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Table des matières
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission spéciale
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
ARTICLES ADDITIONNELS avant le titre premier
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier
Ordre du jour du mercredi 22 janvier 2020
SÉANCE
du mardi 21 janvier 2020
49e séance de la session ordinaire 2019-2020
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Catherine Deroche.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Décès d'anciens sénateurs
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues, André Dulait, qui fut sénateur des Deux-Sèvres de 1995 à 2014, ancien président de la commission des affaires étrangères, et de Bernard Joly, qui fut sénateur de la Haute-Saône de 1995 à 2004.
Bioéthique
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Discussion générale
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - La séquence qui s'ouvre revêt une dimension singulière. C'est avec beaucoup d'humilité que nous l'entamons. Ne nous y trompons pas : les projets de loi relatifs à la bioéthique, s'ils peuvent sembler techniques voire abstraits, touchent au plus profond de l'intimité des Français, la famille, l'enfance, la maladie et tout ce qui compose une vie dans ses choix ou dans ses espoirs. Plutôt que de problèmes à résoudre ou de défis à relever, il s'agit de réfléchir à la société dans laquelle nous voulons vivre et que nous souhaitons proposer aux générations futures.
La France prend rendez-vous à intervalles réguliers avec les grandes questions de notre temps. Le champ des possibles ouvert par la science et la recherche biomédicale est vaste. Mais nos principes sont solides et sont autant de jalons et de limites à ne pas dépasser. Dignité de la personne humaine, autonomie de chacun, et solidarité de tous, bien plus que des verrous, ces principes sont des balises qui nous guident et nous protègent.
Nos choix reflèteront nécessairement un certain état de la science, des mentalités et de l'éthique. Ils résulteront de la confrontation entre le possible et le souhaitable, entre des parcours individuels parfois douloureux et des conséquences collectives. C'est au Parlement et nulle part ailleurs que ces choix doivent être faits, car nous les ferons ensemble.
Le philosophe Hans Jonas écrivait dans la préface du Principe responsabilité : « Le Prométhée définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l'économie son impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l'homme de devenir une malédiction pour lui ». Nous ne sommes pas réunis pour autre chose. Le sujet est exigeant et passionnant. Il s'accommode mal des raccourcis et des caricatures.
Ce projet de loi a été enrichi par l'Assemblée nationale et par la commission spéciale du Sénat. Un long cheminement était nécessaire. La méthode retenue depuis des mois a été à la hauteur de ce que nous sommes, ni plus ni moins que des hommes et des femmes confrontés avec leur histoire personnelle, leur sensibilité et leur sens du bien commun, à des choix qui structureront la société française de demain.
C'est dans ce même esprit que nous débattrons pour adapter notre droit, non pas à une société post-moderne, tant redoutée et souvent fantasmée, mais à la société d'ici et de maintenant, dans sa très grande diversité. Accorder de nouveaux droits pour accéder à des techniques médicales, ce n'est pas déréguler ; c'est au contraire permettre à la République de tenir compte des avancées scientifiques pour mieux répondre aux attentes des Français.
Le projet de loi de la commission spéciale porte toujours les avancées proposées par le Gouvernement en matière de procréation : ouverture de l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes seules, et autorisation de l'autoconservation des gamètes. Ces droits, effectifs chez la plupart de nos voisins européens, ne sont contraires à aucun principe de la bioéthique. Ils peuvent être exercés dans un cadre protecteur. Les familles monoparentales et homoparentales existent déjà. Elles sont issues de projets souvent très longs, où les enfants sont ardemment désirés, et où les parents jouent tout simplement leur rôle de parents. Soyons clairs : il n'y a pas, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de droit à l'enfant. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Tout projet parental formulé dans le cadre d'une AMP est déjà soumis au respect de l'intérêt de l'enfant à naître ; il continuera de l'être. Reconnaître la famille dans ce qu'elle a de divers, de pluriel et de riche, voilà ce que nous proposons.
La commission spéciale a fait sien notre souhait selon lequel les personnes nées de procréation médicalement assistée (PMA) avec un don de gamètes pourront connaître l'identité du donneur. Permettre à l'enfant d'accéder à sa majorité à des informations relatives au donneur, c'est lui permettre de se construire comme individu doté d'une histoire propre. Le donneur n'a pas vocation à être un parent, mais il est une pièce de l'identité de l'enfant, un chaînon qui ne doit pas manquer à l'appel d'une existence. Sortir le don du secret, c'est aussi reconnaître ce qu'il a de profondément humain, altruiste et solidaire.
Ce projet de loi comprend aussi de nouvelles mesures en matière de génétique auxquelles je suis profondément opposée. Le séquençage à haut et très haut débit de l'ADN a révolutionné le domaine de la génétique. Le projet de loi initial proposait des mesures concrètes pour augmenter l'usage des examens génétiques réalisés dans le cadre du soin ou de la recherche. Cependant, la facilité et la rapidité d'analyse du génome permettent aisément de dépasser ce cadre, de sorte que nous devons nous poser la question : que cherchons-nous à prévenir par le dépistage, qu'il soit génétique, préimplantatoire ou néonatal ?
Le dépistage en population vise à connaître les maladies auxquelles on serait prédisposé. Mais que fera-t-on de ces résultats que l'on ne sait pas interpréter et qui inciteront la personne à se méprendre sur son état de santé présent comme futur ?
Le dépistage préconception vise à identifier le risque d'avoir un enfant atteint de certaines maladies. Mais une anomalie génétique dont on ne peut prédire comment elle s'exprimera peut-elle justifier que l'on évite la naissance d'un enfant ? Que deviendrait notre modèle de société inclusive, si nous ne voulons plus prendre le risque de la différence ?
M. Bruno Retailleau. - Très bien !
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Le généticien ne doit pas se substituer à la Pythie grecque que l'on interrogeait pour connaître son avenir ; les examens médicaux ne sauraient devenir des oracles ; la vie n'est jamais réductible à une prédiction, aussi scientifique soit-elle.
L'objectif peut être louable dans le champ du dépistage préimplantatoire des aneuploïdies, car le dépistage permettra d'améliorer l'efficacité des fécondations in vitro en évitant le transfert d'embryons non viables. Cependant, il est indispensable de poursuivre la recherche sur l'efficacité de la technique avant de modifier la loi. Un projet de recherche sera financé dès 2020 dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique. Une fois la technique autorisée, l'enjeu portera sur l'implantation ou non d'embryons viables, mais présentant des anomalies génétiques.
Les risques sont réels et les bénéfices incertains. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à une libéralisation de l'accès aux tests génétiques.
Je vous alerte enfin sur les tests généalogiques dits récréatifs, qui exposent à une multitude de risques peu connus mais qui constituent une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs. Les sociétés qui proposent ces tests n'ont rien de philanthropique. La généalogie est le plus souvent un cheval de Troie qui ouvre la voie au dépistage génétique à visée médicale.
Nous avons souhaité que chaque chambre prenne le temps de débattre, sans procédure accélérée. J'espère que le débat parlementaire sera exigeant, serein et apaisé. Certaines modifications intervenues en commission spéciale posent des questions techniques, d'autres plus politiques. Nos amendements ne porteront que sur les éléments que nous considérons comme des lignes rouges à ne pas franchir pour garantir l'équilibre de ce projet de loi.
Un grand projet collectif nous attend : celui d'une société en phase avec elle-même, d'une société qui reconnaît des droits nouveaux, sans rien céder aux principes qui nous lient les uns aux autres. Vous serez les artisans d'un droit qui s'adapte au XXIe siècle et les garants d'un projet qui protège et qui émancipe. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - En tant que membre du Gouvernement, je suis particulièrement fière de co-porter cette loi qui défend des valeurs mais traduit aussi des progrès, tel l'article premier. Je me réjouis que la commission spéciale ait repoussé les amendements visant à sa suppression.
En tant que garde des sceaux, je suis en charge de l'article 4 du projet de loi qui tire les conséquences de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes, sur le plan de la filiation. Le Conseil d'État a été saisi par le Gouvernement de plusieurs options : extension du droit commun ; création d'un dispositif ad hoc pour tiers donneur, que ce soit dans un couple homosexuel ou hétérosexuel ; création d'un dispositif ad hoc pour tiers donneur, spécifique aux couples de femmes.
Notre quadruple objectif est d'offrir aux enfants nés de couples de femmes les mêmes droits qu'aux autres enfants, d'apporter la sécurité juridique aux deux mères et à leurs enfants, sur la base d'un engagement commun et non plus de la vraisemblance biologique. C'est une évolution juste qui doit être juridiquement solide. Nous souhaitons aussi une procédure simple sans démarche supplémentaire pour établir la filiation, et nous ne voulons pas revenir sur la procédure applicable aux couples hétérosexuels.
Aussi avons-nous fait le choix d'un dispositif ad hoc pour les couples de femmes faisant appel à un tiers donneur. Ces couples doivent consentir devant notaire à faire appel à un tiers donneur. Elles s'engagent à cette occasion à devenir les mères de l'enfant qui naîtra. L'acte intégral de naissance portera mention d'une reconnaissance conjointe par les deux mères.
L'emplacement des dispositions a été modifié à l'Assemblée nationale. Au lieu de faire l'objet d'un nouveau titre 7 bis, elles ont été intégrées au sein du titre 7, dans un nouveau chapitre 5.
Ce chapitre, très précisément organisé, reprend les dispositions communes, puis celles qui permettent l'établissement de la filiation. Il rapproche le plus possible les dispositions prévues pour les couples de femmes de celles prévues pour les couples hétérosexuels faisant appel à un tiers donneur, évitant ainsi de bouleverser le droit de la filiation. L'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels faisant appel à un tiers donneur ne sera pas modifié.
L'Assemblée nationale a également fait évoluer la notion de reconnaissance conjointe en la substituant à la déclaration anticipée de volonté (DAV), introduite dans le projet de loi initiale, mais jugée stigmatisante pour les couples de femmes. (M. Bruno Sido marque son agacement.)
Là encore, le Gouvernement assume sa volonté de réduire la différence entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes tout en respectant l'exigence de sécurité juridique. Il n'y a aucune confusion possible entre la reconnaissance conjointe effectuée avant même la grossesse et la reconnaissance selon l'article 316 du code civil qui n'existe qu'en cas de grossesse. La reconnaissance conjointe n'est possible que pour les couples de femmes tandis que la reconnaissance de l'article 316 n'est pas ouverte aux couples de même sexe.
La mention de la reconnaissance conjointe des deux mères sur l'acte de naissance de l'enfant attestera l'hypothèse légale d'une double filiation maternelle. Grâce à son double caractère simultané et anticipé, cette reconnaissance conjointe sécurise la filiation, particulièrement à l'égard de la femme qui n'accouche pas. Les deux femmes seront mères à égalité. Par son antériorité, la reconnaissance conjointe fait également obstacle à l'éventuelle reconnaissance par un tiers avant la naissance.
Un autre sujet s'est imposé à nous lors de la navette : la gestation pour autrui (GPA). L'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ne peut et ne doit en aucun cas conduire à autoriser la GPA au nom du principe de non-discrimination. (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le principe d'égalité ne trouve pas ici à s'appliquer (M. André Reichardt proteste.), d'une part parce qu'il n'existe pas de droit à l'enfant, et d'autre part, parce que les couples de femmes et les couples d'hommes ne sont pas dans une situation identique au regard de la procréation. La reconnaissance du désir d'enfant pour les couples d'hommes où les hommes célibataires révèle des enjeux totalement différents de ceux qui sont liés au recours à la PMA.
Pour la GPA, l'implication du tiers est sans commune mesure avec celle du donneur de gamètes, de sorte qu'elle porterait atteinte aux principes de non-marchandisation du corps humain et d'indisponibilité de l'état des personnes que nous avons maintes fois réaffirmés. Je le réaffirme avec force : il est hors de question d'autoriser la GPA en France.
Pour autant, l'État doit garantir aux enfants nés par GPA, à l'étranger, une vie familiale normale et une filiation reconnue dans notre état civil. Dans ses arrêts du 18 décembre 2019 sur la transcription des actes d'état civil étrangers d'enfants nés par GPA, la Cour de cassation a modifié son interprétation de l'article 47 du code civil sur l'admissibilité de ces actes : désormais, l'appréciation de la conformité de l'acte à la réalité s'apprécie en fonction des critères du droit du pays où a été réalisée la GPA et non en fonction du droit français. Cette solution est source de difficultés car elle soustrait les GPA à l'étranger au contrôle du juge français. Elle fragilise ainsi le contrôle de l'intérêt de l'enfant et la lutte contre le trafic d'enfants, puisqu'il n'est plus nécessaire de prévoir une adoption pour reconnaître le lien de filiation.
Je vous propose un amendement à la version de la commission spéciale pour rétablir l'équilibre antérieur au 18 décembre 2019. Cet amendement rappelle que la réalité doit être appréciée au regard de l'article 47 du code civil, monsieur Retailleau. (M. Bruno Retailleau approuve.)
Le droit de la filiation emporte des conséquences extrêmement importantes et concrètes sur la situation des familles. Évitons toute généralisation dont la portée n'aurait pas été soigneusement mesurée. Il faut savoir protéger les enfants et ceux qui leur ont permis de venir au monde tout en faisant preuve de modestie et de prudence. (M. André Reichardt appelle à aller plus loin.)
Je vous invite à voter ce texte sécurisant, réaliste et juridiquement solide, qui offre les mêmes droits à tous les enfants, et qui prévoit pour leurs parents les mêmes droits et les mêmes devoirs, quelle que soit leur orientation sexuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Ce débat est attendu par la communauté scientifique, concernée au premier chef par l'article 4. Il est aussi attendu par tous nos concitoyens. La bioéthique n'est pas une affaire de spécialistes. C'est un questionnement que nous avons tous en partage. La révision régulière de la loi de bioéthique est une spécificité nationale tout à fait remarquable qui favorise, depuis 1994, la rencontre de la société avec les avancées de la science. Nos concitoyens attendent un débat digne et serein et je sais que le Sénat sera au rendez-vous.
Ce que la science sait rendre possible n'est pas forcément aligné sur le souhaitable. Les progrès scientifiques réalisés ces dernières années interrogent nos cadres habituels de pensée, qu'il s'agisse de la recherche sur l'embryon, sur les cellules souches embryonnaires ou bien en matière de génétique. Combler le hiatus entre les propositions de la recherche et les aspirations de notre société, tel est le coeur de notre droit de la bioéthique.
Depuis 1994, le Sénat a joué un rôle essentiel dans la construction de ce droit. Les chercheurs savent ce qu'ils lui doivent, avec la loi de 2013, qui fixe le régime d'autorisation en matière de recherche sur les cellules souches embryonnaires (CSE).
L'encadrement de la recherche est un travail de funambule. Il ne s'agit ni de sacrifier nos valeurs fondamentales à une quête éperdue de savoir, ni de sacrifier l'espoir de guérir des maladies incurables à des préjugés qui ne correspondent plus à l'état des connaissances. Les nouvelles techniques - comme la découverte des cellules souches induites - révolutionnent la science et nous en arrivons à cette situation paradoxale : jamais les citoyens n'ont autant attendu de la science, et jamais la défiance envers les scientifiques n'a été aussi grande.
Ce projet de loi propose un cadre juridique rénové pour la recherche, après deux décennies d'expérimentation au sein des laboratoires. Il prévoit d'autoriser les recherches sur les possibilités d'édition du génome d'embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental, avant leur destruction. Ces recherches apportent des connaissances essentielles sur le rôle de nos gènes dans les mécanismes de différenciation cellulaire au cours du développement. Le Gouvernement propose de fixer une limite de quatorze jours à la conservation de ces embryons, fondée sur un consensus scientifique international. Loin d'être un blanc-seing aux scientifiques, ce texte veut construire un équilibre.
Les textes internationaux dont nous sommes signataires, comme la Convention d'Oviedo, interdisent la création d'embryons à des fins de recherche, tout comme la modification du patrimoine génétique transmissible à la descendance et l'intégration des cellules animales dans un embryon humain. Je réaffirme très clairement ces interdits.
Cependant, ce texte aménage des espaces propices aux innovations thérapeutiques que nous pourrions mettre au point, si nous comprenions mieux les mécanismes du développement et de la différenciation cellulaire. Ces mécanismes sont au coeur de certaines pathologies, comme des cancers pédiatriques très difficiles à traiter. Il est crucial de donner aux scientifiques les leviers nécessaires à leurs travaux.
Par leur capacité à se transformer, les CSE ouvrent de grandes perspectives à la thérapie cellulaire et à la médecine régénérative. Elles peuvent aider à améliorer la recherche sur les maladies de Parkinson ou d'Alzheimer.
Le régime juridique auquel est soumise la recherche sur les CSE se confond avec celui qui encadre la recherche sur l'embryon, alors même qu'embryon et CSE ne relèvent plus du même questionnement éthique, les cellules souches étant désormais majoritairement issues de lignées dérivées.
S'il va de soi que nos chercheurs auront besoin de produire de nouvelles lignées de cellules souches, jamais un embryon n'est créé à des fins de recherche. Nombreux sont ceux qui craignent que l'on emploie les cellules souches pour produire des gamètes et ce faisant des embryons artificiels. Les embryons destinés à la recherche sont issus de dons, à la suite d'un projet parental. C'est un principe qui ne bouge pas. Quelque 3 000 embryons ont été utilisés depuis 1994 ; 19 000 ont été donnés à la science. D'où notre proposition d'alléger le régime de la recherche sur les cellules souches : elles ne seraient plus soumises à autorisation mais à un régime de déclaration auprès de l'Agence de biomédecine.
Les cellules souches pluripotentes induites découvertes par le Professeur Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine en 2012, peuvent être développées à un stade très proche des CSE, mais sans pouvoir devenir n'importe quelle cellule. Elles ne peuvent pas constituer une alternative, ni à la recherche sur les CSE, ni à la recherche sur l'embryon.
Ce texte permettra à l'Agence de biomédecine d'exercer la totalité de ses prérogatives auprès de la communauté scientifique, qu'il s'agisse des CSE ou des cellules souches pluripotentes induites.
Les expérimentations sur les embryons chimériques suscitent interrogations et fantasmes. Lorsque l'on parle de chimères, il ne s'agit pas de manipulation génétique, mais d'observer les évolutions cellulaires d'un embryon animal auquel sont agglomérées les cellules souches embryonnaires ou induites. Il ne s'agit donc pas de franchir la barrière des espèces.
M. André Reichardt. - Alors c'est quoi ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Il s'agit d'observer dans des cadres différents, les mécanismes de différenciation qui sont au coeur de la recherche sur l'embryon et les différentes catégories de cellules souches. Le droit actuel interdit d'introduire du matériel génétique animal humain dans un embryon humain, mais l'inverse est plus flou.
Avec l'Assemblée nationale, nous avons donné un cadre juridique plus clair. Ce qui est en jeu, c'est de disposer de modèles animaux nous permettant de mieux comprendre certaines pathologies humaines. Beaucoup a été écrit sur certains protocoles de recherche au Japon. À ce jour, nous ne savons pas créer, à partir d'animaux, des organes compatibles avec l'homme, ni mener à leur terme des grossesses sur ces embryons. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans ce projet de loi.
Ce texte dessine les formes d'une recherche libre et responsable. Il met en place de nouvelles lignes rouges. Le temps du dialogue est ouvert.
Le Gouvernement souhaite un débat serein pour parvenir à un point d'équilibre. Nous n'avons pas voulu revenir par amendement sur toutes les modifications du Sénat, préférant déposer des amendements sur ce qui constitue une ligne rouge à ne pas franchir : délais d'observation des embryons in vitro, chimères, diagnostics génétiques...
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Accueillir les innovations médicales au service de nos concitoyens dans le respect des principes éthiques, tel est l'équilibre qu'a recherché la commission spéciale. Le projet de loi du Gouvernement nous a semblé ambigu : d'un côté, il ouvre la voie à des expérimentations discutables sur le plan éthique comme les embryons chimériques ; de l'autre, il reste en retrait de certaines recommandations du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), par exemple en matière de diagnostic préimplantatoire.
Le texte assouplit le cadre de la recherche sur les CSE, qui ne sont pas considérées comme des embryons, sans pour autant sécuriser les recherches sur l'embryon autorisées par la loi de bioéthique mais objet de contentieux systématique.
La commission spéciale a choisi de préciser les prérequis applicables à ces recherches, afin qu'elles puissent prétendre à l'excellence, en étendant à 21 jours la durée limite de développement in vitro d'embryons surnuméraires, par dérogation accordée par l'Agence de la biomédecine. Cela garantira une meilleure connaissance du processus de différenciation des CSE.
