SÉANCE
du mercredi 6 février 2019
57e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Deroche, M. Victorin Lurel.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article 52
M. le président. - Amendement n°588, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan de la libéralisation du secteur énergétique.
M. Fabien Gay. - Nous connaissons les réticences traditionnelles sur les demandes de rapport mais, alors que nous entamons la discussion sur la privatisation d'Engie, il est essentiel de faire un point d'étape des dix ans de libéralisation de l'énergie.
Les prestataires de fourniture se sont multipliés, 21 aujourd'hui ; la distribution est toujours aux mains du duopole Enedis/GRDF. L'ouverture à la concurrence a finalement peu convaincu : 15 % du marché pour l'électricité et 25 % pour le gaz, principalement dans le secteur des entreprises.
Sur le plan qualitatif, on a observé une remise en cause des tarifs réglementés, une détérioration du service rendu et, contrairement à ce qui avait été promis, une hausse des prix - pour le gaz de 36 % et pour l'électricité de 49 % entre 2007 et 2015, soit près de 1 000 euros de plus par an et par ménage.
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale. - Je ne suis, en effet, pas favorable à un nouveau rapport. À notre assemblée de se saisir de toutes les possibilités de contrôle à sa disposition.
M. Roger Karoutchi. - Trop de rapports tuent les rapports : personne ne les lit !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Les offres de marché sont moins chères que l'offre réglementée et les hausses de prix sont dues pour une bonne part aux taxes et, parfois, aux taxes sur les taxes. Pour l'électricité, elles représentent un tiers du prix. Il y a là matière à travailler... La concurrence a ouvert le marché à de nouveaux acteurs qui travaillent étroitement avec les collectivités et créent de l'emploi. Avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. - Même avis.
M. Fabien Gay. - Alors que nous sommes en plein débat national, posons la question : y a-t-il véritablement un mieux pour les usagers et les salariés ? Mme Da Silva, présidente de l'Autorité de la concurrence, estime que c'est le cas pour l'ouverture du marché des télécoms mais que cela se discute pour l'énergie... Nous bradons Engie à l'heure où il faut faire la transition énergétique, quand il y a 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique. Le privé peut-il servir l'intérêt général ? J'aurais aimé une réponse du ministre.
L'amendement n°588 n'est pas adopté.
ARTICLE 52
M. Fabien Gay . - En 2005, lors de l'ouverture au privé de l'ex-GDF, le ministre Sarkozy disait devant l'Assemblée nationale que jamais, au grand jamais, l'État ne quitterait l'entreprise et que ces titres étaient incessibles !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Il fallait garder Sarkozy !
M. Fabien Gay. - Mme Borne nous a promis la main sur le coeur que les parts de l'État dans la SNCF étaient incessibles. Pour s'en débarrasser dans quelques années...
M. Michel Canevet - Et si c'était plus efficace ?
M. Fabien Gay. - Débattons-en ! Un élément encore : entre 2009 et 2016, 27 milliards d'euros de dividendes ont été distribués par Engie, alors que le prix du gaz augmentait de 70 %. Et le service s'est dégradé, au détriment des salariés : 5 000 emplois dans les call centers ont été délocalisés. Et l'État est encore actionnaire, c'est un véritable scandale !
M. Roland Courteau . - Avec la sortie de l'État du capital d'Engie, nous assistons à une dégringolade qui a débuté en 2004 puis en 2006 avec la fusion de GDF-Suez. La nationalisation de l'énergie à la Libération décidée par le CNR avait du sens : il s'agissait de s'assurer de la maîtrise de bien commun et de l'accès de tous à l'énergie.
Désormais, comment l'État pèsera-t-il sur les orientations stratégiques de l'entreprise ? J'ai vraiment le sentiment que nous cheminons à contresens : ce sera moins de sécurité et de souveraineté énergétiques. Le ministre nous assure que l'État conservera un pouvoir de contrôle mais je crains pour l'évolution des tarifs et les ménages précaires. Et qu'en pensent les salariés alors que l'entreprise délocalise dans des pays à bas coût de main-d'oeuvre ? Et qu'en pense M. de Rugy : comment ira-t-on vers l'énergie verte ? On nous fait des leçons de bonne gestion, mais vendre ce qui rapporte, est-ce de la bonne gestion ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - M. Gay l'a dit, M. Sarkozy avait promis, juré, craché, que le secteur du gaz était trop stratégique pour être cédé. Est-il devenu moins stratégique 14 ans après ? Non, au contraire ; il jouera un rôle déterminant dans la transition énergétique.
La préparation de la privatisation a déstabilisé l'entreprise : des activités ont été délocalisées, les dividendes ont augmenté alors que les dépenses de gaz des Français augmentaient. La libre concurrence, dans ce secteur, n'est pas la bonne stratégie.
Ensuite, il faut des investissements à long terme, qui nécessitent l'intervention de l'État. Monsieur le ministre, vous avez parlé hier d'alliance contre nature entre nos bancs. C'est mal nous connaître ! Nous avons toujours des divergences (MM. Roger Karoutchi et Jean-Paul Émorine le confirment.) qui nourrissent le débat démocratique. Reste que le tout-libéral, le tout-privé ne convainc plus personne. Il est temps que l'État reprenne la main sur certains sujets ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe CRCE)
M. Franck Montaugé . - Quelle stratégie y a-t-il derrière les évolutions d'Engie ? Le groupe Total pourrait récupérer la partie « gaz naturel » d'Engie et Suez la partie « services » en lien avec les collectivités. Nous avons interrogé la présidente de l'entreprise qui n'a pas été claire.
L'enjeu de souveraineté est majeur. Je plaiderai, pour ma part, pour la création d'un pôle public de l'énergie afin que nous puissions, nous, parlementaires, avoir un regard cohérent avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, la stratégie nationale bas carbone, et les territoires énergie positive.
En attendant, nous regrettons ce que vont subir Engie et ses salariés avec ce texte.
M. Jean-Paul Émorine . - Je m'inscrirai dans une autre philosophie. J'étais président de la commission des affaires économiques et du développement durable quand nous avons fusionné GDF-Suez puis l'avons privatisé. Nous avons fait en sorte que l'État ait une golden share, un droit de veto. Que s'est-il passé ensuite ? L'entreprise n'a jamais demandé des participations de l'État ; au contraire, le capital de l'État a diminué parce que cette entreprise enregistrait des bénéfices. Quant aux délocalisations, elles s'imposent quand un marché est remporté à l'étranger...
Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Fabien Gay et Mme Cécile Cukierman. - Pas le service clients !
M. Jean-Paul Émorine. - Quand Areva, dont l'État était actionnaire à 90 %, s'est retrouvé avec 3 à 4 milliards de déficit, Emmanuel Macron était ministre de l'économie et c'est EDF qui a dû reprendre la dette via Framatome... Bref, je suis favorable à la privatisation.
M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale . - Parler de privatisation n'est pas tout à fait exact quand l'État détient 23 % d'Engie. L'évolution d'aujourd'hui est logique avec l'émergence de nombreux acteurs privés sur le marché. L'État doit réguler mais les opérateurs sont capables de définir leur propre stratégie.
Quant aux dividendes perçus par l'État, ils étaient de 4,6 milliards d'euros en 2012 mais de 2,45 milliards en 2018 ! Et qui était aux affaires pendant ces années ? Les choses changent, le monde bouge, et nous devons nous y adapter. Si tout allait bien en France, ça se saurait !
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Roger Karoutchi . - Quand j'étais non pas plus petit mais plus jeune (Sourires), j'ai appris que la France produisait du gaz, grâce au gisement de Lacq... Lointaine époque ! La France importe désormais beaucoup et ne produit plus du tout. La situation est donc différente. Engie est à présent une entreprise immergée dans la compétition internationale à la recherche de champs gaziers en concurrence avec les géants mondiaux américains, britanniques et indiens. Autant, j'étais sceptique sur la privatisation d'ADP, autant je crois que nous avons besoin d'une grande entreprise, très libre, dans le secteur de l'énergie.
M. le président. - Amendement n°232 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Cet article est le coup de grâce pour Engie-Entreprise publique après de nombreuses banderilles. Nous voyons bien ce que valent les garanties et autres mécanismes censés préserver le statut des entreprises publiques ! Monsieur le ministre, vous dites ne pas refaire les mêmes erreurs que lors de la vente des autoroutes. À voir...
Nous regrettons que le Gouvernement, tout en déplorant le niveau de déficit, renonce à 250 millions d'euros de dividendes par an. Nous regrettons aussi le peu d'attention pour la qualité du service et de l'approvisionnement - car ce n'est pas seulement une question de production, monsieur Karoutchi - ; enfin, Engie est stratégique pour réussir la transition énergétique, notre combat du XXIe siècle, et pour notre souveraineté.
M. le président. - Amendement identique n°400 rectifié, présenté par M. M. Bourquin et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Roland Courteau. - Nous réaffirmons notre opposition à la suppression du seuil de détention par l'État de plus du tiers du capital d'Engie, ex GDF-Suez, ainsi qu'à l'ouverture du capital de GRT-Gaz. Une participation importante de l'État au capital d'une entreprise aussi stratégique constitue une garantie en matière d'approvisionnement.
Nous nous inquiétons du devenir de certains actifs stratégiques après la privatisation, notamment des réseaux de transport de gaz naturel mais aussi des actifs de stockages souterrains de gaz naturel et des installations de GNL.
Alors que l'économie se financiarise, l'État doit rester fortement présent au capital d'Engie afin d'éviter une captation de la valeur et un repli sur des choix de court terme. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable, comme en commission. Ceux qui s'inquiètent du devenir des infrastructures énergétiques et en appellent à la création d'un pôle public auraient pu s'y employer lorsqu'ils détenaient tous les pouvoirs...
L'État restera régulateur et autorité de contrôle du secteur. J'ai entendu dire que le bonheur réside peut-être dans une économie entièrement administrée.
Mme Cécile Cukierman. - Personne n'a dit ça !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Vivons au XXIe siècle !
Quant à ceux qui regrettent les promesses de M. Sarkozy, ils peuvent soit changer d'avis, soit le rappeler ! (Les membres du groupe CRCE protestent ; rires à droite.)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je n'entrerai pas dans le débat politique ouvert par votre rapporteur, (Sourires) c'est un terrain mouvant... Parlons du solide et le solide, c'est ce que nous vous proposons en matière de cession d'actifs depuis hier. Un seul but : préparer l'avenir des Français en permettant à ADP de se développer (Marques de lassitude sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE), à la Française des Jeux de se développer et à Engie d'investir dans les énergies vertes.
La loi empêche aujourd'hui l'État de descendre sous les 33 % de droits de vote. Dans la situation actuelle, si Engie a besoin de capitaux pour investir dans le gaz ou l'éolien offshore, je n'ai pas d'autre choix, en tant que ministre de l'économie, que de mobiliser des milliards au nom de l'État pour conserver ce niveau de participation ou de bloquer son développement.
Comme pour ADP, comme pour la Française des jeux, nous avons entouré l'opération de garanties. L'action spécifique nous permet de nous opposer à toute cession d'actifs stratégiques par Engie ou une de ses filiales en droit français. Pour être clair, un actif stratégique est, dans ce cas, ce sont tous les actifs liés à la distribution de gaz naturel, au stockage de gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Soit, mais le champ d'intervention de ce genre d'action spécifique est limité. Et le choix des pays à qui vous achetez n'est pas neutre : en Russie ou en Algérie, le gaz est une ressource stratégique, qui peut cesser d'être exporté du jour au lendemain pour des questions politiques. Notre indépendance énergétique est loin d'être assurée.
En privatisant Engie et les GRTgaz, on fait coup double. M. Karoutchi nous parle de l'étranger mais les réseaux de transport, c'est en France, GRTgaz, c'est en France !
M. Richard Yung. - Je partage l'idée selon laquelle l'énergie est un secteur stratégique, que l'État doit contrôler. Mais il y a une différence importante entre le gaz et l'électricité : le premier ne vient que de l'étranger - l'Iran, la Russie notamment - et ses prix nous sont imposés. Entre parenthèses, je regrette que nous n'ayons pas réussi à mettre en place de politique européenne ; c'était la solution.
M. Roland Courteau. - C'est sûr !
M. Richard Yung. - Autre argument, les investissements à déployer sont considérables. Un champ gazier dans le Kamtchatka représente 15 à 20 milliards d'euros d'investissement. Seule une grande entreprise peut le faire.
M. Martial Bourquin. - Une information qui est peut-être passée inaperçue : depuis le 5 janvier 2019, l'État allemand envisage de prendre des participations dans les secteurs stratégiques. Cela fait suite au rachat surprise de l'usine de robotique Kuka par des investisseurs chinois. Et nous, on fait tout le contraire : on se retire. Le ministre Peter Altmaier a raison : face au projet Made in China 2025, qui consiste à racheter nos technologies pour des milliards, nous avons plus que jamais besoin d'un État stratège !
Nous vivons la fin du néolibéralisme. L'école de Chicago doit laisser la place à un néokeynésianisme, dans lequel l'intérêt général prime. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs des groupes CRCE et UC)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je partage l'analyse de Peter Altmaier. Nous la mettons en oeuvre depuis 18 mois, avec nos partenaires allemands, et voulons lui donner une dimension européenne. La décision de la Commission européenne sur Alsthom-Siemens est d'ailleurs regrettable.
M. Jean-Paul Émorine. - Honteuse !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Et nous ferons des propositions avec nos voisins allemands pour modifier le droit européen de la concurrence.
Oui, il faut un État stratège qui n'hésite pas à prendre des participations dans des entreprises stratégiques. Et c'est ce que nous faisons. Si l'État n'avait pas massivement investi dans Ascoval par Altifort, la reprise ne se serait pas faite. Et que n'a-t-on dit lorsque j'ai décidé de nationaliser temporairement les chantiers de l'Atlantique... Certains ont dit que j'étais devenu communiste, comme M. Gay ! (Sourires) Non, je suis simplement soucieux de nos actifs stratégiques.
Un État stratège, c'est un État qui protège. Les Allemands ont en effet été traumatisés par l'affaire Kuka qui a fait évoluer jusqu'au patronat allemand. En France, nous avons décidé de renforcer le décret sur les investissements étrangers. Nous avons aussi décidé, pour le déploiement de la 5G, de renforcer la protection des opérateurs. Il le faut : avec la 5G, les données seront stockées dans le coeur de réseau mais aussi dans les antennes-relais et ces antennes-relais peuvent être piratées. Imaginez les conséquences d'un black-out quand les véhicules autonomes seront pilotés depuis ces antennes-relais.
Enfin, l'État stratège, c'est investir : c'est l'objet du fonds pour l'innovation de rupture, du crédit impôt recherche et du mécanisme de suramortissement pour la robotisation de nos entreprises.
M. Olivier Henno. - Certains arguments sont anachroniques. Qui peut croire que seules des entreprises publiques peuvent garantir un service public de qualité ? Si toute activité stratégique, l'armement, la banque, doit être publique, revenons à mai 1981 ! (Marques de protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Comme élus locaux, nous savons bien que certains services en régie fonctionnent bien, d'autres non ; idem pour la délégation de service public. Plus que le dogme, il faut voir ce qui fonctionne au cas par cas. En matière de régulation, puisque l'époque est aux États-continents, on ne peut plus réfléchir à la seule échelle française. (M. Pierre Louault applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. - Personne n'a dit que le bonheur reposait sur une économie administrée nationalement. M'avez-vous entendu dire que le capitalisme porte toute la misère du monde ? (Marques d'amusement à droite) Un peu de respect, s'il vous plaît.
Notre groupe combat les privatisations, non pour en rester à cette caricature d'entreprise publique à la gestion libérale et capitaliste mais pour repenser le système et renforcer le contrôle des salariés et des citoyens.
La délocalisation des centres d'appel d'Engie n'est pas acceptable. (M. Martial Bourquin approuve.) L'achat de gaz à des puissances étrangères pose des questions géostratégiques. Cela suppose un contrôle par l'État - la Nation, pas l'administration !
Le droit à l'énergie, c'est le droit de produire, de se chauffer et de s'éclairer, des droits consacrés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Cécile Cukierman. - Je termine, monsieur le président.
M. le président. - Vous avez terminé.
M. Roger Karoutchi. - L'ancien président n'est pas sur l'île d'Elbe, monsieur le rapporteur ; il fera ce qu'il souhaitera, inutile d'appeler au retour de l'Aigle ! (Sourires)
Il faudrait conserver une entreprise publique car en Russie, en Iran ou en Algérie, la gestion du gaz est une affaire d'État. Il est plus aisé, pourtant, de négocier avec des entreprises privées que d'État à État !
Gaulliste mais pas encore rallié au parti communiste (Sourires), je suis pour un État stratège, pas pour un État propriétaire. La participation de l'État dans Engie n'est que de 23 %.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a dit : chacun doit pouvoir se chauffer, se nourrir, etc. Pour autant, on n'a jamais envisagé de nationaliser toute l'agriculture !
Mme Sophie Primas. - Ne les tentez pas !
M. Roger Karoutchi. - À trop élargir le périmètre des activités que l'on considère comme stratégiques, on ne fait qu'affaiblir l'État stratège. Je suis pour un État fort, capable de réguler et de protéger. C'est pourquoi je suis pour la privatisation d'Engie.
M. Franck Montaugé. - M. le ministre ne m'a pas répondu sur la stratégie de l'État en matière de production et de gestion du gaz naturel.
Engie semble se désengager de son coeur de métier pour se redéployer sur des secteurs comme les énergies renouvelables. L'État envisage-t-il que le secteur du gaz soit repris par un groupe comme Total ?
L'externalisation des centres de relations clients d'Engie s'est traduite par la suppression de milliers d'emplois, avec des conséquences lourdes pour nos territoires. Aujourd'hui, deux à trois mille emplois supplémentaires sont menacés. L'Italie, elle, a fait le choix de conserver ces fonctions et ces emplois sur son territoire. En France, l'État actionnaire ne l'a pas fait. Dans quel domaine entend-il penser sur le devenir d'Engie ?
M. Fabien Gay. - Je vois que beaucoup de sénateurs sont prêts à rejoindre le parti communiste... (Sourires) Ce sera plus difficile pour M. le ministre que pour M. Karouchi ; qu'il commence donc par respecter notre vote d'hier ! (Sourires)
Deux visions de la société s'affrontent. Faute de pouvoir céder GDF, on l'a accolé à Suez pour ensuite créer Engie ; je crains le même scénario pour la SNCF.
Je vous pose une question philosophique : le privé peut-il répondre à l'intérêt général ?
M. Roger Karoutchi. - Oui !
M. Emmanuel Capus. - Oui !
M. Fabien Gay. - Son premier objectif, et c'est normal, est pourtant la rentabilité. Peut-il répondre à la précarité énergétique qui touche 12 millions de personnes ? Peut-il répondre aussi aux défis de la transition énergétique ?
Brader les entreprises publiques pose la question de l'État stratège. Je regrette que nous soyons moins nombreux qu'hier à voter contre cette nouvelle privatisation.
Mme Françoise Gatel. - Je souscris pleinement à la philosophie de M. Bourquin mais rappelle que nous ne sommes loin d'être dans la même situation budgétaire que l'Allemagne... Pour que l'État conserve cette fonction stratégique d'impulsion en matière industrielle, il faut d'abord réduire les déficits pour se redonner des moyens et penser à la dimension européenne. Nous sommes des nains en comparaison du colosse chinois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.)
À la demande des groupes CRCE et SOCR, les amendements identiques nos232 rectifié et 400 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°50 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 92 |
Contre | 251 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 52 est adopté.
ARTICLE 52 BIS A
M. Fabien Gay . - J'interviens sur l'article car nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables. L'un d'eux portait sur la transparence des votes des administrateurs des entreprises publiques.
Le rapport d'Attac sur les grandes entreprises françaises comprend un chapitre intitulé « L'État, fraudeur fiscal ». On y lit que malgré la présence de l'État au capital, ces entreprises donnent la priorité au versement des dividendes et sont actives en matière d'évitement fiscal. Ainsi, Engie possède 2 300 filiales, dont 327 dans des paradis fiscaux ; la maison mère est au Luxembourg, où la société a transféré 17 milliards d'euros d'actifs. La Belgique attire quant à elle EDF et Orange grâce à la déduction d'intérêt notionnel.
L'intersyndicale d'Engie nous a demandé de vous poser la question suivante, monsieur le ministre : « Est-il normal que les deux administrateurs de l'État au conseil d'administration d'Engie votent chaque année les schémas d'optimisation fiscale ? »
M. le président. - Amendement n°233 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
Supprimer cet article.
M. Éric Bocquet. - Nous regrettons que le déploiement des réseaux électriques intelligents se fasse sans aucune concertation avec les usagers. Le texte facilite les démarches pour les fournisseurs sans se soucier des clients. On connaît l'inquiétude autour du compteur Linky ; malgré les propos rassurants d'ERDF, il demeure que les ondes de radiofréquence sont potentiellement cancérogènes et que les câbles ne sont pas adaptés aux 75 KHz... En la matière, le principe de précaution devrait prévaloir. En associant les consommateurs aux expérimentations, on s'assure que les cobayes sont volontaires !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Ces expérimentations visent à tester des solutions innovantes. Les dérogations prévues obéissent à un cadre strict et seront suivies de près par la CRE. La commission a en outre associé les gestionnaires de réseaux à ce dispositif et demandé que le rapport de suivi et d'évaluation de la CRE soit rendu public. Avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis. Il va de soi que les administrateurs de l'État dans les conseils d'administration veillent au respect des règles fiscales par les entreprises. Je ne peux laisser dire qu'ils participeraient à une stratégie d'optimisation fiscale.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Monsieur le ministre, vous savez bien qu'il y a un espace non négligeable entre le respect strict des règles et les accommodements bordeline : c'est l'optimisation fiscale, que nous cherchons à limiter. Ces grandes entreprises vont garder un certain sens de l'intérêt national, dites-vous ? Permettez-moi d'en douter, quand je vois leur manière de concevoir leur contribution à l'impôt !
L'amendement n°233 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°575, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 341-4 du code de l'énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être procédé à une installation de compteurs dits « intelligents », tels les compteurs nommés "Linky", "Gazpar" et équivalents, sans le consentement exprès et écrit des personnes dont le compteur permet de collecter et de transmettre des informations relatives à sa consommation. Toute installation réalisée sans ce consentement est constitutive d'un délit d'atteinte à la vie privée tel que prévu à l'article 226-4 du code pénal. »
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il faut être vigilant face au risque d'utilisation des données personnelles ou, à tout le moins, de non-respect de l'autodétermination. Cette exigence a été rappelée par le Conseil d'État dans son rapport de 2014 et figure dans le RGPD.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - La protection des données est assurée par le cadre législatif et réglementaire des compteurs intelligents. Ceux-ci ne collectent par défaut que la consommation d'électricité, les données sont transmises uniquement aux gestionnaires du réseau. Le consentement exprès du consommateur est demandé.
Aucune information personnelle ne transite par le compteur : ni adresse, ni nom, ni coordonnées bancaires. Si cet amendement était adopté, les solutions innovantes ne pourraient pas être expérimentées. Avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
L'amendement n°575 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°356 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse, Henno, Joyandet, Antiste, Magras, Bascher, Guerriau et Rapin, Mme Deromedi, M. Schmitz, Mme Bories, MM. Charon et de Nicolaÿ, Mme Duranton, MM. Regnard, Chasseing et Laménie, Mme Lherbier, M. Adnot et Mme Létard.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il est inclus dans ces dérogations la mise en oeuvre à titre expérimental de l'ordonnance n°2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution afin de favoriser le développement de l'auto-consommation
M. Olivier Henno. - Il s'agit de développer l'autoconsommation électrique par la mise en oeuvre dérogatoire de réseaux fermés de distribution. C'est le cas par exemple du réseau intelligent développé par la métropole européenne de Lille.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par le texte : retrait ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
L'amendement n°356 rectifié quater est retiré.
M. le président. - Amendement n°995, présenté par M. Husson, au nom de la commission.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
à compter de la publication de la présente loi
L'amendement de précision n°995, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°280 rectifié, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Allizard, B. Fournier, Poniatowski, Lefèvre et Longeot, Mme Deromedi et MM. Cuypers, Genest, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Laménie, Chatillon, Brisson, Grand, Morisset, Revet, Mouiller, Magras, Paul, Bouchet, Karoutchi et Pierre.
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
est associé
par les mots :
, ainsi que l'autorité organisatrice mentionnée à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, sont associés
M. Daniel Laurent. - Cet article habilite la CRE ou les services de l'État à accorder des dérogations aux conditions d'accès et à l'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux intelligents.
Ces nouvelles dispositions ne doivent pas méconnaître les lois en vigueur. Il est essentiel que les autorités organisatrices soient directement associées aux dérogations ainsi accordées.
M. le président. - Amendement identique n°299 rectifié, présenté par Mme Saint-Pé et M. L. Hervé.
Mme Denise Saint-Pé. - Avec cet amendement, les autorités organisatrices de la distribution d'électricité et de gaz seraient associées aux expérimentations.
M. le président. - Sous-amendement identique n°997 à l'amendement n°280 rectifié de M. D. Laurent, présenté par M. Husson, au nom de la commission.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable à condition de préciser que les autorités organisatrices sont associées uniquement lorsque les dérogations portent sur les missions des gestionnaires de réseaux de distribution.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
Le sous-amendement n°997 est adopté.
Les amendements identiques nos280 rectifié et 299 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°281 rectifié, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Allizard, Poniatowski, B. Fournier, Lefèvre et Longeot, Mme Deromedi et MM. Cuypers, Genest, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Chatillon, Laménie, Morisset, Brisson, Grand, Revet, Mouiller, Magras, Paul, Bouchet, Karoutchi et Pierre.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les dérogations accordées en application du I du présent article portent sur les conditions d'accès et d'utilisation des réseaux prévues aux articles L. 322-8 ou L. 432-8 du code de l'énergie, le gestionnaire du réseau de distribution concerné tient à la disposition de chacune des autorités concédantes mentionnées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales dont il dépend les informations utiles à l'exercice du contrôle prévu au I de cet article, relatives aux expérimentations menées sur le territoire de la concession, à son suivi et à son évaluation.
M. Daniel Laurent. - Il est essentiel que les autorités organisatrices puissent contrôler l'impact des dérogations accordées à titre expérimental par les services de l'État ou par la CRE.
M. le président. - Amendement identique n°300 rectifié, présenté par Mme Saint-Pé et M. L. Hervé.
Mme Denise Saint-Pé. - C'est le même.
M. le président. - Sous-amendement n°996 à l'amendement n°281 rectifié de M. D. Laurent, présenté par M. Husson, au nom de la commission.
Amendement 281, alinéa 3
Remplacer les mots :
à son suivi et à son évaluation
par les mots :
à leur suivi et à leur évaluation
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Favorable, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement rédactionnel.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
Le sous-amendement n°996 est adopté.
Les amendements identiques nos281 rectifié et 300 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.
L'article 52 bis A, modifié, est adopté.
ARTICLE 52 BIS
M. le président. - Amendement n°234, présenté par M. Gay et Mme Apourceau-Poly.
Supprimer cet article.
M. Éric Bocquet. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
L'amendement n°234 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°781, présenté par M. Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
au second alinéa de l'article L. 111-48,
2° Après la référence :
L. 111-71 et
insérer les mots :
à leur première occurrence
M. Richard Yung. - Il convient dans certaines occurrences de conserver l'appellation GDF Suez plutôt qu'Engie, par souci de précision juridique.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Sagesse.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°781 est adopté.
L'article 52 bis, modifié, est adopté.
Les articles 52 ter, 52 quater et 52 quinquies sont successivement adoptés.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°296 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bazin, Charon, Danesi et de Nicolaÿ, Mmes Dumas, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. Grand, Gremillet, Grosdidier, Kennel, Le Gleut, Lefèvre, Magras, Mandelli, Nougein, Pierre, Rapin, Regnard, Savary et Segouin.
Après l'article 52 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-1-7 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ainsi que des comptes d'épargne réglementés détenus par le client, à l'exclusion des plans d'épargne logement et des comptes d'épargne logement » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et que les soldes des comptes d'épargne réglementée détenus au sein de l'établissement de départ soient transférés sur des produits d'épargne identiques dans l'établissement d'arrivée, à l'exclusion des plans d'épargne logement et des comptes d'épargne logement » ;
c) Le troisième alinéa est complété par les mots : « et l'envoi des soldes des comptes d'épargne réglementée, à l'exclusion des plans d'épargne logement et des comptes d'épargne logement » ;
d) La première phrase du septième alinéa est complétée par les mots : « ainsi que celle des comptes d'épargne réglementée transférés » ;
2° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
» Il fournit, par tout moyen approprié et dans un délai de trois jours ouvrés, toute information relative aux soldes des comptes d'épargne réglementée détenus par le client ainsi que les coordonnées bancaires des comptes associés, à l'exclusion des plans d'épargne logement et des comptes d'épargne logement. » ;
3° Au VII, après le mot : « dépôt », sont insérés les mots : « , comptes d'épargne réglementée, à l'exclusion des plans d'épargne logement et des comptes d'épargne logement ».
Mme Jacky Deromedi. - La difficulté de transfert des comptes d'épargne, notamment réglementée, freine la mobilité : un client ne peut en effet détenir qu'un seul compte - livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d'épargne populaire, compte d'épargne logement (CEL), plan d'épargne logement (PEL), livret jeune - dans une seule banque. Ces livrets ne sont pas inclus dans le dispositif de mobilité réglementée, contraignant les clients à une potentielle multi-bancarisation coûteuse.
Cet amendement exclut les CEL et les PEL pour lesquels des frais de clôture sont appliqués par les banques et ne sont pas encadrés.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par le dispositif actuel, assoupli en 2015. La clôture comme l'ouverture des comptes d'épargne réglementée est immédiate et gratuite. C'est un gage d'efficacité. Retrait ou avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
L'amendement n°296 rectifié ter est retiré.
L'article 52 sexies est adopté.
M. le président. - Amendement n°589 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan de la cession des participations de l'État depuis ces 20 dernières années.
Mme Céline Brulin. - Le rapport que nous demandons (Exclamations à droite) ne doit pas être uniquement technocratique et comptable mais éclairer le comportement de l'État. Se comporte-t-il en État stratège, aménageur du territoire, favorisant la recherche, le développement et l'emploi ?
Je n'énumérerai pas les nombreuses entreprises absorbées par des groupes étrangers peu après la cession des actifs de l'État, ni les zones blanches qui subsistent, preuve de l'inefficacité de la privatisation de France Telecom.
Quid de l'accord RAMA qui lie Nissan Renault, alors que l'arrestation de Carlos Ghosn a montré l'absence de transparence et de contrôle dans la gestion de l'entreprise ? Ni vous, ni surtout votre prédécesseur à Bercy ne pouvez en ignorer le contenu ! Selon les milieux éclairés, l'accord acterait la constitution de la holding néerlandaise, RNBV, qui est au coeur des ennuis des dirigeants de Nissan-Renault.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Céline Brulin. - Je conclus par un appel à la transparence !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Ces informations figurent déjà dans le rapport annuel sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ; la Cour des comptes a en outre publié un rapport sur l'État actionnaire en janvier 2017.
Nous pourrions demander que l'un de ces rapports annuels comporte des données agrégées sur une ou deux décennies. Retrait, sinon rejet.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis. Les accords RNBV lient deux entreprises privées dans lesquelles l'État a une participation réduite ; ils relèvent du secret des affaires.
M. Fabien Gay. - Nous suivrons l'avis du rapporteur mais je vous invite à concrétiser cette proposition !
L'amendement n°589 rectifié est retiré.
ARTICLE 53
M. le président. - Amendement n°235, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pascal Savoldelli. - La stratégie du Gouvernement s'accompagne d'une rhétorique volontiers moderniste : la gestion « en bon père de famille » des actifs de l'État laisse la place à un soutien à « l'innovation de rupture ».
Pourtant, le soutien à l'innovation pourrait tout à fait prendre d'autres formes que la cession de titres : crédits budgétaires ou fléchage des dividendes tirés des participations. Les modalités du soutien à l'innovation méritent d'être examinées par la représentation nationale, d'autant que le rapport de l'Assemblée nationale sur Bpifrance de 2015 a clairement établi que le fonds pour l'innovation trouvait sa genèse dans l'érosion progressive de la dotation budgétaire de la BPI.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Le fonds pour l'innovation est déjà créé, il bénéficie d'une dotation hybride, ce qui suppose de maintenir l'article dans sa rédaction actuelle. Avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
L'amendement n°235 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°286, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Au 2° de l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six ».
II. - L'article 4 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifié :
1° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Le produit financier des résultats du placement de ses fonds ; »
2° Après le même 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements. »
III. - Les résultats mentionnés au 5° de l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée dans sa rédaction résultant du II du présent article, lorsque ceux-ci sont des intérêts, sont calculés à compter de la date de placement des fonds de l'établissement public Bpifrance sur un compte rémunéré.
IV. - L'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifiée :
1° À l'avant-dernier alinéa de l'article 1er A, après le mot : « entreprises », sont insérés les mots : « depuis leur création et » ;
2° Au 2° de l'article 1er, après le mot : « Favoriser », sont insérés les mots : « la création, ».
M. Bruno Le Maire, ministre. - Cet amendement garantit le bon fonctionnement du fonds pour l'innovation de rupture. Contrairement aux dotations budgétaires et aux dividendes, aléatoires, ce fonds bénéficiera du produit de sommes placées au Trésor à un taux fixe de 2,5 %. Si l'on veut que la BPI puisse toucher le produit de ces placements, il faut l'adopter.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Il n'y a pas d'impératif particulier à céder des participations pour financer l'innovation : le fonds est déjà actif depuis un an et dispose de 200 millions d'euros au titre de 2018. D'autres solutions existent. Avis défavorable.
L'amendement n°286 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°540, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
M. Éric Bocquet. - Lors de la création de la BPI, nous avions longuement débattu de la composition de ses instances de direction. Elle devait avoir un fort ancrage local, matérialisé par la présence des collectivités locales de tous les niveaux. Or cet article s'inscrit dans une logique inverse.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable. L'alinéa que vous supprimez n'est que le corollaire de la création du fonds d'innovation, opérée par voie réglementaire il y a un an. Il est logique d'actualiser le conseil d'administration de Bpifrance.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
M. René-Paul Savary. - BPI soutient plus de 6 000 entreprises dans le Grand Est, pour 3,8 milliards d'euros. Près de 90 % des dossiers concernent des PME. Pourquoi ne pas aller plus loin dans la décentralisation en confiant aux régions les recettes qui leur permettraient d'être plus réactives et d'aider les entreprises au plus près du terrain ?
Mme Christine Lavarde. - Hier soir, j'ai fait part de mes interrogations sur la coordination des différents dispositifs d'investissements. Le ministre ne m'a pas convaincue... Mais la présence d'un membre du secrétariat général à l'investissement dans le conseil d'administration de Bpifrance est un progrès. En tant que rapporteur de la mission « Investissements d'avenir », j'invite mes collègues à voter contre cet amendement.
L'amendement n°540 n'est pas adopté.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 40.
M. le président. - Amendement n°541, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
M. Fabien Gay. - La BPI est adossée à la détention d'un nombre de parts d'entreprises publiques. Près de 13,3 % du capital d'EDF est ainsi cantonné pour amorcer la pompe à finance qu'est le fonds pour l'innovation. On est assez loin de l'usage de l'argent du plan Marshall fait par les Allemands au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), célèbre établissement public, qui a assuré, par ses prêts à faibles taux, la reconstruction du pays en jugulant le risque d'inflation.
Nous aurions mieux fait, alors que les taux sont faibles, de renforcer la centralisation de l'épargne populaire, pour proposer aux entreprises des prêts à taux bonifiés nuls, voire négatifs. Nous refusons la dilapidation du produit de la cession au privé d'entreprises publiques stratégiques.
M. le président. - Amendement n°61 rectifié, présenté par MM. Cigolotti, Delcros, Médevielle, Longeot, Bonnecarrère, Moga et Kern, Mmes Guidez et Dindar, M. Henno, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay, Vanlerenberghe, Janssens et L. Hervé, Mme Billon et M. D. Dubois.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'avant-dernier alinéa de l'article 1er A est complété par les mots : «, compatible avec les actions d'accompagnement des réseaux consulaires » ;
M. Olivier Cigolotti. - Cet amendement est de bon sens. L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui étend le champ d'intervention de la Banque publique d'investissement à des actions de soutien à la création d'entreprise.
Cet amendement prévoit la compatibilité des actions de la Banque publique d'investissement avec celles des réseaux consulaires, en vue d'éviter la création de nouveaux services qui risqueraient de doublonner avec les actions déjà mises en place par ces établissements publics.
M. le président. - Amendement identique n°89 rectifié, présenté par M. Brisson, Mme Micouleau, M. D. Laurent, Mme Bruguière, M. Bascher, Mme Deromedi, M. Courtial, Mme Bonfanti-Dossat, M. Schmitz, Mmes Garriaud-Maylam et Noël, MM. Lefèvre, Paccaud et Hugonet, Mme Lassarade, MM. Chatillon, Piednoir, Bonhomme, Sido, Nougein et Dufaut, Mme A.M. Bertrand, MM. Le Gleut et Segouin, Mme Chain-Larché et MM. Laménie, Grand, Darnaud et Genest.
Mme Jacky Deromedi. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°435 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Gabouty, Guérini, Menonville, Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Défendu.
L'amendement n°477 n'est pas défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°541 car l'innovation touche la création d'entreprises. La compétence qui conduit Bpifrance à intervenir sur la création d'entreprises au titre de l'innovation est parfaitement logique.
Quand nous avons évoqué la régionalisation des chambres de métiers, nous avons constaté que la question ne se posait même pas dans certains territoires, car elle était déjà un fait. Évitons de trop segmenter ; faisons confiance à l'intelligence des femmes et des hommes qui oeuvrent sur les territoires. Avis défavorable à tous ces amendements identiques.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. - Avis défavorable à l'amendement n°541. Il n'y a pas de difficulté de fonctionnement entre les CCI et la BPI dans les territoires et donc aucune nécessité de légiférer. Avis défavorable aux amendements identiques.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On nous annonce un fonds d'innovation au service de secteurs clé et on le finance comme un fonds classique. Je crains cette dilution. Il n'est pas souhaitable de trop élargir le champ de financement de ce fonds.
Pour autant les entreprises manquent d'une stratégie de financement facile d'accès. Les banques bénéficient de 800 millions d'euros grâce au plafonnement du livret A. C'est de l'argent indu, car le Gouvernement avait instauré ce plafond pour financer le logement social.
On nous a aussi dit que l'argent du livret A devait servir à mieux financer les PME. Or ces 800 millions d'euros dorment dans les banques françaises sans servir à ce qui était prévu. Pourquoi ne pas les utiliser pour soutenir l'innovation ?
L'amendement n°541 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos61 rectifié, 89 rectifié et 435 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 53 est adopté.
L'article 53 bis A demeure supprimé.
ARTICLE 53 BIS
M. le président. - Amendement n°543, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa, après les mots : « dès lors qu'une », sont insérés les mots : « institution financière spécialisée et une » ;
Mme Cécile Cukierman. - Sans remettre en cause le rôle de la BPI auprès des régions, on gagnerait à sécuriser les possibilités de financement des entreprises en engageant d'autres acteurs du développement régional comme la Caisse des dépôts et consignations.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Évitons l'entre soi et le conflit d'intérêt ! La BPI est partie intégrante de la Caisse des dépôts et consignations. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Avis défavorable : la notion « d'institution financière spécialisée » n'existe plus depuis l'abrogation de l'ordonnance du 21 septembre 2013.
L'amendement n°543 est retiré.
L'article 53 bis est adopté.
ARTICLE 53 TER
M. le président. - Amendement n°544, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Fabien Gay. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°544 n'est pas adopté.
L'article 53 ter est adopté.
ARTICLE 54
M. le président. - Amendement n°236, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Fabien Gay. - Les dirigeants de notre pays essaient de nous convaincre que La Poste restera une entreprise publique. Dans la rédaction proposée, certains points l'attestent, tels le choix du PDG par le président de la République, et la présence d'un représentant de l'État au conseil de surveillance.
Cependant, le changement de statut de l'exploitant public s'inscrit dans un contexte de désengagement de l'État et l'ouverture de La Poste à la concurrence serait dans la logique de la politique du Gouvernement, qui a voté au conseil des ministres de l'Union européenne la dernière directive postale. La direction de l'entreprise n'a eu de cesse de réduire les coûts.
Ne doit-on pas craindre que ce projet de loi donne le dernier coup de grâce à l'opérateur ? Marie-France Beaufils avait déjà posé la question en 2010. Ils sont toujours d'actualité. Même si on nous reproche d'agiter des peurs, l'histoire nous donne souvent raison.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'article 54 porte le numéro de mon département, la Meurthe-et-Moselle : comment pourrais-je le supprimer ? (Sourires) Plus sérieusement, en aucun cas, cet article ne modifie les missions de service public de La Poste. Les salariés de La Poste seront au contraire autorisés à entrer au capital. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Cet article est nécessaire pour faire un grand pôle public. J'insiste sur ce qualificatif car il n'y a aucune ambigüité sur la détention des actions publiques. La Poste et la Caisse des dépôts et consignations joindront leurs forces autour de projets communs, pour une action publique plus efficace dans nos territoires. J'ai participé au comité de suivi qui a réuni l'ensemble des organisations syndicales autour du contrat d'objectifs et de moyens et je puis témoigner qu'elles soutiennent ce projet.
M. Fabien Gay. - Euh... Nous n'avons pas vu les mêmes !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Peut-être ne se sont-elles pas assez exprimées lors de l'examen de ce contrat ?
Outre ce rappel des fondamentaux, l'article prévoit des règles de gouvernance spécifiques par lesquelles l'État conserve les rênes de La Poste. Ce n'est pas seulement la Caisse des dépôts et consignations, c'est aussi lui qui définit la stratégie et conserve une influence sur la gouvernance. Le contrôleur général économique et financier sera compétent pour connaître de sa gestion, un commissaire du Gouvernement vérifiera le bon accomplissement de ses missions de service public. La composition du conseil d'administration sera aménagée avec une représentation des salariés à hauteur d'un tiers des administrateurs, et je suis favorable à ce qu'un censeur supplémentaire représente les collectivités territoriales. L'ancrage public sera ainsi parfaitement conforté.
M. Jean-Paul Émorine. - Je souhaite rassurer M. Gay. Quand La Poste a été transformée en société anonyme par une directive européenne, nous avions garanti 100 % de capital public, au capital de l'entreprise, soit 75 % de l'État en direct et 25 % via la Caisse des dépôts et consignations. Dans cette loi de modification du statut de La Poste, nous avons fusionné les deux caisses de retraite à la demande des syndicats.
Le Gouvernement s'est engagé pour la transformation de La Poste à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Je salue l'ensemble du personnel de La Poste qui a su évoluer et s'adapter à cette réforme. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains)
Mme Cécile Cukierman. - Nous sommes dans le « en même temps ». Ce débat répète le précédent. Bien sûr, le maintien du capital public est important. Cela ne suffit toutefois pas à maintenir l'ensemble des services publics de l'entreprise. Je suis régulièrement interpelée, sur le terrain, par les syndicats ou des usagers au sujet de la réduction de l'offre de présence postale.
Pour réduire la présence du service postal, il suffit de modifier et de réduire les horaires, puis d'aller voir les élus en se plaignant que les gens ne viennent plus. Et c'est ainsi que ferment les bureaux de poste. La question n'est pas seulement celle d'une administration étatisée, mais bien celle du service public dans les territoires.
M. Alain Richard. - D'un mot, je voudrais souligner qu'on ne peut pas soutenir que la contribution de l'État aux services de La Poste régresse. Pour donner à La Poste un financement important, on retire à la Caisse des dépôts et consignations sa filière la plus rentable. C'est un sacrifice pour elle ! L'État a pris cette option après mûre réflexion pour appuyer le développement de La Poste.
N'oublions pas que le volume du courrier a baissé de moitié en quelques années.
M. Jean-Paul Émorine. - De 7 % par an !
M. Alain Richard. - Une adaptation s'impose. Si l'on n'avait pas développé la Banque Postale - et si l'on ne l'associait pas aujourd'hui à la CNP - il eût été impossible de maintenir le niveau de la présence postale que nous connaissons.
M. Gérard Longuet. - L'évolution de La Poste est exemplaire et doit se poursuivre. C'est une transformation profonde qui a eu lieu depuis que j'ai découvert l'avenue de Ségur, en 1986. Je rends d'ailleurs hommage au personnel de La Poste qui a su évoluer. La communication écrite n'est désormais plus que la confirmation de la communication numérique. En 1986, Philippe Jaffré, mon camarade de promotion en poste au Trésor quand j'étais secrétaire d'État à La Poste et aux télécommunications, était très hostile au développement des prêts par La Poste, car il y voyait un concurrent aux banques installées. Malgré tout, La Poste est devenue une banque de plein exercice. Cette vieille maison a même retrouvé un nouvel élan grâce - qui l'aurait cru ? - à l'entreprise phare du capitalisme agressif, Amazon, en transmettant les millions de mètres cubes de cartons que les gens se font livrer, quel que soit leur lieu de vie, pour un prix qu'ils apprécient. Nous avons su moderniser l'entreprise. Réjouissons-nous d'avoir un grand service à la disposition du public qui a su s'adapter aux réalités économiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrick Chaize. - La Poste, c'était 18 milliards de plis il y a dix ans contre 9 milliards aujourd'hui. Soyons clairs : si rien n'est fait, La Poste disparaîtra.
Il était important d'inscrire le terme « public » dans le texte et j'en remercie le ministre. Les syndicats devraient être rassurés. Je préside l'Observatoire national de la présence postale, doté d'un budget de pas moins de 174 millions d'euros, afin d'aider les collectivités à assurer la présence de La Poste, via les commissions départementales.
M. René-Paul Savary. - Les facteurs jouent un rôle essentiel dans nos territoires. Ils passent tous les jours, même le samedi, partout, jusque dans les plus petits hameaux ruraux. Ils contribuent à aider les personnes âgées grâce à la tablette tactile Ardoiz. On nous dit que la partie assurantielle est plus lucrative que celle de la distribution du courrier. Est-ce cohérent avec la défense de la double caisse, hier ? L'essentiel c'est de maintenir un service postal rural. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Claude Requier. - J'ai connu un temps où le facteur installait les bouteilles de gaz et portait les ordonnances à la pharmacie et les médicaments aux malades. On revient à ce temps, malgré le regroupement des boîtes aux lettres dans les villages, puisque les facteurs d'aujourd'hui participent aux services à la personne.
La Poste a su trouver un équilibre malgré la diminution du volume du courrier. Tant mieux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - J'abonde dans votre sens. L'effort d'adaptation considérable des salariés de La Poste est en effet à saluer. On n'en trouve guère de comparables, y compris dans les grands groupes privés. Les missions de service public font l'objet d'un financement spécifique de l'État. L'enjeu principal est dans le renouvellement du contrat que l'État passera avec La Poste sur ces missions.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Les propos de M. Savary sont plein de bon sens. Le Gouvernement nous dit tout et son contraire sur l'alimentation des caisses. Les Français ont besoin de clarté. Ils savent bien que si La Poste doit se réorganiser pour assurer le maillage territorial, il faut qu'elle développe des pôles susceptibles de garantir le dispositif. Évitons les positions dogmatiques sur la caisse unique ou la double caisse.
L'amendement n°236 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°366, présenté par MM. Bourquin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et garantit la présence postale territoriale selon les modalités précisées à l'article 6
M. Martial Bourquin. - L'article 54 rend l'État actionnaire minoritaire au sein de La Poste, société anonyme à capitaux publics depuis 2010, dont il détient 74 % du capital. L'actionnaire majoritaire sera la Caisse des dépôts et consignations.
Si l'objectif affiché est de permettre une synergie entre les 17 000 points de contact de La Poste et la force de frappe financière de CNP, il parait essentiel de confirmer le principe de présence territoriale assurée par La Poste, dont le maillage est extrêmement précieux.
Conformément à l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990, l'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Poste s'engagent, dans le cadre de conventions adaptées et renouvelées, pour assurer cette présence territoriale.
Au-delà de ses activités historiques et via le réseau des Maisons de Services Au Public (MSAP), La Poste demeure l'un des derniers services publics de proximité.
Cet amendement réaffirme la volonté du législateur de maintenir cette présence postale territoriale. Les assurances seront demain plus rentables que les points de contact. Préservons-les !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement est satisfait par le droit en vigueur. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Les articles 2 et 6 de la loi postale du 2 juillet 1990 précisent en effet cette mission d'implantation dans les territoires. Votre amendement est superfétatoire. Retrait ?
M. Martial Bourquin. - Parfois, le superfétatoire est utile. Je le maintiens. J'aurais pu dire qu'il s'agissait d'un amendement d'appel...
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Non.
M. Martial Bourquin. - Les activités que déploiera la CNP imposeront des choix. Je maintiens.
L'amendement n°366 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°998, présenté par M. Husson, au nom de la commission.
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le capital de la société est intégralement public. Il est détenu par l'État et la Caisse des dépôts et consignations.
« Par exception au deuxième alinéa du présent I, une part du capital peut être détenue au titre de l'actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi. » ;
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cet amendement précise la rédaction de la contrainte de détention publique du capital de la société La Poste : le capital de la société, intégralement public, ne peut être détenu que par l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Il sera toutefois possible de mettre en place un actionnariat salarié.
Dans l'hypothèse d'une ouverture à un autre acteur public, le Parlement devrait trancher. Cela devrait rassurer M. Bourquin.
M. Martial Bourquin. - Je voterai cet amendement !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°998 est adopté.
M. le président. - Amendement n°999, présenté par M. Husson, au nom de la commission.
Alinéa 13 à 15
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 2° De représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires dont au moins deux représentants sont nommés sur proposition de l'État.
« a) Tant que l'État continue de détenir une part majoritaire du capital de La Poste, un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers peuvent être nommés par décret. Dans ce cas, le nombre de représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires est réduit en conséquence.
« b) Dès lors que l'État ne détient plus une part majoritaire du capital de La Poste, le nombre de représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition de l'État est égal à deux, et deux représentants des communes et de leurs groupements ainsi qu'un représentant des usagers, nommés par décret, participent aux réunions du conseil d'administration en qualité de censeurs, sans voix délibérative.
« La nomination des représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition de l'État mentionnés au présent 2° est soumise aux dispositions de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée. » ;
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cet amendement renforce la représentation des communes et de leurs groupements au conseil d'administration de La Poste.
Il porte le nombre de censeurs représentants les communes et leurs groupements à deux. La Poste est un grand service public national dans les territoires ruraux comme urbains.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Avis favorable.
M. Jean-Louis Tourenne. - Moins vous avez d'argent et plus vous payez : telle semble être la logique de La Poste. Dans une ville, La Poste paye son loyer à la commune si celle-ci est propriétaire de ses locaux, ainsi que les charges afférentes. Dans une commune très rurale, le local du bureau de Poste ou de l'agence postale doit être mis à sa disposition gratuitement, les heures supplémentaires et les charges sont toutes à la charge de la commune. Pour nous qui sommes des défenseurs du monde rural, c'est un beau chantier sur lequel travailler...
M. Patrick Chaize. - Cet amendement porte sur la représentation des élus dans le chiffre d'affaires de La Poste. Comment impliquer les parlementaires dans les comités départementaux qui doivent jouer un rôle dans l'aménagement du territoire ?
M. Jean-Paul Émorine. - Monsieur Tourenne, allez au bout de l'analyse. Dans le cadre de la contractualisation entre La Poste, l'État et l'AMF, une indemnité de 1 250 euros par mois est prévue pour que les communes prennent en charge les travaux de l'agence postale en zone de revitalisation rurale. Dans les communes situées en dehors de ces zones, l'indemnité mensuelle est inférieure à 1 000 euros.
Mme Sophie Primas. - La réindexation des compensations accordée pour la transformation des bureaux de poste est un sujet d'actualité. Il n'y a pas que la ruralité qui est concernée, mais aussi les petites communes urbaines.
Quant à la présence des parlementaires dans les comités départementaux, c'est un sujet sur lequel la direction de La Poste réfléchit : elle nous manque mais nous lui manquons aussi !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Un article du Monde titrait encore aujourd'hui sur la prise de distance des parlementaires qui s'éloignent du territoire. À qui profite le crime ? Sans aucun doute à la technostructure, (M. Olivier Henno applaudit.) immuable, elle.
Il faudrait une analyse fine et précise sur la différence entre les territoires ruraux et urbains. Certes, La Poste ferme des agences rurales, mais en ville aussi ! Bien sûr, on en demande souvent un peu plus aux territoires ruraux.
Mais la question de l'organisation du service public se pose aussi en milieu urbain et pour d'autres services que La Poste, comme la gendarmerie ou la santé. Les territoires se voient demander une aide de 500 000 euros pour obtenir une présence d'une gendarmerie. Il y a donc bien un sujet, celui de l'organisation des services publics et privés dans les territoires.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Faire partie des comités départementaux de présence postale n'entre pas dans les attributions des parlementaires, car leur rôle est d'abord de contrôler l'action publique, l'exécutif. Évitons de nous mêler de trop près à la prise de décision.
Je rejoins M. Husson sur la présence des services publics dans les quartiers ruraux et urbains : La Poste n'est guère plus présente dans les quartiers Politique de la ville, et quand elle y est, c'est parce que la collectivité finance 90 % de ses activités.
Nous avons besoin d'une loi de maillage des services publics, qui détermine par type de territoire ceux qui doivent être présents, qui établisse une clé de péréquation. À défaut, nous ne réglerons pas les problèmes d'inégalité.
M. Daniel Gremillet. - Combien de fois, chers collègues, a-t-on tenté de maintenir une activité commerciale sur un territoire pour assurer des services de base - dans des conditions que nos concitoyens, du reste, apprécient, en particulier pour l'amplitude horaire ? C'est un vrai sujet, dans les territoires ruraux comme dans les quartiers urbains difficiles. Je soutiens donc totalement cet amendement.
Mme Christine Lavarde. - Dans les Hauts-de-Seine, La Poste est restée en grève pendant des mois à compter du 26 mars 2018. Les usagers n'ont pas reçu une seule lettre pendant deux mois ! Heureusement que les parlementaires ont joué leur rôle d'alerte. Leur présence dans les comités départementaux est utile, cet exemple le montre assez.
L'amendement n°999 est adopté.
L'article 54, modifié, est adopté.
ARTICLE 55
M. Olivier Cadic . - Nous pouvons, avec cet article, nous opposer au comportement prédateur de certains pays comme la Chine, qui achète des pans entiers de notre économie, voire de notre terre agricole - en janvier 2018 à Pékin, Bruno Le Maire n'a pas hésité à dire que certains investissements chinois s'apparentaient à un véritable « pillage ».
Mais si voter des textes et prendre des décrets d'application, c'est bien, les appliquer, c'est mieux. Le décret Montebourg de 2014, par exemple, n'a guère été utilisé...
Je soutiens les dispositions de cet article, j'espère surtout qu'elles sont appliquées.
M. le président. - Amendement n°363 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Lafon et Moga, Mme Sollogoub, M. Kern, Mmes Billon et Joissains, MM. Janssens et Bonnecarrère, Mme Goy-Chavent, M. L. Hervé, Mmes Vermeillet, Vullien, Guidez, Férat et Gatel et MM. D. Dubois et Vanlerenberghe.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Le a du I est ainsi rédigé :
« a) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, définie comme l'ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, y compris dans leurs aspects de sécurité économique, énergétique et alimentaire ; »
M. Claude Kern. - Cet amendement clarifie les domaines soumis à autorisation préalable et unifie la motivation du régime de dérogation à la liberté d'investir des investisseurs étrangers.
Plus explicite, la présente rédaction s'applique à mieux appréhender les différentes composantes de la sécurité intérieure - ordre et sécurité publics - comme de la sécurité extérieure - défense nationale, tout en respectant nos engagements européens au regard des dérogations admises au principe de libre circulation des capitaux.
Il s'agit de mieux prendre en compte des enjeux spécifiques liés en particulier à la sécurité énergétique et alimentaire des Français. Les enjeux d'indépendance économique sont considérables !
M. le président. - Amendement n°578, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Au a du I, après le mot : « publique », sont insérés les mots « , à la sécurité alimentaire » ;
Mme Cécile Cukierman. - Les terres agricoles sont une denrée rare et précieuse, hélas victimes de prédation - dans un département voisin du mien encore récemment, l'Allier.
Cet amendement les fait donc entrer dans le régime dérogatoire des investissements étrangers, ceux portant sur des activités qui contribuent à la sécurité alimentaire de notre pays - car notre arsenal actuel est loin de suffire.
M. le président. - Amendement n°136 rectifié, présenté par M. M. Bourquin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le b du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Activités de nature à porter atteinte à la souveraineté de la France en matière de possession du foncier agricole. » ;
M. Martial Bourquin. - Combien d'hectares de terres agricoles - 900 dans l'Allier, 1 700 dans l'Indre... - combien de grands châteaux du Bordelais ont en effet été acquis par des sociétés étrangères ? Les Safer ont tiré la sonnette d'alarme et une mission parlementaire a travaillé l'an passé. Aujourd'hui 20 % des terres agricoles sont détenues par des sociétés.
Il y a péril pour le modèle familial d'exploitation et la sécurité alimentaire de notre pays. Quand Arnaud Montebourg a mis en place un tel verrou, d'aucuns ont ri. L'Allemagne vient de mettre en place un outil de protection bien plus fort...
M. le président. - Amendement n°438 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Mézard, Requier et Vall.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire. » ;
M. Jean-Marc Gabouty. - La préoccupation va croissant dans les territoires ruraux face à la multiplication d'investissements étrangers dans le foncier agricole, d'élevage ou viticole, dont les motivations à long terme ne sont pas toujours claires. Ces investissements représentent un risque de perte de souveraineté dans le domaine alimentaire, alors que la sécurité de l'approvisionnement est une nécessité.
Des initiatives ont été prises au niveau législatif, et le décret du 14 mai 2014 a renforcé le dispositif réglementaire. Mais ces outils restent insuffisants dans le domaine agricole, ils ne sont pas adaptés - y compris le droit de préemption des Safer.
C'est pourquoi cet amendement inscrit les activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire dans le champ des activités soumises à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie, après avis éventuel du ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale. - La détermination du secteur précis relève du décret. Mais les intentions sont louables. Certains sont déjà protégés... Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Le dispositif prévu par le décret Montebourg pour les investissements étrangers en France (IEF) est régulièrement utilisé, monsieur le sénateur Cadic, plus qu'on ne le croit.
Retrait des amendements nos363 rectifié, 578 et 438 rectifié, couverts par le dispositif actuel ?
Avis défavorable à l'amendement n°136, qui exigerait de prouver un risque pour la sécurité publique ou la sécurité alimentaire, critères nécessaires à la mobilisation des IEF. Aujourd'hui, 9 % des achats sont le fait d'acheteurs non-Européens : le phénomène reste cantonné...
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Retrait des amendements nos363 rectifié, 578 et 438 rectifié, satisfaits. L'amendement n°136 rectifié pose une vraie question. Sagesse.
M. Olivier Henno. - Autant le débat sur la privatisation ou la nationalisation me paraissait anachronique, autant la protection de nos actifs contre les États-continents hors d'Europe revêt la plus grande importance. Pourquoi ne pas mobiliser la réciprocité ? En Chine, vous ne pourrez jamais acheter plus de 49 % de quelque affaire que ce soit ; même chose dans tous les pays asiatiques. C'est de la plus haute importance stratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme Viviane Artigalas. - Certes, 9 % c'est peu ; mais la tendance est à la hausse. Après les terres viticoles, les Chinois se dirigent vers les terres d'élevage, chez nous comme en Pologne et ailleurs. Sécuriser notre foncier agricole est un enjeu majeur pour notre sécurité alimentaire.
M. Martial Bourquin. - Le diagnostic fait consensus, mais nous n'avons pas encore toutes les réponses. Il ne faut pas travailler le dos au mur, madame la ministre.
Dans l'Allier et l'Indre, les Safer, quand elles ont fait usage de leur droit de préemption, ont vu des armées d'avocats s'employer à faire annuler leur décision. La population mondiale augmentant, les tensions sur le foncier agricole vont s'accroître ! Certaines sociétés prédatrices bénéficient même d'aides de la PAC !
M. Pierre Louault. - Cet amendement, même imparfait, vise un vrai enjeu de société. Dans l'Indre, 3 000 hectares ont été achetés par des sociétés dans lesquelles les Chinois sont majoritaires...
Votons cet amendement, même s'il faudra le compléter plus tard.
M. Jean-Marc Gabouty. - Nous retirons notre amendement au profit de l'amendement n°136 rectifié.
L'amendement n°438 rectifié est retiré.
M. Richard Yung. - Je comprends l'amendement n°136 rectifié, quoique n'étant pas certain de sa mise en oeuvre. Les principaux pays souffrant des acquisitions agressives sont essentiellement en Afrique. En 2006, l'Arabie Saoudite avait acheté un million d'hectares à Madagascar, provoquant d'ailleurs la chute du gouvernement malgache...
M. Daniel Gremillet. - L'amendement n°136 rectifié rappelle la proposition de loi sur le foncier agricole, que nous avions votée à l'unanimité, qui avait franchi la CMP mais qui a été ensuite censurée par le Conseil constitutionnel... Le problème, cependant, n'est pas seulement le porteur du capital, qui n'est pas forcément l'exploitant ou le bénéficiaire des aides ; le vrai sujet, c'est la protection de notre sécurité alimentaire et la transmission de notre patrimoine agricole - cet amendement passe à côté, je ne le voterai pas. (Mme Sophie Primas, MM. Jean-Raymond Hugonet et René-Paul Savary applaudissent.)
M. Claude Kern. - Si nous voulons appliquer le principe de réciprocité, votons l'amendement n°363 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Sagesse sur l'amendement n°363 rectifié, s'il n'est pas retiré.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Le problème sur le foncier agricole est certain, mais le dispositif IEF n'apporte pas de solution. Une mission de l'Assemblée nationale a rendu un rapport en décembre 2018 sur cette question, il faut s'en saisir. À ce stade, l'avis reste défavorable.
L'amendement n°363 rectifié est adopté.
Les amendements nos578 et 136 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°268, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 28
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 151-4, il est inséré un article L. 151-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 151-4-... - L'investisseur ou l'entreprise exerçant les activités mentionnées à l'article L. 151-3, sont tenus de communiquer à l'autorité administrative chargée de la procédure d'autorisation et de contrôle des investissements étrangers, sur sa demande, tous les documents et informations nécessaires à l'exécution de sa mission, sans que les secrets légalement protégés ne puissent lui être opposés. »
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Cet amendement permettra à l'administration chargée du contrôle des investissements étrangers en France de se voir communiquer tous les documents et informations nécessaires à l'exécution de sa mission, que ce soit lors de l'instruction des demandes d'avis et d'autorisation ou, ultérieurement, à l'occasion de la recherche ou de la constatation de manquements à la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers.
Le texte de la commission a renforcé les mesures d'urgence et de police, qui seront susceptibles de se pourvoir en justice... Cet amendement donne à la direction du trésor les moyens de démontrer le cas échéant le non-respect des conditions fixées.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Nous partageons l'objectif mais nous interrogeons sur la portée de l'obligation. Sagesse.
L'amendement n°268 est adopté.
M. Olivier Cadic. - Je n'ai pas dit que le ministère ne faisait rien, mais que le décret Montebourg n'avais pas encore été actionné - la presse économique s'en est encore fait l'écho il y a peu. Je me ferai un plaisir de poser une question écrite à ce sujet, qui vous donnera l'occasion de me transmettre la liste des cas où il l'a été.
L'article 55, modifié, est adopté.
La séance, suspendue à 18 h 10, reprend à 18 h 15.
L'article 55 bis est adopté.
ARTICLE 55 TER (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°143, présenté par Mme Espagnac et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 6 decies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 ... ainsi rédigé :
« Art. 6 ... - I. - Il est constitué une délégation parlementaire à la sécurité économique, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de huit députés et de huit sénateurs.
« II. - Les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires économiques et des finances sont membres de droit de la délégation parlementaire à la sécurité économique. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d'entre elles. Les six députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les six sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire à la sécurité économique a pour mission de suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 151-3 et suivants du code monétaire et financier. À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant :
« 1° Une description de l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;
« 2° Des informations relatives à la procédure d'autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d'autorisation préalables adressées au ministre chargé de l'économie, de refus d'autorisation, d'opérations autorisées, d'opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l'exercice par le ministre du pouvoir de sanction prévu au même article L. 151-3, à l'exclusion des éléments permettant l'identification des personnes physiques ou morales concernées par la procédure d'autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix. Ces échanges peuvent porter sur des éléments permettant l'identification des personnes mentionnées au premier alinéa du présent III.
« IV. - Les travaux de la délégation parlementaire à la sécurité économique ne sont pas rendus publics.
« V. - Chaque année, par dérogation au IV, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Ce document ne peut faire état d'aucune information ni d'aucun élément d'appréciation permettant d'identifier les personnes mentionnées au III du présent article.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu'aux ministres mentionnés au même III. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VI. - La délégation parlementaire à la sécurité économique établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l'approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l'article 7. »
M. Martial Bourquin. - La constitution d'une délégation parlementaire est la bienvenue pour renforcer le pouvoir de contrôle du Gouvernement sur un sujet aussi stratégique pour le pays que celui de la sécurité économique liée également à la nature des investissements étrangers.
Nous n'avons pas bien compris pourquoi le rapporteur a supprimé l'article car, pour une fois, nous pensons que le Gouvernement va dans le bon sens...
M. le président. - Amendement identique n°743, présenté par M. Yung et les membres du groupe La République En Marche.
M. Richard Yung. - Je me réjouis de voir M. Bourquin félicitera le Gouvernement... Cet article procédait des conclusions de la commission économique de l'Assemblée nationale ; il a été adopté par tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale : les députés demandent à être mieux associés au contrôle des investissements étrangers sur notre territoire. La réindustrialisation de la France est un vrai sujet - nous avons perdu la moitié de notre tissu industriel en quinze ou vingt ans.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Au risque de me répéter - mais comme le dit Gérard Longuet, cela vaut mieux que de se contredire - nous avons supprimé cet article pour deux raisons. Il n'est pas d'usage de créer une délégation commune aux deux assemblées sans concertation préalable, et certainement pas par un amendement en cours de navette...
De plus, cette délégation risque de travailler sur des thèmes déjà traités par des organes existants au sein des assemblées. On ne saurait épuiser les réponses à ce sujet par ce seul outil nouveau... Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Sagesse. Il n'appartient pas au Gouvernement d'organiser les travaux des assemblées. Je répète que le dispositif Montebourg est utilisé. Le secret légalement protégé et la séparation des pouvoirs doivent être respectés. Voilà tout.
Mme Sophie Primas. - Nos collègues députés sont venus me consulter à ce propos, ils ne m'ont guère convaincue. De longue date, nous nous sommes efforcés, dans les deux chambres, de ne pas multiplier les organes parlementaires à l'envi.
Certes, la désindustrialisation est un sujet très important. Nous y travaillons, - MM. Martial Bourquin et Alain Chatillon peuvent en témoigner - faisons des propositions, auditionnons les responsables politiques... Faut-il créer une structure spéciale plus fluide, plus ramassée pour des raisons de confidentialité, dotée de pouvoirs d'enquête ? Peut-être, discutons-en pour trouver une structure agile.
M. Fabien Gay. - Nous ne voterons pas ces amendements. Nous avons également une délégation aux entreprises, excellemment présidée par Mme Lamure et dont nous pourrions étendre les compétences... Si on ajoute à celle-ci et à la délégation aux collectivités territoriales, on ne s'en sortira plus !
M. Martial Bourquin. - Nous demandons quelque chose d'efficient. Au Conseil national de l'énergie, où Roland Courteau siège tous les mardis, tous les sujets sont abordés, en continu. Ce n'est pas la même chose pour les investissements étrangers : quand nous avons enquêté avec Alain Chatillon, nous avons constaté que les services de l'État n'étaient parfois pas en mesure de répondre à nos questions. Nous avons besoin d'un outil qui suive le sujet en continu, qui étaie les décisions, c'est une question de la plus haute importance et je peux vous dire que notre organisation actuelle est très insuffisante.
Les amendements identiques nos143 et 743 ne sont pas adoptés.
L'article 55 ter demeure supprimé.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°874, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 55 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la section 6 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ajoutée une section 7, ainsi rédigée :
« Section 7
« Régime d'autorisation préalable de l'exploitation des équipements de réseaux radioélectriques.
« Art. L. 34-11 - I. - Est soumise à une autorisation du Premier ministre, destinée à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l'exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation du réseau, à l'exclusion des appareils installés chez les clients, par les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ainsi désignés en vertu de leur activité d'exploitant, direct ou par l'intermédiaire de tiers fournisseurs, d'un réseau de communications électroniques ouvert au public.
« Le Premier ministre publie et tient à jour une liste des dispositifs soumis au régime d'autorisation prévu à l'alinéa précédent.
« II. Sauf si elle est refusée en application de l'article L. 34-11-2 du présent code, l'autorisation est octroyée pour un ou plusieurs modèles et une ou plusieurs versions de dispositifs matériels ou logiciels, ainsi que pour un périmètre géographique précisés par l'opérateur dans son dossier de demande d'autorisation, pour une durée maximale de huit ans.
« Art. L. 34-11-1 - Le renouvellement de l'autorisation prévue à l'article L. 34-11 peut être sollicité par son bénéficiaire, au minimum deux mois avant l'expiration de l'autorisation initiale.
« Les modalités de l'autorisation, la composition du dossier de demande d'autorisation et du dossier de demande de renouvellement sont fixées par décret.
« Art. L. 34-11-2 -. Le Premier ministre refuse par décision motivée l'octroi de l'autorisation s'il estime, après examen de la demande, qu'il existe un risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale en raison de ce que le respect des règles mentionnées aux a), b) et e) du I de l'article L. 33-1, en particulier l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation des réseaux et services de communications électroniques, n'est pas garanti.
« Le Premier ministre peut prendre en considération, pour l'appréciation de ces critères, les modalités de déploiement et d'exploitation mis en place par l'opérateur, et le fait que l'opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, soit ou non sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un État non membre de l'Union européenne.
« Art. L. 34-11-3 - I. - Si l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11 est réalisée en France sans autorisation préalable, le Premier ministre peut enjoindre à l'opérateur de déposer une demande d'autorisation, ou de renouvellement, ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu'il fixe.
« Ces injonctions ne peuvent intervenir qu'après que l'opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à la sécurité nationale.
« II.- Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l'exploitation des appareils mentionnés au I de l'article L. 34-11, lorsque cette activité n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée sur le fondement du même article L. 34-11 ou d'une régularisation dans les délais impartis. »
II. - Le chapitre V du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 39-1, il est inséré un article L. 39-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-1-1 - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait :
« 1° D'exploiter des appareils mentionnés à l'article L. 34-11 sans autorisation préalable ;
« 2° De ne pas exécuter - totalement ou partiellement - les injonctions prises sur le fondement du I de l'article L. 34-11-3. »
2° À l'article L. 39-6, les références : « aux articles L. 39 et L. 39-1 » sont remplacées par les références : « aux articles L. 39, L. 39-1 et L. 39-1-1 » ;
3° Au premier alinéa de l'article L. 39-10, après la référence : « L. 39-1 », est insérée la référence : « L. 39-1-1 ».
III. - Le I est applicable à l'exploitation des appareils, mentionnés à l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, installés depuis le 1er février 2019.
Les opérateurs qui exploitent des appareils soumis à autorisation, en vertu de l'article L. 34-11 du code de postes et de télécommunications électroniques, à la date d'entrée en vigueur de la loi disposent d'un délai de deux mois pour déposer la demande d'autorisation préalable prévue à ce même article.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Dans la continuité de nos échanges sur la sécurité économique et les investissements étrangers, nous vous proposons de soumettre l'exploitation des équipements de réseaux radioélectriques à une procédure d'autorisation préalable.
Le Gouvernement est particulièrement vigilant sur la sécurité et la résilience des réseaux mobiles car le robot opérant un patient et la voiture autonome dépendront de la 5G. Le cadre actuel, le secret des correspondances, ne suffit pas. D'où cet amendement pour nous protéger contre d'éventuels sabotages. Il a reçu un avis positif de l'Arcep, il a été élaboré avec les acteurs des télécoms. L'idée est de trouver un dispositif agile, pour ne pas empêcher l'innovation, tout en évitant que des équipements, car il ne faut pas être naïfs, ne deviennent des portes d'entrée sur nos télécommunications et nos process industriels.
Cet amendement ne vise pas un équipementier en particulier, il peut y avoir des vulnérabilités chez tous les équipementiers. Il ne correspond pas non plus à un changement de doctrine : nous nous adaptons à la montée en puissance des équipements technologiques.
Ce nouveau régime ne doit pas empêcher les opérateurs d'investir. D'où les deux garanties que nous introduisons : les autorisations préalables seront les plus larges possible et les opérateurs connaîtront la liste des appareils et logiciels qui pourront être contrôlés.
Cet amendement est arrivé tardivement, le Gouvernement en est conscient ; il faut le concevoir comme une plate-forme de discussion. Nous sommes prêts à faire évoluer le texte en CMP et en seconde lecture. Je m'engage personnellement à vous associer aux travaux.
La technologie n'attend pas, elle n'attend malheureusement pas la discussion parlementaire. Sur la 5G, il existe déjà des travaux sur le bac à sable réglementaire. La non-adoption de cet amendement serait paradoxale pour la Haute Assemblée : ce serait contraire à sa demande sécurité et entretiendrait dans l'incertitude les opérateurs et les fournisseurs Ericsson, Huawei et Nokia. Or ils ont besoin de connaître le cadre pour investir et le plus français des trois, Nokia parce qu'il a son labo 5G en France, n'est pas celui qui a la plus grande force de frappe.
Je mets l'emphase sur la 5G mais le Gouvernement sera vigilant, dans le cadre du New deal mobile, à la couverture du territoire en 4G. Le temps est compté !
M. le président. - Pas tant que ça, vous avez pris six minutes pour présenter votre amendement...
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Ce sujet, stratégique, dépasse un simple amendement. Nous n'avons pas eu le temps de l'expertiser alors qu'il est d'actualité depuis de longs mois. Il ne figurait pas dans le projet de loi initial, il n'a pas été abordé à l'Assemblée nationale, le ministre n'en a pas parlé et l'amendement est arrivé au début de la discussion en séance publique... Nous aurions voulu entendre l'Arcep, mais aussi les fournisseurs et les opérateurs. Les équipements actuels seront-ils touchés ? Y aura-t-il des effets sur les tarifs après la restriction de concurrence ? Cette autorisation préalable ralentira-t-elle le déploiement de la 4G et de la 5G ?
La commission a donc donné un avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce que nous n'avons pas pu ne serait-ce que commencer l'étude de ce sujet. En revanche, nous serons là lorsque vous voudrez en débattre dans un futur véhicule législatif.
M. Patrick Chaize. - Très clairement, c'est un vrai sujet et je suis très sensible à la question mais je m'étonne qu'on demande au Sénat d'accepter ce dispositif sans discussion, sans aucune étude d'impact, alors même que l'Arcep, dans son avis du 4 février, ne se dit pas en mesure d'évaluer les risques entraînés par le dispositif et se borne à recommander que les modalités de mise en oeuvre du dispositif soient les plus claires possible. Acceptez que le Parlement ait le temps de faire ce travail, ce travail que Bruno Le Maire a salué... J'ajoute que le ministre a beaucoup évoqué la voiture autonome pour introduire ce sujet mais nous ne sommes pas certains que la 5G sera la technologie choisie pour cet équipement.
J'invite le Sénat à ne pas voter cet amendement. D'autres véhicules législatifs se présenteront, nous aurions bientôt à transposer le code européen des communications électroniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Marc Daunis. - La méthode est détestable. La technologie avance ; heureusement, elle n'avance pas depuis lundi seulement... . Le Sénat a produit un rapport en 2012 sur la cyberdéfense. Il préconisait des mesures rigoureuses pour renforcer la protection de la France et suggérait d'interdire le déploiement sur le territoire national d'équipements d'origine chinoise.
Vous nous placez, madame la ministre, devant le fait accompli. Le groupe socialiste regrette la légèreté de la présentation tardive de cet amendement. Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'étude d'impact ? L'Europe s'est emparée du dossier. Quelle est sa position ? L'amendement prévoit que le pouvoir réglementaire arrêtera la liste des équipements soumis à autorisation préalable, quel sera le rôle de l'Arcep ? Je pourrai multiplier les questions. Bref, il est extrêmement difficile d'accepter cet amendement.
M. Olivier Cadic. - Il y a deux semaines, j'ai posé une question sur Huawei à la ministre des affaires européennes. Le Royaume-Uni et l'Allemagne refusent de recourir à cet équipementier. Et nous ? Pas de réponse. Et, hop, cet amendement arrive... Le Gouvernement est réactif, ce dont je me réjouis, tout en notant que c'est la première fois que je vois le Gouvernement déposer un amendement d'appel. (Sourires) J'ai envie de l'aider à avancer, même si je comprends les remarques de mes collègues.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - J'apprécie la formule : il s'agit bel et bien d'un amendement d'appel. (Murmures sur les bancs du groupe CRCE) Nous avons déposé cet amendement tardivement parce que nous n'avions pas les informations nécessaires pour le traiter quand nous avons déposé la loi Pacte. Nous voulons avancer...
M. Fabien Gay. - Avec quel opérateur ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - La transposition du code européen des communications électroniques n'est pas pour bientôt. Il n'y aura pas tant d'opportunités législatives, et ce n'est pas cette assemblée qui est si vigilante sur les cavaliers qui me contredira.
Mme Sophie Primas. - Madame la ministre, c'est vous qui avez les clés du camion ! Si vous voulez déposer un projet de loi sur le sujet, cela ne prendra que quelques semaines. À chaque fois, on nous promet de nous associer mais nous attendons toujours d'être contactés pour les ordonnances de la loi EGalim qui, paraît-il, sont sur le point de paraître.
Nous parlons d'un sujet de souveraineté. Faisons les choses sérieuses, sérieusement ! (Applaudissements sur tous les bancs, sinon sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Indépendants)
L'amendement n°874 n'est pas adopté.
L'article 56 est adopté.
ARTICLE 57
M. Jean-Louis Tourenne . - L'irrecevabilité a frappé, comme au tir aux pigeons. Quelques amendements seulement en ont réchappé, peut-être étaient-ils en état de grâce.
Les titres font rêver. Pour le chapitre, « des entreprises plus justes » ; pour la section, « mieux partager la valeur ». Qui pourrait refuser un horizon si bleu ? Vous avez raison de vouloir car la réalité est difficile. La réalité, c'est que l'inégalité règne dans notre pays. Elle est flagrante dans le monde de l'entreprise. En 2017, sur les 93 milliards d'euros de bénéfices des entreprises du CAC 40, 57 milliards d'euros ont été reversés aux actionnaires, contre 5 % seulement aux salariés.
Les inégalités se creusent aussi entre les bas salaires et ceux des très hauts dirigeants. Elles frappent aussi les salariés entre eux puisque certains sont dans des entreprises qui pratiquent la participation et d'autres non.
Et dans votre texte, rien, sinon une incitation - via des dispositifs qui pèseront lourd sur les finances de la sécurité sociale. Rien, sinon des régressions pour les salariés, comme le délai de cinq ans avant de passer au seuil de 50 salariés.
M. Fabien Gay . - « Mieux partager la valeur ». Nous aurions préféré « Mieux répartir la richesse produite par le travail ». Soit. Nous avions déposé des amendements qui allaient dans ce sens avec notamment la soumission des revenus financiers des entreprises à cotisation, la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales, la réévaluation du Smic, l'ouverture de négociations pour augmenter les salaires, l'intervention des salariés dans la gestion des entreprises avec un droit de véto suspensif pour les représentants du personnel et j'en passe. Tous ont été déclarés irrecevables. Pendant le grand débat, le débat parlementaire est bridé. Nous déplorons la manière dont la commission spéciale a interprété les irrecevabilités ; dans ces conditions, le débat sur le chapitre III est tronqué.
M. Jean-Marc Gabouty . - Ces titres sont séduisants, on aurait aimé des dispositifs plus consistants. L'intéressement n'est pas assez utilisé : 17 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont couverts par un dispositif d'intéressement ou d'épargne salariale, avec 11,1 % de versements effectifs. Ce sont surtout les entreprises qui se rapprochent des 50 salariés qui mettent en place ces contrats. Les montants distribués ont augmenté pour atteindre 17 milliards d'euros en 2016 mais le nombre de bénéficiaires stagne.
Le Gouvernement supprime le forfait social sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés. Je crains que l'effet de cette incitation reste marginal. Je proposerai, à la suite de cet article, de poser le partage des résultats dans les PME en principe, de le rendre obligatoire.
M. Martin Lévrier . - Le chapitre III veut réconcilier performance économique et responsabilité sociale des entreprises. J'espère que nous validerons ce projet audacieux dans un esprit transpartisan. Suppression du forfait social pour libérer l'intéressement, introduction d'une « société à mission » à l'article 1835 du code civil, amélioration de la transparence des sociétés cotées en matière de rémunération de leurs dirigeants avec un ratio d'équité, consécration de la notion d'intérêt social de l'entreprise à l'article 1833 du code civil, promotion de la parité dans les directions d'entreprise, création d'un label pour les entreprises inclusives envers les personnes handicapées ; toutes ces mesures donneront un nouveau souffle aux entreprises, rappelant combien l'épanouissement des salariés conditionne leur réussite. Il n'est de richesse que d'hommes, comme le disait Jean Bodin.
M. le président. - Amendement n°675, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Laurence Cohen. - Ce chapitre réduit à peau de chagrin le forfait social. La commission des affaires sociales a même été plus loin, abaissant le taux de 20 à 16 %.
L'épargne salariale est un complément de salaire, pas un substitut. Nous le refusons car cela constituera un évitement de la revalorisation salariale et une nouvelle niche sociale.
C'est parce qu'il n'y a pas de cotisation sociale sur l'intéressement et la participation que le forfait social a été institué. Le Gouvernement privera la sécurité sociale de 700 millions d'euros qui s'ajoutent aux 50 milliards d'euros d'exonérations sociales dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Nous demandons avec force la suppression de cet article.
M. Michel Canevet, rapporteur. - Ce chapitre vise à mieux partager la valeur dans l'entreprise, il ne se limite pas à la fin du forfait social. Enfin, tous les salariés pourront bénéficier de l'investissement. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Même avis. La suppression du forfait social a déjà été votée en loi de financement de la sécurité sociale. Cet article est de coordination.
Il faut comparer les charges des entreprises avec celles de l'Allemagne à travail équivalent. Elles sont bien supérieures ! On parle de 50 milliards d'euros de « cadeaux » mais c'est plutôt 40 milliards d'euros et ils se partagent entre 2018 et 2019. C'est comme si quelqu'un affirmait qu'il ne paie pas d'impôt sur 2018 à cause du prélèvement à la source, je crois qu'on le contredirait !
M. Fabien Gay. - Le rapport Oxfam, page 21, exprime parfaitement ce qu'il faut dire de l'intéressement et de la participation. En substance, l'essentiel du partage de la valeur ajoutée se joue en amont, de sorte que la maximisation des bénéfices se fait aux dépens de la part qui revient aux salariés, à l'issue d'une série de choix défavorables comme la stagnation des salaires, le licenciement mais aussi la minoration de l'investissement. Loin d'être la panacée, l'intéressement et la participation ne doivent en aucun cas de substituer au salaire brut soumis à l'impôt, socle du modèle de solidarité français. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Louis Tourenne. - Madame la ministre, si je vous dis que 95 % des gens meurent dans leur lit, cela ne fait pas du lit un endroit dangereux ! Vous avez parlé de charges moindres en Allemagne mais les salaires y sont beaucoup plus élevés !
Monsieur le rapporteur, tous les salariés ne pourrons pas bénéficier de l'investissement, vous allez vite en besogne car ce texte ne crée qu'une incitation.
Mme la ministre avait plusieurs possibilités devant elle : rendre obligatoire la participation à partir de 20 salariés ; inciter les entreprises en supprimant le forfait social ; et, la pire de toutes, celle que vous avez choisie, faire cela en mettant cette incitation à la charge de la sécurité sociale.
Je la voterai - mais à contrecoeur.
M. Jean-Marc Gabouty. - Autrefois, le forfait social, il n'y en avait pas. C'est un retour à la conception initiale de l'intéressement en 1967 - pas un cadeau aux entreprises.
La ligne d'Oxfam est politique. Oui, l'intéressement peut faire partie de la rémunération des salariés dans les entreprises qui le pratique régulièrement. Sans bénéfices, il n'y a pas de valeur produite. Si on n'en réservait pas une part pour les salariés, vous pourriez, avec raison, le dénoncer. L'intéressement est intéressant pour les chefs d'entreprise comme pour les salariés.
Mme Laurence Cohen. - Dire « Circulez, il n'y a rien à voir » parce que la suppression du forfait social a été votée lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est un peu court. D'ailleurs, le débat a été vif. Piller le budget de la sécurité sociale est très grave pour notre système de solidarité.
Nous ne vivons pas dans le même monde : les salariés ne se plaignent pas de l'absence d'intéressement, mais de salaires insuffisants et d'une protection sociale qui les oblige à prendre des mutuelles.
On ne peut pas vous reprocher de tenir votre cap : toujours plus pour les nantis et les plus riches !
Mme Cécile Cukierman. - J'ai entendu ce matin, sur une chaîne d'information en continu, le ministre Darmanin se présenter comme le grand défenseur de la justice fiscale et sociale. Pour lui, il faut aller au-delà de la théorie des trois tiers - un tiers à l'investissement, un tiers aux salariés, un tiers à l'actionnaire - en parlant de 50 % pour les salariés ! Le Gouvernement suit-il M. Darmanin dans cette nouvelle orientation ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le débat aurait une autre tournure si le niveau salarial moyen ne s'était pas tant détérioré en France. À cause de la faible évolution du Smic, les salariés ne peuvent plus vivre dignement de leur travail. Ce qu'il faudrait, c'est revaloriser le salaire horaire. C'est la tendance qu'on observe autour de nous, poussée par la pression populaire et la relance par la consommation.
L'intéressement accroît les inégalités entre salariés : dans les toutes petites entreprises, les salariés ont beau être hypercompétitifs, ils n'en profitent pas. Et puis les entreprises connaissent des cycles : est-ce de la faute des salariés si les marchés mondiaux s'écroulent ?
Le budget de la sécurité sociale est déjà raboté par le Gouvernement... Vous avez vu dans quel état sont nos urgences, l'hôpital public et le système de santé ? La plupart des salariés aimeraient être mieux couverts par la protection sociale de base plutôt que de recevoir de l'intéressement.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Nous pillons la sécurité sociale ? Les faits et les chiffres sont têtus : pour la première fois depuis 2001, le Gouvernement a présenté un budget de la sécurité sociale en excédent.
M. Martial Bourquin. - À quel prix ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Quel Gouvernement a établi le reste à charge zéro pour les prothèses auditives, dentaires et les lunettes ? (Mmes Laurence Cohen et Éliane Assassi protestent vivement.) Nous ne sommes pas dans la théorie, nous partons du terrain !
Le Smic horaire qu'il soit allemand, espagnol ou italien, est inférieur au Smic français. Les Allemands travaillent 40 heures par semaine ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Je suis surprise d'entendre de tels propos de la part de personnes censées défendre le pouvoir d'achat des salariés... (Mme Noëlle Rauscent applaudit.)
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°675 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°51 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 16 |
Contre | 328 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°349 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°166 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Roux et Vall.
Alinéas 2 et 5
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Claude Requier. - Les sociétés coopératives de production (SCOP) bénéficient d'une gouvernance démocratique et d'une finalité sociale. Leurs résultats sont affectés aux salariés via la participation à hauteur de 25 %. La hausse du forfait social imposée par cet article irait à l'encontre de leur modèle d'entreprises sociales. C'est pourquoi cet amendement conserve le taux de forfait social qui leur est actuellement applicable.
En effet, l'article 57, en ne conservant que les taux de 10 % et 20 %, a pour conséquence d'augmenter de 8 % à 10 % le taux applicable aux sommes affectées à la réserve de participation par les SCOP. Cette hausse fragilise leur équilibre économique et diminue la participation des salariés. Elle implique aussi mathématiquement une baisse des résultats de ces entreprises.
M. le président. - Amendement identique n°337, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Tourenne. - Au Sénat, nous avons manifestement la passion de l'alignement. Rien ne doit dépasser ! Cependant, il faudrait que les avantages que l'on en tire l'emportent sur les inconvénients qui en résultent.
Est-il bien utile d'augmenter le forfait social des SCOP de 8 % à 10 % ? C'est inacceptable. La passion de la simplification, en traitant également des situations différentes, conduit tout droit à des inégalités terribles : le monde que nous vivons n'est pas uniforme !
M. le président. - Amendement identique n°650, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le modèle coopératif mérite d'être défendu dans tous les domaines. Je comprends la volonté d'unification des systèmes qui préside à l'article 57. Cependant, dans le système des SCOP, les salariés décident et partagent.
La disposition pénaliserait les salariés des entreprises de plus de 50 salariés. Or les SCOP ont fait la preuve de leur responsabilité et de leur solidité. Pourquoi déstabiliser cette voie spécifique de son partage des valeurs ?
M. le président. - Amendement n°91 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Chasseing, A. Marc, Wattebled, Lagourgue, Guerriau, Decool et Malhuret, Mme Mélot et M. Bignon.
I. - Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises qui emploient au moins deux-cent cinquante salariés et moins de cinq mille salariés, sont exonérées de cette contribution, sur la fraction des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail, qui excède le montant déterminé conformément à l'article L. 3324-1. ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Colette Mélot. - Le forfait social est une charge de 20 % des montants versés au titre de l'intéressement et de la participation. Cet amendement élargit aux ETI placées dans les mêmes situations la suppression du forfait social actuellement limitée aux PME (entreprises de 50 à 250 salariés) qui disposent ou concluent un accord de participation au-delà de leur obligation légale.
M. le président. - Amendement n°421, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 4 à 7
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Remonter le taux du forfait social payé par les SCOP serait pour le moins étonnant. Mieux vaut améliorer le taux d'épargne salariale. Cet amendement rétablit cet équilibre tout en maintenant le taux de 16 % pour les fonds d'épargne salariale dans les PME et les ETI, afin d'inciter les Français à investir davantage dans leurs entreprises.
M. le président. - Amendement n°986, présenté par M. Canevet, au nom de la commission.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
sixième à
par les mots :
cinquième et
M. Michel Canevet. - Correction d'une erreur matérielle.
M. le président. - Amendement n°497 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers, Danesi, Darnaud, Daubresse et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, M. Kennel, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Thomas, MM. Vaspart et Vogel, Mme de Cidrac et M. Gilles.
I. - Après l'alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises employant au moins cinquante salariés et moins de deux-cent cinquante salariés, qui affectent au moins 15 % de leur bénéfices nets à la réserve spéciale de participation, sont exonérées de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15 du présent code. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. René-Paul Savary. - Les entreprises qui emploient entre 50 et 250 salariés et affectent 15 % de leurs bénéfices à la réserve nette de participation doivent être exonérées de cotisations sociales.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Michel Canevet, rapporteur. - Mon intention initiale était de réduire le forfait social pour tout le monde, afin de développer l'intéressement et la participation. Il est de 20 % et rapporte 6 milliards d'euros à la sécurité sociale.
Il est indispensable que l'intéressement et la participation connaissent un vrai succès dans notre pays. Cela dépend de la lisibilité des dispositifs, d'où notre idée de réduire les taux, avec notamment un taux dérogatoire à 10 %, un taux sur l'épargne retraite réduit de 16 % à 10 %, ce qui induit effectivement un très léger relèvent du taux pour les SCOP de 8 % à 10 %. On ne peut pas se plaindre des exonérations et s'opposer à un relèvement de cotisations sociales... (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.)
Bien sûr, nous sommes très attachés au modèle des SCOP. Il fonctionne bien, de sorte qu'il pourrait rejoindre le régime de droit commun.
Avis défavorable aux amendements identiques nos166 rectifié, 337 et 650.
Avis défavorable à l'amendement n°91 rectifié ter, dont les intentions sont louables, car il ajoute de la complexité. De grâce, faisons simple pour que le maximum d'entreprises s'engagent dans les dispositifs d'intéressement et participation !
Avis défavorable à l'amendement n°421 pour les mêmes raisons.
Monsieur Savary, votre amendement n°497 rectifié complexifie encore le dispositif. Privilégions la simplicité, je le répète, nous verrons ensuite s'il faut des dérogations ! Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Retrait des amendements identiques nos166 rectifié, 337 et 650 au bénéfice de notre amendement n°421 qui reprend leur proposition - tout en maintenant le taux de cotisation des fonds d'épargne à un niveau suffisant.
Avis défavorable à l'amendement n°91 rectifié ter qui élargit le dispositif de suppression du forfait social. Cela créerait un effet d'aubaine car 68 % des entreprises de plus de 250 salariés ont déjà des dispositifs d'intéressement, contre 8 % seulement pour les entreprises de moins de 50 salariés.
L'amendement n°986 est rédactionnel. Cependant, la logique de taux ne nous convient pas. Avis défavorable.
Avis défavorable à l'amendement n°497 rectifié, qui créerait aussi un effet d'aubaine en se contentant de baisser les charges sociales pour les entreprises qui pratiquent déjà l'investissement et la participation.
M. Marc Daunis. - Il est malaisé de saluer l'économie sociale et solidaire tout en considérant que la crise de 2008 a entraîné des drames avec le déploiement d'une économie casino et d'un capitalisme pervers...
L'économie sociale et solidaire redonnerait du sens au travail, permettrait une redistribution saine de la valeur aux salariés. Très bien ! Mais monsieur le rapporteur, comment pouvez-vous alors porter le forfait social de 8 % à 10 %, au nom d'une simple unification ? On ne peut pas d'un côté louer les vertus de l'économie sociale et solidaire, cette véritable rupture d'innovation en matière économique, refuser de la cantonner à l'économie sociale et réparatrice, tout en lui appliquant le régime de droit commun, sans pratiquer l'inverse.
Laissons le forfait social à 8 %. C'est plus sage.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les seuls qui verront leur forfait social augmenter, ce seront les SCOP ! (M. Marc Daunis renchérit.) Le Gouvernement ne souhaite pas cette augmentation. Je m'en félicite (M. Marc Daunis remercie le Gouvernement.) Il lie néanmoins le sujet des PME et des SCOP. Mieux vaudrait voter l'amendement n°166 rectifié de M. Requier - il est vrai que nos amis radicaux ont toujours défendu l'économie sociale et solidaire. (Mme Françoise Laborde le confirme.)
Nous devrions trouver un large accord sur cet amendement et nous éviterions de mélanger les sujets.
Qui bénéficiera des simplifications que vous défendez ? Pas les SCOP, ni les salariés.
M. Daniel Gremillet. - Soyons prudents. Les SCOP constituent un modèle extraordinaire de femmes et d'hommes qui s'impliquent dans la vie des entreprises. Ne cassons pas cette dynamique.
L'amendement n°497 rectifié a tout son sens. Si l'amendement n°166 rectifié est voté, tombera-t-il ?
M. le président. - Les amendements nos421 et 986 tomberont. L'amendement n°497 rectifié ne tombera pas.
M. Michel Canevet, rapporteur. - Les SCOP resteront à un taux dérogatoire de 10 % par rapport au droit commun. Les SCOP de moins de 50 salariés - de loin les plus nombreuses - ne paieront plus de forfait social pour l'intéressement et celles de moins de 250 salariés seront épargnées par le forfait social sur la participation.
Faut-il se scandaliser pour les quelques autres qui ne seraient pas concernées ?
À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos166 rectifié, 337 et 650 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°52 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 232 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Colette Mélot. - Il est regrettable que nous ne puissions élargir le dispositif aux ETI. Ce n'est pas un effet d'aubaine. J'espère, madame la ministre, que vous avez entendu mon appel.
L'amendement n°91 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°421 n'est pas adopté.
L'amendement n°986 est adopté.
Mme Sophie Primas. - L'amendement n°497 rectifié est une incitation fiscale aux entreprises qui consacre plus de 15 % de leurs bénéfices à la participation. Ce n'est pas un effet d'aubaine. Je le voterai donc.
M. Jean-Louis Tourenne. - L'exonération de 15 % allègerait la charge d'entreprises déjà placées dans l'obligation de pratiquer la participation. L'idée mériterait d'être creusée, même si cela alourdit la charge de la sécurité sociale. Mais les mauvaises manières du Gouvernement qui consistent à puiser dans les caisses de la sécurité sociale m'incitent à m'abstenir.
L'amendement n°497 rectifié n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.