Organisation du système de santé (Conclusions de la CMP - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Chasseing .  - L'accord de la CMP témoigne de la qualité du travail des deux assemblées, mais aussi de l'urgence qu'il y a à agir pour garantir l'accès aux soins dans tous les territoires.

Nous nous félicitons de l'adoption de l'amendement transpartisan sur le stage ambulatoire en autonomie supervisée. Les zones rurales souffrent d'un manque de médecins mais ne sont pas les seules concernées. Plus de 45 % des médecins ont plus de 55 ans. La désertification médicale, dénoncée depuis plus de vingt ans, va s'accroître. Cet amendement renforcera l'attractivité de la profession et créera des vocations. La mobilisation des jeunes est un levier d'action important pour résorber en quelques années les problèmes d'accès aux soins. Merci au président Milon pour son soutien à ce sujet.

L'accès aux soins ne se réduit pas à la disponibilité des médecins. Certains médicaments manquent et les ruptures de stock s'accroissent. Une mission sénatoriale conduite par M. Decool a fait des recommandations, sur le sujet et, madame la ministre, vous avez présenté une feuille de route. Encore faut-il que les médicaments soient disponibles ! Vendredi dernier, dans mon canton de Corrèze, j'ai constaté que de nombreuses pharmacies n'avaient plus de corticoïdes.

Toutes les actions d'amélioration sont nécessaires pour répondre au principal défi sanitaire de la France, à savoir garantir l'accès aux soins dans tous les territoires.

La prise en charge globale de la santé nécessite une approche territoriale et transversale à travers les CPTS. Les établissements travaillent avec les ARS pour trouver les solutions les plus adaptées à toutes les situations.

La stratégie engagée par le Gouvernement à travers le plan « Ma Santé pour 2022 » modernisera notre système de santé et les études médicales. La levée progressive du numerus clausus facilitera l'implication de l'hôpital dans l'accès à la santé en lien avec les élus locaux et les CPTS. Chaque maison de santé doit disposer d'un médecin.

Nous regrettons l'exclusion des Padhue travaillant en hôpital privé, dans le dispositif. Néanmoins, cette vaste réforme de santé est très attendue.

Le groupe Les Indépendants le soutient pleinement. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

M. Michel Amiel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Nous avons examiné ce texte équilibré, troisième loi de santé en dix ans après la loi de 2009 et celle de 2016. Traduction du plan « Ma Santé pour 2022 », il a pour ambition de transformer en profondeur notre système de santé pour garantir à tous nos concitoyens la qualité et la sécurité des soins.

Réformer les études de médecine, notamment en supprimant le numerus clausus, réarticuler médecine de ville et hôpital, développer l'offre numérique, améliorer l'offre hospitalière de proximité, promouvoir les CPTS : tels ont été les points centraux de nos discussions.

Si nos assemblées n'avaient pas la même vision des enjeux, elles ont trouvé un compromis en CMP, notamment sur la lutte contre les déserts médicaux.

Je réitère ma crainte quant à la suppression du numerus clausus qui n'aura des effets que dans dix à quinze ans, mais j'applaudis l'ambition d'un changement de culture bienvenu.

L'accès aux études médicales ne sera plus réservé qu'aux seuls étudiants issus de la Paces. Des problèmes subsistent, notamment sur l'accueil des étudiants dans les universités, l'orientation des étudiants via Parcoursup, et les critères de définition des besoins en professions médicales des territoires, discutés entre universités et ARS. Le vote de la suppression de l'examen actuel pour le remplacer par un dispositif prenant en compte l'ensemble du parcours des candidats nous satisfait.

Pour autant, le problème de la démographie médicale n'est pas totalement réglé. Le stage à effectuer en ambulatoire, pendant six mois, dans des zones sous-dotées est intéressant.

Je salue tout autant le développement des CPTS qui permettront une meilleure prise en charge de la population. La notion et la prise en compte de la responsabilité populationnelle des professionnels de santé doivent être encouragées car le médecin, l'infirmier mais aussi les aides-soignants, les kinésithérapeutes sont des acteurs de santé publique.

Je regrette que les avancées prévues par le Sénat sur les infirmiers référents n'aient pas été suivies.

Le numérique représente un virage essentiel qu'il faut faciliter. L'automaticité de l'ouverture du dossier médical partagé et d'un espace numérique de santé permettra une prise en charge mieux coordonnée des patients. Les deux assemblées se sont accordées sur une offre de proximité de qualité. Les hôpitaux de proximité sont indispensables au maillage territorial. La gradation des soins n'est pas la création d'une médecine à deux vitesses mais la réorganisation d'un système à bout de souffle et l'affirmation d'une meilleure coordination entre médecine de ville et hôpital.

Notre groupe se félicite des avancées concernant les territoires d'outre-mer, notamment concernant les Padhue, et sera vigilant sur l'urgence sanitaire à Mayotte et le financement de la future ARS.

Si cette loi poursuit un objectif d'amélioration de l'exercice de la médecine, il faudra réfléchir aux mécanismes de financement durable d'un tel projet ; nous y reviendrons dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Madame la ministre, vous avez montré la voie. Puisque M. Milon a cité Pascal et Mme Cohen Descartes, je citerai Confucius : « Quand le sage montre le Lune du doigt, l'insensé regarde le doigt. » (Sourires)

Le groupe LaREM votera ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mme Imbert ne peut être présente en raison d'un décès dans sa commune. Je lirai son intervention, puis interviendrai en mon nom.

La désertification médicale touche tous les territoires. Même les grandes villes peinent à proposer une offre de soins satisfaisante. (MJulien Bargeton le confirme.) Nous manquons de généralistes comme de spécialistes.

Afin de répondre à la désertification, Mme Imbert avait proposé de transformer la dernière année de troisième cycle en année de pratique ambulatoire en autonomie dans les zones sous-dotées - solution à la fois rapide et pragmatique. Quelque 3 500 étudiants en médecine générale auraient pu intervenir en renfort dans des zones rurales, ce qui aurait contribué à déconstruire les a priori et optimiser les installations. Le nombre de patients pris en charge aurait été accru. Cette mesure de bon sens a été votée par la quasi-totalité des sénateurs.

Non, le Sénat n'est pas tombé sur la tête, il a fait honneur à sa mission, à son esprit constructif.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien.

M. René-Paul Savary.  - L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un compromis : un stage de six mois minimum dans un territoire sous-doté, en autonomie supervisée. C'est un début mais nous devrons trouver des solutions innovantes car la colère gronde. Entendez-la, madame la ministre, avant que les solutions drastiques ne s'imposent d'elles-mêmes.

Le Sénat a renforcé la place des élus locaux dans le pilotage territorial de la santé, trop souvent déconnecté des réalités du terrain. D'où le renforcement des prérogatives du conseil de surveillance des établissements publics de santé, où siègent les représentants des collectivités territoriales.

La Haute Assemblée, lieu de représentation des territoires, a apporté plus de souplesse à la structuration du système de santé pour que les spécificités de chaque territoire soient prises en compte dans le cadre des projets territoriaux de santé.

Malgré une commission mixte paritaire conclusive, ce texte laisse un sentiment d'inachevé. De nombreuses mesures seront prises par ordonnance, et le volet financement n'est pas abordé.

Madame la ministre, comptez sur la force de proposition du Sénat, dès le prochain PLFSS, notamment sur l'exonération de cotisations sociales pour les jeunes médecins ou le financement des hôpitaux de proximité.

Mme Imbert remercie chacun et souligne que la majorité des Républicains votera ce texte, en espérant des résultats concrets sur le terrain au plus vite.

Quant à moi, je souhaite vous faire part de remontées de terrain. Des mesures incitatives peuvent devenir contraignantes : ainsi à Vertus, trois jeunes médecins ont eu un mal de chien à percevoir leur aide à l'installation qui ne leur a été versée qu'au bout de deux ans, quand la direction de l'ARS a enfin réglé le problème.

Autre exemple de difficulté, une jeune fille qui reçoit son traitement pour le déficit en lipase acide lysosomale toutes les trois semaines, traitement qui coûte 500 000 euros à l'année, somme excessive pour l'hôpital d'Épernay alors que Necker peut le prendre en charge. Attention à éviter une médecine à plusieurs vitesses dans le traitement des pathologies lourdes...

Nous avons mené des auditions très intéressantes avec les biotech. Le discours est toujours le même, pour déplorer la longueur des délais de délivrance de l'ATU et de la fixation des prix pour des médicaments innovants. Les biotechnologies françaises ou étrangères ont du mal désormais à mobiliser des investisseurs. C'est pire qu'avant.

La tarification modèle n'est pas toujours adaptée à la pathologie. Le traitement de certains cancers de la prostate à bas risque concilie médicament, dispositif médical et acte chirurgical, soit trois tarifications différentes...

En matière de prévention, il faut oser. Il faut diminuer les risques quand on ne peut pas les supprimer totalement : le plan antitabac ne fera pas disparaître le tabagisme, mais le vapotage ou le tabac chauffé et non brûlé sont autant de pistes à étudier.

Malgré le vote de cette loi, le travail n'est pas terminé. Comptez sur le Sénat pour avancer. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce projet de loi cristallisait les attentes de territoires marqués par la désertification médicale et la crise de confiance. La concurrence malsaine entre territoires pour attirer des médecins laisse nombre d'élus sans solution. Les grèves aux urgences montrent combien la situation est tendue.

Le Sénat a réalisé des avancées notoires notamment à l'article 2. Les effets du stage ambulatoire en zone sous-dense pourraient se faire sentir rapidement contrairement à la fin du numerus clausus. Les territoires attendent beaucoup de cette mesure emblématique.

La télémédecine est une réponse pour un public incapable de se déplacer mais rien ne remplacera la présence humaine. Attention à ne pas créer une médecine à deux vitesses, présentielle pour certains territoires, virtuelle pour d'autres.

Je ne me résous pas à l'abandon de l'article 13 bis A sur la médiation numérique en santé, recommandée par le Défenseur des droits.

L'accès à l'IVG peut être remis en cause par le simple départ à la retraite d'un médecin, comme ce fut le cas l'été dernier dans la Sarthe, à l'hôpital du Bailleul. Alors que des députées appellent dans une récente tribune à constitutionnaliser ce droit, il est étonnant que la majorité à l'Assemblée nationale ne réintroduise pas l'article 27 réclamant un rapport sur l'accès effectif à l'IVG. Il aurait mis en lumière les difficultés de nombre de femmes qui ne peuvent plus exercer leur droit. Nous attendons plus de cohérence, madame la ministre.

Nous avons défendu le principe du consentement au traitement des données personnelles en santé et remis le patient au centre. Le health data hub n'est pas suffisamment encadré. Nous nous réjouissons toutefois de l'extension de l'espace numérique de santé aux bénéficiaires de l'AME, de l'intégration de l'accompagnement social et médico-social ou encore de la protection renforcée des données lors de la conclusion d'un contrat.

Au regard de ce bilan mitigé, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 47

Après la référence :

I bis

insérer les mots :

de l'article L. 632-2 du code de l'éducation

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Amendement de coordination.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis favorable.

Le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Merci pour la qualité des échanges et du texte final. Je mettrai une énergie folle à le déployer sur le territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Laurence Cohen.  - Mettez autant d'énergie à écouter les professionnels...