Le texte issu de l'Assemblée nationale normalise des recherches qui soulèvent pourtant des questions éthiques majeures comme celles sur les embryons chimériques. Le législateur n'a jamais voulu permettre d'implanter des cellules animales sur des embryons.
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Mais les États-Unis interdisent de mener à terme les grossesses d'embryons chimériques. Pourquoi le faire en France ?
La commission spéciale a élargi le recours au diagnostic préimplantatoire pour éviter la multiplicité des échecs douloureux pour les femmes. J'entends les craintes de dérives exprimées par certains. Le dispositif est toutefois strictement encadré dans ses finalités.
C'est un texte équilibré que je vous proposerai de voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) J'ai été saisie des articles 1 à 4, portant sur l'extension de l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes, la levée de l'anonymat des gamètes et l'autorisation de l'autoconservation des gamètes.
Concernant le premier point, la commission spéciale a donné un avis favorable, contrairement à mon avis. Les votes seront partagés.
M. Bruno Sido. - Absolument.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - La demande des femmes de recourir à l'APM est parfaitement légitime et respectable quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur situation conjugale ; on ne peut remettre en cause leur capacité à aimer un enfant. Peut-on pour autant y répondre favorablement ? Cela soulève quelques questions.
La bioéthique a pour fonction de fixer des limites à ce que nous pouvons demander à la science. Si la médecine est là pour combler des désirs, ne renonçons pas à ce rôle de la bioéthique. Nos désirs sont en effet sans limite.
Servons-nous l'intérêt de l'enfant en le faisant naître sans possibilité d'établir une filiation paternelle ? L'Académie de médecine nous a affirmé clairement qu'aucune étude n'avait la rigueur scientifique suffisante pour pouvoir appuyer un jugement en la matière. Certains pédopsychiatres indiquent que le père et la mère jouent des rôles différents ; selon d'autres, le rôle du père peut être joué par la mère. D'autres encore considèrent que la construction psychique d'un enfant ne peut se faire que s'il a la capacité de s'approprier une filiation crédible, donc hétérosexuelle. Chacun retiendra peut-être ce qui lui convient. Face à des propos contradictoires, prendrons-nous le risque, avec l'autorisation de la société, d'une construction psychique altérée dès la naissance ?
Enfin, le droit de la filiation structure la société. Il est d'ordre public, réglé par l'État. On nous demande que l'établissement du lien de filiation se fasse en fonction de la volonté pure d'un individu qui déclare être parent. La volonté est infinie, mais elle est aussi fragile. Devons-nous structurer la société sur une fondation si fragile ?
Voilà les questions que j'ai voulu poser. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Guillaume Arnell applaudit également.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission spéciale . - Jean d'Ormesson disait : « Comme l'esprit peut hésiter dès qu'il s'occupe de considérations morales et éthiques ! » J'ai fait mienne cette citation au cours de nos auditions, qui m'ont marqué, notamment celles des professeurs Mattei, Frydman et Nisand.
La bioéthique à la française a ceci de particulier qu'elle n'est pas qu'une affaire de médecins, de juristes, mais aussi de philosophes et de citoyens.
L'interdiction des tests génétiques, en accès libre sur internet, est purement virtuelle : plus d'un million de Français y ont eu recours sans aucune garantie sur le devenir des données, monnayées par des sociétés commerciales, ni accompagnement médical. Mais interdire par principe a-t-il du sens ? Ne vaut-il pas mieux encadrer, harmoniser ?
La commission l'a fait en introduisant des garde-fous dans le traitement de données aussi sensibles que les informations génétiques.
Concernant les embryons chimériques, je partage l'analyse de Corinne Imbert : il faut préserver l'excellence de notre recherche en évitant tout risque de franchissement de la barrière des espèces.
Enfin, s'agissant du développement de l'intelligence artificielle, les traitements algorithmiques des données du patient se feront avec son consentement éclairé.
Ces travaux, je le crois, honorent notre institution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale . - Le projet de loi élargit les possibilités de dons croisés d'organes. La commission a introduit des souplesses pour les relancer, en introduisant un statut du donneur, recommandé par la CCNE. Il faut valoriser ce geste altruiste alors que 500 personnes meurent chaque année faute de greffe d'organe.
La commission a aussi assoupli les possibilités de dons par les mineurs et les majeurs protégés, en cherchant l'équilibre entre consentement et vulnérabilité et abaissé la barrière de l'âge à 17 ans.
Concernant l'interruption médicale de grossesse (IMG), la commission a apporté des clarifications bienvenues et n'a pas jugé nécessaire une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé au sens de la clause de conscience générale.
Nous avons également abordé la variation du développement génital.
La commission vous demande d'adopter ce texte qui nous donne l'occasion de montrer que les progrès de la connaissance peuvent être bénéfiques à la population avec les garde-fous nécessaires. L'obscurantisme est fils de l'ignorance et de l'intolérance. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) C'est un texte à part, dont les enjeux sont philosophiques et dépassent les clivages traditionnels : les groupes politiques ont renoncé à la consigne de vote, selon une pratique expérimentée quotidiennement au RDSE, que nous vous recommandons chaleureusement... (Sourires)
La France a fait le choix de confier aux représentants du peuple les décisions en matière de bioéthique. C'est au peuple de trancher sur le permis et l'interdit face à des progrès scientifiques qui font que la médecine ne se limite plus à soigner les malades.
Le débat touche à un conflit de valeurs, qui nous traverse tous, en opposant, non pas le bien et le mal, mais deux éthiques : la volonté du patient et la protection des plus vulnérables. L'une ne l'emporte pas absolument sur l'autre.
La société veut-elle ce que la science peut ? Considérant, comme le dit si bien Jean Leonetti, qu'il est important de continuer à énoncer l'interdit, je ne parlerai qu'en mon nom propre.
Rappelons d'abord que ce texte ne contient pas la GPA, l'eugénisme, les chimères. Il n'ouvre aucune porte. Brandir la GPA pour refuser la PMA, c'est nier le débat parlementaire qui s'ouvre.
Comme l'a justement rappelé le rapporteur Bernard Jomier, les précédents débats de bioéthique ont fait apparaître les mêmes dérives, qui n'ont pas eu lieu grâce aux précautions du législateur.
La marchandisation du corps crainte par certains est déjà à l'oeuvre, faute d'éthique et de doctrine dans notre pays. Ne pénalisons pas les enfants issus de GPA ! C'est le sens de l'amendement de suppression de l'article 4 bis que j'ai déposé.
Quant à l'extension de la PMA, on a porté des jugements de valeur discutables, au détriment de questions plus importantes. Je l'ai abordée comme toutes les questions sociétales : avec progressisme et humanisme. Tout en gardant à l'esprit l'intérêt de l'enfant, souvent brandi avec force par les opposants à la réforme, je suis convaincue que, régulée, la technologie renforcera le seul modèle familial qui prévaut, celui qui est fondé sur l'amour.
Les célibataires - terme que je préfère à « seul » - peuvent adopter depuis 1996... La PMA est une procédure longue ; la parentalité est un acte social et affectif et non seulement biologique. Vous l'avez compris, je défendrai son extension aux couples de femmes et aux femmes seules.
Je défendrai un amendement rendant possible le transfert d'embryons issus de fécondation in vitro (FIV) à la veuve en cas de décès du conjoint, qui n'est aujourd'hui pas possible.
Quant à la levée de l'anonymat du don de gamètes, elle fait débat dans notre groupe dont certains membres ont déposé un amendement la rétablissant ; pour ma part je suis favorable au compromis de la commission, qui prévoit que l'agence sollicite l'accord du donneur au moment de la demande de l'enfant, et qui permet de respecter le désir de l'enfant et la vie privée du donneur, tout en préservant le stock existant de gamètes.
Si certains enfants issus de dons ont besoin de connaître leurs origines, nous sommes nombreux à craindre une forte baisse des dons alors qu'ils ne sont déjà pas suffisants pour répondre à toutes les demandes.
Sur le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdies (DPI-A), et la suppression de la double clause de conscience spécifique sur l'IMG, je suis favorable à la position de la commission.
Celle-ci a aussi assoupli les critères d'âge pour l'autoconservation d'ovocytes. La reconnaissance tardive de l'endométriose et le défaut d'information des patientes doivent nous inciter à faire davantage pour préserver la fertilité.
Sans une politique familiale forte, toutes ces bonnes intentions resteront toutefois vaines... (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; Mmes Michèle Vullien et Élisabeth Doineau applaudissent également.)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Face aux évolutions rapides de la société, ce projet de loi apporte des avancées majeures.
Emmanuel Macron, candidat à la Présidence de la République, s'était engagé « à reconnaître et permettre à chacun de vivre sa vie de couple et ses responsabilités parentales. Pour cela, d'inclure pleinement l'ensemble des familles du pays, de plus en plus diverses, et ainsi tenir compte qu'il n'y a bel et bien pas un modèle unique qui représenterait la ?vraie? famille ».
Il n'est pas question de changer de boussole ni de rompre avec les trois principes de dignité, de liberté, et de solidarité qui fondent la bioéthique à la française.
Les Assises de la bioéthique nous ont donné une base de travail précieuse au sein de notre commission spéciale, où les débats ont été respectueux et de grande qualité. Au sein du groupe LaREM, les points de vue ont parfois divergé : nous ne sommes pas un bloc monolithique et avons tenu à laisser place au débat.
Notre groupe soutiendra l'essentiel du projet de loi initial, ce qui nous a amenés à déposer des amendements de réécriture et de suppression.
L'article premier ; l'ouverture de l'accès aux données pour les enfants issus de dons ; l'autoconservation des gamètes pour tenir compte des problèmes de fertilité et des évolutions sociétales ; l'ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans : ces mesures recueillent notre soutien constructif, comme la distinction entre les régimes de la recherche sur les cellules embryonnaires et sur les embryons.
Le nouvel article 19 ter autorisant, en l'encadrant strictement, le recours au diagnostic préimplantatoire en vue d'améliorer l'efficience de la PMA, et l'article 20 qui supprime la clause de conscience spécifique sur l'IMG recueillent aussi notre soutien.
Autre point d'accord avec notre commission spéciale, la suppression de la création de délégations parlementaires à la bioéthique, que l'Assemblée avait introduite dans le texte.
J'arrive aux points de désaccord avec le texte de la commission. L'article premier exige de discerner l'équilibre à trouver entre les principes de liberté, de dignité et de solidarité. Cet équilibre n'a pas été trouvé par la commission, qui hiérarchise de fait les projets parentaux puisqu'elle refuse la prise en charge par la sécurité sociale du projet des couples de femmes et des femmes seules.
Levons les critères d'orientation sexuelle et de composition des ménages, pour encourager tous les projets parentaux.
Il est contradictoire et injuste de maintenir l'interdiction de la procréation post mortem pour les veuves puisque les femmes seules ont accès à ces techniques. Évitons le double deuil.
Quant à l'anonymat du don de gamètes, il faut faire progresser la transparence, ce que n'a pas fait la commission.
De plus, celle-ci a ajouté deux mesures superflues à l'encadrement du projet d'AMP, dont l'évaluation des aspects psychologiques et sociaux, et le rappel des possibilités d'adoption. Ceux qui s'engagent dans une telle démarche ont déjà suffisamment mûri leur projet.
Le groupe LaREM souhaite aussi, à l'initiative de Richard Yung et conformément aux récentes décisions judiciaires, la transcription à l'état civil français au cas par cas, en exécution d'une décision étrangère, de la filiation d'un enfant né d'une GPA.
Il ne convient pas, enfin, de prévoir une mention différente sur l'état civil en cas de filiation avec deux femmes. Le corps des femmes a fait trop souvent l'objet de débats, comme s'il était un bien public devant être contrôlé et encadré.
Permettons à toutes les femmes, sans distinction, d'accéder à la PMA ! Certains élus préfèreraient « ne toucher aux lois que d'une main tremblante », suivant le précepte de Montesquieu. J'ai pleine confiance dans la nature et la qualité de nos échanges, ainsi qu'à votre capacité de discerner sans trembler ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques travées du groupe SOCR)
M. Stéphane Ravier . - Le Sénat semble faire bonne figure : le texte initial n'a pas été tant modifié. Qui s'en étonnera ? Vous cédez à la mode, c'est-à-dire à l'éphémère et capitulez devant ceux qui crient le plus fort. Notre pays cède ainsi à la marchandisation de la procréation, et à la puissance de l'argent.
Le droit de l'enfant s'efface face au profit du droit à l'enfant. L'Académie de médecine dénonce une « rupture anthropologique majeure ». Des manifestations ont eu lieu pour dénoncer cette régression, réunissant ce dimanche des centaines de milliers de personnes.
Sur l'autel de l'idéologie et du mercantilisme du totalitarisme sociétal, l'enfant n'est plus le fruit de l'amour entre un homme et une femme, ni un don, mais un achat, un produit de consommation, amputé d'une indispensable paternité.
Nous assistons à une caricature de la démocratie représentative. Cela appelle une vraie remise en question.
Votre éthique normative repose sur l'égalitarisme et l'utilitarisme, au nom, supposément, de la justice sociale. J'y oppose une éthique appliquée, qui repose sur la déontologie, le devoir, celui de penser à l'intérêt de l'enfant et non à celui de l'adulte. Ce qui est scientifiquement possible n'est pas toujours éthiquement valable. À force d'être en marche perpétuelle, vous avez perdu la raison et l'esprit.
Vous détruisez le pilier de toutes les sociétés : l'enfant à naître, protégé, au sein de sa famille, par la mère et le père. Vous piétinez la fraternité, la paternité et l'altérité. Nous sommes frappés par des désastres en matière d'environnement et nous revenons en arrière sur ce que nous avons détruit. Idem, en matière sociétale, en songeant au tout est permis de mai 1968 et au « jouir sans entraves » de Gabriel Matzneff. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR) Serons-nous frappés de même demain après cette loi ?
Il est moche, votre mythe du progrès ! (Mme Patricia Schillinger proteste.) Après les OGM, il y aura les HGM, les humains génétiquement modifiés ; c'est une folie éthique !
Réalisons-nous ce qu'est la FIV post mortem ? L'enfant est conçu biologiquement orphelin. Nous cédons à l'hubris, à la démesure d'un orgueil destructeur. Comme nous défendons les frontières et le local, adoptons le principe de précaution et fixons des limites.
Ne cédez pas aux ayatollahs d'une société sans racines, sans père.
À la société de l'envie, préférez la société de la vie ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit vivement.)
Mme Laurence Cohen . - Toutes les auditions se sont déroulées dans un climat serein. Quelles limites entre ce qui est scientifiquement possible et éthiquement souhaitable ?
Comment continuer vers l'émancipation et le progrès sans aller vers la dystopie décrite par Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes ?
Ouvrir la PMA à toutes les femmes, qu'elles soient en couple avec une autre femme ou seules, est un acte fort, en faveur de l'égalité. C'est une avancée attendue, promise depuis des années. En ouvrant la PMA aux couples lesbiens, nous mettrons fin à une égalité hypocrite, puisque de nombreuses femmes se rendent à l'étranger. La discrimination par l'argent s'ajoutait à la discrimination par le sexe.
Comme l'a très justement dit l'une des représentantes d'association LGBT que nous avons auditionnée, la République doit protéger de la même façon tous les enfants.
Le groupe CRCE votera l'article premier si l'amendement de Mme Jourda est repoussé. Les enfants nés par don sont légitimes à rechercher leurs origines. Le géniteur n'est pas un père. Mais dans de nombreuses familles, le tabou du don peut être douloureux. L'anonymat sera préservé entre le donneur et la famille receveuse.
Le texte accomplit également des avancées sur le don d'organe.
Selon le CCNE et les professionnels que nous avons entendus, la définition du diagnostic préimplantatoire était très restrictive, au regard de l'évolution des techniques médicales. La nouvelle définition ne tombe pas dans l'écueil de l'eugénisme mais facilite la PMA en évitant des complications et la multiplication des fausses couches.
Concernant les enfants qui ont une variation sexuelle, nous pensons qu'il faut interdire les opérations trop tôt, sauf danger pour la santé.
« Ne pas bâtir le monde, c'est le détruire », a dit le philosophe Emmanuel Levinas. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) La société et la science évoluent. Il semble normal que la loi évolue aussi. Pour autant, nous devons choisir, au sein du champ des possibles, ce qui doit être autorisé. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », écrivait l'auteur de Gargantua. Mon groupe est partagé. Je défendrai ma vision humaniste.
Le texte de la commission est le fruit d'un travail collectif de grande qualité.
Je suis favorable à l'ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. S'il est préférable d'avoir un père et une mère, j'ai constaté que les enfants de familles homoparentales se développaient dans l'amour.
Quelque 4 000 à 5 000 Françaises vont à l'étranger chaque année pour une AMP. Nous devons sécuriser le parcours de ces femmes et leur permettre de réaliser leur projet de maternité sur le sol national.
Pour autant, il ne revient pas à l'assurance maladie de prendre en charge cette technique lorsqu'elle n'est pas motivée par un critère médical.
La GPA représente une ligne rouge en matière de bioéthique. Je suis favorable au maintien de l'anonymat des donneurs de gamètes qui le souhaitent et à la transmission des données non identifiables. Nous ne pouvons pas augmenter le nombre de demandes en ouvrant l'accès à l'AMP tout en réduisant le nombre de dons en levant l'anonymat.
L'accès à l'AMP post mortem est une question difficile. Je réserve mon vote même si j'y suis plutôt favorable.
Je suis également favorable à l'autoconservation de gamètes. La commission spéciale a assoupli les conditions d'âge, ce qui est une avancée. L'élargissement aux établissements privés à but lucratif agréés par l'ARS est bienvenu.
Je suis favorable au diagnostic préimplantatoire au-delà des seules anomalies chromosomiques déjà identifiées. Ce n'est pas de l'eugénisme, puisque le seul objectif est d'améliorer l'efficience de l'AMP.
Je suis favorable à l'interdiction d'expérimentation introduisant des cellules embryonnaires humaines dans un embryon animal, en accord avec la commission spéciale. Le retour à un régime d'autorisation est préférable, pour ces recherches très spécifiques, à une simple déclaration à l'Agence de biomédecine.
À l'article 14, il faut une autorisation pour dépasser les quatorze jours, comme dans le projet de loi initiale.
Je suis favorable au don du sang dès 17 ans, comme au statut honorifique de donneur d'organe.
Madame la ministre, la France, contrairement à nombre de ses voisins européens, n'a toujours pas ratifié le protocole de Saint-Jacques-de-Compostelle sur le trafic d'organes. Je souhaite renforcer, par un amendement, l'information en amont du receveur de greffe de rein.
Les avancées de ce projet de loi sont positives pour notre pays : elles adaptent le développement de la biomédecine à l'évolution sociétale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; MM. Yvon Collin et Alain Richard applaudissent également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte échappe aux classifications ordinaires. Sylviane Agacinski, Michel Onfray, Alexis Escudero, José Bové ne viennent pas de la même planète politique que la mienne, mais ils s'opposent tous à la mesure principale de ce projet de loi. Quelque chose de fondamental se joue : c'est un choc, mais ce n'est pas un affrontement entre droite et gauche ou entre ceux qui croient au Ciel et ceux qui n'y croient pas. C'est un choc entre deux modèles : la vision française et la vision anglo-saxonne mondialisée.
Notre vision, inscrite au frontispice de notre édifice juridique, c'est la dignité, c'est-à-dire la fragilité et donc la paternité.
Le modèle ultralibéral anglo-saxon, adepte du contrat, ferme trop souvent les yeux sur la marchandisation des corps. Il n'a pas peur de défendre la loi du plus fort, c'est-à-dire celle des adultes.
Derrière ce texte, il y a des convictions respectables, mais aussi des valeurs idéologiques, militantes, terranoviennes. Il y a une logique compassionnelle, parce qu'il y a tant de souffrances, tant de désirs. Il y a aussi une logique implacable, techno-marchande, mondialisée : il ne faut surtout pas rater le train de la modernité !
M. Julien Bargeton. - Et l'égalité !
M. Bruno Retailleau. - Vous avez entendu la définition de l'égalité par le Conseil constitutionnel, rappelée par la garde des Sceaux. Comme la mode, c'est une question de calendrier, qui exerce une pression formidable sur nos juges.
Le législateur se sent obligé d'introduire dans la loi française des mesures qui sont contraires à notre tradition juridique. C'est le cas de la GPA.
La possibilité jurisprudentielle pour un homme en France de devenir père par une GPA à l'étranger existe déjà, en dépit de la volonté du peuple français. Ce n'est pas ma vision de la souveraineté populaire.
Le régime du déclaratif, ou plutôt de l'autorisation du déclaratif, est un affaiblissement de la régulation éthique de notre recherche, par lequel on donne un chèque en blanc, un chèque en bois à nos chercheurs. La chimère - des cellules humaines dans un animal - est, non un fantasme, comme l'a soutenu Mme Vidal, mais bien l'exemple archétypal d'une science sans conscience. (Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Catherine Troendlé approuvent.) Mais on ne peut s'exonérer de nos devoirs envers les plus faibles.
Outre le symbole de l'ouverture de la PMA, nous ne devons pas oublier que la liberté des adultes s'arrête là où commence le droit de l'enfant.
On dit que le père n'est pas nécessaire, mais qu'on le prouve, non pas à 90 %, mais dans tous les cas ! À 100 % ! Dans l'affaire, celui qui prend tous les risques est l'enfant. Pourtant, on invoque le principe de précaution, sauf pour l'enfant.
J'ai été président d'un département : tous les cas connus de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) montrent sans équivoque que la monoparentalité augmente les risques pour les femmes et les enfants.
Et nous voulons l'encourager pour les femmes seules ! (Protestations à gauche)
M. Gérard Longuet. - L'organiser.
M. David Assouline. - Amalgame !
M. Bruno Retailleau. - Il y a deux risques : celui de la marchandisation, avec le déséquilibre entre offre et demande de gamètes qui conduit déjà la Belgique à acheter des gamètes au Danemark, et celui de l'autocongélation des ovocytes par des centres publics et privés. Quand Facebook et Apple ont proposé à leurs talentueuses collaboratrices de payer la congélation de leurs ovocytes, cela a été un tollé général. Et aujourd'hui, on le ratifie ! Imaginez la pression sociale qui pèsera sur ces jeunes femmes hyper-compétentes, dont on exigera la totale disponibilité.
Mme Laurence Rossignol. - Et sur l'IVG, il n'y a pas de pression ?
M. Bruno Retailleau. - Elles s'autocensureront.
Jürgen Habermas a souligné le risque d'eugénisme libéral. Nous devons refuser le tri des embryons au stade préimplantatoire. La pratique du DPI peut nous entraîner très loin, et les bonnes intentions entraîner de terribles conséquences.
Ce débat nous opposera, il sera passionné ; j'espère que nous tirerons nos arguments de la raison. Chacun d'entre nous est attaché à faire la meilleure loi possible. Ce texte engage l'avenir des nouvelles générations, notre conception de l'homme.
L'humanité est parvenue à un moment historique, comme l'ont dit Hannah Arendt et Hans Jonas, où l'homme peut échanger son existence humaine contre un ouvrage de ses propres mains.
Nous devons penser collectivement les limites à poser, contre l'exploitation de la planète, contre l'ensauvagement du marché mondialisé, pour préserver la condition humaine, car celle-ci n'est pas sans conditions. (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, sur une grande partie des travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Indépendants)
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
M. Jacques Bigot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous avons à accomplir une oeuvre législative difficile, qui nous interroge sur le vivant, sur notre conception de la société, sur nos valeurs. Le rapport de l'homme avec ses inventions compte parmi les grands risques ; l'histoire, la littérature, le théâtre, l'opéra racontent l'histoire de la folie des savants et de ses dangers pour l'humanité. On pense à Faust, Méphisto n'est pas loin...
Nous devons construire cette loi avec humilité, confiance et humanité. Une loi nationale est légitime, même dans un monde sans frontières. Nous n'avons pas les mêmes conceptions ultralibérales qu'outre-Atlantique, mais nous ne pouvons faire abstraction de l'accès de nos concitoyens à d'autres sphères juridiques et à la réalité permise par le numérique. C'est pour cela que nos rapporteurs proposent d'accepter, en les encadrant, les tests génétiques à visée généalogique.
Cette législation nationale doit être inspirée par nos valeurs : liberté, égalité, dignité, solidarité, non-patrimonialité du corps humain, gratuité du don - d'où l'amendement de la commission créant un statut du donneur.
Le principe d'indisponibilité du corps humain interdit d'accepter la GPA dans la loi française - non pas tant pour l'enfant à naître que parce que la notion même de contrat entre la mère porteuse et les futurs pères est contraire à notre éthique. C'est pourquoi personne, au Sénat, n'a proposé d'amendement légalisant la GPA.
Le désir d'enfant est légitime mais n'ouvre pas un droit à l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant naît à sa naissance. C'est tout le débat autour de l'article 47 du code civil, qui nous renvoie à un conflit de compétences entre droit français et étranger.
Nos principes sont des boussoles face aux interrogations que fait naître le progrès scientifique, et qui traversent les groupes. Nous nous nourrissons des travaux du CCNE, que nos rapporteurs ont en partie suivi. Je souhaite que nos débats soient à la hauteur de ceux de la commission spéciale et espère que son projet sera suivi en séance.
Le titre I ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, mais avec de nouvelles restrictions. Le groupe socialiste proposera de l'amender. La création d'une filiation née d'un projet parental assisté, parce que la médecine le permet, est une évolution.
Sur les titres II, III et IV, la commission spéciale va plus loin que le texte de l'Assemblée nationale - sur lequel vous avez pesé, madame la ministre, quitte à aller à rebours de la position du CCNE.
« Les progrès de l'humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous », écrit Jaurès. Acceptons que nos chercheurs, nos généticiens sont aussi des sages. Assemblée de sages, ayons la folie de faire cette synthèse, pour permettre un progrès de l'humanité sans bouleverser nos valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quelle fierté de vivre dans un pays qui a inscrit la bioéthique dans son histoire législative. Certes, ce ne sont pas des débats faciles, dans un contexte mondialisé où la confiance dans la science et les médecins vacille. Saluons l'intérêt que suscitent ces débats, avec de nouveaux acteurs comme l'Agence de la biomédecine, l'Opecst, le CCNE... La démocratie respire et inspire. La société fait débat et le débat fait société.
Comme beaucoup, je redoutais ce texte. J'ai participé activement aux travaux de la commission spéciale. Prendre des décisions, c'est comprendre la réalité, ses perpétuelles évolutions. Chaque parole, chaque conviction a été accueillie avec respect. Empathie, respect et humilité, telles sont mes boussoles.
L'article premier tend à éclipser les autres, pourtant essentiels ; il élargit l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires. J'y suis favorable ; ce n'est pas le cas de tous les membres de mon groupe. Chacun a ses convictions, toutes respectables.
L'AMP a été inscrite dans la loi de 1994 ; il est naturel que nous en débattions à nouveau lors de sa révision.
Laisser élever un enfant par un couple de femmes ou une femme seule serait nier l'altérité ? L'expérience de l'aide sociale à l'enfance donne hélas la preuve que l'altérité n'est pas toujours heureuse.
La famille est aujourd'hui multiforme. Une famille monoparentale ne signifie pas une éducation défectueuse. L'élaboration d'un projet parental assure une intention réfléchie et construite ; il aurait toute sa place pour les couples hétérosexuels.
Je regrette que la commission spéciale ait introduit des critères d'infertilité ou de non-transmission de maladie grave pour les couples hétérosexuels. Cela revient à créer deux types de bénéficiaires de l'AMP. D'autant que l'amendement n°181 distingue les bons bénéficiaires - sur raisons médicales - qui seront pris en charge par la sécurité sociale, des autres, couples de femmes et femmes seules. Est-ce juste ? L'homosexualité n'est pas un choix : comment alors refuser à ces femmes qui souhaitent avoir un enfant une prise en charge solidaire ? J'ai déposé deux amendements pour y remédier.
De même, il aurait été opportun d'ouvrir la possibilité d'AMP post mortem. Comment imposer à la veuve de détruire ses embryons ou de les donner à un autre couple, alors même que l'AMP est ouverte aux femmes seules avec tiers donneur ?
Parmi les avancées proposées par la commission spéciale, citons la mise en place, à l'article 14, d'un régime de déclaration préalable pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. Cela acte la différence de nature entre ces recherches et celles sur l'embryon, qui font l'objet d'un régime d'autorisation.
Je soutiens aussi la proposition de Mme Imbert d'autoriser le développement in vitro d'embryons jusqu'à 21 jours, afin d'avancer dans la compréhension du développement embryonnaire. C'est là aussi une demande des scientifiques auditionnés. Sur ces points, nous allons plus loin que l'Assemblée nationale.
Sur le diagnostic préimplantatoire, l'audition de Mme Alexandra Benachi a suscité l'adhésion. La crainte de l'eugénisme ne paraît pas fondée. Aujourd'hui, il faut avoir souffert pour bénéficier d'un DPI, avoir eu un enfant gravement malade. Or le DPI-A permet d'éviter des interruptions de grossesse, des fausses couches ou des thromboses.
Nos résultats en termes d'AMP sont moins bons que nos voisins, faute de recours au DPI-A. Je soutiens l'amendement de Mme Imbert qui propose une expérimentation, tout en regrettant que l'article 40 interdise de prévoir une prise en charge par l'assurance maladie obligatoire.
Je me félicite de l'adoption en commission de l'encadrement des tests génétiques à visée généalogique. Il n'est pas responsable de maintenir l'interdiction absolue des tests génétiques commerciaux, qui permet à des sociétés étrangères d'engranger des données génétiques personnelles hors de tout contrôle.
Je regrette que ce projet de loi n'aborde pas les problématiques de santé environnementale, car le développement des nanoparticules et des effets cocktails pose aussi des questions éthiques.
Montesquieu a écrit : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie. Il ne faut pas être au-dessus des hommes ; il faut être avec eux ». Faisons un texte juste, qui reflète et anticipe les évolutions de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. Philippe Bas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ne partons pas de rien : c'est la cinquième fois que nous légiférons sur la bioéthique. Il y a vingt-cinq ans, j'ai eu le privilège d'être associé à l'élaboration des premières lois, aux côtés de Simone Veil. Le sujet était à défricher, et la France se voulait pionnière. Nous disposons aujourd'hui d'une législation moderne, unique au monde ; ne la modifions que d'une main tremblante.
En 1993, nous ignorions les développements à venir des sciences du vivant. Le Parlement a voulu poser des principes à l'épreuve des temps, non subordonnés à l'état de la science. Ces principes expriment une vision de l'homme et de la société, ils ne sont pas contingents mais permanents, et même intangibles : primauté de la personne humaine ; respect de sa dignité dès le commencement de la vie ; interdiction de toute discrimination sur des caractéristiques génétiques ; encadrement strict de la recherche sur l'embryon ; intégrité de l'espèce humaine, d'où interdiction de toute pratique eugénique, de toute manipulation du génome humain - dont la création de chimères - ; indisponibilité du corps humain. Le corps est la personne humaine, l'homme ne peut en faire ce qu'il veut. Cela fonde l'interdiction de l'esclavage, du contrat de prostitution, de la gestation pour autrui.
Selon le Conseil constitutionnel, ces règles fondamentales concourent au respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Nous pouvons faire évoluer leurs modalités d'application, mais devons conforter ces principes, non les fragiliser. Allons-nous réviser régulièrement la Déclaration des droits de l'homme et de la citoyenneté pour l'adapter à de nouvelles exigences ? L'utilité fait-elle loi ? Est-ce la société que nous voulons ?
M. Christian Cambon. - Bonne question !
M. Philippe Bas. - En matière de bioéthique, c'est au législateur de décider ce qui est permis ou interdit - pas aux savants ni aux médecins.
Je suis heureux que la commission spéciale ait opté pour une certaine prudence face aux tentations prométhéennes.
La recherche sur des embryons surnuméraires a déjà été élargie. La culture de cellules embryonnaires humaines ne doit pas être banalisée. Notre rôle n'est pas de nous prononcer sur la dimension scientifique mais de fixer un cadre, des limites, des garanties.
Attention aux dérives eugéniques. Le DPI est légitime quand on a perdu un enfant d'une maladie génétique héréditaire mortelle ou quand le risque est très élevé ; aller au-delà nous exposerait à la sélection génétique, voire au choix du sexe de l'enfant à naître. Ce n'est pas une vue de l'esprit...
La loi de 2004 a ouvert la possibilité de faire naître à partir d'un tri d'embryons un enfant susceptible d'être un donneur de sang de cordon compatible avec un frère ou une soeur malade ; la loi de 2011 l'a étendue. Restons-en là.
En ce qui me concerne, je ne suis pas favorable à l'autorisation de la fécondation in vitro autrement que pour remédier à une infertilité. En 1994, le premier « bébé-éprouvette » français avait 12 ans ; nous n'avions aucun recul sur le passage à l'âge adulte de ces enfants. Maintenant, nous savons que très souvent, alors même que ces enfants ont eu un père, le besoin d'accès aux origines s'est exprimé avec force, comme un cri, une souffrance. Une faille s'est construite dans la personnalité de ces enfants, que l'amour et les qualités éducatives des parents n'ont pas suffi à combler.
Nous devrions être humbles devant l'étendue de notre ignorance. Les femmes qui veulent avoir un enfant seule ou à deux doivent être prudentes, quelle que soit l'intensité de leur légitime désir d'enfant. Sachant l'importance de la recherche des origines pour la construction psychique, devons-nous permettre que des enfants soient délibérément privés de père dès leur conception ? Devons-nous accepter de ne pas l'interdire tout en exprimant des réticences, à l'anglo-saxonne ? Je raisonne à la française, en considérant que la loi doit servir de référence aux comportements individuels et protéger l'enfant à naître. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Michelle Meunier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ce texte est l'aboutissement de nombreux débats et travaux. Depuis 1994, le Parlement est amené à inscrire dans la loi l'encadrement des pratiques médicales et de la recherche sur la vie, en recherchant l'équilibre entre innovation scientifique et protection de l'humanité.
Les grands principes bioéthiques auxquels s'attachent quotidiennement les soignants et les chercheurs sont l'autonomie, le respect de la volonté du patient, la non-malfaisance, la bienfaisance et le principe de justice - qui fait appel à la solidarité pour la prise en charge et l'égalité dans l'accès aux soins.
C'est dans la controverse que se forgent les décisions éthiques. Nos débats s'en nourrissent.
Les premiers articles ne sont pas des nouveautés en matière de bioéthique : l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules est un jalon sur le long chemin vers l'égalité, une nouvelle étape dans le droit des femmes à disposer de leur corps.
Cette loi devra répondre aux nouvelles questions éthiques posées par les progrès dans l'exploration du génome. Des diagnostics anténataux dans le cadre d'une FIV permettent d'identifier d'éventuelles maladies génétiques avant l'implantation de l'embryon. Nous proposerons, à titre expérimental, de diagnostiquer d'éventuelles aneuploïdies qui aboutissent à des fausses couches évitables. C'est une demande des gynécologues que nous avons auditionnés.
Le dispositif est suffisamment encadré pour dissiper les craintes de dérive eugéniste en écartant toute sélection d'embryons, toute modification génomique sans but thérapeutique.
L'éthique s'enracine dans des activités concrètes, au fondement de la vie, de la médecine et du soin. Selon Jacqueline Mandelbaum, ancienne membre du CCNE, « la bioéthique est là pour jeter le doute dans la mare de nos certitudes, et ne jamais oublier l'humain caché derrière le mirage technologique ou la force du désir. »
Nous allons ouvrir l'éventail de la pratique médicale et de la recherche biologique, mais aussi fixer des limites, tracer des frontières et définir l'espace où se loge l'humanité dans la promesse infinie de la technologie. Soyons à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean-Pierre Corbisez . - Six articles du texte sont consacrés au don d'organes et de cellules, vital pour de nombreux citoyens ; j'en ai moi-même bénéficié à deux reprises. Quelque 500 à 600 patients en attente de greffe meurent chaque année pour 6 000 greffes et 24 000 patients en attente.
Les dispositions incitant au don sont opportunes mais il faut aller plus loin en garantissant la neutralité financière au donneur : le don ne doit pas lui coûter. Les amendements de M. Chasseing sur ces questions sont bienvenus.
L'article 5 lève les contraintes sur la pratique du don croisé pour dépasser les incompatibilités biologiques. Introduit en 2011, le don croisé se heurte à la limitation du nombre de paires mobilisables et à l'exigence de simultanéité des opérations ; le texte porte donc à six le nombre de paires mobilisables et introduit un délai de 24 heures pour les opérations de prélèvement et de greffe. Un dispositif qui pourrait accroître de 279 % le nombre de bénéficiaires !
Les articles 6 et 7 renforcent la protection des mineurs et majeurs protégés sur le consentement au don, face au risque de pressions intrafamiliales.
L'article 7 bis nouveau ouvre aux mineurs de 17 ans la possibilité, encadrée, de donner leur sang - corollaire des campagnes de sensibilisation conduites auprès des 16-18 ans.
Plus largement, il faut renforcer l'information sur le don. La question de l'égalité territoriale dans l'accès aux dons est essentielle. Les risques liés aux greffes réalisées à l'étranger et au trafic d'organes font l'objet d'amendements du groupe RDSE.
Nous accueillons favorablement ce texte, mais il faut aller plus loin. Les patients en attente de greffe fondent sur cette loi de réels espoirs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Éliane Assassi . - Ce texte n'est pas sans soulever quelques interrogations.
L'article premier, la mesure phare du projet de loi mais peut-être pas la plus importante, a été adopté par la commission spéciale ; nous nous en félicitons, même si sa portée a été limitée, tout en estimant que cette avancée aurait mieux trouvé sa place dans un projet de loi sociétal que bioéthique.
Le mythe de la famille idéale ne résiste à aucune étude ; c'est en prenant acte de la diversité des cadres familiaux que nous faisons évoluer le droit de la filiation. À notre sens, la reconnaissance anticipée devrait d'ailleurs être étendue à tous les couples ayant recours à l'AMP, hétérosexuels comme homosexuels.
L'encadrement éthique posé sur l'intelligence artificielle, avec la consécration d'une garantie d'intervention humaine dans l'interprétation des résultats algorithmiques, le renforcement du consentement et de l'information concernant les découvertes incidentes lors de tests génétiques, la précision du champ du diagnostic prénatal ou la réaffirmation de la gratuité du don nous satisfait.
D'autres dispositions interrogent sur le modèle de société que nous souhaitons pour demain. Ainsi de l'article 2 qui autorise l'autoconservation de gamètes. Cette autoconservation ne saurait être engagée sous pression d'un tiers, notamment l'employeur. Ne faudrait-il pas s'interroger sur les moyens d'une vraie politique familiale, ou sur les facteurs environnementaux de l'infertilité ? Dans un monde toujours plus pollué, dans lequel nous travaillerons de plus en plus longtemps, on propose aux femmes de faire un bébé dans une fenêtre spatio-temporelle qui ne relèvera plus de la biologie mais des impératifs sociétaux et libéraux. Je note au passage que la commission spéciale a systématiquement intégré les établissements de santé à but lucratif dans les articles concernés, alors que ces pratiques devraient rester dans le giron du public, précisément pour des raisons éthiques !
Les articles les plus problématiques touchent à la recherche sur l'embryon humain, hors finalités médicales. Le plus inquiétant est la levée de l'interdiction absolue de la transgénèse et des chimères. Le risque de franchissement de la barrière des espèces est réel. Le sujet mériterait une réflexion plus poussée, dans un cadre international.
À l'évidence, ce qui est techniquement possible n'est pas toujours éthiquement souhaitable ; Jean-Jacques Rousseau le relevait déjà dans son Discours sur les sciences et les arts.
Le débat ne peut être ni binaire, ni clivant. Nous discutons de l'avenir de l'homme sur la planète, et ne souhaitons sûrement pas pour lui le « meilleur des mondes » d'Aldous Huxley.
La loi bioéthique doit évoluer, mais il faudrait n'y toucher que d'une main tremblante, avec prudence et sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Philippe Bas et Mme Josiane Costes applaudissent également.)
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les questions éthiques, alimentées par nos convictions philosophiques ou spirituelles, interrogent notre relation à l'être et à la vie humaine. Le groupe UC exprimera sa diversité dans les débats comme dans les votes ; ma position diffère ainsi de celle d'Élisabeth Doineau.
Christiane Taubira, en octobre 2015, déclarait que l'ouverture de la PMA aux couples de femmes méritait un débat. « Ce n'est pas du oui ou du non, du pour ou du contre ; c'est un sujet médical, important, qui a des effets sur la sécurité sociale, et qu'il faut le traiter en tant que tel ». Je le traiterai ainsi. Je regrette que la loi bioéthique serve de véhicule législatif pour concrétiser un engagement de campagne du Président de la République : j'aurais préféré un texte ad hoc. Je regrette que les propositions de la rapporteure Muriel Jourda sur l'adoption n'aient pas été suivies par la commission spéciale. Le droit ne doit pas constituer une fiction mais correspondre à la réalité ; là, il y a mensonge, tromperie.
Je suis catégoriquement opposé à la gestation pour autrui ; je pense même que notre pays devrait prendre l'initiative d'une interdiction internationale de la marchandisation du corps humain.
La vie intra-utérine est un moment d'échanges très forts entre l'enfant et sa mère. Je ne crois pas une seconde à l'idée d'une GPA éthique, évoquée par le président Milon.
Les difficultés des enfants nés de GPA à l'étranger - qui ont conduit la Cour de cassation à se prononcer - mettent surtout en évidence l'irresponsabilité des parents qui y ont eu recours. Ce sont eux qui mettent leurs enfants dans une telle situation. Il est trop facile de culpabiliser le législateur français !
M. Bruno Retailleau. - C'est vrai.
M. Loïc Hervé. - Je crains que les verrous ne deviennent des cliquets et qu'on aille progressivement vers la légalisation de la GPA, par application dévoyée du principe d'égalité.
L'opinion est séduite par des reportages orientés, qui occultent les problèmes et taisent le coût de ce mode de procréation. « Qu'est-ce qu'elle a ma famille ? » demandait un journaliste célèbre. Ma réponse est sans équivoque : la GPA est et doit rester interdite en France. Le législateur ne doit pas céder à l'opinion, d'autant qu'elle est très volatile.
Les débats au sein de la commission spéciale ont été sereins, mais son texte supprime certaines garanties posées par les députés. La préservation de la dignité humaine impose pourtant des limites absolues à ne pas franchir, quand bien même la science le propose.
Chaque membre de mon groupe abordera le débat avec ses convictions personnelles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Martine Berthet . - Nous avons tous reçu de nombreux courriers sur ce texte qui suscite beaucoup de polémiques. Notre commission spéciale a entendu une grande variété d'acteurs pour nourrir nos réflexions, affirmer nos convictions, mais aussi nous ouvrir à de nouvelles interrogations. Je salue le travail de nos rapporteurs. La tâche était lourde, d'autant que les désaccords des années 90 perdurent.
La Cour de cassation, le 18 décembre dernier, a considéré que les actes d'état civil liés à une AMP réalisée à l'étranger ou mentionnant une deuxième femme autre que la mère ayant accouché devaient être transcrits dans notre état civil. Comment ne pas légiférer dans ce sens par la suite ? Toute femme a la capacité de porter un enfant. Nous ne pouvons plus laisser des femmes qui le désirent ardemment aller à l'étranger pour bénéficier d'une AMP.
Oui, nous faisons le deuil de la famille traditionnelle qu'ont connu nos parents. En Savoie, plus de 14 % des familles sont monoparentales. Les enfants sont écartelés entre deux parents qui ne forment pas une unité parentale. L'important n'est-il pas un environnement aimant et solide ?
Mais autoriser l'AMP n'est pas autoriser la GPA. Les deux ne peuvent être assimilées. Sur la question de la filiation, je soutiens l'amendement de Mme Primas qui vise à déclarer mère la femme qui a accouché et établit la filiation à l'égard de la mère d'intention par la voie de l'adoption.
La révision des lois de bioéthique est loin de ne concerner que l'AMP. La commission a sécurisé la recherche sur l'embryon, garanti la gratuité du don, permis le don de sang dès 17 ans.
J'ai déposé un amendement sur la cryoconservation des leucocytes T pour les nouvelles thérapies anticancéreuses.
Votons ce texte en conscience, pour nous adapter à une société qui a changé et répondre aux évolutions de la science, tout en gardant à l'esprit que tout le possible n'est pas forcément souhaitable, comme le disait le président du CCNE. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et RDSE)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) En écoutant les présidents Retailleau puis Bas, je repensais aux débats sur la loi Veil en 1975 et 1979. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Lorsque je suis devenue parlementaire, j'ai pensé aux débats auxquels j'aurais aimé participer. Les débats sur la loi Veil en font évidemment partie. Celui d'aujourd'hui est de la même importance. Nous nous inscrivons dans la fin du patriarcat, pour les droits des LGBT et le droit des femmes à disposer de leur corps. Ce projet de loi vient heurter une conception conservatrice de la famille française. Nous sommes devant un choix politique : celui du projet collectif.
Le président Retailleau dénonce le libéralisme qui serait à l'oeuvre derrière ce texte. J'aurais aimé la même fougue contre d'autres formes de libéralisme. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE) C'est bien comme cela que cela se passe dans votre camp !
Oui, c'est un choc entre deux modèles, monsieur Retailleau. Votre candidat, M. Bellamy, craignait ainsi « une logique nouvelle qui sera notre malédiction ». L'adoption est possible pour les couples homosexuels depuis le mariage pour tous et les personnes seules depuis 1966. Le recours au tiers donneur date de 1973 et environ 1 000 enfants par an sont nés ainsi.
Aujourd'hui, le don est invisible au profit d'une fiction organisée par la loi comme si le père était le géniteur, au prix de secrets de famille délibérés. (M. Olivier Henno, rapporteur, applaudit.) Qui y a eu recours ici, et qui a assumé devant ses enfants ? L'enfant est dans la méconnaissance totale de son origine. Les familles monoparentales, homoparentales ou recomposées existent déjà. Elles n'ont pas attendu la loi du mariage pour tous.
Pourquoi reconnaître à l'homme qui n'en a pas la capacité biologique le droit d'être père et non à la femme qui, pour avoir un enfant, est obligée de partir à l'étranger ? Pourquoi refuser la prise en charge par la sécurité sociale ? Pourquoi cette inégalité de fait entre deux aspects du genre humain ?
Comment prétendre que les enfants sans père sont programmés pour le malheur, comme si la présence du père était l'assurance du bonheur ? Pourquoi refuser des projets parentaux qui se construisent dans la certitude de l'amour ? Faites le deuil de la famille idéale.
« La filiation est un fait social », a rappelé Jean-Luc Mélenchon. (M. Loïc Hervé ironise.)
Aujourd'hui, nous subissons des pressions, comme c'était déjà le cas pour la loi Veil. Encore à l'instant, j'ai reçu un courrier dans l'hémicycle d'une association.
Les Français sont prêts. Résistez aux pressions ; ce sera votre honneur ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM et CRCE)
M. Bernard Bonne . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les débats de la commission spéciale ont été nourris, respectueux et de grande qualité.
Je suis contre l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Pour autant, je suis favorable à plusieurs dispositions dans les titres II, III et IV relatives à la diffusion de progrès scientifiques et technologiques.
Il n'est pas aisé de se prononcer sur ce texte très varié qui compte des éléments sociétaux et d'autres scientifiques.
Si ce projet de loi est adopté, j'espère que certaines des modifications substantielles adoptées par la commission spéciale seront maintenues.
Je partage maintes observations de Mme Jourda sur l'extension de la PMA. Le grand absent est l'enfant dans ce texte. Rien n'est dit sur l'impact de sa venue au monde ni sur sa construction psychique, ni sur sa privation de père. Or l'article 7 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant rappelle toute l'importance du père. Ici, il n'aura le droit que de connaître son donneur.
On peut comprendre le désir de maternité chez toute femme mais la privation de père n'est pas sans risque psychologique.
Les études scientifiques ne semblent pas rapporter de conséquences particulières aux nouvelles formes de parentalité mais les résultats ne sont guère convaincants. Le rôle des pères et des mères n'est pas équivalent. Dans un couple de femmes, le rôle de père sera sans doute incarné par celle qui n'aura pas porté l'enfant.
L'enjeu pour l'enfant, dans le cas d'une AMP, est donc celui de l'élaboration imaginaire de la figure paternelle, nécessaire à sa construction identitaire. En permettant l'accès aux origines, le projet de loi propose la levée de l'anonymat qui est une bonne chose. Cependant, dans la très grande majorité des cas, les enfants nés d'une AMP ne cherchent pas connaître l'identité de leur donneur.
La politisation des questions bioéthiques dans le champ de la revendication d'égalité des droits de chacun empêche de penser les enjeux pour l'enfant et seulement pour lui. Sylviane Agacinski le dit bien : tout est justifié au nom des intérêts individuels et des demandes sociétales que le droit est sommé de ne pas entraver. Bien que le Gouvernement nous assure du contraire, je crains que la poursuite du raisonnement « égalitaire » dans des champs où il ne devrait pas intervenir amène tôt ou tard aussi à encadrer la demande des hommes seuls et en couple par des techniques et des lois.
Bien que je salue diverses avancées contenues dans diverses parties de ce texte, je ne le voterai pas. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
M. le président. - Mme Buzyn m'a prié de vous faire part de ses excuses ; elle n'a pas pu rester parmi nous. (M. David Assouline proteste.)
Rappel au Règlement
M. Bruno Retailleau . - Il est d'usage que les ministres puissent nous répondre. Le texte est suffisamment important pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Jean-Michel Houllegatte et Mme Nelly Tocqueville applaudissent également.)
M. le président. - Acte est donné de votre rappel au Règlement, mais les ministres n'ont pas souhaité répondre lors de la discussion générale.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS avant le titre premier
M. le président. - Amendement n°15 rectifié septies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset, Vial et Mayet, Mme Lamure et MM. Retailleau, H. Leroy, Chevrollier et Gremillet.
I. - Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En matière de bioéthique, un principe de précaution s'applique.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre ...
Du principe de précaution
Mme Sylviane Noël. - Selon le Professeur Bertrand Mathieu, « La liberté de la recherche est aujourd'hui très largement invoquée pour que soient écartés les obstacles que le droit pose pour protéger l'être humain face à l'appétit des chercheurs. Or le principe de la liberté des chercheurs ne porte aucun caractère absolu. Il doit être concilié avec d'autres principes, voire écarté quand est en cause la substance même du principe de dignité ». Il appartient donc à la science de dire ce qui est et au législateur de fixer des règles et des principes protégeant les individus qui doivent encadrer cette recherche.
Alors que le principe de précaution est consacré en droit de l'environnement, depuis la loi Barnier, il n'y est nullement fait référence en droit de la bioéthique.
Pourtant, l'intérêt des générations futures doit être pris en compte. La Convention d'Oviedo de 1997 affirme que les progrès de la biologie et de la médecine doivent être utilisés pour le bénéfice des générations présentes et futures. La Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005 prévoit que « l'incidence des sciences de la vie sur les générations futures devrait être dûment prise en considération ».
Précisons dans la loi que la bioéthique est soumise au principe de précaution.
M. le président. - Amendement identique n°93 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog et M. Masson.
M. Loïc Hervé. - Défendu.
L'amendement identique n°163 n'est pas défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable. Le principe de précaution n'est pas l'abstention mais d'action qui oblige « à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
La bioéthique elle-même repose sur le principe de précaution. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis. L'inscription du principe de précaution dans une loi bioéthique peut susciter des interrogations et relève plutôt du niveau constitutionnel, comme ce fut le cas pour l'environnement. Nous pourrions débattre à l'envi des atteintes graves et irréversibles en matière de bioéthique. La révision tous les cinq ans des lois de bioéthique est une meilleure garantie que l'inscription de ce principe dans la loi.
Les amendements identiques nos15 rectifié septies et 93 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié sexies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset, Vial et Mayet, Mme Lamure et MM. H. Leroy, Chevrollier et Gremillet.
I. - Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le délai d'un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport précisant la définition et les modalités d'application du principe de précaution en matière de bioéthique.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre ...
Du principe de précaution
Mme Sylviane Noël. - Même argumentaire.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement demande un rapport sur le principe de précaution. Vous connaissez la position du Sénat sur ces demandes. Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°14 rectifié sexies n'est pas adopté.
L'amendement n°161 n'est pas défendu.
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°128 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Bonne, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Longuet, Gilles, Pointereau, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l'article 310 du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310.... - Nul n'a de droit à l'enfant. »
M. Dominique de Legge. - Au-delà des divergences d'appréciation sur ce texte, réunissons-nous sur un principe simple : l'enfant est un sujet de droit et non un objet de droit. Mme Buzyn a elle-même dit qu'il n'y aurait jamais de droit à l'enfant et vous-même, madame la ministre, avez dit que vous ne souhaitiez pas ouvrir le droit à la GPA. Adoptons cet amendement pour mettre ce texte en accord avec vos propos.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Tout le monde est d'accord : le droit à l'enfant n'existe pas. La rédaction de cet amendement laisse penser qu'il existe mais que nul n'en est titulaire. Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Le Conseil d'État dans son avis sur ce projet de loi le reconnaît en expliquant que l'enfant est sujet et non objet de droit. Cet amendement limiterait trop la liberté de procréation.
M. Jérôme Bascher. - Je voterai évidemment cet amendement. Ce qui va sans dire va mieux en le disant et encore mieux en l'écrivant, dans notre pays de droit écrit. Le compte rendu intégral fera foi. Vous faites référence au Conseil d'État, madame la ministre, soit. Mais le législateur fait la loi, le juge la met en application mais ne doit pas dire le droit. Je voterai cet amendement.
M. Roger Karoutchi. - Je suis très ennuyé par cet amendement rejeté en commission pour des raisons juridiques. Comme je ne suis pas juriste mais simplement parlementaire, je suis embarrassé.
Je voterai l'article premier contrairement à beaucoup de mon groupe, mais il faut qu'il soit encadré. Ce texte ne concerne certes pas la GPA mais écrire dans la loi que le droit à l'enfant n'existe pas évite le doute et la suspicion, qui sont mauvais.
Je suis favorable à l'article premier mais je ne suis pas pour le droit à l'enfant. Inscrivons-le clairement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. Gérard Longuet. - Ne fermons pas la possibilité, au cours de la navette parlementaire, d'interpeller l'Assemblée nationale sur le droit à l'enfant. Puisque, madame la garde des Sceaux, vous nous dites que personne ne reconnaît de droit à l'enfant, conduisons l'Assemblée à s'exprimer. La rédaction pourra être revue.
Votons cet amendement afin de ne pas enterrer le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis fatigué d'entendre citer le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État ou d'autres conseils machins ont dit que... et par conséquent, nous devons nous taire ! En principe, nous sommes là pour faire la loi... même si je sais bien que bientôt on ne pourra plus parler ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Tout le monde sait qu'on ne sort jamais de l'ambiguïté qu'à son détriment. Et dieu sait que ce texte en comporte ! Je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées du groupe RDSE)
M. Michel Amiel. - Je suis bien embêté par cet amendement. Pendant quinze ans, j'étais en charge de la protection de l'enfance et des questions d'adoption au conseil général des Bouches-du-Rhône. Lorsque je recevais les couples, je leur disais que l'adoption n'était pas un droit mais qu'elle relevait de la protection de l'enfance et que ce n'était pas parce qu'ils avaient une maison et une voiture qu'il leur fallait automatiquement un enfant.
Puisque tout le monde est d'accord pour dire que le droit à l'enfant n'existe pas, écrivons-le !
Je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jacques Bigot. - Désolé monsieur Karoutchi, je suis juriste, donc je ferai des observations de juriste : va-t-on construire notre droit en édictant des interdits qui ne sont pas posés ? J'ai moi-même dit qu'il n'y avait pas de droit à l'enfant. Pourquoi lister les droits que l'on n'a pas ? Cela ne sert à rien. N'ouvrons pas toute une série d'autres débats, par exemple lors d'un divorce. Légiférer ainsi me paraît aberrant. Ce n'est pas ainsi qu'on empêchera la PMA de prospérer.
M. David Assouline. - Pourquoi faire en début de débat un procès d'intention aux défenseurs de la PMA ? Personne ici n'a déposé un amendement établissant un droit à l'enfant.
Un amendement préventif semblerait justifier ce procès d'intention et préempterait le débat à venir sur l'article premier. Ce serait acter une victoire idéologique par la bande. Or personne, dans l'hémicycle, n'a parlé du droit à l'enfant. Est-ce pour acter que le débat serait entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le droit à l'enfant ? (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.) Or, ce n'est pas le cas !
M. Bruno Retailleau. - La France a signé la Convention d'Oviedo et la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) qui proclament toutes deux l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mme Éliane Assassi. - Et alors ?
M. Bruno Retailleau. - Cet amendement rappelle que l'enfant est une personne. Nous entendons inscrire dans la loi que l'intérêt de l'enfant est préservé. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Esther Benbassa. - Et alors ?
L'amendement n°128 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
(Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. - Amendement n°37 rectifié quater, présenté par M. Chevrollier, Mmes Chain-Larché, Thomas, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Cardoux, Vaspart et Cuypers, Mme Lamure, MM. B. Fournier, Pointereau, Longuet, Regnard, H. Leroy, Meurant et Bascher, Mme Micouleau et M. Segouin.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 8 du code civil, il est inséré un article 8-... ainsi rédigé :
« Art. 8-.... - La loi garantit la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant. »
M. Guillaume Chevrollier. - Il n'y a pas que les désirs des grands, il y a aussi l'intérêt de l'enfant, et cet intérêt est supérieur étant donné que l'enfant est un sujet de droit vulnérable.
Trop souvent, nous faisons évoluer les lois en n'écoutant que les adultes. Mais on ne prend pas suffisamment le soin d'écouter les enfants qui ont des droits et ceux-ci ne peuvent être assujettis aux désirs des parents, fussent-ils généreux.
Cet amendement consacre dans la loi le concept de l'intérêt supérieur de l'enfant qui est déjà gravé dans les textes internationaux, comme le rappelle la CIDE.
Défendons la dignité de l'enfant.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - J'ai une horrible prémonition : ce que je vais dire risque de ne pas être accepté, notamment par M. Collombat. Le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant a déjà valeur constitutionnelle, du fait de décisions du Conseil constitutionnel, et même supraconstitutionnelle, avec la Convention internationale relative aux droits de l'Enfant.
La CIDE parle de « considération primordiale » alors que l'amendement parle de « primauté », ce qui empêche toute mise en balance avec d'autres principes...
Nous ne transposons pas exactement ce que dit la Convention. Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis. Les conventions internationales citent l'intérêt supérieur de l'enfant. L'article 375-1 du code civil dispose que « le juge se prononce en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ». Dans une décision récente sur les tests osseux, le Conseil constitutionnel fait découler l'intérêt supérieur de l'enfant du préambule de la Constitution de 1946.
Cet intérêt est donc déjà pris en compte. N'en rajoutons pas. Retrait ou avis défavorable.
M. Roger Karoutchi. - Le vote de l'amendement précédent est symboliquement très fort : on inscrit dans la loi qu'il n'y a pas de droit à l'enfant. Voter cet amendement, en plus, n'affadirait-il pas l'amendement précédent par lequel le Sénat envoie un message fort ? Que les auteurs réfléchissent bien...
M. Michel Amiel. - Même avis que M. Karoutchi. Ce principe existe dans la CIDE. Voter cet amendement amoindrirait la portée de celui que nous venons d'adopter. Je ne le voterai pas.
Mme Laurence Rossignol. - Au-delà du caractère superfétatoire, je recherche la cohérence des auteurs des amendements : ils veulent créer le maximum d'obstacles préalables à l'article premier... Je puis le comprendre, mais je recherche aussi la cohérence par rapport aux propos et positions antérieurs. Vous mettez en avant l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est en réalité le « meilleur intérêt » dans la CIDE qui parle de « best interest ». Car il peut y avoir plusieurs intérêts ou les intérêts de plusieurs enfants qui entrent en contradiction, dans une fratrie.
Mais les mêmes signataires de cet amendement étaient les plus réticents à l'interdiction des châtiments corporels, ou à la création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant proposée par le groupe CRCE. Cet amendement n'est que manipulation pour vous en prendre aux droits des femmes ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes SOCR et CRCE et huées sur diverses travées du groupe Les Républicains)
M. Jacques Bigot. - Avec cet amendement, comment ferez-vous pour transcrire les actes d'état civil lorsqu'il s'agira d'enfants nés de GPA à l'étranger ? C'est sur ce même fondement de l'intérêt supérieur de l'enfant que la Cour de cassation avait modifié sa jurisprudence. Soyez prudents, nous vous rappellerons cet amendement plus tard...
M. Guillaume Chevrollier. - Compte tenu de l'adoption de l'amendement n°128 rectifié bis, je retire l'amendement n°37 rectifié quater.
L'amendement n°37 rectifié quater est retiré.
M. le président. - Amendement n°144 rectifié bis, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, MM. Guerriau et Meurant et Mmes Loisier, Bonfanti-Dossat et Thomas.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 8 du code civil, il est inséré un article 8-... ainsi rédigé :
« Art. 8-.... - L'enfant a droit à la protection. La loi lui assure l'interdiction de toute atteinte à sa dignité, à son intégrité physique et morale et garantit spécialement le respect qui est dû à sa personne. »
M. Henri Leroy. - La médecine est faite pour soigner et guérir et non pour satisfaire des désirs. Comment accepter de créer des orphelins de père ? Je suis totalement opposé à ce texte dont l'objet est de satisfaire les désirs d'enfants. Je suis contre le droit à l'enfant mais très favorable aux droits de l'enfant.
Les textes internationaux invitent à protéger l'enfant et à tenir son intérêt supérieur pour une considération primordiale. La référence à l'intérêt supérieur de l'enfant dans ces traités renvoie à l'objectif de protection de l'enfant à l'échelle internationale.
Je retire mon amendement en raison de l'adoption de l'amendement n°128 rectifié bis.
L'amendement n°144 rectifié bis est retiré.
ARTICLE PREMIER
Mme Muriel Jourda, rapporteur . - Sur l'extension de l'AMP, nous arrivons tous avec des opinions, parfois décalées avec la réalité.
Ainsi, j'ai beaucoup entendu que l'opinion publique avait déjà tranché, par le biais de sondages, en faveur de l'extension de l'AMP, à plus de 60 %. Mais plus de 80 % estiment aussi qu'un enfant doit avoir un père et une mère... Ne tirons pas des conséquences des sondages !
On a aussi beaucoup employé les mots d'égalité et de discrimination, qui ont une signification juridique précise. La discrimination, c'est traiter différemment des personnes qui se trouvent dans des situations différentes.
Or la CEDH, le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel ont tranché le problème : face à la procréation, les couples de femmes et les couples hétérosexuels sont dans des situations différentes.
Dans ce débat, on entend que certains seraient pour le progrès, d'autres de vils conservateurs.
Depuis des dizaines d'années, le Parlement a adopté l'autorité parentale partagée, le congé de paternité, le congé parental : à chaque fois, ces débats ont été motivés par l'intérêt de l'enfant, avec la présence la plus importante du père dans sa vie. Défaisons-nous des idées reçues pour faire la part entre l'intérêt de la société et les droits individuels des mères. (Applaudissements sur diverses travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. René Danesi . - Ce projet de loi veut inscrire dans la loi une des trop nombreuses promesses de campagne du Président de la République. L'Assemblée nationale, pour faire bonne mesure, a bien précisé qu'il ne pouvait y avoir aucune différence selon le statut matrimonial ou l'orientation sexuelle des personnes, laissant au Sénat le soin de mentionner le caractère pathologique pour les couples hétérosexuels obligés d'y recourir pour cause d'infertilité.
L'Assemblée nationale a décidé aussi le remboursement par la sécurité sociale de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, alors qu'on dérembourse l'homéopathie ! La commission spéciale est revenue dessus.
Soumettre une naissance à un simple projet parental est discutable, l'absence de père est invraisemblable. Comment ne pas voir l'injustice pour des enfants qui n'auront pas de lignée paternelle ?
Il y a le spectre de la GPA. À chaque loi, le Gouvernement prétend que c'est la dernière innovation, depuis le PACS. Mais la GPA est en marche !
En octobre dernier, la Cour de cassation a reconnu à un couple d'hommes le droit d'être tous les deux inscrits à l'état civil français comme parents d'un enfant né à l'étranger d'une GPA.
La philosophe de gauche, Sylviane Agacinski, a déclaré devant le Sénat que l'arrêt de la Cour de cassation était le cheval de Troie des partisans de la GPA en France. Pour moi, ce texte porte en lui pour demain la marchandisation du corps des femmes dans les pays pauvres et pour après-demain l'eugénisme, la sélection d'enfants parfaits. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », disait Rabelais. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Cohen . - L'extension de la PMA est une mesure d'égalité, et non un escalier qu'on descend pour arriver à la déchéance de la société. C'est au contraire un escalier qu'on monte pour atteindre l'égalité.
J'espère que nous débattrons avec dignité, après des propos houleux et nauséabonds tenus à l'occasion du mariage pour tous ; c'était pourtant l'avènement d'un droit nouveau. Le parallèle entre PMA et GPA n'est pas justifié. La PMA est autorisée pour les couples hétérosexuels et il convient donc de l'étendre aux couples de femmes, pour en finir avec cette injustice. La GPA est interdite en France à tout le monde. La PMA est un progrès médical et social, la GPA, une violence - elle ne peut être éthique.
Les modifications de Mme Jourda dévoilent l'esprit du texte initial. Il serait regrettable que nous limitions cet élargissement du droit à la PMA. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. André Reichardt . - Cet article est la mesure phare du projet de loi. Contrairement à ce que j'ai pu lire dans un grand quotidien national du week-end, les parlementaires ne sont ni indifférents, ni inconscients, ni lâches, car « ils peineraient à aller à rebours d'un mouvement qui se dit progressiste, craignant d'être traités de réacs ou d'homophobes ».
Je comprends la souffrance de nos compatriotes qui ne peuvent avoir d'enfants. Mais faut-il pour autant priver délibérément de père l'enfant à naître, nier la complémentarité des sexes ? Et puis, quel est ce nouveau concept de parents d'intention ?
Par un bricolage juridique, deux mères pourront déclarer un enfant, ce qui spolie volontairement le père.
En outre, cet article est un vrai marqueur d'un projet de loi qui comporte d'autres dérives. La création d'un marché de la procréation, la dérive d'une médecine qui guérit vers une médecine qui satisfait les désirs.
On chosifie l'embryon humain. Je voterai contre cet article premier. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre Monier . - Cet article soulève de vifs débats. Ayons des échanges sereins, dans le respect de chacun. Deux tiers des Français sont favorables à l'extension de la PMA, attendue par de nombreuses familles.
Rejoignons nos voisins - Belgique, Espagne, Pays-Bas - qui ont légalisé cette démarche. Nous devons sécuriser le parcours de ces femmes qui jusqu'à présent doivent aller à l'étranger, et la situation de ces enfants dont la filiation est fragile.
Je salue le courage et la détermination des personnes favorables à cette loi. Ne nous y trompons pas : ce projet de loi, c'est l'égalité, la non-discrimination.
Un droit accessible qu'à une partie de la population ne serait pas effectif. Ne réservons pas la PMA qu'aux plus riches. Rétablissons le remboursement de la PMA par la sécurité sociale. Soyons à la hauteur des enjeux et des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Esther Benbassa . - Nous ne pouvons que nous féliciter de cet article, un progrès que j'appelle de mes voeux depuis plusieurs années, ayant demandé la légalisation de la PMA pour les couples de lesbiennes en 2012, 2014 et 2016. Loin de la marchandisation du corps, il rétablira un peu d'égalité dans notre système de santé.
Comment expliquer que la France, pourtant à la pointe des droits en matière de bioéthique et des revendications LGBT, ait attendu si longtemps pour ouvrir aux couples de lesbiennes une possibilité qui existe depuis 1994 pour les couples hétérosexuels ?
La droite sénatoriale est revenue en commission sur le caractère remboursable de la PMA ; c'est inique. Quelque 65 % de nos concitoyens sont favorables à l'ouverture de la PMA aux couples du même sexe. La France nous écoute.
M. Pierre-Yves Collombat . - Bizarreries et incohérences ne manquent pas dans ce texte, qui ouvre grand les portes de la GPA et de la marchandisation, en amputant l'article L. 2141-3 du code de la santé publique, afin d'autoriser la conception pour autrui, la CPA, c'est-à-dire la fabrication d'un enfant à partir de gamètes n'appartenant à aucun de ses parents légaux.
Ne transformons pas l'embryon en produit, donc en marchandise - car cela viendra, malgré les garde-fous, illusoires. Il faudra bien rétribuer les opérateurs... Jusqu'où ira l'obsession de la ressemblance ? C'est la logique du broyeur libéral, qui transforme tout en marchandise.
Je préfère le rôle de conservateur humaniste prudent à celui de progressiste mercantiliste. Je ne voterai pas ce texte, laissant à d'autres la responsabilité d'un tel « progrès ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains et M. Michel Amiel applaudissent également.)
M. Guillaume Chevrollier . - Des questions complexes, fondamentales et intimes sont ici posées. Le législateur a pour rôle de lever les menaces qui pèsent sur les êtres humains d'aujourd'hui et sur les générations futures. Nous devons défendre l'enfant. C'est l'homme qu'il faut suivre, pas le progrès.
J'ai cosigné l'amendement de suppression de l'article premier car trop de questions restent en suspens. Nous allons retirer le père du modèle légal filiatif. La PMA risque de mener inévitablement vers la GPA, au nom du principe d'égalité. Je préfère appliquer le principe de précaution. Au nom de demandes sociétales, on détourne la médecine de ses missions thérapeutiques. Dans l'intérêt de l'enfant, je voterai contre la PMA pour toutes. (MM. Sébastien Meurant, René Danesi et plusieurs autres sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent également.)
M. Yves Daudigny . - Les évolutions rapides des techniques médicales posent des questions qui mettent en conflit les représentations du vivant : quelle attitude avoir devant certaines innovations technologiques ? Qu'autoriser ? Qu'interdire ? Que contrôler ?
L'AMP est réservée aux couples hétérosexuels infertiles ou risquant de transmettre une maladie génétique grave. Quelque 24 000 enfants naissent ainsi chaque année.
Nous nous interrogeons sur les conséquences sur la relation aux origines. Moins de 2 000 à 4 000 femmes ont recours à l'AMP à l'étranger chaque année. Ces familles existent déjà. (Quelques murmures à droite) La société a devancé le législateur. Qu'est-ce qu'une famille ? Ceux qui voient dans la famille un papa et une maman font peu de cas des 25 % de familles monoparentales, du fait que la filiation est un fait social et culturel, non une vérité biologique.
La situation familiale d'un enfant élevé par ses deux parents en couple n'est plus majoritaire. Procréer est un acte biologique ; être parent un acte social, affectif, institutionnel.
Cet article premier est donc, dans le sillage du PACS et du mariage pour tous, une mesure d'égalité et une avancée sociale majeure. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Daniel Chasseing . - Nous rencontrons dans nos territoires des personnes qui se sont rendues à l'étranger pour faire une PMA. Ce sont souvent des familles très aimantes.
Pour l'Académie de médecine et les pédopsychiatres, il est préférable d'avoir un père et une mère, mais la société reconnaît désormais l'existence de familles sur d'autres modèles, monoparental ou homoparental.
L'AMP fait intervenir une équipe pluri-professionnelle, qui rencontre les personnes concernées ; il y a une évaluation psychologique. Toutes les demandes ne seront pas satisfaites. La monoparentalité peut être choisie et non subie. Élargir l'AMP n'est en aucun cas un premier pas vers l'autorisation de la GPA, que je considère comme une limite infranchissable au regard de l'éthique.
Je voterai l'article premier dans la rédaction de la commission, et suis favorable à l'évaluation psychologique et sociale préalable.
M. Roger Karoutchi . - Si quelqu'un dans cet hémicycle détient la vérité, qu'il nous transmette les coordonnées de celui qui la lui a donnée ! (Sourires)
Après avoir participé à la plupart des auditions de la commission spéciale, comme Jean Gabin, au fond, je ne sais qu'une chose : que je ne sais rien. (Nouveaux sourires) Je voterai l'article premier, tout en refusant absolument la GPA. Je suis issu d'une famille religieuse, très pratiquante, et mes honorables parents, s'ils étaient encore en vie, s'opposeraient sans doute à une évolution qu'ils considéreraient comme diabolique. Mais votons-nous des lois selon nos convictions personnelles ou ce que nous sommes ? Non ! En tout cas pas moi.
Je vote en fonction de mon intime conviction de ce qui est le mieux pour la société et ses évolutions.
Je n'étais pas là en 1975, mais j'ai assisté, plus récemment, à d'autres débats très durs, où l'on annonçait des choses abominables qui ne sont pas arrivées.
N'intervenons pas dans la vie privée si l'ordre social n'est pas menacé. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Michel Amiel . - Je suis clairement opposé à la PMA telle qu'encadrée dans l'article premier ; mais favorable aux avancées scientifiques permises par les articles suivants. Il eût été plus honnête, juridiquement, d'inclure la GPA dans ce texte ; on aurait, ce faisant, créé un droit-créance, un grand marché de la procréation, avec des congélations de gamètes sous pression de l'employeur.
Sans invectives, dans le respect de chacun, j'ai arrêté ma position. Tout est pour le mieux dans le pire des mondes possibles ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. François Patriat . - Les mamans d'Anna, 4 ans, se sont mariées en 2015. Elles ont construit leur projet, surmontant leurs craintes, les préjugés de ceux qui ont un modèle de famille parfaite.
Fanny et Aurélie ont longtemps hésité : aller en Espagne ? Adopter ? Acheter des gamètes sur internet ? Ce n'est pas le droit à l'enfant mais le désir d'enfant que le législateur comble.
Aucune étude ne prouve qu'avoir deux mamans compromettrait le développement de l'enfant.
La pluralité des situations familiales doit être acceptée.
« Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire », disait Victor Hugo.
Interdire la PMA au nom de la nature, c'est l'interdire aussi aux couples hétérosexuels infertiles.
Mme Patricia Schillinger. - Très bien.
M. François Patriat. - Nous sommes en 2025. Anna est née à Toulouse. Elle a 4 ans. C'est le monde où je veux vivre dans cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Laurent Duplomb . - Je suis un homme de la terre ; un cartésien. Sur les sujets qui me concernent, on prétend revenir au naturel, c'est le bio à toutes les sauces ; mais ici on l'écarte, en ne pensant qu'au désir et au besoin... (Marques d'ironie à gauche)
En 2011, la PMA était réservée aux couples infertiles. Cette loi a ouvert la possibilité du don d'embryons surnuméraires à un autre couple infertile. On a ouvert une brèche.
Aujourd'hui, on lève les critères d'infertilité, et on ouvre la possibilité du double don de gamètes - alors, aucune des mères n'aura de lien biologique avec l'enfant !
M. André Reichardt. - C'est la GPA ! (M. Gérard Longuet le confirme.)
M. Laurent Duplomb. - En effet, ce n'est rien d'autre.
Nous ne sommes plus très loin, sur cette pente, de la GPA au prochain coup. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Angèle Préville . - Ce peut être une souffrance de ne pas avoir d'enfant, mais est-ce la meilleure des choses, pour notre humanité, que d'autoriser des pratiques qui assouvissent ce désir d'enfant ? Je ne le pense pas et c'est pourquoi, je ne puis, après mûre réflexion, être en accord avec ces nouveaux droits que le Gouvernement nous présente. Le rattachement d'un enfant à deux lignées parentales lui permet d'assumer sa propre incomplétude, autrement dit sa sexuation, au sein d'un genre humain universellement mixte, où chacun ne peut être interchangeable, dit la philosophe Sylviane Agacinski. J'y souscris pleinement.
Oui, savoir d'où nous venons est constitutif de notre humanité même. Les enfants nés par PMA, dont un de mes anciens élèves, attendent beaucoup de ce texte. Dès que l'on ouvre une porte, un horizon immense se dévoile et nous éblouit. Ma crainte, c'est l'asservissement du vivant. Le vivant est précieux, mystérieux, subtil, inventif ; il est chatoyant de complexité, fort et fragile à la fois. Je n'ai que des doutes, c'est pourquoi je m'abstiendrai. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau. - Très bien !
M. Jean-Michel Houllegatte . - Deux logiques s'opposent : le droit des individus, le désir de transmettre de l'amour à un enfant, et le fait que nous faisons communauté, ce qui nous oblige à dépasser nos désirs, nos égoïsmes.
Albert Jacquard disait que la liberté n'est pas la possibilité de réaliser tous ses caprices mais la possibilité de participer à la définition des contraintes qui s'imposent à tous.
Je crains que l'extension de la PMA ne crée des fragilités. Nous ne pouvons nous empêcher de nous inscrire dans une histoire. La force du collectif est supérieure à l'individu et à ses désirs, même compréhensibles. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Thani Mohamed Soilihi . - L'article premier est l'un des apports majeurs de ce texte.
Évitons les procès d'intention, les suspicions : ceux qui veulent étendre la PMA ne sont pas de ce fait favorables à la GPA. Faisons un peu de droit comparé européen : l'Irlande, la Lituanie permettent la GPA, mais pas la PMA ; la Grèce, la Hongrie, l'Estonie autorisent de même la GPA, mais pas la PMA pour les couples de femmes.
Nous parlons aujourd'hui de PMA et de ses conséquences ; rien d'autre.
M. Alain Houpert . - Nous voterons pour ou contre cet article en conscience mais encore une fois, des parlementaires légifèrent sur ce que les femmes doivent faire de leur corps, sur les choix de vie de chacun.
On a présenté dans la presse la PMA comme le cheval de Troie de la GPA. Je ne céderai pas à ce chantage et voterai cet article premier tel qu'amendé par la sagesse des sénateurs. (Quelques applaudissements à gauche)
Mme Laurence Rossignol . - Merci à M. Houpert d'avoir dit que nous légiférons sur le corps des femmes, sans être interrompu par des quolibets ou des mouvements de séance. Le glissement des débats nous déconcentre. Il est inutile de faire croire qu'un sujet en détermine forcément un autre. L'AMP est une technique légale en France réservée aux couples hétérosexuels. Est-il juste d'en exclure les couples de femmes et des femmes seules ? Si l'on est d'accord avec cette technique, si elle ne pose pas de problème moral pour les couples hétérosexuels, pourquoi ne pas l'étendre aussi aux couples lesbiens ou aux femmes seules ?
Or ce qu'il faut à un enfant, c'est un cadre et un père ne suffit pas à faire un cadre pour un enfant. Songez au peu d'implication des pères de nos générations dans l'éducation des enfants ! (Murmures désapprobateurs sur quelques travées à droite) Vous vous offusquez de ce que vous pensez être l'absence de l'autorité, avec l'absence de pères. L'autorité aujourd'hui n'est plus entre leurs mains, mais entre celles d'individus responsables qui gagnent leur vie et décident d'avoir un enfant. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Jean-Pierre Leleux . - Des drames de vie peuvent priver un enfant de son père ou de sa mère. Les enfants souffrent de leur absence. Pourquoi, alors, encourager, financer délibérément la fabrication d'orphelins de père ? Ce texte organise l'effacement, l'absence juridique, civile, sociale, psychologique, symbolique du père.
Je suis perturbé par cette idée. Je m'opposerai à l'article premier. Le désir d'enfant est légitime mais il ne doit pas primer sur le droit de l'enfant à être élevé par un père et une mère. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Amiel. - J'ai défendu ma position. Il y a un doute. Il y a, qu'on le veuille ou non, un risque de glissement vers la GPA ainsi qu'un risque inéluctable de marchandisation des gamètes.
M. le président. - Amendement identique n°42 rectifié quinquies, présenté par Mme Chain-Larché, M. Retailleau, Mme Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, Schmitz, de Nicolaÿ et B. Fournier, Mmes Bories et Eustache-Brinio, M. Chevrollier, Mme Lopez, M. Bascher, Mme Deroche, MM. Mandelli et Gilles, Mmes Noël et Lavarde et MM. Duplomb, Cambon, H. Leroy, Bignon et Hugonet.
Mme Anne Chain-Larché. - Cet amendement supprime cet article qui ouvre l'AMP aux couples de femmes. Celle-ci répond aujourd'hui à l'infertilité. Elle répondra demain à une impossibilité. Il n'existe pas de droit « à » l'enfant. L'AMP est une réponse médicale à un problème médical, ce qui ne correspond pas à la situation des couples de femmes.
Les hommes, seuls ou en couple, seraient privés de ce droit, ce qui mènera à la GPA. Il est de notre devoir de préserver les grands équilibres qui régissent la personne humaine. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement identique n°48 rectifié bis, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne et Détraigne et Mmes Herzog et Joissains.
M. Michel Canevet. - Cet article oriente radicalement l'objet de l'AMP vers un droit à l'enfant.
En supprimant la restriction à l'AMP aux couples composés d'un homme et d'une femme vivants, confrontés à une infertilité médicalement constatée, ou au risque de transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité, on détourne l'AMP de son objet.
Le Conseil d'État avait estimé en avril 2009 que « si la loi régit cette pratique, c'est parce que des médecins interviennent dans le processus procréatif, ce que sa dénomination traduit »: ce n'est donc pas la procréation médicalement assistée qui est régie mais seulement l'activité médicale, assistance médicale à la procréation.
M. le président. - Amendement identique n°49, présenté par M. Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce qui est techniquement possible n'est pas forcément souhaitable, ni synonyme de progrès, au sens des Lumières. On nous dira que ce droit à l'enfant est gratuit car fondé sur le don de gamètes. Erreur ! Ce sera lucratif pour les techniciens, les détenteurs de brevet et les investisseurs. Céline Lafontaine, dans Le Corps-marché, a écrit que l'envers du don, c'est le bio-capital. On le voit avec le sang, où, à côté de la promotion du don, s'est développé un véritable marché du sang humain et des cellules souches.
Cela camoufle des processus de commercialisation. Ce n'est pas une médecine curative mais améliorative que l'on nous propose. En d'autres temps, on se serait étonné d'une telle fuite vers l'inconnu mercantile. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. - Amendement identique n°53 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Danesi, Kennel, Morisset, Mayet et Piednoir.
M. André Reichardt. - Cet article rompt l'équilibre qui prévaut depuis l'adoption des premières lois de bioéthique, en 1994. Le droit est une constante recherche d'équilibre entre les nécessités du progrès scientifique et technique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales.
Cette recherche d'équilibre repose sur l'idée que tout ce qui est techniquement possible n'est pas toujours socialement ou éthiquement souhaitable.
Aussi, l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique réserve le recours à l'assistance médicale à la procréation à un couple, formé d'un homme et d'une femme, vivants et en âge de procréer.
Si l'on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer sur le fondement de l'égalité, il paraît nécessaire d'en faire autant pour les hommes. Se profile alors la question de la gestation pour autrui, interdite en France au nom du principe d'indisponibilité du corps humain.
Enfin, en créant un tel régime de filiation, l'égal accès à la maternité reviendrait à priver l'enfant d'une partie de ses origines biologiques, rompant ainsi l'égalité entre les enfants, dont certains seront privés en fait et en droit d'ascendance paternelle.
M. Sébastien Meurant. - La ministre parlait de sagesse, d'humilité et de modération devant ce que nous savons. Ne devons-nous pas en faire preuve face à des siècles d'histoire et de religion ? La loi naturelle impose une mère et un père pour faire un enfant.
De quel progrès parlons-nous ? Du progrès du marché ?
Le chemin vers la GPA n'est pas une fiction mais une évidence selon la jurisprudence européenne. Du « mariage pour tous », on est passé à la PMA, et bientôt ce sera la GPA. Où est le bien commun ? N'est-ce pas ce que nous devons chercher ? Ne devons-nous pas fixer des repères, sortir de la logique des discriminations, avec son triptyque « Je veux, je peux, j'ai droit ».
Est-ce notre rôle que d'étendre à l'infini les droits et de faire disparaître les pères ? (Plusieurs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement identique n°188 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mmes Férat et Morin-Desailly.
M. Loïc Hervé. - La coexistence dans ce texte de mesures de droit civil et de dispositions relatives à la révision de la législation en matière bioéthique entretient une confusion.
Le droit positif, notamment issu de la loi Taubira du 17 mai 2013 répond à une grande partie des sollicitations.
Les évolutions envisagées doivent être renvoyées à un texte ad hoc sur toutes les modifications des modalités de l'établissement de la filiation qui donnera lieu à un débat parlementaire clair.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je suis favorable à ces amendements à titre personnel mais après bien des débats, la commission spéciale a émis un avis défavorable. Je m'y tiendrai donc.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. - Agnès Buzyn sera de retour sur ces bancs à la reprise. (Exclamations à droite) Ces amendements suppriment l'article premier. Des craintes sont évoquées telles que les effets psychologiques sur les enfants ou le glissement vers la GPA.
Je vous l'affirme solennellement : l'ouverture de l'AMP sera sans incidence sur la GPA, contraire à nos principes. (Marques de protestation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Cette loi n'est pas d'égalité ni de lutte contre les discriminations. Une loi bioéthique scrute les avancées scientifiques et les passe au crible de nos progrès éthiques.
M. André Reichardt. - Et les lois européennes ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Il n'y aura ni GPA ni de droit à l'enfant. Les couples hétérosexuels en parcours de PMA ou d'adoption n'ont pas de droit à l'enfant. Il ne s'agit pas d'offrir un enfant à une famille mais une famille à un enfant. Les textes autorisent l'adoption aux couples mariés, y compris homosexuels.
Les recherches, les années de pratique de psychologie et de pédopsychiatrie nous apprennent que ce n'est pas tant la structure familiale que la dynamique autour de l'enfant qui importe. L'essentiel chez celui-ci est le besoin de sécurité matérielle et affective.
Quelque 80 % des violences aux enfants ont cours au sein des structures familiales actuelles. (Marques de mécontentement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Il n'est pas question d'instaurer l'effacement du père dans la construction d'un enfant. Le besoin de stabilité affective, ce métabesoin n'est ni genré ni biologique. (Mme Laurence Rossignol approuve ; marques d'ironie sur les mêmes travées.)
Des dizaines d'études (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.) montrent...
Des sénateurs du groupe Les Républicains. - Des études militantes !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - ... que pour les enfants issus de PMA dans des familles monoparentales ou homoparentales, leur structure familiale n'a eu aucune incidence sur le psychisme ou l'orientation sexuelle.
Tous ici nous nous sommes construits aussi avec des figures d'attachement autres que nos parents, un frère, un oncle, quelqu'un d'extérieur au cercle familial. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains) C'est ainsi que les enfants se construisent. (Même mouvement, croissant)
Les techniques d'AMP ne soignent pas les couples de leur infertilité mais agissent sur ses conséquences. L'assistance apportée par le médecin est moins médicale que sociale. C'est aussi le cas pour la médecine sportive ou esthétique.
Les grossesses issues de protocoles à l'étranger existent en France et profitent seulement aux femmes les plus aisées. Aujourd'hui, des femmes se mettent en danger pour fonder un foyer en trouvant des donneurs sur internet.
Nous devons encadrer les cas qui existent. Légiférons pour un droit réel et non formel. Avis défavorable. (Applaudissements sur la plupart des travées des groupes SOCR, LaREM et CRCE)
M. le président. - La commission spéciale doit se réunir à présent pour examiner des amendements.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
M. Bruno Retailleau. - Je soutiens les amendements de suppression, qui viennent de tous les bancs : de la droite, du centre et d'ailleurs. (Sourires)
Adrien Taquet a été un mauvais avocat en parlant d'enjamber les frontières. Une femme de 68 ans a été inséminée en Espagne. La France doit-elle s'aligner ? Non, elle a vocation à éclairer les autres pays par son exemple.
Ce n'est pas au nom de nos certitudes que nous demandons la suppression de cet article, mais au nom de nos doutes. Qui peut prouver que l'absence de père n'a aucune conséquence ? C'est bien un « pari anthropologique », selon l'expression de Jean-Pierre Chevènement, reprise par l'Académie de médecine.
Deuxième doute sur la fragilisation de la filiation. En dissociant la scène symbolique de l'engendrement de la filiation juridique, on crée une fiction juridique. Or ce qui transforme un être en père ou en mère, c'est la continuité de l'engendrement.
Troisième problème, le risque de marchandisation, qui sera accélérée par l'effet de ciseau entre l'augmentation de la demande qui suivra l'extension de la PMA et la levée de l'anonymat qui restreindra les dons. J'invite à voter ces amendements de suppression (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et certaines travées du groupe UC)
Mme Laurence Cohen. - Qu'il y ait des doutes, je veux bien le comprendre. Mais l'argument selon lequel l'adoption de cet article ouvrirait la voie à la GPA ne tient pas. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) La GPA est interdite car, contrairement à la PMA, c'est la marchandisation du corps, puisqu'on loue le ventre d'une femme ; c'est une atteinte à sa liberté. La PMA n'a rien à voir.
Rejeter l'article premier, c'est rejeter l'égalité entre les couples. Il n'y a pas une famille mais des familles. Orthophoniste, je suis étonnée d'entendre que les enfants issus de PMA seraient en souffrance. Toutes les études de professionnels et de psychologues montrent que ces enfants ne vont pas plus mal que les autres. (On s'impatiente à droite.) Dire le contraire, c'est fantasme ou hypocrisie. Avancez des arguments qui tiennent la route ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Le président Retailleau a tenté de faire valoir que tous les groupes étaient partagés sur cet article symbolique. Certes, on trouve dans chaque groupe des exceptions. Mais que la droite assume donc de refuser, dans sa quasi-totalité, l'accès à la PMA pour toutes ! « Pari anthropologique », dites-vous ? Tout de même ! Le CCNE a donné un avis favorable, les études sur le devenir de ces enfants vont toutes dans le même sens.
Soyez cohérents : refusez la PMA pour tout le monde !
M. Sébastien Meurant. - Pas pour les cas médicaux.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Vous acceptez que des couples hétérosexuels fabriquent un enfant dont le père officiel n'est pas le géniteur, du moment que la figure sociale est préservée...
Voix à droite. - Ça n'a rien à voir !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - ... mais pas qu'une femme assume d'avoir un enfant par PMA. C'est l'hypocrisie qui fait le malheur des enfants. Nous revendiquons l'accès à cette technique - qui n'est pas la certitude d'avoir un enfant - pour toutes les femmes et soutenons que les enfants issus de PMA ne sont pas moins chanceux que les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Sophie Primas. - Je regrette vos termes, madame de la Gontrie. Depuis le début de notre débat, il y a un respect pour la pensée individuelle, qui dépasse les clivages.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Assumez-la donc !
Mme Sophie Primas. - Au nom de M. Neuwirth et de Mme Veil, la droite n'a pas à recevoir de leçons ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Sans nous, la loi Veil n'existerait pas !
M. David Assouline. - Vous citez vos exceptions !
Mme Sophie Primas. - Je ne vais pas voter ces amendements, mais je n'accepte pas que ceux qui ont une autre position soient assimilés à des homophobes.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Des réactionnaires.
Mme Sophie Primas. - Chacun se déterminera en son âme et conscience. Ce n'est pas une question d'appartenance partisane. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur quelques travées du groupe Les Indépendants ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier. - Quel avenir pour les enfants privés de père ? Aucune étude d'impact sérieuse n'existe. M. Taquet a estimé que la possibilité de connaître le nom du donneur permettrait à l'enfant né de PMA de « pacifier son histoire » ! Mme la ministre a repris ce même terme. N'est-ce pas sous-entendre que l'absence d'altérité sexuelle peut entraîner des problèmes ?
Au nom du principe de précaution, il faut voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Richard. - Je m'efforce de ne parler qu'au nom de ma modeste raison. J'ai le plus grand respect pour les conquêtes de la science. L'effort de l'humanité, c'est de réaliser de nouveaux progrès au service de l'épanouissement de la personne humaine.
Aujourd'hui, la science nous donne la possibilité d'artificialiser la conception de l'être humain. La PMA telle que nous la connaissons est une assistance médicale à la procréation sexuée d'un couple. L'article premier en prévoit une autre : non une assistance mais une procréation hors du rapport entre un homme et une femme. C'est une première artificialisation de la création de la vie humaine.
Avons-nous éthiquement le droit d'engager notre législation dans la reconnaissance de cette évolution ? Nous sommes tous opposés à d'autres formes d'artificialisation, pourtant réalisables, comme le clonage.
J'ai voté pour le mariage entre personnes de même sexe pour reconnaître socialement l'existence d'autres couples, mais sur une transformation aussi profonde de l'évolution de l'espèce humaine, la raison doit nous retenir. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Martin Lévrier et Joël Guerriau applaudissent également.)
M. David Assouline. - On peut comprendre que certains parlementaires ne se reconnaissent pas dans la position traditionnelle de leur courant politique, mais après le vote, on verra bien s'opposer une gauche et une droite. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Puissat. - Ça sert à quoi de dire cela ?
M. David Assouline. - Il y a eu des évolutions sur le mariage homosexuel et il y en aura sur la PMA. Dans quelques années, les parlementaires se mettront au diapason de l'opinion.
Il est dommage que ce qui ne pose plus de problème pour une majorité de Français en pose encore pour les parlementaires. Le Parlement, qui devrait être à l'avant-garde sur les questions d'égalité, est à l'arrière-garde... D'autres pays européens comme l'Espagne ont su débattre sereinement de ces sujets, malgré le poids de la religion ; en France, le débat est ultra-politisé. Mme de la Gontrie a évoqué les pressions exercées par un groupe qui fait campagne... (On s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si l'on est pour l'égalité, il faut reconnaître aux couples homosexuels ce qui est reconnu aux couples hétérosexuels.
M. Yves Daudigny. - Guillaume Erner l'a bien dit sur France Culture : l'Académie de médecine parle de « rupture anthropologique » car elle n'ose pas dire que la PMA sans père est « contre-nature ».
Le propre de l'anthropologie est d'être en mouvement. Lévi-Strauss a montré qu'il n'y avait pas d'invariant humain dans les systèmes de parenté, des sociétés matrilinéaires aux sociétés patrilinéaires. La France a connu une rupture anthropologique au XIIIe siècle sur les systèmes d'héritage, sauf le Béarn ; les Béarnais n'en sont pas moins humains. (Sourires)
L'anthropologique, à la différence du naturel, c'est ce qui supporte la rupture. La PMA préserve le naturel dans la personne, car il est dans la nature humaine de désirer de se prolonger par le désir d'enfant. Au nom de quel système anthropologique l'Académie de médecine peut-elle interdire un désir aussi naturel ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Monsieur Richard, l'intervention de la science dans le processus de procréation n'est pas nouvelle : les premiers bébés-éprouvette sont nés en 1978 en Grande-Bretagne, en 1982 en France. Le refus d'une telle intervention correspond à la pensée naturaliste, défendue notamment par Michèle Rivasi dans une tribune récente, qui rejette la science. (M. Alain Richard lève les yeux au ciel.)
Ce que cela interroge, c'est notre rapport à la parentalité. Nous ne sommes plus que 68 % à être issus de familles classiques, formées d'un père et d'une mère, ayant eu des enfants de façon naturelle.
M. Gérard Longuet. - Est-ce une bonne chose ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Un tiers des enfants vivent dans des familles monoparentales ou homoparentales. Rien ne prouve qu'ils soient moins heureux que les autres. Le législateur n'a pas à décréter l'évolution des moeurs : qui sommes-nous pour juger ? Mais il doit l'encadrer pour qu'elle ne porte pas préjudice à la collectivité et à ses valeurs.
L'évolution proposée répond à une demande profonde de la société d'accéder à une technique qui ne remet nullement en cause les principes fondamentaux de notre éthique. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Cécile Cukierman. - Je ne voterai pas ces amendements de suppression, en toute humilité. Inévitablement, cette loi ouvrira d'autres débats demain. Il faudra être vigilant face aux demandes qui viendront dans quelques années en faveur de la GPA.
La PMA pour toutes n'est pas un pas vers plus d'égalité. Il n'y a pas de droit à l'enfant. Il peut y avoir des familles différentes, mais il y a des réalités qui ne peuvent pas être niées. Ce que nous a appris le XVIIIe siècle, c'est que la vie est le fruit de la rencontre entre le spermatozoïde et l'ovule, à égalité. Il nous appartient en revanche de définir la famille, le rôle des éducateurs, qui peuvent être deux hommes ou deux femmes. Je voterai la PMA pour toutes, mais je ne saurai tout accepter en matière de filiation et d'état civil. (Mmes Sophie Primas et Sophie Joissains applaudissent.)
Mme Pascale Bories. - La question n'est pas l'éducation, mais la conception de l'enfant. Elle est politique, scientifique, mais surtout philosophique et éthique, car elle détermine un nouveau modèle social et sociétal.
Quand on débat de l'avenir de la planète, les Français sont consultés. Je regrette que le Président de la République n'ait pas eu le courage d'organiser un référendum sur ce sujet, qui transcende les partis. (Murmures) En mon âme et conscience, je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Je suis un homme de droite, je l'ai toujours été et n'ai nulle intention de changer.
Invoquer encore et encore le clivage gauche-droite est une mauvaise tactique : si l'on veut emporter l'adhésion de la majorité sénatoriale, mieux vaut ne pas la braquer ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Ce n'est pas faux !
M. Roger Karoutchi. - Écoutons-nous, respectons-nous, sans nous envoyer à la figure nos étiquettes politiques.
La fracture est telle dans notre pays que le climat social n'est pas bon. D'où certaines réactions qui n'auraient pas cours si le pays était apaisé et la politique familiale satisfaisante...
Quand on veut convaincre, il faut donner des arguments et des assurances. Je l'ai dit, je ne voterai pas ces amendements de suppression, mais j'interdis de dire que c'est que je suis devenu progressiste ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Cadic. - En 1675, le Parlement de Paris interdisait la transfusion sanguine. Aujourd'hui, des sectes la refusent encore.
La PMA pour toutes, attendue en France, est autorisée dans plusieurs pays européens.
La GPA est la première source de revenus des cliniques de Thessalonique, la deuxième à Athènes.
Mme Maryvonne Blondin. - C'est bien cela le problème !
M. Olivier Cadic. - Ainsi va le monde ! Je ne voterai pas ces amendements car je souhaite que mon pays offre de nouvelles libertés qui sont attendues. Je ne me définis pas comme de droite ou de gauche, mais comme un homme libre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Je ne suis ni de droite ni de gauche, mais en charge de porter cette loi qui traverse les groupes. L'article premier polarise, pour des raisons culturelles ou cultuelles.
Ce projet de loi n'instaure pas un droit à l'enfant. Ce n'est pas non plus une loi d'égalité des droits. L'objectif d'une loi de bioéthique est d'interroger chaque technique médicale pour voir si elle met en tension un principe éthique fondamental. La PMA pour les couples de femmes ou les femmes célibataires peut choquer, mais elle ne touche pas aux fondamentaux de nos lois de bioéthique qu'est la non-marchandisation...
M. Bruno Retailleau. - Ça viendra.
M. Gérard Longuet. - C'est inéluctable.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - ... la dignité du corps humain, le don altruiste.
Les raisons du refus de l'article premier sont morales, culturelles ou religieuses, pas éthiques.
Ce projet de loi n'a pas non plus pour objectif de s'aligner sur ce qui se fait ailleurs.
M. Bruno Retailleau. - M. Taquet l'a dit tout à l'heure.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - De fait, les autres pays n'ont pas de loi de bioéthique : ils laissent les experts ou la société trancher. La France, elle, souhaite se doter d'un corpus idéologique et éthique autour des questions scientifiques et médicales.
Je n'accepte pas l'argument selon lequel l'ouverture de la PMA impliquerait un glissement vers la GPA. Celle-ci a toujours été interdite, y compris pour les couples hétérosexuels quand la femme ne peut porter d'enfant, car toute rémunération se heurte au principe fondamental de non-marchandisation du corps.
M. Bruno Retailleau. - Très bien.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Si la loi autorisait un jour la GPA, cela signifierait que nos principes éthiques fondamentaux n'existent plus : dès lors, plus besoin de loi de bioéthique. (On en doute à droite.)
Je récuse également l'argument selon lequel nous irions vers la marchandisation du corps en raison d'une pénurie de gamètes. Or il n'y a pas de pénurie de spermatozoïdes et il est prévu de ne basculer vers le nouveau régime que lorsque le stock de spermatozoïdes sera suffisant sans qu'il faille acheter à l'étranger.
Lorsque Simone Veil a défendu la légalisation de l'avortement, elle l'a fait pour des raisons de santé publique et non au nom d'un combat féministe.
Mme Laurence Rossignol. - C'est vrai.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Les femmes qui n'ont pas les moyens d'aller à l'étranger cherchent des donneurs sur internet ou ont des relations non protégées avec des inconnus. C'est une mise en danger d'elles-mêmes mais aussi des hommes, qui peuvent se voir imposer une paternité. Cette loi protège les unes et les autres en encadrant une pratique vieille comme le monde. Une femme qui veut un enfant sait comment faire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Dominique de Legge. - Pas de dérive possible vers la GPA car la loi de bioéthique ne le permet pas ? Pourtant, on nous dit que cet article premier, comme l'article 4, ne relève pas d'une loi de bioéthique mais d'une loi sociétale, qu'il visait à répondre à une demande sociétale ! Comment affirmer que le débat sur la GPA ne sera pas posé demain dans les mêmes termes ? Il faudra répondre à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Au nom de quoi interdirez-vous à un couple d'hommes ou un homme seul de vouloir un enfant ?
M. David Assouline. - De la non-marchandisation.
M. Philippe Bas. - Dans quelle condition peut-on refuser l'AMP à une femme seule ou à un couple de femmes ? Si on ne le peut, c'est bien qu'il y a un droit à l'enfant.
Il n'y aurait pas de mise en tension de nos principes éthiques ? La loi portée par Simone Veil en 1994 réserve l'AMP aux seuls cas d'infertilité médicale constatée chez un couple hétérosexuel - principe reconduit en 2004 et en 2011. Vous revenez sur un principe jugé éthique après trois débats parlementaires.
Créer des enfants sans père, c'est grave ! La réalité s'en charge, dans les circonstances dramatiques du deuil, de la guerre ou de la séparation. J'attire votre attention sur la faille qui se creuse dans la personnalité de l'enfant, à l'adolescence, quand le manque ne trouve aucune réponse. Je mets en garde contre la remise en cause de principes éthiques forts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Je ne suis ni devin ni immortelle, je ne sais pas si une proposition de loi n'appellera pas à légaliser la GPA dans un an, une décennie. Ce que je dis, c'est que la GPA met en tension notre principe éthique fondamental de non-marchandisation du corps et de ses produits.
L'ouverture de la PMA heurte peut-être des valeurs morales ou culturelles, une certaine image de la famille et du rôle du père, mais pas des principes de bioéthique. La PMA pour les couples homosexuels ne met pas plus en tension nos principes bioéthiques que la PMA pour les couples hétérosexuels. Le glissement n'est pas possible. (M. Bruno Retailleau conteste.)
Aujourd'hui, l'accès à la PMA se fait sur des critères d'infertilité purement déclaratifs. Aucun médecin ne vérifiera si vous avez couché ou non avec votre conjoint dans l'année précédente. (Murmures) La stérilité n'a pas besoin d'être prouvée médicalement. Elle n'est d'ailleurs pas présente dans la majorité des cas. (M. François Patriat applaudit.)
À la demande des groupes SOCR et Les Républicains, les amendements identiques nos4, 42 rectifié quinquies, 48 rectifié bis, 49, 53 rectifié bis, 171 et 188 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°66 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 288 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 162 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, SOCR et CRCE)
M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les articles L. 2141-2 et L. 2141-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu'il s'agit d'un couple, font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d'un des membres du couple ;
« 2° L'introduction d'une demande en divorce ;
« 3° L'introduction d'une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au deuxième alinéa du présent article par l'un ou l'autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation.
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître.
« Art. L. 2141-3. - Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d'une assistance médicale à la procréation telle que définie à l'article L. 2141-1.
« Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d'un nombre d'ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d'embryons, dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l'assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en oeuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental ou en cas de décès de l'un des membres du couple.
« Les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d'être transférés ou conservés fassent l'objet d'une recherche dans les conditions prévues à l'article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
2° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. - Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l'article L. 2141-6, y compris, s'agissant des deux membres d'un couple, en cas de décès de l'un d'eux.
« Les deux membres du couple, le membre survivant ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'accueil d'embryons, notamment des dispositions de l'article L. 2143-2 relatives à l'accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. - Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues à l'article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l'accueil de l'embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par le livre Ier du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l'embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l'accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée, au bénéfice de l'enfant.
« Aucune contrepartie, quelle qu'en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l'accueil de leur embryon.
« L'accueil de l'embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en oeuvre la procédure d'accueil. » ;
3° L'article L. 2141-7 est abrogé ;
4° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. - Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s'applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d'embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l'autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. - La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation est précédée d'entretiens particuliers du ou des demandeurs avec un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d'un psychiatre, d'un psychologue ou d'un infirmier ayant une compétence en psychiatrie, le cas échéant extérieur au centre. L'équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 411-2 du code de l'action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l'équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° Vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée. Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ;
« 3° Informer complètement et au regard de l'état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d'échec des techniques d'assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu'elles peuvent entraîner ;
« 4° Lorsqu'il s'agit d'un couple, informer celui-ci de l'impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d'un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'adoption ainsi que l'adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet ;
« d) (nouveau) Des éléments d'information sur l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet.
« Les membres du couple sont incités à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité, de ce qu'il est issu d'un don.
« Le consentement du couple ou de la femme est confirmé par écrit à l'expiration d'un délai de réflexion d'un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5°.
« L'assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en oeuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa lorsque les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu'un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire aux demandeurs dans l'intérêt de l'enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« La composition de l'équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d'État. »
II. - L'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l'infertilité ; »
2° Après le 25°, il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l'assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
Mme Laurence Cohen. - Je suis satisfaite de ce vote. Les débats ont été de bonne tenue. Les couples de femmes n'auront plus à aller en Espagne ou en Belgique pour avoir le droit d'être parents.
Après le mariage pour tous, certains annonçaient un écroulement de la société qui n'a pas eu lieu. Il en ira de même avec la PMA. Toutefois, la portée de l'article premier est considérablement limitée par le conditionnement du remboursement de la PMA à un critère pathologique. C'est punir les femmes aux moyens modestes.
Le principe selon lequel l'accès à la PMA ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle du demandeur, a été balayé par la commission spéciale. C'est une atteinte à l'égalité pleine et entière.
Cet amendement revient à la rédaction initiale : une prise en charge à 100 % pour tous.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement qui revient sur la rédaction de la commission spéciale. Nous n'avons pas voulu modifier ce qui existe - la possibilité de recourir à l'AMP pour les couples hétérosexuels infertiles - mais seulement ajouter une possibilité pour les femmes seules et les homosexuelles. Pourquoi ne pas la rembourser pour les femmes seules ou les couples de femmes ? Ce n'est pas une question d'égalité - celle-ci consiste à traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans des situations identiques.
Or, pour les couples infertiles, on remédie à un problème médical. Dans le second cas, il n'y a pas un acte de médecine mais un acte médical, comme l'a rappelé le président Milon, en commission. Il n'y a aucune raison de faire prendre en charge un acte par la sécurité sociale quand il n'y a pas de pathologie. Nous ne sommes pas des militants mais des législateurs : conformons-nous au droit de la sécurité sociale. Avis défavorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Avis bien sûr favorable à cet amendement qui revient au texte adopté à l'Assemblée nationale. L'infertilité est observée chez les couples hétérosexuels après douze mois, sans investigation médicale - d'ailleurs 15 % des couples infertiles n'ont pas de maladie avérée. Et de nombreux couples qui ont dû avoir recours à une PMA ont eu d'autres enfants de façon normale, ce qui démontre que les raisons sont autres que pathologiques.
Ici, nous mettons tous les couples à égalité.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - Je ne voterai pas cet amendement. Je suis favorable à la PMA et le seul dans cet hémicycle à avoir déposé une proposition de loi en faveur de la GPA. Le texte de la commission spéciale est un bon texte. La sécurité sociale prend en charge les maladies. Certes, la grossesse n'en est pas une mais elle est prise en charge pour prévenir toute autre maladie. Il est normal que la PMA soit prise en charge pour les couples hétérosexuels infertiles car il y a pathologie. Or il n'y a pas pathologie chez les femmes seules ou en couples homosexuels. Les complémentaires pourront toujours rembourser l'AMP pour ces dernières.
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à la PMA, et j'avais déposé un amendement similaire à celui que Mme la rapporteure a fait adopter par la commission spéciale.
Je ne voterai donc pas celui de Mme Cohen, pour les mêmes raisons que M. Milon. Les près de 5 000 femmes qui vont faire une PMA à l'étranger ont des revenus importants.
Ce n'est pas à la sécurité sociale de prendre en charge la PMA pour des personnes qui n'ont pas de problèmes pathologiques. La sécurité sociale a déjà suffisamment de problèmes.
M. David Assouline. - Le remboursement par la sécurité sociale, selon vous, dépend de l'existence d'une maladie : comment justifier alors le remboursement de l'avortement ? (Protestations à droite)
M. Jérôme Bascher. - Ça n'est pas le débat !
M. David Assouline. - Cela vous dérange sans doute, mais comment M. Milon peut-il justifier ses propos ?
Mme Laurence Rossignol. - Nous voterons l'amendement de Mme Cohen, qui reprend plusieurs dispositions qui sont ensuite déclinées dans plusieurs amendements. Pour ma part, je ressens la privation du remboursement par la sécurité sociale comme une position punitive, mesquine. La santé sexuelle et reproductive des femmes est beaucoup plus large que la définition qui a été donnée tout à l'heure de ce qui doit être remboursé par la sécurité sociale. Le remboursement de l'AMP pour tous est donc cohérent. (Applaudissements sur diverses travées à gauche)
Mme Laurence Cohen. - À partir du moment où l'on accorde un droit, il faut que toutes et tous y aient accès. Une grossesse, l'IVG, la contraception ne sont pas des maladies, mais elles sont prises en charge.
Vous allez obliger les femmes à aller à l'étranger, à nouveau. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) C'est une mesure de justice que je vous propose.
Mme Élisabeth Doineau. - J'avais également déposé un amendement rétablissant le remboursement de l'AMP par la sécurité sociale. Ne pas rembourser pour les femmes seules et les couples de femmes serait une injustice. Il y aurait les femmes vertueuses qui ont suivi le bon parcours d'un côté et les femmes seules ou en couple homosexuel qui se feraient plaisir.
De plus, l'infertilité n'est pas toujours prouvée médicalement pour les couples hétérosexuels. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes RDSE et SOCR ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - Le code de sécurité sociale rembourse les actes médicaux lorsqu'il y a une maladie. Le non-remboursement ne concernerait que les couples de femmes et les femmes seules, pas les couples hétérosexuels qui souffrent d'infertilité.
Je suis favorable au remboursement de l'IVG, car c'était un problème de santé publique - comme l'a rappelé Mme la ministre.
M. David Assouline. - L'AMP aussi, elle l'a dit !
Mme Catherine Fournier. - L'AMP est autorisée pour éviter la souffrance des femmes jusqu'à présent forcées d'aller à l'étranger. Comment, sans remboursement, évitera-t-on des dérives sur les tarifs ? Ne risque-t-on pas d'avoir plusieurs tarifs, les uns conventionnés et les autres libres ? Ce serait choquant ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Jérôme Bascher. - Quand il y a un désir, il y a un marché.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Beaucoup d'actes de prévention sont remboursés par la sécurité sociale. Le président Milon a suggéré que l'AMP soit remboursée par les mutuelles. Aujourd'hui, elles ne remboursent que des médicaments partiellement remboursés par la sécurité sociale.
M. Jean-François Husson. - C'est inexact.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Dans son étude de la loi de juin 2018, le Conseil d'État estime qu'il n'est pas possible d'établir un régime différent de prises en charge au regard des orientations sexuelles.
Je vous invite à suivre le Gouvernement sur le remboursement.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - L'ostéopathie et la sophrologie ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, mais elles le sont par les mutuelles. (M. Jean-François Husson renchérit.)
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°283, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu'il s'agit d'un couple, font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons :
II. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
premier alinéa du présent II
par les mots :
deuxième alinéa du présent article
III. - Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître. »
IV. - Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas
V. - Alinéas 30 à 32
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Cet amendement lève la condition d'infertilité pour tous les publics, reprend le principe de non-discrimination pour la PMA et fixe les conditions d'âge par décret.
La commission spéciale a créé deux régimes juridiques distincts, l'un reprenant le dispositif actuel et l'autre pour les couples de femmes et les femmes non mariées. Vous pénalisez ainsi tout le monde car vous faites peser sur les couples hétérosexuels un critère médical d'infertilité, et non pour les autres.
La réintroduction d'un critère médical pour les premiers et non les seconds compliquerait les choses. Je rappelle que 15 % des couples hétérosexuels en AMP n'ont pas de problème médical détecté. Le non-remboursement dans le second régime pourrait vider le nouveau dispositif de sa substance.
Il est préférable d'affirmer qu'il ne peut y avoir de discriminations sur le régime matrimonial et l'orientation sexuelle.
Cet amendement prévoit que les critères d'âge seront fixés par décret en Conseil d'État pris après avis de l'Agence de la biomédecine. Le critère actuel, « être en âge de procréer », est imprécis et fait l'objet de contentieux contre l'Agence de biomédecine. Or, la version de la commission spéciale ne répond pas au problème. Il faut donc en revenir au texte du Gouvernement.
M. le président. - Amendement n°258 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
I. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons.
II - Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
Mme Patricia Schillinger. - Ne faisons pas de distinction entre les femmes selon le régime matrimonial ou l'orientation sexuelle. La position médiane de la commission spéciale suscite des interrogations.
Comment justifier le maintien du critère d'infertilité pathologique pour les seuls couples hétérosexuels ? Dans 15 % des couples hétérosexuels suivis pour AMP, il n'y a pas de cause médicale avérée à l'infertilité.
Par cohérence, supprimons le critère pathologique pour les couples hétérosexuels.
M. le président. - Amendement n°225 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Jomier et J. Bigot, Mmes Meunier et Blondin, MM. Daudigny et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, MM. Fichet et Vallini, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini et Tourenne et Mme Van Heghe.
I. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
II. - Alinéa 5, au début
Ajouter les mots :
Lorsqu'il s'agit d'un couple,
III. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
IV. - Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
V. - Alinéas 30 à 32
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° L'article L. 2141-7 est abrogé ;
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement va dans le même sens. Aujourd'hui, c'est l'absence de grossesse qui permet de constater l'infertilité. Bien souvent, « ça ne marche pas », sans que la médecine puisse l'expliquer.
M. le président. - Amendement n°94 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Cazabonne, Guerriau, Cadic, Vanlerenberghe et Capo-Canellas, Mme Saint-Pé et M. Delcros.
I. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
II. - Alinéas 13, 14 et 31
Supprimer ces alinéas.
Mme Élisabeth Doineau. - Avec le texte de la commission spéciale, toutes les femmes ne seront pas traitées de la même façon. Les femmes seules ou en couple les plus pauvres ne pourront pas avoir accès à une PMA. C'est une grande injustice.
M. le président. - Amendement n°196 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'articleL. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs, ou encore du changement de sexe à l'état civil.
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement ouvre la PMA aux personnes transgenres. Le changement de sexe ne doit pas être un obstacle comme c'est le cas actuellement. Sans doute notre assemblée n'est-elle pas mûre pour aborder cette question (Murmures à droite). De nombreuses associations LGBT nous ont indiqué que les femmes devenues hommes à l'état civil seraient exclues de la PMA.
M. le président. - Amendement n°191, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs.
Mme Esther Benbassa. - Je soutiendrai l'amendement de Mme Cohen en faveur des transgenres. Pour Mme Jourda et pour le Gouvernement, seules les femmes peuvent porter des enfants et donc bénéficier de la PMA.
Mme Frédérique Puissat. - Bien sûr !
Mme Esther Benbassa. - Il existe effectivement une vérité biologique : l'utérus est nécessaire. Or, aujourd'hui des hommes possèdent des utérus parfaitement fonctionnels : les hommes transgenres reconnus à l'état civil, c'est-à-dire un statut juridique. Souhaitez-vous créer une nouvelle inégalité de droit ?
M. le président. - Amendement n°33 rectifié ter, présenté par M. Chevrollier, Mmes Chain-Larché, Thomas, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Bonhomme, Cardoux, Cuypers, de Legge, Babary, Piednoir et Bascher, Mme Lamure, MM. B. Fournier, Pointereau, Longuet, Regnard, H. Leroy et Meurant, Mme Micouleau et M. Segouin.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2141-2. - I. - L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué.
M. Guillaume Chevrollier. - La PMA doit correspondre à des pathologies. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié quinquies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset et Vial, Mme Morhet-Richaud et MM. H. Leroy et Gremillet.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le recours à l'assistance médicale à la procréation n'est possible qu'en cas d'échec avéré de tous les autres traitements de l'infertilité et de toute autre technique de restauration de la fertilité.
Mme Sylviane Noël. - Selon ce projet de loi, l'assistance médicale à la procréation est la solution en toutes circonstances et devient l'alpha et l'oméga de la lutte contre l'infertilité. Or le recours à l'AMP ne saurait être systématisé et banalisé tant il est loin d'être un long fleuve tranquille. Parcours douloureux pour la femme, il l'est aussi pour le couple quand on sait qu'après les quatre tentatives de fécondation in vitro remboursées par la sécurité sociale, la moitié des couples reste sans enfant.
Toutes méthodes confondues, le taux de succès des techniques d'AMP est de 17 % et, en moyenne, il aura fallu concevoir 17 embryons pour une naissance.
Dès lors, il est essentiel de poser comme principe que l'AMP ne peut être que l'ultime recours.
M. le président. - Amendement identique n°51 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Détraigne et L. Hervé et Mmes Herzog et Joissains.
M. Loïc Hervé. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°167, présenté par M. Meurant.
M. Sébastien Meurant. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°270 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, MM. Jomier, Tourenne, J. Bigot et Daudigny, Mme Monier, MM. Marie, Féraud, Vaugrenard, Dagbert et Manable, Mme S. Robert et MM. Duran, Kerrouche et Jacquin.
Après l'aline?a 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne en capacité de mener une grossesse, même en cas de changement de sexe a? l'état civil, a accès à l'assistance médicale à la procréation.
Mme Michelle Meunier. - Mmes Benbassa et Cohen en ont parlé : toute personne en capacité de mener une grossesse, même en cas de changement de sexe à l'état civil, doit avoir accès à l'AMP.
Pourquoi empêcher des personnes qui veulent vivre leur grossesse de le faire ? Le slogan des années soixante-dix « Mon corps m'appartient » est toujours d'actualité.
M. le président. - Amendement n°141 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Thomas et M. Meurant.
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons humains ou à l'insémination. » ;
M. Henri Leroy. - Le progrès scientifique et technique ne doit pas tout commander. Il est donc important d'indiquer dans le code de la santé publique que l'homme et la femme doivent être vivants et en âge de procréer pour éviter tout abus. Sinon, il y a un risque pour la femme et l'enfant.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié quinquies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset et Vial, Mme Morhet-Richaud et MM. H. Leroy et Gremillet.
Alinéa 12, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L'âge limite de la femme pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans.
Mme Sylviane Noël. - À partir de 38 ans, les taux de grossesse en assistance médicale à la procréation chutent : supérieurs à 25 % avant 37 ans, ils passent à 12 % à 38 ans, puis 9 % à 40 ans et 5 % à 42 ans.
C'est pourquoi la sécurité sociale a fixé comme limite d'âge à la prise en charge à 43 ans pour une FIV. Il convient donc de poser clairement cette limite d'âge dans la loi.
M. le président. - Amendement identique n°34 rectifié quinquies, présenté par M. Chevrollier, Mmes Gruny, Bruguière et Troendlé et MM. de Legge, Bonne, Chaize, Cardoux, Cuypers, B. Fournier, Regnard, Longuet, Meurant, Segouin et Sol.
M. Guillaume Chevrollier. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Cuypers, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, de Nicolaÿ, Chaize et Bascher, Mme Deroche, M. Mandelli, Mmes Bonfanti-Dossat et Noël et M. H. Leroy.
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'âge limite pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation est fixée à 43 ans. » ;
Mme Anne Chain-Larché. - Cet amendement fixe l'âge maximum pour bénéficier d'une PMA à 43 ans, comme cela est préconisé par le conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine.
M. le président. - Amendement n°142 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mmes Bonfanti-Dossat et Loisier et M. Meurant.
Alinéa 14
Supprimer les mots :
formé de deux femmes ou toute femme non mariée
M. Henri Leroy. - Il s'agit de réserver l'AMP aux couples formés d'un homme et d'une femme en cas d'infertilité dans un but thérapeutique, tout simplement.
M. le président. - Amendement n°41 rectifié ter, présenté par M. Chevrollier, Mmes Chain-Larché, Thomas, Gruny et Bruguière et MM. Morisset, Danesi, Bonne, Chaize, Cardoux, Cuypers, Piednoir, Bascher, Mayet, Regnard, Longuet, H. Leroy, Meurant et Segouin.
Alinéa 14
Supprimer les mots :
ou toute femme non mariée
M. Guillaume Chevrollier. - L'AMP pour les femmes célibataires fait l'économie du couple et prive l'enfant de parents. Pourtant, la Convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU, ratifiée par la France en 1990, garantit le droit pour tout enfant, dans la mesure du possible, « de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».
Alors que le Gouvernement travaille sur des mesures pour venir en aide aux familles monoparentales, il paraît contradictoire de prévoir d'élargir la procréation aux femmes célibataires et de créer ces situations de vulnérabilité.
Ne risque-t-on pas d'introduire une inégalité majeure entre les enfants, certains ayant ab initio un seul parent ?
M. le président. - Amendement n°168, présenté par M. Meurant.
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'âge limite de la femme pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans.
M. Sébastien Meurant. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Les amendements nos258 rectifié, 225 rectifié, 94 rectifié, 196 rectifié, 191 et 283 ont des objets similaires : Mme la ministre a dit que le texte de la commission mettrait les couples hétérosexuels en difficulté en rétablissant un critère d'infertilité et en autorisant le remboursement par la sécurité sociale pour des raisons d'infertilité car 15 % de ces couples ne seraient pas diagnostiqués infertiles. Mais telle est la situation actuelle et nous n'y changeons rien. Ce n'est pas parce que l'infertilité n'est pas diagnostiquée précisément qu'elle n'existe pas.
Comme nous ne faisons pas un texte d'égalité, pourquoi nous affranchir dès lors de cette règle lorsqu'il s'agit de raisonner en droit et d'appliquer les règles de prise en charge de la sécurité sociale ? Nous sommes des législateurs et pas des militants.
Mme Éliane Assassi. - On peut être les deux !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable sur ces amendements, donc.
Concernant les amendements nos141 rectifié, 11 rectifié quinquies, 34 rectifié quinquies, 43 rectifié bis et 168 : l'âge jusqu'auquel on peut bénéficier d'une AMP n'est pas fixé par le texte. Le Gouvernement propose de le fixer par décret qui correspondra sans doute à l'âge du remboursement qui est de 43 ans. Cet âge peut paraître convenable mais certaines femmes peuvent bénéficier de techniques au-delà et il serait dommage de les en priver. Faisons donc confiance à l'Agence de biomédecine qui fera des recommandations de bonnes pratiques.
L'amendement n°33 rectifié ter est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
J'entends ce qu'indiquent les amendements identiques nos12 rectifié quinquies, 51 rectifié et 167, mais laissons les médecins et non la loi décider de la technique à mettre en oeuvre. Avis défavorable.
Selon l'amendement n°270 rectifié bis, toute personne en capacité de porter un enfant doit pouvoir bénéficier d'AMP, quel que soit le sexe indiqué dans l'état civil. Un homme deviendrait mère. Peut-être ne sommes-nous pas assez mûrs, mais cela mérite en tous cas une discussion approfondie. Je ne méconnais pas le désir de ces personnes, mais une telle mutation anthropologique nécessiterait assurément un débat plus important. Avis défavorable.
Les amendements nos142 rectifié et 41 rectifié ter reviennent sur l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules. Ces dernières peuvent être en moins bonne situation d'élever un enfant. Toutefois la commission spéciale a émis un avis défavorable. En résumé, avis défavorable à tous les amendements et demande de retrait de l'amendement n° 33 rectifié ter.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Avis favorable à l'amendement gouvernemental et avis défavorable à tous les autres.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous désapprouvons le non-remboursement prôné par Mme la rapporteure. Cela n'a aucun sens, ou plutôt un « sens commun » (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains). Je ne pense pas que les 10 à 15 millions d'euros que coûtera la mesure la préoccupent. L'idée est d'opérer une discrimination entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels.
Le Conseil d'État a prôné un remboursement identique pour tout le monde.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Je suis la rapporteure sur les limites d'âge. Les cas de personnes transgenres, femmes devenues hommes, existent. Elles peuvent porter un enfant mais non le faire. C'est quasiment anecdotique.
J'entends ce que cela porte comme difficulté de parentalité mais je ne comprends pas la discrimination selon laquelle on autorise l'AMP pour tous sauf pour ces personnes. Mme la rapporteure nous invite à la discussion. Mais c'est maintenant qu'elle doit avoir lieu !
L'amendement n°33 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°283 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos258 rectifié, 225 rectifié, 94 rectifié, 196 rectifié et 191 rectifié.
Les amendements identiques nos12 rectifié quinquies, 51 rectifié et 167 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°270 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°141 rectifié.
Les amendements identiques nos11 rectifié quinquies et 34 rectifié quinquies ne sont pas adoptés.
Les amendements nos43 rectifié bis et 142 rectifié ne sont pas adoptés.
M. Bruno Retailleau. - M. Chevrollier souhaite que le cas particulier des femmes célibataires soit réexaminé. La création de situation de monoparentalité fragilise le parent isolé et augmente les risques pour l'enfant. La sagesse, c'est d'en tenir compte, de le dire et d'attendre la navette pour que le débat progresse. J'ai été président de département : nous savons bien que les risques augmentent pour les familles monoparentales.
M. Rachid Temal. - Quel risque supérieur ?
M. Bruno Retailleau. - Certes, cela peut bien se passer, mais les risques sont accrus.
Mme Laurence Rossignol. - Certains propos ne devraient pas sortir de cet hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Les propos de M. Retailleau sont insultants. (Mêmes mouvements) Les familles monoparentales - 20 % des familles françaises - ne sont pas dangereuses pour leurs enfants ou à risque parce que monoparentales mais parce qu'elles sont plus pauvres que les autres. Le pire, dans la monoparentalité, c'est la suspicion qui pèse sur la capacité des femmes à élever leurs enfants. (Applaudissements sur diverses travées des groupes CRCE et SOCR)
M. Éric Kerrouche. - M. Retailleau, comme s'il y avait une normalité dans la famille... La normalité est dans votre tête, dans votre modèle culturel. Des familles monoparentales sont très heureuses et des familles avec un papa et une maman très malheureuses. Faire des généralisations en fonction de ses valeurs n'est pas un argument recevable.
M. Bruno Retailleau. - Rappel au Règlement ! Je n'accepterai aucune intimidation !
M. le président. - Rappel au Règlement sur quel article ?
M. Bruno Retailleau. - Je n'ai pas mis en cause les familles monoparentales. Mais les risques augmentent pour les parents isolés. Nous devons donc nous interroger. Il doit être possible d'échanger des arguments dans cet hémicycle.
M. David Assouline. - C'est une explication de vote et non un rappel au Règlement !
M. Bruno Retailleau. - Si les intimidations continuent, je demanderai une levée de séance. (Murmures à gauche tandis qu'on applaudit sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. - Personne n'a investi Mme Rossignol du rôle de la police de la pensée correcte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Il n'est pas possible de caricaturer les propos pour mieux imposer le sien.
Les difficultés des familles monoparentales ne sont pas dues qu'à la pauvreté. C'est difficile d'élever un enfant seul. Les situations sont le plus souvent subies. Si on peut parfois compenser les difficultés par beaucoup d'amour et d'énergie, ce n'est pas une raison suffisante pour autoriser ces situations, avec le remboursement par la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - Nous débattons de choses très importantes ; conservons la sérénité et l'humilité qui sont de mises dans une telle discussion. Je voterai contre cet amendement, pour des raisons personnelles. Mais je rappelle que lors de nos auditions, les centres d'étude de conservation des oeufs et du sperme humains (Cecos), les gynécologues et le CCNE nous ont tous avertis de la « vulnérabilité » des familles monoparentales.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Monsieur Retailleau, à l'article 36 du Règlement, il est bien indiqué que vous auriez dû faire mention d'un article du Règlement, sans quoi la parole aurait dû vous être retirée. (Protestations et marques d'agacement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Vous pouvez remercier le président de séance de vous avoir néanmoins laissé la parole. (Même mouvement) Quant au fait personnel, vous savez qu'il ne peut être évoqué qu'en toute fin de séance...
Êtes-vous prêt, monsieur Retailleau, à revenir sur les dispositions existant depuis des dizaines d'années qui autorisent l'adoption par un célibataire ?
M. Bruno Retailleau. - C'est tout à fait différent !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il est donc possible d'avoir un enfant seul ! Cet amendement est bienvenu et nous le voterons.
M. David Assouline. - Il nous arrive parfois d'avoir envie de reparler après avoir déjà expliqué notre vote, mais nous attendons l'amendement suivant, quand bien même nous pensons avoir trouvé de nouveaux arguments pour le justifier. Il n'y a pas un règlement taillé sur mesure pour M. Retailleau. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ne galvaudons pas le rappel au Règlement ! (M. Philippe Bas proteste.) Quand on prône des règles dans tous les sens pour la société, on commence par appliquer le Règlement dans l'hémicycle.
Mme Sophie Primas. - Il y a un président de séance.
M. Loïc Hervé. - Tout ce qui est excessif est dérisoire !
M. Max Brisson. - Je suis un élu du groupe Les Républicains. Je voterai l'article premier. J'exprime ma solidarité avec le président Retailleau, qui nous a laissé toute liberté. La volonté des groupes de gauche de durcir les débats est totalement contre-productive.
Les tentatives de pression ne font pas honneur au Sénat ! (Applaudissements au centre et à droite ; M. David Assouline rit.)
M. Bernard Jomier. - Revenons au fond ! (Exclamations à droite) L'adoption est autorisée pour un homme ou pour une femme seuls. La loi produit donc déjà des familles monoparentales. Philippe Bas a évoqué le problème de la capacité d'une personne à porter une famille.
Ce matin, la commission spéciale a adopté l'évaluation psychologique et sociale « en tant que de besoin ». Cela répond à votre préoccupation. Pourquoi ajouter des conditions si ce n'est pour contester ce modèle familial ?
Moi, législateur, je ne suis pas juge de cette évolution des moeurs. Nous devons assurer le respect des règles bioéthiques et éviter la marchandisation, mais là, aucune valeur n'est violée et toutes les précautions ont été prises dans le processus de PMA. Nous ne pouvons rayer d'un trait de plume le fait de société que constituent les familles monoparentales. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Jérôme Bascher. - Cela peut vous plaire ou pas, mais c'est un fait statistique : les familles monoparentales sont en moyenne plus pauvres que les autres ; elles ont contribué à l'augmentation ces sept dernières années de la pauvreté en France.
M. David Assouline. - N'est-ce pas l'inverse ?
Mme Laurence Rossignol. - Elles y contribuent ? Elles la subissent plutôt !
M. Jérôme Bascher. - C'est un constat, il n'a rien de scandaleux : être un plutôt que deux, c'est plus risqué. Je suis en séance ce soir, ma femme est seule avec nos enfants, or elle est souffrante... Comment faire, quand on n'a pas, comme moi, la chance d'avoir ses parents à proximité ?
M. David Assouline. - C'est une famille multiparentale ? (Sourires sur quelques travées du groupe SOCR)
M. Jérôme Bascher. - Bien sûr, une famille peut adopter, mais il n'est pas scandaleux de mettre l'accent sur sa vulnérabilité. Parlons de faits et pas seulement d'idéologie. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également ; M. David Assouline ironise.)
M. Joël Guerriau. - Évitons les attaques personnelles et concentrons-nous sur les sujets graves sur lesquels chacun peut douter. La monoparentalité est le plus souvent subie. Elle n'est pas facile à gérer. Favoriser ce risque ou cette vulnérabilité n'est pas souhaitable. Ce n'est pas mon choix.
M. Jean-Marc Gabouty. - Ce débat demande beaucoup de retenue. Oui, les familles monoparentales sont statistiquement le plus en difficulté, mais ces difficultés viennent d'une rupture et d'un changement de situation par rapport au moment de la naissance car il y a le plus souvent eu séparation ou divorce.
Autrefois, on parlait de filles-mères ; des pères ne voulaient pas reconnaître l'enfant. Mais aujourd'hui, il y a aussi des femmes qui veulent faire les enfants sans connaître le père. Il faut répondre à cette situation. L'ouverture de la PMA aux personnes seules est plutôt un progrès dans ce contexte, indépendamment de tout jugement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe RDSE)
Mme Josiane Costes. - Très bien !
M. Daniel Chasseing. - Il y a une plus grande fragilité lorsqu'on est seul, c'est vrai, le président Retailleau a raison là-dessus. Mais souvent, la personne qui choisit sciemment de faire une PMA ou d'adopter n'a pas de problèmes financiers et est entourée de famille et d'amis. Eh bien, le gynécologue, le psychologue et les personnes qui entourent la personne ne devront pas accepter tous les cas.
Mme Éliane Assassi. - Nous souhaitons tous que ce débat soit serein. Mais il y a du conflit, il doit s'exprimer.
Cet amendement est choquant, et même dangereux. Parfois, la monoparentalité est un choix. Vous considérez que celles qui font ce choix sont de pauvres femmes vulnérables.
Cet amendement ajouterait au texte un critère social - nous ne pouvons pas y être favorables.
M. Fabien Gay. - Le débat politique, c'est, par nature, la conflictualité, la confrontation des idées, qui peut être vigoureuse...
M. Jérôme Bascher. - Tiens, un Gramsciste !
M. Fabien Gay. - Mais évitons les attaques ad hominem !
Quand on ouvre un droit, il faut qu'il soit universel...
M. Joël Guerriau. - Comme les retraites ? (Sourires)
M. Fabien Gay. - Nous en reparlerons une autre fois...
M. Jean-Pierre Corbisez. - Eh oui !
M. Fabien Gay. - Ce que nous sommes en train de faire peut perturber les conceptions traditionnelles, certaines convictions profondes, je le comprends. Mais le législateur ne devrait pas ouvrir un droit sans s'assurer que tous y aient accès.
Attention aussi aux détournements. Nous pourrions envoyer le signal qu'il faudrait se mettre en couple pour quelque temps afin d'avoir droit à une PMA, avant de se séparer...
Mme Véronique Guillotin. - Je suis défavorable à la limitation de la PMA pour les femmes seules. De quel droit nous, législateurs, pourrions-nous interdire aux femmes seules d'avoir accès à la PMA ? Oui, statistiquement, les familles monoparentales ont plus de difficultés. Mais la monoparentalité subie est très différente de la monoparentalité choisie. Pourquoi ne pas faire confiance aux femmes ? Je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDSE)
À la demande du groupe SOCR, l'amendement n°41 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°67 :
Nombre de votants | 287 |
Nombre de suffrages exprimés | 258 |
Pour l'adoption | 102 |
Contre | 156 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°168 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - La commission spéciale se réunit demain à 8 h 30, salle 216.
M. le président. - En toute amitié, monsieur le président Assouline, je ne suis pas ici pour tailler le Règlement sur mesure pour une personne en particulier, mais pour m'efforcer de faire respecter la sérénité des débats, d'autant que les esprits s'échauffent. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Je ne suis pas infaillible, je m'en excuse... contrairement au président Assouline. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également ; M. David Assouline proteste.)
Nous avons examiné 34 amendements ; il en reste 263.
Prochaine séance, mercredi 22 janvier 2020, à 15 heures.
La séance est levée à minuit.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du mercredi 22 janvier 2020
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - M. Joël Guerriau
1. Questions d'actualité
À 16 h 30 et le soir
Présidence : M. David Assouline, vice-président M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission, n°238, 2019-2020)
Analyse des scrutins
Scrutin n°66 sur les amendements identiques n°4, présenté par M. Michel Amiel, n° 42 rectifié quinquies, présenté par Mme Anne Chain-Larché et plusieurs de ses collègues, n°48 rectifié bis, présenté par M. Jean-Marie Mizzon et plusieurs de ses collègues, n°49, présenté par M. Pierre-Yves Collombat, n°53 rectifié bis, présenté par M. André Reichardt et plusieurs de ses collègues, n°171, présenté par M. Sébastien Meurant, et n°188 rectifié, présenté par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article premier du projet de loi relatif à la bioéthique,
Résultat du scrutin
Nombre de votants :325
Suffrages exprimés :288
Pour :126
Contre :162
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 83
Contre : 23 - Mme Martine Berthet, M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, M. Philippe Dominati, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Pierre Grand, François Grosdidier, Jacques Grosperrin, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Corinne Imbert, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Michel Magras, Alain Milon, Albéric de Montgolfier, Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Mmes Sophie Primas, Catherine Procaccia, MM. Michel Raison, Michel Savin
Abstentions : 24 - Mme Agnès Canayer, MM. Édouard Courtial, Philippe Dallier, Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Paul Émorine, Jacques Genest, Mmes Frédérique Gerbaud, Élisabeth Lamure, Florence Lassarade, MM. Antoine Lefèvre, Ronan Le Gleut, Mmes Brigitte Lherbier, Marie Mercier, Patricia Morhet-Richaud, MM. Philippe Paul, Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Christophe Priou, Mme Isabelle Raimond-Pavero, M. Jean-François Rapin, Mme Marie-Pierre Richer, M. René-Paul Savary
N'ont pas pris part au vote : 14 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Christian Cambon, Mme Marta de Cidrac, M. Robert del Picchia, Mme Annie Delmont-Koropoulis, MM. Michel Forissier, Bernard Fournier, Mme Colette Giudicelli, MM. Charles Guené, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Ladislas Poniatowski, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, M. Jean Pierre Vogel
Groupe SOCR (71)
Pour : 3 - M. Jean-Michel Houllegatte, Mme Gisèle Jourda, M. Franck Montaugé
Contre : 66
Abstentions : 2 - M. Maurice Antiste, Mme Angèle Préville
Groupe UC (51)
Pour : 24
Contre : 17 - MM. Olivier Cadic, Vincent Capo-Canellas, Alain Cazabonne, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Mmes Élisabeth Doineau, Jocelyne Guidez, MM. Olivier Henno, Laurent Lafon, Hervé Marseille, Jean-Pierre Moga, Mmes Évelyne Perrot, Denise Saint-Pé, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mmes Dominique Vérien, Sylvie Vermeillet, Michèle Vullien
Abstentions : 5 - MM. Philippe Bonnecarrère, Claude Kern, Michel Laugier, Mme Valérie Létard, M. Jean-Claude Luche
N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Nassimah Dindar, Nathalie Goulet, MM. Jacques Le Nay, Jean-François Longeot, Gérard Poadja
Groupe LaREM (24)
Pour : 5 - MM. Michel Amiel, Arnaud de Belenet, Martin Lévrier, Mme Noëlle Rauscent, M. Alain Richard
Contre : 18
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, président de séance
Groupe du RDSE (23)
Pour : 1 - M. Guillaume Arnell
Contre : 20
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve
Groupe CRCE (16)
Pour : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Contre : 15
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 4 - MM. Jérôme Bignon, Alain Fouché, Joël Guerriau, Franck Menonville
Contre : 3 - M. Daniel Chasseing, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Abstentions : 6
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 5
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean Louis Masson
Scrutin n°67 sur l'amendement n° 41 rectifié ter, présenté par M. Guillaume Chevrollier et plusieurs de ses collègues, au sein de l'article premier du projet de loi relatif à la bioéthique
Résultat du scrutin
Nombre de votants :287
Suffrages exprimés :258
Pour :102
Contre :156
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 92
Contre : 19 - Mmes Martine Berthet, Céline Boulay-Espéronnier, MM. Yves Bouloux, Max Brisson, Philippe Dallier, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Deroche, Catherine Dumas, MM. Jacques Genest, Jean-François Husson, Mme Corinne Imbert, M. Alain Joyandet, Mme Brigitte Lherbier, MM. Michel Magras, Alain Milon, Mmes Sophie Primas, Catherine Procaccia, Frédérique Puissat, M. Michel Savin
Abstentions : 19 - M. François Bonhomme, Mmes Pascale Bories, Agnès Canayer, M. Édouard Courtial, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, MM. Jean-Paul Émorine, Benoît Huré, Roger Karoutchi, Mme Florence Lassarade, M. Antoine Lefèvre, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Philippe Nachbar, Philippe Paul, Cédric Perrin, Christophe Priou, Michel Raison, Mme Marie-Pierre Richer, M. Jean-Pierre Vial
N'ont pas pris part au vote : 14 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Christian Cambon, Mme Marta de Cidrac, M. Robert del Picchia, Mme Annie Delmont-Koropoulis, MM. Laurent Duplomb, Michel Forissier, Mme Colette Giudicelli, M. Alain Houpert, Mmes Christine Lanfranchi Dorgal, Marie Mercier, MM. Claude Nougein, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Renaud-Garabedian
Groupe SOCR (71)
Contre : 66
Abstentions : 5 - MM. Maurice Antiste, Jean-Michel Houllegatte, Mme Gisèle Jourda, M. Franck Montaugé, Mme Angèle Préville
Groupe UC (51)
Pour : 5 - Mme Annick Billon, MM. Michel Canevet, Loïc Hervé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Nadia Sollogoub
Contre : 8
N'ont pas pris part au vote : 38 - MM. Jean-Marie Bockel, Philippe Bonnecarrère, Vincent Capo-Canellas, Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Mme Nassimah Dindar, M. Daniel Dubois, Mmes Françoise Férat, Catherine Fournier, Françoise Gatel, Nathalie Goulet, Jocelyne Guidez, M. Jean-Marie Janssens, Mme Sophie Joissains, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Nuihau Laurey, Jacques Le Nay, Mme Valérie Létard, MM. Jean-François Longeot, Pierre Louault, Jean-Claude Luche, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Pierre Médevielle, Jean-Marie Mizzon, Jean-Pierre Moga, Mmes Catherine Morin-Desailly, Évelyne Perrot, MM. Gérard Poadja, Jean-Paul Prince, Mmes Sonia de la Provôté, Denise Saint-Pé, Lana Tetuanui, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Sylvie Vermeillet
Groupe LaREM (24)
Contre : 23
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, président de séance
Groupe du RDSE (23)
Contre : 21
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 5 - MM. Jérôme Bignon, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu
Contre : 3 - M. Daniel Chasseing, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Abstentions : 5 - MM. Emmanuel Capus, Jean-Pierre Decool, Claude Malhuret, Alain Marc, Franck Menonville
Sénateurs non inscrits (6)
N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier