines personnes ne souhaitent pas que leur voisin connaisse leur vote, par exemple pour éviter des débats politiques.

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas ainsi que l'on doit faire la loi !

M. Éric Kerrouche.  - Sachons relativiser. Nous avons tous tenu des bureaux de vote. Nous savons que le nombre des procurations reste très faible. Étendre la possibilité d'être mandataire aux concubins n'a rien de choquant au vu du nombre procurations rapportées au nombre de votes.

L'amendement n°15 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Gabouty et Requier et Mme N. Delattre.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Personnes âgées de 70 ans révolus à la date du scrutin sans que celles-ci aient à justifier d'un autre motif que leur âge.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Les motifs qui justifient les demandes de procuration manquent de clarté de sorte que certains électeurs hésitent à faire cette demande.

Dans la crise sanitaire du Covid-19, une très grande majorité de décès touchait les personnes âgées de plus de 70 ans, voire 65 ans.

Pour faciliter le vote de ces électeurs qui ont généralement un comportement très civique par leur taux de participation aux élections locales ou nationales, il conviendrait de leur accorder le droit d'établir une procuration sans avoir à en motiver la demande pour une autre raison que leur âge et ainsi bénéficier du déplacement des autorités compétentes pour la recueillir.

Je propose 70 ans, 75 ans ou 80 ans comme seuils possibles.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Gabouty et Requier et Mme N. Delattre.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Personnes âgées de 75 ans révolus à la date du scrutin sans que celles-ci aient à justifier d'un autre motif que leur âge.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Gabouty et Requier et Mme N. Delattre.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Personnes âgées de 80 ans révolus à la date du scrutin sans que celles-ci aient à justifier d'un autre motif que leur âge.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Défendu.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Ces amendements proposent des paliers de cinq ans en cinq ans. Nous l'avons échappé belle, car si les paliers avaient été d'un an nous aurions eu quinze amendements...

Mieux vaut que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) détermine les critères de vulnérabilité. Or il n'a pas souhaité établir de palier pour déterminer si, au-delà de 65 ans, un âge donné déclenche une vulnérabilité beaucoup plus forte. Il y a aussi d'autres facteurs que l'âge.

Retrait au bénéfice d'une approche qualitative plutôt que par seuil d'âge.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Retrait également. Nous faciliterons la possibilité d'établir des procurations en multipliant les lieux pour effectuer la démarche et en diversifiant aussi les motifs dans un texte réglementaire. Ce qui a été mis en place pour le premier tour par une circulaire interprétant l'article R-72 du code électoral sera réintroduit dans un décret à paraître. L'objectif poursuivi par l'auteur des trois amendements est atteint.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Je vous donnerai satisfaction aux deux tiers en gardant le seuil de 80 ans de l'amendement n°26 rectifié... La norme que fixera le HCSP pour définir les critères de vulnérabilité sera moins lisible qu'un seuil d'âge, clair et automatique.

Les amendements nos24 rectifié et 25 rectifié sont retirés.

M. Pascal Savoldelli.  - Si l'infantilisation n'est peut-être pas en cause, je fais le pari de la citoyenneté. Malgré la diplomatie et l'esprit de responsabilité dont ne se départit jamais le président Bas, notre groupe ne participera pas au vote sur ces amendements. Ce n'est pas sérieux !

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Perrin, Raison et Milon, Mme L. Darcos, M. Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. Bonne, Mmes Lassarade, Imbert et A.M. Bertrand, M. Piednoir, Mme M. Mercier, MM. Saury, B. Fournier et Bouloux, Mme Lopez, M. Pierre, Mmes Canayer, Lamure et Deromedi, MM. del Picchia, Lefèvre, Mandelli et Grosperrin, Mme Gruny, MM. D. Laurent et Bascher, Mmes Puissat, Micouleau, Berthet et Raimond-Pavero, MM. Charon, Chaize, Rapin et Vogel, Mme Garriaud-Maylam et MM. Duplomb, Sido et Darnaud.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les électeurs peuvent saisir les autorités compétentes par tout moyen. Elles se déplacent au domicile du mandant sans exiger de justificatif.

M. Cédric Perrin.  - Nous voulons simplifier, alors allons-y ! Si une personne âgée dans l'incapacité de se déplacer souhaite une procuration, elle doit envoyer un courrier à la gendarmerie et produire ensuite un certificat médical, ce qui est compliqué. Celui qui ne pourra pas se déplacer pour voter parce que parti en vacances n'aura besoin d'aucun justificatif pour établir une procuration.

Pourquoi ne pas considérer que l'officier de police judiciaire est parfaitement capable de se rendre au domicile de la personne ? On se passerait ainsi du courrier et du certificat médical. On gagnera du temps et de l'argent, car la sécurité sociale n'aura pas à rembourser la visite médicale - difficile à obtenir dans de nombreux territoires.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Il arrive rarement qu'une personne âgée en maison de retraite médicalisée appelle la gendarmerie pour établir une procuration sans raison. Nous tenons à donner une portée législative aux dispositions que ce texte met en place, car dans le contexte inédit de cette épidémie, qui inquiète beaucoup de personnes vulnérables, il est essentiel d'assouplir les formalités. Nous pourrions facilement trouver les moyens de simplifier cette procédure de procuration à domicile.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous sommes favorables au développement des procurations, mais de là à ce que chacun fasse venir un officier de police judiciaire à domicile, par confort...

Un projet de décret devant le Conseil d'État assouplira la procédure dans les plus brefs délais. Attendons. Retrait.

M. Cédric Perrin.  - Je maintiens mon amendement car il a du sens. Le 15 mars, au moment du premier tour, un certain nombre de préfets ont demandé aux forces de gendarmerie et de police de se montrer extrêmement souples sur les modalités d'appel du mandant. Dans certains départements, on ne demandait plus de courrier. Tirons les leçons de l'expérience du premier tour.

Encore une fois, on ne demande aucun justificatif à un mandant qui part en vacances. Pourquoi en demander à une personne âgée qui ne peut ou ne souhaite pas se déplacer ?

L'amendement n°5 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Gabouty, Requier, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gold, Jeansannetas et Roux et Mme Jouve.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Un officier de police judiciaire compétent pour établir les procurations peut, avec l'agrément du magistrat qui l'a désigné, choisir pour délégué le directeur d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

....  -  Les délégués des officiers de police judiciaire se déplacent à la demande des électeurs dans les conditions prévues par le présent article pour recueillir leur demande d'établissement d'une procuration.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Cet amendement précise, suivant l'ordonnance du Conseil d'État du 11 mars dernier, qu'il est bien possible d'établir une délégation au profit d'un directeur d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; il s'agit de faciliter le recueil des demandes d'établissement des procurations et donc l'organisation du scrutin.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Cet amendement est déjà satisfait par une circulaire du 9 mars 2020. Retrait ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons. Le directeur d'Ehpad peut être désigné dans les conditions réglementaires par un OPJ comme pouvant recueillir les procurations puis agréé par un magistrat. Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié bis est retiré.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER

L'amendement n°2 n'est pas défendu.

M. Éric Kerrouche.  - Nous nous interrogeons sur cet article. Le fait que les procurations établies avant le 22 mars restent valables peut poser problème.

Le décret du 27 mai permet déjà le maintien de ces procurations. L'article n'est donc pas forcément utile.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Une personne qui a donné procuration pour le premier tour seulement donnerait automatiquement procuration pour le second tour ?

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Je me suis aussi posé cette question. Quand vous donnez procuration, vous pouvez prévoir que ce soit pour un an, pour un ou deux tours. Que cela signifie-t-il lorsque le second tour n'a pas lieu à la date prévue ?

Nous avons interprété, afin de faciliter au maximum l'usage des procurations, la volonté du mandant comme voulant voter par procuration au premier comme au second tour. Pour annuler la procuration, la personne qui souhaite se déplacer pour voter le 28 juin, devra faire la démarche.

Dans la plupart des situations, le but était bien de faire voter le mandataire aux deux tours.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Retailleau, Mme M. Jourda, MM. Husson, Allizard et Bascher, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bouchet et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Courtial, Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre, de Legge, Leleux, Longuet et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paul, Piednoir et Pierre, Mmes Primas et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard, Saury, Savary, Savin, Schmitz et Sido, Mme Sittler, M. Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart et Vogel.

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d'assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.

II.- Le vote par correspondance est organisé dans les conditions fixées au présent II.

Le matériel de vote par correspondance est adressé aux électeurs au plus tard le deuxième mercredi qui précède le scrutin. Il comporte trois enveloppes : une enveloppe d'expédition, une enveloppe d'identification et une enveloppe électorale.

Afin de permettre le contrôle de son identité, l'électeur signe l'enveloppe d'identification. Il y insère une copie d'une pièce d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile.

Son pli peut être transmis au tribunal d'instance par voie postale ou par les autorités compétentes pour établir les procurations.

Dans l'attente du scrutin, les plis sont conservés dans un lieu sécurisé du tribunal d'instance. Le greffier en chef tient un registre du vote par correspondance, un numéro d'ordre étant apposé sur chaque pli. Tout électeur et tout candidat, ou son représentant, peut consulter le registre et y consigner leurs observations relatives aux opérations du vote par correspondance.

Le jour du scrutin, les plis sont acheminés jusqu'au bureau de vote par les autorités compétentes pour établir les procurations.

À la clôture du bureau de vote, son président et ses assesseurs indiquent le numéro du pli sur la liste d'émargement et introduisent l'enveloppe contenant le bulletin de vote dans l'urne, après s'être assurés que l'électeur concerné n'a pas déjà voté.

À l'issue du scrutin, les enveloppes d'identification et leur contenu sont conservés jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux. Les plis parvenus après la clôture du scrutin ne sont pas ouverts et sont détruits.

III.- Toute manoeuvre frauduleuse ayant pour but d'enfreindre les dispositions du présent article est punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros.

M. Jean-François Husson.  - On vient d'aborder la question du civisme de nos concitoyens. En période exceptionnelle, il faut proposer le maximum de solutions pour permettre l'utilisation du droit de vote.

Chacun a pu dire sa surprise, lors de la discussion générale, sur le faible taux de participation au premier tour, notamment dans les villes.

Nous sommes attachés à un scrutin qui respecte les recommandations sanitaires et la sincérité du vote. Nous proposons donc le vote par correspondance en rappelant que nous sommes en état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet.

Le Gouvernement doit entendre notre demande. Ne la balayez pas d'un revers de manche par quelques arguties.

Prenons garde, en outre, à ne pas donner le sentiment d'une cuisine électorale décidée entre élus.

M. le président.  - Amendement identique n°21 rectifié bis, présenté par MM. Kerrouche, Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. J. Bigot, Durain et P. Joly, Mme Guillemot, MM. Antiste et Courteau, Mmes Grelet-Certenais, Artigalas et Lepage, MM. Tissot, Fichet, Bérit-Débat et Montaugé, Mme Blondin et MM. Mazuir, Manable, Daudigny, Vaugrenard, Marie et Gillé.

M. Éric Kerrouche.  - L'article 21 rectifié bis souligne notre souhait d'un vote postal pour le 28 juin. À circonstance exceptionnelle, solution exceptionnelle. Nous devons permettre à l'ensemble de nos concitoyens de s'exprimer même s'ils sont inquiets pour leur santé.

La perspective d'une abstention aussi forte qu'au premier tour, alors que les réponses techniques existent, est regrettable.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. J. Bigot, Durain et P. Joly, Mme Guillemot, MM. Antiste et Courteau, Mmes Grelet-Certenais, Artigalas et Lepage, MM. Tissot, Fichet, Bérit-Débat et Montaugé, Mme Blondin et MM. Mazuir, Manable, Daudigny, Vaugrenard, Marie et Gillé.

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ....  - Par dérogation à l'article L. 54 du code électoral, les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d'assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du vote par correspondance. »

M. Éric Kerrouche.  - Nous proposons ici une autre solution, celle d'un décret en Conseil d'État qui fixerait les modalités du vote par correspondance.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. J. Bigot, Durain et P. Joly, Mme Guillemot, MM. Antiste et Courteau, Mmes Grelet-Certenais, Artigalas et Lepage, MM. Fichet, Bérit-Débat et Montaugé, Mme Blondin et MM. Mazuir, Manable, Daudigny, Vaugrenard, Marie et Gillé.

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après la section 3 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section...

