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Table des matières
Praticiens diplômés hors Union européenne (Procédure accélérée)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires sociales
Discussion de l'article unique
Mme Martine Berthet, rapporteure
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État
Indivision successorale et logement outre-mer
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne
M. Édouard Philippe, Premier ministre
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Malaise des forces de sécurité (I)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Malaise des forces de sécurité (II)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
M. Franck Riester, ministre de la culture
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Indivision successorale et logement outre-mer (Suite)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur
Ordre du jour du mercredi 19 décembre 2018
SÉANCE
du mardi 18 décembre 2018
44e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Dominique de Legge.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Praticiens diplômés hors Union européenne (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne.
Discussion générale
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Cette proposition de loi est nécessaire. Je remercie le président Milon et la Conférence des présidents d'avoir permis son examen dans des délais si contraints.
À compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens diplômés hors Union européenne ou Padhue ne rempliront plus les conditions légales pour exercer leurs fonctions. Or ils sont indispensables aux établissements de santé dans lesquels ils exercent, notamment dans les zones souffrant d'un grave déficit de médecins ou dans les spécialités en tension.
Comment en est-on arrivé là ? Il existe plusieurs procédures d'autorisation d'exercice. La liste A repose sur un concours assorti d'une année probatoire. Une procédure dérogatoire d'autorisation sur examen est prévue pour les praticiens ayant la qualité de réfugiés ou d'apatrides, c'est la liste B. Enfin, la liste C consiste en une autorisation temporaire d'exercer. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, en son article 83, a défini les critères d'éligibilité à cette autorisation temporaire : un exercice rémunéré de deux mois continus au moins entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, l'exercice dans des services agréés pour la formation des internes pendant trois années en équivalent temps plein. Pour sortir du dispositif temporaire, les praticiens sont soumis à un examen aménagé et à une année d'exercice probatoire. Plusieurs milliers de praticiens ont ainsi obtenu une autorisation pérenne de plein exercice depuis lors. Mais 300 à 350, selon la direction générale de l'offre de soins, continueraient d'exercer munis de la seule autorisation temporaire, faute d'avoir passé l'examen ou pour y avoir échoué.
Ce texte, qui prolonge leur autorisation temporaire de deux ans, répond à une situation d'urgence. Il n'exclut pas une réflexion globale, dont votre commission des affaires sociales a souligné la nécessité, afin de trouver une solution pérenne. S'assurer des compétences dont disposent les praticiens en déstabilisant le moins possible le fonctionnement des établissements, améliorer leur intégration dans le système de santé français, telles sont les premières orientations que le Gouvernement a retenues. Le Parlement sera pleinement associé à ces travaux.
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne sont souvent décrits comme les invisibles de l'hôpital. Moins bien rémunérés, cantonnés à la précarité, ils sont pourtant essentiels à nos établissements hospitaliers. Les pouvoirs publics ont fait preuve d'une négligence coupable à leur égard.
Ils représentent un angle mort de nos politiques hospitalières, tout d'abord, parce que ces praticiens ne correspondent pas à une catégorie clairement identifiée de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements, où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sans contrôle de compétences et sans inscription à l'Ordre des médecins. Leur contrat précaire est assorti d'une faible rémunération : stagiaires associés ou faisant fonction d'internes, ils sont engagés pour une durée de six mois renouvelable une fois, pour une rémunération de quelque 15 000 euros bruts annuels.
C'est un angle mort de nos politiques hospitalières, ensuite, parce que leur situation n'a jamais été véritablement réglée par le législateur. Depuis 1972, pas moins de six lois se sont succédé sur ce thème. La dernière réforme d'ampleur date de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Elle a créé plusieurs voies d'accès au plein exercice pour les praticiens titulaires d'un diplôme étranger. La voie d'accès de droit commun, dite de la liste A, consiste en un concours très sélectif, suivi d'une période probatoire de trois ans. Il existe également une liste B, réservée aux candidats réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire. Enfin, un dispositif spécifique, dit de la liste C, a été prévu pour les Padhue déjà en activité dans les hôpitaux ; c'est sur celui-ci que portent nos travaux de ce jour.
Ce mécanisme à double détente peut être résumé de la manière suivante. Il consiste tout d'abord en une autorisation temporaire d'exercice couvrant, jusqu'au 31 décembre 2018, les diplômés étrangers exerçant dans un établissement de santé public ou privé d'intérêt collectif, à condition qu'ils aient été recrutés avant le 3 août 2010 et qu'ils aient été en poste au 31 décembre 2016. Ce dispositif arrive à expiration, et la pratique de certains Padhue exerçant dans nos hôpitaux deviendra illégale au 1er janvier prochain.
Il comprend également un examen d'autorisation de plein exercice sans quota, ouvert sous deux conditions : l'exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011 ; une durée de trois ans d'exercice à temps plein à la date de clôture des inscriptions. Cet examen n'existe plus depuis 2016.
Tous les Padhue actuellement présents sur notre territoire n'ont cependant pas pu en bénéficier, notamment parce qu'ils ne remplissaient pas les conditions d'éligibilité à la liste C. J'ai ainsi rencontré un cancérologue qui a suivi un parcours de surspécialisation aux États-Unis en 2010 et 2011, et qui, en dépit de sa compétence manifeste, n'a pu s'inscrire à cet examen.
En raison du faible nombre de places ouvertes par spécialité, le concours de la liste A n'est pas plus accessible : certains praticiens ont été recalés avec d'excellentes moyennes ; d'autres n'ont pu s'y inscrire parce que leur spécialité n'y était pas représentée. Si le règlement du sort des Padhue n'est pas simple, c'est qu'il recouvre une myriade de situations et de parcours individuels.
Angle mort, enfin, parce qu'il est impossible de savoir précisément le nombre de Padhue actuellement en activité sans plein exercice en raison de l'autonomie de gestion des hôpitaux et de l'absence d'inscription ordinale de ces praticiens. Selon leurs syndicats, 4 000 à 5 000 professionnels seraient aujourd'hui en difficulté ; 3 000 à 4 000 d'entre eux auraient été recrutés après 2012 et ne seraient donc pas éligibles à la liste C. Ces recrutements sont intervenus en toute illégalité, puisque l'interdiction pour les hôpitaux de recruter de nouveaux professionnels a été réaffirmée dans chacune des lois consacrées au sort des Padhue. Que ces recrutements aient eu lieu témoigne d'abord du dysfonctionnement de notre système de santé : face à la pénurie de professionnels médicaux, les Padhue ont servi de variable d'ajustement. Dans de nombreux hôpitaux situés en zone sous-dotée, nécessité fait loi : mieux vaut un poste pourvu par un Padhue sans plénitude d'exercice qu'un poste vacant.
Cette situation est très largement insatisfaisante. Pour ces praticiens médicaux, qui exercent pendant plusieurs années au sein de nos hôpitaux dans des conditions matérielles dégradées, sans visibilité aucune sur leur avenir et sans inscription ordinale. Pour notre système de soins car le même niveau de prise en charge doit être garanti en tout point du territoire et si les praticiens que j'ai rencontrés m'ont semblé présenter toutes les garanties de compétence, cela ne préjuge pas des qualifications de chacun d'entre eux ni de leur maîtrise de la langue française. Elle est insatisfaisante pour les patients qui ont affaire à des praticiens ne disposant pas de la plénitude d'exercice sans en être informés.
Face à cette situation, l'ambition de la proposition de loi est très modeste : prolonger de deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2020, l'autorisation d'exercice dérogatoire. Ce serait la troisième prolongation, après celles de la loi dédiée de 2012 et de la loi Montagne de 2016. Cette mesure d'urgence évitera que les quelque 300 praticiens concernés se retrouvent hors-la-loi le 1er janvier prochain. Pour autant, elle ne réglera pas la situation des quelque 4 000 Padhue exerçant à titre dérogatoire recrutés après 2010.
La commission des affaires sociales a adopté cette proposition de loi sans modification, prenant acte de la réforme à venir. Le périmètre du dispositif d'intégration devra être suffisamment large pour couvrir l'ensemble des Padhue en activité ou en recherche d'activité. L'épineuse question des binationaux titulaires d'un diplôme étranger ne devra pas être oubliée.
Avant qu'elle ne soit mise en oeuvre, quelles mesures seront prises pour éviter que les établissements continuent de recruter des Padhue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Sur la forme, l'urgence justifie l'inscription de ce texte à notre ordre du jour puisque, sans lui, plusieurs centaines de praticiens ne pourront plus exercer au 1er janvier 2019 ; pour autant, pourquoi avoir attendu décembre alors que le problème était connu ? Certes, le calendrier a été bousculé par la décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre dernier de censurer la même disposition inscrite à l'article 42 de la loi Immigration.
Le Sénat, dans un esprit de responsabilité, approuvera cette proposition de loi qui émane d'un député appartenant à la majorité gouvernementale. Le groupe UC note toutefois que l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont refusé d'en faire de même lorsque nous leur avons proposé un texte urgent pour améliorer le sort des 11 millions de proches aidants.
Sur le fond, le recours aux praticiens diplômés hors de l'Union européenne s'explique par la désertification médicale. Des heures d'attente aux urgences, des mois de délais avant d'obtenir un rendez-vous avec un spécialiste... Le plan d'accès aux soins que le Gouvernement a présenté en octobre 2017 vise à mieux organiser la permanence des soins grâce à l'exercice regroupé ; la fin du numerus clausus, voulue par le président de la République, est une piste supplémentaire. En attendant, des praticiens diplômés hors Union européenne occupent les postes restés vacants. Selon la Fédération des praticiens de santé, ils représenteraient environ 10 % de l'effectif national. Si cette proposition de loi n'aboutissait pas, ce serait des prises en charge médicales en moins et une difficulté à assurer la permanence des soins.
Le groupe UC votera ce texte et invite le Gouvernement, dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 », à prendre en compte la précarité dans laquelle se trouvent les Padhue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également ; applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Cette proposition de loi sécurise l'exercice des Padhue, ces praticiens qui exercent surtout dans des territoires sous-dotés dans la précarité. Essentiels au fonctionnement des hôpitaux, notamment périphériques, ils n'ont quelquefois pas le droit d'établir eux-mêmes les prescriptions alors qu'ils assurent le plus de gardes.
Cela a été expliqué, la dernière modification législative, celle de 2006, a créé plusieurs voies d'accès, dont la procédure dérogatoire d'autorisation temporaire de la liste C que cette proposition de loi vise à prolonger pour la troisième fois. Cela est nécessaire mais ne réglera pas la question des 4 à 5 000 Padhue recrutés en toute illégalité. Il est anormal que ces praticiens continuent d'exercer dans l'incertitude de leur avenir et sans être inscrit à l'Ordre des médecins.
Une réforme, préparée en concertation avec les syndicats de Padhue, sera présentée lors du projet de loi Santé. En attendant, le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Martin Lévrier . - La stratégie nationale de santé et le plan Ma Santé 2022 ont pour ambition de placer le patient au coeur du système, de mieux articuler médecine de ville, médico-social et hôpital et de repenser les métiers et la formation des professionnels de santé. Difficile, voire impossible, si nous manquons de praticiens et l'on en manque dans les hôpitaux, en particulier périphériques, où le recours à des praticiens à diplôme hors Union européenne, qui n'est pas nouveau, a pris de l'ampleur.
Inquiets de leur situation et de celle des hôpitaux qui les embauchent, de nombreux parlementaires ont attiré l'attention de la ministre de la santé sur la situation de ces praticiens, notamment par des questions écrites. Ils devraient brutalement cesser leur activité au 31 décembre 2018, si rien n'était fait. D'où cette proposition de loi qui autorise une troisième prolongation. Une quatrième serait impensable.
D'abord, les Padhue sont précaires et mal rémunérés : ceux qui font fonction d'interne perçoivent une rémunération annuelle de 15 000 euros bruts quand les plus chanceux, qui obtiennent le statut de praticien attaché associé, peuvent espérer 36 à 39 000 euros et un CDI mais sans jamais être inscrits à l'Ordre des médecins.
Ensuite, pour le fonctionnement des hôpitaux. La responsabilité pénale du directeur d'établissement peut être mise en cause. Surtout, le fait que ces praticiens n'aient pas l'autorisation de plein exercice et, donc, de prescrire complique la gestion des plannings.
Enfin, pour les patients. Bien que présentant toutes les garanties de compétence et d'implication, ces praticiens ont parfois des lacunes en français. Cela ne peut qu'inquiéter une patientèle déjà fragilisée par la maladie.
Le groupe LaREM votera ce texte mais demande que la question des Padhue soit réglée globalement dans le projet de loi Santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Laurence Cohen . - Environ 300 à 350 Padhue seraient sous le régime transitoire qui prend fin au 31 décembre. Cette proposition de loi s'impose donc pour garantir la continuité du fonctionnement des établissements de santé français. On peut s'étonner néanmoins que la réflexion n'ait pas été menée plus tôt quand le syndicat représentant les Padhue avait lancé l'alerte il y a un an.
Ces praticiens vont là où leurs collègues titulaires d'un diplôme français ou de l'Union européenne ne veulent pas aller, ils exercent dans les spécialités peu attractives que sont la gériatrie, la réanimation et la psychiatrie sans bénéficier des conditions offertes à leurs confrères. Ils sont devenus indispensables au bon fonctionnement de nos hôpitaux. Entre 2007 à 2017, le nombre de médecins exerçant en France ayant un diplôme étranger, dans l'Union européenne et hors de l'Union européenne, a quasiment doublé. L'hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, emploie 30 titulaires français, 10 praticiens diplômés dans l'Union européenne et 19 praticiens diplômés hors Union européenne ! Puisque leur place est si importante, il leur faut un véritable statut. Ils pallient les insuffisances de notre système de santé, ils sont « le visage des impasses de nos hôpitaux », lisait-on dans Libération.
Le numerus clausus a entraîné une pénurie de professionnels de santé, nourrissant le recours aux intérimaires et aux praticiens à diplôme étranger. Cela va empirer puisque 30 % des praticiens partiront à la retraite d'ici 2020, laissant 12 500 postes de praticiens hospitaliers vacants.
La fin du numerus clausus est une sage décision : nous l'appelions de nos voeux depuis longtemps, la ministre la refusait jusqu'à il y a peu. Mais il n'y aura pas plus de praticiens formés si l'on n'accorde pas davantage de moyens aux universités. De toute façon, les effets de cette décision ne se feront sentir que dans dix ans. Il faut donc, sans attendre, mettre un coup d'arrêt aux coupes budgétaires, aux fermetures de services et aux suppressions de lits ; revaloriser les services devenus peu attractifs comme la gériatrie ou la psychiatrie ; maintenir les hôpitaux de proximité en y adossant systématiquement des centres de santé, et, enfin, offrir un réel statut à ces praticiens à diplôme étranger sans qui certains hôpitaux fermeraient, de l'aveu du directeur de celui de Nevers.
La ministre de la santé ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion globale, une simple réorganisation de notre système de santé ne suffira pas. Je déplore que le projet de loi Santé, que nous attendons avec impatience, comprenne des ordonnances, qui musèleront les parlementaires que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Yves Daudigny . - Les Padhue contribuent au fonctionnement quotidien de nombre d'établissements dans les zones sous-dotées. Selon une enquête récente de Libération, dans l'Aisne, l'hôpital de Château-Thierry emploie 30 médecins titulaires de diplômes français, 10 venant de l'Union européenne et 19 de pays hors UE. L'hôpital François-Mitterrand de Nevers fonctionne avec 62 médecins à diplôme français, 15 issus de l'Union européenne et 21 de pays hors UE. Au 1er janvier 2017, la France comptait 22 619 médecins diplômés étrangers exerçant de manière régulière, dont deux tiers à l'hôpital ; ils représentent 11,8 % du total ; leur nombre est en hausse de 7,8 % par rapport à 2007.
Sécuriser l'exercice de ces professionnels est indispensable. En 1975, l'ouverture de la pratique aux médecins européens n'a pas suffi à combler les manques. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré la procédure d'examen de liste C, dispositif prorogé en 2012 puis en 2016. En attendant de passer l'examen, les Padhue ont l'autorisation temporaire d'exercer sous la responsabilité d'un praticien de plein exercice. Dix mille Padhue ont réussi l'examen, d'autres ont échoué ou ne l'ont pas passé. C'est pour ces autres, dont le nombre serait compris entre 300 et 350, que cette proposition de loi est nécessaire. Sans elle, ils seraient contraints de cesser leur activité au 31 décembre, ce qui mettrait les établissements en grand danger.
Au-delà, il faut mettre fin à ce statut précaire et injuste ; d'autant que le flux de recrutements dans ce cadre ne se tarit pas. Le syndicat national des Padhue dénonce leur précarité : contrats courts, rémunération près de deux fois inférieure à celles de leurs collègues français pour un même niveau de responsabilités. Alors que 2 000 à 3 000 postes de praticiens hospitaliers sont vacants, que 12 500 pourraient le devenir d'ici à 2020 avec les départs à la retraite, il appartient au Gouvernement de proposer un dispositif efficace. La direction générale de l'offre de soins semble avoir avancé dans l'élaboration d'une réforme qui serait intégrée à la future loi Santé.
Le groupe socialiste s'en félicite et, en attendant, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Cette proposition de loi est urgente. La procédure dérogatoire a conduit les établissements à adopter des solutions de court terme. Cette proposition de loi ne règle rien mais elle a le mérite d'exister, elle est indispensable pour garantir l'égalité et une forme de continuité territoriales.
Le Gouvernement a démontré, depuis un an, sa capacité à imaginer des solutions pour garantir l'accès aux soins. Nous en verrons bientôt les premiers effets. En attendant, il faut intégrer les Padhue, qui font partie intégrante du système de soins dans certains territoires que je connais bien, dont la Meurthe-et-Moselle.
Le périmètre de la proposition de loi est restreint : 300 à 350 praticiens. Il faudrait viser plus haut et prendre un peu de hauteur. Pourquoi ne pas prévoir que l'année probatoire se déroule en cabinet plutôt qu'à l'hôpital ? Ce qui vaut pour les étudiants vaut pour ces praticiens : le lieu de stage détermine souvent le lieu d'installation. Cela suppose d'augmenter le nombre de maîtres de stages et, donc, de rendre cette fonction plus attractive.
Le groupe RDSE votera donc ce texte en attendant une réforme globale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
M. Bernard Bonne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a été déposée par un collègue député de la Loire, lui aussi médecin ; il sera sans doute voté conforme par le Sénat.
Le cadre juridique qui régit les Padhue est particulièrement complexe. Ceux qui n'ont pas pu obtenir l'autorisation de plein exercice relèvent d'un régime transitoire qui prend fin au 31 décembre. Trois cents à trois cent cinquante Padhue seraient concernés, mais 4 000 à 5 000 médecins exercent hors de tout cadre légal. Cette situation n'est pas acceptable.
Les conditions de travail de ces médecins, plusieurs collègues l'ont dit, sont très difficiles. Comment se fait-il que les pouvoirs publics n'aient pas, depuis 2016, réglé la question du cadre juridique d'emploi de ces médecins ? Si cette question doit être examinée dans la loi Santé, une solution pérenne doit être trouvée pour tous.
Les hôpitaux recrutent de gré à gré et se sont tournés vers les Padhue en toute illégalité. Dans bien des départements, les recrutements et installations de médecins étrangers dépassent souvent les 50 %. Sans préjuger de leur compétence, il est inacceptable qu'ils ne soient pas inscrits à l'Ordre des médecins qui ne peut ni réguler leur recrutement, ni contrôler leurs qualifications. Il est incroyable que l'on bloque les études de médecine pour les Français et qu'on soit ensuite contraints de recruter des étrangers. Nous attendons de la future réforme un peu de bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
Mme Claudine Lepage . - Nous devrions tout faire pour intégrer les Padhue. Mais il faut parler des Padhue français ou binationaux. Plus de 3 millions de Français vivent à l'étranger. Leurs enfants peuvent faire des études dans leur pays d'accueil. Ils peuvent avoir envie de faire leur spécialisation ou occuper un poste en France. Or ils n'ont pas les mêmes droits que les Padhue étrangers. Je veux dénoncer cette discrimination injuste et j'espère que le projet de loi que vous prévoyez pour 2019 la résoudra.
Mme Martine Berthet, rapporteure . - Cette proposition de loi ne régularise que 300 à 350 situations sur les 4 000 à 5 000 concernées. En attendant la loi Santé, quelles mesures seront-elles mises en oeuvre pour garantir que les hôpitaux ne recrutent plus illégalement ?
L'article unique est adopté et la proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Le plan « Ma Santé 2022 » permettra de répondre aux objectifs suivants : mettre fin à la précarité de nombreux professionnels dans les hôpitaux, assurer la qualité et la sécurité des soins, par les compétences et maintenir également, de façon pérenne, l'offre de soins pour nos concitoyens. Le Parlement sera pleinement associé à ce texte.
Indivision successorale et logement outre-mer
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.
Discussion générale
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - Il y a quelques jours, j'étais à La Réunion, largement secouée par une crise profonde. Certains ressorts de la crise étaient locaux, d'autres communs à toute la France. Sont revenues, à plusieurs reprises, lors des échanges avec les Réunionnais, la question foncière et la difficulté à obtenir un logement, qui sont aussi un trait commun à toutes les collectivités ultramarines. Les Réunionnais ont voulu exprimer avec force - parfois avec excès lorsque le principe même de la représentation était remis en cause - une exigence à l'égard de leurs élus locaux ou nationaux. J'ai rappelé que ce n'est qu'avec les élus que la sortie de crise à La Réunion devait se construire.
Nos concitoyens veulent des solutions pratiques, rapides et concrètes. La proposition de loi du député Letchimy en est un bel exemple.
C'est un projet collectif d'un parlementaire n'appartenant pas à la majorité, accompagné par le Gouvernement, amélioré par les deux assemblées et notamment par la commission des lois du Sénat - soyez-en remercié, monsieur le président Bas.
Le texte est désormais finalisé. L'enjeu n'est pas anodin. Il est bien documenté, notamment par un rapport de juin 2016 de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, monsieur le président Soilihi.
Parfois liée à la coutume, parfois aux cinquante pas géométriques, la question foncière est toujours liée à l'indivision, à cause de dévolutions successorales non réglées, parfois même non ouvertes sur plusieurs générations. En Martinique, 26 % du foncier privé est géré en indivision et 14 % supplémentaires correspondent à des successions ouvertes. À Mayotte, le territoire de certaines communes est presque totalement en indivision. Les indivisions en Polynésie française comportent parfois des centaines d'indivisaires à la faveur de successions non liquidées depuis quatre à cinq générations et alimentent l'abondant contentieux des « affaires de terre ».
Un désordre réel règne souvent. L'indivision a longtemps été renvoyée à l'application des règles de droit commun. Pendant trop longtemps, au nom de ce principe, aucune solution n'a été trouvée. Il a fallu de l'audace, dans les assemblées et au ministère de la Justice, pour en trouver une. Le Gouvernement a répondu favorablement à une proposition du Sénat, étendant la fiscalité incitative prévue pour Mayotte à tous les outre-mer.
L'article 2 bis comporte une erreur : l'article du code général des impôts visé n'est pas applicable dans les « trois Saints » - Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Merci, monsieur le sénateur Artano, d'avoir signalé ce fait à notre attention collective.
En plein accord avec les propriétaires polynésiens, il a été décidé de retirer les dispositions relatives à leur territoire qui devront être réglées dans un autre texte. Notre droit doit être agile pour correspondre aux besoins locaux. C'est lorsque nous ne nous donnons pas la peine d'adapter la loi aux spécificités locales que nous créons des décalages entre les territoires d'outre-mer et la République, entre les citoyens et les élus.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous incite à soutenir sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois . - Comme l'a souligné notre collègue Serge Letchimy, ce texte est inspiré de notre rapport d'information de 2016 sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer, que nous avions fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer avec nos collègues Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu, que je salue.
L'indivision inextricable, durable et généralisée, dont nous donnions les raisons dans ce rapport, prévalant dans les territoires ultramarins, stérilise une grande partie du foncier disponible qui est rare. La proposition de loi propose un mécanisme dérogatoire et temporaire de de sortie de l'indivision.
En première lecture, les articles 3 et 4 avaient été supprimés et intégrés à l'article 2. L'article 5, ajouté par l'Assemblée nationale, adopte les dispositions aux spécificités polynésiennes, créant une attribution préférentielle pour l'héritier ou résident si celui-ci résidait pendant dix ans dans le bien, « antérieurement à l'introduction de la demande ».
L'article 6 détermine les droits de l'héritier omis qui a droit, en cas de partage judiciaire, à recevoir sa part. Le Sénat a apporté d'importantes modifications au texte.
À l'article premier, nous avons notamment étendu le mécanisme à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ; nous avons modifié la majorité requise pour les actes de gestion, qui passe des deux tiers des droits à la moitié, par cohérence.
À l'article 2, nous avons prévu pour tout indivisaire d'exercer un droit de préemption. Nous avions adopté, en séance publique, un amendement de M. Arnell passant de trois à quatre mois le délai lorsque les indivisaires sont nombreux ou que certains résident à l'étranger. Nous avons introduit, à l'initiative de Lana Tetuanui, un nouvel article 5 A, ouvrant la possibilité de faire un partage par souches lorsque le partage par tête est impossible.
Le Sénat a adopté la proposition de loi ainsi modifiée le 4 avril 2018. Elle a été adoptée sans modification de fond par l'Assemblée nationale, moyennant cinq amendements du Gouvernement : levée du gage, retrait des dispositions relatives à la Polynésie française pour les intégrer aux futurs projet de loi et projet de loi organique relatifs à la Polynésie, clarification rédactionnelle.
La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification pour qu'elle puisse être adoptée définitivement avant la fin de l'année. (MM. Bruno Sido, Charles Revet, Marc Daunis et Didier Rambaud applaudissent.)
M. Jean-François Longeot . - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le groupe UC et moi sommes heureux de voir revenir cette proposition de loi.
Vue de la Métropole, l'indivision successorale peut paraître anecdotique, mais c'est une question cruciale pour les outre-mer, car elle bloque la libération d'un foncier déjà rare, avec des problèmes de logement endémiques.
Nombre de nos compatriotes peinent à loger leur famille ; pendant ce temps, des biens non bâtis restent sans construction, détenus qu'ils sont par de multiples héritiers, certains résidant au loin.
Les successions sans issue limitent la disponibilité du foncier et la circulation des biens. Faciliter la sortie des indivisions ne réglera pas tous les problèmes de logement outre-mer mais marquera un pas en avant significatif. Ces situations favorisent aussi le développement de l'habitat insalubre, des squats, et compliquent la collecte de la taxe foncière. Le problème concerne tout l'outre-mer, et je salue l'extension du texte aux collectivités territoriales non mentionnées à l'article 73 de la Constitution.
Si l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions utiles pour la Polynésie française, introduites grâce à la députée Maina Sage et à la sénatrice Lana Tetuani, c'est pour mieux les reprendre dans un prochain texte spécifiquement consacré à ce territoire.
Le groupe UC soutiendra cette proposition de loi, bel exemple de la qualité de l'initiative parlementaire, du travail en bonne intelligence entre les différentes sensibilités politiques et entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Alain Marc . - Dans les territoires ultramarins, les successions non réglées sont nombreuses, avec des indivisions inextricables. Elles sont dues au poids des taxes, au recours tardif ou notoire, ou à la crainte de la spoliation.
Ainsi, le législateur a voulu intervenir pour instaurer un mécanisme temporaire de sortie d'indivision jusqu'au 31 décembre 2028. Le texte est consensuel, simple, clair, de bon sens et très attendu.
Le groupe Les Indépendants ne peut que s'en réjouir et souhaite son adoption prochaine et unanime. L'Assemblée nationale a retiré les dispositions sur la Polynésie française pour les inclure dans la loi sur le futur statut de ce territoire.
Je veux enfin saluer le travail de notre rapporteur sur la sécurisation du foncier outre-mer, sujet crucial. Ce texte est un bon exemple de travail transpartisan, signe de l'union de toute la Nation en faveur de l'outre-mer.
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'indivision successorale est devenue un obstacle insurmontable pour l'outre-mer, gelant la mise en valeur du foncier et bloquant de nombreux projets. Le groupe Les Républicains votera ce texte en l'état afin qu'il entre en vigueur rapidement.
La proposition de loi a été améliorée en première lecture au Sénat et l'Assemblée nationale a eu la sagesse de conserver nos apports principaux. Ce texte consensuel illustre la richesse du bicamérisme. Il faudra s'en souvenir lors de nos prochains débats sur la réforme des institutions.
Notre délégation sénatoriale pour l'outre-mer avait fait des propositions dès juin 2016, à la suite du rapport que nous avions produit avec M. Laufoaulu, notamment sur les règles de majorité allégées.
J'espère aussi que les textes sur la Polynésie française seront examinés rapidement. Je salue la sagesse constructive des députés.
L'article 73 de la Constitution fait la preuve de sa pertinence et de son utilité : il ne déroge pas au droit commun ni n'instaure des privilèges, mais il permet d'ajuster les règles à la réalité des territoires. Le groupe Les Républicains, très attaché à cette différenciation territoriale, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi . - Ce texte fait consensus et répond à la problématique des indivisions outre-mer et de son absence de traitement, qui n'a que trop duré. Il faut respecter les identités, le lien viscéral et symbolique à la terre, pivot des sociétés ultramarines, dominées par les principes de la solidarité et du consensus.
Le groupe CRCE est favorable à l'abaissement à 51 % des ayants droit, du plancher à partir duquel un partage est possible en l'absence de recours après un délai de dix ans, plus prudent que celui de cinq ans initialement prévu.
Nous sommes aussi favorables à la possibilité ouverte, sans limitation dans le temps, à 51 % des indivisaires, d'effectuer diverses opérations, comme des actes administratifs relatifs au bien indivis.
Enfin, nous sommes favorables aux mesures qui facilitent les formalités de publication des dispositions relatives à l'exercice de l'indivision. Toutes ces mesures devraient enclencher un cercle vertueux pour les familles et pour le développement du territoire.
C'est pourquoi, le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur le banc de la commission)
M. Bruno Sido. - C'est rare !
Mme Catherine Conconne . - Je suis particulièrement heureuse que l'examen de ce texte, entamé il y a plusieurs mois, touche à son terme, au Sénat. La proposition de loi de Serge Letchimy est en adéquation avec les voeux du parti progressiste martiniquais, auquel j'appartiens, non sans fierté. Il en fallait de la persévérance et de la volonté pour sortir enfin des « y a qu'à » et des « faut qu'on ». Comme disait le poète, « seul le dur est arable ».
La réalité est là : notre histoire jeune, tourmentée, n'a pas fait rimer propriété et sérénité. « Liberté, égalité, fraternité » cette belle devise républicaine n'a pas toujours trouvé d'écho sous nos cieux. Point n'est besoin de rappeler l'histoire. Cette loi est un bel outil pour dénouer la pelote emmêlée de fils pas toujours soyeux d'une jeune humanité.
Oui, il fallait accepter le cousu main pour l'outre-mer. La reconnaissance de notre particularité n'a pas toujours été de mise. Ce texte crée une boîte à outils juridiques pour dix ans, afin de donner les moyens d'agir aux maires, pour lutter contre l'insalubrité urbaine, pour éviter que des milliers de maisons ne soient livrées à la vindicte de la nature.
L'adaptation du droit à nos territoires est justifiée, preuve que cette exception, qui pour nous n'a pas toujours été sans embûche, et qui en appelle d'autres, est possible, dans le respect de l'État de droit.
Ce texte montre aussi que le Sénat n'est pas ce « truc inutile » parfois décrié dans ces temps agités, non sans caricature, non sans mépris ! Oui, le Sénat a enrichi, ô combien, cette loi, et l'Assemblée nationale a repris nos amendements. Contrairement à certaines clameurs, le Sénat a fait la preuve de sa pertinence et, contrairement à la légende, de sa légitimité. L'équilibre et la diversité des pouvoirs et de la représentation populaire trouvent là une belle expression.
Je vous exhorte à voter ce texte très attendu : tout le monde piaffe d'impatience ! J'en appelle à votre confiance : transformons-la en détermination, et en dynamique de renouvellement urbain !
Je voulais enfin remercier madame la ministre, et notre rapporteur, mon ami, mon frère de Mayotte, M. le vice-président Thani Mohamed Soilihi, pour ses apports judicieux. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE, LaREM et UC)
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements sur les bancs du RDSE) Difficile de tenir la tribune après une telle vigueur, que je salue ! (Sourires)
Les problématiques de l'outre-mer ne sont pas moins explosives que celles de la Métropole. Depuis le XIXe siècle, des indivisions s'accumulent à cause de successions non réglées. Dans certains territoires, 90 % des terrains sont concernés. Beaucoup d'indivisaires n'ont parfois pas les moyens de s'acquitter des droits de succession, ce qui ralentit d'autant plus le règlement des procédures.
L'abaissement à 50 % de la règle de la majorité va dans le bon sens, tout comme l'extension du texte à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'adaptabilité de la loi a été renforcée, conjoint survivant ou l'héritier copropriétaire peut désormais demander l'attribution préférentielle du droit au bail ou de la propriété, dans les limites du montant de ses droits.
Il s'agit d'une loi équilibrée, qui jugulera les conflits de succession et facilitera les opérations de partage afin de remédier à des situations trop longtemps figées. Elle est de plus limitée dans le temps, en donnant une marge suffisante pour régler ces problèmes, sans toutefois prolonger indéfiniment un régime très dérogatoire par rapport au droit commun.
Je veux cependant attirer votre attention sur un angle mort à l'article 2 bis : l'exonération fiscale suppose une modification du code général des impôts, qui n'est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, ni à Saint-Barthélemy, ni à Saint-Martin. En outre, cette exonération sera aussi ouverte aux métropolitains. Ce n'est pas juste au regard de l'objectif de cette proposition, qui est de remédier à des problèmes spécifiques à l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Abdallah Hassani . - La complexité technique de ce sujet est proportionnelle à sa nécessité ! L'accumulation de dévolutions successorales non réglées, fléau endémique à l'outre-mer, est particulièrement préoccupante à Mayotte. Pour démêler l'écheveau de cet imbroglio foncier, ce texte prévoit un régime dérogatoire et temporaire de sortie de l'indivision après dix ans.
Le Sénat s'est inscrit dans la continuité des travaux de l'Assemblée nationale. La fabrication législative a été tempérée par l'art de la mesure. Il fallait articuler l'opérationnalité de l'exercice juridique et le droit existant.
Le Sénat a introduit le droit de préemption au sein de la famille si un tiers des acquéreurs du bien se prononcent pour. Il a renforcé le mécanisme de l'information des héritiers, il a étendu à Saint-Barthélemy et Saint-Martin les dispositions du texte, et élargi le droit d'attribution préférentielle. L'Assemblée nationale s'est alignée sur ces propositions.
Les dispositions sur la Polynésie française ont été intégrées dans le projet de loi et le projet de loi organique sur ce territoire.
J'ai plaisir à noter le consensus fort autour de cette proposition de loi.
Cher rapporteur, à l'évidence, votre entreprise fut un franc succès. Aucune conception hexagonale surplombante ne vient écraser les réalités ultramarines. L'organisation territoriale ne doit plus être un simple prêt-à-porter ; elle exige du sur-mesure.
Nous renouerons ainsi avec l'esprit de l'article 73 : la démocratie, c'est avant tout tenir compte de la réalité du terrain, du concret ! Ce texte nous montre la voie.
Le groupe LaREM le votera donc sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct. Chacun aura à coeur de terminer l'année dans le respect et l'écoute mutuels.
100 % santé
M. Martin Lévrier . - La loi de financement de la sécurité sociale, adoptée le 3 décembre, instaure le reste à charge zéro qui garantira à tous d'ici 2021 le remboursement intégral de certaines lunettes, prothèses dentaires et appareils auditifs. C'est une promesse de gain de pouvoir d'achat, notamment pour les retraités. Aujourd'hui, deux retraités malentendants sur trois ne sont pas appareillés, le reste à charge pouvant atteindre des centaines, voire des milliers d'euros.
Les mutuelles dégagent des bénéfices importants : elles recueillent 36 milliards d'euros et leur frais de gestion atteignent 25 %. La majorité du Sénat avait envisagé de les taxer à hauteur d'un milliard d'euros.
La CNAM s'est engagée, à l'issue des négociations, à couvrir les trois quarts du coût de la réforme du reste à charge zéro, les mutuelles prenant à leur charge le dernier quart, en s'engageant à geler le prix de leurs cotisations.
Alors que nous multiplions les mesures pour rendre du pouvoir d'achat aux Français, les mutuelles semblent revenir sur leur engagement : certaines ont déjà annoncé une hausse de cotisations à leurs adhérents. Comment les en dissuader ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Jean-Marc Gabouty et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Je vous remercie pour votre question (Exclamations ironiques à gauche comme à droite) qui est doublement d'actualité, puisque Mme Buzyn lance aujourd'hui le comité de suivi du 100 % santé et que le président de la République réunit à l'Élysée en ce moment même mutuelles, assureurs et instituts de prévoyance.
Le 100 % santé participe à la réduction des dépenses contraintes ; à ce titre, c'est une réponse à l'urgence sociale. Le Gouvernement tient à ce que les cotisations n'augmentent pas de façon indue en 2019.
L'assurance maladie couvrira les trois quarts du coût de cette réforme ; les mutuelles, le quart restant. Il n'est pas tolérable que certaines mutuelles en tirent argument pour augmenter leurs tarifs. La mise en place du 100 % santé sera progressive, sur trois ans, pour laisser les professionnels s'adapter et lisser le coût dans le temps. Nous veillerons à la lisibilité des contrats pour que les assurés puissent les comparer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne
M. Ronan Dantec . - Le conseil départemental de la Loire-Atlantique a voté hier à la quasi-unanimité un voeu pour que la réunification administrative de la Bretagne soit soumise à un référendum décisionnel. (Mouvements divers à droite) Le conseil régional de Bretagne soutient cette proposition qui fait suite au recueil de 104 000 signatures par l'association Bretagne réunie.
Entre la minorité de blocage de la région d'origine et la date butoir fixée à mars 2019, le droit d'option prévu par la loi NOTRe est impossible à mettre en oeuvre. Le Premier ministre a manifesté son intérêt pour la démarche référendaire souhaitée par nombre de gilets jaunes. On sait que faute d'accord sur le périmètre et la question posée, un référendum peut radicaliser les positions.
Le débat sur la réunification de la Bretagne, que nous n'avons pu trancher depuis 1972, nous offre une occasion d'expérimenter cette démarche. Envisagez-vous de saisir la Commission nationale du débat public (CNDP) pour qu'elle explore cette voie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; MM. Jean-Luc Fichet et Olivier Cadic applaudissent également.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - La question du rattachement du département de Loire-Atlantique à la région Bretagne est très ancienne ; il faut l'aborder avec sagesse et responsabilité. J'ai souvenir de nos débats ici... La modification de la carte des régions est un exercice subtil, qui peut porter atteinte à des équilibres territoriaux forgés au fil des ans, voire des siècles.
Le code général des collectivités territoriales dispose qu'il faut une délibération concordante des collectivités concernées, c'est-à-dire des deux régions et du département. Une consultation locale sur un objet qui n'est pas de la compétence de la collectivité qui l'organise serait illégale. Sans mesure législative nouvelle, le Gouvernement ne peut organiser de consultation sur le sujet. Il faut d'abord que chaque assemblée délibérante en discute en son sein.
Péages autoroutiers
M. Éric Bocquet . - L'opérateur Vinci Autoroutes veut demander la régularisation du paiement des péages dont les automobilistes n'ont pu s'acquitter pendant les opérations « péage gratuit » des gilets jaunes. C'est inacceptable quand on sait que Vinci Autoroutes a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros, en augmentation de 3,4 % par rapport à 2016, dont 3 milliards d'euros de recettes de péages, pour un résultat net de 1,1 milliard d'euros - tandis que l'investissement, à 537 millions d'euros, baissait de 11,2 %.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur cette démarche du groupe Vinci ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Cette annonce, dont j'ai pris connaissance, est inopportune et inappropriée. Dans le contexte actuel, chacun doit contribuer à l'apaisement. Elle est en outre infondée du point de vue juridique : les images de vidéosurveillance n'ont pas vocation à être utilisées pour la régularisation des paiements. J'ai demandé aux concessionnaires de se conformer strictement à la loi. Je les recevrai ce soir pour faire le point sur les perturbations et dégradations de ces dernières semaines. Aucune cause ne justifie la violence contre les biens et les personnes et je veux dire ma solidarité avec les agents de sociétés autoroutières qui ont été la cible d'actions violentes et d'incendies. Notre fermeté sera totale.
À la veille d'un week-end de grands départs, nos concitoyens ont le droit de circuler librement sur les autoroutes. Nous sommes mobilisés pour rétablir le calme sur le terrain ; la réponse à la colère qui s'est exprimée doit être collective, les grandes entreprises doivent y prendre toute leur part. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants et UC)
M. Éric Bocquet. - La question de la maîtrise publique des infrastructures autoroutières se pose plus que jamais. En privatisant, l'État a renoncé à 40 milliards d'euros de dividendes ; la marge des groupes est comprise entre 20 % et 24 % et 14,6 milliards d'euros de dividendes ont été distribués depuis. Des sénateurs de tous bords ont estimé que cette privatisation était une erreur. Il faut renationaliser, en finançant l'emprunt non par l'impôt mais par les bénéfices réalisés. Les sociétés autoroutières seraient-elles devenues un État dans l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Rétablissement de l'ISF
M. Patrick Kanner . - L'an dernier, vous avez supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en arguant d'une hypothétique théorie du ruissellement et du fait que l'impôt ferait fuir les grandes fortunes... Or aucun de ces deux arguments ne s'est concrétisé. En 2017, la croissance était portée par l'activité et la consommation ; son ralentissement, en 2018, va de pair avec une baisse du pouvoir d'achat.
L'ISF rapportait 5 milliards d'euros, mais il était surtout un instrument de justice fiscale, moteur du consentement à l'impôt. En le supprimant, vous avez remis ce dernier en cause. Une dernière fois, monsieur le Premier ministre, rétablirez-vous l'ISF ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Il y a quelques instants, Mme Valérie Rabaud me posait la même question à l'Assemblée nationale. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SOCR) Elle a annoncé son souhait d'engager un référendum d'initiative partagée en vertu de l'article 11 de la Constitution.
La question de la suppression de l'ISF a été largement débattue lors des élections présidentielles et surtout législatives. Le président de la République, comme les candidats se revendiquant de la majorité présidentielle, a indiqué avant le premier tour qu'il souhaitait transformer l'ISF en un impôt sur la fortune immobilière (IFI), estimant que les inconvénients de l'ISF l'emportaient sur ses avantages.
Cet instrument a été partout démantelé, y compris dans des pays qui partagent notre passion de l'égalité. Il était devenu une spécificité française. Nous assumons sa transformation en IFI.
Nous sommes disposés à ce qu'un comité d'évaluation indépendant examine les effets de cette transformation. Il sera très prochainement mis en place, comme le président de la République s'y était engagé. Je n'ai pas peur de cette évaluation, car je sais l'ampleur de la masse taxable que l'ISF avait fait fuir. Sa suppression nous a fait gagner en attractivité. (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)
Si l'ISF avait été paré de toutes les vertus, cela se serait vu ! J'ai conscience que sa suppression est impopulaire.
M. Martial Bourquin. - Insupportable !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Cependant plusieurs candidats à l'élection présidentielle la prônaient, et les élections ont validé cette décision. Je suis là pour tenir les engagements qui ont été pris. Non, je ne reviendrai pas sur cette suppression. Bon travail et joyeuses fêtes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrick Kanner. - Je ne vous ai pas convaincu, vous non plus. Depuis juin 2017 est intervenu un petit changement jaune fluo ; la colère monte de partout ! (Exclamations) Avec Valérie Rabaud, nous avons décidé de déposer une proposition de loi référendaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
COP 24
M. Jérôme Bignon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Au printemps 2018, l'IPBES, le CNRS et le Muséum nous alertaient sur l'effondrement de la biodiversité dans le monde ; en octobre, le GIEC indiquait qu'il fallait limiter le réchauffement à 1,5 degré. Or malgré l'urgence, nous nous dirigeons toujours vers une augmentation de trois degrés.
La COP 24 a été conclusive mais les États n'ont pas rehaussé leurs ambitions qui restent insuffisantes. L'engagement de la France reste essentiel pour entraîner nos partenaires. Relâcher les efforts, c'est courir à la catastrophe : nous sommes à court d'excuses, comme l'a dit la jeune Greta Thunberg.
Que pense le Gouvernement de la proposition de Pierre Larrouturou et Jean Jouzel de créer une banque européenne du climat qui mettrait à disposition des États des prêts à 0 % destinés à financer la transition énergétique ? Comment mieux porter les objectifs du développement durable pour avancer plus vite vers une société décarbonée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Mieux vaut être décarboné que caramélisé !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Merci de cette question essentielle, en ce moment de tension que traverse notre pays. Une partie de la réponse aux gilets jaunes consiste à faire plus pour la transition énergétique, de manière plus cohérente. (Exclamations à droite)
M. Jean-François Husson. - Il faut faire mieux !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Cela implique que chacun prenne ses responsabilités, y compris le système financier ; que les investissements privés soient redirigés vers des projets bons pour la planète. C'est ce qu'a demandé le président de la République à l'ONU, devant un parterre de chefs d'État mais aussi de dirigeants de grandes banques. (Exclamations à gauche comme à droite)
Les 20 milliards d'euros que la France destine à la transition énergétique ne seront pas financés par les contribuables mais par les investisseurs. C'est un impératif moral, car les gilets jaunes nous demandent plus de justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
La France a joué un rôle essentiel pour aboutir à un accord lors de la COP 24 ; il faut aller encore plus loin. Nous mobiliserons 5 milliards d'euros par an à partir de 2020 pour lutter contre le réchauffement climatique.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Nous sommes chefs de file, nous sommes écoutés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Bruno Sido. - Cocorico !
Fraude fiscale
M. Dominique de Legge . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le Sénat a voté à l'article 13 bis du projet de loi de finances une mesure contre la fraude aux dividendes.
M. Éric Bocquet. - Très bien !
M. Dominique de Legge. - Or, à l'Assemblée nationale, vous l'avez fait retoquer.
M. Martial Bourquin. - Pas bien !
M. Dominique de Legge. - C'était pourtant une mesure de recettes et une mesure de justice. Pourquoi n'écoutez-vous jamais le Sénat, surtout lorsqu'il est unanime ? (Vifs applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Où est le ministre de l'Économie et des finances ? Et le ministre des Comptes publics ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - J'étais avec vous quand le Sénat a adopté cet amendement, à l'unanimité ; j'avais émis un avis de sagesse, tout en vous indiquant que des éléments techniques, juridiques et communautaires pouvaient faire obstacle à sa mise en oeuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) En matière de lutte contre la fraude fiscale, il faut des dispositifs efficaces et incontestables. Le Gouvernement poursuit le même objectif que le Sénat. (Exclamations à droite)
Il y a quelques semaines, vous avez adopté, à une large majorité, un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale qui renforce notre arsenal, instaure le name and shame et sanctionne les officines de conseil en optimisation frauduleuse. Le projet de loi de finances prévoit des crédits pour que Bercy soit mieux équipé pour analyser les données publiques à des fins de lutte contre la fraude.
L'expression du Sénat et du Gouvernement est convergente. Je ne doute pas que nous surmonterons les obstacles techniques et juridiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Dominique de Legge. - Votre réponse est digne de M. Gilles Le Gendre, pour qui le défaut de la majorité est d'être trop intelligente ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Même avec nos moyens limités, chacun comprend que vous bottez en touche. Votre réponse illustre les limites du « en même temps », et du fossé entre les discours et les actes.
En cette période de voeux, j'en adresse un au Gouvernement : cessez de croire les Français et les élus incapables de comprendre vos mesures. Vous n'avez pas le monopole de l'intelligence !
Quant aux consultations populaires, espérons qu'elles ne connaîtront pas le même sort que celle sur Notre-Dame-des-Landes... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Le Sénat vous a alertés sur la fiscalité écologique, sur la CSG. Écoutez-le donc ; les institutions, la République et la France s'en porteront mieux ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR et RDSE)
Malaise des forces de sécurité (I)
M. Alain Cazabonne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je suis conscient, monsieur Castaner, que vous ne portez pas seul la responsabilité du malaise dans la police et la gendarmerie. Nous l'avions dénoncé dès juillet, dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale dont j'étais vice-président.
Conditions de travail difficiles, locaux insalubres, manque d'effectifs, matériel vétuste, insécurité croissante : les forces de sécurité sont au bord de la rupture. Le taux de suicide est supérieur de 36 % à la moyenne nationale, le nombre d'heures supplémentaires non payées s'élève à 20 millions en 2017. Pour certains agents, le total s'élevait à l'équivalent de sept années !
Un travail extraordinaire a été demandé aux forces de l'ordre ces dernières semaines.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à leur malaise, au-delà d'une prime exceptionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur certains bancs du groupe Les Républicains)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Je l'ai dit devant votre commission des lois, nous sommes d'accord sur le constat : il faut donner des moyens supplémentaires à nos forces de sécurité, prendre en compte l'évolution des risques et rattraper le retard accumulé en matière d'immobilier, de véhicule, d'équipement.
Le budget du ministère de l'Intérieur augmente de plus d'un milliard d'euros sur deux exercices. Cela suffit-il ? Non. Il nous faut maintenir l'effort et le cibler. Nous devons mettre totalement en oeuvre le protocole social négocié par Bernard Cazeneuve.
Parmi les chantiers qu'il faut oser ouvrir figure celui des heures supplémentaires. La dette de l'État s'élève à 275 millions d'euros. Ces heures ne sont pas toujours perdues ; elles peuvent être comptabilisées pour les départs en pré-retraite anticipés de sept ans.
Je rencontre avec Laurent Nunez les organisations syndicales dans deux heures ; nous souhaitons un protocole d'accord pour sortir de cette logique infernale et trouver une solution, qui peut passer par le paiement mais aussi la récupération ou la contribution à un compte épargne temps. Nous mettrons tout sur la table, pour apporter à nos forces de l'ordre la sérénité dont elles ont besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Alain Cazabonne. - La France taxera les GAFA dès janvier 2019, ce qui devrait apporter 500 millions d'euros à l'État. Ne serait-il pas judicieux d'utiliser une partie de ces recettes pour payer les heures supplémentaires des forces de sécurité, mais aussi du personnel de santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Usine Ford de Blanquefort
Mme Françoise Cartron . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) « Une insulte à notre territoire » : c'est ainsi que Véronique Ferreira, maire de Blanquefort, Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, Alain Rousset, président de la région Nouvelle Aquitaine et Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental, qualifient la décision scandaleuse de fermer l'usine Ford.
Lors de la reprise du site en 2011, plus de 23 millions d'euros d'aides ont été versés en contrepartie du maintien de mille emplois. Ford a bafoué ses engagements, malgré la proposition sérieuse de reprise, malgré les sacrifices consentis par les employés, malgré l'attitude constructive des syndicats et l'engagement de toutes les collectivités.
Les quatre signataires de la tribune demandent la plus grande fermeté face à Ford et une application stricte des obligations de reclassement.
Bruno Le Maire le disait jeudi dernier : lâcheté, mensonge et trahison, voilà ce qui caractérise l'attitude de Ford. Pas moins de 1 200 emplois indirects sont concernés. Le cynisme et le mépris ont des limites !
Qu'est-il possible de faire pour ne pas plonger les 800 salariés concernés dans le désespoir à la veille des fêtes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Bruno Le Maire, retenu, m'a demandé de vous répondre.
Ford a confirmé son refus de donner suite à l'offre de reprise par Punch. À nos yeux, cette offre est viable ; l'ensemble des collectivités territoriales et l'État se sont engagés à accompagner le projet à hauteur de 15 millions d'euros. Ce projet permettrait le maintien de 400 emplois sur le site.
Bruno Le Maire a demandé au président du groupe Ford de revenir sur sa décision. Le groupe Punch s'est engagé à ne procéder à aucun licenciement économique pendant la durée de l'accord et à ne pas demander d'effort supplémentaire aux salariés. Je salue l'attitude responsable des organisations syndicales.
Quoi qu'il en soit, l'État sera vigilant, nous veillerons à ce que les droits des salariés soient respectés. La loi Pacte sera l'occasion de mieux encadrer les projets de reprise. Je peux vous assurer de la mobilisation du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Malaise des forces de sécurité (II)
Mme Brigitte Lherbier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nos forces de sécurité sont épuisées. Je veux saluer les fonctionnaires de police, si durement mis à contribution ces dernières semaines. Ancienne adjointe à la sécurité, j'ai participé à la commission sénatoriale sur le malaise des forces de l'ordre, qui a mené de nombreuses auditions ; le rapport de François Grosdidier a lancé un cri d'alarme, qui n'a pas été entendu.
Demain, les syndicats de policiers lancent une opération « commissariats morts » pour dénoncer l'insuffisance des crédits - que le Sénat n'a d'ailleurs pas votés.
Menace terroriste, pression migratoire, radicalisation de la contestation sociale : les forces sont épuisées et les besoins sont plus élevés que jamais. Locaux insalubres, heures supplémentaires impayées, vieillissement du matériel, tout cela justifie une véritable loi de programmation, pour rattraper le retard.
M. le président. - Votre question ?
Mme Brigitte Lherbier. - La prime de 300 euros n'est qu'une mesurette. Allez-vous apporter de vraies réponses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Les forces de sécurité sont fatiguées, mais motivées et déterminées. L'effort budgétaire, détaillé par M. Castaner, est indéniable, qu'il concerne les véhicules, l'équipement ou l'immobilier. Beaucoup va être fait en matière de recrutement.
M. François Grosdidier. - Pas assez !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - En 2019, les effectifs auront enfin retrouvé leur niveau de 2007 !
Avec Christophe Castaner, nous recevons aujourd'hui les syndicats ; les élections professionnelles étant désormais derrière nous, nous pourrons aborder les questions de temps de travail, de cycles horaires, d'apurement des heures supplémentaires non payées, en évitant de reconstituer un stock. Nous sommes déterminés à faire aboutir ces réformes très attendues. Ce ne sont pas des mesurettes ; nous avons, pour la police comme pour la gendarmerie, l'ambition d'améliorer les conditions d'exercice de ce métier difficile. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. François Grosdidier. - Le budget ne suit pas !
Loto du patrimoine
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les Français sont attachés à la sauvegarde du patrimoine, d'où le succès du loto du patrimoine lancé par Stéphane Bern. L'argent récolté devait aller aux 259 projets de restauration prioritaires identifiés. C'était sans compter sur la bercysation de l'État et son appétit insatiable, sur son addiction aux taxes de toute nature ! L'Assemblée nationale, sous l'influence de Bercy, vient de supprimer la mesure, votée par le Sénat, qui exonérait les jeux du patrimoine de TVA et de taxes.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Où sont les ministres de Bercy ?
M. François Bonhomme. - Il y a une entourloupe, car si les Français ont participé au loto du patrimoine, c'était pour sauver nos moulins et nos églises, pas pour remplir les caisses de l'État ! Ces méthodes nourrissent le mécontentement et la défiance que nous avons récemment constatés. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Dans cette période, nous devons tous faire preuve de pédagogie. (Exclamations sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
Le loto du patrimoine, voulu par Stéphane Bern et accompagné par la Fondation du patrimoine, est un formidable succès qui a apporté un revenu de 21 millions d'euros. L'État s'est engagé à accompagner ce mouvement en investissant de son côté 21 millions d'euros dans la protection du patrimoine de proximité.
M. François Grosdidier. - Il le récupère par les taxes !
M. Franck Riester, ministre. - Le vote de l'Assemblée nationale ne remet rien en question. Si l'on lance un nouveau loto en 2019, les revenus qu'il dégagera détermineront la participation de l'État, qui sera à la même hauteur.
Pour autant, faut-il revenir sur la législation en matière de loterie nationale ? Peu importent les moyens, seul compte le résultat. L'État gagne 14 millions d'euros mais en donne 21 millions ! Un peu d'objectivité et de pédagogie s'imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. François Grosdidier. - Vous reprenez ce que vous donnez !
M. François Bonhomme. - Cette pédagogie est-elle censée suppléer votre manque de discernement ?
Je regrette que le vrai ministre de la culture, celui qui est à Bercy, ne soit pas là. Votre réponse témoigne de la technostructure qui domine dans votre Gouvernement. Tout système d'aide donne lieu à taxation. Vous n'avez pas su vous prémunir de la voracité de Bercy. Vous finirez par décourager les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Débat national
M. David Assouline . - La semaine dernière, alors que 24 millions de téléspectateurs écoutaient la réponse solennelle du président de la République à la demande sociale de pouvoir d'achat mais aussi de considération, celui-ci a évoqué un débat sur l'immigration et l'identité nationale. Certains n'ont pas compris, d'autres n'ont que trop bien compris... Qu'entendait-il par cela ? Qu'attend-il de ce débat ? Comment ce grand débat national sera-t-il mené, comment en tiendrez-vous compte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - (« Ah ! » sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR) Le président de la République a évoqué un grand débat national, innovant sur la forme. Le Premier ministre l'a dit, ce sera plutôt un jardin à l'anglaise qu'à la française... (Brouhaha sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
Un débat où il faudra s'écouter - comme ici ! Un débat organisé sous l'autorité de la CNDP, avec les maires (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), où les citoyens pourront aussi s'exprimer grâce à un recueil numérique. (MM. Jean-Marc Todeschini et Jacques Genest s'exclament.)
Quatre thèmes ont été retenus : transition énergétique ; fiscalité ; organisation de l'État ; démocratie, citoyenneté et question migratoire.
Le président de la République n'a pas lié - et je connais votre honnêteté intellectuelle - l'immigration et l'identité nationale. Ce débat appartient au passé. (Le brouhaha va croissant.)
Mais la question migratoire était présente sur les ronds-points. Ne pas la traiter relèverait de la politique de l'autruche.
M. Jean-Marc Todeschini. - Démagogie !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Elle mérite mieux que les caricatures auxquelles nous avons eu droit de la part de certains parlementaires, sur le pacte de Marrakech notamment... (Huées et claquements de pupitre à droite comme à gauche, couvrant la voix de l'orateur)
M. le président. - Concluez, monsieur Griveaux.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - J'aimerais avoir l'attention de l'assemblée. Le sujet est trop important... (L'orateur est contraint de s'arrêter.)
M. le président. - Terminé.
M. David Assouline. - Je veux appeler à la responsabilité du Gouvernement et à notre responsabilité à tous. Partout, on observe des montées de nationalisme et de haine raciste. Il ne faut pas jouer avec le feu en instrumentalisant la question des migrations. (Mouvements à droite)
Prêtons tous le même serment : promouvoir, dans ces débats, la fraternité républicaine et combattre la haine raciste, nos compatriotes immigrés méritent notre considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Joël Labbé et Pierre Laurent applaudissent également.)
Office national des forêts
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le budget de l'Office national des forêts (ONF) vient d'être adopté malgré l'abstention de son président et le vote contre des syndicats ; les communes forestières ont même quitté la salle. C'est dire leur exaspération !
Les taxes à l'hectare, l'augmentation des frais facturés aux communes ne suffisent plus à maintenir à flot un Office qui frise le plafond d'endettement. Il va désormais encaisser les recettes de ventes de bois des communes. Ce pansement de 25 millions ne sauvera pas pour autant l'ONF, faire des communes ses banquiers ne résorbera pas son déficit structurel !
Les communes dénoncent les contraintes grandissantes et la baisse des effectifs, contraire au contrat d'objectifs et de performance. Chaque jour, l'ONF perd de sa crédibilité et de son sens auprès des maires. Vous avez d'ailleurs diligenté une mission d'évaluation. Les communes sont prêtes à faire des propositions pour sauver ce trésor de patrimoine et d'opportunités que constituent les forêts.
Alors que le président de la République veut renouer le pacte de confiance avec les territoires, allez-vous déposséder les 11 000 communes rurales des quelques recettes qui leur permettent d'investir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le ministre de l'agriculture, que je vous prie d'excuser, sait l'importance de la filière bois et entend vos inquiétudes. Le transfert à l'ONF de l'encaissement des ventes de bois figure dans la COP de 2016 ; de plus, il se fera à titre gratuit, alors que des frais de gestion devaient initialement être prélevés. La procédure sera simplifiée, les délais entre la vente de bois et le reversement aux communes seront de deux mois maximum. C'est une mesure gagnant-gagnant, d'autant qu'un nouvel outil informatique fluidifiera le système. (M. Bruno Sido ironise.) Les communes forestières seront associées à la phase de test.
Une réunion technique sera prochainement organisée avec les parties prenantes pour répondre aux inquiétudes.
M. le président. - Concluez.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Soyez assurés que le ministre de l'agriculture suit le sujet de près et a entamé un dialogue constructif avec les communes forestières. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jackie Pierre. - C'est nul !
M. le président. - Je rappelle à tous que c'est moi qui préside la séance, et moi seul. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes Les Républicains, UC, SOCR et Les Indépendants se lèvent et applaudissent longuement ; des huées accompagnent la sortie des membres du Gouvernement.)
La séance est suspendue à 17 h 45.
présidence de M. David Assouline, vice-président
La séance reprend à 17 h 55.
Indivision successorale et logement outre-mer (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.
Discussion générale (Suite)
M. Michel Magras . - Cette proposition de loi est une contribution utile à la résolution de la question de l'indivision outre-mer. Elle s'inspire du rapport de la délégation sénatoriale sur l'outre-mer sur le foncier, dont je salue les auteurs, Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu. Nos rapporteurs, qui avaient relevé combien l'indivision paralyse les outre-mer, prônaient une adaptation des normes nationales, y compris en matière de succession et vous savez combien je suis attaché au principe de différenciation.
Saint-Barthélemy a souhaité que ce texte lui soit appliqué, y compris l'article 2 bis qui supprime jusqu'en 2028 les droits d'enregistrement au titre du partage. Or la matière fiscale relève de la compétence de la collectivité. Je l'avais relevé dès la première lecture, le compte rendu en attestera, sans que cela ait été entendu. Je crois néanmoins que le texte doit être vu comme un ensemble : dès lors que l'on facilite juridiquement la sortie de l'indivision, il est cohérent de la conforter par des dispositions fiscales. Malgré cet empiètement, ladite collectivité ne s'opposera pas aux dispositions fiscales de l'article 2 bis. Si elle voulait rétablir la fiscalité sur le partage, elle aurait la faculté de demander au Conseil Constitutionnel de constater que la loi est intervenue dans son domaine de compétences. (Applaudissements)
M. Maurice Antiste . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) En première lecture, je m'inquiétais que ce texte fondamental pour nos territoires d'outre-mer soit, par le jeu de nos institutions, rediscuté en seconde lecture. N'y voyez pas une mise en cause du travail parlementaire mais j'aimerais parfois que les textes transpartisans, comme cela a été le cas dans le passé, fassent l'objet d'une procédure plus rapide. Disant cela, je pense aussi à la proposition de loi de MM. Bourquin et Pointereau pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Notre chambre haute a enrichi ce texte en l'élargissant aux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. S'il ne résout pas tous les problèmes de foncier outre-mer, nous aurons besoin de cet outil dérogatoire, d'une durée limitée, pour s'attaquer aux biens immobiliers en indivision en outre-mer, qui représentent 30 à 44 % du total et parfois 83 % dans certaines communes. On sait leurs conséquences : insalubrité, insécurité, programmes immobiliers ralentis, déstructuration familiale...
Nos populations attendent ce texte avec impatience. L'adopter aujourd'hui serait un beau cadeau de Noël. (Applaudissements)
Mme Annick Girardin, ministre . - Je me félicite de l'aboutissement de ce processus législatif. Le texte est utile. Effectivement, monsieur Magras, vous aviez souligné en première lecture l'erreur matérielle à l'article 2 bis. Je vous présente toutes mes excuses. Je n'étais pas en séance ce jour-là. Cette erreur sera corrigée.
Discussion des articles
L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 2 bis.
L'article 5 A demeure supprimé.
ARTICLE 5
M. Stéphane Artano . - Favorable comme la majorité du RDSE à ce texte, je m'abstiendrai néanmoins par attachement au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Soumettre au code général des impôts une collectivité à statut particulier me pose problème. Mes amendements étaient d'appel. Je prends acte de la correction mais je suis contraint de m'abstenir.
L'article 5 est adopté, de même que l'article 6.
Explications de vote
M. Maurice Antiste . - L'outre-mer peut et doit être force de proposition. C'est ce qu'a fait Serge Letchimy avec ce texte qui facilitera le développement urbain car la maîtrise foncière est un élément essentiel de l'aménagement.
Je salue le travail transpartisan effectué sur ce sujet technique. Les tribunaux ne seront plus la seule voie de sortie des indivisions et les familles ne se déchireront plus.
J'espère que ce texte sera mis en oeuvre rapidement au niveau local.
Enfin, cette proposition de loi illustre l'excellent travail que réalise le Sénat pour la défense des collectivités. Que nos détracteurs s'en souviennent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Catherine Conconne . - Nous nous acheminons vers un vote conforme. Serge Letchimy, pour paraphraser un célèbre slogan publicitaire, le vaut bien, lui qui depuis trente ans a fait de la lutte contre le mal-logement son cheval de bataille, lui qui est reconnu pour être un grand aménageur.
Par ce texte, l'outre-mer montre qu'il peut apporter un oxygène revigorant à la nation française dont les pratiques sont parfois poussiéreuses. L'horizon, c'est le lointain. Nous, outre-mer, sommes cet horizon qui ouvre vers des routes inexplorées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et quelques applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur . - Certains voulaient que le Sénat adopte le texte conforme en première lecture. Il fallait pourtant consolider le texte pour éviter la censure du Conseil constitutionnel au motif que les dérogations étaient excessives au regard du droit de propriété.
Je m'étais engagé à aller vite, engagement que j'ai tenu. Je remercie le Gouvernement d'avoir trouvé un temps pour examiner ce texte provenant de la Nouvelle gauche et d'avoir levé le gage sur l'incitation fiscale nécessaire, indispensable au succès du dispositif.
Nous n'en avons pas fini pour autant avec la question du foncier outre-mer. Les réflexions devront se poursuivre.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Prochaine séance demain, mercredi 19 décembre 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 h 15.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 19 décembre 2018
Séance publique
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Deroche M. Joël Guerriau
. Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2019.