Orientation des finances publiques

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

La Conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l'orientation des finances publiques.

Discussion générale commune

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Je suis heureux de vous retrouver pour la troisième fois pour ce débat où nous vous présenterons les grandes orientations budgétaires du Gouvernement.

La croissance française reste solide malgré le ralentissement de la croissance mondiale dû aux tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis. Nous l'estimons à 1,4 % pour 2019 contre 1,3 % dans la zone euro et 0,8 % en Allemagne. Les principaux instituts de conjoncture font une prévision similaire, ce qui confirme la sincérité de la nôtre.

Le niveau de chômage est au plus bas depuis 2009 avec 500 000 emplois créés depuis 2017 et surtout 26 000 dans le secteur industriel. Pour la première fois depuis quinze ans, nous créons des emplois dans ce secteur.

Nous sommes dans une conjoncture économique inédite, qui ouvre un cycle nouveau où l'inflation faible, la croissance mondiale faible et des taux d'intérêt durablement bas se conjuguent.

Cela est bon pour la dette française, dont la charge cependant reste de 35 milliards d'euros par an. Mais contrairement à ce que disent certains, la réduction des recettes fiscales l'emporte sur cette modération de la charge de la dette : il n'y a pas de cagnotte liée aux taux d'intérêt faibles.

Des économistes tels qu'Olivier Blanchard considèrent que « c'est le moment » de s'endetter. Leur raisonnement est valable sans doute pour d'autres pays, mais la France ayant vu augmenter sa dette de 30 points entre 2007 et 2017, pour arriver à environ 100 % du PIB, ne peut suivre cette voie. D'autant que sa dépense publique est l'une des plus importantes en Europe. La dette, poison lent, reste un poison. Nous sommes déterminés à la réduire malgré un rythme de réduction plus lent qu'auparavant, compte tenu de la situation que j'ai décrite.

Le président de la République a été élu sur une politique de l'offre : plus d'investissement, plus d'emplois et d'innovation. Elle passe par un allègement de la fiscalité sur les entreprises : bascule du CICE vers un allègement de charges pérenne, baisse du taux d'impôt sur les sociétés qui sera passé à 25 % en 2022. Cette baisse de l'impôt sur les sociétés permettra aux entreprises de progresser en profitabilité, donc d'investir, de créer des emplois, et surtout de gagner la bataille technologique. Notre pays en deviendra plus attractif. Or les investissements étrangers, ce sont aussi de nouveaux emplois et de l'activité dans nos territoires. La France est devenue le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements. Ne changeons pas de cap. Les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour les entreprises sur ce quinquennat.

Les impôts de production, très élevés en France, pénalisent nos entreprises, surtout industrielles. Le président de la République et le Premier ministre m'ont confié une réflexion sur un pacte productif. Des travaux comme ceux du Conseil d'analyse économique ou des députés Sacha Houlié et Pierre Person nous offrent des solutions. Pour ma part, je ne crois pas à un financement qui reposerait sur une remise en cause des baisses de charges et donc une hausse du coût du travail. Nos entreprises ont besoin de stabilité.

La rémunération du travail est le deuxième axe de notre stratégie économique. Le travail doit payer et il doit payer mieux comme l'a montré la crise des gilets jaunes qui est, à mes yeux, une crise de la reconnaissance et de la rémunération du travail.

Baisse de l'impôt sur le revenu - 5 milliards d'euros au total au bénéfice de 17 millions de Français, dès le 1er janvier 2020 -, revalorisation de la prime d'activité, prime de fin d'année défiscalisée, défiscalisation des heures supplémentaires, suppression des taxes sur l'intéressement et la participation s'inscrivent dans cette perspective. Les 27 milliards d'euros d'impôts en moins pour les ménages s'additionneront aux 13 milliards d'euros de baisse pour les entreprises. C'est inédit !

Le rétablissement des finances publiques, le désendettement de la France restent une priorité : c'est une question de santé économique et de souveraineté politique à long terme. Le déficit public continuera de baisser, à 2,1 % en 2020. La baisse des impôts sera en partie financée par la baisse des niches fiscales : gazole non routier, mécénat et crédit d'impôt recherche (CIR).

La France doit moins dépendre des énergies fossiles, trop coûteuses. Notre méthode a d'abord été, je le reconnais, trop brutale et pas assez concertée. Nous proposons désormais une diminution concertée avec tous les acteurs - notamment BTP, terrassement... - et évaluée secteur par secteur. Le tarif réduit du gazole non routier sera supprimé en trois ans et la première diminution interviendra au 1er juillet 2020 : les intéressés ont une année pour s'adapter. Ni les agriculteurs, ni les transports ferroviaires ne seront touchés.

Cette suppression du tarif réduit dégagera 900 millions d'euros à terme, un peu plus de 200 millions d'euros dès 2020. Elle s'accompagnera de mesures de compensation discutées avec les professionnels, par exemple, clause générale de révision des prix sur les contrats privés, incitations financières au suramortissement pour faciliter l'achat de matériel plus adapté, et dérogations pour les industries les plus exposées à la concurrence internationale, comme l'industrie extractive ou la manutention portuaire. Nous élargirons le FCTVA aux travaux de maintenance lourde des réseaux ; le coût sera pris en charge par l'État.

Le mécénat d'entreprise connaît une croissance dynamique et nous ne voulons pas le fragiliser, mais corriger des dérives, comme nous y a invités la Cour des comptes dans son rapport de l'an dernier. Les ministres Riester et Attal mènent des concertations avec les entreprises mécènes et les associations bénéficiaires.

Quant à la troisième niche fiscale, le CIR, c'est un magnifique succès français. Grâce à lui un ingénieur français coûte deux fois moins cher qu'un ingénieur américain. Il n'est pas question de le remettre en cause mais - et je remercie le rapporteur général de l'Assemblée nationale pour ses propositions - nous pouvons le rendre encore plus efficace en ramenant les dépenses de fonctionnement à un taux à 43 %, pour un rendement de 200 millions d'euros en 2021.

L'ensemble du montant des réductions sera de 600 millions d'euros en 2020 et 1,4 milliard à partir de 2021, pour un objectif de 1 milliard.