« Vote par correspondance

« Art. L. ....  -  Lorsque l'état d'urgence sanitaire prévu à l'article L. 3131-12 du code de la santé publique est déclaré, par dérogation à l'article L. 54 du présent code, les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d'assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du vote par correspondance. »

II.  -  Par dérogation à l'article 1er A de la présente loi, le I du présent article entre en vigueur à partir du 2 janvier 2021.

M. Éric Kerrouche.  - Cet amendement porte une réflexion : nous avons tous été pris de court par la situation. Rien dans le code électoral ne traite cette situation d'urgence sanitaire qui pourrait malheureusement se reproduire. Notre amendement prévoit donc que le vote par correspondance puisse être autorisé dans tous les cas d'urgence sanitaire.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Avis favorable aux amendements identiques nos19 rectifié bis et 21 rectifié bis.

Jusqu'en 1975, le vote par correspondance, autorisé, n'était pas assez encadré ce qui a donné lieu à des dérives. Le dispositif proposé ici est hypersécurisé. Si nous le mettons en oeuvre le 28 juin, nous aurons une petite chance de réacclimater les Français à cette procédure.

Elle est l'équivalent de l'isoloir en permettant à l'électeur d'exprimer secrètement son vote. Il n'est pas question de rétablir la solution antérieure à 1975.

Il faut de la rigueur et nous avons prévu cinq garanties : le matériel de vote par correspondance est adressé au plus tard le deuxième mercredi avant le vote. Il comprend trois enveloppes, dont une pour l'expédition, la deuxième pour l'identification, où est insérée une copie de la carte d'identité et d'un justificatif de domicile. Le tout est transmis au tribunal judiciaire et non à la mairie. Dans l'attente du scrutin, les plis sont conservés dans un lieu sécurisé du tribunal d'instance, où le greffier en chef tient un registre numéroté que tout électeur, tout candidat ou son représentant peut consulter. C'est le gendarme ou le policier qui les transporte jusqu'au bureau de vote. C'est après s'être assuré que l'électeur n'a pas déjà voté que le pli est introduit dans l'urne. Enfin, la fraude serait sanctionnée de deux ans de prison et 15 000 euros d'amende.

Nous faisons donc un pas en direction du vote par correspondance, entouré des plus extrêmes précautions.

Avis défavorable aux amendements nos20 rectifié et 22 rectifié.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Le président Bas a rappelé la suppression du vote par correspondance en 1975 au vu des fraudes qu'il était susceptible de générer, notamment au titre du caractère personnel et secret du vote, ainsi que des difficultés d'acheminement. Il n'est pas envisageable, dans des délais aussi contraints, d'instituer le vote par correspondance pour le scrutin du 28 juin, ne serait-ce que pour des raisons de logistique.

Sans balayer le principe d'un revers de manche, bien au contraire, nous estimons que les difficultés juridiques et techniques rendent, à ce stade, sa mise en place très délicate. (M. Michel Vaspart s'exclame.) Votre proposition est beaucoup plus complexe que le relèvement du plafond pour les procurations, qui peut se faire par voie réglementaire. Il faudra aussi veiller à la sécurité des opérations.

Vu les délais très courts, avis défavorable aux quatre amendements.

M. Jean-Yves Leconte.  - J'ai exprimé mes réserves sur la modification du droit électoral entre les deux tours d'un même scrutin. Je comprends la préoccupation sur la participation. Je rappelle que le vote par correspondance existe pour les députés des Français de l'étranger, mais il est inopérant car quasiment inutilisé ; les électeurs lui préfèrent massivement le vote par internet.

Il est très difficile, avec des bulletins imprimés par les candidats, d'organiser ce type de vote en toute sécurité. Même en s'y prenant très en amont, cela ne marche pas ! À quelques semaines du scrutin, privilégions la stabilité du droit.

M. Éric Kerrouche.  - Monsieur le ministre, quand on ne veut pas avancer, on n'avance pas ! Nous avons consenti d'énormes concessions lors de la crise, multiplié les dérogations à la demande du Gouvernement, mais c'est à sens unique.

Nous ne sommes plus en 1975, Abba n'est plus en tête des hit-parades, et depuis longtemps. Le vote par correspondance est largement éprouvé et robuste dans de nombreux pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ou certains États américains. L'Allemagne l'a mis en place dans l'urgence. Ces arguments ne tiennent pas.

Il existe un large corpus sur le vote postal. Il est tout à fait possible de le sécuriser. Des études en Ontario, au Colorado et dans l'État de Washington ont montré que le taux de fraude n'est pas plus élevé que pour d'autres modes de vote, et que le vote postal est neutre politiquement. Enfin, il accroît en général la participation.

À force de refuser, le Gouvernement nous met dans une situation où il ne sera effectivement plus possible d'apporter une solution...

M. Jean-Marc Gabouty.  - Notre groupe est très favorable au vote par correspondance, mais sa mise en oeuvre à court terme présente des difficultés. Ainsi les documents sont à adresser au plus tard le deuxième mercredi avant le vote, soit le 17 juin. Le matériel est envoyé par les services municipaux - personnels ou vacataires - dans une certaine promiscuité, ou par des sociétés de routage, dans des délais très courts. Or celles-ci sont en nombre limité, ce qui implique parfois des dates limite de dépôt différentes selon les villes : pour le premier tour, la date a pu varier du 28 février au 5 mars. Regrouper l'expédition sur deux jours paraît quasi impossible. Dans certains départements, il faudrait fournir les imprimés autour du 11 juin, soit dans huit jours ! Même si je suis d'accord sur le principe, nous nous heurtons à un problème logistique lié à notre organisation et à la concentration des routeurs.

M. Jérôme Bascher.  - Après le vote des ides de Mars, le Gouvernement nous propose le vote par correspondance aux calendes grecques !

Tout cela parce que vous avez fait preuve d'impéritie depuis le début.

Souvenez-vous, je vous avais interpellé le 4 mars ici même et - coup de colère, erreur de jeunesse ? - vous m'aviez répondu qu'il n'y aurait aucun problème, et qualifié « d'indigne » ! Ce n'est pas grave... Le samedi soir, les Français étaient invités à aller voter, mais on fermait les restaurants... Vingt-quatre heures plus tard, c'était le confinement général.

Vous aviez trois mois pour envisager les choses. Dès le premier texte d'urgence, le groupe Les Républicains invitait le Gouvernement à prendre des dispositions particulières pour le second tour. Vous n'avez pas tenu compte de nos propositions et de nos ouvertures. Vous aviez le temps - et vous l'avez perdu. Oui, du temps perdu pour la démocratie !

M. Pascal Savoldelli.  - J'avais annoncé que nous cheminerions selon l'adoption ou non de certains amendements - je visais des dispositions déjà présentées dans le passé et que nous contestons. Avec le vote par voie postale, nous sommes bien au-delà des contraintes liées au Covid-19 ! Des expérimentations ont été mentionnées : mais les pays cités ne sont pas tous des modèles de démocratie et n'ont pas tous le même maillage communal que la France.

Comment imaginer modifier ainsi structurellement le rapport au vote entre les deux tours d'une élection ? Cela demande un débat avec nos concitoyens et des garanties de sécurité. Ne prenons pas le risque, en retenant des modalités de vote différentes selon les communes, de menacer l'unité républicaine.

Cet amendement est-il gagé ? Nous avons-nous aussi très souvent de bonnes idées, or nombre de nos amendements tombent sous le coup de l'article 40. On parle ici de plusieurs millions d'euros, peut-être 60 ou 80, même si je me méfie des surenchères...

Nous pourrons à partir du 22 juin aller au cinéma, au théâtre et au restaurant, mais nous ne pourrions pas aller voter ?

Mme Marie Mercier.  - La situation est inédite : nous devons organiser des élections dans l'état d'urgence sanitaire. La proposition qui nous est faite est raisonnable. Pour l'élection au Conseil de l'ordre des médecins, nous utilisons le vote par correspondance : nous glissons notre bulletin dans une petite enveloppe bleue, et celle-ci dans une grande enveloppe orange, que nous renvoyons.

Si l'on veut combattre l'abstention, favoriser le vote et fortifier la démocratie, il faut nous en donner les moyens !

Les amendements identiques nos19 rectifié bis et 21 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

L'amendement n°20 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

L'article 2 bis est adopté.

M. Pascal Savoldelli.  - L'amendement précédent n'était pas gagé, alors que le nôtre sur les masques a été jugé irrecevable pour cette raison même.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - En matière électorale, la commission des finances a une jurisprudence libérale de l'article 40 parce qu'il s'agit de faciliter l'expression du suffrage universel : il n'y a pas lieu de gager l'amendement.

La question des masques ne relève pas à strictement parler des opérations de vote elles-mêmes. Du reste, ce qu'a dit le Gouvernement est de nature à vous rassurer.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Savoldelli, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias et Mme Prunaud.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de sept jours à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité d'envoyer à chaque électeur un masque en amont du second tour des élections mentionnées à l'article 1er A de la présente loi.

Ce rapport détaillera les conditions dans lesquelles cette distribution peut être réalisée.

M. Pascal Savoldelli.  - Je remercie le président Bas de cet éclairage, utile pour nous tous sans doute !

Les collectivités locales distribuent des masques. La gratuité des masques n'est pas une demande utopiste, tout de même ! (M. le président de la commission en convient volontiers.) Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui relatif à la distribution de masques aux électeurs.

Dans les communes les plus importantes, nous aurions aimé que soit assuré l'envoi du masque avec les professions de foi et les bulletins, afin de faciliter la participation au vote.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Avis défavorable, mais favorable à la gratuité des masques pour les opérations électorales.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Retrait ou avis défavorable. Des masques seront mis à la disposition des électeurs.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 2 ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par MM. Perrin et Raison.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation à l'article 1er A de la présente loi, l'article 1er demeure en vigueur après le second tour de l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, organisé en juin 2020.

M. Cédric Perrin.  - Cet amendement, dans l'esprit de ma proposition de loi initiale, pérennise les dispositions de l'article premier qui permet de mieux informer le mandataire du dépôt de la procuration.

En 2006, lorsque l'automaticité de l'information a été supprimée, le choix était économique, car l'information était envoyée par courrier recommandé. Nous étions alors en pleine RGPP...

Mais un mail ne coûte rien et il serait susceptible d'éviter des pertes de vote.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - La commission des lois s'est montrée circonspecte car le texte vise uniquement le 28 juin et ne comporte pas de dispositions permanentes. Il s'agit bien de mesures exceptionnelles pour éviter un fort taux d'abstention le 28 juin.

M. Perrin était l'auteur de la proposition de loi, j'ai scrupule à lui demander le retrait de son amendement et le laisse donc seul juge de sa décision.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, par cohérence.

M. Cédric Perrin.  - Je comprends la logique de la commission des lois, mais il faudra revenir sur cette réglementation.

L'amendement n°27 est retiré.

L'article 3 est adopté.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. J. Bigot, Durain et P. Joly, Mme Guillemot, MM. Antiste et Courteau, Mmes Grelet-Certenais, Artigalas et Lepage, MM. Fichet, Bérit-Débat et Montaugé, Mme Blondin et MM. Mazuir, Manable, Daudigny, Vaugrenard, Marie et Gillé.

Compléter cet intitulé par les mots :

et à instaurer le vote par correspondance lors d'un scrutin se déroulant en période d'état d'urgence sanitaire

M. Éric Kerrouche.  - Le caractère solennel du vote physique est essentiel, mais il faut tenir compte à la fois de la difficulté de certains à se déplacer et de la moindre sacralité du vote aujourd'hui.

Il faut faire évoluer les modalités de vote. J'ai déposé avec mes amis une proposition de loi en ce sens, que reprend cet amendement. Dans l'urgence, nous avons dû trouver des solutions. Il ne faudrait pas que des expériences malheureuses ou circonstanciées - un vote des Français de l'étranger - remettent en cause des outils utiles. Cet amendement étant de conséquence par rapport au précédent, je le retire.

L'amendement n°23 rectifié est retiré.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Éric Kerrouche.  - Au scrutin n°108, Jean-Michel Houllegatte souhaitait s'abstenir et non voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Prochaine séance demain, mercredi 3 juin 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 45.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 3 juin 2020

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mme Catherine Deroche - M. Éric Bocquet

1. Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

2. Débat sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse afin d'aider ces publics particulièrement exposés dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire actuelle ? »

3. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, demandant au Gouvernement de mettre en oeuvre une imposition de solidarité sur le capital afin de renforcer la justice fiscale et sociale et de répondre au défi de financement de la crise sanitaire, économique et sociale du Covid-19, présentée par MM. Patrick Kanner, Vincent Éblé, Claude Raynal, Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues.