Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Bureaux de poste dans les territoires ruraux
Transfert des compétences « eau » et « assainissement »
Plan local d'urbanisme et délivrance d'autorisations d'urbanisme
Jumelage avec des villes du Haut-Karabagh
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Devenir des sapeurs-pompiers volontaires
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Délivrance du permis de conduire
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Contrats de travail à temps partiel et étudiants
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Nomenclature des appareils orthopédiques
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Situation du centre hospitalier de Niort
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Déclinaison des mesures d'urgence du plan «Ma santé 2022 »
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Chlordécone et cancer de la prostate aux Antilles
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Pénurie de médecins pour l'établissement de certificats de décès
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Suivi médical des anciens salariés de la Saft-Arts Energy
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Pôle public d'éradication de l'amiante
Exploitation des carrières de Vingrau
Projet de plateforme multimodale sur la Lys
Retards de remboursement des primes à la conversion et bonus écologiques
Liaisons ferroviaires et région Occitanie
Conséquences du changement de statut de l'école française André Malraux de Saint-Pétersbourg
Retraite des vétérinaires sanitaires
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Conditions de repli d'une appellation d'origine
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Appellation « Clairette de Die »
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Conséquences de la suppression du régime social des indépendants
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Temps de travail autorisé dans l'État de résidence pour les travailleurs transfrontaliers
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Difficultés de fonctionnement des tribunaux d'instance et de grande instance
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Critères de répartition académique de l'éducation prioritaire
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mécanisme de justice transitionnelle en Irak
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
Zones de revitalisation rurale
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
Démocratie participative et représentative
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Instances représentatives des Français de l'étranger Élections organisées à l'étranger
Mme Jacky Deromedi, rapporteur de la commission des lois
Articles 91 et 121 de la loi ELAN
Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Julien Denormandie, ministre
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Ordre du jour du mercredi 23 janvier 2019
SÉANCE
du mardi 22 janvier 2019
50e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires : M. Daniel Dubois, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.
Bureaux de poste dans les territoires ruraux
M. Édouard Courtial . - Les maires, avec lesquels le président de la République a échangé directement par deux fois, ont, chacun avec leurs mots, lancé un cri d'alarme sur les territoires ruraux. Ces hussards de la République demandent le maintien des services de proximité, notamment des bureaux de poste, fermés malgré les lourds investissements que les communes ont consentis. Pourtant, le groupe La Poste, suivant une logique de rentabilité financière, réduit les horaires d'ouverture, notamment à Bury, Rieux, et La Neuville-en-Hez dans l'Oise.
Cette question ne sera pas traitée dans le grand débat national mais, madame la ministre, ne faut-il pas davantage de cohérence entre les promesses et les politiques menées pour faire de l'égalité des territoires une réalité ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Cette question, qui est effectivement d'actualité, interroge sur la définition d'un service public et de son évolution. La Poste en est un très bon exemple. La loi du 2 juillet 1990 fixe ses obligations de présence territoriale : 17 000 points de contacts, 90 % de la population doit être à moins de cinq kilomètres ou moins de vingt minutes de trajet d'un point de contact postal.
Dans l'Oise, grâce à des partenariats avec les communes, il existe 213 points de contact pour 25 000 habitants. Toutefois, comme sur l'ensemble du territoire, La Poste a dû s'adapter, en raison de la baisse considérable du courrier et de la moindre fréquentation des guichets mais aussi du développement du numérique et des colis postaux. C'est pourquoi La Poste a envisagé de modifier les horaires des bureaux de Bury, Rieux, et La Neuville-en-Hez, ce qui n'est pas contraire à sa mission d'aménagement du territoire.
Le contrat d'objectifs et de moyens de La Poste 2018-2022 confirme les orientations du contrat de présence postale territoriale 2017-2019 signé par l'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Poste. L'État s'assure que les évolutions des points de contact tiennent compte des besoins des usagers dans le cadre d'une concertation préalable approfondie avec les élus. Un aménagement des horaires d'ouverture est ainsi toujours précédé d'un dialogue approfondi avec les maires.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'État investit également dans le déploiement des maisons de services au public.
M. Édouard Courtial. - Je vous invite à la plus grande vigilance. Compte tenu des tensions dans notre pays, tout doit être fait pour enrayer la spirale « moins d'État, plus de colère ».
Protection des chemins ruraux
M. Jean-Pierre Moga . - Les chemins ruraux, alors qu'ils recouvrent la notion du domaine public, sont classés par la loi dans le domaine privé. Depuis longtemps, ils ont fait l'objet de multiples appropriations par des particuliers car ils gênent souvent les exploitations. Ils ont ainsi été labourés, clôturés et soumis à une prescription acquisitive.
Mon prédécesseur, Henri Tandonnet, avait déposé une proposition de loi visant à renforcer leur protection. Elle prévoyait, d'une part, la suspension pendant deux ans du délai de prescription pour l'acquisition des parcelles comportant ces chemins, et d'autre part, une procédure permettant à une commune, engagée dans une démarche d'inventaire, d'interrompre ce délai. Ce texte autorisait également les échanges de parcelles pour adapter le tracé des chemins ruraux, réaménager les parcelles agricoles et, donc, éviter les conflits.
Le Sénat a adopté cette proposition de loi en première lecture le 12 mars 2015. Elle a été transmise aux députés le 12 mars 2015, puis le 6 juillet 2017 après les élections législatives. Depuis, elle n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Quand le sera-t-elle ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Les dispositions de la proposition de loi Tandonnet ont été partiellement intégrées à la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, lors de son examen durant le printemps 2016. Les chemins ruraux sont, en effet, un patrimoine à protéger.
Cependant, dans sa décision du 4 août 2016, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, considérant qu'elles étaient des cavaliers législatifs.
Le Gouvernement est favorable à la reprise de ce dispositif dans un véhicule législatif à identifier.
M. Jean-Pierre Moga. - Je vous remercie et suis à votre disposition pour y travailler.
Transfert des compétences « eau » et « assainissement »
M. Pierre-Yves Collombat . - La loi du 3 août 2018 prévoit que les communes membres d'une communauté de communes n'exerçant pas à titre optionnel ou facultatif les compétences « eau » et « assainissement » peuvent repousser leur transfert à l'intercommunalité au 1er janvier 2026.
Or la circulaire du 20 août 2018 prévoit que cette faculté de s'opposer au transfert au 1er janvier 2020 est « exclusivement réservée aux communes membres de communautés de communes n'exerçant la compétence en cause, y compris partiellement, à l'exception notable du service public d'assainissement non collectif ». Au final, une loi qui apportait une liberté nouvelle se voit réduite dans son champ d'application. Est-ce une interprétation abusive ou le Gouvernement reprend-il d'une main ce qu'il a accordé d'une autre ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le premier alinéa de l'article premier de cette loi est sans équivoque : seules les communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas du tout les compétences « eau » et « assainissement » à la date de la publication de la loi peuvent demander le report à 2026. Par conséquent, l'emploi du terme « partiellement » dans la circulaire du 28 août 2018 est totalement conforme à la loi.
Sincèrement, je ne comprends pas bien votre question... Nous n'avons nullement repris d'une main ce que nous avions donné de l'autre. (Sourires à droite)
M. Pierre-Yves Collombat. - Moi aussi, j'ai du mal à comprendre : des collègues qui ne détenaient pas la compétence « production de l'eau » mais qui géraient l'ensemble croyaient naïvement, comme moi, qu'ils pourraient bénéficier de cette disposition libérale. Et puis non ! C'est un grand classique de ces dernières années : on promet une chose et on en fait une autre...
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je vous réexpliquerai après !
Plan local d'urbanisme et délivrance d'autorisations d'urbanisme
Mme Nathalie Delattre . - Le plan local d'urbanisme, depuis la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU, constitue le principal document de planification et d'urbanisme à l'échelle communale, voire intercommunale. Élaboré par la commune en vue d'atteindre un juste équilibre entre urbanisme et environnement, il s'applique, sous réserve de l'approbation de l'État. Les autorisations d'urbanisme sont délivrées sur son fondement.
Or les services de l'État refusent d'accorder des autorisations d'urbanisme conformes à un PLU qu'ils ont pourtant validé. En Gironde, à Porge, l'un des héritiers d'un terrain familial a pu construire dessus une habitation principale ; un autre, quelques années plus tard, n'y a pas été autorisé. Ce n'est pas un cas isolé. À Saint-Symphorien, la direction départementale de la terre et de la mer demande systématiquement un arrêté de défrichement et une étude sur les projets de développement urbain contenus dans le PLU. Cela freine la dynamique territoriale : la création d'emplois, d'équipements et de services. Quelles mesures prévoyez-vous pour remédier à cette situation ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, le maire est l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme dans les communes couvertes par un PLU. Tel est le cas à Porge. Plusieurs possibilités peuvent expliquer que les droits à construire diffèrent sur une même parcelle, à commencer par la révision du PLU ou encore, plus certainement à Porge, l'application de la loi Littoral. Le Porge a adopté son PLU le 30 juin 2018 ; l'État lui a notifié que certaines zones, qui y étaient désignées constructibles, ne l'étaient pas en raison de la loi Littoral.
Statut des élus locaux
Mme Laure Darcos . - Connaissez-vous un maire qui ne soit pas soucieux ? Ceux que je côtoie dans l'Essonne sont admirables de courage et de dévouement mais ils sont aussi malheureux de voir leurs conditions d'exercice se détériorer.
Ce malaise ne date certes pas d'aujourd'hui. Le Sénat a mené de nombreux travaux sur cette question, sans qu'aucun gouvernement ne s'en inspire. J'espère qu'il en ira différemment du remarquable rapport que notre délégation aux collectivités territoriales a récemment publié.
Les maires, garants de la République, sont à l'écoute de nos concitoyens. Vous comptez sur eux pour le grand débat national, il serait judicieux de ne pas les oublier à l'issue de cette consultation. Les sujets sont nombreux : régime indemnitaire, protection sociale, formation tout au long du mandat et reconversion, responsabilité pénale. Les élus attendent des réponses précises, de la considération. Notre démocratie a besoin de respirer et ceux qui la servent doivent retrouver espoir.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Je n'ai pas attendu d'être ministre pour avoir de la considération pour les élus locaux - j'en étais une auparavant. Il est légitime que les élus participent au grand débat.
La détresse des maires... Certains, effectivement, sont en détresse ; pas tous. Dramatiser la situation fragilise la démocratie représentative, alimenterait une crise que plus personne ne pourrait enrayer.
Par le passé, au Sénat, et sous différents gouvernements, de nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont été prises pour accompagner les élus locaux dans l'exercice de leur mandat. Bien sûr, beaucoup reste à faire.
Dans le cadre du grand chantier de la Conférence nationale des territoires sur le statut des élus locaux, votre délégation aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel, a présenté une étude approfondie dont les conclusions ont été présentées en septembre 2018. Depuis, le Gouvernement poursuit la réflexion. Nous allons légiférer ou prendre des mesures réglementaires. Des améliorations sont déjà effectives s'agissant du régime social : formulaire d'affiliation au régime général de la sécurité sociale spécifique ; rubrique dédiée sur le site ameli.fr ; information aux médecins pour autoriser les élus, lorsque cela est possible, à exercer leur mandat durant leur congé maladie ; clarification des modalités d'assujettissement des cotisations des collectivités aux régimes de retraite facultatifs par rente des élus ; application simplifiée des dispositions en matière de retraite complémentaire. À cela, il faut ajouter la mesure que vous avez votée en loi de finances pour alléger la fiscalité sur les élus.
Oui, il y a encore du travail devant nous mais on ne peut pas dire que nous ne faisons rien !
Mme Laure Darcos. - Madame la ministre, sans mettre en question votre proximité avec les élus locaux, il faut restaurer, comme le président Larcher y a invité le Gouvernement, un « serment de confiance » avec les élus. Leur malaise est profond.
Dotation de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des événements climatiques
Mme Maryse Carrère . - En juin 2018, le département des Hautes-Pyrénées a été victime, une nouvelle fois, d'une vague d'intempéries occasionnant des crues mais également des dégâts matériels pour les collectivités locales. Je salue tous les maires et équipes techniques qui ont travaillé sans relâche.
Nombre de collectivités territoriales ont demandé à disposer de la dotation de solidarité prévue à l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales. Si le fonctionnement de cette dotation a été rénové en 2016, des difficultés subsistent. Plus d'un an s'écoule entre l'évaluation des dégâts, l'estimation du coût des travaux, la première décision sur les financements ou arrêtés attributifs de subventions des dommages et le versement de cette dotation. Pour les collectivités les plus fragiles, cela est beaucoup trop long. La commune de Bourg-de-Bigorre a dû avancer près de 180 000 euros de travaux alors qu'elle dispose d'un budget moyen bien inférieur.
Quand seront versées les dotations de solidarité pour les intempéries de juin 2018 et comment pourrait être simplifié l'octroi de cette dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Les Hautes-Pyrénées ont subi en 2018 des intempéries d'une violence exceptionnelle, récurrentes depuis 2013. Cela pèse sur les collectivités territoriales et les populations. L'État s'est fortement mobilisé pour leur apporter des réponses opérationnelles. La solidarité nationale doit jouer. Cette année, 40 millions d'euros sont prévus, et ce chiffre ne comprend pas le plan spécifique en faveur de l'Aude.
Pour les biens non assurables des collectivités, des subventions peuvent être versées en soutien. Le taux de subventionnement varie de 30 à 80 % selon la charge que les dégâts font peser sur le budget de la collectivité. Ce dispositif nécessite une évaluation précise des dommages réalisée obligatoirement par le conseil général de l'environnement et du développement durable. La mission du CGEDD s'est rendue dans les Hautes-Pyrénées la semaine dernière. Je m'assurerai, une fois que l'évaluation aura été terminée et le taux d'aide calculé, que les sommes soient versés rapidement aux communes.
En attendant, le préfet de département a mobilisé 374 000 euros de dotation d'équipement des territoires ruraux pour aider 23 collectivités territoriales. Cela couvre 42 % des premiers travaux à réaliser en urgence.
Mme Maryse Carrère. - Un an, c'est long. Faire confiance aux préfectures serait préférable, elles sont les mieux placées pour évaluer les dégâts. Preuve qu'il y a un problème, l'État doit passer par la DETR...
Jumelage avec des villes du Haut-Karabagh
M. Pierre Ouzoulias . - Une circulaire du 24 mai 2018 des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères encadre les actions extérieures des collectivités territoriales : elles ne peuvent se lier à des autorités locales étrangères non reconnues par la France. Qu'en est-il des collectivités territoriales ayant noué des chartes d'amitié avec les collectivités territoriales de l'Artsakh ? Ces chartes constituent davantage des déclarations d'ordre politique par lesquelles la France dit son attachement à l'amitié entre les peuples et au droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes.
Cette circulaire restrictive, je l'espère, sera appliquée avec discernement sur le terrain.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Ni Mme Gourault ni moi ne pouvons vous donner une réponse juridique. L'action extérieure des collectivités territoriales est régie par les articles L. 1115-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. La circulaire que vous mentionnez précise, s'agissant de la coopération décentralisée, que les collectivités territoriales ne peuvent se lier à des autorités non reconnues par la France. Le Haut-Karabagh n'est reconnu par aucun État.
Un acte d'amitié représente-t-il un acte juridique, qui peut faire l'objet d'un recours gracieux devant un tribunal ? Nous n'avons pas de contentieux de référence sur ce point précis.
M. Pierre Ouzoulias. - Vous reportez votre responsabilité sur une jurisprudence à venir... À mon sens, l'État devrait faire preuve de mansuétude et d'ouverture vis-à-vis de déclarations d'amitié qui n'engagent pas la France et sont fidèles à sa tradition depuis 1848, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
Devenir des sapeurs-pompiers volontaires
Mme Françoise Cartron . - Je veux rendre hommage et saluer la mémoire des deux pompiers qui ont trouvé la mort dans l'incendie de la rue de Trévise à Paris.
Le modèle français associe sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, la FNSPF, s'inquiète de ce qu'un texte transposant en droit interne une directive européenne sur l'aménagement du temps de travail le mette en question. Elle demande aux pouvoirs publics de trancher directement cette question en menant une initiative au niveau européen. Il faut un cadre sécurisant et pérenne pour sauvegarder notre modèle !
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Merci d'avoir rendu hommage à ces pompiers, le sergent Simon Cartannaz et le caporal Nathanaël Josselin, qui ont sauvé une vingtaine de vies. Leurs collègues, la Nation, les habitants du quartier, dimanche après-midi, ont aussi salué leur mémoire devant la caserne Château-d'Eau.
La jurisprudence dite « Matzak » assimile le volontariat à des conditions de travail et estime que la directive « temps de travail » doit s'appliquer aux pompiers. Cette directive est bienvenue, car elle encadre les conditions et le temps de travail de tous les salariés, mais elle menace l'organisation de la protection civile dans notre pays, car elle assimile le volontariat à du temps de travail.
Dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, 1 % des habitants sont engagés dans le volontariat. Dans la ville que j'administrais, il n'y avait qu'un pompier professionnel.
Nous travaillerons avec la Commission européenne pour adapter l'application de la directive, sans la modifier. Les articles 17 et 22 permettent des dérogations. Nous devons les exploiter au maximum pour faire reconnaître la spécificité du volontariat dans notre pays. Aujourd'hui, il n'y a aucune menace ni de sanctions possibles sur ce sujet. Nous avons le temps de réfléchir à une solution. Je vous rassure sur ce point. Il n'y a aucune menace aujourd'hui et nous veillerons à ce qu'il n'y en ait pas demain.
Mme Françoise Cartron. - Je vous remercie pour votre réponse. En Gironde, les pompiers volontaires jouent un rôle très important et ils sont très mobilisés. Je salue la démarche citoyenne de jeunes de moins de 16 ans qui veulent être sapeurs volontaires.
Délivrance du permis de conduire
M. Rémy Pointereau . - Le sujet de la délivrance du permis de conduire agace de nombreux citoyens. Depuis le 6 novembre 2017, les demandes se font exclusivement en ligne pour « un gain de temps très significatif pour les usagers ». Malheureusement, ce gain s'est transformé en perte de temps à cause des nombreux bugs du site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
Une personne de ma connaissance a obtenu son permis dix mois après l'avoir demandé en novembre 2017. Les réseaux sociaux sont devenus le défouloir de nos concitoyens qui perdent patience.
Certains prennent le risque d'une amende délictuelle quand ils roulent sans permis une fois la validité du feuillet temporaire caduque. Selon certains, qui conservent un brin d'humour, le plus difficile n'est plus de passer le code ou la conduite, mais de réussir la demande en ligne ! Ne faudrait-il pas conserver un service en préfecture a minima ?
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Les téléprocédures sont géniales... quand elles fonctionnent ! Il y a souvent de vrais décalages entre la théorie et le quotidien de nos concitoyens.
Nous devons veiller à leur fluidité. Les téléprocédures posent deux problèmes : la fracture numérique, tout d'abord. Plus de 300 centres ont été ouverts en France pour lutter contre l'accès insuffisant de certains de nos concitoyens au numérique. Toutes les maisons de services au public devraient en être dotées à l'avenir.
Et puis il y a la question des bugs. Plus de 4 millions de demandes en ligne ont été instruites mais, hélas, les dysfonctionnements du site de l'ANTS ont été très nombreux.
Nous avons réagi, notamment en ouvrant un numéro dédié. La création du compte ANTS a été portée de 24 heures à 7 jours afin de fluidifier les demandes. En outre, en cas de contravention, il n'y aura pas de suite si les démarches ont été effectuées - c'est bien normal si le contrevenant n'est pas responsable de sa situation.
Aujourd'hui, le traitement médian pour une inscription au permis de conduire est d'une journée et le traitement médian pour une demande de titre est de 2,7 jours. Les sous-préfets et préfets doivent veiller au perfectionnement du dispositif.
M. Rémy Pointereau. - Merci pour votre réponse qui va dans le bon sens, mais rien ne vaut le contact physique.
La dématérialisation peut parfois être utile mais nous devons tous être égaux à l'égard du numérique. Hélas, ce n'est pas le cas de tous les territoires...
Contrats de travail à temps partiel et étudiants
Mme Catherine Procaccia . - Aux termes de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi, tous les contrats de travail à temps partiel conclus depuis le 1er juillet 2014 doivent prévoir une durée minimale d'activité d'au moins vingt-quatre heures par semaine.
Une dérogation spécifique pour les étudiants âgés de moins de 26 ans est toutefois prévue afin que cette durée de travail soit compatible avec leurs études : vingt-quatre heures représentent trois jours et demi de travail par semaine. L'objectif était d'améliorer le niveau de vie des étudiants tout en leur permettant de poursuivre leurs études.
Certaines entreprises ou collectivités ont cependant aligné le temps minimal pour embaucher un étudiant à la durée d'un mi-temps dérogatoire, soit dix-sept heures trente, soit deux jours et demi de travail par semaine, ce qui paraît difficilement compatible avec une scolarité sereine et contradictoire avec l'esprit de la loi.
Je souhaiterais savoir si la fixation d'une durée minimale excédant la journée ou les deux jours de travail est conforme à la loi.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - L'obligation qu'ont certains étudiants de travailler constitue déjà une inégalité de fait : les résultats universitaires en témoignent. La loi prévoit une discussion par branche pour définir la durée minimale du temps partiel. Les partenaires sociaux définissent donc les durées de travail minimales applicables à chaque branche, d'où une grande diversité. S'il n'y a pas d'accord de branche, la règle des vingt-quatre heures s'applique.
Une dérogation de principe est prévue pour les étudiants : l'article L. 3123-7 dit qu'une durée de travail inférieure à la durée minimale applicable, compatible avec ses études, est fixée de droit, à sa demande, au bénéfice du salarié âgé de moins de 26 ans poursuivant ses études. Il suffit donc d'un accord conventionnel entre l'employeur et l'étudiant pour considérer que neuf heures est un bon temps de travail.
La règle de dix-sept heures trente de travail hebdomadaire ne respecte donc pas la dimension conventionnelle de la discussion qu'il doit y avoir entre l'employeur et le salarié. La liberté des entreprises et des collectivités locales est donc totale.
Mme Catherine Procaccia. - Votre réponse est claire. Hélas, il n'existe souvent pas d'accords entre les entreprises et les étudiants. Mais cette réponse, qui sera publiée au Journal officiel, pourra servir aux entreprises et collectivités.
Nomenclature des appareils orthopédiques
M. Yannick Vaugrenard . - En mai 2016, l'Union Française des orthoprothésistes (UFO) a lancé une mission d'audit sur le système réglementaire du grand appareillage orthopédique (GAO). Les conclusions de cet audit, paru en juin 2017, présente le GAO comme un secteur à part dans les dispositifs médicaux pour la prise en charge du handicap lourd. Il présente en effet un large spectre de fonctions pour une pluralité de pathologies, avec des parcours de soins pluridisciplinaires. Le GAO est également fortement encadré puisque la prise en charge relève quasi exclusivement de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance-maladie, avec l'obligation d'une entente préalable à l'obtention de l'appareillage.
Dans ce contexte, l'audit relève que le système réglementaire encadrant le GAO est parvenu à ses limites : il est obsolète pour les professionnels et les projets de vie des patients. Ce système de prise en charge ne permet plus de répondre aux besoins de l'ensemble des parties prenantes.
Ce constat a été confirmé lors du Congrès annuel de l'UFO en juin 2017. La refonte de la nomenclature est donc indispensable, afin de mettre en place un outil de prise en charge médicalisé et évolutif qui comprendrait à la fois la prescription médicale, la méthodologie tarifaire et le processus d'inscription. Les professionnels ont approuvé la proposition de réaliser la refonte de la nomenclature en quatre étapes. Tout d'abord, une redéfinition de la nomenclature pour créer un guide à la prescription en fonction du projet de vie du patient. Ensuite, la fixation d'une nouvelle grille tarifaire ; la définition d'un modèle dynamique de réactualisation des lignes afin de pérenniser l'équité de la nomenclature et, enfin, la redéfinition du processus d'inscription des innovations pour l'adapter aux caractéristiques du GAO et aux besoins de compensation du handicap.
Le Gouvernement envisage-t-il la refonte de la nomenclature des appareils orthopédiques et selon quel calendrier et quelles modalités, notamment concernant la prise en charge des patients ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Les nomenclatures régissant la prise en charge des dispositifs médicaux sont particulièrement importantes : elles définissent les produits qui peuvent être pris en charge, les conditions de prescription, les modalités de délivrance.
Bien définir ces nomenclatures permet des soins de qualité, et favorise la pertinence des prises en charge.
Dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », le Gouvernement a demandé que les nomenclatures de la liste des produits et prestations fassent toutes l'objet d'une revue d'ici 2022, pour vérifier si elle était toujours à jour, ou si des évolutions étaient nécessaires.
L'année 2018 a été marquée par la révision de deux nomenclatures d'importance, celle relative à l'optique, et celle relative aux aides auditives, dans le cadre des travaux du « 100% santé » permettant de disposer d'éléments de qualité sans reste à charge.
En 2019, plusieurs nomenclatures font l'objet de travaux : celle relative aux « perruques » devrait aboutir dans les prochaines semaines, mais nous travaillons également à des révisions importantes concernant « les implants du rachis », « les dispositifs de l'incontinence urinaire et fécale », ou encore « les implants d'embolisation ».
S'agissant du grand appareillage orthopédique, l'enjeu principal à court terme est de disposer d'informations plus précises sur les produits qui font actuellement l'objet d'un remboursement. Ce champ est en effet l'un des derniers secteurs de la liste des produits et prestations où l'on ne dispose pas d'un codage numérique, ce qui ne permet pas d'avoir un suivi fin de la dépense.
Nous allons donc mettre en place un codage numérique dans les semaines à venir pour le grand appareillage orthopédique. Ce sera seulement après avoir à disposition des données plus fines de remboursement que nous pourrons mieux analyser les conditions de prise en charge actuelles, et voir si elles doivent évoluer.
M. Yannick Vaugrenard. - J'espère que votre réponse donnera satisfaction à l'Union française des orthoprothésistes et que le codage numérique sera rapidement réalisé.
Situation du centre hospitalier de Niort
M. Philippe Mouiller . - Le centre hospitalier de Niort sort d'un long conflit social dû aux manques de moyens et de personnels, notamment au sein de son service de psychiatrie. Ce service connaît une situation très difficile sur le plan humain, mais également en ce qui concerne les locaux d'hospitalisation, accueillant les patients les plus fragiles.
L'efficacité des projets qui y sont développés est aujourd'hui compromise alors même que la psychiatrie et la santé mentale sont élevées au rang de priorité dans le cadre du plan national « Ma santé 2022 ».
Les difficultés rencontrées par l'hôpital de Niort témoignent de l'inégalité constatée entre les territoires étant donné qu'il dispose comparativement de moins de moyens financiers pour son bon fonctionnement.
Face à cette situation, de nombreux acteurs se sont mobilisés que ce soient Jérôme Baloge, maire de Niort et président du Conseil de Surveillance, la direction, les élus locaux et bien entendu le personnel de l'établissement.
Des annonces récentes viennent d'être faites concernant de nouveaux moyens alloués. Ainsi, fin 2018, une enveloppe de 759 000 euros a été restituée, au titre des crédits dégelés. Or même si on peut saluer l'apport en trésorerie de cette somme, comptablement, elle n'a aucune incidence dans ses comptes. En effet, il ne s'agit aucunement de moyens nouveaux mais de la restitution du budget préempté en début 2018, comme chaque année et qui représente 0,7 % des tarifs de la T2A.
De plus, concernant la psychiatrie, le Gouvernement a décidé d'attribuer une enveloppe nationale de 50 millions. Sur cette enveloppe, 91 000 euros ont été délégués pour Niort, en nouveaux fonds pérennes annuels. Cette somme semble ne pas être à la hauteur des besoins nécessaires au bon fonctionnement de ce service.
Comment imaginer l'avenir dans de telles conditions ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - La situation de la démographie médicale et soignante en Deux-Sèvres a été compliquée, mais le conflit social au centre hospitalier est aujourd'hui en phase d'extinction, grâce à un dialogue social de qualité conduit par la direction de l'établissement depuis septembre 2018. Ce dialogue a permis d'aboutir à la signature d'un protocole de fin de conflit partagé par trois organisations syndicales sur quatre. L'accord global permet de renforcer les équipes, en accélérant les recrutements infirmiers, de convenir des modalités de remplacement favorisant la qualité de vie au travail et de faciliter les passages en CDl pour le personnel paramédical.
S'agissant des moyens alloués au centre hospitalier de Niort, je vous confirme que l'établissement bénéficiera de 759 000 euros supplémentaires par rapport aux dotations attribuées en cours d'année 2018, au titre du dégel des crédits, annoncé en décembre.
Concernant la situation générale de la psychiatrie, vous connaissez notre engagement en faveur de ce secteur, qui s'est traduit dès la fin de 2018 par l'octroi de moyens financiers pérennes supplémentaires à hauteur de 50 millions dont 91 000 euros pour le centre hospitalier de Niort.
Notre feuille de route sur la santé mentale et la psychiatrie vise l'amélioration des conditions de vie, l'inclusion sociale et l'amélioration de l'accès aux soins et aux accompagnements. Nous favorisons une approche transversale de la politique de santé mentale. Le centre hospitalier de Niort dispose d'atouts importants pour s'approprier ces orientations et y contribuer par ses actions.
M. Philippe Mouiller. - Vous venez de confirmer les chiffres dont je disposais. La direction de l'hôpital a négocié efficacement pour sortir du conflit, mais les moyens alloués ne sont pas à la hauteur des enjeux. Partout en France, les professionnels de la psychiatrie sont dans la rue pour réclamer plus de moyens. La copie doit être revue.
Déclinaison des mesures d'urgence du plan «Ma santé 2022 »
M. Bernard Delcros . - Comme élu du Cantal, je mesure le décrochage de certains territoires en matière d'offre de soins, tant pour l'accès aux généralistes qu'aux spécialistes. Les délais de rendez-vous peuvent atteindre un an !
Je salue le plan « Ma santé 2022 » qui peut apporter des réponses. Mais plusieurs de ces mesures ne porteront leurs fruits que progressivement. Ainsi, la suppression du numerus clausus demandera une décennie pour en mesurer les effets concrets sur le terrain. Or certains territoires connaissent des situations d'urgence qui appellent des réponses d'urgence.
Deux dispositions pourraient améliorer la situation : la création de 4 000 postes d'assistants médicaux et le déploiement de 400 médecins généralistes salariés dans les territoires prioritaires.
Ces professionnels salariés pourront-ils exercer dans les maisons pluri-professionnelles de santé ? L'État assurera-t-il le financement de ces postes dans ces structures, notamment dans les territoires ruraux, en raison des faibles moyens des collectivités ? Il faut éviter que ces territoires soient soumis au régime de la double peine : une offre de soins réduite et la nécessité pour la conserver de financer des emplois de professionnels de santé salariés.
Enfin, quel sera le calendrier de mise en oeuvre de ces mesures ? Dans le Cantal, plusieurs territoires sont confrontés à la désertification médicale et atteignent le point de rupture.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le Gouvernement partage vos préoccupations.
Dans votre département, le nouveau zonage du 26 avril 2018 classe le Cantal en zones d'intervention prioritaire et des actions complémentaires doivent permettre de mobiliser tous les dispositifs incitatifs individuels et collectifs disponibles. Des mesures volontaristes sont menées sur le département afin de contribuer au maintien de l'offre de soins au travers notamment des Contrats locaux de santé (CLS). Le contrat signé le 24 avril 2018 entre l'Agence régionale de santé (ARS) et les communautés de communes Hautes Terres Communauté et Saint-Flour Communauté constitue l'illustration des démarches partenariales nécessaires pour améliorer l'attractivité des territoires. Le prochain projet de loi sera la première pierre aux restructurations des soins de proximité et à la constitution d'un collectif de soins. Des ponts et des outils de coopération seront facilités entre hôpital, ville et secteur médico-social.
L'exercice coordonné a vocation à se développer, la gradation des soins à être clarifiée et assumée, pour fluidifier le parcours des patients et améliorer la qualité, la sécurité et la pertinence des soins.
Concernant le projet de 400 médecins généralistes à exercice partagé, l'objectif est de concrétiser l'engagement présidentiel par le biais de deux dispositifs distincts : le déploiement de postes d'assistants à temps partagé ville/hôpital en médecine générale et le soutien à la création de postes salariés dans les zones sous-denses, dont le Cantal fait partie. Des actions d'information à l'attention des établissements de santé ont été réalisées afin de recueillir des candidatures potentielles.
M. Bernard Delcros. - Il y a urgence à apporter des réponses. L'offre de soins est le premier critère d'attractivité mais aussi d'abandon des territoires. Dans le Cantal, nous sommes au bord de la rupture.
Chlordécone et cancer de la prostate aux Antilles
M. Dominique Théophile . - Lors de sa visite aux Antilles fin septembre 2018, le président de la République a reconnu la pollution des sols de Martinique et de Guadeloupe par le chlordécone comme un « scandale environnemental » dont l'État devait assumer une part de responsabilité.
Le chlordécone n'a été interdit en France que tardivement, quinze ans après les alertes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que des centaines de tonnes de cette substance avaient été déversées sur les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Les travailleurs de ces bananeraies ont été surexposés à la molécule et, à travers la consommation de produits maraîchers, une grande partie de la population a été largement contaminée. Le chlordécone fait donc peser un risque sanitaire grave sur les citoyens d'outre-mer pour plusieurs centaines d'années.
Le 27 septembre 2018, le président de la République a annoncé l'ouverture d'une procédure de reconnaissance de l'exposition au chlordécone comme maladie professionnelle. Nous saluons cette initiative. Demeure la question du cancer de la prostate, dont le taux d'incidence annuel en Martinique atteint 227 cas sur 100 000 hommes et celui de Guadeloupe étant d'un niveau proche. Or les études sont encore trop peu nombreuses sur le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate.
L'étude confiée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur le lien entre l'exposition au chlordécone et les pathologies constatées, qui constituera la base de leur reconnaissance comme maladies professionnelles, concernera-t-elle le cancer de la prostate ? Sinon, le Gouvernement lancera-t-il un appel à projets pour qu'une étude soit menée sur ce record malheureux ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le ministère chargé de la Santé copilote avec le ministère des Outre-mer, et en lien avec les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement, de l'Économie et de la Recherche, le plan chlordécone 3. Le ministère de la Santé a contribué au financement d'une étude sur le cancer de la prostate réalisée par l'lnserm au cours de la période 2004-2007 en Guadeloupe. Cette étude était destinée à identifier les facteurs de risque environnementaux et génétiques de survenue du cancer de la prostate. Il s'agissait également d'étudier le lien éventuel entre l'exposition au chlordécone et le risque de survenue de ce cancer. Ses conclusions, publiées en 2010, ont montré la survenue du cancer de la prostate plus élevé chez les hommes dont la concentration en chlordécone dans le sang est la plus forte. Cette probabilité est influencée par l'âge, le patrimoine génétique, les habitudes alimentaires et les habitudes de vie des hommes exposés.
L'étude de cohorte KP Caraïbes, également cofinancée par le ministère de la Santé, est actuellement menée par l'lnserm afin d'évaluer en Guadeloupe, et si possible en Martinique, l'impact des expositions au chlordécone dans l'évolution du cancer de la prostate.
En outre, l'institut national du Cancer a été saisi par le ministère de la Santé en avril 2018 pour mettre en place une étude pour répondre à la question du lien entre exposition au chlordécone et survenue d'un cancer de la prostate, et d'organiser le lancement d'un appel à projet. L'INCa a réuni un comité d'experts internationaux sur cette question. L'Institut a rendu ses propositions au ministère en décembre 2018 sur la construction d'un programme de recherche interdisciplinaire sur le sujet, incluant une étude cas-témoins. La proposition est en cours d'analyse avec le ministère chargé de la recherche. Un appel à projet sera donc lancé au cours du premier semestre 2019.
S'agissant des travaux sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec le cancer de la prostate et l'exposition aux pesticides, en particulier au chlordécone, le ministère de la Santé a saisi l'lnserm et l'Anses, respectivement le 24 avril et le 26 novembre 2018. Ces travaux d'expertise, qui seront rendus au cours du premier semestre 2019, seront versés à l'instruction des commissions en charge de la création des tableaux de maladies. À l'issue des travaux menés dans le cadre de ces instances, tout nouveau tableau de maladie professionnelle doit faire l'objet d'un décret du ministère de la Santé pour le régime général et d'un décret du ministère de l'Agriculture pour le régime agricole. Aussi, il convient d'attendre la fin du second semestre 2019 pour voir aboutir la procédure.
M. Dominique Théophile. - Les études sont donc lancées. Nous suivrons leurs résultats avec attention.
Pénurie de médecins pour l'établissement de certificats de décès
Mme Martine Filleul . - La pénurie de médecins pour l'établissement de certificats de décès est une conséquence souvent ignorée des déserts médicaux et des zones médicales tendues. Dans certains départements, comme celui du Nord, à la perte d'un proche, les familles doivent parfois attendre de longues heures avant qu'un médecin n'arrive au domicile pour établir le certificat de décès, faute de médecins disponibles.
Ce certificat, qui ne peut être délivré que par des médecins, constitue le document indispensable pour pouvoir confier le corps aux pompes funèbres. Autrefois, son établissement incombait au médecin d'état civil. Mais avec la disparition de cette profession au début des années 2000, elle a été transférée aux libéraux.
Or, sur certains territoires, ceux qui acceptent d'assurer cette mission se font rares. Sans rémunération en dehors des heures de permanence de soins, ni indemnisation des frais de déplacement, cette mission repose souvent sur la générosité et le bon vouloir des médecins traitants. Dans certains cas, les services de police n'ont d'autre choix que de réquisitionner des médecins pendant leurs consultations.
Cette situation ubuesque inflige aux familles des défunts une double peine : celle de la perte d'un être cher, à laquelle vient s'ajouter celle de circonstances inhumaines voire traumatisantes.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de mettre fin à ces situations ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le certificat de décès est un document médical. Le médecin doit indiquer les maladies ou affections morbides ayant directement provoqué le décès ainsi que les autres états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès. Il peut aussi demander des investigations en cas de mort suspecte. Ainsi, la certification du décès est un processus légal par lequel sont attestés par écrit le fait, la cause et les circonstances du décès d'une personne.
C'est pourquoi il n'est pas prévu de déléguer cet acte à d'autres professionnels de santé non médicaux, telles les infirmières. Toutefois, pour faire face aux difficultés rencontrées, d'autres solutions ont été recherchées pour faire établir un certificat de décès à domicile en zones sous-dotées en médecins.
Une mesure de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 permet ainsi de valoriser la prise en charge de l'examen médical nécessaire à l'établissement du certificat de décès. L'examen nécessaire à l'établissement du certificat de décès au domicile du patient réalisé par le médecin est ainsi rémunéré par un forfait de 100 euros lorsqu'il est réalisé en période de faible disponibilité médicale : la nuit, le week-end ou les jours fériés. Cette rémunération de 100 euros s'applique tous les jours et à toute heure dans les zones sous-dotées. Cette mesure financière s'inscrit dans le contexte d'amélioration de l'accès aux soins et notamment de l'accès à un médecin.
L'objectif du Gouvernement est d'augmenter la ressource en médecine générale de ville, contribuant à une meilleure prise en charge des parcours et assurant ainsi la continuité et la permanence des soins. Ces plans permettront également de renforcer la capacité de ces médecins à pouvoir répondre aux demandes des familles d'établissement d'un certificat dans le contexte douloureux du décès d'un proche.
Mme Martine Filleul. - Les médecins ne devraient-ils pas être obligés d'assurer cette mission ?
Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés
M. Jean-Luc Fichet . - L'exposition aux sons dans le cadre des concerts et des festivals représentent un enjeu extrêmement important en matière de santé publique. Vous avez récemment souhaité contribuer à répondre à cet enjeu légitime en cosignant le décret du 7 août 2017, relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. Ce décret a bouleversé la réglementation sonore applicable aux concerts et festivals ainsi qu'aux établissements diffusant de la musique amplifiée.
Le Finistère et la Bretagne sont une terre de festivals, une terre de concerts et d'animations musicales rassemblant chaque année des milliers de personnes, particulièrement des jeunes. Tous les professionnels concernés ont fait part de leurs profondes inquiétudes et attendaient que des éclaircissements et des aides leur soient apportés avant la date butoir du 1er octobre 2018, date à laquelle devait être pris l'arrêté d'application. À ce jour, il n'a pas encore été publié et de nombreuses questions demeurent sur la baisse du niveau sonore et le plafond des basses fréquences. Mêmes interrogations sur l'obligation d'un repos auditif ou sur l'étude d'impact des nuisances sonores étendue au plein air ou encore sur la mise à disposition du public de protections auditives adaptées.
Ces nouvelles dispositions demandent des évolutions techniques et technologiques et impliquent la formation des personnels. L'impact financier de cette nouvelle réglementation est considérable pour un secteur dont l'économie est déjà fragile.
Enfin, certains points de la nouvelle réglementation sont encore trop flous et sujets à interprétation.
Le Gouvernement envisage-t-il une nouvelle concertation pour préciser les mesures et accorder un délai supplémentaire ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - En 2015, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une alerte de santé publique concernant l'exposition des 12-35 ans à des niveaux sonores dangereux dans des lieux de loisirs. La prévention des risques auditifs est ainsi inscrite dans la stratégie nationale de santé. Le décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés inscrit dans le droit les recommandations formulées par le Haut Conseil de la santé publique dans son avis de 2013. Ce décret prévoit que des arrêtés des ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la culture précisent les conditions de mise en oeuvre de la protection de l'audition du public, les indicateurs à prendre en compte dans le cadre des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à un niveau sonore élevé pour préserver l'environnement et les conditions de réalisation de l'étude de l'impact des nuisances sonores pour les lieux et les activités concernés.
Depuis le 1er octobre 2018, le décret s'applique. Afin d'accompagner les différents acteurs concernés par sa mise en oeuvre, un projet d'arrêté unique a été élaboré et a fait l'objet de larges consultations ainsi que de réflexions pour déterminer les moyens techniques nécessaires à mettre en oeuvre par les professionnels du secteur des spectacles vivants.
Le décret s'applique en l'état, même en l'absence de précisions particulières. À ce stade, en l'absence d'arrêté, les services des ARS et les autres agents chargés des contrôles sont appelés à tenir compte de ce que les professionnels ont besoin de temps pour s'adapter et pouvoir mettre en oeuvre certaines dispositions. En revanche, les professionnels sont censés déjà respecter les niveaux sonores à ne pas dépasser définis par le décret. Un colloque a été organisé le 5 décembre dernier par les ministères pour accompagner les professionnels et les agents chargés des contrôles.
L'arrêté sera complété par une instruction et un guide de réalisation des études de l'impact des nuisances sonores, qui révisera le guide existant de 1998.
M. Jean-Luc Fichet. - Nul ne conteste la nécessité d'agir en la matière, mais la situation doit être précisée pour les organisateurs de festivals.
Avenir du CHU Pasteur de Nice
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Ma question porte sur l'avenir du centre hospitalier universitaire (CHU) Pasteur de Nice.
En septembre 2018, les médecins des services d'orthopédie et de traumatologie ont cessé temporairement leur activité à cause d'une dégradation des conditions de travail - défaut de stérilisation et manque de matériel - et pour dénoncer le manque de personnel soignant, notamment d'anesthésistes, d'infirmiers et de brancardiers.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu le dégel de 415 millions d'euros destinés aux établissements de santé dont devrait bénéficier le CHU Pasteur de Nice.
En actionnant ce levier financier, les établissements de santé perçoivent l'intégralité du fonds de financement qui leur est destiné en amont des besoins pour éviter le découragement des personnels hospitaliers face aux restrictions budgétaires.
Outre ce budget national, la métropole Nice-Côte-d'Azur a adopté à l'unanimité, une motion visant à soutenir le CHU et à proposer à Mme la ministre de la Santé d'engager un dialogue conjoint avec la métropole et l'ARS pour établir une feuille de route qui permettra aux équipes du CHU de Nice, de retrouver, sans tarder, un niveau de soins le plus optimal pour tous les patients.
Quels sont les montants fléchés au CHU Pasteur de Nice suite au dégel des 415 millions d'euros dans le cadre du PLFSS pour 2019 ? Quelle a été la réponse du Gouvernement à la motion de la métropole ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le directeur général du CHU de Nice a engagé un audit sur le fonctionnement de l'ensemble des blocs opératoires. Une mission a été confiée à un praticien de l'établissement afin de réorganiser les activités anesthésiques.
L'ARS de la région PACA a conduit une mission qui a confirmé la réalité des tensions ; le CHU est engagé dans un plan de modernisation, accompagné par un cabinet spécialisé, soutenu par l'ARS PACA.
En effet, le CHU de Nice est l'établissement socle de l'organisation régionale des soins et de leur enseignement. Le financement alloué par l'État en 2018 s'est établi à 143 millions d'euros. Cette modernisation lui permettra de fonctionner, d'autant que 5,8 millions d'euros ont été alloués sur marge régionale pour des investissements et transformations. Tous les crédits - 1,674 million d'euros - ont été en outre dégelés. La dotation du CHU est proportionnelle à son activité.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Il était important, après la crise de septembre 2018, que nous ayons, de votre bouche, la confirmation du dégel des crédits. Le CHU de Nice est un pôle médical et économique très important. Les patients doivent retrouver cette offre de soins.
Suivi médical des anciens salariés de la Saft-Arts Energy
Mme Nicole Bonnefoy . - Les anciens salariés, aujourd'hui retraités, de l'usine Saft-Arts Energy de Nersac en Charente, ont des difficultés à obtenir de la caisse primaire d'assurance-maladie un suivi post-professionnel de leur état de santé, alors qu'ils ont été exposés voire surexposés, pendant de nombreuses années, dans le cadre de leur profession, au cadmium et à ses composés.
Le cadmium est considéré comme cancérogène certain pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate et du rein. Le suivi de ces travailleurs et retraités est donc important pour la recherche médicale, pour la reconnaissance des maladies professionnelles, pour la recherche médicale, pour l'évolution du tableau des maladies professionnelles, mais aussi pour établir des responsabilités.
Pourquoi n'y a-t-il pas de suivi systématique pour ces travailleurs exposés pendant parfois trente ans de leur vie ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Les anciens salariés de cette entreprise peuvent, sur simple demande à leur caisse primaire d'assurance-maladie, obtenir un suivi médical post-professionnel. Or seuls deux d'entre eux l'ont fait.
Dans le cas où l'assuré ne peut fournir l'attestation d'exposition remplie par son employeur, c'est l'assurance-maladie qui vérifie l'exposition avant de proposer un suivi adapté.
Pour le cadmium, il y a un protocole national, le médecin traitant doit orienter son patient vers un médecin du travail ou un centre spécialisé en pathologie professionnelle, qui peut prescrire des examens cliniques biannuels ayant pour cible le foie et les reins, où le cadmium s'accumule surtout.
En 2018, le médecin-conseil de l'assurance-maladie peut prescrire en plus des tests urinaires, des scanners et des radios des os. Entre 2013 et 2017, Cinq anciens broncho-pulmonaires liés au cadmium ont ainsi été reconnus et pris en charge par l'assurance-maladie, sur 8 896 cancers professionnels indemnisés.
Mme Nicole Bonnefoy. - Vous décrivez ce qui est possible. Malheureusement, la réalité est différente. Un retraité depuis quatre ans m'a dit que son taux de cadmium était supérieur à cinq fois la norme. J'ai dû intervenir, mais le médecin du travail ne savait pas ce qu'il devait faire. Merci au ministère de la Santé de faire en sorte que les choses se passent comme vous le dites.
Inondations dans l'Aude
M. Roland Courteau . - De terribles inondations ont plongé l'Aude, en octobre 2018, dans une sorte de chaos. Le ministre de l'Intérieur, qui a constaté sur place les dégâts, m'a fait part de sa volonté, « là où le malheur passe, de reconstruire de la fierté et de l'attachement territorial ». Il y a tant de bâtiments et d'équipements, privés, publics, à reconstruire !
Or le fonds Barnier a vocation à être mis en oeuvre pour les acquisitions de biens immobiliers, dans deux hypothèses : soit pour des biens sinistrés, soit pour des biens gravement exposés.
Dès lors, les maires des communes sinistrées souhaitent que les procédures de démolition et de reconstruction des biens privés ou publics soient engagées très rapidement grâce à ce fonds.
L'enveloppe dédiée permettra-t-elle que les opérations de démolition-reconstruction puissent être ainsi engagées le plus vite possible ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - M. Castaner m'a chargé de vous répondre. Il souhaite saluer l'engagement des maires des communes sinistrées et des services publics. Les services de l'État, pilotés par le préfet de l'Aude, sont pleinement mobilisés. Après le relogement d'urgence, vient le temps du relogement définitif. De telles précipitations pourraient se reproduire ; l'occupation du territoire doit donc être repensée. Certains sinistrés ne pourront donc pas retrouver leurs biens. Ceux qui ont été sinistrés à plus de 50 % sont indemnisés. Le financement des expropriations est également possible, les cessions amiables et les expropriations n'étant pas limitées en montant.
M. Roland Courteau. - Le préfet et les services de l'État, les associations et les collectivités territoriales font ce qu'il faut. L'association Aude Solidarité fait face aux situations de grande détresse sociale.
Nous attendons que la phase à la charge du fonds Barnier commence.
Pôle public d'éradication de l'amiante
M. Philippe Madrelle . - Je soutiens le projet de création d'un pôle public d'éradication de l'amiante déposé par la coordination des associations de victimes de l'amiante et des maladies professionnelles. Malgré l'interdiction de fabrication et de commercialisation de l'amiante depuis 1997 et en dépit d'une évolution législative et réglementaire, les risques de contamination professionnelle ou environnementale consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante sont toujours aussi présents ; 20 millions de tonnes d'amiante subsistent en France et 100 000 décès sont prévus d'ici à 2050.
Trop souvent, les chantiers de désamiantage répondent à une logique de rentabilité.
Deux filières existent, mais un pôle public porté par une structure indépendante s'inscrivant dans un projet de développement respectueux de l'environnement ne serait-il pas préférable ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - François de Rugy m'a chargée de vous répondre. La commission des affaires sociales du Sénat a préconisé dans son rapport n°668 de juillet 2014 une telle structure interministérielle pour assurer la coordination des actions de lutte contre l'amiante. Le plan d'action interministériel pour améliorer la prévention des risques liés à l'amiante, mis en place en décembre 2015 pour trois ans, décline la politique du Gouvernement pour améliorer la profession, accompagner la mise en oeuvre de la réglementation et mettre en place des outils de communication, de suivi et une évaluation.
Ce plan, axé sur le bâtiment, améliore la prévention des risques. La durée limitée dans le temps de ce plan a conduit à solliciter une mission d'évaluation qui formulera des recommandations au cours de 2019.
M. Philippe Madrelle. - Madame la ministre, ce pôle public est très attendu par les associations de victimes de l'amiante.
Exploitation des carrières de Vingrau
M. François Calvet . - La cour administrative d'appel de Marseille, en date du 14 septembre 2018, a rejeté les recours déposés par le ministère de l'Environnement et la société « La Provençale », le 3 mai 2016, à la suite du jugement du tribunal administratif de Montpellier, annulant un arrêté préfectoral, du 3 février 2015, d'autorisation d'exploitation de la carrière de marbre blanc à Vingrau et Tautavel, basée dans les Pyrénées-Orientales.
Pourtant, conformément aux dispositions du c du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'arrêté précité répondait parfaitement aux exigences environnementales : impact paysager, mesures compensatoires. En octobre 2013, une étude d'impact sur l'environnement avait d'ailleurs été déclarée recevable par la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). D'autre part, il y avait un intérêt public majeur : création et développement d'emplois.
La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (Frene66) se borne, dans son recours en annulation, à déclarer que la raison impérative d'intérêt public majeur n'était pas fondée, sans donner d'arguments et sans détailler en quoi l'exploitation de ladite carrière ne répondait pas aux critères de dérogation susvisés. Elle ne détaille en rien les espèces qui seraient touchées par l'exploitation de la carrière.
Or la particularité de cette carrière n'est plus à démontrer, notamment par la qualité exceptionnelle de son marbre blanc très pur nécessitant un savoir-faire spécifique. Surtout, l'importance économique de l'usine d'Espira de l'Agly, portée par la société familiale « La Provençale » a permis le développement de plus de quatre-vingts emplois stables dans un département fortement touché par le chômage et le manque d'activité industrielle.
La cessation de l'exploitation de cette carrière constituerait un mauvais signal et aggraverait la précarité économique de cette région.
En conséquence, le ministère est-il prêt à poursuivre devant le Conseil d'État la défense de l'exploitation de la carrière de Vingrau, comme l'avait fait en 2016, Mme Royal, et conforter ainsi en l'espèce l'existence réelle et impérative d'un intérêt public majeur ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - François de Rugy m'a chargée de vous répondre.
Par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 mars 2014, la société Provence SA a été autorisée à reprendre et étendre l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de roches massives, sur les territoires communaux de Tautavel et Vingrau. La cour administrative d'appel de Marseille a jugé que la dérogation accordée en raison des atteintes aux habitats ou spécimens d'espèces protégées, ne pouvait répondre à l'un des motifs énoncés à l'article L.411-2 du code de l'environnement, justifiant une raison d'intérêt public majeur.
Or le ministère considère que l'exploitation de la carrière répond bien à un intérêt public majeur. Le ministre d'État a donc formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour administrative d'appel de Marseille.
Projet de plateforme multimodale sur la Lys
M. Marc-Philippe Daubresse . - La métropole de Lille s'est fortement engagée dans la préservation de l'environnement. J'ai coordonné les travaux du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'arrondissement de Lille, concernant 1,2 million d'habitants, protégeant la biodiversité et prévenant les risques d'inondation, notamment sur les rives frontalières de la Lys.
Beaucoup de temps et d'argent ont été consacrés à cette mission. Or le maire de la commune riveraine de Deûlémont m'a saisi, affolé, des projets démesurés de plateforme portuaire, dont l'autorisation dépend de la région wallonne, qui détruiraient les aménagements protecteurs réalisés du côté français et augmenteraient les rejets polluants.
Des démarches ont été entreprises auprès des autorités belges, sans succès. Le préfet du Nord a émis un avis défavorable à ces projets. S'ils devaient aboutir, le Fonds européen de développement régional (Feder) risquerait de financer à la fois la protection de l'environnement et des zones humides du côté français, et une plateforme portuaire totalement incompatible, à quelques dizaines de mètres, du côté belge ! C'est ubuesque...
Madame la ministre, pouvez-vous mettre un coup d'arrêt à ce projet qui mettrait à mal des années de coopération transfrontalière dans le domaine de l'environnement ainsi que le plan de prévention des inondations que Lille métropole est en train de mettre en place ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Mme Emmanuelle Wargon m'a chargée de vous répondre. Le ministère de la Transition écologique est mobilisé sur ce sujet qui fait l'objet de contacts réguliers avec les autorités belges.
Cette plateforme aurait en effet un impact regrettable sur une zone humide. Une enquête publique transfrontalière a été menée à Frelinghien, Comines-Warneton et Deûlémont.
Vu la forte opposition citoyenne relayée par les conseils municipaux, la France a émis un avis défavorable transmis aux autorités belges. L'État a élaboré un guide de coopération transfrontalière.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Merci d'avoir réaffirmé la position de la France. Mme Wargon pourrait se rendre à la prochaine réunion du district européen transfrontalier.
Retards de remboursement des primes à la conversion et bonus écologiques
M. Stéphane Piednoir . - Les retards de remboursement des primes à la conversion et bonus écologiques ont des conséquences regrettables pour les professionnels du secteur de l'automobile qui les avancent à hauteur de 80 millions d'euros !
Certaines entreprises avancent 10 millions d'euros pendant plusieurs mois - c'est beaucoup trop.
Par ailleurs, les centres de destruction agréés sont congestionnés. Or le certificat de destruction et indispensable.
Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il pour ne pas mettre en péril le secteur de l'automobile ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Voici ce que M. de Rugy me demande de vous répondre. En 2029, le Gouvernement a doublé la prime de remplacement pour les plus modestes. À l'automne, un retard de paiement a été constaté, car 300 000 demandes ont été déposées, alors qu'on n'en prévoyait que 100 000.
Avec 70 000 dossiers payés en décembre, le délai a été ramené à un mois et demi fin décembre 2018. Si des centres agréés de destruction ont pu être congestionnés, cela est localisé.
Il revient aux constructeurs automobiles de revoir leurs dispositifs locaux.
M. Stéphane Piednoir. - Merci de votre réponse. Sur les centres de destruction peut-être faut-il augmenter le nombre d'agréments ?
Liaisons ferroviaires et région Occitanie
Mme Viviane Artigalas . - Le rapport relatif à l'avenir du transport ferroviaire, remis le 15 février 2018, sur l'avenir des petites lignes du train express régional (TER) et le développement du train à grande vitesse (TGV) en région Occitanie a beaucoup inquiété les élus locaux.
La région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée est l'une des régions les plus dynamiques au niveau national, et paradoxalement l'une des plus enclavées, en raison de l'inachèvement des projets nationaux de ligne à grande vitesse (LGV). Le raccordement de la quatrième ville de France au réseau TGV permettrait de déployer de nouveaux trains dans les zones saturées et de maintenir des trains du quotidien dans les zones plus rurales pour organiser les mobilités des habitants de ce territoire.
Il faut une politique ambitieuse de développement des transports publics et d'investissement, mais aussi un soutien au covoiturage. Il faut entretenir et réorganiser les réseaux de transports afin de rendre la vie plus simple, désenclaver et rétablir l'égalité entre les territoires.
On ne peut non plus imposer une fiscalité verte sans accompagnement juste et logique. Décentralisez davantage ces compétences de transport, en lien avec les collectivités territoriales.
La prochaine loi d'orientation sur les mobilités devra faciliter les déplacements du quotidien des Français. Quels sont les projets d'infrastructures du Gouvernement en Occitanie ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Il n'est pas question d'abandonner les petites lignes. J'ai confié au préfet François Philizot une mission pour identifier les différentes solutions pour pérenniser les dessertes fines du territoire.
Les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers représentent des investissements de plusieurs milliards d'euros.
Nous commencerons par la désaturation des noeuds ferroviaires de Bordeaux et de Toulouse au profit des transports du quotidien.
Mme Viviane Artigalas. - Nous avons les mêmes préoccupations. Nous devons trouver ensemble des réponses pour l'accessibilité de nos grandes villes.
Conséquences du changement de statut de l'école française André Malraux de Saint-Pétersbourg
M. Jean-Yves Leconte . - Quelles conséquences aura pour l'école André Malraux de Saint-Pétersbourg et ses élèves son transfert de propriété, tel que prévu par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ? En effet, lors de son conseil d'administration du 28 juin 2018, ses membres se sont vus signifier, en réponse à une question, une décision administrative de transfert de propriété de l'activité scolaire exercée par l'AEFE. Alors que celle-ci appartenait à l'établissement en gestion directe de Moscou, cette transmission à un opérateur privé sans la moindre transparence est contestable et sans garantie pour les familles.
La situation financière de l'école a été progressivement dégradée par une gestion et une stratégie inadaptées. Présentée comme coûteuse, l'école serait cédée à un opérateur privé, avec une partie de ses recrutés locaux. Cette décision étant prise, l'AEFE a continué à assumer les coûts de fonctionnement durant l'été 2018 sur son budget. Cette façon de procéder impose de questionner le ministre sur les points suivants : la société de droit russe à qui a bénéficié le transfert est détenue par une personne autre que celle indiquée aux parents d'élèves par le conseiller culturel : celle-ci est présentée comme un « prête-nom », ce qui serait justifié par notre ambassade comme une pratique locale courante ; les licences demandées par cette société aux autorités russes pour continuer l'activité de l'école ne correspondent pas au programme d'enseignement présenté aux parents d'élèves et la base sur laquelle les détachements de titulaires de l'éducation nationale ont été mis en place dans la nouvelle structure pose problème quant à sa capacité d'offrir un statut légal répondant aux exigences du droit russe pour ces personnels. Pourquoi, pour l'AEFE, n'y a-t-il pas eu de transmission d'une école publique à une structure privée, mais juste la cession de quelques actifs mobiliers préalablement dévalorisés ? Si ce point de vue était retenu, pourquoi l'homologation de l'école à la rentrée scolaire de septembre 2019 ?
Éviter de prendre les précautions nécessaires au regard du droit russe peut engendrer de réelles difficultés aux conséquences potentiellement lourdes, y compris à Moscou. Que prévoit le Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Jean-Yves Le Drian m'a chargé de vous répondre. Malgré la volonté du Gouvernement de conserver une structure d'enseignement à Saint-Pétersbourg, il n'était plus possible de le faire en gestion directe depuis Moscou.
Le transfert a été fait en respect de toutes les législations.
Seul le transfert du bail a retardé le projet, notamment en raison des actions répétées de certains compatriotes hostiles à cette modification.
Soyez assurés de l'engagement de notre ambassade à Moscou et de l'AEFE sur ce dossier.
Retraite des vétérinaires sanitaires
Mme Nadia Sollogoub . - J'attire l'attention de M. le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation sur le problème de la retraite des vétérinaires sanitaires. Ces professionnels de la santé animale ont effectué à la demande de l'État, avant 1990, sous mandat sanitaire, des prophylaxies collectives pour enrayer les épidémies qui menaçaient les élevages français. Pour autant, l'État n'a pas à l'époque versé les cotisations sociales correspondant aux salaires concernés qui leur auraient ouvert des droits de protection sociale et à une retraite. La décision du Conseil d'État du 14 novembre 2011 a enjoint à l'État de régulariser la situation. Il a en conséquence mis en place une procédure harmonisée de traitement des 1 600 demandes d'indemnisation. Cette procédure ministérielle transactionnelle d'indemnisation des vétérinaires sanitaires, telle que lancée en 2012, a normalement pris fin le 15 mai 2018. Environ mille praticiens ont vu leur situation régularisée. Or il apparaît que tous les cas pendants n'ont pas été réglés.
À l'heure où la profession agricole va mal, la régularisation de ce dossier serait un signal fort.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Merci de votre question. L'ensemble des dossiers des ayants droit se voit proposer une transaction amiable. Le Gouvernement a régularisé 1 063 dossiers dont la totalité des retraités, 246 ont été traités l'année dernière.
D'autres sont en cours d'instruction et seront réglés prochainement : des crédits suffisants ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2019.
Mais certains dossiers présentent des problèmes d'éligibilité au regard notamment de la règle quatriennale.
Le 27 juillet 2016, le Conseil d'État a décliné la disposition législative de 1968 : les vétérinaires sanitaires souffrant de sévères difficultés financières pourraient bénéficier de mesures exceptionnelles, pour garantir l'égalité devant la loi.
Mme Nadia Sollogoub. - Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ce terrain. Mais certains vétérinaires retraités ne se sont pas interrogés sur le cadre de leur activité, ignorant qu'ils avaient droit à un salaire - certains étaient même rémunérés en « notes d'honoraires ».... Je vous remercie de votre tolérance à leur égard.
Projet du lac de Caussade
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Le projet de création du lac de Caussade, lancé il y a vingt ans, a pour but de stocker de l'eau pour irriguer, de maintenir un débit raisonnable du Tolzac toute l'année, et de préserver l'environnement. Les tensions sont vives.
Le projet a été autorisé par la préfecture le 29 juin 2018, après un travail de tous les acteurs locaux. Enfin, après vingt ans d'atermoiement, une action utile allait être prise pour l'agriculture locale. Cependant, c'était oublier le mal qui ronge notre pays : les décisions aveugles prises depuis la Capitale. Le sentiment qu'on sait mieux dire ce qui est bon depuis un ministère parisien, plutôt qu'en écoutant les acteurs locaux...
En septembre, le projet est annulé par un arrêté préfectoral obtenu par des associations écologistes militantes. Des susceptibilités entre préfets de région et de département auraient-elles joué ?
Toutefois, les travaux ont commencé dans l'illégalité et se poursuivent encore aujourd'hui. La semaine dernière, des scellés ont été apposés sur le site et les appels aux manifestations se multiplient.
Comme le disait Nougaro, « même les mémés aiment la castagne ! ». Monsieur le ministre, venez voir ce projet sur le terrain !
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je connais bien ce sujet. Des raisons juridiques expliquent les blocages. En réponse à un référé de l'association France Nature Environnement, mardi dernier, le tribunal de grande instance d'Agen a demandé à la préfecture de faire arrêter les travaux non autorisés.
François de Rugy, en application dudit référé, et pour des raisons juridiques, a demandé de contester en justice l'illégalité des travaux. Je suis conscient des tensions, mais l'État ne peut, en aucun cas, laisser se dérouler des travaux non autorisés légalement.
L'agriculture française a besoin d'eau et de retenues d'eau, mais elles doivent être réalisées par consensus. Je viendrai dans le Lot-et-Garonne, mais pas en pleine crise.
Tout le monde est favorable. C'est pour cela que je vous demande d'apaiser les tensions, c'est votre rôle. Je ne parle pas des bureaux parisiens, mais de la réalité des problèmes. Cette retenue d'eau est-elle absolument nécessaire ? Nous devons dialoguer, dans le calme, une fois les tensions apaisées.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Monsieur le ministre, venez en juger sur place ! Le pire n'est jamais certain, mais le principe de précaution doit l'emporter sur toute autre considération.
Conditions de repli d'une appellation d'origine
M. Daniel Laurent . - Le repli entre appellation est une stratégie qualitative importante, levier de la construction des marques - chaque année, 200 000 hectolitres de vin font l'objet de replis. Or, une décision du ministère et de l'Institut national de l'origine et de la qualité a remis en cause cette politique.
La réglementation communautaire laisse la possibilité d'intégrer certaines dispositions nationales pour obliger à la compatibilité de 100 % des règles des cahiers des charges d'une appellation repliable et d'une appellation de repli.
Il faut déterminer si la législation européenne laisse à la France la possibilité d'adopter un texte réglementaire autorisant le repli en vertu de l'article L. 644-7 du code rural et de la pêche maritime, et permettant la commercialisation d'un vin ne respectant pas 100 % des règles du cahier des charges de l'appellation de repli.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ? Qu'en est-il de cette compatibilité entre législation française et européenne ? Votre réponse est attendue par toute la profession viticole.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le repli est une pratique antérieure à la réglementation européenne, il est conforme au principe d'emboîtement des appellations d'origine.
La directive européenne ne prévoit ni cette hiérarchie des appellations ni le repli. En droit européen, un cahier des charges est attaché à chaque appellation, sans emboîtement possible ; cependant, les services de l'État examinent les conditions qui permettraient dans le contexte réglementaire européen, de favoriser le repli. Une concertation sera lancée dans chaque région viticole.
M. Daniel Laurent. - Merci de votre réponse. Cette consultation utile, devra être rapide et efficace. C'est important pour exporter notre vin.
Appellation « Clairette de Die »
M. Gilbert Bouchet . - Drômois, sauvons la production rosée de la Clairette de Die ! En 2018, le Conseil d'État a annulé le décret autorisant les producteurs à vinifier sous l'appellation Clairette un pétillant rosé. Puis, en 2018, la loi EGalim a été partiellement censurée, notamment une disposition abrogeant la loi du 20 décembre 1957, adoptée en termes identiques par les deux assemblées. J'ai repris cet amendement sous la forme d'une proposition de loi.
Aidez les 300 vignerons du Diois à écouler leur vin rosé ! J'appelle les viticulteurs français à plus de compréhension et de solidarité nationale, car la concurrence existe et elle est européenne !
Pouvons-nous compter sur votre soutien, monsieur le ministre, pour trouver une solution pragmatique à ce problème ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Pour être également un Drômois, je connais bien le problème et suis pleinement engagé pour sa résolution, j'y ai beaucoup travaillé en tant que président du conseil général. Le recours des viticulteurs du Cerdon, dans l'Ain, a annulé le projet d'élargissement de l'appellation.
La députée Célia de Lavergne avait fait voter un amendement en ce sens dans la loi EGalim. Hélas, le recours au Conseil constitutionnel, que vous avez signé, a débouché sur l'invalidation de cette mesure, créant une difficulté économique et une insécurité pour l'appellation Clairette de Die.
Il ne nous reste plus qu'à remettre l'ouvrage sur le métier. Célia de Lavergne a déjà mis en place des groupes de travail, il faut trouver une solution, qui passe éventuellement par un nouveau vecteur législatif. Soutenons la Clairette de Die, serrons-nous les coudes pour y arriver !
M. Gilbert Bouchet. - J'espère que tous les députés et sénateurs de la Drôme défendront la Clairette. Le recours n'était pas contre l'appellation, puisque les deux assemblées ont voté cette disposition.
Conséquences de la suppression du régime social des indépendants
M. Jean-François Longeot . - Depuis la suppression du régime social des indépendants (RSI) au 1er janvier 2018, la gestion sociale des travailleurs non salariés a été transférée au régime général des salariés. Or de nombreux indépendants ont rencontré cette année des difficultés avec les appels de cotisations demandés par les services de l'Urssaf, ils ont reçu des appels à cotisations élevés et erronés qui pourraient avoir pour conséquence des mises en faillite de sociétés. Le recouvrement des cotisations est compliqué en raison du système d'information en place. Ces problèmes de recouvrement des cotisations par les Urssaf seront-ils résolus rapidement afin de répondre aux préoccupations des travailleurs indépendants ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Le recouvrement des cotisations sociales par l'Urssaf des indépendants se déroule de façon globalement satisfaisante, depuis plusieurs années.
Une structure de pilotage dédiée à son suivi a démontré son efficacité. Des mesures de modernisation et simplification ont été conduites en 2018, avec notamment une refonte de l'offre digitale et la dématérialisation du recouvrement et des moyens de paiement.
Cette année nous avons prévu plusieurs simplifications, en particulier la refonte de l'encadrement des recouvrements et la modulation entre décembre et mars des délais de paiement pour s'adapter aux situations individuelles, ou encore la remise de pénalités de retard. Nous mettons en place un nouveau service de modulation en temps réel et expérimentons une relation personnalisée avec les créateurs d'entreprise. La loi Essoc a généralisé le recours au médiateur.
La stratégie de surveillance des outils de pilotage informatique est également essentielle.
Si des appels à cotisations erronés ont été constatés, signalez-nous ces erreurs au cas par cas pour que nous réglions cette situation.
M. Jean-François Longeot. - J'ai effectivement été sollicité par des travailleurs indépendants, qui ont pu vérifier auprès de l'Urssaf que l'appel à cotisations était erroné. Je n'hésiterai pas à vous saisir.
Temps de travail autorisé dans l'État de résidence pour les travailleurs transfrontaliers
M. Jean-Marie Mizzon . - Le 17 décembre 2018, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg afin d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Cette convention fiscale, régulièrement réactualisée depuis sa signature le 1er avril 1958, a été modifiée à quatre reprises. Dans cette nouvelle convention, signée le 20 mars 2018, l'article 14 prend en compte la situation spécifique des travailleurs frontaliers, notamment des Mosellans, qui résident en France et exercent leur activité au Luxembourg.
De fait, une règle autorise ces travailleurs à rester soumis à l'impôt dans l'État d'exercice de leur activité lorsqu'ils travaillent au maximum 29 jours par an hors de leur État de résidence. Ce seuil est exclusivement fiscal. Aussi, les travailleurs frontaliers pourront-ils télétravailler plus de 29 jours par an hors de leur État de résidence. Néanmoins, dans ce cas, les rémunérations reçues à ce titre ne seront imposables que dans cet État. La règle introduite dans cette nouvelle convention fiscale constituerait donc un équilibre entre la nécessité de faciliter la mobilité transfrontalière et la préservation des intérêts du Trésor français. Pour autant, la question de la mobilité transfrontalière est loin d'être réglée. Il faut parfois deux heures de trajet, sinon plus, pour rejoindre le Luxembourg.
Or, depuis la Moselle, les autoroutes comme les transports en commun sont saturés par plus de 70 000 personnes qui traversent chaque jour la frontière pour rejoindre leur lieu de travail. Cela participe du mécontentement de ces travailleurs qui va grandissant et qu'il conviendrait d'entendre.
Si le télétravail n'est certes pas la panacée, ne pourrait-on doubler ce délai de 29 jours ? Cela relève du simple bon sens et répondrait à des considérations sociales, environnementales et économiques et donnerait satisfaction à nombre de nos concitoyens épuisés par tant de temps perdu dans les embouteillages...
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - La nouvelle convention fiscale du 20 mars 2018, qui n'est pas encore en vigueur, introduit une règle de simplification administrative qui prévoit la soumission à l'impôt dans le pays où est exercée l'activité professionnelle si moins de 29 jours maximum sont travaillés par an dans le pays de résidence. Les rémunérations au-delà de ces 29 jours travaillés autorisés pour les transfrontaliers, seront soumises à impôt dans l'État de résidence.
Avec l'Allemagne et la Belgique, c'est 20 jours et 24 jours seulement qui sont autorisés. La France bénéficie donc d'un régime plus favorable. La nouvelle convention facilite les mobilités transfrontalières tout en préservant les intérêts du Trésor.
Il faut surtout développer la zone économique frontalière, nous y travaillons avec nos voisins luxembourgeois. Présent en France du 19 au 21 mars 2018, le Grand-Duc de Luxembourg a notamment signé un accord sur les transports.
Accès au numéro fiscal
M. Alain Cazabonne . - Je vous saisis d'un cas particulier, le mien, à propos de l'accès à mon numéro d'avis d'imposition. Jusqu'à l'an dernier, l'avis d'imposition m'étant envoyé à mon domicile, j'y trouvais naturellement ce numéro. Le papier n'étant plus envoyé à partir de cette année, le numéro n'est plus accessible que sur internet. Or quelle n'a pas été ma surprise de constater que je n'y parvenais pas - l'accès à mon compte me demandant ce numéro que je n'avais pas et que, précisément, je venais chercher... J'ai téléphoné au service, suis tombé sur une machine qui ne m'a guère renseigné. J'ai fini par aller aux services fiscaux de la cité administrative de Bordeaux, où un responsable, à sa grande surprise, n'y est pas parvenu non plus ! Et c'est lui, du reste, qui m'a suggéré de saisir le ministre, m'avouant que mon cas était loin d'être isolé. Monsieur le ministre, comment obtenir cet avis d'imposition ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Votre retour d'expérience nous a quelque peu surpris. Les règles de délivrance des identifiants sont en effet stables depuis 2014 : sur simple identification de la personne, ce numéro aurait dû vous être donné, par n'importe quel canal, y compris téléphonique.
Je vais donc rappeler les règles en vigueur aux plateformes téléphoniques. Sur le site impots.gouv.fr, on peut obtenir son numéro en cliquant sur un lien.
M. Alain Cazabonne. - Parlons-nous bien de la même chose ? Ma question concerne le numéro de l'avis d'imposition, pas le numéro d'identifiant fiscal...
Taxe sur les festivals
M. Cédric Perrin . - Ma question concerne l'alourdissement des charges de sécurité pesant sur les festivals, au point d'en menacer l'existence, et notamment sur les Eurockéennes de Belfort.
La circulaire du 15 mai 2018 du ministère de l'Intérieur prévoit l'indemnisation des services d'ordre. Le 11 juillet dernier, j'ai interrogé le Gouvernement, sans réponse sur cette question.
Qu'envisagez-vous pour assurer la maîtrise des coûts de sécurité et pérenniser ces festivals ? Celui de Belfort est non lucratif depuis vingt-neuf ans ; or la préfecture du territoire de Belfort a décidé unilatéralement l'inverse, nous empêchant de bénéficier du « bouclier tarifaire » prévu par la circulaire dite « Collomb » : monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour régler ce problème très urgent ? L'édition des Eurockéennes 2019 est menacée...
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - M. Riester, empêché ce jour, m'a chargé de vous répondre. Le 6 juillet dernier, les ministres de la Culture et de l'Intérieur invitaient les préfets à faire preuve de discernement sur l'application de la circulaire que vous citez. Un bilan a été réalisé à l'automne, sur la base des informations fournies par les préfectures, des services publics et de la gendarmerie. Une mission parlementaire est réalisée en ce moment même.
Une méthodologie sera prochainement proposée pour appliquer la circulaire et assurer davantage d'égalité entre les festivals.
Nous voulons répondre à l'urgence très rapidement et sécuriser ces événements.
M. Cédric Perrin. - Oui, les préfets doivent faire preuve de discernement, souplesse et pragmatisme. Comment, après vingt-neuf ans d'existence, un festival peut-il brutalement être considéré comme lucratif ? J'espère une solution rapide. Sinon, vous menacez la pérennité de ce festival, qui accueille plus de 135 000 personnes, bénéficie d'une renommée internationale et représente quelque 13 millions d'euros de retombées pour le territoire.
Effacement facultatif du casier judiciaire d'un jeune engagé dans un centre de service militaire volontaire
Mme Jocelyne Guidez . - La France comporte six structures, accordant la possibilité à des jeunes, peu ou pas diplômés, de se construire un nouvel avenir personnel et de s'insérer dans la vie active, grâce à des centres du service militaire volontaire. Ces derniers peuvent obtenir à la fois une formation certifiée, une remise à niveau sur le plan scolaire, un accès à la mobilité par le permis de conduire, un accompagnement psychologique, mais aussi une prise en charge financière symbolique. En Île-de-France, le taux d'insertion est de 72 %. Ainsi, ces centres offrent à la République la possibilité de donner corps à son idéal et lui procurent les moyens d'aider ses enfants à surmonter les injustices de la naissance, et de donner alors vie à son objectif d'égalité des chances. En outre, parmi les jeunes les plus éloignés d'un avenir professionnel et social décent, se trouvent ceux qui ont un passé dans la délinquance. Aussi, conformément à l'article 770 du code de procédure pénale, l'effacement facultatif d'une décision prise à l'égard d'un mineur de 18 ans ou d'une personne âgée de 18 ans à 21 ans peut être demandé après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de ladite décision. Les démarches engagées entre les encadrants militaires et les procureurs de la République ne sont pas systématiques et peuvent être décourageantes. J'avais proposé un tel effacement.
Alors que la représentation nationale s'apprête à consacrer le droit à l'erreur de bonne foi, je propose de consacrer un droit à l'oubli pour des jeunes ne demandant qu'à se reconstruire une vie digne et honorable. Ce serait pour eux une seconde chance, qui les responsabiliserait, tout en leur accordant la confiance nécessaire. J'en parle en connaissance de cause, pour travailler bénévolement auprès de ces jeunes. Madame la ministre, comptez-vous faciliter une telle possibilité ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Le bulletin n°1 du casier judiciaire, sur lequel figurent pendant une durée de 40 ans toutes les condamnations prononcées, est réservé aux autorités judiciaires.
Les vérifications professionnelles sont réalisées sur le seul bulletin n°2 du casier judiciaire, qui ne mentionne aucun délit commis pendant la minorité. En outre, le juge peut décider de ne pas faire figurer un délit à ce bulletin n°2 compte tenu de ses efforts de réinsertion, dont peut faire partie l'engagement dans un service militaire volontaire. Cette procédure prévient tout abus. Je demanderai néanmoins aux procureurs de la République de se montrer attentifs aux demandes qui seront formulées par ces jeunes engagés.
Difficultés de fonctionnement des tribunaux d'instance et de grande instance
Mme Pascale Bories . - Trois postes ne sont pas pourvus aux tribunaux d'instance et de grande instance de Nîmes alors que le nombre de postes dédiés à ces juridictions est déjà insuffisant. Résultat, les dossiers ne sont pas traités dans des délais raisonnables et les délibérés, rendus en temps et en heure.
Le projet de loi finances pour 2019 prévoit la création de 1 300 postes pour la justice. Cependant, 75 % d'entre eux iront à l'administration pénitentiaire. La situation dans le Gard appelle des solutions d'urgence car aux postes non pourvus s'ajoutent les arrêts maladie. Comment venir en aide aux tribunaux ?
Je m'inquiète également des menaces qui pèsent sur le maillage territorial des lieux de justice. Le Gouvernement a affirmé ne pas vouloir départementaliser les tribunaux de grande instance. Or, au terme de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, il est prévu d'étendre le concept de spécialisation aux tribunaux limitrophes même s'ils ne font pas partie du même département. Dans ces conditions, comment assurer une justice de proximité ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Les moyens consacrés à la justice ont considérablement augmenté par le projet de loi de programmation : la première étape, la loi de finances pour 2019, est de 3,9 % pour une hausse globale de 25 %. Après la création de 100 postes de magistrats en 2018, l'effort se poursuivra en 2019 avec 192 emplois dans les juridictions. À Nîmes, 2, et non 3 postes, sont vacants. Il appartient à la cour d'appel de remédier aux arrêts maladie par des postes placés.
Je le dis et le répète : nous ne fermerons aucun tribunal. La spécialisation, qui devra provenir d'un projet territorial, ne concernera en aucun cas le contentieux de masse ; elle ne vaudra que pour des contentieux hautement techniques et de faible volume. Elle sera mise en oeuvre de manière équilibrée entre l'ensemble des territoires d'un même département. La possibilité d'une spécialisation interdépartementale est ouverte pour répondre à des demandes précises - en l'espèce, celles de Belfort et de Montbéliard.
Je n'ai qu'une ambition : conforter l'ensemble des tribunaux existants.
Mme Pascale Bories. - Effectivement, deux postes seulement sont vacants désormais, mais les arrêts maladie nombreux. Il faut rassurer les magistrats et le public, notamment dans les territoires ruraux. La justice de proximité est essentielle.
Critères de répartition académique de l'éducation prioritaire
M. Olivier Paccaud . - Ma question s'adressait au ministre de l'Éducation nationale.
Pour définir la carte des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des REP+, tous les quatre ans, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) utilise « l'indice social ». Cet indice se fonde sur plusieurs critères, parmi lesquels le pourcentage d'élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, le taux de boursiers, le pourcentage d'élèves issus de zones urbaines sensibles et le pourcentage d'élèves en retard à la rentrée de sixième.
Or la limitation géographique aux « zones urbaines sensibles » est injustement discriminatoire. Dans les territoires ruraux, l'éloignement des services publics, de la culture, des équipements sportifs empêchent d'atteindre la réussite. Il n'est pas juste que sur les 1 097 collèges situés aujourd'hui en zone d'éducation prioritaire, seuls 9 soient ancrés dans des territoires ruraux. Soit, seulement 0,8 % ! Dans l'Oise, deux collèges ruraux étaient classés dans cette catégorie jusqu'en 2014 ; ils en ont été sortis au bénéfice de deux établissements urbains ce qui a été très mal vécu et a donné lieu à des manifestations d'élèves, de parents d'élèves et d'enseignants à des occupations de locaux.
L'actualité le prouve, nos concitoyens n'acceptent plus les fractures territoriales. Pour que l'idéal républicain redevienne une réalité, il faut intégrer les zones rurales sensibles dans la carte révisée de l'éducation prioritaire. Merci de m'éclairer sur vos intentions, et peut-être, de me rassurer !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Blanquer, qui accompagne le président de la République en Allemagne.
La catégorisation des établissements en éducation prioritaire dépend davantage de critères sociaux que géographiques. Nos chiffres diffèrent : à la rentrée 2018, 25 collèges de l'éducation prioritaire sont situés en zone rurale et 108 en ville isolée ; soit 12 %.
Cela étant, si la politique d'éducation prioritaire est centrale, d'autres outils existent pour remédier aux difficultés que rencontrent les territoires, dont l'allocation progressive de moyens adaptée au profil de chaque établissement.
Parce que certaines difficultés des élèves tiennent, effectivement, en zone rurale, à l'éloignement, une mission a été confiée à Ariane Azéma et Pierre Mathiot pour redéfinir la politique territoriale de l'éducation nationale. Leurs conclusions seront rendues à l'été 2020.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. le président. - Le ministre ayant annoncé qu'il aurait quinze minutes de retard, je suspends immédiatement la séance.
La séance, suspendue à 14 h 31, reprend à 14 h 45.
Mécanisme de justice transitionnelle en Irak
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur l'appui de l'Union européenne à la mise en place d'un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous n'en avons pas encore terminé avec Daech et son idéologie mortifère. Au Levant, les attentats se multiplient. En Syrie, avec seize morts la semaine dernière ; en Europe, en France aussi - à Strasbourg, en plein marché de Noël.
L'écho funeste des crimes abominables résonne encore sur les anciennes terres du califat et dans le coeur des millions de femmes, d'hommes et d'enfants suppliciés, yézidis, chrétiens, musulmans, shabaks, kakaïs... Au moins douze mille corps reposent dans deux cents charniers ; plus de trois mille femmes yézidies sont encore détenues comme esclaves sexuelles. Au moins 400 000 Yézidis ont été déplacés. La population chrétienne, qui était de 1,2 million il y a quarante ans, a été divisée par quatre et ne représente plus qu'1 % de la population.
Devant nous s'étend l'immense chantier de la reconstruction. Celle-ci est d'abord politique. Les élections du 12 mai 2018 ont été une étape de la stabilisation de l'Irak, même s'il a fallu plusieurs mois pour former le gouvernement. Le premier ministre M. Adel Abdel-Mahdi a pris des initiatives heureuses pour que les différentes communautés ethniques et religieuses puissent se retrouver. Le gouvernement irakien a ainsi annoncé, le 24 décembre, que Noël serait un jour férié. Nous sommes sur le bon chemin.
La reconstruction est aussi matérielle. Entre 2014 et 2017, l'Union européenne a apporté 650 millions d'euros et promis 400 millions supplémentaires d'ici 2020. S'il faut encore lutter contre la corruption, nous sommes là aussi sur la bonne voie.
Je suis convaincu qu'il ne saurait y avoir de reconstruction matérielle sans reconstruction immatérielle. Dans ces sociétés fracturées par la guerre civile, le préalable, c'est la réconciliation. Or point de réconciliation sans justice mettant fin au cycle infernal de la violence. Là où tout semblait terminé, ce processus permet d'entrevoir le nouveau commencement qu'évoque Hannah Arendt.
Je mets en garde ceux qui voudraient attendre ; ce serait prendre le risque de la disparition des preuves et des bourreaux et d'alimenter le cycle de la vengeance et du ressentiment.
Il faut aider l'Irak sans ingérence. Cela suppose de mettre en place un cadre spécifique, étant donné la nature des crimes - certains relèvent du génocide et du crime contre l'humanité. Les auteurs ne sont pas seulement irakiens. Il faut un processus global qui permette à toutes les composantes de la société de se retrouver autour d'une même citoyenneté, d'un même idéal irakien.
L'Union européenne est légitime car elle est la première puissance à aider l'Irak matériellement. Avec la mission Eujust Lex Irak, elle y soutient un cadre judiciaire indépendant, conforme aux standards internationaux, et a adopté une communication proposant un appui au gouvernement irakien.
Nous proposons une justice transitionnelle avec une solution mixte associant juges irakiens et internationaux afin de juger des crimes qui intéressent la communauté internationale.
Il n'est pas question pour nous d'envisager une quelconque ingérence, à contresens de la souveraineté irakienne. Que penserait le peuple irakien s'il avait le sentiment que la justice était rendue par d'autres ?
C'est à l'Irak de décider s'il veut adhérer au statut de Rome et à la Cour pénale internationale (CPI), pas à nous.
Lors de la conférence de Paris de 2014, c'est l'Irak qui a demandé à la communauté internationale un appui pour l'aider à juger les crimes contre l'humanité. La proposition de résolution accompagne le projet du gouvernement irakien.
Nous avons plusieurs exemples de justice transitionnelle à dimension internationale, notamment au Cambodge.
Cette proposition de résolution européenne traduit la position constante de notre groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes. Élaborée au fil de nos rencontres et auditions, elle a été présentée à Bruxelles, où elle a été bien accueillie.
Je l'ai dit, il ne saurait y avoir de reconstruction sans réconciliation, ni de réconciliation sans justice. Les crimes commis en Irak concernent les Irakiens mais aussi toute la communauté internationale. Il faut aider l'Irak sans violer sa souveraineté, car les victimes réclament justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Bernard Fournier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Les chiffres des crimes de masse commis par l'État islamique sont terribles. En une génération, la population chrétienne d'Irak a diminué de 75 %. Vingt siècles d'histoire ont été balayés en vingt ans. Certains - chrétiens, yézidis, shabaks, kakaïs - tentent pourtant de survivre sur place, principalement au Kurdistan irakien. Une partie de la population qui a fui Daech aspire à retourner vivre chez elle.
Il ne s'agit pas de défendre les chrétiens d'Orient parce qu'ils sont chrétiens, mais de conserver à l'Irak sa véritable identité, celle d'un creuset des peuples, des religions et des cultures. C'est cette ouverture, ce vivre ensemble qu'il faut sauver, pour des raisons morales mais aussi de sécurité collective.
Nous, Européens, avons appris des cruelles leçons de l'histoire - des guerres de religion, de la Shoah, de l'épuration ethnique dans les Balkans. Cela nous donne le devoir de nous élever contre ces crimes.
Par pragmatisme aussi, pour préserver notre sécurité, car des pays où l'on laisserait libre cours au nettoyage ethnique et religieux risquent de s'enfoncer dans la radicalité. Or la déstabilisation du Moyen-Orient a des conséquences sur l'Europe en ce qu'elle favorise le terrorisme, la propagation d'un islam fondamentaliste et les migrations.
Encourager le maintien des minorités chez elles, c'est agir suivant notre conscience et nos intérêts.
N'oublions pas que l'État islamique a aussi fait nombre de victimes sunnites, l'objectif étant d'éliminer tous ceux qui n'adhèrent pas à son projet criminel !
La proposition de résolution s'attache à la question de la justice transitionnelle, transition entre l'état de guerre civile et l'état de droit. Cette notion était déjà présente à Nuremberg et dans les procès des dictatures militaires. En Afrique du Sud, la commission Vérité et réconciliation a été mise en place en 1995 pour tourner la page douloureuse de l'apartheid.
Il est vital de nommer les crimes et de désigner les principaux responsables. Il ne s'agit pas de régler les comptes du passé, de préparer la revanche, mais d'installer les conditions du vivre ensemble.
La justice transitionnelle vise tant le passé que le présent et l'avenir. En évitant que les crimes du passé ne soient occultés, on légitime la réinstallation des populations déplacées et on prépare la reconstruction.
En Irak, les combats décroissent et on assiste à un début de normalisation politique. Les hommes de Daech sont encore là mais ont plongé dans la clandestinité. Ce contexte permet d'envisager une justice transitionnelle.
Cette proposition de résolution n'a pas de force normative mais peut avoir une portée concrète. Aussi la commission des affaires étrangères l'a-t-elle adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La commission des affaires européennes a adopté le 18 décembre dernier cette proposition de résolution européenne. La défaite militaire de Daech ne doit pas faire oublier le sort dramatique des communautés chrétiennes et des minorités en Irak. De 850 000 en 2014, les chrétiens ne sont plus que 400 000. Rien qu'en 2014, 125 000 d'entre eux ont quitté le pays. Le sort des fidèles des religions syncrétiques préislamiques n'est guère plus enviable.
Cette proposition de résolution prône la mise en place d'une justice transitionnelle pour faciliter la réconciliation des communautés. L'Union européenne s'est engagée depuis 2003 pour la reconstruction de l'Irak, notamment financièrement. La proposition de résolution propose de flécher une partie de ces financements vers un dispositif à dimension internationale, sur le modèle des tribunaux mis en place au Cambodge pour juger les crimes des Khmers rouges.
La proposition de résolution insiste sur la formation des enquêteurs et des juges. Ses auteurs souhaitent que l'Union européenne renforce le mandat de la mission européenne d'assistance EUAM Irak (European Union Advisory Mission). Cela faciliterait la coopération avec l'équipe d'enquêteurs des Nations unies.
La proposition de résolution appelle à sensibiliser le personnel judiciaire irakien aux notions de crime de guerre et de crime contre l'humanité.
L'Union européenne est souvent là pour mettre fin aux conflits. Songeons à son rôle dans l'accord du Vendredi Saint en Ulster. En Irak, elle peut oeuvrer à la réconciliation des différentes communautés.
La commission des affaires européennes a émis un avis favorable à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - D'emblée, soulignons le grand nombre de signataires de cette proposition de résolution, parmi lesquels les présidents Kanner et Marseille.
Je me souviens comme hier de ce 26 juin 1999 où j'avais rencontré de jeunes chrétiens dans une église chaldéenne de Bagdad. Depuis, certains d'entre eux ont fui en France ou au Canada ; d'autres sont restés sur place et ont été frappés. Nous avons tous en tête ces parcours, ces atrocités subies par nos amis, nos frères d'Irak.
Cette proposition de résolution donne un certain nombre d'orientations. Merci pour votre mobilisation. Nous partageons votre diagnostic : pas de paix durable sans réconciliation, pas de réconciliation sans la justice due aux victimes de la barbarie djihadiste, à commencer par les minorités persécutées.
Le groupe de réflexion créé au Sénat dès le printemps 2015 à l'initiative des présidents Larcher et Retailleau a été le premier à sonner l'alerte.
Hannah Arendt a évoqué, dans Eichmann à Jérusalem, la banalité du mal. Hélas, celle-ci frappe encore et toujours. Comment l'inhumain peut-il se loger si facilement dans l'humain ? Face à ces atrocités qui défient l'imagination, qui heurtent la conscience humaine, il est légitime et nécessaire de pouvoir compter sur une justice à la hauteur garantissant qu'il n'y ait ni oubli, ni impunité.
Depuis 2014, la France est aux côtés du peuple et du gouvernement irakien dans la lutte contre Daech. Aujourd'hui, l'Irak se relève et aspire à devenir une puissance d'équilibre. Jean-Yves Le Drian s'est rendu la semaine dernière en Irak, avec le président Cambon, pour rencontrer les nouvelles autorités fédérales. La France veut poursuivre son soutien et densifier les liens, pour une paix durable.
Fidèle à une histoire qui remonte à François Ier et aux valeurs qui nous lient aux chrétiens d'Orient, la France est le premier soutien des minorités persécutées. La diversité religieuse est une part essentielle de l'identité de l'Irak ; c'est la condition de la paix et de la stabilité.
Je rends hommage aux nombreuses associations qui oeuvrent en faveur des minorités persécutées, dont l'?uvre d'Orient ou la Coordination des chrétiens d'Orient en danger (Chredo).
La conférence de Paris de septembre 2015 a permis de déterminer un plan d'action pour un retour volontaire sûr et durable des minorités dans leur foyer. Vos travaux ont été versés à la conférence de suivi de Bruxelles en 2018. En octobre 2019, celle-ci se tiendra à Paris et mettra l'accent sur l'éducation, l'inclusivité et la lutte contre l'impunité.
Nous avons soutenu ces communautés sur le terrain : plus de sept mille personnes ont bénéficié de l'asile en France ; 20 millions d'euros ont été mobilisés par le fonds Minorités, notamment pour permettre le retour des chrétiens à Mossoul et dans la plaine de Ninive. L'Agence française de développement (AFD) vient de lancer un programme de 10 millions d'euros.
Charles Personnaz a été missionné par le président de la République pour élaborer une stratégie de soutien au patrimoine et au réseau éducatif dans la région. Nous nous inspirerons de son rapport, rendu le 3 janvier, pour agir.
Le président de la République s'est engagé auprès de Nadia Murad, prix Nobel de la Paix, pour accueillir en France des femmes yézidies victimes de Daech ; une vingtaine sont déjà arrivées fin décembre avec leurs enfants. Il s'est également engagé à contribuer au Fonds pour la reconstruction de Sinjar.
Le président Cambon l'a vu, la France plaide pour que les nouvelles autorités irakiennes donnent priorité à l'inclusion et à la réconciliation. Noël déclaré jour férié, c'est un symbole fort. Il faut une gouvernance inclusive, car les minorités revendiquent d'avoir voix au chapitre. Nous proposerons à l'Irak de coprésider la conférence de suivi d'octobre.
Nous souscrivons à l'objectif de la proposition de résolution. La demande d'un soutien européen fort est légitime. Évitons l'ingérence, mais offrons aux autorités irakiennes le cadre et les moyens de mener à bien leur tâche. Des milliers de condamnations de djihadistes ont été prononcées. Nous formons des magistrats irakiens en France, le Quai d'Orsay a financé le rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) sur les crimes sexuels contre les Yézidies, aidant ainsi à documenter les exactions en vue d'une action en justice.
Nous avons un dialogue politique dense avec l'Irak, que nous encourageons à adhérer au statut de Rome et à la CPI. Nous agissons aussi au sein des Nations unies et sommes parrains de la résolution qui a mis en place une équipe d'enquête sur les crimes de Daech en Irak, chargée de recueillir et conserver les preuves.
L'Union européenne doit prendre sa part, ce qu'elle fait avec la mission EUAM Irak. Celle-ci a déjà été élargie ; évaluons la nouvelle formule avant d'aller plus loin.
Nous souhaitons que davantage de fonds européens soient fléchés vers le renforcement des capacités du système juridique irakien, et le faisons savoir dans les instances européennes. Votre proposition de résolution nous donnera encore plus de poids.
Le président de la République, inaugurant le 25 septembre 2017 la magnifique exposition de l'Institut du monde arabe, déclarait : « Le passé nous oblige, soyez sûrs de notre engagement pour le présent ». Je fais miens ces mots en exprimant un avis de sagesse très bienveillante sur cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains ; M. Yannick Vaugrenard applaudit également.)
M. Claude Haut . - Je salue le travail de sensibilisation et de suivi qu'effectue le groupe de liaison sur la situation des chrétiens et des minorités au Moyen-Orient. Cette proposition de résolution préconise d'établir en Irak un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale ou mixte pour juger les crimes commis par Daech de 2014 à 2017 et demande à flécher d'emblée des financements européens.
Cette étape est cruciale pour rétablir la paix, réconcilier et reconstruire.
La justice transitionnelle repose sur quatre piliers, dits piliers Joinet : le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation individuelle ou collective et l'exigence de non-répétition, garantie par des réformes institutionnelles, une constitution protectrice des droits de l'homme mais aussi un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration. Les groupes les plus vulnérables doivent être spécifiquement protégés.
La justice transitionnelle ne se réduit pas au droit à la justice. Ces quatre piliers ne peuvent intervenir simultanément ; précipitation excessive comme ajournement permanent sont les deux écueils à éviter. Au préalable, il convient de stabiliser la situation sécuritaire.
Bien que nous souscrivions aux objectifs de la proposition de résolution, elle me semble pêcher par une précipitation excessive. On se déplace encore en véhicule blindé en Irak !
La priorité est plutôt au retour de la stabilité, de la sécurité et de la souveraineté, en combattant la menace terroriste, à la reconstruction de l'État irakien et au retour des tribunaux de droit commun. Il faut soutenir la politique inclusive menée par le Gouvernement irakien. La nomination récente d'Adel Abdel-Mehdi grâce à un compromis entre les deux blocs chiites rivaux est à cet égard de bon augure.
Le pays rechigne à se soumettre à la CPI, de même qu'à un tribunal pénal international ad hoc. Rien ne garantit que l'Irak renoncera à la peine de mort. Évitons de braquer le pays, même si des tribunaux mixtes peuvent être utiles. Au Cambodge, seule une poignée de responsables ont été jugés, après dix ans, sans parler des nombreux juges démissionnaires. Appelons plutôt l'Irak à adhérer à la CPI, d'autant que le procureur de la Cour collecte déjà les preuves. Telle est la position de l'Union européenne.
Le groupe LaREM soutient le rétablissement de la justice en Irak et la punition des crimes de Daech. Nous nous abstiendrons avec bienveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Christine Prunaud . - Cette proposition de résolution tente de répondre à deux questions : Comment s'assurer que la justice soit rendue dans le cas des crimes de masse commis par Daech ? Comment amorcer dans ce pays, une période de développement et de paix ?
L'équilibre est fragile. Il y a un risque de pardon généralisé ou d'épuration incontrôlée. L'Irak ne peut recourir au TPI, n'étant pas partie au statut de Rome.
Aidons l'Irak à rétablir ses institutions judiciaires. Le programme européen de 2012 doit se poursuivre, de même que la mission européenne de rétablissement de l'État de droit. Une communication entre Bagdad et l'Union européenne est indispensable, notamment en raison des quelque 5 000 Européens ayant rejoint Daech en Syrie ou en Irak de 2011 à 2016. Le plan d'action de Paris présenté en 2015 doit être poursuivi.
Écoutons l'Irak qui veut juger les crimes commis sur son territoire.
Créer un mécanisme judiciaire proche des tribunaux spéciaux pose question, notamment en raison de la loi anti-terroriste irakienne de 2014 ; nous craignons aussi la lenteur extrême de la procédure qui s'est déroulée au Cambodge, où seuls dix responsables Khmers rouges ont été jugés en vingt ans.
Dessaisir Bagdad de ses prérogatives judiciaires pourrait enfin ralentir considérablement sa reconstruction.
L'Irak est un pays composite avec de nombreuses minorités. Juger les terroristes islamiques et leurs complices pourrait participer à la reconstruction de l'Irak, ensemble par les Irakiennes et les Irakiens.
J'émets quelques réserves sur l'alinéa 7 qui distingue maladroitement les victimes chrétiennes de celles d'autres minorités religieuses, alors que, monsieur Retailleau, vous avez bel et bien évoqué toutes les minorités sans distinction dans votre intervention. Toutes les victimes doivent en effet avoir les mêmes droits. Seulement sur ces réserves, le groupe CRCE s'abstiendra, avec une certaine bienveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Yannick Vaugrenard . - Un an et demi après la fin des combats contre l'État islamique, l'Irak entame sa reconstruction après quatre ans de guerre, qui a détruit le pays et causé des milliers de morts. Tout l'Irak est concerné, mais aussi certaines minorités : chrétiens d'Orient, Yézidis, Turkmènes, Kurdes, Shabaks...
L'Europe est plus que jamais face à ses responsabilités. Il est urgent d'agir et fondamental de reconstruire l'Irak, tout en affirmant avec détermination la volonté de l'Union européenne de lutter contre toute impunité, pour des raisons d'ordre moral, politique et juridique. Elle doit défendre avec force son exigence humaniste.
À l'Europe, à l'ONU, à la France, de prendre, chacune, leurs responsabilités. Prenons les nôtres ! Nous voterons cette proposition de résolution.
Les survivants recherchent toujours leurs disparus, jetés dans 202 charniers découverts, où seraient ensevelis entre 6 000 et 12 000 corps.
La France joue pleinement son rôle de soutien à la reconstruction de l'Irak. Il y a quelques jours, Jean-Yves Le Drian était dans la ville sainte chiite, Nadjaf, annonçant un deuxième prêt, complétant celui de 2017. Les multiples coupures d'électricité rendent la vie quotidienne difficile.
Le groupe socialiste est favorable à la proposition de résolution : nous devons montrer notre détermination à lutter contre ces crimes ; c'est un impératif juridique, moral et politique et la meilleure garantie de la non-répétition.
C'est aussi un impératif humanitaire. Il est urgent d'agir, d'autant que la France a une responsabilité historique en Irak : mais cela doit passer par l'échelle européenne. Il faut aussi respecter la volonté des Irakiens. La France, durement touchée par Daech, est pleinement dans son rôle.
Je rends hommage à ceux qui, par leur détermination, parfois le sacrifice de leur vie, ont permis de vaincre Daech. Même si l'État islamique n'est pas totalement éradiqué, c'est grâce à eux, qu'aujourd'hui nous pouvons précisément imaginer une autre étape d'évolution vers la démocratie. Qu'ils soient chaleureusement remerciés pour leur engagement !
Nous sommes à la deuxième étape, la reconstruction. Étape essentielle, elle doit être accompagnée du combat pour le droit et la justice, les valeurs de respect et de confiance mutuelle. Soldons les erreurs passées sans les oublier. La non-impunité est une ardente obligation sans laquelle aucune réconciliation n'est possible. La France et l'Europe doivent prendre toute leur place. Le soutien européen au mécanisme de justice transitionnelle doit avoir une dimension internationale, afin de mieux prendre en compte les notions de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
Au Cambodge, le « processus vérité » a bien fonctionné : l'association de juges cambodgiens et internationaux a permis de reconnaître les crimes, de les juger et permettra la réconciliation. Je ne minimise par le travail nécessaire. Le contexte régional est délicat.
Mais l'Europe, par son histoire, est une voix à part, souvent respectée. Projetons des valeurs humanistes fondamentales pour que les crimes ne restent pas impunis. Il y va de notre crédibilité et de notre sécurité présente et future. On a eu le sentiment d'être paralysés par des jeux régionaux mêlant Turquie, Iran, Syrie et Russie.
Nos stratégies européennes traditionnelles sont bouleversées. La frilosité n'est pas acceptable. L'Europe a trop souffert de crimes contre l'humanité pour les négliger ailleurs. Elle a déjà trop tardé ; il est urgent d'agir pour la reconstruction de l'Irak et le retour du droit. Luttons contre toute impunité, défendons notre exigence humaniste et prenons nos responsabilités. Le groupe socialiste votera en faveur de cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, Les Républicains et UC)
M. Olivier Léonhardt . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) La paix en Irak repose sur sa reconstruction matérielle et politique, mais aussi sur sa reconstruction morale qui passe par la justice. L'ampleur des crimes commis en Irak l'exige : meurtres, tortures, viols, réduction en esclavage, sort des Yézidis, des chrétiens, des Kurdes, mais aussi tous les musulmans qui n'adhéraient pas au califat.
Cela relève du crime contre l'humanité. Il faut donc faire la même chose qu'en Afrique du Sud ou au Cambodge. Sachant que l'Irak ne reconnaît pas la CPI, un dispositif de justice transitionnelle à dimension internationale pourrait être une solution.
Cela passera par trois conditions. La transparence d'abord, qui est respectée ; l'efficience de la justice irakienne avec le soutien de programmes européens - mais la loi antiterroriste irakienne ne reconnaît pas le crime contre l'humanité ; et, plus difficile, l'adhésion des autorités irakiennes, qui sont jalouses de leur souveraineté. Pourtant, ce dispositif serait un signal positif pour les réfugiés.
Pour autant, la reconquête du territoire ne signe pas, hélas, la fin du terrorisme. Soutenons, aujourd'hui plus que jamais, nos meilleurs alliés, le peuple kurde, qui a été en première ligne en Irak, mais aussi en Syrie. La victoire contre Daech est d'abord la leur. Ils sont aujourd'hui pris en étau entre la Syrie et la Turquie. Lorsque celle-ci a agressé Afrin, je vous avais déjà dit mon indignation. (M. Bruno Retailleau le confirme.)
Le président Macron a eu raison d'appeler la Russie à préserver les Kurdes, qui continuent à lutter contre les djihadistes dans la vallée de l'Euphrate.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Olivier Léonhardt. - Merci à M. Retailleau pour cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. Jean Louis Masson . - Comme tout le monde, je suis horrifié par les exactions de l'État islamique.
En France, il est facile de se donner bonne conscience. Il y a eu des centaines de milliers de morts en Libye, en Syrie, mais la faute à qui ?
Qui a été faire la guerre en Libye ? M. Sarkozy, pour des raisons... d'intérêt général, voire pour d'autres peut-être peu avouables... (Protestations à droite)
Entendons-nous bien : Kadhafi était un personnage peu recommandable ; sa colonne, lorsqu'il prit la fuite, fut bombardée par des avions français. La France est fière d'avoir renversé Kadhafi - et au lieu d'avoir quelques milliers de morts, par an, avec Kadhafi, on en a aujourd'hui des centaines de milliers !
Même proportion en Syrie, où le président Hollande a voulu renverser Bachar el-Assad.
La France n'a pas à se féliciter non plus de sa politique au Yémen où se commettent des crimes contre l'humanité.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas Sarkozy !
M. Jean Louis Masson. - Il y a deux poids deux mesures : le roi d'Arabie Saoudite fait un génocide des Houthis, agresse le Yémen, mais nous continuons à lui dérouler le tapis rouge et à lui vendre des armes... (Mme Claudine Kauffmann applaudit vivement.)
M. Jean-Marie Bockel . - Le mécanisme de justice transitionnelle que promeut la proposition de résolution européenne s'inscrit dans la ligne de notre résolution de décembre 2016. Mais, comme dirait le général Pierre de Villiers, gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix.
La présence des chrétiens en Orient est plus ancienne que celle de l'islam. La France a un lien avec eux qui date des capitulations de François Ier. Le pape Jean-Paul II disait que la situation des chrétiens dans leur pays est révélatrice de celle de l'ensemble du pays.
L'action de Daech a accéléré la migration des Yézidis. La plupart des centaines de milliers de Yézidis sont partis, dont la moitié en Europe et outre-Atlantique. Ils ne reviendront sans doute jamais. L'autre moitié, réfugiée dans les pays de la région, aspire au retour. Tendons-leur la main ! Comme la lauréate du prix Nobel de la Paix, Nadia Murad, l'a déclaré, de passage à Paris le 22 décembre dernier, « la priorité pour les Yézidis est de récupérer [leur] terre ».
La guerre contre Daech n'est pas terminée en Syrie. C'est pourquoi quelque 350 militaires français restent déployés en Irak. La France s'engage aux côtés de l'Irak, auquel elle apporte un soutien politique, diplomatique, militaire et humanitaire. La visite de Jean-Yves Le Drian, la semaine dernière, dans le pays, l'illustre.
Notre engagement tend d'autant plus à se consolider, que des progrès en direction d'une politique inclusive des minorités ont été constatés ces derniers mois. Je salue l'annonce d'un prêt de la France d'un milliard d'euros à l'Irak sur quatre ans. L'Union européenne s'est elle aussi engagée très tôt en Irak. L'enjeu actuel est de réformer la justice et d'aligner le droit irakien sur certains standards internationaux. La proposition de résolution rejoint, sous une forme plus aboutie, la proposition de notre collègue Nathalie Goulet, d'un TPI jugeant les Djihadistes européens ayant commis des crimes avec Daech.
La mise en place d'une justice transitionnelle en Irak à dimension internationale est essentielle afin que ce pays puisse panser ses plaies et se reconstruire.
Il y va de la stabilité de toute la région. Il y aura des arbitrages. Mais il ne faut pas que la justice soit une variable d'ajustement. Tous les après-guerres sont essentiels.
Il y a là une dimension humaine psychologique. La construction d'une réconciliation est essentielle pour la paix à venir. C'est beaucoup plus important qu'il n'y paraît.
Cela s'inscrit également dans la lutte contre le terrorisme, avec la problématique des revenants.
Le groupe UC votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Joël Guerriau . - Je tiens à saluer cette résolution du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes.
La peine de mort est appliquée en Irak, les conditions d'un procès équitable ne sont pas réunies, l'Irak n'adhère pas à la CPI et le crime contre l'humanité n'est pas reconnu dans la loi irakienne. Or cette dernière incrimination est indispensable. Quelque 80 % des chrétiens ont quitté le pays : de 1,2 million dans les années quatre-vingt, ils ne sont plus que 300 000 aujourd'hui.
Ils sont délaissés par le gouvernement irakien et terrifiés par l'avenir incertain, après avoir subi les pires exactions.
L'amnistie-amnésie n'est plus acceptable. La justice transitionnelle est un ensemble de mécanismes interdépendants : on ne saurait par exemple réconcilier sans réparation. Elle peut établir des institutions fondées sur la confiance et le respect. Ce n'est pas seulement une justice rétrospective, mais aussi prospective : elle conduit une société vers la paix.
Une telle justice serait souhaitable en Irak, pour lui permettre d'aller de l'avant et de réconcilier ses communautés, pour rétablir ce que nous appelons un certain « vivre ensemble ».
On peut regretter que l'Union européenne n'ait pas précisé les modalités de ce projet. Il est donc légitime d'appuyer cette initiative, de la concrétiser, en insistant sur la formation des juges, et de s'assurer de son financement.
Il faut vérifier que toutes les communautés soient traitées à égalité. Le groupe Les Indépendants votera donc cette proposition de résolution pour que les familles puissent faire leur deuil et que la réconciliation soit possible. Justice doit être rendue pour réconcilier les communautés. C'est un des piliers de la reconstruction politique du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - En 1979, Simone Veil affirmait que l'Europe était le grand dessein du XXIe siècle et qu'elle devait faire entendre sa voix en défendant des valeurs de paix et de droits de l'homme. Je remercie sincèrement Bruno Retailleau d'avoir pris l'initiative de cette proposition de résolution qui s'inscrit tout à fait dans cette idée, ainsi que pour la création du groupe d'étude.
Toutes les minorités ont été victimes de violences inouïes : épuration permanente à vocation génocidaire. Daech a voulu faire disparaître des identités multiséculaires. Nous devons continuer notre combat contre l'ogre barbare.
J'avais demandé à la France de saisir la CPI des crimes de Daech en Irak.
Après avoir constaté ces crimes au Kurdistan irakien, et accueilli des victimes en France, j'avais demandé au Gouvernement d'agir.
Cette proposition de résolution européenne nous permet de le faire, enfin, en faisant reconnaître ces crimes. C'est une exigence de justice élémentaire. La France a un rôle de partenaire de confiance à jouer.
Les élections de mai dernier donnent de l'espoir, même si la société irakienne a été endommagée durablement.
Déjà 650 millions d'euros ont été versés par l'Union européenne pour couvrir l'urgence.
L'Irak doit aujourd'hui reprendre son destin en main en toute souveraineté. Comment le faire si les coupables ne sont pas jugés ? C'est une exigence morale.
Il ne peut y avoir de paix sans réconciliation et donc sans justice.
Voter cette proposition de résolution européenne consiste à dire au monde que l'Europe ne se désengage pas des sujets essentiels et envoie le message fondamental et positif à tous les peuples que la France, patrie des droits de l'homme, n'est pas seulement intéressée aux bénéfices économiques de la reconstruction matérielle, mais se tient aux côtés du peuple irakien, en assurant aux familles contraintes de vivre à proximité de leurs agresseurs d'hier, une vraie justice, condition essentielle, pour que les victimes puissent rester ou revenir sur les terres de leurs ancêtres. Voter cette proposition de résolution prouverait aussi le rôle majeur de l'Europe aux jeunes qui s'en détournent, pour la paix, afin de leur redonner confiance : ce serait tout à l'honneur du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
La discussion générale est close.
Explication de vote
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères . - Merci à tous. Il existe dans la vie du Parlement des moments privilégiés. Ce que nous faisons est important.
J'ai eu l'honneur de me rendre en mission, avec le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères en Irak, notamment auprès des Kurdes et dans la ville sainte chiite de Nadjaf. J'y ai entendu un vrai désir de réconciliation, une volonté de se libérer du cauchemar qui a frappé le pays. J'y ai aussi entendu un désir de justice, parce qu'on ne peut pas se réconcilier sans avoir mis l'histoire au clair.
Sachez qu'à l'heure où nous parlons, des enfants, de très jeunes filles yézidies de 10 à 11 ans subissent actuellement des traitements hormonaux pour être livrées à l'esclavage sexuel.
J'y ai enfin entendu un désir de France.
Le Sénat, en s'exprimant par cette proposition de résolution européenne, porte haut sa mission de défendre la vérité, une justice stricte mais équitable, et les valeurs qui font encore croire en l'humanité. (Applaudissements sur tous les bancs)
La proposition de résolution européenne est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Christian Manable applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.
Chacun veillera à respecter son temps de parole ainsi qu'à observer une valeur essentielle au Sénat, le respect des uns et des autres.
Fermeture de maternités
Mme Laurence Cohen . - L'agence régionale de santé des Hauts-de-France vient d'acter la fermeture de la maternité de Creil et son transfert à Senlis contre l'avis des élus locaux, dont le maire de la ville, mon ami et camarade (Exclamations ironiques à droite) Jean-Pierre Bosino ; contre l'avis des usagers, des syndicalistes et du personnel de santé. Il y a un an déjà, je répondais à l'appel de leur comité de défense.
Loïc Pen, chef de service des urgences, aura démissionné en vain ; vous avez choisi le passage en force et tant pis pour les 1 500 accouchements que cette maternité de niveau III réalisait par an. Idem pour les maternités de Bernay dans l'Eure, de Blanc dans l'Indre ou encore de Guingamp dans les Côtes d'Armor. Cette catastrophe sanitaire est au détriment des femmes.
Les blouses blanches sont en grande souffrance ; leur mobilisation d'aujourd'hui le montre. Pensez-vous vraiment, madame la ministre de la Santé, pouvoir améliorer l'accès aux soins, la qualité de la prise en charge sur tout le territoire et les conditions de travail du personnel à moyens constants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Dans votre question, je relève de nombreuses affirmations et beaucoup sont fausses. Je ne peux pas en laisser passer une, en particulier ; non, ces décisions ne se font pas au détriment des femmes. Aucune maternité ne ferme pour des motifs financiers. (Mme Éliane Assassi en doute.) Cette décision est prise quand la sécurité des parturientes est menacée. Certaines maternités fonctionnent parfois sans pédiatre ou sans anesthésiste. Les plateaux techniques sont parfois défaillants.
Ces maternités sont transformées en centre de périnatalité. Seul l'acte d'accouchement est délocalisé. La décision de fermeture de Creil a été prise en 2017 avant mon arrivée au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme Laurence Cohen. - Dans le bassin de Creil, 40 % des habitants n'ont pas de voiture ! Accoucher dans une voiture ou un camion de pompier, c'est sûr, ce sera plus secure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé et M. Antoine Lefèvre applaudissent également.) Que ce sujet, vital pour les Français, ne soit pas inclus dans le grand débat national est un scandale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)
Alstom
M. Martial Bourquin . - Monsieur le ministre de l'Économie, la Commission européenne pourrait remettre en cause l'accord de fusion Siemens-Alstom. Soit les groupes acceptent de nouvelles cessions d'actifs, ce qui signifie des suppressions d'emplois, soit la Commission européenne refusera la fusion. Ce dogmatisme empêche l'émergence de champions européens, même si cet accord, mauvais, est plutôt une absorption d'Alstom par Siemens qu'une fusion entre égaux. Monsieur le ministre, refusez toute nouvelle cession d'actifs ! Elle signifierait un démantèlement d'Alstom.
En cas de refus de l'Union européenne, l'urgence sera de nouer un pacte d'actionnaires pour protéger Alstom d'éventuels prédateurs financiers. Thalès pourrait y participer, de même que la Caisse des dépôts et consignations ou BPI-France. Monsieur le ministre, défendrez-vous ce fleuron industriel ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - J'ai parfois l'impression que les responsables européens ne vivent pas dans le même monde que le nôtre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Depuis quinze ans, un champion chinois a émergé. Il y a 26 000 km de LGV en Chine, un marché captif, contre 9 000 en Europe. Le chiffre d'affaires de CRRC est le double de ceux d'Alstom et de Siemens réunis.
Il est temps d'adapter l'industrie européenne à la réalité du XXIe siècle. Les règles européennes de la concurrence n'ont pas changé depuis 2004 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
Alstom et Siemens ont déjà fait des concessions ; ils n'en feront plus de nouvelles. À la Commission européenne de prendre ses responsabilités, nous prendrons les nôtres. Si elle refusait la création d'un champion industriel européen, ce serait une erreur économique et une faute politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Martial Bourquin. - Alstom, c'est 8 500 personnes en France, 4 500 fournisseurs, 27 000 empois ; cela vaut la peine de le défendre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, UC et Les Républicains)
Zones de revitalisation rurale
M. Alain Marc . - J'associe mon ami M. Jean-Claude Luche à cette question.
En Aveyron, les exonérations sociales et fiscales qu'autorise le classement en ZRR représentaient 6,5 millions d'euros en 2017. Elles ont un réel intérêt pour les territoires ruraux ! Les deux députées qui les ont évaluées pensent autrement. Pourtant, l'une est de l'Aveyron... Elles disent avoir procédé à des auditions, sans doute n'auditionnons-nous pas les mêmes personnes. Elles préconisent de mettre ces sommes à la main des préfets pour renforcer la dotation d'équipement des territoires ruraux. Quelles suites donnerez-vous à leur rapport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur une partie des bancs du groupe UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Comme vous le savez parfaitement, les parlementaires sont libres d'écrire ce qu'ils veulent dans leur rapport.
M. le président. - Ouf !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement est très attaché aux zones de revitalisation rurale, un dispositif qui contribue très activement à la conservation des emplois et au soutien des territoires ruraux. Deux critères fondent le zonage : la densité de population et la richesse des habitants. Dans la réforme de 2015, a été pris l'engagement d'y maintenir 14 000 communes. Elle a fait des gagnants et des perdants. Raison pour laquelle, dans la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a proposé que les communes perdantes continuent à profiter du dispositif jusqu'en 2020. Au total, 18 000 communes, soit la moitié des communes françaises, en bénéficient.
Pour l'avenir, la réflexion est en cours. Le classement en zone de revitalisation rurale à partir de critères communaux, et non intercommunaux, provoquerait un émiettement du dispositif et exacerberait les concurrences territoriales, à l'opposé de l'effet recherché. Toutes les options restent sur la table.
M. Alain Marc. - Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne ? Dans l'Aveyron, certaines communes ont une densité de cinq habitants par kilomètre carré. Grâce à ce dispositif, nous avons pu faire venir des médecins et ne pas trop perdre en attractivité. Il faut le maintenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur plusieurs bancs des groupes RDSE, UC, Les Républicains ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
Politique migratoire
M. François-Noël Buffet . - Le Gouvernement, le 15 janvier, a donné les derniers résultats statistiques de la politique migratoire. Tous les chiffres sont en hausse - celui des entrées irrégulières sur notre territoire, celui des demandes d'asile qui augmente de 22 % ; tous sauf un : le taux de renvoi dans les pays d'origine reste faible, à moins de 10 %.
Le Gouvernement nous expliquait : « tout va bien » ; il ne prévoyait pas de budget en hausse pour traiter l'immigration irrégulière. Et voici que le président de la République a décidé d'inclure ce thème dans le grand débat et reprend l'idée de quotas annuels pour laquelle le Sénat se bat depuis longtemps. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? Vous tabliez sur la stabilité des chiffres et c'est tout le contraire qui se produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - En 2018, les demandes déposées à l'Ofpra ont augmenté de 21,6 %, notamment en raison des flux secondaires.
Notre politique d'accueil est juste et réaliste, nous nous donnons les moyens d'accueillir mais aussi de procéder à des éloignements. Les éloignements forcés sont d'ailleurs en hausse significative en 2018, la plus importante depuis le début de la décennie. Ce résultat n'est pas le fruit du hasard ; il est la conséquence de la loi du 10 septembre 2018 et du renforcement des contrôles aux frontières, notamment avec l'Italie, la Belgique et l'Espagne, avec la nomination d'un coordonnateur. Dans la loi de finances pour 2019, le budget Asile et immigration est en hausse de 7 % en 2019.
Pour autant, il faut tenir compte de l'inquiétude de nos concitoyens, une inquiétude qui s'est exprimée avec virulence contre le pacte de Marrakech. C'est pourquoi ce sujet a été ajouté au grand débat. (MM. François Patriat, Jacques Mézard et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
M. François-Noël Buffet. - Le Sénat défend une autre politique migratoire : accueillir moins mais beaucoup mieux, traiter plus rapidement les demandes d'asile et les déboutés du droit d'asile pour un renvoi dans le pays d'origine. Que l'exécutif en tienne compte ! D'accord pour qu'il reprenne l'idée des quotas annuels mais que fait-il de celle consistant à conditionner la délivrance des visas à celle des laissez-passer consulaires ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Interdiction du glyphosate
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Mardi 15 janvier, le tribunal administratif de Lyon a annulé la mise sur le marché du Roundup Pro 360, estimant que l'Anses a fait une erreur d'appréciation en mars 2017. Les professionnels et la communauté scientifique ne comprennent pas cette décision arbitraire. Je rendrai prochainement un rapport avec Pierre Ouzoulias au nom de l'Opecst sur cette crise de confiance naissante envers les agences d'expertise.
Monsieur le ministre de l'Agriculture, ne pensez-vous pas que ce type de décision discrédite totalement le travail de l'Anses ? En quoi un tribunal administratif est-il compétent sur ce type de dossiers ? N'y a-t-il pas un risque de surenchère dans la suppression des autorisations de mise sur le marché au nom du principe de précaution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Rémy Pointereau applaudit également.)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je n'ai pas à commenter une décision de justice. Le Gouvernement tout entier est mobilisé pour faire muter l'agriculture vers l'agroécologie et donner aux agriculteurs les moyens de participer à cette mutation. Le président de la République a demandé l'interdiction du glyphosate avant le 1er janvier 2021, elle interviendra plus rapidement qu'en Europe. Le glyphosate est interdit depuis le 1er janvier pour les particuliers ; il le sera le 1er février pour toute dispersion avant récolte.
N'opposons pas principe de précaution et science. Protégeons les Français et, en même temps, donnons les moyens à notre agriculture d'évoluer, d'être compétitive, de développer des circuits courts et de conquérir des parts de marché à l'international ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et LaREM)
M. Pierre Médevielle. - Protégeons la population et les agriculteurs. L'agriculture française occupe un cinquième rang indigne de ses capacités. Ces juges sont archaïques et incompétents. Retrouvons l'audace, faisons confiance à nos experts. Vive l'agriculture, vive la République et vive la science ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean Bizet. - Oui, vive la science !
Maisons de naissance
M. Dominique Théophile . - Huit maisons de naissance ont été ouvertes après la loi de décembre 2013 et le décret de 2015. Dans ce cadre plus intime, les parents sont suivis par les mêmes sages-femmes depuis le début de la grossesse jusqu'à la surveillance postnatale. Le taux de satisfaction est élevé mais elles manquent de visibilité. Quelles seront les suites données à leur expérimentation qui prend fin en novembre 2020 ? Comme prévu, les rapports d'évaluation ont été adressés par toutes les maisons de naissance au 31 mars 2017 aux ARS et au ministère de la Santé. Ils n'ont toujours pas été exploités. Afin d'éviter des ruptures de prise en charge des parturientes, il faudrait le faire au plus vite. Quand cela sera-t-il fait ? Ne peut-on pas, dès aujourd'hui, établir qu'elles ont été un succès, les pérenniser et en installer dans tous les territoires.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Ces neuf structures autonomes, dont deux situées en Guadeloupe et à La Réunion, dirigées par des sages-femmes, sont adossées à une maternité où les parturientes sont transférées en cas de risque.
Après deux ans, on peut constater que leur activité a été modeste : entre 35 et 135 accouchements ont été réalisés dans chaque structure. Qualitativement, il n'y a pas eu d'incident grave, grâce aux procédures de réorientation vers la maternité attenante. Les parturientes et les équipes sont satisfaites.
La réflexion sur leur avenir s'intègre dans la réforme des autorisations des activités de soins en périnatalité, qui a été lancée en juillet 2018. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
ArianeGroup
Mme Nathalie Delattre . - La métropole bordelaise est un pôle majeur de l'industrie spatiale. En 2020, Bordeaux sera capitale européenne de l'espace, l'année du lancement inaugural d'Ariane 6. Toutefois des acteurs industriels très concurrentiels émergent.
Ariane a annoncé la suppression de 2 300 postes, dont bon nombre dans la région bordelaise. Le cluster aquitain doit être défendu. Or la préférence européenne n'est pas toujours respectée dans la commande publique. Le satellite CSO a ainsi été lancé par une fusée Soyouz : comment expliquer que nos satellites de renseignement soient confiés aux Russes ? La politique européenne de la concurrence nous fait payer un lourd tribut. Les Américains, eux, se posent moins de questions : ils conçoivent américain, produisent américain et lancent américain.
En cette année d'élection européenne, ne faut-il pas promouvoir un Buy European act qui figurait d'ailleurs au programme du candidat Macron ? Je vous en conjure : il faut faire vite avant qu'il ne soit trop tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, sur quelques bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe UC)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - La France est une grande nation spatiale, qui est motrice en Europe. Ariane 5 et le lanceur Vega ont toujours été défendus, Ariane 6 et le lanceur Vega-C le seront aussi. Le succès européen est dû à l'excellence du CNES, d'Ariane Espace et de l'Agence spatiale européenne.
En effet, le développement d'acteurs internationaux bouleverse le marché. Aussi, il faut soutenir la recherche et le développement et investir dans les nouveaux usages du spatial - le New space. Quelque 200 millions d'euros supplémentaires ont été prévus pour le CNES dans le budget pour 2019.
Il faut aussi aider ArianeGroup à se réorganiser, pour qu'elle gagne en compétitivité. Nous devons rappeler notre confiance dans les lanceurs européens. La commissaire européenne a d'ailleurs signé avec Ariane 6 les premiers contrats pour le lancement des satellites européens.
Grand débat national
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Monsieur le Premier ministre, depuis deux semaines, nous assistons au grand show médiatique du président de la République, six à sept heures de débat bien orchestré en Normandie et en Occitanie ; un président de la République en campagne plus qu'à l'écoute des Français.
Et voilà que nous apprenons que la secrétaire d'État à l'égalité des femmes co-animera le grand show de Cyril Hanouna pour, je cite, « ramener des gens vers le débat public ». Les Français ne sont-ils pas assez subtils et intelligents ? Monsieur le Premier ministre, est-ce avec votre accord que Mme Schiappa participe à cette émission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. le président. - La parole est à Mme Marlène Schiappa.
Plusieurs voix à droite. - La question s'adresse au Premier ministre !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Merci de votre question toute en bienveillance et en nuance. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)
Mme Éliane Assassi. - Comme Cyril Hanouna !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - C'est étonnant : vous déplorez que l'on parle à Cyril Hanouna et vous consacrez tout votre temps de parole à parler de lui. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme la secrétaire d'État se tourne vers le président pour obtenir le retour au calme.)
M. le président. - Poursuivez, Madame, mais faites dans la modération, pour une fois ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Des centaines de milliers de personnes regardent chaque jour Cyril Hanouna. Ce sont des Français, comme ceux qui écoutent France Culture.
Le grand débat est très bien organisé par Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon. Il s'agit de parler à tous les citoyens. Il n'y a pas de citoyens de seconde zone. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains et sur quelques bancs des groupes CRCE et SOCR) Arrêtons ce mépris de classe, d'une intelligentsia qui a alimenté le mouvement des gilets jaunes. (Même mouvement) On ne règle pas des problèmes de 2019 avec des solutions de 1999 ! (Même mouvement)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - En mélangeant les genres, vous participez à l'éloignement et au rejet de la classe politique dans son ensemble. La politique, ce n'est pas de la téléréalité ! Imagine-t-on, mais c'était dans l'ancien monde, Françoise Giroud animer une émission politique avec Guy Lux ou Léon Zitrone ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)
Illectronisme
M. le président. - Je donne la parole à M. Roux, à qui je veux dire toute la solidarité du Sénat.
M. Jean-Yves Roux . - Il y a un an et demi, le Gouvernement voulait dématérialiser les services publics d'ici 2022. Cela peut être enthousiasmant, mais c'est ni réaliste ni souhaitable. La dématérialisation inquiète car elle passe pour le cheval de Troie de la réduction des services publics. Le Défenseur des droits a récemment alerté sur les inégalités qu'elle développe, en raison de la fracture numérique. L'inégalité est d'abord territoriale puisque l'accès à internet est défaillant dans certains territoires ; économique, ensuite, puisque les artisans locaux ne peuvent pas participer aux appels d'offres publics qui sont obligatoirement dématérialisés depuis le 1er octobre 2018 quand ils sont supérieurs à 25 000 euros ; financière, enfin car acheter une tablette ou un Smartphone est cher.
Selon le Credoc, 36 % des Français ne sont pas familiers du numérique. Que compte faire le Gouvernement pour accompagner nos concitoyens et préserver l'égalité d'accès aux services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Le Gouvernement vous exprime également, monsieur Roux, sa solidarité après la vandalisation de votre permanence. (Applaudissements)
Il y a, c'est vrai, une France à deux vitesses. Certains Français sont frappés par l'illectronisme. L'objectif du Gouvernement est que 100 % des démarches administratives puissent se faire en ligne en 2022 ; cela ne signifie pas qu'internet remplacera le papier. Gisèle Jourda, lors du débat de la loi Essoc, m'a ainsi permis de corriger notre action, en offrant aux Français habitant dans des zones blanches, la possibilité de déclarer sur papier et de payer par chèque. Nous examinerons le rapport du Défenseur des droits avec attention. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
Limitation de vitesse
M. Jean-Marc Boyer . - Monsieur le Premier ministre, vous avez mis le feu au pays avec une décision dont personne ne voulait et dont l'efficacité n'est pas prouvée : la limitation à 80 km/h.
Le groupe de travail du Sénat sous la haute responsabilité de Michel Raison a proposé de limiter cette mesure aux tronçons accidentogènes, sur décision conjointe du président du conseil départemental et du préfet.
Surtout, ne nous taxez pas d'irresponsables ! Nous soutenons toutes les mesures qui favorisent la réduction du nombre de morts sur les routes ; celles portant sur l'état des routes et des véhicules, ou encore le comportement des conducteurs.
Le président de la République propose de chercher « des solutions plus pragmatiques, de faire quelque chose de plus acceptable ». Suivrez-vous les propositions intelligentes du Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - La limitation à 80 km/h sur les 400 000 kilomètres du réseau secondaire sera au coeur du grand débat. C'est un sujet important pour nos concitoyens car il touche aux mobilités, notamment en zone rurale. Le débat qui va s'ouvrir traitera aussi de la lutte contre l'insécurité routière, qui reste une priorité du Gouvernement.
Selon les premiers chiffres, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, le nombre de morts a baissé de 13 % sur le réseau secondaire par rapport à 2017. (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il faut aussi tenir compte des effets induits - sur le temps de déplacement, la consommation de carburant et la cohabitation entre voitures et poids-lourds. Une étude a été demandée à la délégation à la sécurité routière, qui sera rendue publique.
La question sera aussi celle de la responsabilité des gestionnaires de voierie. Remonter la vitesse sur un axe, c'est accepter, le cas échéant, de voir l'accidentalité augmenter. L'avis des présidents de conseils départementaux sera précieux. (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Nous veillerons à rendre publiques les analyses. Je sais que nous avons le même objectif : sauver des vies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Marc Boyer. - Je regrette que vous ne m'ayez pas répondu, monsieur le Premier ministre, sur cette mesure que vous avez imposée. Nous ne vous demandons pas de vous renier mais de tenir compte de la réalité des territoires, de donner un signe d'apaisement ! Écoutez le Sénat, la voix des ruraux et des territoires. Nous, sénateurs, vous appelons à la raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Loi sur la prostitution
Mme Laurence Rossignol . - Le Conseil constitutionnel examine aujourd'hui une question prioritaire de constitutionnalité visant à abroger la loi de 2016 sur le système prostitutionnel, et notamment la pénalisation du client, sur deux motifs : la liberté d'entreprendre et le droit à la vie privée.
Je rappelle que 80 % des victimes de traite des êtres humains sont victimes d'exploitation sexuelle et que 90 % des prostituées de rue sont étrangères. Voilà qui casse le mythe de la prostituée au grand coeur, libre et heureuse. Le business du sexe est l'un des principaux marchés mafieux. Or il n'y a pas de proxénète sans client.
Tant que l'on pourra louer, acheter ou vendre le corps des autres, l'égalité entre les femmes et les hommes sera une illusion. Je rappelle que 90 % des prostitués sont des femmes.
La seule liberté d'entreprendre en cause, c'est celle des proxénètes. Et la seule vie privée, c'est celle du client, car il n'y a pas d'intimité dans la prostitution, qui est une effraction dans le corps de l'autre. Selon un sondage, trois quarts des Français sont favorables à la loi de 2016 et estiment que la prostitution est une violence.
Madame la ministre, vous avez été très silencieuse sur ce sujet, alors que toutes vos prédécesseures se sont exprimées en faveur de cette loi. Le Gouvernement la défend-il devant le Conseil constitutionnel, et avec quels arguments ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC ; Mme Françoise Laborde et M. Jérôme Bignon applaudissent également.)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Je connais et salue votre engagement sur ce sujet. Nous attendons la décision du Conseil constitutionnel. Sur mandat du Premier ministre, le Gouvernement a fermement défendu la constitutionnalité de la loi de 2016.
À l'international, le Gouvernement s'engage contre le système prostitutionnel - non par des discours mais en en faisant un axe majeur de la diplomatie féministe de la France, notamment dans le cadre de la présidence du G7.
J'ai pris en novembre 2017 un décret pour mettre en oeuvre toutes les dispositions de la loi. J'ajoute que j'ai doublé la subvention au Mouvement du Nid, qui est ainsi passée de 150 000 à 300 000 euros par an ; 95 000 euros ont été débloqués et 100 % des demandes locales ont reçu une réponse positive.
Dans le cadre de la présidence française du G7, le président de la République a proposé à Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, de rejoindre le conseil consultatif à l'égalité femmes-hommes pour porter la position de la France. (M. Alain Richard applaudit.)
Démocratie participative et représentative
M. Jean Louis Masson . - (Mouvements divers) Le soutien populaire aux gilets jaunes confirme que les Français veulent une démocratie plus directe. C'est l'objet du référendum d'initiative citoyenne. Les tenants de la pensée unique n'écoutent le peuple que s'il est de leur avis. Ainsi en est-il du traité de Lisbonne, ratifié sans état d'âme par le Parlement en désavouant le résultat du référendum. Preuve que la démocratie représentative a ses limites. C'est un miroir déformant, en raison du tripatouillage des partis politiques.
Lors des élections de 2012, le Front national et le Parti de gauche ont rassemblé respectivement 18 % et 9 % des suffrages, mais n'ont obtenu que deux députés chacun. Les Verts, eux, en ont eu dix-sept, avec seulement 2 % des suffrages !
Les gilets jaunes ont raison de réclamer une vraie démocratie. Le prétendu grand débat le montre : le président de la République veut bien discuter, mais écarte tous les sujets stratégiques qui intéressent le peuple. Il devrait avoir le courage de consulter le peuple par référendum sur le matraquage fiscal des retraités, sur l'immigration, sur le choix entre Europe des Nations et Europe fédéraliste.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean Louis Masson. - En France comme ailleurs, le peuple se révolte contre le mépris des dirigeants. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient de couper la France en deux, entre des pseudo-élites bouffies d'arrogance et le vrai peuple qui n'en peut plus ? (Exclamations sur plusieurs bancs)
M. Bruno Sido. - Démago !
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Merci de votre question. Pour nous, le peuple, les représentants du peuple et des territoires sont ici et à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
N'opposons pas le peuple et ses représentants, démocratie participative et représentative ! Nous sommes à l'écoute des Français. Le grand débat est ouvert, autour de quatre thématiques mais, chacun l'a vu, la parole est libre et aucun sujet n'est tabou. Au Gouvernement et au Parlement de se saisir de ce que diront les citoyens pour en donner une traduction législative. Quand on oppose le peuple et ses représentants, on sait ce que cela donne : l'histoire est truffée d'exemples ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 17 h 50.
Instances représentatives des Français de l'étranger Élections organisées à l'étranger
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d'exercice des mandats électoraux de leurs membres et sur la proposition de loi organique tendant à actualiser les dispositions applicables aux élections organisées à l'étranger présentées par M. Christophe-André Frassa et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission des lois.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat. Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
Explications de vote
Mme Jacky Deromedi, rapporteur de la commission des lois . - Le 17 janvier dernier, la commission des lois a adopté la proposition de loi et la proposition de loi organique issues du rapport d'information de nos collègues Frassa et Leconte. La procédure d'examen en commission a démontré son efficacité : après deux heures d'échanges, nous avons abouti à un résultat consensuel.
À l'initiative de Mme Hélène Conway-Mouret, alors ministre, la loi du 22 juillet 2013 a profondément modifié la représentation des Français hors de France. Elle a réformé l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), qui se réunit à Paris deux fois par an, et créé les conseils consulaires, qui ont une mission consultative et représentative.
MM. Frassa et Leconte ont tiré les premiers enseignements de cette loi dans un rapport de 2015. Les conseillers consulaires sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour les Français établis hors de France mais manquent de notoriété.
Les deux textes ajustent les régimes de représentation des Français de l'étranger en vue des élections de 2020, sans en modifier l'équilibre. Ils améliorent les conditions d'exercice des mandats et sécurisent les procédures électorales en tirant les leçons des scrutins de 2014.
La proposition de loi institue une commission centrale de propagande chargée de contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote et améliore les conditions de vote à distance par pli remis à l'ambassadeur ou au consul.
Sur le fond, la commission a renforcé le rôle des conseillers consulaires et des membres de l'AFE, dont je salue l'engagement. Elle a confié la présidence des conseils consulaires à un membre élu - comme c'est le cas pour l'AFE depuis 2014. Les élus pourront désormais convoquer les réunions des conseils consulaires et en fixer l'ordre du jour, en concertation avec les chefs de poste.
Les élus consulaires employés par une entreprise ou une administration française bénéficieront, comme les élus locaux, d'autorisations d'absence - première étape vers un statut des élus.
Nous les avons également autorisés à porter l'écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles.
Enfin, nous avons souhaité que le Gouvernement consulte l'AFE lorsqu'il envisage de ne pas mettre en oeuvre le vote par internet pour les élections consulaires. Le vote par internet est une garantie pour nos compatriotes qui habitent parfois à des centaines de kilomètres des bureaux de vote.
Son annulation pour les législatives de 2017 a été mal vécue.
La proposition de loi et la proposition de loi organique sont le fruit d'un travail pluraliste et consensuel du Sénat. J'encourage le Gouvernement à les inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, afin de réduire la fracture démocratique dont souffrent nos compatriotes établis hors de France. Je vous propose, au nom de la commission des lois, de les adopter ainsi modifiées.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La loi de 2013, madame Conway-Mouret, est un monument ! MM. Frassa et Leconte l'ont évaluée - pratique saine qui doit irriguer nos politiques publiques. Ces deux textes proposent des ajustements sans remettre en cause la création des conseils consulaires, dont nos compatriotes de l'étranger voient l'action au quotidien.
Le président de la République avait souhaité, devant l'AFE à l'automne 2017, qu'on réfléchisse aux moyens d'intéresser davantage les Français de l'étranger à leur représentation non parlementaire. Ces derniers sont fondés à se saisir du grand débat national, dont l'un des thèmes porte sur la citoyenneté : tendons l'oreille ! Cette proposition de loi est un vecteur intéressant qui pourra être enrichi le cas échéant.
Nous avons à coeur de préserver la proximité, le maillage dense des conseillers consulaires. Nous les avons consultés par voie électronique ; les deux tiers ont répondu. L'idée qu'ils soient tous membres de l'AFE est intéressante : cela éviterait les différents étages et accroîtrait la lisibilité de l'organisation. C'est une mesure de simplification. (Mme Hélène Conway-Mouret le confirme.)
Il faut retisser un lien plus fort entre l'AFE et les parlementaires, par exemple via une commission permanente des Français de l'étranger qui servirait de caisse de résonnance aux travaux de l'AFE.
Oui à l'autorisation d'absence pour les élus - sachant que certains, employés de droit local, n'y auront pas droit -, aux mesures d'ordre protocolaire, qui sont toutefois du domaine réglementaire, ou aux procurations pour les délégataires.
Sur d'autres points, il nous faudra encore travailler, avec les députés, avec vous, avec l'AFE. L'article 1A prévoit que le conseil consulaire est présidé par un élu, et non plus par le chef de poste. Je plaiderais plutôt pour une coprésidence, qui éviterait les impasses en obligeant à s'entendre sur l'ordre du jour.
Gare au contrat global d'assurance car le mieux est parfois l'ennemi du bien : la négociation individuelle peut être plus avantageuse...
Il faudra retravailler les délais pour que le repêchage des candidats soit compatible avec les délais pour l'information des électeurs.
La commission centrale de la propagande, calquée sur les commissions départementales, serait bien lourde si elle devait examiner toutes les professions de foi, mais peut être une solution intéressante, plus souple et moins coûteuse, si elle ne se prononce qu'en cas de litige.
Le régime des incompatibilités est à préciser. Par principe, un parlementaire de la République française ne doit pas pouvoir cumuler son mandat avec une activité de consul honoraire d'un autre pays.
Sur d'autres points, je suis plus réticent : le port de l'écharpe tricolore par les conseillers consulaires, par exemple. Gardons le parallélisme des formes avec les conseillers municipaux, qui ne porte l'écharpe que s'ils sont membres de l'exécutif.
La consultation prévue sur le vote électronique ferait double emploi puisque l'AFE est déjà représentée au sein du bureau du vote électronique. Nous sommes déterminés à mettre en place le vote par internet dès 2020 et avons renforcé l'équipe projet à cette fin.
Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat, en espérant que la navette permettra une convergence, pour une meilleure représentation non parlementaire des Français de l'étranger.
Sur trois millions, 1,8 million de Français établis hors de France sont inscrits sur les registres. Il est important de renforcer leur réseau d'élus de terrain et de leur montrer considération et respect. Merci pour votre contribution au débat.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat . - Il était entendu que la procédure de législation en commission serait réservée à des textes techniques et consensuels. C'était le cas pour le texte initial, auquel notre groupe n'avait pas d'objection. Mais les quatre nouveaux articles introduits par amendement changent la donne en créant quasiment un statut de l'élu consulaire, doté de prérogatives réservées aux maires, comme le port de l'écharpe tricolore, alors qu'ils n'ont qu'un rôle consultatif et ne sont ni officiers d'état civil, ni agents de l'État, ni dotés de pouvoirs de police.
Les amendements les autorisant à porter les insignes de la République ayant été avalisés par la commission, aucun amendement n'étant autorisé en séance publique, l'affaire est entendue. Bien joué ! Trop bien joué, car c'est le consensus sur la PLEC qui est remis en cause. Échaudé, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi qu'il s'apprêtait à adopter dans sa version initiale. Dommage !
M. Jean-Yves Leconte . - Merci à M. Frassa et Mme Deromedi pour leur travail consensuel. Point ici de grande réforme mais la correction de petites scories constatées dans la mise en oeuvre de la loi de 2013, sur les procurations, les conditions d'éligibilité ou les élections partielles. Nous avons prévu la présidence du conseil consulaire par un élu - l'idée d'une coprésidence est également intéressante - et permis aux présidents et vice-présidents de parrainer un candidat à la présidentielle.
Je regrette que des amendements de nature plutôt réglementaire conduisent le groupe CRCE à ne pas nous suivre.
La grande réforme, monsieur le ministre, sera pour une autre fois : la tradition républicaine interdisant de modifier les règles un an avant un scrutin, il faut agir vite pour que ces mesures s'appliquent aux élections de 2020.
En 2013, nous avions donné la priorité à la proximité en multipliant par trois le nombre d'élus et de circonscriptions. Une future réforme, si elle devait voir le jour, serait plutôt à axer sur le transfert de compétences aux élus - Stafe, politique d'action sociale ou bourses scolaires, par exemple - pour lutter contre l'abstention.
Pourquoi une représentation politique des Français de l'étranger ? Nous faisons entendre les idées du monde pour mieux s'adapter aux défis mondiaux. Nous défendons les politiques publiques qui nous concernent, les moyens de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et de l'administration consulaire.
Le groupe SOCR votera ces deux propositions de loi, avec un regret : que la majorité ne l'ait pas suivi sur le droit de vote des conseillers consulaires sur la constitution du conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Lorsqu'il était maire de Londres, Boris Johnson ironisait sur le fait qu'il présidait aux destinées de la sixième ville française, devant Bordeaux. Derrière l'anecdote, cela donne une bonne image de l'importance des Français de l'étranger. Nos expatriés bénéficient du troisième réseau consulaire au monde. Certains consulats sont devenus de véritables petites préfectures, et l'expatriation est encouragée par les volontariats internationaux : ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ?
Très tôt, la France a pris conscience de la force politique que constituent les Français de l'étranger. En témoigne le titre de « député de la Nation » créé en 1669 dans les colonies françaises.
La France a longtemps hésité à leur accorder une véritable représentation : quelques sièges de sénateurs en 1875, puis, en 2008, l'octroi de sièges à l'Assemblée nationale.
En parallèle, un rôle consultatif leur a été reconnu, avec des représentants d'abord désignés, puis élus au sein de l'AFE.
Ces propositions de loi renforcent la représentativité des élus consulaires. Sur le fond, elles participent au raffermissement du sentiment républicain de nos compatriotes de l'étranger. Les amendements en confirment l'esprit.
Les difficultés rencontrées à Francfort ont largement été abordées. Le vote électronique devrait être largement développé. Commençons par dématérialiser les processus administratifs internes !
Les expatriés français sont des métropolitains qui ont su tirer profit de la mondialisation, selon Boris Johnson. Espérons qu'ils contribueront à la réflexion dans le cadre du grand débat national. Le groupe RDSE ne s'opposera pas à ces propositions de loi qui contiennent des dispositions pertinentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)
M. Olivier Cadic . - Il y a 350 ans, en 1669, Colbert instituait les députés de la Nation en Inde et en Égypte pour assister le consul et exprimer les doléances auprès du roi.
En 1948, la France s'est dotée d'une structure de représentation avec le Conseil supérieur des Français de l'étranger, aujourd'hui Assemblée des Français de l'étranger.
La loi du 22 juillet 2013 d'Hélène Conway-Mouret a institué un échelon de proximité, les conseils consulaires. Mais qui dit nouveau scrutin dit nouvelles difficultés.
Ces propositions de loi améliorent la loi de 2013 et je salue le travail de M. Frassa, ainsi que celui de Mme Deromedi, qui les a enrichies. Elles répondront dès 2020 aux difficultés concrètes rencontrées lors du scrutin de 2014 - si le Gouvernement permet qu'elles prospèrent.
Elles adaptent les modalités des élections consulaires et des membres de l'AFE en instituant une commission centrale de la propagande au Quai d'Orsay pour assurer la conformité des professions de foi et des bulletins. C'est une nécessité : on ne peut demander à un chef de poste d'être un spécialiste de droit électoral.
Je remercie notre rapporteur d'avoir pris en compte mon amendement qui clarifiait le déroulement des élections sénatoriales pour les Français de l'étranger en dissociant, d'une part, l'introduction dans l'urne des plis remis à l'administration et, d'autre part, le vote à l'urne.
Les moyens d'action des conseillers consulaires et des membres de l'AFE doivent être augmentés. Leur engagement quotidien est, hélas, trop souvent méconnu. Si Theresa May a annoncé qu'elle renonçait à faire payer 65 livres sterling aux Européens effectuant les démarches pour obtenir le statut de résident au Royaume-Uni, c'est grâce à l'action de l'association « The 3 million », créée par un délégué consulaire, Nicolas Hatton. C'est aussi une conseillère consulaire qui a déniché les sites des deux nouvelles écoles secondaires de Londres.
Même dévouement dans de nombreux pays : en Espagne, Pierre-Oliver Bousquet a organisé six salons de l'emploi à Barcelone, quatre à Madrid, un à Saragosse et bientôt un à Malaga. En Équateur, une conseillère consulaire était auprès des Français traumatisés par le tremblement de terre. Même altruisme au Japon de la part de Thierry Consigny qui participait aux secours après le tsunami depuis l'ambassade, jour et nuit. Nous pourrions en citer tant d'autres...
Leur engagement quotidien mérite d'être valorisé, notamment par la présidence des conseils consulaires, hors de la tutelle de l'administration. J'aspire à une réforme qui associe mieux les élus de terrain et les parlementaires. N'attendons pas 2026 pour offrir une représentation plus proche et plus participative !
Le groupe UC votera ces propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Alain Marc . - La loi de 2013 a profondément revu le régime de représentation des Français de l'étranger. En juin 2015, un rapport en a dressé un premier bilan et formulé dix recommandations. La proposition de loi et la proposition de loi organique les mettent en oeuvre en vue des élections de 2020. Elles confortent l'exercice des mandats de conseiller consulaire et sécurisent le processus électoral. Une commission centrale de propagande est ainsi instituée pour contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote des candidats. Les conditions du vote à distance sont améliorées.
Je me réjouis que la commission des lois ait adopté ces deux textes à l'unanimité.
Plusieurs amendements techniques ont été adoptés et le calendrier des élections a été revu.
La présidence des conseils consulaires est confiée à un élu et les conseillers consulaires sont autorisés à arborer l'écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles.
Plusieurs amendements du groupe socialiste et républicain ont été adoptés pour éviter la multiplication des élections consulaires partielles.
Le groupe Les Indépendants votera sans réserve la proposition de loi et la proposition de loi organique, qui résultent d'un travail transpartisan.
M. Alain Richard . - Ce vote final, après un travail de législation en commission, donne lieu à un rassemblement de volontés : nous constatons de concert que la réforme de 2013 a introduit des progrès, renforçant la représentativité et le rôle de proposition.
Le groupe LaREM approuve le travail de la commission, même si je le dis avec prudence, n'ayant pas pu participer à la réunion de législation en commission.
L'essentiel est que le Gouvernement prenne intérêt à cette proposition de loi et en garde les bons côtés.
Espérons que la suite du débat bicaméral améliore ces textes.
M. Jean-Yves Leconte. - Très bien !
M. Ronan Le Gleut . - Ces deux propositions de loi amélioreront réellement la réforme de 2013, qui a montré lacunes et imperfections, même si elle a eu le mérite de faire des élus des Français de l'étranger des élus de proximité.
Alors que les Français de l'étranger seraient bien plus nombreux que les chiffres souvent avancés, de 1,8 million à 2 millions, puisqu'ils sont estimés entre 3,3 millions et 3,5 millions, selon l'Insee, il convenait de mieux les représenter.
Ma reconnaissance va à l'auteur des propositions de lois, Christophe-André Frassa, et au rapporteur de la commission des lois, Mme Jacky Deromedi ; et je tiens à remercier les présidents Philippe Bas et Bruno Retailleau d'avoir permis l'inscription de ces propositions de loi à l'ordre du jour.
L'organisation améliorée de la propagande électorale était nécessaire. Il fallait aussi répondre à des situations ubuesques, comme par exemple, l'absence de conseiller consulaire dans une circonscription pendant six ans, ou l'obligation de procéder à une élection partielle pour un seul délégué consulaire, alors même qu'une élection sénatoriale doit intervenir... Enfin, la présidence du conseil consulaire reviendra à un élu, ce qui corrigera une anomalie de la loi de 2013. Ce sont des avancées essentielles, pour le conseiller consulaire que j'ai été : contrairement à ce que pensent certains, il ne s'agit pas que de symboles, même si nous avons obtenu des progrès en termes de reconnaissance, comme le port de l'écharpe tricolore et la modification de l'ordre protocolaire.
J'ai accepté de retirer mon amendement sur les cartes tricolores au bénéfice de votre engagement, monsieur le ministre, qu'une circulaire ministérielle soit prise par vos soins, à l'instar de celle de 2011, pour mieux organiser les relations entre nos élus consulaires et nos diplomates. Il demeure bien trop de différences de traitement des élus consulaires selon les pays, les consuls, les ambassadeurs, selon les affinités personnelles, amicales ou politiques des uns ou des autres. Il faut y remédier.
Monsieur le ministre, je me félicite de votre engagement. Le groupe Les Républicains votera ces deux propositions de loi, en espérant que vous les ferez inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée.
La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°42 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 327 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Yvon Collin applaudit également.)
La séance est suspendue à 18 h 45.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Articles 91 et 121 de la loi ELAN
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi . - Le 16 octobre 2018, le Sénat adoptait définitivement le projet de loi ELAN après un processus engagé il y a plus d'un an avec le lancement de la conférence de consensus sur le logement, voulue par le président du Sénat et acceptée par le président de la République. Plus de 60 députés ont saisi le Conseil constitutionnel de plusieurs dispositions relatives à l'accessibilité des logements et à la loi Littoral.
Le 15 novembre, le Conseil constitutionnel a censuré 19 articles dont celui créant un observatoire des diagnostics immobiliers, celui modifiant les conditions des congés en matière de bail par une société civile immobilière familiale, celui instaurant une obligation pour le bailleur de notifier au syndic les coordonnées de son locataire ou encore celui relatif à la révision tous les cinq ans du décret fixant la liste des charges récupérables, les jugeant contraires à l'article 45 de la Constitution car sans lien, même indirect, avec le texte. Au regard de notre pratique, pourtant vigilante des irrecevabilités, cette censure nous a surpris. Je regrette que le Parlement n'ait pas été consulté par le Conseil.
La proposition de loi tire les conséquences de cette décision en reprenant les seuls articles qui contribuent au bien vivre ensemble et à la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires : l'article 91 sur l'accès permanent des forces de l'ordre aux parties communes des logements sociaux et l'article 121 pour lutter contre l'occupation des halls d'immeubles.
Il s'agit, non de refaire le débat sur la loi ELAN, mais de reprendre des dispositions essentielles pour les habitants des quartiers. Ils ne doivent plus subir les petites incivilités quotidiennes qui leur empoisonnent la vie. Ces petits ruisseaux législatifs contribuent à répondre à la demande de justice sociale.
D'autres mesures sont bien sûr nécessaires, en matière de police, de justice, d'éducation, de santé dans ces quartiers. L'accompagnement social ne doit pas pâtir des économies violemment réclamées aux bailleurs par l'État à travers la RLS et le regroupement des bailleurs : gardiens, médiateurs, travailleurs sociaux sont aussi précieux que peu mutualisables.
Comme je l'avais annoncé en juillet dernier, notre commission assurera un suivi en mettant en place un « baromètre banlieues » ; l'évaluation de terrain pourra nous conduire à proposer des mesures correctives.
Je souhaite que ce texte soit rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et que les députés fassent preuve d'une sagesse toute sénatoriale en le votant conforme.
Merci à Jacques Mézard pour le concours qu'il nous a apporté lors de l'examen de la loi ELAN, y compris pour la construction de ces articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques . - La proposition de loi présentée par la présidente Sophie Primas reprend in extenso les articles 91 et 121 de la loi ELAN censurés par le Conseil constitutionnel. Je la remercie pour son initiative. Ces deux articles votés et conservés en CMP doivent enfin avoir force de loi ; ils sont des outils, nécessaires sans être suffisants, que les bailleurs sociaux pourront utiliser afin de préserver la tranquillité et la sécurité des locataires.
L'article premier pose le principe selon lequel les organismes HLM accordent aux forces de l'ordre une autorisation permanente d'accéder aux parties communes de leurs immeubles. Le Sénat y était favorable.
Le I de l'article 2 modifie le délit d'occupation des halls d'immeubles. L'occupation en réunion des espaces communs ou les toits des immeubles qui nuit à la tranquillité des lieux sera punie des mêmes peines que celles actuellement prévues pour le cas d'occupation abusive des espaces communs. La sanction est aggravée de six mois à un an en cas de voies de fait et de menaces. Le juge pourra prononcer une peine complémentaire d'interdiction, pour trois ans au plus, de paraître sur les lieux dans lesquels l'infraction a été commise. Ces dispositions figuraient dans la loi Égalité et citoyenneté, mais avaient été censurées pour des motifs de forme.
Le II reprend des dispositions introduites par le Sénat, modifiées par la commission mixte paritaire. Il s'agit de faire en sorte que la clause permettant de résilier de plein droit le bail en cas de condamnation définitive du locataire pour troubles de voisinage soit réputée écrite dès la conclusion du contrat de bail. Le dispositif est encadré : le trouble de voisinage invoqué devra non seulement avoir été constaté par une décision de justice mais aussi avoir eu lieu postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi. C'est une façon d'envoyer un signal positif aux locataires qui occupent paisiblement leur logement.
En outre, les infractions relatives au trafic de stupéfiants commises dans le logement, l'immeuble ou le groupe d'immeubles seront désormais assimilées aux troubles de voisinage si bien que le bail pourra être résilié en cas de condamnation du locataire ou de son enfant mineur pour ce motif. Cette mesure va dans le bon sens : le trafic est un élément majeur des troubles de voisinage devant lequel les bailleurs se trouvaient démunis jusqu'à présent. Ce qui créait des situations d'incompréhension : les locataires dénonçaient leur inaction. Nous offrons aux bailleurs, en leur permettant d'invoquer une condamnation pour trafic, un moyen d'agir.
Ces dispositions nécessitent l'entière mobilisation de la chaîne police - justice. Elles ne sont d'ailleurs qu'une partie de la réponse pour nos quartiers : des politiques éducatives et de prévention de la délinquance doivent être menées et les moyens de la police, notamment de sécurité au quotidien, et de la justice renforcés. J'espère que le Gouvernement prendra des engagements en ce sens. Je vous demande d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Cécile Cukierman ainsi que M. Jacques Mézard applaudissent également.)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Le « bien vivre ensemble » est au coeur de la cohésion sociale, au coeur de l'action du Gouvernement et du Sénat. Cette ambition est plus difficile à réaliser dans certains quartiers, confrontés à des problèmes particuliers de sécurité, des difficultés économiques et sociales, dont les habitants se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. Ils aspirent à une vie paisible à commencer par chez eux, une vie où les nuisances ou les violences, notamment celles liées au trafic de drogue, ne viennent pas dégrader leur immeuble, leur cadre de vie et l'image des quartiers dans lesquels ils vivent.
Cette proposition de loi améliorera les conditions de vie des locataires du parc social, l'article 2, de tous les locataires. Le législateur avait déjà adopté ces mesures mais elles ont été écartées par le Conseil constitutionnel - cela a été rappelé.
Je salue le travail collégial mené par le ministre Jacques Mézard, la présidente Primas et le rapporteur Mme Dominique Estrosi Sassone pendant les débats sur le projet de loi ELAN. Nous lui devons une CMP conclusive. (M. François Bonhomme approuve.)
Les premières victimes de l'insécurité sont les habitants. Les forces de l'ordre, aux termes de l'article premier, pourront se rendre en permanence dans les parties communes des immeubles. L'article 2 élargit le champ d'application de l'occupation abusive des parties communes et renforce les sanctions dans certains cas. En outre, les conditions de résiliation du bail sont élargies.
Le Gouvernement les soutient comme il soutient les trois amendements identiques de MM. Grand et Richard reprenant des dispositions de la loi ELAN. Le premier prévoit que les huissiers puissent accéder aux boîtes aux lettres pour améliorer la prévention des expulsions locatives, idem pour les agents assermentés des services municipaux et départementaux du logement pour faire appliquer la règlementation des locations touristiques et les agents de l'Insee pour le recensement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Annie Guillemot . - Après la censure de 19 articles par le Conseil constitutionnel, nous examinons à nouveau les articles 91 et 121 de la loi ELAN qui touchent à la vie quotidienne des habitants de certaines résidences. Je regrette que ce texte ne vise pas également les copropriétés privées où le problème se pose également mais différemment.
L'article premier accorde aux forces de l'ordre un accès permanent aux parties communes des immeubles HLM. Actuellement, cette autorisation doit être renouvelée tous les six mois. Nous saluons cette mesure d'efficacité. L'article 2 élargit la notion d'occupation illégale des parties communes et aggrave les sanctions en la matière. Il faudra cependant que la police dispose des moyens de faire respecter cette règle - c'est une ancienne maire qui vous le dit...
Les cas de résiliation automatique du bail sont étendus au trafic de stupéfiants lorsqu'une décision de justice a été prise contre un locataire. Ce point est essentiel en matière de tranquillité dans les quartiers. Nous l'avions souligné avec Valérie Létard dans notre rapport d'information relatif à la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine : la tranquillité publique est une question prégnante et récurrente, qui doit être prioritaire dans la politique de la ville.
La proposition de loi prévoit une application rétroactive de ladite clause résolutoire. Ce point est sensible au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le juge peut, en outre, déjà prononcer la résiliation du bail en cas de trafic de drogue. La rétroactivité nous semble donc fragiliser la mesure, déjà sensible du fait de son automaticité. Nous proposerons sa suppression. Hormis ce point, ce texte est utile à la sécurité dans les quartiers.
En revanche, que dire de la politique de prévention ? Les élus se disent circonspects sur le déploiement de la police de sécurité du quotidien, son articulation avec la police municipale et craignent une recentralisation du partenariat local entre les mains des forces de l'État. Nous espérons que la concertation sur la base du rapport Fauvergue-Thourot permettra de renouer avec une politique de prévention qui se fait attendre depuis plus d'un an.
La police et la justice, enfin, devront bénéficier de moyens à la hauteur des besoins et des préoccupations des habitants.
Le groupe SOCR s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jacques Mézard . - Merci à la présidente de la commission des affaires économiques de ramener un cavalier législatif au galop... (Sourires)
M. Marc Daunis. - ... dans la nuit !
M. Jacques Mézard. - Nous étions arrivés à un texte assez consensuel au terme du débat sur le projet de loi ELAN. La question de la sécurité et de la tranquillité de nos concitoyens est essentielle. Il existe nombre de situations intolérables.
Parfois, des locataires ne peuvent rentrer normalement à leur domicile. Certains résidents, certains individus rendent leur vie difficile. Il est non seulement utile mais indispensable de réagir.
Dans son article premier, la proposition de loi autorise les forces de l'ordre à pénétrer à tout moment dans les parties communes. Cela facilitera leur travail et leur redonnera confiance. Souvent, les forces de l'ordre éprouvent de la lassitude face à des situations qui ne trouveront aucune suite judiciaire même s'ils interviennent. Il est prématuré de dresser un bilan de la police de sécurité du quotidien, elle n'a que quelques mois d'existence.
L'article 2 précise et aggrave le délit d'occupation d'un hall d'immeuble. Envoyer un signal est utile, envoyer un signal efficace l'est davantage... L'infraction était jusque-là difficile à caractériser sur le terrain, d'où un faible nombre de condamnations.
La résiliation du bail de plein droit avec effet rétroactif est une solution de bon sens, même si je suis habituellement, dans mon expression juridique et politique, plutôt défavorable à la rétroactivité.
Le groupe RDSE soutiendra les amendements Richard-Grand. Il est évident qu'il faut donner aux huissiers la possibilité d'entrer dans les halls d'immeubles quand tant d'autres peuvent le faire en toute légalité. Cela sera utile aux habitants qui ignorent être menacés de procédure d'expulsion en raison des modalités de délivrance des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission).
Mme Valérie Létard . - Le Conseil constitutionnel a déclaré les articles 91 et 121 de la loi ELAN contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Au vu de l'importance de ces dispositifs pour le bien-vivre ensemble, la sécurité et la tranquillité des locataires, je salue l'initiative de la présidente de la commission des affaires économiques. Ce texte a d'ailleurs été cosigné par plusieurs membres de l'UC.
Comment en sommes-nous arrivés là dans certains quartiers ? La place de l'État et des forces de l'ordre sont mises en avant à l'article premier. Cela répond à la demande des bailleurs sociaux. Certains quartiers, par manque de moyens et non de volonté, sont délaissés. L'article premier ne répond certes pas à ce manque de moyens ni ne résoudra seul la situation, notamment lorsque les policiers, en sous-effectif, sont cantonnés en soirée au commissariat. Dans le rapport d'information que nous avons publié avec Annie Guillemot, nous avions également souligné le rôle des bailleurs sociaux. Aux termes de l'article 271-1 du code de la sécurité publique, il leur revient de prendre des mesures pour assurer le gardiennage ou la surveillance de leurs locaux.
L'article 2 contribuera aussi au bien vivre des résidents, en modifiant le délit d'occupation des halls d'immeubles. Il complète l'article 126-3 du code de la construction en aggravant notamment les peines en cas de voie de fait et de menace et autorise la résiliation automatique du bail en cas de condamnation pour troubles de voisinage et de trafic de stupéfiants. Ces mesures vont dans le bon sens ; nous devrions les élargir au parc privé, notamment aux copropriétés dégradées.
En 2017, lors de nos déplacements, Annie Guillemot et moi-même avions été frappés de voir ce thème de la tranquillité et de la sécurité des habitants des quartiers revenir constamment, du nord au sud et de l'est à l'ouest de la France. Je note que la proposition de loi de Vincent Delahaye sur les rodéos sauvages, adoptée à l'été 2018, améliore aussi la situation.
Le groupe UC approuve cette proposition de loi à condition qu'elle soit accompagnée des moyens adéquats et d'une vision globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, sur quelques bancs des groupes SOCR, Les Républicains, RDSE et sur le banc de la commission).
M. Jean-Pierre Decool . - Il y a quelques années, dans le quartier des Izards à Toulouse, des trafiquants de drogue affichaient leurs tarifs dans les halls d'immeuble, filtraient les allées et venues, imposaient leurs lois jusqu'à menacer les habitants en cas de plaintes aux forces de l'ordre. La situation était identique à Moissy-Cramayel en Seine-et-Marne, il y a quelques semaines. Faute de présence régalienne, les lois de République semblent s'arrêter aux portes de certains immeubles où elles sont remplacées par les dictats de délinquants et de leurs économies souterraines.
Les deux articles de la proposition de loi, qui sont complémentaires, ont été censurés par le Conseil constitutionnel dans la loi ELAN. Le groupe Les Indépendants soutiendrait, si besoin est, une troisième fois ces dispositions !
Nous avons déposé un amendement pour étendre le délit d'occupation abusive aux occupations individuelles, et non seulement « en réunion »...
La criminalité organisée représentait 5 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2017, dont la moitié concernerait le trafic de stupéfiants. La police du quotidien aidera à neutraliser ces réseaux. Les zones de non-droit n'ont pas leur place au pays des droits de l'homme !
Nous attendons le décret relatif à la loi du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique.
La répression n'est pas la seule réponse. « La misère est le meilleur terreau de la délinquance », pour reprendre les mots de l'ancien patron du RAID, Christian Lambert.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais je défendrai mon amendement pour prendre en compte le critère individuel d'occupation des parties communes. Une personne peut se montrer aussi agressive et violente que deux « en réunion » ! (M. Alain Richard applaudit.)
M. Bernard Buis . - Nous reprenons deux articles de la loi ELAN, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers législatifs, malgré un consensus des deux chambres du Parlement.
Saluons l'initiative de Sophie Primas car, au-delà des clivages partisans, les deux articles de cette proposition de loi répondent aux attentes des locataires et des bailleurs. Le premier article autorise les forces de l'ordre à intervenir en cas d'occupation par des bandes de jeunes et de moins jeunes qui font des halls d'immeuble des espaces exclusifs, voire privatifs. Ces lieux peuvent devenir les plaques tournantes de l'économie parallèle ou de trafics, et pas seulement dans les quartiers des grandes villes. Il est essentiel que les forces de l'ordre puissent pénétrer dans ces lieux pour protéger nos citoyens les plus vulnérables et réduire les zones de non-droit.
L'article 2 modifie le délit d'occupation des halls d'immeuble et aggrave les peines encourues en cas de voies de fait ou de menaces. Il applique aux contrats de bail en cours une clause de résiliation en cas de troubles de voisinage punis par la justice. Ces mesures sont essentielles pour la tranquillité dans les quartiers à laquelle contribuera le déploiement de la police du quotidien.
Pour ma première intervention en discussion générale dans cet hémicycle, je suis heureux d'annoncer que le groupe LaREM votera ce texte assorti des amendements d'Alain Richard en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur le banc de la commission)
M. Fabien Gay . - Alors que la France affronte une crise sociale liée au mal-vivre et à l'accroissement des inégalités, le Sénat a jugé urgent d'examiner ce texte. Et les urgences écologique, sociale et industrielle ?
M. Philippe Pemezec. - Vous avez fabriqué les ghettos !
M. Fabien Gay. - Mais revenons à ce texte : sa logique procède de la loi du 15 novembre 2001, complétée par la loi de 2003 sur la sécurité intérieure ; des lois ultra-sécuritaires que le groupe CRCE a toujours combattues. Dix-sept ans après, rien n'a changé parce que rien n'a été fait pour traiter le mal à la racine. Aux habitants des quartiers, on continue d'assigner pour horizon le chômage et le déclassement. Évidemment, il est inadmissible que certains aient peur de rentrer chez eux. (Approbations ironiques à droite) Immeubles délabrés, services publics supprimés ou rabotés, commerces qui ont déserté, tout cela s'ajoute pour nourrir le désespoir des habitants et, plus particulièrement, des jeunes qui se pensent sans avenir.
M. Philippe Pemezec. - Quel toupet !
M. Fabien Gay. - Mais comment constater ces délits quand les policiers ne pénètrent plus dans ces quartiers, faute d'effectifs ? Quand les plus jeunes agents, sans expérience, travaillent la peur au ventre ? Monsieur le ministre, qu'en est-il de la police de sécurité du quotidien annoncée à grand renfort de campagne médiatique ? Élus et habitants l'attendent toujours.
Mme Cécile Cukierman. - Exactement !
M. Fabien Gay. - Ce dont ces quartiers ont besoin, comme le mettaient en avant l'appel de Grigny et le plan Borloo qui a été jeté aux oubliettes, c'est d'un retour de l'État pour assurer la sécurité et lutter efficacement contre les trafics.
Il faut des moyens pour les politiques de prévention et de rénovation urbaine. Il faut des moyens pour la police et la justice. Rétablissons une police de proximité ! Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable.
Nous ne sommes pas opposés à l'article premier, qui est une demande du secteur HLM. En revanche, nous sommes totalement opposés à l'article 2, qui renforce ce qui s'est avéré inutile et inefficace. « L'atteinte à la tranquillité publique » restera toujours aussi difficile à démontrer. Et pourquoi renforcer encore les sanctions ? C'est inefficace, voire contreproductif si la répression ne s'accompagne pas d'une dimension éducative. Développons plutôt des partenariats entre éducation nationale, élus, professionnels de terrain et bailleurs sociaux.
Rendre les clauses résolutoires obligatoires pour les seuls HLM crée une iniquité inacceptable entre parc social et parc privé. Idem pour la rupture du bail des personnes dont les enfants auraient été condamnés pour trafic de stupéfiants, qui rappelle la loi de 2003 qui prévoyait de couper les allocations pour les parents d'adolescents délinquants...
M. Philippe Pemezec. - Très bien !
M. Fabien Gay. - Le ministère de l'Éducation nationale veut faire de même pour les parents d'enfants violents : décidément, c'est une obsession ! Comment espérer régler les problèmes en enfonçant encore ces familles ? Ces quartiers, moi j'y habite ! (M. Philippe Pemezec s'exclame.) Attelons-nous plutôt à changer la vie des quartiers populaires dans toutes leurs dimensions.
Le groupe CRCE s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Serge Babary . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je remercie Sophie Primas de son initiative. Cette proposition de loi reprend deux articles de la loi ELAN, censurés par le Conseil constitutionnel le 15 novembre dernier, uniquement sur la forme. Un consensus ayant été trouvé, il était important d'inscrire ces dispositions dans le droit.
L'article premier reprend à l'identique l'article 91 du projet de loi ELAN. Il oblige les organisations HLM à accorder aux forces de l'ordre une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes des immeubles. En l'état du droit, il s'agit d'une simple faculté, pas d'une obligation : les bailleurs sociaux doivent avoir donné leur accord. Dorénavant, les forces de police pourront intervenir en permanence. Adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale avec un avis favorable du Gouvernement, votée sans modification par le Sénat, cette disposition va dans le bon sens.
Le second article, qui reprend à l'identique l'article 191 du projet de loi ELAN, élargit le champ de l'infraction d'occupation illégale des halls d'immeuble et renforce les sanctions applicables.
Peu de poursuites sont engagées sur ce fondement, encore moins débouchent sur des condamnations car l'infraction est difficile à caractériser. Espérons que l'extension aux nuisances à la tranquillité des lieux améliorera l'efficacité du dispositif.
Il est également utile de généraliser la vidéosurveillance avec transmission en temps réel aux forces de l'ordre. Ancien maire de Tours, j'ai pu constater qu'elle était dissuasive et souhaitée par les locataires. Val Touraine Habitat a ainsi conclu un protocole de coopération avec le procureur de la République, la Direction de la sécurité publique et la gendarmerie, avec des résultats probants.
Enfin, les critères de résiliation de plein droit du bail sont élargis aux troubles du voisinage ayant fait l'objet d'une décision de justice, ce qui inclut désormais le trafic de stupéfiants. Réputée écrite dès la conclusion du contrat, cette clause résolutoire s'appliquera donc aux contrats conclus avant la loi de 2007.
Responsable civilement et pénalement du comportement de son locataire, le bailleur doit pouvoir légalement éloigner le locataire qui adopte un comportement répréhensible.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. le président. - M. Pemezec a renoncé à prendre la parole, je l'en remercie.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Cécile Cukierman . - La République a l'impérieuse obligation de garantir la sécurité et la tranquillité de chacun, quelle que soit sa condition sociale. Quel que soit le lieu qu'on habite - que l'on n'a pas forcément choisi - on doit pouvoir rentrer sereinement chez soi. Il appartient à l'État de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour assurer cette sécurité et cette tranquillité publique.
Il peut être nécessaire de faire évoluer le droit pour permettre aux forces de l'ordre d'accéder à certains lieux, mais sans hypocrisie ni démagogie ! Le problème va bien au-delà de la simple autorisation de pénétrer dans les cages d'immeuble. Dans certains territoires, les forces de l'ordre sont absentes. Il convient d'y ramener la République, donc la sécurité. Quelles sont les mesures que prévoit le Gouvernement pour rendre effective l'application de l'article premier - auquel nous ne nous opposons pas ?
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. Fabien Gay . - Notre amendement sur la police de sécurité du quotidien a été hélas déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous voterons contre l'article 2 qui ne règlera en rien les problèmes que connaissent les quartiers populaires, abandonnés par la République.
Pour constater les faits, encore faut-il que la police rentre dans les immeubles ! Or la Seine-Saint-Denis compte trois fois moins de policiers, trois fois moins de juges qu'ailleurs. C'est un rapport parlementaire qui le dit ! Une descente de police mobilise beaucoup de monde, or les commissariats n'ont même pas les effectifs pour assurer une patrouille de nuit ! Et les tribunaux sont engorgés. Il est anormal que seul Aulnay-Sous-Bois ait été retenu pour bénéficier de la police de sécurité du quotidien car de nombreux territoires sont concernés. L'éducation nationale a aussi son rôle à jouer pour que la République reprenne sa place dans ces territoires.
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre . - Je partage vos propos. Certains territoires, dans lesquels je me rends fréquemment, souffrent d'un sentiment d'abandon. Comment des femmes à la tête de familles monoparentales peuvent-elles chercher sereinement un boulot quand leur quartier ne dispose ni de pédiatres - hormis une demi-journée par semaine à la PMI -, ni de transports ? C'est le père de famille qui vous parle !
Depuis Clichy-sous-Bois ou Montfermeil, il faut un temps considérable pour rallier Paris.
M. Fabien Gay. - Deux heures !
M. Julien Denormandie, ministre. - Le tram va changer la donne et bientôt le métro du Grand Paris.
M. Fabien Gay. - Nous l'espérons !
M. Julien Denormandie, ministre. - Le président de la République l'a confirmé.
Premier pilier de la politique du Gouvernement, la reconquête républicaine est indispensable car la sécurité est la première des libertés. Je me réjouis de constater que vous êtes favorable à la police de sécurité du quotidien. (Sourires sur les bancs du groupe CRCE). À Garges-les-Gonesse, où des mômes de 12 ans se tabassent entre eux, nous l'avons mise en place. Cela a permis de créer des liens entre le rectorat, les conseils citoyens, la police et les associations. Certes, la relation de confiance ne se retissera pas du jour au lendemain.
Quinze quartiers ont été retenus l'an dernier pour la police de sécurité du quotidien ; quinze autres en bénéficieront en 2019 ; les effectifs de police et de gendarmerie ont été augmentés de 1 300.
Le deuxième pilier est notre politique de réussite républicaine. Un jeune des quartiers qui a accédé aux études supérieures grâce à ses efforts, aux sacrifices de sa famille et aux moyens consentis par la République a 2,5 fois moins de chance d'accéder à l'emploi qu'un autre enfant de la même République. C'est une faillite colossale ! Cette discrimination à l'embauche au seul motif de l'adresse envoie un message désastreux. Nous devons élargir l'horizon et redonner l'espoir aux jeunes des quartiers.
M. Fabien Gay. - Il faut des moyens !
M. Julien Denormandie, ministre. - Nous agissons à tous les stades de la vie en augmentant les places en crèche ou d'autres solutions pour les moins de trois ans, en dédoublant les classes de CP en ZEP, en proposant 25 000 stages de troisième aux jeunes des quartiers via une plateforme internet dédiée, en luttant contre la discrimination à l'embauche. Un testing est en cours auprès des grandes entreprises. (M. Fabien Gay manifeste son scepticisme.) Le drame de ces jeunes est que leur réseau se limite aux bornes du quartier ; il faut l'élargir !
Mme Cécile Cukierman. - Très bien. Maintenant, il faut les moyens.
M. Fabien Gay. - Nous sommes d'accord !
M. le président. - Amendement n°5 rectifié nonies, présenté par MM. Decool, Malhuret et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Capus, Wattebled, Chasseing, Laufoaulu et Bignon, Mme Noël, MM. Regnard et Cardoux, Mme N. Delattre, MM. Longeot et Le Nay, Mme Vermeillet, MM. Rapin et Panunzi, Mmes Micouleau et Guidez, M. Pellevat, Mme A.M. Bertrand, MM. Kern, Gabouty, Karoutchi, Bonne et B. Fournier, Mme Dumas, M. Louault, Mme Guillotin, M. Paccaud, Mme Berthet, MM. Laménie et Daubresse, Mmes de la Provôté et Lopez, MM. Revet et Cazabonne, Mme Garriaud-Maylam et M. Priou.
Alinéa 2
Après le mot :
alinéa,
insérer les mots :
les mots : « en réunion » sont supprimés et,
M. Jean-Pierre Decool. - Cet amendement étend le délit d'occupation illégale des parties communes d'un immeuble à toute occupation par un groupe de personnes ou par une personne seule des espaces communs ayant pour effet de nuire à la tranquillité des lieux.
Je comprends mal le critère purement numérique d'occupation « en réunion », alors qu'un individu seul peut nuire à la tranquillité. Mon amendement va dans le sens du texte.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Si nous vous suivions, l'occupation d'un hall d'immeuble par un SDF pourrait être pénalement condamnée. Cela changerait la philosophie de l'infraction. Nous souhaitons que la proposition de loi aille au bout de son cheminement législatif ; cela suppose de ne pas revenir sur les dispositifs adoptés en CMP. Retrait ou avis défavorable.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
M. Jean-Pierre Decool. - J'entends ces contraintes techniques mais je trouve regrettable qu'on ne puisse considérer mes arguments. On ne sait pas qu'elle sera l'attitude d'une personne qui occupe un espace commun avant de la rencontrer ; elle peut être fragilisée, avoir besoin d'accompagnement. L'approche n'est pas uniquement sécuritaire.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Je comprends l'esprit mais il s'agit, dans cet amendement, de poursuivre pénalement la personne. Cela change la philosophie de l'article...
L'amendement n°5 rectifié nonies n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Mme Annie Guillemot. - La clause résolutoire est nécessairement contractuelle. Inscrire dans la loi qu'elle est réputée écrite dès la conclusion du contrat, c'est revenir sur la protection dont doivent bénéficier les contrats légalement conclus. Compte tenu des conséquences irréversibles de l'application d'une clause résolutoire, c'est encourir un risque d'inconstitutionnalité.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Nous entendons vos interrogations mais le contrat de bail doit respecter les règles d'ordre public fixées par la loi du 6 juillet 1989. Il s'applique à une situation légale, ce qui permet d'appliquer la loi nouvelle aux contrats en cours.
Nous avons encadré le dispositif : l'application de la clause nécessite une décision de justice et la résiliation est justifiée uniquement par des faits commis après la promulgation de la présente loi.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
M. Jacques Bigot. - Ce texte est délicat. Nous essayons de répondre au problème depuis des années ! Malgré un accord des deux chambres, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif considéré comme un cavalier.
Je crains qu'en refusant cet amendement, on n'expose le bailleur qui aurait invoqué la clause résolutoire à un contentieux, via une question prioritaire de constitutionnalité. En quoi la rétroactivité lui aura-t-elle alors rendu service ? C'est dangereux juridiquement, et fragilise le texte.
M. Marc Daunis. - J'avais développé ces mêmes arguments en commission. Ce texte prétend répondre de façon pratique à des situations connues qui font peser des risques de dérive. Ce sont des problèmes basiques mais vécus douloureusement par les locataires. L'automaticité de la peine a été votée dans la loi ELAN, nous nous y sommes résolus par souci de réalisme.
Mais vous rajoutez maintenant un principe de rétroactivité, à rebours de notre volonté de rester dans le cadre de la CMP et au risque de fragiliser juridiquement la démarche. C'est prendre un risque inutile au regard du bénéfice attendu ! Il serait sage de voter notre amendement.
M. Alain Richard. - La notion de rétroactivité ne s'oppose pas à ce qu'une norme nouvelle s'applique à une situation en cours : c'est ce que nous votons chaque année en loi de finances. Les contrats en cours peuvent être complétés par des dispositions légales nouvelles sans qu'il n'y ait rétroactivité.
Il y aurait rétroactivité si les dispositions pénales étaient applicables à des faits commis antérieurement - ce qu'écarte la rédaction.
Si l'on restreint la clause aux seuls nouveaux contrats de location, la totalité du parc HLM en serait exclue : il faudrait attendre vingt ans pour qu'elle soit appliquée partout !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Cette disposition a été introduite au Sénat lors de l'examen du projet de loi ELAN. Rien n'a été ajouté. (Mme Annie Guillemot le conteste.) C'est cette rédaction exactement qui a fait l'objet d'un accord en CMP.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. Marc Laménie. - J'abonde dans le sens de nos collègues de la commission des affaires économiques.
Ce texte soulève de vrais sujets de société, quelle que soit la taille des communes et des quartiers concernés. Je témoigne de l'importance de la police de proximité - mais aussi de la gendarmerie, et des sapeurs-pompiers, dont le travail mérite d'être salué. La tranquillité publique est essentielle pour les familles, de même que le rôle des enseignants, des bénévoles des associations, des centres sociaux et culturels...
Ce problème est ancien, une prise de conscience s'impose. Je voterai cet article important.
L'article 2 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Grand.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 111-6-6 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les huissiers de justice ont accès aux boîtes aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs mentionnés à l'article L. 111-6-3. »
M. Jean-Pierre Grand. - Cet amendement, comme les suivants, intègre à la proposition de loi les articles 123, 144 et 152 de la loi ELAN, eux aussi censurés en tant que cavaliers. Tous concernent les conditions d'accès aux espaces communs des immeubles d'habitation.
L'amendement n°1 permet aux huissiers de justice d'accéder aux boîtes aux lettres dans les immeubles d'habitation dans les mêmes conditions que les agents de La Poste. Il avait été adopté par le Sénat à l'initiative de Marc-Philippe Daubresse et été validé par la CMP.
M. le président. - Amendement identique n°10 rectifié bis, présenté par MM. Richard, de Belenet, Mohamed Soilihi, Marchand, Théophile et Gattolin, Mme Schillinger, MM. Cazeau, Karam, Navarro, Lévrier, Bargeton et Haut, Mme Cartron et MM. Rambaud et Amiel.
M. Alain Richard. - C'est le même. Le droit d'accès des auxiliaires de justice doit être garanti.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Grand.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est complétée par une sous-section ... ainsi rédigée :
« Sous-section ...
« Accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles
« Art. L. 111-6-... - Afin d'être en mesure d'assurer leurs missions de service public, les agents de l'Institut national de la statistique et des études économiques et des services statistiques ministériels ont accès, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, aux parties communes des immeubles d'habitation dans lesquelles sont situés les boîtes aux lettres et l'interphone. »
M. Jean-Pierre Grand. - Il s'agit ici des services statistiques publics. Cette rédaction a été adoptée par le Sénat à l'initiative de Mme Lienemann et validée en CMP.
M. le président. - Amendement identique n°12 rectifié bis, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Cazeau, Navarro et Bargeton, Mme Cartron, MM. Rambaud et Théophile, Mme Schillinger et MM. Karam, Lévrier, Haut, Gattolin, Marchand, de Belenet et Amiel.
M. Alain Richard. - C'est le même.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Grand.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 651-6 du code de la construction et de l'habitation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement d'accéder, pour l'accomplissement de leurs missions de constatation des conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu'ils visitent, aux parties communes des immeubles d'habitation.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. »
II. - À l'article L. 126-1 du code de la construction et de l'habitation, après le mot : « municipale », sont insérés les mots : « et aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement ».
III. - Le i de l'article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi rédigé :
« i) L'autorisation permanente accordée à la police nationale, à la gendarmerie nationale ou, le cas échéant, à la police municipale ou aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement, de pénétrer dans les parties communes ; ».
M. Jean-Pierre Grand. - Même chose, pour les agents assermentés du service municipal ou départemental du logement. Là encore, c'est une rédaction du Sénat, qu'a validée la CMP.
M. le président. - Amendement identique n°11 rectifié bis, présenté par MM. Richard et Cazeau, Mme Cartron, MM. Bargeton, Navarro, Mohamed Soilihi, Rambaud et Théophile, Mme Schillinger et MM. Karam, Lévrier, Haut, Gattolin, Marchand, de Belenet et Amiel.
M. Alain Richard. - Défendu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Nous avions en effet voté ces dispositions lors de l'adoption de la loi ELAN. Quel est l'avis du Gouvernement ? Nous souhaitons avant tout assurer l'adoption des deux articles qui constituent le coeur de la proposition de loi. Toutefois, si le ministre donne un avis favorable, je ferai de même. Le Sénat resterait ainsi cohérent avec ses votes.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je vous confirme mon avis favorable sur ces amendements et je salue le travail de MM. Grand et Richard. La cohérence est une vertu qu'il faut savoir défendre en politique ! (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Les amendements identiques nos1 et 10 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Les amendements identiques nos3 et 12 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Les amendements identiques nos2 et 11 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Remplacer les mots :
aux articles 91 et 121
par les mots :
à plusieurs articles
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Amendement de coordination pour tenir compte des articles que nous venons d'adopter.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Grand.
Remplacer les mots :
articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
par les mots :
conditions d'accès aux espaces communs des immeubles d'habitation
M. Jean-Pierre Grand. - Défendu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Il est plus restrictif : retrait ?
L'amendement n°4 est retiré.
L'amendement n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Prochaine séance demain, mercredi 23 janvier 2019, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 20.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 23 janvier 2019
Séance publique
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - M. Victorin Lurel
1. Proposition de loi relative à l'aménagement du permis à points dans la perspective de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire, présentée par Mme Sylvie Goy-Chavent et plusieurs de ses collègues (n° 392, 2017-2018)
2. Explications de vote des groupes sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie (texte de la commission n° 238, 2018-2019).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°42 sur l'ensemble de la proposition de loi organique tendant à actualiser les dispositions applicables aux élections organisées à l'étranger.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 344
Suffrages exprimés : 344
Pour : 327
Contre : 17
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (74)
Pour : 74
Groupe UC (51)
Pour : 50
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance
Groupe LaREM (23)
Pour : 23
Groupe du RDSE (22)
Pour : 22
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (12)
Pour : 12
Sénateurs non inscrits (5)
Pour : 2
Contre : 1 - M. Jean Louis Masson
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier