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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Créer un droit à l'erreur des collectivités locales

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi

Mme Sylvie Vermeillet, auteur de la proposition de loi

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

M. Dany Wattebled

M. André Reichardt

M. Jérôme Durain

Mme Josiane Costes

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre-Yves Collombat

M. Loïc Hervé

Mme Pascale Gruny

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

ARTICLE ADDITIONNEL

Déclaration de naissance au lieu de résidence des parents

Discussion générale

M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

M. Loïc Hervé

M. Jérôme Durain

M. Raymond Vall

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jérôme Bignon

M. François Calvet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 2

ARTICLE 3

M. Michel Canevet

ARTICLE ADDITIONNEL

Interventions sur l'ensemble

Mme Lana Tetuanui

M. Hervé Marseille

M. Michel Canevet

M. Raymond Vall

M. François Calvet

Annexes

Ordre du jour du mardi 21 janvier 2020




SÉANCE

du jeudi 16 janvier 2020

48e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Philippe Dallier, vice- président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Créer un droit à l'erreur des collectivités locales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à créer un droit à l'erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Sylvie Vermeillet et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois, applaudit également.) La loi du 12 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite Essoc, a consacré un droit à l'erreur pour les particuliers et les entreprises dans leurs relations avec l'administration. Nous nous en réjouissons.

Un amendement de Sylvie Vermeillet avait étendu ce droit aux collectivités territoriales et à leurs groupements, contre l'avis du Gouvernement, mais cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale au motif qu'elle « diluerait » le droit à l'erreur. C'est l'une des causes de l'échec de la CMP.

Attaché à la reconnaissance de ce droit, je l'ai repris, avec Sylvie Vermeillet, au bénéfice des communes et de leurs groupements dans une proposition de loi déposée le 1er février 2019 et cosignée par 85 sénateurs. Nous avons également tenté d'introduire ce droit dans la loi Engagement et proximité, en vain : le ministre m'avait alors laissé entendre qu'une meilleure rédaction serait introduite à l'Assemblée nationale ; hélas, il n'en fut rien.

Je suis très heureux que cette proposition de loi soit discutée aujourd'hui au Sénat. J'en remercie le groupe de l'Union centriste, ainsi que le rapporteur Philippe Bonnecarrère pour avoir amélioré la rédaction, avec sa rigueur et son intelligence habituelles...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très juste !

M. Hervé Maurey.  - Je remercie également la commission des lois, qui a adopté la proposition de loi à l'unanimité.

Comme les particuliers et les entreprises, les collectivités territoriales peuvent être usagères des administrations : elles versent des cotisations sociales pour leurs employés, reversent le prélèvement à la source, sont assujetties à la TVA pour leurs activités dans les secteurs des transports, des déchets et de l'eau.

Le risque, pour une collectivité, de commettre des erreurs s'est accru avec la multiplication des normes et la complexification des procédures. C'est particulièrement vrai pour les petites communes, privées d'un service juridique aguerri ; et une secrétaire de mairie à temps partiel, quelle que soit son implication, généralement exemplaire, ne peut pas connaître l'ensemble des subtilités administratives.

En outre, du fait des réorganisations successives des services de l'État et des réductions d'effectifs afférentes, les communes ne bénéficient pas du même appui juridique qu'auparavant. Or les erreurs commises peuvent leur être préjudiciables, financièrement comme en raison de l'engagement de la responsabilité des élus locaux. Cela constitue une source d'angoisse, comme l'ont montré les récents travaux du Sénat sur l'exercice de leurs mandats.

Le rescrit administratif créé par la loi du 27 décembre 2019 ne sera pas suffisant, car il est peu contraignant pour le préfet. Il faut donc offrir aux communes une seconde chance en cas d'erreur commise de bonne foi. Ce texte confirme la volonté de notre Haute Assemblée de répondre aux attentes de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants)

Mme Sylvie Vermeillet, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants) Il est probable que cette proposition de loi, fruit d'un travail collectif récurrent, touche chaque sénateur au coeur. Je remercie nos collègues qui, sans faille, soutiennent les élus locaux et les collectivités territoriales. Je remercie également Hervé Maurey d'avoir transformé mon amendement initial en proposition de loi.

M. Loïc Hervé.  - Très bonne idée en effet !

Mme Sylvie Vermeillet.  - Merci aussi au groupe UC d'avoir permis l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour, à la commission des lois et à son rapporteur, Philippe Bonnecarrère, d'avoir ciselé notre texte et précisé le champ d'application du droit à l'erreur.

Nul doute que les collectivités territoriales méritent le même droit à l'erreur que l'ensemble des bénéficiaires de la loi Essoc et qu'elles en ont besoin.

Pourquoi la fonction publique territoriale et ses deux millions d'agents n'auraient-ils pas les mêmes droits que les entreprises dans leurs relations avec l'Urssaf, d'autant qu'ils sont soumis aux mêmes contrôles, en vertu de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ?

Dans le Nord, la commune de Beuzeville a dû payer 202 270 euros pour avoir appliqué par erreur une exemption de cotisations à l'ensemble du personnel d'aide à domicile.

La commune de Wormhout a été redressée pour 10 257 euros de cadeaux de l'amicale du personnel à ses agents partant en retraite. En 2018, en Bretagne, sur 71 collectivités territoriales contrôlées, il y eut 99 653 euros de redressement, dont 80 % concernaient les Urssaf. La France compte 36 347 collectivités : partout, des erreurs sont commises.

La TVA cause bien des tracas. Comment s'y retrouver dans toutes ses modalités - exonérations diverses, livraisons à soi-même, relations entre collectivités ? Pourquoi n'y aurait-il pas de droit à l'erreur ? Le tribunal d'Amiens a reconnu la bonne foi d'une commune qui n'avait pas versé de TVA pour la vente d'un terrain à un organisme HLM, réclamée par la DGFiP ! La loi Essoc prône de faire confiance et de faire simple.

La loi Engagement et proximité a étendu le rescrit administratif aux collectivités territoriales et vous avez créé le site simplifions@modernisation.gouv.fr. Inscrivons les collectivités dans le partenariat et la simplification, ainsi que dans la contribution aux solutions, car elles peuvent abondamment témoigner de la complexité de l'application de normes excessives.

Mieux vaut une coopération qu'une confrontation ! C'est l'ensemble du pays qui revendique nos synergies, et les collectivités territoriales peuvent utilement contribuer à corriger certains dispositifs. À quelques mois des élections municipales, envoyez le message que le droit à l'erreur est le droit au meilleur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Excellent !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois .  - Je ne suis pas certain de pouvoir immédiatement illustrer le droit au meilleur revendiqué par notre collègue... Ni plus ni moins et pas d'impunité : tel est l'esprit de cette proposition de loi qui rend les collectivités territoriales usagères de l'administration éligibles au droit à l'erreur, au même titre que les particuliers et les entreprises. Ce n'est ni une dérogation, ni une impunité, ni une faveur, mais le régime du droit commun !

Le droit à l'erreur, mesure emblématique de la loi Essoc de 2018, désormais inscrit dans le code des relations entre le public et l'administration (CRPA), est un droit à la régularisation des erreurs, hors mauvaise foi ou fraude. Lors du débat au Sénat sur la loi Essoc, un amendement de Sylvie Vermeillet l'étendant aux collectivités territoriales avait été adopté. Sa suppression par l'Assemblée nationale a été à l'origine de l'échec de la CMP.

La commission des lois a adopté à l'unanimité, la semaine dernière, cette proposition de loi.

L'intérêt principal de notre débat, serait, monsieur le ministre, de vous convaincre ; si nous y parvenons, nul doute que vous saurez ensuite convaincre l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement veut se réconcilier avec les collectivités territoriales (M. Pierre-Yves Collombat rit ostensiblement.), trouver la voie de la confiance réciproque et supprimer les irritants. Eh bien, voici un irritant que vous pouvez supprimer sans coûter un sou au budget de l'État !

Monsieur le ministre, nous avons confiance dans votre sens politique (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, le confirme.) et dans vos compétences techniques. (M. Loïc Hervé renchérit.) En commission des lois, nous avons examiné vos réserves et vos critiques pour les intégrer à la proposition de loi. En 2018, vous souteniez que la loi Essoc visant à renforcer la confiance du public dans l'administration, il ne fallait pas « diluer cet objectif central » par l'extension du droit à l'erreur.

Très bien, nous avons donc retiré toute référence au CRPA et proposons un droit à l'erreur autonome au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Nous avons interrogé les grandes associations d'élus. L'Assemblée des départements de France (ADF) nous a répondu que certains départements manquaient d'expertise juridique et souhaité que le droit à l'erreur concerne l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements. Nous avons modifié la rédaction initiale en conséquence.

Monsieur le ministre, nous avons tenté, non pas de nous immiscer prétentieusement dans votre cerveau (Sourires) mais d'anticiper vos objections techniques : il n'y a aura ni impunité ni irresponsabilité pour les collectivités territoriales. Nous avons scrupuleusement repris les exclusions prévues par le CRPA. Ce qui était bon en 2018 pourrait le rester en 2020.

Quelles situations seraient concrètement concernées par ce droit à l'erreur, vous interrogiez-vous ? Les collectivités territoriales peuvent commettre des erreurs, comme tout le monde. Elles sont de plus en plus soumises aux mêmes règles que les acteurs du droit commun. Elles paient ainsi la TVA, l'impôt sur les sociétés comme les cotisations sociales et sont soumises aux régulations multiples des fameuses autorités administratives indépendantes.

Quelle meilleure preuve de cette convergence que l'ouverture du rescrit administratif aux collectivités territoriales ? Pourquoi approuver ainsi le droit commun en décembre 2019 et le refuser en janvier 2020 ?

Il est exact que le CRPA ne s'applique pas aux droits spéciaux, notamment en matières fiscale et sociale. Dans ces domaines, les collectivités territoriales sont donc traitées comme les autres usagers. Pour respecter ce principe de subsidiarité ou de supplétivité, cher au Président de la République comme au Président du Sénat, la proposition de loi ne fait pas obstacle aux droits à l'erreur spéciaux.

L'écriture de cette proposition de loi est donc faite pour vous, monsieur le ministre. La mesure qu'elle propose ne coûte rien. Elle est fondée sur un principe de bon aloi, supprime des irritants et respecte l'ordre juridique. Nous espérons ainsi vous convaincre...

Monsieur le ministre, la solitude du pouvoir pouvant peser, acceptez donc les satisfactions qui vous sont proposées ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Après les interventions des orateurs précédents, notamment la dernière minute du discours de M. Bonnecarrère, je mesure que ma tâche ne sera pas aisée...(Sourires)

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la loi Essoc, que j'ai défendue devant vous. Elle a consacré le droit à l'erreur en l'inscrivant aux articles L. 123-1 et 123-2 du CRPA. Mme Vermeillet avait souhaité l'étendre aux collectivités territoriales. Nous y étions opposés et le sommes toujours, en raison de son caractère superfétatoire et des problèmes d'articulation qu'il entraîne.

Il nous paraît, en effet, difficile d'identifier les situations concernées par ce droit à l'erreur des collectivités. Il n'existe pas de vide juridique faisant naître un risque pour celles qui commettent une erreur de bonne foi. Dans le cadre du contrôle de légalité des actes, les préfectures assurent un conseil et un appui juridique gracieux auprès des collectivités territoriales qui en font la demande.

En matière fiscale, l'article L. 62 du livre des procédures fiscales et le décret du 11 octobre 2019 prévoient déjà un droit à l'erreur en cas de bonne foi. Quant aux situations évoquées par Mme Vermeillet s'agissant des Urssaf, elles trouvent leur issue dans l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

Je salue le travail du rapporteur et le remercie pour ses citations...(Sourires) Mais les restrictions apportées au texte par la commission des lois - l'intégration du dispositif dans le CGCT et la suppression des droits spéciaux du champ d'application notamment - ne suffisent pas à nous convaincre. Cette proposition de loi apparaît - pardonnez-moi d'employer à nouveau ce terme - superfétatoire.

La vie comme la politique sont parfois faites de symboles, mais le Gouvernement ne souhaite pas céder à la surenchère législative qui nuirait à la lisibilité du droit pour les collectivités territoriales comme pour nos concitoyens.

Cette proposition de loi s'articule difficilement avec le droit à l'erreur tel que défini par la loi Essoc. Ainsi, elle ne reprend pas le caractère isolé de l'erreur et la méconnaissance de la règle comme fondement de son application. Dès lors, le droit à l'erreur pourrait s'appliquer à des erreurs matérielles répétitives commises par les collectivités territoriales. Le texte proposé est donc plus permissif que le droit applicable aux particuliers et aux entreprises.

Le Gouvernement maintient en conséquence son avis défavorable.

Permettez-moi de vous citer à mon tour, monsieur le rapporteur : Portalis exigeait que la loi ne soit pas trop bavarde. Le Gouvernement y reste attaché -  pour une fois, ajouterait peut-être M. le président de la commission des lois...(Sourires)

M. Dany Wattebled .  - Le risque d'erreur pour les collectivités territoriales, de même que pour certains acteurs économiques, s'est accru ces dernières années, avec la complexité du droit de la fonction publique ou de la commande publique.

Les collectivités territoriales sont de plus en plus soumises au droit commun. Elles paient la TVA, les cotisations sociales, et participent au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Il serait légitime de leur ouvrir le droit à l'erreur consacré par la loi Essoc, au même titre que les autres administrés.

La commission des lois a conforté le dispositif proposé par la proposition de loi. Elle a créé un droit à l'erreur autonome pour l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Elle a prévu que le droit spécial ne s'applique que s'il assure une protection équivalente à celle du droit à l'erreur. L'absence de sanction resterait subordonnée à l'absence de fraude ou de manquement délibéré.

Le groupe Les Indépendants soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC et sur le banc de la commission)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. André Reichardt .  - En tant que cosignataire de la proposition de loi, je me félicite de son examen, après deux tentatives malheureuses. Ses détracteurs ne pourront arguer, comme lors de l'examen de la loi Essoc, que l'extension du droit à l'erreur assimilerait les collectivités territoriales à des usagers de l'administration de l'État.

Il s'agit d'un texte autonome à l'objet clair. L'article 62 reconnaît d'ores et déjà aux collectivités territoriales le statut d'usager en matière fiscale, comme le fait le décret du 11 octobre 2019 en matière de recouvrement des cotisations sociales.

Nos collectivités territoriales ne cessent de se voir attribuer de nouvelles charges sans compensation et les règlements sont de moins en moins aisés à appliquer.

Il faut redonner confiance à nos élus. C'était l'objet du nouveau rescrit administratif. Si vous voulez que la confiance soit vraiment restaurée, monsieur le ministre, il faut consacrer le droit à l'erreur. Le symbole est important, monsieur le ministre !

Nos collectivités territoriales sont contraintes par le désengagement de l'État et la suppression de l'appui juridique dont elles jouissaient par le passé.

Cette proposition de loi a été confortée par les précisions du rapporteur. J'espère que le Gouvernement entendra cette fois le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et UC)

M. Jérôme Durain .  - Nous commençons à être familiers du droit à l'erreur. C'est plus précisément un droit à la régularisation. Ce n'est ni un droit à la faveur à la négligence ou à l'incompétence.

Fin 2017, Thierry Mandon soulignait que ce droit à l'erreur a été monopolisé par Bercy. Cela a eu des avantages, avec des progrès en matière fiscale, mais aussi des inconvénients : une vision trop centrée sur les finances.

L'extension du droit à l'erreur aux collectivités territoriales repose sur les mêmes objectifs que la création du droit à l'erreur pour les usagers. Il s'agit de donner la priorité à l'accompagnement plutôt qu'à la sanction.

Le Gouvernement ne voulait pas rendre confus le message principal de la loi Essoc. Certes cette proposition de loi est spécifique. Le Gouvernement ne voyait pas quelles situations étaient concernées. Mme Vermeillet les a détaillées. Le Gouvernement estime que le contrôle de légalité et le rescrit règle toutes les situations. Je doute de l'efficacité du contrôle de légalité sur le terrain et le rescrit ne couvre pas tout le champ du droit à l'erreur.

Les grandes collectivités territoriales ont aussi besoin du droit à l'erreur. A-t-on limité le droit à l'erreur des particuliers sur des critères de ressources ou d'éducation ou refusé ce droit aux grandes entreprises ?

Le groupe socialiste soutient cette proposition de loi comme il avait voté l'amendement de Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et UC)

Mme Josiane Costes .  - Depuis 1982, les actes de décentralisation se succèdent : autonomie financière, nouvelles compétences, contractualisation. Ces actes semblent procéder d'une confiance pérenne dans les collectivités territoriales. Mais les actes doivent correspondre aux paroles.

Les collectivités territoriales peinent à assurer sereinement les tâches qui leur sont confiées. Or celles-ci s'alourdissent par un droit toujours plus complexe, tandis que pullulent les textes dits « de simplification ». Le Sénat avait quasi unanimement voté l'extension du droit à l'erreur aux collectivités territoriales et à leurs groupements dans la loi Essoc. Nous l'avons défendu également lors de l'examen de la loi Engagement et proximité.

Il devient de plus en plus difficile pour les collectivités territoriales d'agir sans commettre d'erreurs. Dans le Cantal, nombre de petites communes sont incapables de faire face aux évolutions du droit. Comment voulez-vous qu'un secrétaire de mairie, présent une fois par semaine et le plus souvent dépourvu d'une formation juridique appropriée, ne commette jamais la moindre erreur ? Or les conséquences sont parfois lourdes pour ces communes. Souvent des collectivités territoriales perdent le bénéfice de subventions dont elles ont grand besoin en raison d'erreurs minimes. Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi, parce qu'elle remédie à cet état de fait.

Oui, reconnaître le droit à l'erreur serait bienvenu. On pourrait limiter le champ d'application du droit à l'erreur aux plus petites collectivités territoriales quand le droit à la différenciation sera effectif. Monsieur le ministre, entendez-nous, cette fois-ci ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

M. Arnaud de Belenet .  - Merci au groupe UC de nous permettre d'examiner l'existence d'un droit à l'erreur pour les collectivités territoriales et de discuter de la pertinence d'un acte symbolique d'inscription dans la loi.

La « bonne foi » fait partie de ces mots-caoutchouc qui suscitent bien des débats. Le droit à l'erreur dispose que la preuve d'absence de bonne foi doit être rapportée par l'administration, au même titre que les manoeuvres frauduleuses.

Le droit à l'erreur n'est pas une maigre avancée. Elle participe de la « subjectivisation » du droit administratif. Le bon sens semble exiger l'extension de ce droit à la régularisation à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements, fussent-ils coupables de légèreté. Certes, le rapporteur a veillé à sécuriser juridiquement le texte. Certains d'entre nous restent toutefois sceptiques sur sa portée réelle et pratique.

En effet, les collectivités territoriales peuvent désormais saisir en amont le préfet pour obtenir une prise de position formelle. Ce conseil de légalité préventif leur est accessible. Elles peuvent aussi se prévaloir du droit à l'erreur général applicable en matière sociale et fiscale. Dans la pratique, les collectivités territoriales bénéficient donc, comme l'a souligné le ministre, d'un droit à l'erreur. Son officialisation ne clarifie pourtant pas la multiplication des normes qui désarme les collectivités dépourvues de compétences juridiques suffisantes. C'est une mesure palliative à l'inflation normative. Nous devons avant tout nous attaquer à des normes toujours plus nombreuses.

Le groupe LaREM ne s'oppose pas, toutefois, à ce que le Sénat pose un acte symbolique. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Le Gouvernement va vous suivre. (Sourires)

M. Arnaud de Belenet.  - Il comprend néanmoins que le Gouvernement soit garant de la simplicité du droit.

M. Loïc Hervé. - C'est le « en même temps » ! (Sourires)

M. Arnaud de Belenet.  - Comme le rapporteur, je constate l'absence de bouleversement impliqué par cette proposition de loi, même si demeurent des interrogations sur ses effets de bord, notamment sur la charge de la preuve en cas de fraude, qui seront sans doute évoquées dans la suite de notre débat puis à l'Assemblée nationale...

MM. Philippe Bas, président de la commission et Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat .  - Cette proposition réintroduit dans la loi un amendement à la loi Essoc, loi à laquelle mon groupe s'était opposé, car il s'agit largement d'un texte d'affichage sans un sou supplémentaire. L'administration se voit ainsi confier officiellement une nouvelle mission : donner « confiance » aux citoyens en pratiquant la câlinothérapie. (Sourires)

Oui, désormais, l'administration n'administre plus, elle donne des conseils, elle rend service et donc donne « confiance »...en elle-même et accessoirement, dans le Gouvernement !

Au milieu d'un bric-à-brac de dispositions hétéroclites, la mesure phare était le « droit à l'erreur » pour les personnes de bonne foi ayant reconnu ladite erreur et régularisé leur situation, à leur initiative ou à celle de l'administration... Un droit qui « ne mange pas de pain », donc, comme l'on dit en Provence, mais que le Gouvernement a refusé d'étendre aux collectivités territoriales. Il est vrai qu'il les porte nettement moins dans son coeur que les entreprises, comme le ministre, jamais en reste d'arguties juridiques, vient de nous en administrer une nouvelle preuve.

Ce texte largement publicitaire se borne à entériner des pratiques existantes, ce qui aurait pu être avantageusement fait par circulaire... Comme cela ne fait néanmoins pas de mal, le groupe CRCE s'abstiendra.

MM. Philippe Bas, président de la commission et Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Soit.

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte, porté par l'Union centriste, répond aux préoccupations d'un nombre croissant de collectivités territoriales, en particulier des plus petites d'entre elles, mais pas seulement.

Car toutes sont soumises aux mêmes règles, qu'il s'agisse de procédures fiscales ou de marchés publics, et sont devenues des usagers à part entière de l'administration. Saluons l'initiative de Sylvie Vermeillet, à l'origine de ce texte car l'amendement que nous avions adopté à la loi Essoc, a hélas été abandonné dans la navette, comme l'a rappelé Hervé Maurey.

Le Gouvernement aurait refusé cette mesure, avançant évasivement un problème de praticabilité, qui ne résiste pas à un examen rigoureux des faits.

La position d'administration des collectivités territoriales n'est pas exclusive de celle d'usager. Le Gouvernement avait également craint que l'application du droit à l'erreur aux collectivités territoriales diluerait son principe. Pourquoi ? Comme les entreprises, les collectivités territoriales sont redevables de l'impôt sur les sociétés, assujetties à la TVA, participent au prélèvement à la source et ont donc affaire à la DGFiP et à l'Urssaf.

La suppression par la commission des lois de la référence au CRCA par la création d'un droit à l'erreur autonome dissipe toute équivoque. Je tiens à féliciter Philippe Bonnecarrère pour l'exercice de sa sagacité coutumière...

M. Philippe Bas, président de la commisison des lois.  - Oui.

M. Loïc Hervé.  - L'ouverture de ce nouveau droit à toutes les catégories de collectivités est opportune et conforme à ce qu'avait déjà adopté la Haute Assemblée lors de l'examen du projet de loi Essoc.

Ce texte a été pensé pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs missions et dans les procédures qu'elles rencontrent au quotidien. Pour que cette ambition se concrétise, je vous invite à adopter sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'article 2 de la loi Essoc consacre un nouveau droit improprement appelé droit à l'erreur.

Lorsque le Sénat l'examinait, j'avais en charge ce sujet, en tant que rapporteur. J'avais trouvé la proposition de Sylvie Vermeillet fort opportune et le Sénat l'avait votée : comme tous les usagers, les collectivités territoriales ont en effet bien besoin du regard bienveillant de l'État et des organismes de sécurité sociale dans des procédures engagées dans des conditions parfois difficiles. L'Assemblée nationale l'avait refusé et en CMP, nous nous étions heurtés à une opposition farouche au motif que le texte concernait uniquement la simplification des démarches des usagers auprès de l'administration.

Au moins, avec cette proposition de loi, le périmètre du texte ne pourra plus nous être opposé.

Le Gouvernement ne perçoit pas quelles situations concrètes justifieraient une extension du droit. Cet argument reflète une méconnaissance de la vie réelle des collectivités territoriales ! Les services des préfectures n'ont plus les moyens de fournir un appui juridique ni d'assurer une mission de conseil.

Je voterai avec conviction cette mesure de bon sens, précisée opportunément par la commission des lois.

Monsieur le ministre, venez voir nos petites communes et vous comprendrez pourquoi cette proposition de loi est vraiment indispensable. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État .  - La qualité des arguments et la sympathique personnalité de ceux qui les présentent ne suffisent malheureusement pas à me convaincre. Comme M. de Belenet l'a souligné, le Gouvernement a la responsabilité de la régulation et de la lisibilité du droit.

Jamais le Gouvernement n'a considéré que les travaux du président Maurey, utilement complétés par la commission des lois, créeraient un droit à l'impunité.

Enfin, ma conviction personnelle est que, si nous devions un jour parvenir à une position commune pour une amélioration du droit existant, celle-ci devrait s'appliquer à toutes les collectivités : une distinction selon la taille ne me semble pas pertinente.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Maurey et Mme Vermeillet.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La preuve du caractère délibéré du manquement ou de la fraude incombe à l'autorité qui prononce la sanction.

M. Hervé Maurey.  - Je ne comprends pas la position du Gouvernement. Il y a un décalage entre ses - nouvelles - déclarations d'amour aux maires, qualifiés désormais de « piliers de la République », et son refus obstiné, dogmatique, de mesures simples.

Cet amendement explicite qu'il revient à l'administration de faire la preuve de la mauvaise foi ou de la manoeuvre frauduleuse qu'elle allègue, par parallélisme avec le dispositif de « droit à l'erreur » prévu en faveur des particuliers et des entreprises.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - J'espère que notre préoccupation pourra trouver une réponse dans le projet de loi 3D. Cet amendement me semble satisfait : la précision selon laquelle la mauvaise fois doit être prouvée par l'administration est établie. Néanmoins, elle ne nuit pas au texte. Sagesse.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Le droit que vous introduisez ici est plus permissif que dans la loi Essoc : il n'est pas fait mention de la notion d'erreur « isolée ». Plutôt que le symbole, je choisis la lisibilité du droit.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Maurey et Mme Vermeillet.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Droit à régularisation en cas d'erreur dans le cadre d'une demande de subvention

« Art. L. 2334-....  -  Une collectivité ayant commis une erreur matérielle lors de la formalisation d'une demande de subvention prévue au présent chapitre ou ayant oublié d'y joindre une ou plusieurs pièces exigées ne peut se voir refuser l'octroi de la subvention sollicitée au seul motif de cette erreur ou de cet oubli. La collectivité demandeuse doit pouvoir être mise en mesure, dans un délai raisonnable, de corriger toute erreur matérielle ou de compléter sa demande avant la décision d'octroi ou de refus de la subvention. »

M. Hervé Maurey.  - Comme Mme Costes l'a indiqué, dans certains cas, une collectivité peut se voir refuser une subvention de l'État parce que son dossier n'est pas complet. Parfois, l'administration réclame les compléments, mais c'est aussi, parfois, le moyen de faire un premier tri... Cet amendement y remédie. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Nous avons supprimé la notion de « première fois » non pour être plus permissif mais parce qu'elle était imprécise : une erreur commise par une commune nouvelle est-elle considérée comme une première, ou doit-on consulter l'historique des communes antérieures ?

Monsieur Maurey, dans certains cas l'administration a l'obligation de demander les pièces manquantes : un délai de trois mois s'applique.

L'avis sera défavorable mais la question est pertinente : comment l'État peut-il faciliter la vie des collectivités ? Une circulaire, une invite, lors d'une réunion de préfets, à examiner les requêtes avec bienveillance est-elle envisageable ? Selon les territoires, les services préfectoraux admettent les régularisations ou non.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Même avis. Cet amendement dépeint une situation assez éloignée de la réalité. Nous n'incitons pas nos services à profiter de la moindre erreur des collectivités pour refuser une subvention ! (On le conteste sur les travées du groupe UC.)

S'il était adopté, cet amendement ne créerait aucun droit à une subvention pour les dossiers régularisés, l'octroi de cette dernière relevant de la décision de l'administration.

L'article R 2334-23 du code général des collectivités territoriales est d'ores et déjà protecteur : si l'administration n'a pas signalé l'incomplétude du dossier sous trois mois, il est réputé complet. Il consacre également une forme de droit à l'erreur.

La présentation de cet amendement fait état d'une complexité croissante des dossiers à constituer, d'une non-assistance de l'administration alors que nous facilitons de plus en plus le déroulement des procédures. Les règles ont été rassemblées dans une circulaire unique en 2019. Il faut veiller à l'homogénéisation des règles d'élaboration des dossiers et d'attribution des subventions. En outre, des solutions dématérialisées existent pour simplifier les démarches.

Avis défavorable à cet amendement satisfait.

Mme Sylvie Vermeillet.  - L'article 4 de la loi Essoc dispose que l'absence d'une pièce à fournir par un usager ne peut conduire l'administration à suspendre l'instruction de son dossier.

Il s'agit d'accorder ni plus ni moins le même droit aux collectivités. Vous qualifiez ce texte de superfétatoire. Il est pourtant essentiel : le signal serait fort ; hélas, vous allez en sens contraire.

Les petites communes ont droit à l'erreur, ce droit que vous accordez aux entreprises du CAC 40 ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je voterai cet amendement. Si on cherchait une preuve que l'État ne veut rien savoir de ce que vivent les collectivités territoriales, nous l'aurions ici : il est bien évident qu'il y a des problèmes ici ou là.

M. le ministre nous oppose la loi...que l'administration ne respecte pas. Si on veut régler ces problèmes, c'est en faisant le siège du Gouvernement, afin qu'il admette qu'il y a de mauvaises relations entre une partie de la haute administration et les collectivités territoriales.

Nous pouvons voter ce texte... De toute façon, il ne sera pas respecté !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Il n'y a pas identité de nature entre l'instruction d'un dossier pour obtenir une prestation de droit et l'examen d'une demande de subvention.

L'amendement n°2 est adopté et devient un article additionnel.

Mme Dominique Vérien.  - Dire que ce texte est superfétatoire, c'est réduire les collectivités territoriales à des filiales de l'État ou à des sous-traitants. Elles ont droit au même droit à l'erreur que les autres usagers. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Déclaration de naissance au lieu de résidence des parents

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l'officier d'état civil du lieu de résidence des parents, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi .  - En 2019, 800 000 enfants sont nés en France. Mais la presque totalité de ces naissances a été enregistrée dans 500 communes. C'est que les fermetures d'hôpitaux s'accélèrent. Certains parents font le choix de l'accouchement à domicile, mais cela reste marginal. Dans les villes dépourvues de structures, il n'y a quasiment plus de naissances. À Meudon, 45 000 habitants, l'une des plus belles villes d'Île-de-France (Sourires), les naissances ont lieu dans les communes voisines, Clamart, Sèvres ou même Paris XIVe. Il ne faudrait pas qu'un bon nombre de communes soient réduites à n'enregistrer que les décès...

Des élus, au Sénat, comme M. Badinter, et à l'Assemblée nationale ont milité pour y remédier, par des questions à l'exécutif, par des amendements - tout récemment encore dans le projet de loi Engagement et proximité. M. Jean-Marc Pastor avait présenté une proposition de loi en 2003 tendant à une double déclaration des naissances.

Le texte que je propose, cosigné par 83 collègues de tous groupes politiques, instaure une faculté : celle d'inscrire son enfant dans le lieu de résidence des parents. C'était important, dans une période difficile pour nos communes. Celles-ci tirent toujours fierté de la naissance en leur sein de tel ou tel artiste, écrivain, scientifique ou acteur.

Nous souhaitons revoir l'article 55 du code civil selon lequel la déclaration de l'accouchement se fait dans les cinq jours. L'article premier de cette proposition de loi a été retravaillé en commission et je remercie la rapporteure Agnès Canayer.

Les échanges ont été constructifs. Le texte en ressort amélioré, en particulier l'article premier. L'officier d'état civil de la commune de naissance, qui fait l'inscription sur le registre, envoie une copie à son homologue de la commune de résidence des parents, qui la transcrit.

Ce texte est une évolution, pas une révolution. Le Gouvernement devrait y être sensible.

Monsieur le ministre, même si le sujet est du ressort de la garde des Sceaux, vous avez répondu en juin dernier à nos collègues députés et je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. J'espère un large assentiment au Sénat, et un apport de la navette à la qualité du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi répond à une demande répétée des maires qui souhaitent faire vivre l'état civil de leur commune alors qu'aucune naissance n'y est déclarée. Dans seulement 7,8 % des communes, l'officier d'état civil inscrit des naissances au registre - environ 2 800 communes en 2016 - et 99,6 % des naissances sont concentrées sur 500 communes, les 33 000 restantes étant dépeuplées.

La commission des lois a adopté deux amendements pour clarifier la procédure en cas de domicile distinct des parents et pour éviter des confusions. Elle a aussi adopté l'amendement de M. Canevet visant à ajouter le tilde dans la liste des signes diacritiques dans les prénoms autorisés par l'état civil.

L'Association des maires de France avait attiré notre attention sur la nécessité de ne pas compliquer la gestion des maires des petites communes. Nous y avons veillé. Le raccordement des communes au dispositif de communication électronique des données de l'état civil (Comedec) a été ajouté. Le risque de double enregistrement a été éliminé.

Nos débats ont montré que la clarification était essentielle. Le lieu de naissance est constitutif de l'identité juridique des personnes et ce texte ne veut pas changer cet état de fait. Une solution alternative a été trouvée en commission des lois, fruit d'échanges avec la Chancellerie. On expérimenterait pendant trois ans les registres d'actes dits miroirs. Les difficultés de fiabilité des registres seraient traitées par un décret en Conseil d'État. L'officier d'état civil du lieu de naissance enverrait une copie de l'acte intégral à celui de la commune de résidence des parents, et aux deux communes si le domicile de chaque parent est distinct.

Le symbole des registres de naissance vides disparaîtrait ainsi et cela redonnerait de la dynamique aux communes.

L'arrêté fixant la liste des communes participant à l'expérimentation tiendrait compte de leur volonté d'y participer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La garde des Sceaux me prie de vous adresser ses excuses.

L'objectif de revitalisation des communes est évidemment louable. La vitalité des communes se mesure par leur nombre d'habitants, leurs infrastructures, leur taux d'activité... La tenue de registres de l'état civil est aussi un critère. Les naissances valorisent les territoires.

Cette proposition de loi, née d'un échange entre le Président de la République et le maire de Bar-le-Duc lors du grand débat national, vise à prévoir une déclaration de naissance également auprès de l'officier d'état civil du lieu de domicile des parents.

Les conséquences pratiques de ce texte seraient importantes pour les communes, car les agents devront inscrire sur les actes de naissance toutes les étapes de l'état civil : mariage, PACS, changement de nom, changement de sexe, etc. Elles devront former leur personnel à cette nouvelle tâche définie par le texte.

Le risque de fraude documentaire serait renforcé par les dispositions que vous souhaitez introduire. Les titres d'identité sont établis sur la base des actes de naissance... Cependant, le Gouvernement est prêt à faire évoluer le droit existant. Vous proposez une expérimentation de trois ans, conforme aux termes de l'article 37-1 de la Constitution. Le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement qui prévoit d'appliquer aux actes de naissance les dispositions de l'article 80 du code civil, déjà applicable aux actes de décès : au vu du certificat d'accouchement, l'officier d'état civil de la commune de naissance établira l'acte, et le transmettra à la commune ou les communes de résidence des parents. Un décret en conseil d'État fixera les modalités d'application de cette expérimentation, avec notamment une évaluation donnant lieu à un rapport six mois avant la fin de la période. Cette expérimentation est essentielle pour mesurer l'impact d'un tel changement sur la fiabilité et la sécurité des données de l'état civil.

En ce qui concerne le tilde, vous savez que les langues régionales sont déjà mentionnées dans notre Constitution et font partie de notre patrimoine, qui vit par la culture et l'enseignement. L'introduction du tilde n'a que peu de lien avec le texte examiné...

L'impact financier de cette mesure sur les collectivités territoriales et les administrations se pose aussi car il faudrait introduire ce signe dans tous les actes existants. Adaptation des logiciels et renouvellement des claviers d'ordinateurs, mise à jour des titres et des actes notariés, les conséquences seraient nombreuses.

Le Gouvernement étudie la faisabilité d'une intégration des signes diacritiques pour tenir compte des prénoms issus des langues régionales. Pour l'instant, il reste réservé sur cette mesure, tout en demeurant favorable au reste du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jérôme Bignon applaudit également.) Je salue l'initiative du président Marseille et me réjouis que l'examen de cette proposition de loi ait été inscrit à l'ordre du jour.

Le texte offre une possibilité aux parents de choisir le lieu d'enregistrement de l'acte de naissance de leur enfant : soit la commune d'accouchement, soit la commune de domiciliation des parents. Rien d'obligatoire. En outre, le lieu de naissance ne serait nullement modifié.

Ce texte répond à un problème récurrent relayé par les maires des petites communes, celui du dépeuplement de leurs registres d'état civil.

En 2016, 99,6 % de naissances ont été enregistrées dans 500 communes. Nos concitoyens sont très attachés à leur ville d'origine, alors qu'elle n'apparaît pas sur les documents d'identité.

La concentration des naissances met à mal cet attachement à la commune de résidence des parents. Le service public de proximité tend à disparaître. Enfin, les communes, de facto, sont de moins en moins nombreuses à pouvoir se prévaloir d'être le lieu de naissance d'un artiste célèbre, ce qui nuit à leur attractivité touristique.

Je remercie Mme Canayer qui a procédé à des modifications techniques avec l'accord de l'auteur. La rédaction que nous adopterons ne sera sans doute pas parfaite : elle gagnera en qualité dans la navette parlementaire !

Un amendement à l'initiative de M. Canevet précise les signes diacritiques autorisés par l'état civil en y ajoutant un tilde.

M. Michel Canevet.  - Bravo !

M. Loïc Hervé.  - Je suis moi-même porteur d'un signe diacritique dans mon prénom, umlaut ou tréma. Acquis grâce à l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, le tilde est progressivement tombé en désuétude.

Nos communes rurales ont besoin de rayonner à nouveau. Restituons-leur les naissances qui leur appartiennent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je remercie le président Marseille, mais aussi le député Christophe Bouillon qui défend le même principe avec le soutien de l'association des petites villes de France. L'inscription sur le registre du lieu de domicile ne sera qu'optionnelle et ne supprimera pas le lieu de naissance comme tentait de le faire croire ce matin un titre de journal.

Tout cela ne compensera pas les fermetures de maternités. Quoi qu'il en soit, notre collègue Bigot a déposé un amendement afin de veiller à éviter d'abîmer notre état civil. Il ne faudrait pas que des Français se voient dans quelques années opposer un refus de délivrance d'un titre d'identité en raison d'une mention peu claire !

Si la voie de l'expérimentation ne nous semble pas sécurisante, nous ne nous y opposerons pas, par souci de compromis.

L'absence d'étude d'impact empêche d'envisager toutes les conséquences de ce texte. Des imprévisions subsistent : si le lieu de naissance est fixe, le lieu de domicile peut changer rapidement et le lien avec une commune se révéler éphémère.

Enfin, ce texte n'est pas exempt de risque discriminatoire. Pour autant, nous le soutiendrons.

La commune de Saint-Rémy en Saône-et-Loire ne connaîtra plus de nouvelle naissance alors qu'elle a vu naître des célébrités telles que Benjamin Griveaux, Rachida Dati et Florent Pagny.

Pour encourager la vitalité du peuplement dans nos territoires, je voterai ce texte. (Applaudissements des travées du groupe SOCR jusqu'à celles du groupe UC)

M. Raymond Vall .  - Le président Larcher, lors du 102e Congrès des maires disait : « Le maire est un acteur essentiel de la République. C'est autour de lui que nos citoyens se rassemblent et échangent ».

Je suis heureux que cette proposition de loi ait été approuvée à l'unanimité par la commission des lois et salue le travail de sa rapporteure. Son adoption est toutefois menacée par des arguments juridiques - surmontables - mais surtout financiers. La menace de l'article 40 oblige à faire quelques rappels.

Dans les communes rurales, une naissance est un évènement hélas trop rare. Avant les années 70, on accouchait souvent à son domicile. Désormais, on naît dans une maternité. Dans le Gers, il n'y en a que deux : un grand nombre de mères sont amenées à accoucher hors du département. Bientôt, certains départements n'auront plus que des naissances extraterritoriales.

Le décret du 3 mars 1951 impose à chaque commune d'établir tous les ans une table alphabétique des actes d'état civil pour constater les naissances dans une autre commune des enfants dont les parents ont leur domicile dans la commune. Ces communes sans maternité établissent également les actes de reconnaissance avant naissance - mais ne peuvent délivrer une copie d'acte de naissance.

À l'inverse, elles sont tenues d'établir ou de transcrire les actes de décès y compris quand le décès est survenu hors de la commune. Résultat, on ne parle plus que des morts dans les villages... Le maire est réduit au rôle d'officier d'état civil n'établissant plus que des actes de décès et quelques rares actes de mariage.

La concentration des naissances dans quelque cinq cents communes a des effets pervers : le dépeuplement des registres d'état civil décourage les maires ruraux, et même le tourisme. Imaginez le Gers sans d'Artagnan né à Lupiac !

Le grand débat national a redonné aux maires et aux communes la reconnaissance qu'ils méritent. Ce texte est une occasion pour le Gouvernement de confirmer qu'il les a entendus. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC ; M. François Calvet applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La déclaration de naissance marque l'entrée dans le corps social. Depuis la sécularisation de la gestion de l'état civil, la municipalité est le lieu naturel du baptême civique, et ce depuis le décret du 20 septembre 1792. Par nécessité, l'enregistrement de l'état civil auprès des municipalités répondait à un besoin pratique : identifier les citoyens au sein de villages où tout le monde se connaissait.

Ce texte s'inscrit dans cette symbolique. La concentration des naissances conduit à l'amaigrissement des registres des petites communes rurales. La faculté ouverte dans ce texte n'enlève rien à la dimension symbolique de la déclaration de naissance.

La commission des lois a utilement sécurisé les modifications apportées au code civil. Notre groupe était néanmoins réticent à introduire des dispositions aux implications concrètes incertaines. Le maintien du lieu effectif de naissance via sa transcription dans le registre de l'état civil, à côté du lieu de résidence des parents, comme le propose notre rapporteure, est une bonne solution.

L'expérimentation de tels registres d'actes « miroirs » est une avancée positive. La méthode expérimentale est le bon vecteur pour évaluer les effets opérationnels du dispositif. Nous voterons ce texte sous réserve de l'adoption de l'amendement de la rapporteure. Sinon, nous nous abstiendrons.

À titre personnel, j'ai d'emblée été a priori favorable à ce texte. Trois quarts des 10 000 naissances de Mayotte sont enregistrées au seul centre hospitalier de Mamoudzou alors que la population est dispersée sur les dix-sept communes de l'île. La réalité démographique est donc faussée. Le texte remédiera à cette situation.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je ne reviens sur les objectifs louables de ce texte, lutter contre la réduction des états civils des communes à l'enregistrement des décès.

La tendance à la concentration des naissances dans quelques communes ne peut que s'amplifier, vu la politique d'éradication des hôpitaux de proximité menée par les gouvernements successifs - l'objectif étant de réduire la présence médicale sur le territoire à des maisons médicales de santé et des secours d'urgence, l'un comme l'autre aux frais des collectivités !

Cependant, la portée pratique de cette proposition de loi reste bien faible et non dénuée de risques. L'expérimentation ne pourra être qu'incertaine, vu la mobilité du lieu de résidence. L'essentiel de la population n'habite pas dans des petites communes ! En outre, je ne suis pas certain que toutes les communes accueilleront avec enthousiasme cette nouvelle obligation.

Par conséquent, mon groupe s'abstiendra sur cette proposition de loi, porteuse d'autant de difficultés réelles que d'avantages symboliques.

M. Jérôme Bignon .  - C'est un Picard de souche qui a déposé cette proposition de loi. Rien d'innocent là-dedans : les déclarations de naissances en France sont concentrées dans les 500 registres d'état civil correspondant aux 500 maternités restant dans notre pays.

La proposition de loi permettrait aux parents qui le souhaitent de déclarer la naissance de leur enfant dans leur commune d'attache. Il n'y aurait pas de remise en cause du lieu de naissance de fait. Cette mesure remédierait au dépeuplement des registres de naissance qui constitue un élément négatif pour la revitalisation des petites communes rurales. Elle satisferait tous ceux qui attachent une importance symbolique à leur lieu de résidence. Je suis né à Neuilly mais j'aurais préféré figurer sur le registre de Bermesnil, commune dont mon grand-père et mon père furent maire avant moi.

Dans sa rédaction initiale, le texte comporte toutefois quelques difficultés. Ainsi, l'article premier ne prévoit pas le cas où les parents ne s'accordent pas sur le lieu de domicile. Une question de fiabilité des registres se pose aussi, avec un risque sérieux de double enregistrement.

Je me réjouis donc des modifications apportées en commission. C'est bien le lieu de naissance et non de déclaration qui définit l'identité juridique de la personne.

Enfin, je me félicite de la précision concernant les lettres utilisées dans les prénoms inscrits à l'état civil. Il aura fallu une bataille judiciaire de deux ans pour que la licéité du prénom breton Fañch soit reconnue !

M. Michel Canevet.  - Bravo !

M. Jérôme Bignon.  - Monsieur le ministre, diffusez largement vos propos en défense des langues régionales auprès de vos collègues de l'Éducation nationale et de la Culture. Je pense tout particulièrement à l'enseignement du picard ou du flamand, deux langues de ma région.

Même si plusieurs obstacles n'ont pu être levés pour cause d'irrecevabilité financière, le groupe Les Indépendants soutient cette proposition de loi et salue le travail de la rapporteure.

M. François Calvet .  - En 2011, à l'Assemblée nationale, j'avais proposé un texte visant à permettre aux officiers de l'état civil français d'enregistrer les déclarations de naissance au sein de l'hôpital transfrontalier franco-espagnol de Cerdagne dans les communes relevant de son périmètre.

À ce jour, l'article 55 du code civil n'a pu être modifié. Il s'agit pourtant de faciliter l'accès des citoyens à un service public de proximité et de rappeler leur attachement à leur commune.

Les déclarations de naissance doivent être faites dans les cinq jours à l'officier de l'état civil du lieu de naissance. Au début du XXe siècle, les Françaises accouchaient à domicile. Aujourd'hui, elles accouchent dans de grands ensembles hospitaliers, sauf exception.

L'hôpital transfrontalier de Cerdagne est sur le territoire espagnol, à un kilomètre de Bourg-Madame. Le traité de Bayonne du 10 mars 1995 avait posé les bases de la coopération transfrontalière. L'Union européenne a apporté 18 millions d'euros soit 60 % du financement. Le groupement européen de coopération territoriale définit un périmètre incluant deux cantons français et une comarque catalane.

Un accord a été trouvé sur les formalités de transport des corps des Français décédés à l'hôpital sur le territoire espagnol : seul le laissez-passer mortuaire est nécessaire.

En revanche, malgré de multiples démarches, nous n'avons pas résolu le problème d'une centaine de bébés français nés à Cerdagne, qui doivent faire l'objet d'une déclaration au consulat de Barcelone et sont enregistrés au fichier central de l'état civil, à Nantes, qui délivre les actes de naissance pour les enfants nés de parents français à l'étranger. Ces bébés devraient pouvoir être enregistrés dans la commune de résidence des parents.

Grâce à l'Europe, les femmes de nos communes de montagne peuvent accoucher près de chez elles plutôt que de devoir parcourir 100 km sur des routes parfois enneigées. L'établissement hospitalier de Puigcerdà est une avancée. Et cette proposition de loi réglerait le problème administratif qui demeure.

J'ajoute qu'elle faciliterait le travail des historiens et généalogistes qui pourraient procéder à des relevés précis des naissances en milieu rural.

Je soutiens cette proposition de loi et je souhaite que l'expérimentation inclue le problème particulier de ces communes de montagne. (M. Raymond Vall applaudit.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I. - À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, lorsqu'une naissance survient dans une commune autre que celle du domicile du ou des parents, l'officier de l'état civil du lieu de naissance envoie une copie intégrale de l'acte de naissance, dans le plus bref délai, à l'officier de l'état civil du lieu de domicile des parents qui la transcrit immédiatement sur ses registres.

À défaut de domicile commun des parents, la copie intégrale de l'acte est transmise à l'officier de l'état civil du lieu de domicile de chacun des parents.

L'officier de l'état civil du lieu de domicile du ou des parents et le procureur de la République de son arrondissement sont avisés, selon les mêmes modalités que celles prévues au troisième alinéa de l'article 49 du code civil, lorsqu'un acte de naissance transcrit en application du présent I doit faire l'objet d'une mise à jour par apposition d'une mention relative à un acte dressé ou transcrit dans une autre commune. 

II. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, en particulier les conditions dans lesquelles les officiers de l'état civil des communes concernées garantissent la fiabilité et la préservation de l'intégrité des données de l'état civil des personnes intéressées.

Un arrêté du garde des sceaux fixe la liste des communes concernées, qui le seront en tant que lieux de domicile du ou des parents intéressés. Ces communes sont sélectionnées en tenant compte notamment de leur volonté et de leur capacité à mener cette expérimentation.

III. - Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation du dispositif.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement permet les registres « miroirs » que nous avons déjà longuement évoqués.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article premier est ainsi rédigé.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi entre en vigueur par la promulgation d'un décret portant adaptation des décrets relatifs aux documents administratifs (carte d'identité, passeport, permis de conduire...) qui devront viser les « lieux de déclaration de naissance» et non plus les « lieux de naissance» .

M. Jérôme Durain.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Le maintien du lieu de naissance dans les documents est primordial.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Retrait ou avis défavorable, d'autant que l'amendement de la commission prévoit un décret en Conseil d'État pour fixer les modalités d'application de l'article.

L'amendement n°2 est retiré.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet article n'a plus lieu d'être.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°4 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

ARTICLE 3

M. Michel Canevet .  - Merci à la commission des lois d'avoir introduit dans le texte la liste des signes diacritiques. La Bretagne n'est pas la seule région concernée par ce combat. Le tilde a déjà été autorisé par le procureur de la République de Rennes en 2002, par un officier d'état civil de Paris en 2009. Un membre du Gouvernement a lui-même un tilde dans son nom. Il n'est pas compliqué de l'écrire sur un ordinateur : je viens d'essayer, il suffit de taper Ctrl + alt + 2. Si l'on est capable de faire un tréma, pourquoi pas un tilde ? L'argument du coût ne tient pas.

Ce texte introduit de la liberté pour les parents. Pourquoi pourrait-on appeler son enfant Yann et non Fañch ?

L'article 3 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. de Belenet.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 79-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 79-1.  -  Lorsqu'un enfant pesant au moins 500 grammes ou ayant fait l'objet d'une gestation d'au moins vingt semaines est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès.

« À défaut du certificat médical prévu à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de naissance et de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. Les parents peuvent indiquer les noms et prénoms qu'ils souhaitent donner à l'enfant. »

M. Arnaud de Belenet.  - Merci à la commission d'avoir épargné l'article 45 à cet amendement, qui porte sur les enfants nés sans vie. Quelque 7 000 familles sont concernées chaque année en France.

Cet amendement propose une définition juridique selon les critères de l'OMS. Il inscrit à l'article 79-1 du code civil que les parents peuvent donner un prénom et un nom à l'enfant, qui figure ainsi sur le livret de famille. Cela permet à la famille de faire son deuil, sans ouvrir de droits sociaux ni complexifier les obsèques. Il n'y a pas d'effet non plus sur la reconnaissance.

Je reconnais toutefois qu'il faut affiner la question de la reconnaissance de la personnalité juridique de l'enfant, mais nous pourrions y répondre comme l'ont fait bien d'autres pays européens.

Madame le rapporteur, monsieur le ministre, merci de reconnaître la nécessité de se saisir de ce sujet et de poursuivre le travail.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous comprenons l'intention louable et généreuse de répondre à la douleur des parents. Néanmoins, la rédaction proposée n'offre pas toute la sécurité juridique qui s'impose. La réflexion n'est pas mure à ce stade et mérite d'être approfondie. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Ce sujet est sensible car il touche à l'intimité de 7 000 familles chaque année. J'y suis particulièrement sensibilisé, étant chargé de l'enfance.

À ce stade, je demande le retrait ; à défaut, avis défavorable. Je comprends le caractère symbolique de l'amendement mais il soulève nombre de difficultés juridiques. Si l'enfant est né vivant et viable, l'officier d'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès ; l'enfant a la personnalité juridique. En l'absence d'un certificat médical qui établit ce fait, l'officier établit un acte d'enfant né sans vie qui ne confère par la personnalité juridique mais matérialise la naissance à l'état civil.

En définissant la viabilité à l'aide de critères médicaux, on subordonne l'accès à la personnalité juridique à des critères anatomiques qui n'ont pas leur place dans le code civil. Surtout, donner une définition législative de la viabilité aurait des incidences sur le statut du foetus in utero, qui dépassent largement le cadre de cette proposition de loi - je pense à l'interruption médicale de grossesse, voire l'interruption volontaire de grossesse. Le nom et la filiation sont l'un des éléments constitutifs de la personnalité juridique.

L'équilibre est délicat entre la prise en compte de la douleur des parents et les principes du droit relatifs à la personnalité juridique.

Le décret du 20 août 2008 autorise la mention de la naissance d'un enfant né sans vie dans le livret de famille. Plusieurs députés m'ont interpellé et mènent des travaux sur les deuils d'enfants ; la réflexion mérite d'être approfondie.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

Interventions sur l'ensemble

Mme Lana Tetuanui .  - Je voterai des deux mains cette proposition de loi que j'ai cosignée. En vingt ans de carrière politique, je n'ai entendu que cela : le poids culturel, symbolique du territoire, dans un espace vaste comme l'Europe.

Mais parlons de l'aspect pratique ! Et ne m'opposez pas des objections financières : lorsque l'État a délégué l'instruction des passeports aux communes, il ne s'est pas embarrassé de l'impact financier !

L'acte de décès d'un Marquisien est signé par le maire de Pirae, mais c'est le maire de la commune des Marquises qui signe le permis d'inhumer. Nous allons tous naître à Papeete, mais avec ce texte, les parents pourront déclarer la naissance aux Tuamotou, aux Australes ou aux Îles sous le vent. Songez au côté pratique. Quoi de plus légitime pour les habitants que de pouvoir aller chercher leur acte de naissance dans leur commune de résidence ?

Je demande officiellement le droit à l'expérimentation de cette mesure dans notre beau territoire !

M. Hervé Marseille .  - Je remercie Agnès Canayer et les collègues qui sont intervenus dans ce débat. Cette petite proposition de loi fait du bruit car elle touche une corde sensible.

Aujourd'hui, Jeanne d'Arc ne serait pas née à Domremy, Clemenceau à Mouilleron-en-Pareds ou Jean Racine à La Ferté-Milon. On est de moins en moins de quelque part. À Paris, on ne naît que dans quatre arrondissements. En Corse, on ne peut naître que dans trois communes, sur 360. Je regrette cet effacement des particularismes. N'oublions pas que la moitié de nos 36 000 communes comptent moins de 500 habitants ! Je fais confiance à notre assemblée pour voter cette proposition de loi.

M. Michel Canevet .  - Je voterai ce texte important et remercie le président Marseille de l'avoir proposé. Il est attendu sur les territoires. Merci à Agnès Canayer d'avoir apporté une attention particulière aux signes diacritiques, chers aux Bretons mais aussi aux Basques. Si l'on veut éviter d'engorger la justice, apportons une réponse simple par la loi.

Il est légitime que nous puissions tenir compte de la réalité de la langue dans ses moindres détails. On trouve des tildes dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts, preuve s'il en faut que c'est bien un élément de la langue française !

J'espère, monsieur le ministre, que vous ferez tout pour que cette proposition de loi soit inscrite rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Raymond Vall .  - Dans cet hémicycle, nous avons évoqué l'inégalité territoriale, conséquence de différences énormes de moyens financiers. Respectons la fierté que nous avons tous d'appartenir à un territoire. Entre l'agrandissement des régions et la modification des cantons, la passion pour un territoire revêt une dimension symbolique. Cela n'a pas de prix, et l'argument du coût financier n'est pas recevable. Lorsque l'instruction des passeports et des cartes nationales d'identité a été transférée aux collectivités territoriales, vous ne vous êtes pas soucié des coûts !

La mesure prévue par ce texte est un acte de solidarité envers les quelques communes accueillant une maternité - une seule dans le Gers - qui doivent enregistrer toutes les naissances du département ! Je doute que les élus demandent une compensation financière, tant le problème est profond.

M. François Calvet .  - Je m'associe à ces propos. Dans les Pyrénées, l'Europe nous a incités à créer un hôpital transfrontalier et les femmes peuvent désormais accoucher à quelques kilomètres de la frontière au lieu de faire la route an affrontant la neige jusqu'à Perpignan. Mais les bébés français doivent pouvoir être déclarés dans leur commune, et non obligés de demander leur acte de naissance à Nantes !

C'est une joie pour un maire de pouvoir inscrire une naissance dans son registre. Ce n'est pas la peine d'aller faire des débats dans toute la France pour ensuite rejeter un texte si évident.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance, mardi 21 janvier 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 25.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 21 janvier 2020

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Vincent Delahaye, vice-président M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Deroche - M. Éric Bocquet

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission, n°238, 2019-2020)