Préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises, présentée par M. Daniel Gremillet et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission des affaires économiques.
Discussion générale
M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à M. Raison pour son travail dans la lignée de celui de la commission des affaires économiques, qui a mis en place un groupe de suivi de la loi EGalim le lendemain même de sa promulgation. C'est bien le rôle du Parlement : adopter des lois, en évaluer les effets et proposer des correctifs.
Le groupe de travail a produit un rapport dressant un premier bilan d'EGalim un an après sa promulgation. Au terme de l'expérimentation de deux ans, prévue par le texte, nous y voyons plus clair, mais le rapport témoigne déjà d'effets pervers. Faut-il attendre que la situation empire ? Il est de notre responsabilité d'agir.
Ce texte a été signé par 146 sénatrices et sénateurs de la presque totalité des groupes politiques. Le Sénat joue son rôle en matière de contrôle et d'amélioration des politiques publiques.
La première mesure de notre proposition de loi porte sur l'encadrement des promotions en volumes. Le soutien des promotions est essentiel. Il revient à l'entreprise de convaincre le consommateur d'acheter son produit. C'est possible grâce aux promotions.
Idem pour les produits saisonniers, qui doivent être soutenus en dehors de la période des fêtes. L'encadrement des promotions a fait reculer les volumes des ventes et les chiffres d'affaires se sont effondrés. On observe ainsi depuis un an un recul de 25 % des ventes de foie gras, et de 20 % pour le champagne dans la grande distribution.
Certaines entreprises évoquent même des baisses de 50 %. Quelle entreprise peut résister pendant deux ans à un tel choc ? Ce sont des emplois qui sont remis en cause. On est aux antipodes des effets recherchés.
Le paradoxe est que la loi EGalim pénalise les producteurs et déstabilise les filières exemplaires, celles qui rémunéraient le mieux les producteurs !
Les PME subissent un fort biais anticoncurrentiel qui les fragilise. La loi EGalim était pourtant censée favoriser les entreprises de nos territoires.
Notre proposition de loi sort de l'encadrement des promotions en volumes les produits les plus saisonniers - et eux seuls. Cette mesure de bon sens ne rallumerait pas la guerre des prix dans la grande distribution. Elle ne revient pas sur le seuil de 34 % du prix du produit applicable aux promotions.
Attendre deux ans pour modifier le dispositif serait criminel. Tous les professionnels que nous avons rencontrés la semaine dernière en Vendée sont aux abois, quelle que soit leur filière, foie gras, lapin ou autre, du fait de la loi.
Nous déplorons depuis plusieurs années le manque d'efficacité des clauses de renégociation des contrats entre fournisseurs et distributeurs en cours d'année, en cas de choc conjoncturel. La clause de révision automatique des prix ne fonctionne pas, elle donne au distributeur l'occasion de renégocier tous les points du contrat ! La proposition de loi prévoit comme deuxième mesure, expérimentale, une clause de révision automatique des prix en cas de fort changement du cours de la matière première principale du produit, telle que le lait ou le blé.
La réforme du droit coopératif, enfin, ne respecte pas le périmètre de l'habilitation prévue par la loi EGalim. Le Gouvernement est passé en force, sans permettre au Parlement d'en débattre. Le Parlement doit se montrer intransigeant sur ce point. C'est pourquoi la proposition de loi ratifie l'ordonnance sur le modèle coopératif mais corrige le champ de l'habilitation, pour défendre les prérogatives du Parlement.
Cette proposition de loi n'a pas l'ambition de répondre aux défis de l'agriculture, mais corrige les premières failles apparues dans l'application de la loi EGalim, pour préserver le revenu des agriculteurs.
Je remercie les membres du groupe de suivi et de la commission des affaires économiques qui l'ont votée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Lors de l'examen d'EGalim, le Sénat avait dit clairement qu'il ferait tout pour améliorer le revenu des agriculteurs. Nous avons toujours émis des inquiétudes sur ce texte, qui n'est pas la grande loi agricole que nous attendions.
La France ne mène pas forcément les combats essentiels sur le budget de la PAC ou sur les importations alimentaires. Le mécanisme de ruissellement de la loi était loin d'être certain. Tout reposait sur la confiance, ou la morale pour le dire autrement, des différents acteurs. Or la déflation est toujours présente hormis sur quelques contrats laitiers emblématiques.
La grande distribution a bien récupéré les fruits de l'augmentation du seuil de la revente à perte et a adapté son modèle : la hausse du seuil de la revente à perte aura servi à déplacer la guerre des prix vers les marques distributeurs et les produits non alimentaires.
L'esprit des États généraux de l'alimentation semble loin... « Si les prix ne remontent pas dans les trois mois prochains, je considérerai que les États généraux de l'alimentation sont un échec », aviez-vous dit, monsieur le ministre.
Le groupe de suivi poursuivra ses travaux. D'ores et déjà, la loi EGalim pose des problèmes que cette proposition de loi aborde pour tenter de les régler en urgence.
La loi EGalim ne protège pas les producteurs, pris en étau entre la volatilité des cours mondiaux et la rigidité des prix de la grande distribution.
La loi aborde la relation entre le producteur et la coopérative dont il est membre comme celle qui lie une entreprise privée et son client. Or les coopératives ne relèvent pas des mêmes règles : elles appartiennent aux agriculteurs et sont le prolongement de leurs exploitations. Une coopérative est une sorte de service public qui ramasse la production comme le facteur ramasse le courrier. Une mauvaise gestion ne doit pas conduire à changer leur statut. Comme si un mauvais gouvernement conduisait à modifier la Constitution ! (Sourires)
À trop assimiler les coopératives à des entreprises privées, on trouble l'équilibre des territoires agricoles. L'ordonnance fait actuellement l'objet d'un contentieux. Dans l'esprit des parlementaires, son champ a été dépassé.
Daniel Gremillet a évoqué l'évolution inquiétante des ventes de produits saisonniers. Les producteurs de lapins - qui n'est guère un produit festif... mais tout dépend de la sauce (Sourires) - nous ont fait part du retrait de leurs produits dans les catalogues l'été, en raison de la limitation des promotions. Idem pour un producteur de produits d'apéritif, dont le chiffre d'affaires a baissé de 12 %. La promotion fait partie du modèle de vente des entreprises.
L'expérimentation d'EGalim n'a pas pour vocation de supprimer des emplois ni d'affaiblir les filières. La DGCCRF semble pouvoir accorder des dérogations, mais leur fragilité juridique est grande.
La proposition de loi apporte des ajustements à la marge et se veut équilibrée et pragmatique. Elle sauvera rapidement des emplois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - La loi EGalim a été promulguée il y a un peu plus d'un an. Tous les décrets d'application ont été publiés jusqu'au printemps dernier. Il était convenu que l''année n pour les négociations commerciales serait 2019-2020.
Je l'ai dit lors du dernier comité de suivi des négociations commerciales : le compte n'y est pas pour les producteurs. La loi, pourtant, prévoyait des garanties claires. L'objectif principal était l'inversion de la fabrication du prix. Il est incroyable que l'agriculteur ne fixe pas son prix. Il est incroyable que l'éleveur vende sa viande moins cher que ce qu'elle lui coûte.
Nous avons demandé aux filières, pour supprimer les ventes à perte, de fixer les prix et d'arrêter les promotions laissant croire aux consommateurs que la nourriture peut être gratuite. C'est le libéralisme à tous crins. C'est pourquoi la loi EGalim a limité les promotions en volume et en valeur. Cette décision a été prise par l'ensemble des acteurs. Les syndicats agricoles nous ont demandé de ne pas revenir sur cette mesure. Effectivement, il existe un problème sur les denrées festives, les achats d'impulsion. Mais l'expérimentation dure deux ans.
Le Gouvernement émet un avis défavorable à cette proposition de loi car si nous changeons les règles en cours de route, nous ne saurons pas si la loi EGalim porte ses fruits. Je me suis, en revanche, engagé à prendre une dérogation pour les produits festifs.
Nous voulons aller beaucoup plus loin sur les marques distributeurs. Nous voulons que les agriculteurs en tirent des fruits, ce qui n'est pas encore le cas. Avec Agnès Pannier-Runacher, je participe au comité de suivi des négociations commerciales qui se tient tous les trois mois.
Le mot de ruissellement n'a jamais été évoqué s'agissant de la loi EGalim. Je n'ai jamais pensé une seconde que la vente de Nutella ou de Coca-Cola pouvait rapporter aux agriculteurs.
En revanche, nous avons soumis à expérimentation le seuil de revente à perte et la limitation des promotions. Il s'agit d'inverser la conception des prix. Le Gouvernement remettra au 1er octobre 2020 un rapport au Parlement. Attendons cette échéance pour conclure sur les effets d'EGalim. Je salue néanmoins le travail du groupe de suivi qui a mené nombre d'auditions.
Le contenu de la proposition de loi porte sur l'autorisation des promotions en volume sur les denrées saisonnières et festives. Mais à force de vouloir des prix toujours plus bas, le consommateur va s'y habituer et ne voudra plus acheter au juste prix. C'est pourquoi nous voulons aller plus loin sur l'étiquetage. Une promotion à 90 %, ce n'est pas bon !
L'exclusion des produits festifs du périmètre de la limitation des promotions a été défendue par certains acteurs lors des négociations commerciales, mais nous avons choisi de n'exclure aucune filière pour redonner de la valeur à tous les produits.
La DGCCRF peut prendre en compte la situation particulière de l'entreprise lors des contrôles, des dérogations.
M. Michel Raison, rapporteur. - C'est déjà trop tard !
M. Didier Guillaume, ministre. - Dans ce cas, la proposition de loi arrive trop tard aussi... (On le conteste à droite.)
Sur le deuxième sujet, vous proposez d'expérimenter l'introduction d'une clause de révision des prix, à la hausse comme à la baisse, pour les produits composés à plus de 50 % d'un produit agricole en prévoyant des amendes administratives en cas de non-respect. Le contenu précis de cette clause sera défini par les parties au contrat.
La loi a renforcé la clause de renégociation en raccourcissant le délai d'un mois et en obligeant à avoir recours au médiateur des relations commerciales agricoles en cas d'échec. Votre proposition ouvre à nouveau le débat que nous avions eu ici durant l'examen de la loi EGalim en première lecture. À l'époque, un amendement visant à introduire un mécanisme automatique de révision des prix avait été adopté par la majorité sénatoriale contre l'avis de mon prédécesseur. Ce dernier n'a pas changé d'avis. Les acteurs nous demandent de préserver la stabilité du cadre juridique. Ne touchons pas aux curseurs. La clause de renégociation a été ouverte pour les produits charcutiers en 2019.
Enfin, la proposition de loi porte sur la ratification de l'ordonnance sur la coopération agricole en supprimant néanmoins le dispositif prévoyant que la responsabilité des coopératives peut être engagée en cas de rémunération des apports abusivement basse. Je rappelle que la loi porte sur la rémunération des apports et non sur le prix de cession.
Il y a plusieurs sortes de coopératives. Celles qui font plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires par an sont celles qui font le plus de volume. Il ne s'agit pas de mêmes coopératives que celles que nous avons dans nos territoires ruraux.
Un recours a été déposé en mai au Conseil d'État par la coopération agricole. Nous attendons sa décision puis le Gouvernement prendra ses responsabilités.
Je partage vos objectifs et constate comme vous les difficultés de certaines filières sur le sujet des promotions, mais il convient d'attendre la fin de l'expérimentation, son bilan et l'arrêté du Conseil d'État pour éventuellement modifier la loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, beaucoup plus sur la forme que sur le fond. Le texte ne correspond pas à l'objectif d'une meilleure rémunération des agriculteurs. (On s'en désole sur divers bancs tandis que M. François Patriat applaudit.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - C'est bien dommage !
Mme Noëlle Rauscent . - Cette proposition de loi fait suite à l'adoption du rapport d'information de MM. Gremillet et Raison et Mme Loisier. Je salue leur travail pertinent. Leur rapport critique le manque d'efficacité de la loi EGalim sur le revenu des agriculteurs et dénonce les effets pervers des dispositifs relatifs au relèvement du seuil de reventes à perte et l'encadrement des promotions. Concernant ces deux mesures, la loi EGalim a prévu une expérimentation de deux ans. Les décrets d'application sont sortis en février dernier. L'agriculture s'inscrit dans le temps long ; des résultats spectaculaires ne peuvent être obtenus si rapidement. Le bilan réalisé par nos collègues arrive donc un peu tôt...
Il apparaît cependant que le revenu des agriculteurs demeure insuffisant et que les PME sont les grandes perdantes de la loi. Seules les marges des distributeurs tirent leur épingle du jeu. Les PME ont de moins en moins le monopole des produits locaux, bio ou sans gluten qui tirent la croissance. La grande distribution s'est positionnée sur ces filières.
Les négociations commerciales en cours sont un véritable test. Nous pourrons faire le bilan à l'issue de l'expérimentation du relèvement du SRP et de l'encadrement des promotions.
Aussi, le groupe LaREM s'abstiendra.
Mme Cécile Cukierman . - « Une loi creuse marquée du sceau de l'échec, qui va toujours faire gagner le plus fort au détriment des agriculteurs », tels étaient mes mots pour qualifier la loi EGalim lors de son examen.
Un an après la promulgation de cette loi, le constat est unanime, la loi est en deçà des aspirations exprimées lors des États généraux de l'alimentation. Elle n'a pas répondu à son premier objectif : un meilleur partage de la valeur et l'assurance d'un revenu décent aux agriculteurs
De fait, le rééquilibrage des négociations commerciales a échoué et les PME souffrent des mesures portant sur les ventes à perte. Les négociations commerciales de 2019 se sont déroulées dans un climat tendu et restent déséquilibrées. Jamais les promesses de la grande distribution n'auront été autant bafouées.
Pendant ce temps, le désarroi agricole s'amplifie. Les agriculteurs continuent de vendre à perte et les marges de la grande distribution augmentent plus vite que les prix agricoles.
Le consommateur est lésé avec une augmentation de 2 % des prix des produits alimentaires, 5,2 % pour les produits frais et 10 % parfois pour d'autres produits.
Il faut des outils véritablement contraignants pour réguler les marchés agricoles. Certains groupes installent leurs centrales d'achat à l'étranger pour éviter la réglementation française. Le groupe auquel je pense a terminé l'année avec un chiffre d'affaires de près de 38 milliards d'euros, en progression de 1,5 %.
Les associations de consommateurs et les syndicats agricoles s'accordent pour constater les effets néfastes des mécanismes du seuil de revente à perte et de l'interdiction des promotions.
Pour l'UFC Que Choisir et la Confédération paysanne, le système du seuil de revente à perte est un « chèque en blanc d'1,6 milliard d'euros à la grande distribution » sur deux ans et un « chèque en bois pour les agriculteurs ». La hausse du seuil de revente à perte a modifié la composition des linéaires selon les types de marque dans les grandes surfaces et a eu pour effet de revaloriser les produits des grandes marques et des marques de distributeurs (MDD) dans les rayons au détriment des produits des PME. La vente en valeur des produits des PME a reculé de 3,7 points, tandis que celle des marques distributeurs augmentait de 0,3 point.
Concernant l'encadrement des promotions, il y a eu un détournement du dispositif via le développement de nouvelles offres commerciales, notamment avec les cartes de fidélité.
Cette proposition de loi d'application directe a le mérite de répondre dans l'urgence aux effets pervers de la loi EGalim. Nous ne pouvons continuer de faire confiance, d'attendre de voir, d'espérer que : il faut agir pour sortir le monde agricole de ses difficultés. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC et sur quelques travées des groupes SOCR et Les Républicains)
M. Franck Menonville . - Issue des États généraux de l'alimentation, la loi EGalim a suscité de grands espoirs, mais elle peine à porter ses fruits et des effets pervers sont apparus.
Cette proposition de loi vise à les corriger par trois mesures d'urgence portant sur les promotions, la révision des prix et le droit coopératif.
J'évoquerai la deuxième mesure. En effet, le mécanisme actuel de révision des prix s'avère trop lourd pour que les acteurs s'en emparent. Librement consentie par les parties, cette clause fonctionnera à la hausse comme à la baisse au cours de l'année.
Ainsi, en 2019, le prix du porc a augmenté de 50 %. De tels à-coups déstabilisent les PME. C'est notamment le cas des producteurs de charcuterie qui achètent le porc au prix du marché mais revendent les produits à un prix fixé par le contrat qu'ils ont conclu avec le distributeur. La situation devient ainsi intenable pour nombre d'entre eux.
La clause de révision automatique des prix garantira plus de justice.
Nous saluons également la suppression de la disposition prévoyant la possibilité d'engager la responsabilité des coopératives pour rémunération abusivement basse des apports. Cette transposition du code de commerce vers le code rural de la notion de « prix abusivement bas » dépasse le cadre de l'habilitation législative conférée au Gouvernement et parfaitement inadapté au système coopératif.
Je salue l'auteur et le rapporteur de la proposition de loi, ainsi que les membres du groupe de suivi. Mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La loi EGalim était l'aboutissement de longs mois de discussions ; elle a suscité de nombreux espoirs. Après sa promulgation, la commission des affaires économiques a mis en place un groupe de suivi qui a fait état des lacunes du texte.
La proposition de loi vise à les combler par trois mesures d'urgence, sans préjuger de l'efficacité globale de la loi qui ne pourra être appréhendée qu'à l'issue de la période expérimentale, dans un an.
Les préconisations sont de trois ordres : encadrement des promotions, clause de révision des prix et cadre de l'ordonnance sur les coopératives.
Dès début 2019, la grande distribution, pourtant bénéficiaire de la hausse du SRP a choisi de baisser les prix sur les produits sous marque de distributeur ainsi que sur les rayons non alimentaires, engageant ainsi une nouvelle guerre des prix entre distributeurs.
Les mesures d'encadrement des promotions ont été rapidement contournées en jouant sur les cartes de fidélité. La grande distribution s'est ainsi reconstitué des marges. Vous-même, monsieur le ministre, constatez que le compte n'y est pas. L'effet de ruissellement escompté en conséquence du relèvement du seuil de revente à perte ne fonctionne pas, alors même que le consommateur en fait les frais. L'État n'en serait-il pas le premier bénéficiaire avec les recettes supplémentaires de TVA ?
Paradoxalement, la loi EGalim pénalise les entreprises les plus proches des agriculteurs. Dans les linéaires, les produits des PME sont relégués au profit de ceux des grandes marques. Sans guère de budgets marketing et privées de la possibilité de faire des promotions, les PME voient leur chiffre d'affaires chuter parfois de 50 %.
Pour remédier à ces difficultés, ce texte propose de sortir les produits saisonniers de l'encadrement des promotions, de manière à permettre de mieux écouler les stocks. Il propose aussi d'expérimenter sur les produits charcutiers à forte variabilité une clause de révision automatique des prix car les cours du porc augmentent très rapidement. Enfin, ce texte propose de revenir à un modèle dans lequel les coopératives agricoles ne sont pas assimilées à des entreprises privées, conformément à la volonté du législateur.
Le groupe UC votera cette proposition de loi et espère que les travaux du groupe de suivi se poursuivront. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail réalisé par le groupe de suivi, qui se poursuit. Le Parlement est plus que jamais dans son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement. Il porte aussi sur le respect du champ des ordonnances et sur leur nombre : 350 ordonnances ont été publiées entre 2012 et 2018, soit plus que le nombre de lois votées durant la même période.
Le Gouvernement doit se limiter au strict champ de l'habilitation : cette proposition de loi y veille. Elle ne détricote en revanche pas l'ensemble de la loi EGalim, notamment l'expérimentation en cours.
Nous avons rencontré les acteurs de terrain : certaines entreprises souffrent terriblement de l'encadrement des promotions, notamment les PME et les ETI, et demandent qu'elles soient à nouveau autorisées en volume, pas en valeur.
Le magret de canard à 1 euro n'a été possible que parce que la filière s'est organisée après le problème sanitaire qui l'a affectée. Ne bouleversons pas des équilibres qui permettent aux agriculteurs d'avoir des revenus décents.
Je suis étonnée que les syndicats agricoles s'arc-boutent sur ce sujet, sans prendre en compte les difficultés constatées dans les petites filières agro-alimentaires. Attendre ? Mais les entreprises commencent à licencier... Affaiblir les industries agroalimentaires de transformation, c'est pénaliser à terme les agriculteurs.
Nous souhaitons la réussite de la loi EGalim, mais aussi que nos entreprises survivent. Il ne s'agit pas d'un totem politique. Écoutez-nous, il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et UC)
M. Franck Montaugé . - En juillet 2018, je disais le scepticisme de mon groupe sur les effets réels de la loi EGalim sur la modification de la répartition de la valeur. Je salue la mise en place du groupe de travail par Sophie Primas. Le Sénat montre l'exemple en matière de contrôle.
Les promesses de la loi EGalim en matière de prix et de revenus se sont fracassées sur la réalité de la conjoncture économique.
Il fallait réagir sans attendre le terme de l'expérimentation afin de corriger certains mécanismes de toute évidence dévoyés par la pratique, bien loin de l'esprit du législateur.
Le seuil de revente à perte est préjudiciable pour les produits saisonniers et festifs et a donné lieu à des détournements inacceptables qu'il faut sanctionner.
Le SRP s'est aussi traduit négativement pour certains vins dont l'achat est étroitement lié aux périodes de fêtes. Le président d'une grande coopérative viticole gersoise vous a dit qu'il faudra que la liste des produits dérogatoires au SRP que prévoit ce texte prenne en compte les pratiques saisonnières des consommateurs. Je pense aussi à la filière du foie gras, en grande difficulté depuis 2015.
La filière viticole tire une bonne partie de nos exportations et elle est aujourd'hui victime des difficultés diplomatiques et économiques avec les États-Unis. Les agriculteurs ne doivent pas payer pour la guerre de l'aéronautique...
S'agissant de la mesure de révision automatique des prix, nous avons des interrogations. Ciblage des produits finis composés à plus de 50 % d'un produit agricole, plus grande réactivité et automaticité de la révision à la hausse ou à la baisse, simplification de la procédure ont présidé à la rédaction de cet article. L'expérimentation durera trois ans et les produits seront arrêtés par décret.
Tout en étant favorable à cette expérimentation, nous pensons que le rapport de force risque de continuer à prévaloir puisque les seuils de déclenchement sont renvoyés à la négociation entre les parties.
Je me réjouis que ce texte ait réuni des signataires de tous les groupes et espère qu'il prospérera à l'Assemblée nationale. La question du revenu des agriculteurs reste entière.
Pour terminer, je remercie Daniel Gremillet et Michel Raison pour leur travail. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Je remercie la commission des affaires économiques pour la création du groupe de suivi auquel j'appartiens, ainsi que Daniel Gremillet, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier pour leur initiative.
Évaluer les mesures adoptées pour les faire évoluer devrait être le B à BA d'une démarche de responsabilisation du Parlement vis-à-vis des Français. Ils nous reprochent de voter des lois sans études d'impact ni évaluation.
Comment répondre aux maires sur la mesure des 80 km/h ou au fiasco des rythmes scolaires ? Se poser, accepter qu'on puisse se tromper et réajuster la loi, c'est faire preuve d'humilité et se montrer responsable.
Revenons à la loi EGalim. Les enjeux ont été posés et chacun a pu s'exprimer. Oui, mais les bonnes intentions se sont arrêtées là et il y a eu un déni de démocratie.
Les professionnels nous avaient alertés sur des points d'achoppement. Pourquoi généraliser des mesures particulières, comme la limitation des vins sous promotion ? Le résultat a été que les petites entreprises familiales sont désormais en grand danger. Il aurait fallu tenir compte du caractère saisonnier, propre à certaines filières. Les grandes entreprises s'en sortiront toujours. Voulons-nous maintenir les structures familiales ou privilégier les grosses unités ? Il y va de notre modèle agricole.
Dans la guerre des prix, il n'y a toujours qu'un perdant, le producteur. C'est pourquoi, il nous faut unir et partager nos efforts.
