Offensive militaire au nord-est de la Syrie
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à l'engagement résolu de la France en faveur de toute initiative concertée au niveau européen ou international visant à mettre un terme à l'offensive militaire menée par la Turquie au nord-est de la Syrie, présentée par MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Christian Cambon et Rémi Féraud (à la demande du groupe Les Républicains).
Discussion générale
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure où je vous parle, nous ne savons pas ce que va devenir l'accord de cessez-le-feu. S'il va à son terme, il signifiera la fin de la présence kurde à la frontière nord-est de la Syrie. Les trahisons profitent rarement à leurs auteurs. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam le confirme.)
Daech est né du chaos suscité par l'intervention américaine en Irak - je salue Jacques Chirac qui en a préservé la France (M. Christian Cambon renchérit.) et du retrait précipité des troupes américaines par Barack Obama.
Pendant des mois et des mois, la Turquie a encouragé le financement de Daech en laissant passer les camions chargés de fûts de pétrole et en laissant entrer les apprentis djihadistes en provenance d'Europe.
Aujourd'hui, les Américains, et nous aussi, sommes tentés d'abandonner le peuple kurde. C'est intolérable. Avant que je ne mette les pieds sur le Kurdistan irakien, les Kurdes étaient à mes yeux un peuple de combattants. C'était une nation sans État. Et puis, il y a eu Erbil, Kobané, Raqqa. Erbil, en août 2014, c'était une main tendue des Kurdes à toutes les minorités que Daech tentait d'éradiquer. Ensuite, Kobané marqua la formidable résistance des Kurdes, notamment des femmes kurdes, ces Antigones modernes. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam renchérit.) Enfin, sans les Kurdes, nous n'aurions pas repris Raqqa. La pointe avancée de la lutte entre la civilisation et la barbarie islamique n'était pas incarnée par la coalition internationale, mais par nos amis Kurdes.
À l'heure où les Kurdes se tournent vers nous, qu'allons-nous leur dire ? L'offensive turque est moralement injustifiable - c'est un nettoyage ethnique avec son cortège d'horreurs - (Mme Sylvie Goy-Chavent renchérit.) et politiquement irresponsable en encourageant la résurgence de Daech. Chaque semaine qui passe voit de nouveaux attentats. En outre, 10 000 djihadistes, dont 500 Français, étaient emprisonnés par les Kurdes. Que vont-ils devenir ?
Cette résolution affirme solennellement que les Kurdes ont payé le prix du sang pour nous.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Nous voulons aussi rappeler au Gouvernement certains principes. La France se serait ainsi honorée de rappeler son ambassadeur à Ankara. Les symboles comptent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du groupe SOCR) Nous aurions dû suspendre le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Comment imaginer que ce pays intègre l'Union dans ces conditions ? Qui peut penser que son avenir est en Europe ?
Nous devons tout faire pour faire cesser cette offensive et permettre d'acheminer l'aide humanitaire à toutes les populations, sans exclusive.
Pour l'avenir, je fais trois propositions. La coalition doit actualiser sa stratégie. Comment voulons-nous combattre Daech ? Depuis le dernier quinquennat, la France s'est totalement alignée sur la stratégie américaine. Elle doit retrouver son chemin de crête en redevenant une puissance de dialogue au service de la paix. Elle doit parler à la Russie comme à la Syrie. Nous nous sommes fourvoyés en coupant tout contact avec ce pays, même si personne ne justifie les menées de ce régime. Nous devons retrouver une diplomatie conforme à ce que nous sommes.
L'Union européenne, quant à elle, doit renoncer à la culture de l'impuissance et acter ses divergences avec les États-Unis. L'Amérique que nous avons aimée, qui nous a libérés, n'est plus un partenaire fiable. Tirons-en les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, RDSE et SOCR)
M. Pierre Laurent . - Nous souscrivons avec l'intention de principe de la proposition de résolution et condamnons fermement l'offensive turque rendue possible par le feu vert de Donald Trump. Mais cela ne suffira pas à arrêter le régime d'Erdogan.
À quelques heures de la fin du cessez-le-feu, notre inquiétude est à son comble. Erdogan a refusé de le prolonger, comme l'avait demandé Emmanuel Macron à Vladimir Poutine. La pression doit s'amplifier pour éviter le pire.
Nous devons placer les Kurdes sous protection. La France doit demander en urgence une nouvelle réunion du Conseil de sécurité à cet effet, mais elle n'est pas à la hauteur du péril. Tout se passe comme si nous lâchions les Kurdes, les forces démocratiques syriennes et les populations civiles, à la merci des bombardiers turcs.
Erdogan veut liquider physiquement l'expérience laïque et démocratique du Rojava. Les protagonistes semblent hélas acter la disparition d'un territoire kurde.
Où sont les sanctions politiques et économiques contre la Turquie ? Erdogan a redoublé ces derniers jours la répression contre les Kurdes en territoire turc.
Face à ces nouvelles alarmantes et concordantes, Emmanuel Macron a annoncé au Conseil européen une éventuelle rencontre à Londres entre Boris Johnson, Angela Merkel, lui-même et Erdogan. Mais pour quoi faire ? Colmater les brèches et reconstituer une coalition avec celui-là même qui massacre les Kurdes et les forces démocratiques syriennes ? Ces hypocrisies doivent cesser.
Nous restons enlisés dans l'OTAN, avec des alliés qui nous ont tourné le dos. La France doit retrouver une voix indépendante dans le monde, notamment pour apporter un soutien sans faille aux acteurs humanitaires. Les civils, en effet, se trouvent en première ligne de l'avancée turque. Ils risquent de devoir à nouveau partir. Mais vers quel nouvel enfer ? La France doit agir sans tarder aux côtés de ces ONG.
Je voudrais aborder une question plus difficile : puisque la résolution s'inquiète du sort des djihadistes, je veux dire mon incompréhension devant la démarche de notre ministre des Affaires étrangères qui a voulu marchander le gardiennage des djihadistes français avec l'Irak. Est-ce digne de la France ?
Le coordinateur des juges antiterroristes l'a dit : nous sommes armés judiciairement pour prendre nos responsabilités. Et que dire des enfants de ces djihadistes français - au nombre de 300 dont la plupart ont moins de 5 ans, protégés pourtant par tous les traités internationaux. Qu'attendons-nous ? Leur mort lente ou leur retour dans les griffes de Daech ?
Nous voterons cette résolution le coeur serré car l'heure est à l'action, pas aux mots ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) La Turquie a lancé le 9 octobre l'opération « Source de paix » - quel paradoxe - dans le Kurdistan syrien. Ankara dit vouloir protéger sa frontière contre les terroristes. Pourquoi un pays ami, membre de l'OTAN et de la coalition internationale contre Daech, engage-t-il une intervention unilatérale ?
Ces dernières années, le comportement d'Ankara a changé. Alors que le pays est membre de l'OTAN et candidat à l'Union européenne, son dirigeant a déclaré hier : « Tout l'occident s'est rangé aux côtés des terroristes et ils nous ont attaqués tous ensemble. Parmi eux les pays de l'OTAN, les pays de l'Union européenne. Tous ». Ce n'est pas parce qu'un djihadiste est français que tous les Français sont des terroristes, il en est de même pour les Kurdes.
Cette invasion risque de tourner au massacre. Une enquête de l'Office pour l'interdiction des armes chimiques a été ouverte vendredi dernier : du phosphore blanc aurait été utilisé contre les Kurdes.
Cette offensive est injustifiable car elle a lieu contre des alliés qui luttent contre Daech. Les Kurdes se sont battus pour défendre leur territoire et ont largement contribué à la défaite de l'État islamique. Bien sûr, comme l'a cyniquement rappelé le président Trump, ils se sont battus pour leur survie, mais aussi, en 2014, pour sauver les 50 000 Yézidis coincés sur le mont Sinjar. La sécurité de notre pays leur doit aussi beaucoup.
Cette offensive est injustifiée car elle se fait contre ceux que la Turquie avait déjà abandonnés aux coups des djihadistes. Souvenons-nous du siège de Kobané en 2014 : pendant le premier mois, pas de réaction turque. Pire encore, la Turquie en fermant sa frontière empêchait les secours d'arriver aux Kurdes.
À cette époque déjà, la Turquie avait tenté d'obtenir, en échange de l'ouverture de sa frontière, la création d'une zone tampon large de 20 kilomètres le long de sa frontière syrienne. L'offensive actuelle porte le même objectif en augmentant cette zone tampon à 30 kilomètres.
La situation du Kurdistan syrien est complexe. Le principe d'intangibilité des frontières doit être respecté, comme celui de l'autodétermination des peuples. Le Kurdistan, c'est 40 à 50 millions de personnes réparties entre quatre pays. Pour rappel, la Syrie compte 20 millions d'habitants, et l'Irak 40 millions.
Les Kurdes sont des alliés efficaces, fiables et loyaux. Nous ne voulons pas voir l'éloignement des Turcs ni celle des États-Unis. La volte-face américaine est surprenante et ne fait que confirmer la nécessité d'une autonomie stratégique européenne.
L'Union prend conscience qu'elle doit affronter cette situation sans l'appui des États-Unis, puisque Donald Trump poursuit la stratégie initiée sous Barack Obama, à savoir le désengagement américain du Moyen-Orient.
L'Europe est tombée dans le piège de la sous-traitance : celle des djihadistes et des réfugiés, ce qui ouvre la voie à tous les chantages.
L'Europe n'est malheureusement pas unie, souffrant du soutien hongrois à la Turquie.
La Revue stratégique avait mis en évidence l'instabilité et l'insécurité qui caractérisent notre XXIe siècle. Nous y sommes dans bien des domaines.
Si l'Europe ne prend pas ses responsabilités, l'histoire de l'humanité s'écrira sans elle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Christian Cambon et Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)
M. Alain Cazabonne . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après l'annonce du retrait des troupes américaines par le président Trump, des militaires et supplétifs turcs ont pénétré sur le territoire syrien mercredi dernier, du fait du retrait américain.
Il s'agit d'une faute morale, stratégique et politique. Comme le disait Churchill en 1938 aux négociations de Munich : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». (M. Christian Cambon le confirme.)
L'Union européenne a exigé l'arrêt de l'offensive et le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence, jeudi 10 octobre, mais sans résultat concret.
Cette offensive soulève de nombreuses inquiétudes, à propos des 10 000 prisonniers djihadistes et des trois millions de réfugiés syriens en Turquie qui pourraient être poussés à venir en Europe.
Ce nouvel épisode du conflit syrien est en outre lourd de conséquences pour l'équilibre global des puissances. En effet, l'attaque par la Turquie de forces alliées aux Américains et soutenues par une coalition occidentale n'a pas manqué de jeter le trouble dans l'Alliance Atlantique, dont sont membres à la fois Washington, Ankara et nous autres Européens. Elle met donc dangereusement en évidence les failles du camp occidental.
Que vaut la protection américaine ? Que valent les engagements américains, depuis 2013, lorsque le président Obama n'avait pas mis ses menaces à exécution malgré l'usage d'armes chimiques ?
Le grand gagnant dans ce conflit est le président Poutine. Les Kurdes ont dû passer un accord avec leur ennemi d'hier, l'armée de Damas, qui est venue se placer le long de la frontière nord. Si les médias ont montré les négociations entre Américains et Turcs pour le cessez-le-feu, c'est en réalité Vladimir Poutine qui est à la manoeuvre.
Cette résolution va dans le bon sens. Mais il ne s'agit que de mots. L'engagement de l'Europe n'est toujours pas à la hauteur. Les Américains avaient 2 000 soldats sur place en première ligne. Mais ce qui intimidait, ce n'était pas tant le nombre de ces soldats que la présence d'une puissance capable de frappes de loin et forte d'une volonté militaire. Lorsque nous sommes forts, les mots parlent pour nous ; lorsque nous sommes faibles, nos mots sont de faible poids.
Espérons que ce conflit achèvera de convaincre ceux qui doutent de l'urgence d'une défense et d'une diplomatie européenne. C'est au creux de la vague quand les sécurités se dissolvent qu'il faut affirmer ce que l'on veut faire. Que fera l'Europe ? Une défense européenne est-elle à faire à 4, à 6, a-t-elle besoin de l'accord des 27... ou des 28 ? Quel commandement ? Face à ces difficultés, je citerai un proverbe chinois : « un voyage de 1 000 lieues commence par un premier pas ». Je souhaite que la France fasse ce premier pas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Christian Cambon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) L'offensive turque marque un tournant pour la région, pour l'Europe, pour la France. Les présidents turc et américain ont agi pour des raisons de politique intérieure ; mais les conséquences seront internationales et géopolitiques. À court terme, la trahison par les Américains de nos alliés Kurdes remet en selle Daech.
Sur le moyen terme, ce tournant marque la victoire du régime de Bachar el-Assad et de ses soutiens iranien et russe ainsi que la fin du processus de Genève et de l'espoir d'une solution politique à la guerre civile syrienne. Il marque le retrait des Américains du Moyen-Orient, qui laissent leur rôle à la Russie. Ils ont livré le Moyen-Orient sur un plateau aux présidents Poutine et Rohani.
La portée de l'onde de choc de ce séisme est encore difficile à mesurer, mais elle sera à coup sûr considérable.
Deuxième effet de moyen terme : l'éloignement de la Turquie de l'Europe. En faisant le jeu russe, en attaquant nos alliés kurdes, en permettant la résurgence de Daech et en nous menaçant d'un chantage aux réfugiés, la Turquie est entrée en isolement. Après la remise en cause des libertés publiques, après l'achat des systèmes de défense anti-aérienne à la Russie, après les forages illégaux au large de Chypre, la Turquie achève de tourner le dos à l'Europe. Là encore, les conséquences seront très lourdes.
Enfin, à long terme, cette crise est le fruit du « pivot stratégique » américain annoncé par Barack Obama et accéléré par Donald Trump : l'Europe et le Moyen-Orient ne sont plus des priorités stratégiques pour les États-Unis. Ce retrait américain laisse apparaître l'Europe dans toute sa faiblesse stratégique et pose une forte question à l'OTAN.
Aujourd'hui, l'OTAN n'a aucune autonomie par rapport aux États-Unis, comme l'a illustré l'indigence des réponses que son secrétaire général, M. Stoltenberg, avait à présenter lorsque je l'ai interpellé à Londres sur ce sujet il y a une semaine. Pourtant, à part les États-Unis et la Turquie, l'ensemble des alliés condamnait cette attaque. Pouvons-nous agir sans les Américains ?
Puissent ces événements accélérer une prise de conscience chez certains de nos partenaires qui ont douté jusqu'à présent que l'Europe doive un jour se défendre seule. Il n'y a plus de dichotomie entre une Europe de l'Ouest, préoccupée par le flanc sud, et de l'Est, préoccupée par la frontière orientale. Aujourd'hui, nous constatons tous que cette opposition n'a plus lieu d'être. L'acteur principal aujourd'hui en Syrie, celui devant qui les États-Unis ont choisi de s'effacer, c'est la Russie. Ce qui se passe en Syrie a des conséquences pour l'Europe, tout comme ce qui se passe en Irak, au Sahel, en Ukraine ou en Géorgie. C'est d'ailleurs pour cela qu'il convient de parler à la Russie.
À l'heure où prévalent l'égoïsme et le court-termisme électoraliste, où le jeu des puissances broie le droit international et les populations civiles, ceux qui ne seront pas capables de se défendre par eux-mêmes seront trahis, abandonnés et soumis. L'enjeu, c'est que l'Europe ne sorte pas de l'histoire. (M. Bruno Retailleau approuve et applaudit ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Tout nous porte à secourir les Kurdes : l'honneur mais aussi le souci de notre sécurité. À court terme pour freiner le retour de Daech, et à long terme pour redéfinir l'architecture d'une sécurité collective.
Je salue le consensus politique large que cette proposition de résolution recueille. Nous parlons d'une voix forte et unie, car il y va de l'honneur et de la sécurité. (Applaudissements)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il y a des moments rares pour un pays où un simple choix peut faire basculer dans l'honneur ou le déshonneur. Nous vivons un tel moment.
Depuis 2011, la Syrie est en guerre civile. Dans l'intervalle, notre pays, comme d'autres, a été durement touché par le terrorisme de Daech. Déjà en 2013, avant Trump, le retrait américain nous avait empêchés d'agir contre les crimes d'Assad et de réduire Daech. Fermer les yeux, c'est trois fois irresponsable, car c'est mettre en danger notre sécurité, c'est trahir les Kurdes, c'est donner le pouvoir à Assad.
Si les États-Unis ont une responsabilité évidente, ne rien faire serait pour la France profondément déshonorant.
Or la France agit peu. L'embargo sur les armes est peu de chose. Or nous pouvons faire quelque chose, nous avons des alliés. Nous aurions alors les honneurs de la communauté internationale, comme en 2004 lorsque le président Chirac s'était illustré en refusant de s'engager dans une guerre dangereuse et sans fondement.
Il est temps que notre pays agisse. Le Gouvernement de la France doit tenir compte de cette résolution et agir, même tardivement.
Notre pays peut remercier le peuple kurde pour le combat courageux mené au sol contre Daech. Notre pays a une dette envers les Kurdes qui ont sacrifié des milliers de vies. Nous ne les remercierons jamais assez et surtout pas en les abandonnant.
M. Bruno Retailleau. - Très bien !
M. Patrick Kanner. - Notre pays doit porter le sujet devant l'Union européenne et l'ONU : la zone tampon doit être rétablie. Les récents combats ont tué des centaines de personnes et en ont déplacé 300 000, sans compter les 3,5 millions de réfugiés syriens en Turquie - la situation va devenir inextricable si nous n'agissons pas rapidement !
À force d'intérioriser une forme d'impuissance, la France, l'Europe, la communauté internationale, traumatisées par la guerre en Irak, sont devenues passives. Ce mutisme croissant face aux violations du droit international, cette lente agonie de résolutions non appliquées n'apportent rien de bon. La France a un rôle primordial à jouer en Europe. Il y va de notre crédibilité, de notre honneur et de la paix mondiale. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et UC et sur quelques travées du groupe CRCE)
M. Jean-Noël Guérini . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Chaos, impuissance et colère. Depuis le 9 octobre, nous commentons l'offensive turque en Syrie par ces mots. La France et l'Europe sont ravalées au rang de spectateurs passifs. Avec l'offensive turque, favorisée par le feu vert américain, Vladimir Poutine apparaît comme le maître du jeu.
Sur le plan humanitaire, les populations civiles sont menacées, ballotées. Pas moins de 130 000 déplacés, et je ne compte pas les morts... Bilan provisoire, compte tenu de l'implication de milices motivées par une soif sanguinaire de vengeance... Nous gardons à l'esprit les massacres de civils, le commerce de femmes, les pillages, les déplacements forcés commis au nom de l'obscurantisme mortifère porté à son paroxysme par Daech.
On mesure là l'irresponsabilité des présidents Trump et Erdogan. Ce dernier se dit prêt à « écraser les têtes des terroristes ». Mais sa déclaration vise les Kurdes, nos alliés, avec lesquels nous avons gagné la bataille contre Daech !
Le traité de Lausanne de 1923 et la naissance de la Turquie moderne kémaliste ont enterré la promesse d'un Kurdistan autonome. En visant le nord-est de la Syrie, qu'il considère comme la base arrière du PKK, Erdogan, fragilisé, a choisi la fuite en avant.
Nous avons un devoir moral envers nos frères d'armes kurdes. Les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) ont permis, avec les forces de la coalition internationale, de détruire la tentative d'organisation territoriale de Daech.
Sur le plan sécuritaire, la calamiteuse opération turque menace nos propres intérêts car, le Premier ministre l'a rappelé, elle fait courir le risque d'une résurgence des forces de Daech. La zone compte près de 10 000 djihadistes, dont 2 000 prisonniers. La France souhaite voir les djihadistes français jugés en Irak. Il nous faut des garanties quant à la capacité de l'Irak à juger ces personnes, et éviter les évasions dans le contexte actuel. Des familles de djihadistes se seraient échappées du camp d'Ayn Issa. Combien de combattants ont pu également profiter du désordre créé par l'offensive turque ?
Le sort des 3,5 millions de réfugiés ne concerne pas que la Turquie, nous rappelle le président Erdogan, qui menace de nourrir la crise migratoire européenne. L'aide financière de l'Union européenne ne semble pas suffire à Ankara qui voit dans son offensive un moyen de relocaliser ces réfugiés.
Que dire des palinodies de l'Union européenne qui, une fois de plus, n'est pas parvenue à un accord sur la suspension des contrats d'armement vers la Turquie, mesure pourtant bien symbolique.
Quant aux sanctions économiques, elles affecteraient d'abord l'Allemagne et la France.
Pour autant, devons-nous rester les bras croisés et laisser la brutalité l'emporter sur la diplomatie et la raison ? Non ! Nous avons péché de ne pas avoir suffisamment porté auprès du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'Union européenne les propositions politiques indispensables à la sortie des conflits.
À l'évidence, jusqu'aux élections de novembre 2020, les Américains se retireront des zones d'intervention pour mieux se recroqueviller sur leurs problèmes intérieurs.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Jean-Noël Guérini. - Les Kurdes en appellent au régime de Damas pour leur survie. Nous avons souvent rappelé que Bachar el-Assad resterait hélas la solution, malgré notre attachement aux droits de l'Homme...
Face à l'asservissement et à la tyrannie, répondons démocratie, courage, responsabilité et espoir. Le RDSE partage les préoccupations de cette résolution et la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Bernard Cazeau . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Ce débat est l'occasion de nous prononcer sur l'offensive sanglante menée par la Turquie contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie. L'émotion est vive alors que l'accord de trêve prend fin dans six heures, avec une issue incertaine.
Notre groupe condamne l'opération militaire turque, flagrante violation du droit international rendue possible par le retrait des forces américaines. C'est une faute politique, morale et stratégique, aux conséquences humanitaires dramatiques. On compte déjà 166 000 déplacés, dont 60 000 enfants.
C'est aussi une trahison, car elle est menée contre les Kurdes, nos alliés au sein de la coalition internationale contre le terrorisme dont la Turquie fait partie. Sans leur aide décisive, sans leur sacrifice, nous n'aurions pu aboutir aussi vite à la fin de la bataille territoriale contre Daech et à la libération de l'Irak. Nous leur témoignons notre solidarité. Quelle crédibilité accorder à une alliance militaire si elle débouche sur une telle trahison ?
Enfin, cette offensive est une faute stratégique qui sape cinq années de combats pour la stabilisation de la région. Nous sommes soucieux de la sécurité des camps de détenus djihadistes et des prisons à proximité de la frontière. Le risque de résurgence de Daech sur les cendres de ce chaos est élevé, et la Turquie en porte la responsabilité.
La trêve a été négociée en l'absence des principaux acteurs concernés, entérinant une capitulation face aux revendications turques. Avec l'inconstance du président Trump, c'est la crédibilité occidentale, celle de l'Alliance Atlantique, du monde libre face au totalitarisme qui en ressort affaiblit. La Russie et l'Iran, eux, apparaissent comme une alternative crédible.
Cette situation doit pousser à un réveil des consciences en Europe. Nous ne pouvons plus laisser l'Histoire se faire sans nous. L'Europe a besoin d'autonomie stratégique, comme le prône le président de la République à travers son agenda de renforcement de la souveraineté européenne.
Notre groupe sait le Gouvernement déterminé à s'engager en faveur de toute initiative concertée au niveau européen ou international visant à mettre un terme à l'offensive militaire turque et soutiendra donc cette proposition de résolution. Nous devons multiplier les efforts diplomatiques dans le cadre de l'Union européenne, de l'OTAN et du Conseil de sécurité. La voie diplomatique est la seule possible.
Le président de la République a annoncé une initiative commune avec la chancelière allemande et le Premier ministre britannique afin de rencontrer le président turc en décembre, en marge du sommet de l'OTAN. Espérons que cette démarche permettra d'avancer dans la résolution de ce conflit. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe UC)
M. Jean Louis Masson . - Si nous sommes devant une situation inextricable au Moyen-Orient, ce n'est pas seulement la faute des pays concernés, mais surtout celle des pays occidentaux.
Pourquoi l'État islamique s'est-il développé, sinon parce que les États-Unis ont engagé une guerre d'agression contre Saddam Hussein ? Je ne le défends pas - il n'était pas parfait. Mais avec lui, nous étions plus tranquilles qu'avec Daech. (M. Bruno Sido le reconnaît.) Si on ne l'avait pas renversé, des centaines de milliers de personnes n'auraient pas été tuées. (Mouvements divers)
La chienlit en Irak, c'est la faute de ceux qui sont allés y faire la guerre. La chienlit en Libye, c'est la faute de l'intervention de M. Sarkozy pour renverser Kadhafi ! Je ne connais pas ses mobiles réels, mais si la Libye de Kadhafi était une dictature, ce n'était rien par rapport à la situation actuelle !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Parlez du sujet !
M. Jean Louis Masson. - L'État islamique, c'est 400 000 morts en Syrie, un État déstabilisé, aux mains des milices - parce que certains pays occidentaux ont voulu, avec la Turquie, renverser le régime syrien, qui n'était certes pas parfait, mais là encore, préférable à la situation actuelle.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Raqqa !
M. Jean Louis Masson. - Merci aux États-Unis pour l'Irak, à M. Sarkozy pour la Libye, à M. Hollande qui a tout fait pour torpiller le régime de Bachar el-Assad. (M. Jean-Marc Todeschini proteste ; on s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains.) Et le Gouvernement actuel poursuit dans la même logique.
Les deux pays à l'origine de tous les problèmes au Moyen-Orient sont ceux à qui nous vendons des armes : la Turquie et l'Arabie saoudite. C'est inadmissible.
M. Jean-Pierre Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le retrait brutal des forces américaines et l'offensive turque marquent une nouvelle étape dans un conflit vieux de huit ans. Le désengagement américain avait déjà été évoqué par le président Obama, mais son successeur le met en oeuvre avec brutalité et précipitation. Rarement une escalade politico-militaire n'aura provoqué autant d'effets collatéraux... L'OTAN ne pourra pas rester silencieuse face aux événements engagés et aux interrogations qui en résultent.
Les conflits de Syrie et d'Irak ont montré l'importance cruciale de l'unité et de l'intégrité territoriale de ces pays. La frontière nord de la Syrie porte le poids de l'histoire, des accords Sykes-Picot et du traité de Lausanne. Tout doit être fait pour que l'opération turque visant à installer une zone tampon ne soit pas un prétexte pour porter atteinte à l'intégrité territoriale de la Syrie. Il en va de la sécurité des Kurdes, des populations du nord de la Syrie dans toutes leurs composantes ethniques et religieuses.
Les événements de Kobané ont brutalement rappelé que, pour les Turcs, le principal ennemi est le PKK, bien avant Daech. Après l'opération Bouclier de l'Euphrate en 2016, l'offensive d'Afrin a conforté la volonté de contrôle de la Turquie sur cette bande frontalière. L'offensive du 9 octobre procède de la même logique. L'argument selon lequel il s'agirait d'y installer des réfugiés parait peu crédible. Vu le prix du sang versé par les combattants kurdes dans la guerre contre Daech, nous leur devons au moins la sécurité. L'accord qu'ils ont été conduits à trouver avec les autorités syriennes ne leur apporte pas les garanties nécessaires. Nous devons tout faire pour mettre un terme à l'engagement militaire turc, et protéger les populations.
Quelques dizaines de milliers de prisonniers djihadistes se trouvent au nord-est de la Syrie. Leur dispersion aurait des conséquences graves pour notre sécurité. Selon le ministre Le Drian, ils relèvent de la justice irakienne. Mais quid des enfants et des femmes non combattantes ? Entre syndrome de Guantanamo et retour des terroristes dans leur pays d'origine, l'enjeu sécuritaire, au-delà de l'aspect humanitaire, impose des décisions politiques courageuses.
Dans ce conflit, l'Union européenne aura été la grande absente, hormis un embargo qui fait surtout souffrir la population syrienne, comme nous le disait en audition le président du Comité international de la Croix-Rouge.
L'Europe, et surtout la France, doivent prendre leur part. Lors de son arrivée à l'Élysée, Emmanuel Macron défendait une ligne gaullienne, entre les États-Unis et la Russie. Ce fut la toile de fond de son discours aux ambassadeurs. Ce soir, Poutine et Erdogan se rencontreront. Il faut que s'ouvre une nouvelle page.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Pierre Vial. - La France est attendue. Il y a le temps des paroles et le temps des actes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La semaine dernière, nous avons été nombreux à interpeller le Gouvernement sur la réponse de la France à l'offensive turque, en violation du droit international. L'ultime volte-face de Trump confine à la trahison. En visant les Kurdes, le président turc a mis à mal une situation fragile, menaçant notre sécurité en permettant la résurgence du terrorisme islamique. N'oublions pas que les supplétifs de l'armée turque sont des milices islamistes.
Je remercie le président Retailleau d'avoir pris l'initiative de cette proposition de résolution, que j'ai cosignée avec les présidents Kanner et Cambon, qui engage la France dans la recherche d'une sortie à cette situation dramatique, injuste et dangereuse.
Certes, la situation géopolitique est complexe. Le nord-est syrien est au carrefour de toutes les influences qui s'exercent au Moyen-Orient. Les présidents Trump et Erdogan sont guidés par des raisons de politique intérieure, l'Iran constitue un axe chiite porteur de graves conflits, la Russie poursuit une politique cynique et brutale de soutien au régime syrien, tandis que l'Europe reste faible de ses divisions et de son manque d'ambition. Le lâchage des Kurdes les contraint à un marché de dupes avec le régime syrien sous l'égide de la Russie.
Seule la France et l'Allemagne peuvent entraîner l'Europe pour affirmer la défense de ses valeurs, de ses alliés et de ses intérêts. Sanctions économiques contre la Turquie, actions contre les dirigeants turcs détenant des avoirs à l'étranger, saisine du Conseil de sécurité de l'ONU, suspension de la Turquie de l'OTAN, arrêt des négociations d'adhésion à l'Union européenne : les leviers ne manquent pas, or nous n'en utilisons aucun. La demande de réunion de la coalition internationale est insuffisante.
La résolution 688 du Conseil de sécurité de l'ONU, âprement négociée par le président Mitterrand, instaurait déjà, en avril 1991, une zone d'exclusion aérienne pour protéger les populations kurdes. Aujourd'hui, les symboles manquent. Le Gouvernement n'a même pas rappelé son ambassadeur en Turquie !
Erdogan comprend très bien le langage de la faiblesse. La France doit reprendre l'initiative. Il est encore temps d'éviter à la fois la guerre et le déshonneur. Notre groupe votera cette résolution avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères a prévu de longue date de se réunir pour examiner le budget de votre ministère à 17 h 15, M. Le Drian ayant un horaire contraint. Nous nous éclipserons donc, n'y voyez pas un manque d'intérêt pour ce grave sujet.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Je remercie la Haute Assemblée pour sa prise de position. Nous partageons l'appel à respecter la résolution 2254 de l'ONU, à une solution politique, à une vigilance absolue face au risque d'une résurgence de Daech, à un engagement résolu de la France, à une action humanitaire.
Depuis le 9 octobre, nous sommes face à deux actes unilatéraux : le retrait américain et l'offensive turque, concomitants, de nature à remettre en cause les efforts menés depuis cinq ans contre Daech, et à raviver la menace terroriste en France et en Europe.
La trêve expire dans quelques heures. Les forces turques contrôlent une bande de 120 kilomètres de large et de 30 kilomètres de profondeur dans le territoire syrien. La route M4, reliant l'ouest à l'est de la Syrie, à 30 km de la frontière, est coupée. Les accrochages s'y multiplient. Les États-Unis ont négocié cette trêve mais son issue est incertaine, et ils n'ont pas tracé de perspectives pour la suite. Par conséquent, le régime syrien a repris pied avec l'appui des Russes. Ce soir, Erdogan rencontrera Poutine à Sotchi.
La conséquence, c'est 176 000 déplacés, un risque d'afflux de réfugiés vers le Kurdistan irakien, une incertitude sur l'avenir des prisonniers djihadistes.
Les FDS se veulent rassurantes mais l'accélération du retrait américain n'est pas de bon aloi, et le général Mazloum indique d'ailleurs que sa posture sera dorénavant uniquement défensive. Nous avons porté un coup à leur engagement alors qu'ils étaient offensifs contre Daech. De facto, ce retrait place la Syrie sous l'influence des pays au format dit d'Astana, Russie, Turquie et Iran, qui veulent écarter les Occidentaux de la table des négociations. L'offensive turque est donc un tournant majeur dans le conflit syrien.
Le premier enjeu est sécuritaire : après sa défaite territoriale, Daech, désormais organisé de manière plus diffuse et clandestine, risque de tirer parti du chaos. Un attentat a eu lieu le 9 octobre à Raqqa, ville d'où étaient dirigés les attentats contre la France. Après une attaque à Kamichi il y a deux jours, le drapeau de Daech y a de nouveau flotté, même fugitivement.
La France a appelé à une réunion de la coalition le plus rapidement possible car il faut actualiser notre stratégie.
La deuxième conséquence est humanitaire : 176 000 personnes ont été jetées sur les routes de l'exode, alors qu'il y a déjà 6,6 millions de déplacés internes et 5 millions de réfugiés. Les hôpitaux sont saturés. Le Kurdistan irakien risque d'être déstabilisé.
Monsieur Guerriau, vous évoquiez le « phosphore blanc ». La lutte contre l'impunité doit être générale. Le 14 octobre, nous avons réuni les ONG et débloqué plus de 10 millions d'euros pour l'achat de tentes, de nourriture et d'eau. Nous les réunissons de nouveau demain à 17 heures. Certaines prévisions font état de 250 000 réfugiés potentiels. Nous ne céderons pas au chantage turc sur les conséquences migratoires ; cette instrumentalisation du malheur est inacceptable.
Troisième enjeu : la stabilité régionale. Cette offensive nous éloigne d'une solution politique en Syrie. La solution du condominium d'Astana alimenterait le ressentiment de la population syrienne contre son régime, dont les crimes sont documentés. La normalisation est impossible sans processus politique viable, tant que le régime poursuit la solution militaire et la répression contre son propre peuple. Le président de la République l'affirmait en janvier 2018, « la perspective de normalisation ou de banalisation de la situation ne serait pas responsable. »
La France est déterminée et active au niveau diplomatique. La séquence européenne a permis de mobiliser rapidement nos partenaires européens, malgré des divergences quant à la relation avec la Turquie, et les conclusions du Conseil européen ont rejoint celles du Conseil des Affaires étrangères du 14 octobre.
Le président Retailleau parlait de gestes symboliques : nous avons convoqué l'ambassadeur turc et annulé toutes les réunions ministérielles bilatérales. Dès 2018, le président de la République a exclu toute avancée dans le processus d'adhésion de la Turquie et la France s'oppose à tout élargissement tant que l'Union européenne n'aura pas été réformée.
L'Europe doit se doter d'une autonomie stratégique et de défense. Le discours de la Sorbonne a montré la voie ; en 18 mois, beaucoup a été fait. La France a posé la première pierre, monsieur Cazabonne !
La France se doit d'être une puissance d'équilibre ; elle ne saurait être un vassal des États-Unis et de la Chine. Elle n'est pas alignée et entend parler à tout le monde. Nous avons renforcé le dialogue avec la Russie dès le mois d'août et le président Macron s'est entretenu hier avec le président Poutine de la situation en Syrie et en Ukraine.
Comme le 10 octobre, monsieur Laurent, nous demanderons chaque semaine au Conseil de sécurité de l'ONU d'aborder le sujet syrien.
Nous ne sortirons pas indemnes de ce conflit qui, je l'espère, décillera les yeux de certains de nos partenaires européens un peu frileux sur le sujet de la défense européenne. Je suis sûr que le témoignage porté par tous vos groupes politiques ira au-delà de cet hémicycle et atteindra la Syrie et ses populations injustement martyrisées. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur plusieurs travées des groupes Les Indépendants et UC)
La proposition de résolution est adoptée.
M. le président. - C'est l'unanimité. (Applaudissements)