Cette stratégie se prolonge au niveau européen et international. La zone euro n'a pas vocation à se contenter d'une croissance de 1,2 % quand la Pologne est à 5 % ou les États-Unis à 3,5 % ! Elle a été créée pour que nous ayons une monnaie souveraine et que nous bénéficiions d'une période prospère, favorable à l'emploi et l'industrie.

J'ai proposé un pacte de croissance aux responsables allemands dont Annegret Kramp-Karrenbauer, pour avancer dans trois directions en tenant compte des spécificités des 19 États de la zone. Certains devront poursuivre des réformes de structure. C'est le cas de la France, qui a un retard de compétitivité à combler. D'autres mettront l'accent sur le respect des engagements européens, gage de crédibilité. Enfin, tous les États qui sont à l'équilibre budgétaire pourront investir davantage. L'Allemagne par exemple est dans cette position. La France doit quant à elle poursuivre le rétablissement de ses finances publiques... Il serait dangereux de laisser la zone euro dans une croissance faible.

Enfin nous nous employons, au G7, au G20, à sortir de la guerre commerciale qui pénalise la croissance et l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Comme l'an passé, cette discussion couvre le passé et l'avenir puisque nous parlons à la fois de la loi de règlement pour 2018 et de l'orientation des finances publiques. Les deux ne sont pas sans lien, le passé pouvant éclairer l'avenir.

Comme le prouve le projet de loi de règlement des comptes, le bilan est positif. Nous avons maîtrisé la dépense publique tout en finançant les premières mesures liées à la crise des gilets jaunes. Les satisfecit de la Cour des comptes comme de votre rapporteur général sur la sincérité du budget sont appréciables.

Nous devons poursuivre le rétablissement de nos comptes pour préserver la crédibilité et la souveraineté budgétaire de notre pays ; la signature de la France est unanimement reconnue sur les marchés. Nous pourrons progresser de concert sur cette voie pour financer les baisses des impôts, qu'il est très important de réaliser.

Le 18 juin, date chère à beaucoup d'entre nous, la France a emprunté sur les marchés à des taux d'intérêt négatifs : le moment est historique. Nous le devons au fait que nos comptes sont sincères, de sorte que nos créanciers ont confiance.

Depuis deux ans, notre déficit est inférieur à 3 %, ce qui n'était jamais arrivé depuis dix ans. Il s'élève à 2,5 % en intégrant celui du système ferroviaire, ce qui est un point de moins qu'à l'arrivée du Gouvernement à l'été 2017.

C'est le résultat d'une maîtrise de la dépense publique passée de 55 % à 54,4 % du PIB.

Les résultats sont là : le Gouvernement a strictement tenu l'objectif de la loi de finances initiale, soit 425,4 milliards d'euros. Il a même dépensé 1,4 milliard d'euros de moins que l'objectif voté. C'est une rupture claire avec les années passées, où l'on révisait à la baisse la charge de la dette pour boucler le budget.

Dans la sphère sociale, l'objectif d'évolution des dépenses sociales a été respecté et le redressement de la sécurité sociale s'est consolidé. Il est donc possible de tenir les comptes sociaux à un niveau proche de l'équilibre, ce qui n'était jamais arrivé depuis 2001, tout en soutenant le pouvoir d'achat des actifs.

Dans les collectivités locales, la contractualisation tant décriée a bien fonctionné. Les dépenses de fonctionnement ont diminué à un niveau bien en deçà de l'objectif de Cahors. Elles ont ralenti à 0,3 %. La politique du Gouvernement a permis aux collectivités de reprendre une politique d'investissement.

La gestion budgétaire est désormais plus apaisée et plus respectueuse de l'autorisation parlementaire. Il n'y a eu en 2018 aucun décret d'avance, une première depuis l'instauration de la LOLF.

Les défis restent nombreux puisque nous aurons le déficit le plus élevé de l'Union européenne avec l'Italie en 2019. Si nous avons stabilisé la dette, nous n'aurons pas réussi à la réduire de 5 points d'ici 2022.

Je veux donc vous délivrer un triple message, de pragmatisme, de détermination et de constance. Pragmatisme : nous allons poursuivre l'effort pour atteindre l'objectif de 2,1 % de déficit budgétaire ; nous allons agir en toute transparence, supprimant des dispositifs dérogatoires, telle la limitation de la déduction forfaitaire spécifique datant de 1930, qui majore artificiellement les allégements généraux et représente 400 millions d'euros. Concrètement, les femmes enceintes auront davantage d'argent pour le congé maternité parce qu'avec les déductions forfaitaires spécifiques (DFS), elles cotisaient sur une assiette plus réduite.

Quant aux collectivités territoriales, je sais qu'elles participeront à l'effort, au bénéfice des communes les plus rurales.

Détermination : nous allons, dans le prochain budget, lancer de grandes réformes, à commencer par celle de la fiscalité locale. La taxe d'habitation sera remplacée par la descente de la taxe foncière vers les communes et par un impôt national au niveau des départements. Il faut également travailler sur la réforme de la fonction publique, des retraites, de l'assurance chômage, de l'audiovisuel public.

Les moyens régaliens seront renforcés : plus de 7 milliards d'euros dans la loi de programmation militaire. À cela s'ajoutent les recrutements de la police et de la justice, la revalorisation des prestations sociales, la suppression totale de la taxe d'habitation, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés et les mesures d'urgence économique et sociale que vous avez votées.

Constance : les objectifs demeurent inchangés, la baisse de 3 points de PIB des dépenses publiques financera notamment la baisse des prélèvements obligatoires d'un point de PIB. L'an prochain, la baisse des impôts des ménages sera sans précédent : 27 milliards d'euros. Et grâce à l'imposition à la source, que le rapporteur général a soutenue ici, la baisse sera perceptible dès le mois de janvier prochain.

La croissance de la dépense publique sera contenue à 0,2 % par an contre 0,9 % sous le précédent quinquennat.

Ces réformes permettront de baisser le taux d'imposition de plus d'un point tout en stabilisant la dette. Nous sommes très à l'écoute des observations et la Haute Assemblée, dans sa majorité et son opposition, nous travaillons dans le respect du vote du Parlement, dans la sincérité, sans décrets d'avance.

Nous avons réussi à baisser les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques, à réduire le déficit public et à stabiliser la dette. Nous devons poursuivre en ce sens, en nous gardant d'alourdir l'endettement qui, souvenons-nous en, n'est qu'un impôt différé : libérons-en les générations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette séance est consacrée à la fois au passé - l'exécution de la loi de programmation 2018 - et à l'avenir - l'orientation des finances publiques.

En 2019, le Gouvernement a pu disposer d'une croissance supérieure à la croissance potentielle, avec 1,7% : hélas on arrive à la fin de la croissance de rattrapage observée depuis le début du quinquennat.

Or le Gouvernement n'a pas profité de cette dynamique pour mener des politiques structurelles et réduire réellement la dépense publique. Car, monsieur le ministre, vous n'avez pas mentionné les éléments exceptionnels : Areva, la taxe de 3 %, les crédits d'impôts.

Si ces éléments sont neutralisés dans le chiffrage, la dépense publique continue à croître de 0,7 %. Quant au déficit, il est à 2,5 % en 2018 alors que le reste de la zone euro est à l'équilibre.

De plus, le redressement des comptes publics est essentiellement porté par les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. L'État, lui, voit son déficit se creuser de plus de 8 milliards d'euros par rapport à 2017, marquée par des dépenses exceptionnelles et la recapitalisation du secteur de l'énergie. (Un nouveau-né pleure en tribune.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous lui faites peur !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Ce n'est pas moi, c'est la situation... Et il a raison ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Désormais, les dépenses fiscales dépassent 100 milliards d'euros.

En revanche, l'exécution du budget est plus sincère, sans aucun décret d'avance. Deux remarques cependant. Dans les éléments portés à la connaissance de la Représentation nationale, le chiffrage des dépenses fiscales est peu documenté. Pourquoi la baisse de la TVA dans le secteur du logement social n'apparaît-elle pas ? D'une manière générale, la performance n'est pas suffisamment mesurée, les indicateurs sont trop nombreux et les renseignements lacunaires.

Quant au débat d'orientation des finances publiques, nous n'avons guère plus d'informations aujourd'hui que dans le programme de stabilité budgétaire ; et le rapport du Gouvernement ne lève pas les ambiguïtés sur le prochain projet de loi de finances. La presse nous informe davantage que les documents destinés aux parlementaires.

Les mesures post-gilets jaunes coûteront 6,4 milliards d'euros pour 2020, compensés à hauteur de 4 milliards d'euros, dont 2,6 correspondent simplement au report à 2023 de la disparition complète de la taxe d'habitation. Le Gouvernement laisse donc une ardoise à la future majorité, ce qui n'est pas acceptable.

Quelles pistes sont envisagées pour le reste de la compensation ? Le programme de stabilité 2018 prévoyait un excédent budgétaire en 2022 ; nous serons à 1,3 % de déficit. Le poids des prélèvements obligatoires reviendra à son niveau de 2012.

Tout cela marginalise la France en Europe et risque, en cas de retournement de conjoncture, de nous fragiliser.

Les mesures d'économie sont toujours aussi peu documentées : qu'en est-il des 120 000 suppressions de postes annoncées dont 50 000 dans la fonction publique d'État d'ici à la fin du quinquennat ? Il est peu probable qu'elles soient engagées dans les deux années avant la prochaine élection, cela ne s'est jamais produit... M. Karoutchi, avec son expérience politique, peut en témoigner !

M. Roger Karoutchi.  - (Levant les yeux au ciel.) Je n'ai rien demandé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Messieurs les ministres, vous avez financé les mesures du pouvoir d'achat à crédit, renonçant à agir sur les dépenses pilotables.

Un regret, enfin : pourquoi ne pas avoir entendu le Sénat plus tôt sur le gazole non routier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Ce rendez-vous est une heure de vérité sur l'année écoulée et l'occasion d'aborder l'avenir.

Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est de 1,2 milliard d'euros, pour 5,1 milliards d'euros en 2017 et 10,8 milliards d'euros en 2015. Vous faites mieux que le solde prévu par le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui était de 2,2 milliards d'euros. L'ensemble des administrations de sécurité sociale affiche en effet un excédent de 10,8 milliards d'euros, soit 0,5 % du PIB.

Alors, le trou de la sécurité sociale appartient-il au passé ? Hélas, non ! Le seul déficit de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est supérieur à l'excédent des administrations publiques de sécurité sociale (ASSO). Certes, qui paie ses dettes s'enrichit mais il vaudrait mieux parler d'un déficit amoindri.

De plus, l'amélioration des comptes tient surtout au fort dynamisme des recettes, de 3,4 % en 2018, résultat de celui de la masse salariale, 3,5 %.

Les prélèvements sur les revenus patrimoniaux et les droits sur le tabac ont augmenté. Mais les dépenses de sécurité sociale ont, elles aussi, progressé davantage que prévu, et plus rapidement que la richesse nationale.

Le financement de la protection sociale reste un défi de long terme. Les principaux postes sont bien connus : dépenses de l'assurance maladie, même si l'Ondam a été respecté ; dépenses des retraites, en hausse de 2,1 %. Qu'en est-il des mesures paramétriques que certains appellent de leurs voeux dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ?

Enfin, une dégradation s'annonce dès 2019 : la croissance ralentit, à 1,4 % en 2019 et en 2020, ce qui devrait ralentir aussi la croissance de la masse salariale, alors que l'Ondam est légèrement desserré. Une légère rechute du patient est à prévoir ! Le déficit du régime général et du FSV se creusera à 1,7 milliard d'euros sans mesure nouvelle ; et, sans compensation des mesures liées à la crise des gilets jaunes, il atteindra plus de 4 milliards d'euros.

Quel sera l'impact réel de ces mesures d'urgence ? Qu'est-ce qui sera fait pour les compenser ? Un déficit du régime général compromettrait le transfert à la Cades de 15 milliards d'euros de dettes portées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Oui, la France peut emprunter à des taux négatifs et le directeur de l'Acoss nous a confirmé qu'il pouvait s'enrichir en s'endettant, mais ce n'est pas de bonne politique.

Comment s'organisera le transfert de dette sociale à la Cades ?

Est-il raisonnable de réduire dès 2020 les transferts de TVA vers la sécurité sociale ?

Après la rémission de 2018, une rechute des comptes sociaux est attendue cette année. Son amplitude dépendra des choix que vous ferez à l'automne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour l'année 2018 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale commune (Suite)

M. Arnaud de Belenet .  - Nous achevons le cycle budgétaire prévu par la LOLF, en débattant non d'un simple document comptable mais d'un vrai outil de gestion des finances publiques.

En 2017, le déficit est passé pour la première fois sous les 3 % du PIB, grâce à un effort en dépense de 5 milliards d'euros et au remplacement, 5 milliards d'euros là encore, des recettes de la taxe à 3 % censurée par le Conseil constitutionnel.

En 2018, le déficit est amélioré de 0,3 point par rapport à la loi de finances initiale, à 2,5 % du PIB ; la charge de la dette s'allège, comme le poids de la dépense publique, de 0,6 point, le poids des prélèvements obligatoires de 0,2 point, pour s'établir à 1,5 % du PIB. Ces chiffres valident des choix de politique publique attendus par tous.

La baisse du ratio de dépense publique crédibilise les choix du Gouvernement. Il n'y a pas de bonne nouvelle en économie, il y a des choix de politique économique. En l'espèce, ils ont profité à notre économie, qui a créé de la richesse.

Les transferts de l'État, notamment les dotations d'investissement, aux collectivités territoriales ont augmenté, ce qui est pour beaucoup dans la progression de l'investissement de celles-ci, 8 % en 2018. La TVA versée aux régions a fortement augmenté : elle remplace avantageusement l'ancienne DGF, car les recettes sont plus dynamiques. Pour les départements, l'évolution est moins forte mais néanmoins satisfaisante - il faudra, en pratique, rester vigilant sur les modalités de la réforme.

Soulignons la bonne gestion effectuée en 2018 : pas de décret d'avance, baisse du taux de mise en réserve, examen plus précoce du projet de loi de règlement.

Le débat d'orientation des finances publiques a lieu alors que des incertitudes demeurent sur les grandes données économiques. L'inflation serait à 1,2 % ou 1,3 % en 2019 : difficile de parler de surchauffe.

Faut-il se réjouir que la France emprunte à taux négatif sur dix ans ?

L'année passée nous a montré la difficulté à répondre aux demandes des Français. Les exaspérations sont légitimes, car aux problèmes de travail s'ajoutent le défi environnemental, la nécessaire transformation des modes de production et de consommation... Trouver l'équilibre suppose plus de services publics et des baisses de la pression fiscale. Aussi nous saluons les mesures du Gouvernement - pour plus de 6 milliards d'euros - qui doivent être financées par des efforts en dépenses et la révision des niches fiscales et sociales.

Des efforts budgétaires restent à fournir pour une trajectoire des finances publiques plus vertueuse.

Notre groupe votera ce texte avec pragmatisme, détermination et constance.

M. Éric Bocquet .  - L'examen de la loi de règlement 2018 n'est pas seulement un exercice technique, c'est aussi l'occasion de jauger la pertinence des choix budgétaires du Gouvernement. En six minutes, je ne pourrai qu'évoquer quelques faits saillants.

D'abord, la suppression de l'ISF, décision idéologique, très emblématique de ce Gouvernement, prise au motif que la France serait le seul pays à appliquer pareil impôt. Le débat pourtant renaît aux États-Unis et Bill Gates lui-même plaide pour plus de prélèvements sur les plus fortunés...

Deux sondages auprès d'anciens redevables de l'ISF laissent planer le doute sur la réalité de l'élan espéré : ils semblent peu nombreux à avoir placé leur argent dans les entreprises. Peut-être ont-ils préféré acheter des homards et des vins fins ? Les sondés parlent de voyages, d'acquisition d'oeuvres d'art... En fait de ruissellement, c'est plutôt la sécheresse ! Une étude du MIT de Boston ne met pas en évidence, dans les pays qui ont supprimé cet impôt, un impact sur l'économie.

La pauvreté sévit dans notre pays, les inégalités se creusent : les 10 % des Français les plus riches ont des revenus plus de huit fois supérieurs à ceux des plus pauvres, après impôt et prélèvements sociaux.

Un mot encore sur la flat tax, pilier de la politique du Gouvernement. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) n'a pas pesé, en raison d'une envolée des dividendes distribués : les entreprises ont profité de l'aubaine fiscale et le Gouvernement les a ainsi subventionnées. Il reprend ainsi l'adage libéral « trop d'impôt tue l'impôt » et la célèbre courbe de Laffer. Cette théorie n'a pourtant jamais fait la preuve de son efficacité. (M. Vincent Delahaye le nie.)

Les chiffres du contrôle fiscal sont décevants : le journal Les Echos nous apprend même qu'un redressement fiscal contre Vivendi a été abandonné par le fisc, pour 1,4 milliard d'euros. La politique de lutte contre la fraude est absente des derniers discours officiels.

Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d'État, a récemment déclaré que l'État n'avait jamais été autant fragmenté, concurrencé et paupérisé qu'aujourd'hui ; qu'il reste pourtant le socle sur lequel la Nation reste debout. « L'État a été victime de la doxa libérale », dit-il encore. Nous ne partageons pas cette doxa, et nous voterons contre le projet de loi.

M. Claude Raynal .  - Ce rendez-vous est toujours important, l'approche pluriannuelle éclaire bien les choix politiques opérés par une majorité présidentielle.

Saluons le pilotage budgétaire, l'absence de décret d'avance, le recul des sous-budgétisations.

Les chiffres clés ont été rappelés. Mais notons que le déficit s'obtient grâce à la plus-value des recettes fiscales, à la non-consommation de certains crédits, avec parfois un impact négatif. Près de 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement n'a ainsi pas été dépensé en matière de défense.

En 2018, les dépenses de la mission se sont élevées à 11,7 milliards en autorisations d'engagement.

De nombreuses sous-consommations de crédits sont constatées, dont 1,4 milliard d'euros de dépenses dites pilotables - ce qui n'est pas rien ! Certaines sont légitimes, d'autres ont des conséquences négatives, qu'il s'agisse du budget de la défense ou de la mission « Travail et emploi ». Or vous nous aviez expliqué l'an dernier, à propos du budget 2017, que tout était de la faute du Gouvernement précédent. Que direz-vous cette année ?

À la suite de la diminution des contrats aidés, 72 % des crédits de paiement des parcours d'investissements dans les compétences seulement ont été consommés, et la même chose s'observe aussi pour la garantie jeunes. Bref, vous équilibrez vos comptes en rognant sur des dépenses votées, sans aucune justification pour cela ! Le déficit dont vous vous targuez excède toujours le niveau permettant de stabiliser la dette. Vous n'avez hélas pas voulu nous écouter sur le pacte Dutreil et la niche Copé au bénéfice des grands groupes, ni sur l'impôt sur le patrimoine.

Nous vous invitons à muscler votre taxe sur les services numériques qui reste à un niveau de rendement très faible. Vous n'avez pas maîtrisé les niches fiscales, qui ont continué à augmenter.

Mieux vaut tard que jamais, toutefois. Votre politique consiste à aider les multinationales et les grandes fortunes sur le dos des plus faibles. C'est inacceptable.

La croissance est en recul par rapport à 2017 ; le taux de marge des entreprises ne progresse guère et le pouvoir d'achat des ménages ralentit légèrement. L'Insee relève que le seul secteur tirant son épingle du jeu est celui des sociétés non financières. Si l'on ajoute à cela l'accroissement des inégalités, on ne peut que conclure que la politique du Gouvernement est injuste sur le plan social et inefficace sur le plan économique.

En conséquence, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi de règlement.

Un mot enfin sur le débat sur l'orientation des finances publiques. La baisse des taux donne certes des marges de manoeuvre. Mais imaginons une remontée des taux d'un point : quelles politiques publiques en feront les frais ? La question mérite d'être posée...

Lors de la discussion du projet de loi de programmation de finances publiques, le Gouvernement prévoyait une dette à 91 % du PIB et un déficit à 1,2 % du PIB en fin de quinquennat. Ces engagements étaient chiffrés, disiez-vous. Il s'agissait de faire baisser de 3 % les dépenses publiques, de 5 % la dette, de 2 % le déficit. Or les prévisions du Gouvernement sont désormais plus modestes : +0,2 % de dépenses publiques, -1,3 % maximum de dette, et baisse d'autant pour le déficit.

M. Le Maire annonçait ensuite vouloir passer un cap... Où en serons-nous en 2022 ? L'objectif « 3-8-1 » s'est transformé en un résultat « 0-1-1 »...

Sans compter que les mesures d'économies sont peu documentées. Et nous sommes déjà à 1,7 milliard d'euros de déficit résultant des mesures d'urgence ! Comment seront-elles compensées ? Nous n'en savons rien.

Bref, le débat d'orientation des finances publiques ne nous rassure pas du tout, qui soulève plus d'interrogations pour l'avenir qu'il n'apporte de certitudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Éric Jeansannetas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Jérôme Bascher applaudit également.) Ce projet de loi de règlement est le premier pourtant sur un budget voté et exécuté entièrement dans la nouvelle mandature et le résultat est plutôt positif : déficit en baisse, dette publique progressant moins vite... Mais il faut tempérer l'embellie : elle n'est que conjoncturelle - et la croissance va ralentir - et elle ne réduit pas l'écart avec nos voisins.

Nous comptons en outre sur des taux d'intérêt bas ; or ils ne sont pas gravés dans le marbre.

Les mesures d'urgence décidées après la crise des gilets jaunes ont ralenti l'effort de réduction de notre déficit. Je les salue néanmoins, car elles vont dans le bon sens, celui de l'amélioration du pouvoir d'achat des Français.

Maîtriser la dépense publique, oui, mais attention à ne pas couper n'importe où. Si le Gouvernement a renoncé à la suppression de 50 000 postes, tant mieux.

S'agissant d'encourager l'investissement, je me demande si les outils choisis sont les bons, à commencer par le CICE.

Rien ne prouve que l'effort considérable qu'il représente pour l'État soit amorti. Conforama s'apprête à supprimer 1 900 emplois en France. Elle a pourtant bénéficié de 63 millions d'euros de crédit d'impôt sur trois ans, dont l'utilisation interroge : était-il pertinent de dépenser 25 millions d'euros pendant trois ans à partir de 2017 pour sponsoriser la Ligue 1 de football ? Peut-être devrions-nous recourir à d'autres leviers pour encourager l'investissement et récupérer des milliards d'euros précieux pour notre équilibre budgétaire ?

L'effort consenti par les collectivités territoriales a été moindre que ce que prévoyait la contractualisation, de 0,3 % au lieu de 1,2 %. Les territoires les plus fragiles doivent plus que jamais être accompagnés, en mettant l'accent sur la fonction publique de proximité, chère à l'ensemble du groupe RDSE, dans sa diversité. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a dit vouloir éviter de creuser un fossé entre la France des métropoles mondialisées et la France des territoires périphériques.

Monsieur le ministre, votre visite récente dans la Creuse a été un moment fort ; vous avez annoncé une réorganisation de la DGFiP, mais des trésoreries ferment (M. le ministre s'en défend.) et nos concitoyens entendent que le service rendu le soit par des humains et non des ordinateurs. Nous serons vigilants sur la qualité du service public de proximité.

Certaines mesures ont mis à mal le tissu associatif, comme la suppression de l'impôt sur la fortune, qui a anesthésié la philanthropie des donateurs, et la baisse des contrats aidés.

En tant que rapporteur de la mission « Sport, jeunesse et solidarité », je serai particulièrement attentif aux conditions de mise en place de l'Agence nationale du sport (ANS).

Quant aux comptes de la sécurité sociale, le déficit continue de refluer, depuis 2015. Les comptes sociaux se sont rapprochés de l'équilibre en 2018. Le déficit du régime général et du FSV est tombé à 1,2 milliard d'euros en 2018 contre 5 milliards d'euros en 2017. Les efforts doivent se poursuivre pour permettre à notre modèle social de fonctionner pleinement.

Enfin, la Cour des comptes a relevé un effort de sincérisation du budget que je salue.

Le groupe RDSE votera ce projet de loi à quelques abstentions près. L'intérêt général et les services de proximité doivent rester au coeur de nos préoccupations.

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette discussion sonne comme une ode à Janus, le dieu aux deux visages : il s'agit de regarder le passé et le futur. C'est l'occasion de faire le point sur nos finances publiques à mi-mandat.

Le Sénat continuera à se montrer exigeant pour poursuivre la réduction du déficit et de la dépense publique. L'exigence n'exclut pas la bienveillance, au contraire. Nous avons repris le contrôle de nos dépenses publiques. Ce qui Outre-Rhin ou Outre-Manche est devenu une évidence, demeure en France un motif de réjouissance.

Depuis trente ans, aucun Gouvernement ni aucune majorité n'avait eu le courage de ramener le déficit public en dessous de 3 % et de contenir la dette publique. Nous nous réjouissons que vous l'ayez fait. Ces bons résultats s'expliquent par les excédents dégagés par les collectivités territoriales et la sécurité sociale, qui ont contribué à réduire, en volume, le déficit public malgré un accroissement de celui de l'État.

Je salue la contribution des collectivités territoriales à l'amélioration des comptes avec des économies de 5 milliards d'euros sur leurs dépenses de fonctionnement. La méthode contractuelle fonctionne mieux que les coupes brutales du passé.

La baisse du déficit nominal a été portée aux deux tiers par la conjoncture. Nous n'avons pas profité des temps cléments pour dégraisser l'État. Nous figurons encore parmi les mauvais élèves de l'Union européenne. Nous devrons en conséquence redoubler d'efforts à l'avenir. Or c'est rarement en juillet qu'on tient ses bonnes résolutions. Nous devrons attendre 2022 pour espérer voir la dette diminuer.

Nous ne pouvons pas nous contenter de subir la faiblesse de nos finances publiques. La responsabilité nous oblige à les assainir. Il y va de notre indépendance et de l'avenir de nos enfants. Je ne remets jamais à plus tard ce que je peux faire le surlendemain, écrivait Oscar Wilde. Ne suivons pas son exemple et poursuivons nos efforts dans la durée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Jérôme Bascher applaudit aussi.)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Jérôme Bascher applaudit également.) Que dire de ces comptes 2018 ? Des progrès, mais peut mieux faire....Sincérité, prudence, économie, telles sont les qualités d'un bon gestionnaire. Vous ne les avez pas toutes.

La sincérité d'abord. En rupture avec les pratiques de la précédente majorité socialiste, votre budget a été grosso modo respecté. C'est une bonne chose, dans l'intérêt de la bonne foi et de la transparence. Les résultats sont moins réjouissants en matière de prudence avec une augmentation du déficit public après trois ans de stabilité, due aux seules dépenses de l'État. Son montant est désormais supérieur aux recettes de l'impôt sur le revenu et c'est dû au seul État puisque collectivités territoriales et sécurité sociale sont en excédent. C'est aussi la conséquence des allègements fiscaux de 2017 qui n'ont pas été accompagnés d'une réduction de la dépense publique.

Monsieur le ministre, j'ai hâte de vous présenter les propositions du Sénat pour la suppression de 80 niches fiscales !

Quant à la dette - plus de 2 300 milliards d'euros - le seul service de ses intérêts est égal au budget de la défense nationale.

Le bât blesse, encore et toujours, sur la masse salariale de l'État. Le nombre de fonctionnaires continue d'augmenter, malgré les engagements du président de la République, alors qu'il faudrait des mesures drastiques - diminution du nombre de fonctionnaires, révision des missions de l'État et de la durée de travail de ses agents - pour faire diminuer la dépense publique. Baisser les impôts sans la diminuer, c'est tout simplement une arnaque, celle de l'impôt différé.

L'équilibre budgétaire, mère de toutes les vertus, doit devenir réalité.

Malgré ce bilan en demi-teinte, nous voterons ce texte sans vous donner de blanc-seing. Là où il y a une volonté, il y a un chemin disait Lénine (Marques de surprise et exclamations), que vous entendrez rarement un centriste citer... (Sourires ; Mme Éliane Assassi s'exclame.) La volonté vous l'avez, reste à trouver le chemin. ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce projet de loi de règlement est le premier d'une année de plein exercice du président Macron. Nous espérons que ce sera le dernier où la Cour des comptes critiquera, selon ses propres termes, « la détérioration de la situation financière de l'État ».

La dette française frôle les 100 % de la richesse nationale, ce qui posera de graves problèmes, en cas de remontée des taux.

L'année 2018 a connu une croissance de la richesse nationale de 1,7 point, ralentie par rapport à 2017 et même se situant en-dessous de la moyenne européenne.

Le déficit budgétaire est reparti à la hausse, pour la première fois depuis 2014, de plus de 8 milliards d'euros, pour s'établir à 76 milliards d'euros. Vous avez compensé cette hausse par la baisse des dotations aux collectivités territoriales. La légère amélioration dont vous vous targuez ne repose que sur la conjoncture et le déficit structurel ne s'améliore pas.

Pourtant, la moitié de nos partenaires européens sont en excédent budgétaire. Seuls Chypre et la Roumanie ont un déficit supérieur au nôtre, égal de celui de l'Espagne.

Les dépenses de l'État ont continué d'augmenter en personnel. Celles des administrations ont augmenté de 2,4 points en 2018 compensées par des recettes très dynamiques.

En revanche, les dépenses des collectivités territoriales ont été maîtrisées, qu'elles aient fait l'objet d'une contractualisation ou pas. Leurs dépenses d'investissement ont été particulièrement dynamiques en 2018. Leurs recettes ont augmenté, notamment les recettes fiscales du bloc communal - de 2,4 points, grâce au dynamisme des bases, et celles du département de plus d'un point. Celles des régions augmentent de plus de 2 points grâce au dynamisme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Bref, monsieur le ministre, les finances publiques semblent être mieux gérées à l'échelon local que national.

M. Jérôme Bascher.  - C'est certain !

M. Loïc Hervé.  - C'est la vérité !

M. Jean-François Husson.  - Il faudra y penser au moment de la présentation de l'acte III de la décentralisation, l'an prochain.

La France a besoin de marges de manoeuvre pour répondre aux défis du temps. Notre groupe votera dans sa majorité contre ce projet de loi de règlement. Certains d'entre nous s'abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.) En complément de l'intervention de M. Delahaye, je voudrais exprimer notre satisfaction à l'égard de la baisse des impôts. Une gradation sur l'impôt sur les sociétés est tout à fait bienvenue. Nous devrons veiller à ce que les mesures sur les niches fiscales annoncées par Bruno Le Maire ne se traduisent pas par une pression fiscale accrue.

Il faut aussi se féliciter de l'amélioration des comptes sociaux, même s'ils ne sont pas encore à l'équilibre.

Des réformes structurelles ont été engagées avec la loi Pacte qui aura des effets positifs.

L'emploi connaîtra une embellie grâce à la baisse des charges sociales pour les entreprises.

Nous ne devons pas céder aux sirènes de ceux qui laissent filer les choses en matière de déficit et de dette publique. Il y va de l'avenir de nos enfants et petits-enfants. Si un événement géopolitique fait augmenter les taux d'intérêt, cela pourrait être préjudiciable à nos finances.

Le déficit ne peut pas non plus augmenter à l'envi et nous devons retrouver un équilibre des comptes. Or pas moins de 20 missions budgétaires sur 29 sont en augmentation ! L'effort sur les dépenses publiques doit être beaucoup plus significatif. Les administrations centrales doivent fournir le même effort que les administrations locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et sur le banc des commissions)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC) Une lecture rapide de l'évolution du ratio de la dette pourrait donner lieu à un satisfecit. En réalité, malgré une augmentation des immobilisations, sous l'effet de la revalorisation de l'indice des prix à la construction, la situation patrimoniale nette de la France s'est encore dégradée de 33,7 milliards d'euros, à cause de l'augmentation continue de la dette.

Les besoins de financement de l'État ont augmenté de 76 % depuis la crise de 2008. Pas moins de 8,8 milliards d'euros d'emprunts supplémentaires ont été enregistrés en 2018, pour couvrir une augmentation du déficit de 8,3 milliards d'euros. Nous n'arrivons pas à nous guérir du démon de la dépense publique.

À la fin 2018, la dette des administrations s'élève à 2 315,3 milliards d'euros avec une augmentation prévue par l'Insee de 43,6 milliards d'euros pour le seul premier trimestre 2019 !

Certes, la charge d'intérêt a baissé de 200 milliards d'euros. Selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), le maintien des taux à leur niveau de 2010 a permis à la France d'économiser près de 19 milliards d'euros entre 2010 et 2016. Le Gouvernement annonce que 10 milliards d'euros supplémentaires seront économisés d'ici 2021. Cependant, ne soyons pas aveugles : une épée de Damoclès pèse sur nos têtes. Les taux bas ont masqué notre incapacité à réduire notre déficit structurel.

Le volontarisme ne suffit pas à satisfaire les ambitions affichées. Dans son rapport de janvier 2019 sur « La dette des entités publiques » réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes relève que « l'augmentation de la dette publique résulte en partie de l'absence de mécanismes contraignants de désendettement », tels qu'il en existe en Suisse, en Suède ou en Allemagne. Ainsi en Suisse, sur l'ensemble du cycle conjoncturel, les dépenses ne doivent pas dépasser les recettes. En d'autres termes, seul un déficit conjoncturel est toléré.

En Allemagne, en 2009, la CDU-CSU et le SPD ont voté ensemble la loi dite Schuldenbremse fonctionnant sur un mécanisme d'équilibre des finances publiques à terme. Les objectifs seront tenus au-delà même des espérances puisque la dette publique est inférieure à 60 % du PIB. Cela nous montre que la dette n'est pas une fatalité ! Pourquoi ne pas inscrire dans le marbre de notre Constitution que les dépenses et les recettes doivent s'équilibrer ?

Bruno Le Maire a invité l'Eurogroupe à signer un pacte de croissance, comme il nous l'a expliqué. Suivons-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Comme l'an passé, il y a un effort de sincérité, mais le déficit s'accroît... Vous n'écoutez pas la chambre haute. Sur les 28 maigres pages du document d'orientation des finances publiques, il y a 11 pages d'encadrés vantant la politique du Gouvernement...mais sans chiffres !

Vous méritez le Molière des finances publiques pour votre Tartuffe ! (Sourires)

Quittons donc un instant le théâtre pour revenir au fond : la croissance ne va pas bien, la dette est considérable, le déficit structurel est catastrophique. L'Union européenne, je le dis solennellement, nous sanctionnera l'an prochain.

Les perspectives de croissance potentielles sont fermées ; comment l'espérer quand il n'y a pas de politique économique ? En effet, c'est le stop and go sur la fiscalité des grandes entreprises, la fiscalité verte, les retraites. Où sont les perspectives sur les finances locales, sur l'assurance chômage, la dépendance ? Avoir revendu plusieurs fois la CRDS alors que la dette sociale reste élevée, c'est décourageant.

Pour investir, il faut des perspectives ailleurs ! Dans la recherche ? On coupe le CIR ! Dans l'écologie ? On réduit les crédits d'impôts ! Dans la culture ? On décourage le mécénat !

Je vous reconnais un budget plus sincère. Mais il y manque sans doute celui du canal Seine-Nord-Europe auquel nous sommes tous les deux attachés, monsieur le ministre. François Mitterrand (Marques d'étonnement), que je cite peu, (exclamations) disait : pour le chômage, on a tout essayé. Pour résorber le déficit, pas encore mais voici une suggestion : faites des économies, notamment sur le fonctionnement du ministère de la transition écologique. Vous allez en avoir besoin... (Quelques sourires et applaudissements sur les bancs du groupe les Républicains)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Je me réjouis d'examiner à la fois exécution 2018 et perspectives, selon le schéma vertueux mis en place par le législateur organique.

Les analyses approfondies des deux rapporteurs généraux sont détaillées dans deux documents.

Globalement, l'exercice 2018 se caractérise par une meilleure sincérité budgétaire, même s'il y a déjà des écarts significatifs avec la loi de programmation 2018-2022. Monsieur le ministre, en tirerez-vous les conséquences dans une nouvelle loi de programmation, et à quelle échéance ?

L'exercice 2018 n'a pas été un bon budget : coupe sur le logement social, les contrats aidés, ISF transformé en IFI et flat tax...

L'initiative parlementaire est bridée dans ce texte, qui arrête seulement le montant définitif du budget du seul État - lequel ne représente que 30 % des dépenses publiques.

Juillet devant être propice à une réflexion budgétaire et fiscale, mais comme toujours, le Gouvernement attendra l'automne pour dévoiler ses mesures fiscales. Nous l'avons vu l'an passé sur le gazole non routier, par exemple. La ministre des transports vient d'annoncer la création d'une nouvelle taxe sur le transport aérien, mais l'information tombe au compte-gouttes, ce qui empêche une vision d'ensemble.

Je plaide en conséquence, avec le rapporteur général, pour avancer le calendrier de la loi fiscale à l'été, afin de calibrer ensuite les dépenses à l'automne. Une bonne gestion imposerait de voter des dépenses après seulement avoir arrêté les recettes...

Le président de la République a engagé des baisses d'impôt significatives, répondant en partie à des demandes légitimes sur le pouvoir d'achat ; mais comment seront-elles financées ?

La France a désormais un contexte économique et financier beaucoup plus favorable, ce qui ne doit pas obérer la transformation de l'action publique. Nous resterons vigilants à cet égard. Nous veillerons aussi à ce qu'elle ne se fasse pas au détriment des plus fragiles, des plus précaires.

Nous serons très attentifs à la fiscalité du patrimoine sur laquelle le rapporteur général et moi-même travaillons. (Applaudissements sur le banc des commissions ; M. Marc Laménie applaudit aussi.)

M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales .  - J'interviens au nom du président Milon. Comme le rapporteur général de la commission des affaires sociales l'a relevé, les dépenses de la branche vieillesse sont nettement reparties à la hausse : +2,9 %, soit 134 milliards d'euros pour le seul régime général, 263 milliards d'euros tous régimes obligatoires confondus. Cette hausse s'explique par la revalorisation de 0,8 % des pensions en octobre 2017 et par la fin des mesures relatives à l'âge de départ. Dès 2019, le solde de la branche vieillesse risque donc de repasser dans le rouge.

Laisser filer les déficits n'est pas tenable à moyen terme, et introduirait un doute sur la viabilité du système par répartition. On peut aussi rogner, année après année, le pouvoir d'achat des retraites : pas de revalorisation en 2018, quasi-gel en 2019, probable reconduction du gel en 2020.

Enfin, on peut s'attaquer à la racine du problème et expliquer aux Français que les gains d'espérance de vie doivent se partager entre temps consacré au travail et temps passé à la retraite, bref que l'âge de départ doit continuer à reculer d'une manière ou d'une autre.

Que fera le Gouvernement à l'automne pour équilibrer le système de retraites avant le passage au système par points à l'horizon 2025 ?

Quelles économies attend le Gouvernement de la réforme de l'assurance chômage ? La dette de l'Unedic atteint 35,5 milliards d'euros fin 2018 et l'on anticipe qu'elle pourrait dépasser 37 milliards d'euros fin 2019. Doit-elle se débrouiller pour l'éponger, ou l'État doit-il reprendre une partie de ses charges, comme il l'a fait pour le financement de Pôle Emploi ? Ou envisagez-vous un dispositif exceptionnel d'apurement global ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre .  - Les orateurs semblent croire que les taux d'intérêt dont la France bénéficie, telle une divine surprise, ne sont pas de notre fait. Oui, la politique de la BCE est accommodante, mais tous les pays de la zone euro n'ont pas le même taux. L'Italie emprunte à 2,42 %, nous à un taux négatif ou nul, à 0,11 % pour les emprunts à 10 ans. Est-ce seulement le fait de la chance, que Bonaparte demandait à ses généraux ? Non ! Les marchés tiennent compte de la sincérité budgétaire avérée, comme de la dynamique des réformes que nous mettons en oeuvre.

Ainsi, j'ai entendu beaucoup de leçons de morale, mais, de fait, la fiscalité du capital n'a jamais été réduite à ce point et je me tourne vers la droite de l'hémicycle en disant cela... (Exclamations à droite) Même chose pour la SNCF, et je m'adresse à tout l'hémicycle... (Quelques exclamations)

Je pourrais aussi mentionner les réformes de l'assurance chômage, de l'audiovisuel public, de la fonction publique. La politique économique et fiscale que nous menons produit ses effets. Notre pari est en train de réussir, ce n'est pas à dire que la dette doit être prise à la légère !

Deuxième critique : le manque d'orientations budgétaires. Il est facile de critiquer ! Mais où précisément faut-il couper les dépenses ? Le groupe UC demande une baisse des dépenses en général, sans toucher aux trésoreries ou aux territoires. Quand je lis la presse locale et que je vois les élus manifester contre la baisse des dépenses publiques, je compare avec leurs discours dans l'hémicycle...

Le Sénat a accepté 1,7 milliard d'euros d'augmentations de crédits par an dans la loi de programmation militaire. Il a également voté la loi de programmation de la justice. La droite de l'hémicycle veut construire plus de places de prison. À gauche, on privilégie l'aide publique au développement ou les aides sociales. Tout cela, ce seront des dépenses en plus ! Les six milliards d'euros de primes d'activité en plus sont aussi de la dépense publique. Lorsque je suis entré en fonctions, 2,5 milliards d'euros y étaient consacrés. À la fin du quinquennat, nous y consacrerons près de 9 milliards d'euros ! Bref, connectons notre cerveau gauche et notre cerveau droit...

Enfin, pas un orateur n'a prétendu que nous ne baissions pas les impôts. Ce n'était pas le cas l'an dernier, malgré la réalité des baisses, et on nous imputait le ras-le-bol fiscal. Nous serons le Gouvernement qui aura le plus baissé les impôts des entreprises et des particuliers. Pour ces derniers, ce sont plus de 35 milliards d'euros de baisses d'impôts en trois ans. Jamais un impôt de 20 milliards - c'est le montant de la taxe d'habitation - n'avait été supprimé sans avoir été remplacé.

M. le président Eblé a justement rappelé que la prévision de croissance a été infléchie. Nous prévoyions 1,7 point sincèrement. Les annonces du président de la République n'avaient pas encore été faites.

Oui, je suis prêt à discuter avec le Parlement une nouvelle loi de programmation des finances publiques, en tout cas j'en ai fait la demande au Premier ministre, en même temps que le projet de loi de finances. Nous n'avons rien à cacher et le Gouvernement n'a rien à craindre à vous la présenter.

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

M. le président.  - Joyeux anniversaire à Marc Laménie ! (Applaudissements.)

M. Marc Laménie .  - Merci, chers collègues.

Je partage les interrogations de mes collègues de la commission des finances en particulier sur l'avenir. La maîtrise des dépenses est une priorité. J'évoquerai aussi la sincérité des chiffres qu'il faut approuver.

Je voterai cet article et m'abstiendrai sur le texte.

L'article liminaire est adopté, de même que les articles premier, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

M. le président.  - En application de l'article 59 du Règlement, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Voici le résultat du scrutin n°164 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l'adoption   98
Contre 212

Le Sénat n'a pas adopté.