Le texte s'intéresse aussi aux prix abusivement bas. Il faut prévoir des garde-fous pour protéger les adhérents des coopératives des pratiques abusives, mais sans généraliser. De nombreuses coopératives sont de petite ou moyenne taille. Elles ne sont pas des commerçants : elles reçoivent les produits, les transforment et les vendent. S'il fallait revenir sur le statut de la coopération, seul le Parlement pourrait en débattre.
La loi EGalim s'est arrêtée en marche. Notre posture n'est pas politicienne. Le compteur tourne et les agriculteurs se suicident. Je voterai cette proposition de loi pour ma part, comme la majorité de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Jean-Pierre Decool . - L'agriculture et l'alimentation sont l'affaire de tous. Le groupe Les Indépendants s'est mobilisé pour défendre un modèle agricole économiquement viable lors de l'examen d'EGalim.
L'agriculture est au coeur de la société française, tant par son importance économique que par le profond attachement que nos concitoyens nourrissent à son égard. Il s'agit cependant d'un secteur qui connaît de fortes mutations et dans lequel la souffrance continue de perdurer.
Nous avions soutenu les ambitions de justice et d'écologie portées par le texte, car le secteur est en grande difficulté.
Le Parlement doit rester attentif à l'application de ce texte. Le déséquilibre des relations au profit de la grande distribution met les agriculteurs en danger, et certains commettent l'irréparable.
L'objectif de limitation des promotions était louable mais a eu des effets délétères en raison de la non prise en compte de la saisonnalité de certains produits, pour lesquels la promotion constitue une part importante des ventes, comme le foie gras ou le lapin...
Je félicite MM. Gremillet et Raison et Mme Primas pour leur action déterminée. Le monde agricole est un de nos atouts les plus précieux. Nous le soutenons à travers cette proposition de loi. (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)
Mme Françoise Férat . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.) En septembre 2018, à cette tribune, j'estimais ce texte décevant sur le fond, car il ne reflétait pas les conclusions des états généraux de l'alimentation. Il détricote ce qui fonctionne comme la sécurisation des pratiques contractuelles dans la filière viticole.
L'Assemblée nationale est restée figée sur les positions du Gouvernement malgré le regard constructif et bienveillant du Sénat.
Le texte devait inverser le rapport de force entre les producteurs et la grande distribution. En vain ! Le Sénat a créé un groupe de suivi pour vérifier l'efficacité des mesures.
Un rapport a été adopté le 30 octobre : un an après, le compte n'y est pas.
Cette proposition de loi tire le premier bilan de l'application d'EGalim. Trois effets problématiques pour les PME ont été identifiés : baisse du chiffre d'affaires de certaines entreprises et difficulté à renégocier les contrats des industriels avec la grande distribution en cas de hausse du coût des matières premières agricoles. Une mesure de l'ordonnance sur les coopératives agricoles prise par le Gouvernement laisse la possibilité d'engager la responsabilité d'une coopérative : or cela n'était pas prévu dans l'habilitation votée par le Parlement.
Notre texte se veut constructif, loin de vouloir démanteler la loi. Un bilan exhaustif serait trop précoce. Cependant, des PME et ETI sont déjà fragilisées.
Si les failles sont d'ores et déjà repérées, pourquoi ne pas agir tout de suite ? Tout le monde souhaite que les agriculteurs soient mieux rémunérés. Ce texte corrige les effets de bord. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une fois la loi EGalim votée, un groupe de suivi a été mis en place, excellente initiative pour mesurer la pertinence du texte. Il faudrait le faire sur tous les textes que nous adoptons.
Un an après le vote d'EGalim, nous tirons la sonnette d'alarme. Certaines mesures déstabilisent les PME et les ETI. La revalorisation du SRP de 10 % a été un échec. La grande distribution possède 92 % des parts de marché : il était illusoire de penser qu'elle allait transférer de la valeur ajoutée aux PME et ETI.
Ainsi, lors de l'épisode de la peste porcine, le cours du porc a augmenté de 45 % en raison de la pandémie. Les transformateurs ne sont pas parvenus à faire réévaluer leurs prix de vente avec la grande distribution qui contractualisent annuellement, d'où de grandes difficultés de ces sociétés.
Les promotions pratiquées par les PME étaient un moyen de publicité efficace. Elles en ont perdu le bénéfice avec l'encadrement des promotions. Il est urgent de revoir ce dispositif pour les produits saisonniers.
Devant l'urgence et la détresse de ces entreprises, il faut revenir aux fondamentaux : exclusion de l'encadrement en volume des promotions sur les produits saisonniers et pour les entreprises en difficultés ; expérimentation d'une clause automatique de révision des prix en fonction des cours, tous les trois mois ; suppression de la possibilité pour les juges de sanctionner financièrement des coopératives ayant pratiqué une politique de prix extrêmement basse.
Il nous faut sortir de la logique de compression des prix, chère à la grande distribution depuis des années.
En revanche, l'agriculture française doit évoluer et s'adapter aux besoins du consommateur.
J'espère que le Gouvernement reverra son avis défavorable sur ce texte. Je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)
M. Jean-Claude Tissot . - Il est rare qu'une proposition de loi reflète une position partagée quasi unanimement dans cet hémicycle. L'enjeu est suffisamment fort pour que nous fassions cause commune. Le Gouvernement devrait l'entendre.
Le constat d'échec de la loi EGalim n'est pas une surprise. Les travaux du groupe de suivi ont mis en évidence ses effets néfastes sur les agriculteurs et les PME : le relèvement du seuil des reventes à perte de 10 % n'a pas augmenté les revenus des agriculteurs. Le prix d'achat aux fournisseurs en 2019 aura même diminué de 0,4 % selon l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Les auteurs du rapport de suivi ont ainsi souligné que « la loi EGalim aura l'effet paradoxal de pénaliser les acteurs les plus proches des agriculteurs français et qui, souvent, sont les plus créateurs d'emplois ».
Il est indispensable de corriger sans attendre les effets délétères du texte. Trois problèmes, qui se retrouvent dans les trois articles de la proposition de loi, ont ainsi été identifiés comme nécessitant d'être résolus avec urgence pour ne pas mettre en difficulté les entreprises françaises de l'agroalimentaire et les producteurs agricoles : les difficultés posées par l'encadrement des promotions pour les PME, les effets de la clause de renégociation des prix jugés non satisfaisants ainsi que la réforme en matière de droit des coopératives agricoles sur la base de l'habilitation par ordonnance.
Le Gouvernement devrait redonner des moyens à la DGCCRF pour ce qui concerne les promotions, au lieu de diminuer ses moyens, année après année.
La clause de renégociation des prix a des effets particulièrement négatifs dans la filière du porc ou des pâtes alimentaires. La grande distribution risque de se montrer intraitable sur les seuils.
L'article 3 mérite aussi d'être revu. Je suis attaché au rôle du Parlement, mais aussi au modèle coopératif : les coopératives ne sont pas des sociétés commerciales. Les agriculteurs peuvent se sentir impuissants quand ils appartiennent à de très grosses coopératives, s'apparentant à des géants de l'agroalimentaire. Une action en justice pourra être introduite par le ministère de l'Économie, après consultation du ministre de l'Agriculture et du Haut Conseil agricole. On ne peut supprimer purement et simplement ce dispositif sans offrir aucune alternative aux agriculteurs. Cependant, par solidarité avec les auteurs du texte, j'ai retiré mon amendement supprimant l'alinéa 2 de l'article 3.
Les membres du groupe SOCR voteront cette proposition de loi transpartisane. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, UC et Les Républicains)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je suis élue d'un département où l'agriculture est un moteur de la vie économique à un niveau comparable à l'industrie agroalimentaire. Quelque 7,5 % de la population active y travaillent. De plus, produire et nourrir, c'est essentiel ! J'ai un attachement viscéral à cette activité qui façonne notre territoire.
La loi EGalim est un rendez-vous manqué pour les agriculteurs. Les réponses apportées à la précarisation des agriculteurs ne sont pas à la hauteur. La loi n'agit que sur un cinquième des recettes des agriculteurs.
Je rends hommage à la qualité du travail du groupe de suivi qui a produit cette proposition de loi attendue par le monde agricole, par des PME et des ETI.
Comme le souligne Daniel Gremillet, sans soutien promotionnel, la vente de certains produits s'effondre. Allez-vous laisser disparaître des productions ? Il est significatif que les éleveurs porcins aient renoncé aux procédures prévues dans la loi EGalim.
Le monde agricole est en crise depuis trop longtemps, comme nous le répétons sans relâche. Rémunérations insuffisantes de votre propre aveu, monsieur le ministre, agri-bashing, j'en passe...
Quels signaux supplémentaires faut-il pour changer de modèle ? Bien sûr, il faut le faire prudemment.
« Le bon sens fait des hommes capables », disait Napoléon. Et les agriculteurs n'en manquent pas. Il est temps que notre pays soit à nouveau fier de son agriculture. Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, écoutez le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et Les Indépendants)
M. Jean-Paul Émorine. - Bravo !
M. Michel Raison, rapporteur . - Toutes les interventions vont dans le même sens, sauf une, celle de Noëlle Rauscent, que je remercie pour la bienveillance de son intervention.
Étant donné, monsieur le ministre, vos qualités lorsque nous étions collègues, nous espérons, madame la présidente et moi, que vous changiez d'avis.
Avant la loi EGalim, les prix étaient négociés, monsieur le ministre. La loi EGalim inverse simplement la construction des contrats en introduisant la notion de prix de revient.
Vous fondez votre analyse sur les travaux d'économistes qui semblent avoir beaucoup travaillé... dans leur bureau. Vous écoutez les syndicats ? Vos collègues le font-ils de la même façon ? Ce n'est peut-être pas rassurant dans d'autres domaines, comme celui des retraites... (Sourires)
Vous parlez de 2020 ; mais ce que nous proposons, c'est de régler simplement un problème en agissant à la marge sans déstabiliser le texte de loi.
Parlons du lapin ; nous avons visité des lieux de production en Vendée. Les PME et TPE de cette filière sont en très grande difficulté. Sur quels critères prendrez-vous des mesures de dérogations ? Agirez-vous avant la cessation de paiement ?
Ce que nous souhaitons, c'est que les entreprises en amont ne licencient pas en prévoyant une perte de ventes. Nous pouvons régler cette situation en cinq minutes.
M. Didier Guillaume, ministre. - Vous oubliez la navette.
M. Michel Raison, rapporteur. - Lorsqu'il y aura des faillites et des licenciements, les entreprises vous reprocheront votre inaction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. le président. - J'appelle chacun à la concision, les voeux de M. le président du Sénat étant prévus à 18 h 30.
M. Didier Guillaume, ministre . - Il est un peu rapide d'imputer au Gouvernement la responsabilité des licenciements dans les entreprises agro-alimentaires. La loi EGalim ne fixe pas les prix mais des indicateurs, à la demande des syndicats.
Nous ne sommes pas dans une économie administrée. Le Gouvernement, avant que j'y entre, a repoussé la solution de prix plancher.
Je n'ai jamais parlé d'économistes dans leur bureau ou non. Je suis simplement inspiré par le pragmatisme pour résoudre les problèmes. Or l'attitude du Gouvernement est beaucoup plus efficace que ce que vous proposez.
Dès demain, sans attendre un vote conforme à l'Assemblée nationale, la DGCCRF donnera des dérogations, au cas par cas. Nous pensons que la loi n'est pas nécessaire.
Nous attendons de surcroît septembre, après qu'un bilan aura été dressé cet été, pour modifier la loi EGalim.
Des entreprises ont déjà demandé à la DGCCRF des dérogations qui ont été accordées. Certes, la loi EGalim ne permet pas encore de faire progresser le revenu des agriculteurs. Si les négociations commerciales en cours n'y changent rien, il sera bien temps d'y remédier, après les deux années d'expérimentation.
Votre choix est intéressant ; nous en partageons l'objectif, mais pas les modalités.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques . - Vous êtes donc d'accord avec nous ! Pour que les choses soient très claires pour toutes les entreprises et filières qui nous ont contactés : vous les invitez à envoyer un courrier à la DGCCRF et au ministère de l'Agriculture pour obtenir une dérogation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Je ne pense pas que ces dérogations soient solides juridiquement. C'est pour cela que nous avons déposé cette proposition de loi. (Même mouvement)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Antoine Lefèvre . - Nous avons du bon sens et les pieds sur terre. Peu de lois, comme la loi EGalim, n'ont autant renié le monde agricole. Ses mesures n'ont pas produit les effets escomptés, bien au contraire. L'habilitation à légiférer par ordonnances, que nous avons combattue, a empêché le débat. À l'issue du délai de deux ans fixé pour l'expérimentation, il sera trop tard. Veillons à ce que le proverbe russe « Les disputes des seigneurs se lisent sur le dos des paysans », ne se transforme pas en « les disputes de la grande distribution se lisent sur le dos des paysans ».
M. Daniel Gremillet . - Le Sénat n'a pas été chercher les entreprises, il est allé sur le terrain. Les deux filières que nous avons mentionnées, du lapin et du foie gras, sont déjà dans EGalim. Elles fixent des indicateurs tous les trimestres. Ces deux filières exemplaires qui font vivre les familles seront demain, si vous ne faites rien, en grande difficulté.
Vous avez vécu comme nous la grippe aviaire. Les entreprises productrices de foie gras se sont endettées, ont fait d'énormes travaux, et subissent des baisses de volumes de 25 % à 30 %.
La semaine dernière, lors de notre réunion, aucune entreprise n'a annoncé avoir été contactée par la DGCCRF. Sur quel fondement juridique, comptez-vous attribuer des dérogations ? Vous ouvrez la voie à des contentieux énormes !
Je tiens à remercier la présidente et les membres de la commission des affaires économiques pour leur réactivité. Monsieur le ministre, dès avant la fin des négociations commerciales pour 2020, si vous voulez, vous pouvez ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. Laurent Duplomb . - Le plus simple, monsieur le ministre, c'est de changer la loi : ainsi plus besoin de dérogations, plus de contentieux, les choses seront claires !
La réalité de votre Gouvernement sur tant de sujets, c'est que vous refusez de revenir en arrière, mais ne cessez de reculer : vous avez inventé le nouveau terme de subdélégation pour l'eau et l'assainissement, vous reculez sur les retraites, et personne n'y comprend plus rien...
Ce que vous dites aux agriculteurs, c'est : mourez avant la fin de l'expérimentation, et en silence ! C'est inadmissible. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
L'article 3 est adopté.
À la demande de la commission des affaires économiques, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°64 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 312 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Prochaine séance mercredi 15 janvier 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 18 h 55.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication