Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Attentat de Strasbourg (I)
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE) Strasbourg, capitale européenne, siège du Parlement européen, capitale de Noël, a été frappée. Mes premières pensées vont aux victimes de cet acte lâche et barbare. Nous savions que la menace qui plane depuis des années sur notre pays n'avait pas disparu, mais elle semblait moins palpable.
Je veux saluer le courage et l'engagement de nos forces de l'ordre et de sécurité, de nos services de renseignement, ainsi que le dévouement et le professionnalisme des équipes médicales et d'urgence.
Le suspect était fiché S et inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Nous ne voulons pas polémiquer mais nous interroger sur la déradicalisation dont les résultats sont peu probants voire nuls pour enrayer la menace terroriste. Quelles solutions alternatives le Gouvernement propose-t-il pour mieux protéger nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Nous sommes effectivement confrontés à une menace terroriste endogène. Les services de renseignement, police, de gendarmerie ne baissent jamais la garde. Ils détectent ces individus puis les suivent au plus près. C'est à cette fin qu'existe le fichier des personnes radicalisées. Les moyens humains ont été augmentés et le seront encore, de 1 900 sur le quinquennat. Même chose pour les moyens budgétaires, pour des techniques de renseignement plus performantes, et juridiques, avec la loi. Nous poursuivons ce travail, très sérieusement, avec les préfets et Christophe Castaner. L'individu de Strasbourg a été détecté et suivi mais jamais aucune velléité de passage à l'acte n'a été décelée.
Le Gouvernement est attentif à la déradicalisation, qui est une autre question, notamment en prison, où des quartiers d'évaluation seront mis en place.
Vous nous parlez des politiques de déradicalisation, avec les cellules de prévention animées par les préfets, qui prennent en charge les individus les plus fragiles, dans chaque département, avec le concours des acteurs de terrain.
Ces actions répressive et préventive se poursuivront avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Annonces du président de la République
M. Dominique Théophile . - Au nom des sénateurs de La République en Marche, j'exprime notre solidarité aux victimes du terrible attentat de Strasbourg. Je félicite les forces de l'ordre pour le travail remarquable accompli quotidiennement ces dernières semaines pour la protection et la sécurité des Français.
Après trois semaines de crise des gilets jaunes dans l'Hexagone et en outre-mer, notamment à La Réunion, le président de la République a déclaré l'état d'urgence économique et sociale. « Nous voulons une France où on peut vivre dignement de son travail. Sur ce point, nous sommes allés trop lentement », a-t-il déclaré.
Il a fait des annonces fortes et concrètes : suppression immédiate de la taxe sur les carburants, super-prime à la conversion, défiscalisation des aides régionales, élargissement du chèque énergie. Puis, dès le début de l'an prochain, un salarié au SMIC bénéficiera d'un gain mensuel de 100 euros, suppression de la hausse de CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, les heures supplémentaires seront défiscalisées et désocialisées. Enfin, la prime de fin d'année versée par les entreprises sera sans impôts ni charges. L'effort budgétaire est important.
Les travailleurs et les retraités les plus modestes méritent toute notre attention. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser les modalités d'application concrètes de ces annonces ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - M. le Premier ministre vient de préciser que ces mesures feraient l'objet d'un projet de loi présenté dès la semaine prochaine en Conseil des ministres et devant les assemblées avant la suspension des travaux parlementaires.
La prime d'activité est accessible tant aux salariés du secteur privé qu'à ceux du secteur public. La défiscalisation des heures supplémentaires sera également applicable aux deux secteurs.
Quant à l'augmentation de la CSG, elle sera annulée pour les retraités dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 22 580 euros par an pour une personne seule (Exclamations à droite) et 34 600 euros pour un couple. Les retraités dont le revenu fiscal est inférieur à 14 548 euros par an continueront à bénéficier du taux minoré.
Si les modalités techniques de mise en oeuvre de ces mesures nous empêchent de les traduire concrètement avant fin janvier, nous veillerons à ce qu'elles soient rétroactives. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Application de la loi EGalim
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RDSE) Monsieur le ministre de l'Agriculture, la loi EGalim...
Mme Sophie Primas. - Aïe, aïe, aïe ! (Sourires à droite)
M. Franck Menonville. - ... devait donner plus de pouvoir d'achat à nos agriculteurs, conformément aux états généraux de l'alimentation qui avaient suscité de grands espoirs.
Nous attendons des ordonnances, dont la première a été publiée au Journal officiel aujourd'hui - c'est une bonne chose pour le rééquilibrage des relations commerciales au profit des producteurs. Mais la seconde ordonnance sur les prix abusivement bas se fait attendre.
En effet, les négociations commerciales, en cours, se déroulent dans des conditions difficiles. Il faut vraiment accélérer la mise en oeuvre de ce texte.
Quand cette ordonnance sera-t-elle présentée et mise en application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Oui, les agriculteurs vivent des temps difficiles. C'est pourquoi le président de la République a organisé des états généraux auxquels tout le monde a participé, et qui ont abouti à la loi EGalim. Cela fait des années que les négociations commerciales se passent mal. Le Gouvernement a décidé de publier la première ordonnance avant les négociations commerciales - pour imposer à l'ensemble de la chaîne une meilleure répartition de la valeur. Sans cela, bien des agriculteurs auraient mis la clé sous la porte. (Marques d'ironie à droite ; M. Michel Raison s'exclame.)
Vous pouvez ironiser, c'est vrai ! L'ordonnance sur les prix anormalement bas est tout aussi indispensable. Le Gouvernement tient à l'augmentation du revenu des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Parcoursup et frais d'inscription à l'université
M. Pierre Ouzoulias . - Madame la ministre, vous vous étiez opposée à l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires votée par le Sénat, à l'initiative du groupe Les Républicains. M. Gabriel Attal, en CMP, avait déclaré que « les étudiants étrangers deviennent ensuite des ambassadeurs de la France dans leur pays et transmettent des valeurs... ».
Or le Premier ministre a multiplié ces frais par seize pour eux dès la licence. Pourquoi le Gouvernement a-t-il changé d'avis ?
Vous refusez de nous transmettre les modalités de sélection des universités dans Parcoursup, qui a fait subir de graves discriminations aux bacheliers des filières technologiques et professionnelles, malgré les avis favorables de la CADA. Qu'avez-vous à nous cacher ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Je suis fascinée par votre énergie à soutenir une position dont je vous ai prouvé la fausseté, notamment en commission.
Parcoursup, c'est 23 % de bacheliers issus des bacs professionnels en plus dans les BTS et 19 % de bacheliers technologiques en plus dans les IUT ; c'est aussi 21 % de boursiers en plus dans l'enseignement supérieur et 28 % en plus dans les classes préparatoires parisiennes. Vous pouvez avoir une opinion différente de la nôtre, mais les chiffres sont là.
Le Premier ministre a annoncé un plan d'accueil « Bienvenue en France ». En effet, les étudiants internationaux sont extrêmement mal accueillis et se détournent de la France.
Nous ne faisons plus partie des vingt pays dont l'accueil est croissant, alors que le nombre total d'étudiants internationaux double dans le monde.
Pour se loger en France, il faut un compte en banque et un visa adaptés, alors que beaucoup d'étudiants étrangers arrivent dans notre pays avec un visa de tourisme. (M. David Assouline s'exclame.)
Les études supérieures en France ne sont pas gratuites : elles sont payées par nos impôts. Il faut une solidarité et une répartition. Les étudiants internationaux paieront un tiers du coût complet et ceux qui paieront contribueront à l'amélioration de l'accueil de 100 % des étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. David Assouline proteste.)
Mme Éliane Assassi. - Incroyable !
M. Pierre Ouzoulias. - Le budget des Affaires étrangères que nous venons de voter ne comporte aucun crédit supplémentaire en faveur des bourses, mais cela devient une habitude pour votre Gouvernement. La communauté universitaire ne se satisfait pas de vos réponses techniques.
Réaffirmez l'universalité de la pensée française et mettez fin aux mesures discriminatoires d'accès à l'enseignement supérieur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Attentat à Strasbourg (II)
M. Jacques Bigot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Quand les nuits s'allongent au solstice d'hiver, que les brouillards de décembre nous privent de soleil dans ces jours trop courts, les lumières de Noël nous réconfortent. Cette ambiance alsacienne, venue d'une longue et forte tradition, nordique, païenne puis chrétienne, vient de trouver sa fin à Strasbourg.
Un jeune homme, né à Strasbourg, a tué et blessé gravement plusieurs personnes dont un Afghan membre d'une communauté musulmane. Mes premières pensées vont aux innocentes victimes. Notre gratitude va aux forces de l'ordre et aux services de secours et de soins.
Notre espoir est que les forces de l'ordre arrivent à arrêter l'assassin qui court toujours. Une opération du Raid semble être en cours en ce moment même.
Monsieur le Premier ministre, nous ne devons pas céder à la menace. L'État partage-t-il le souhait du maire de Strasbourg de rouvrir le marché de Noël ? Cet attentat est-il le fait d'un loup solitaire ? Est-il le signe d'un accroissement de la menace ?
Notre système d'analyse informatique des 17 000 fichés S ne devrait-il pas être plus performant pour mieux déterminer les individus les plus dangereux ? La Belgique revoit actuellement ses algorithmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Vous avez rappelé ce qu'est le marché de Noël de Strasbourg, notre marché de Noël. Comme tous les autres, il fonde notre histoire et notre identité et c'est notre France qui a été frappée si violemment à Strasbourg.
Des levées de doute se poursuivent, dont l'opération à laquelle vous venez de faire allusion. Pas moins de 720 membres des forces de l'ordre sont mobilisés à Strasbourg, dont 280 policiers de la police judiciaire sur cette enquête. La mobilisation est totale, même à l'international, pour arrêter l'auteur de l'attentat.
Je me rendrai tout à l'heure à Strasbourg pour discuter avec le maire de la réouverture du marché de Noël. Cette réouverture impliquerait un déploiement important des forces de sécurité sur place.
Tout est mis en oeuvre pour que le terroriste soit arrêté au plus vite. Nous travaillons à suivre au mieux les fichés S. Le terroriste que nous poursuivons était identifié par la DGSI. Il devait être interpellé sur un fait de droit commun et nos services travaillaient main dans la main à cette fin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Indemnisation des agriculteurs victimes de la sécheresse
M. Daniel Chasseing . - Depuis des mois, j'alerte le Gouvernement sur la ruralité et notamment la tension qu'engendrerait une augmentation des taxes sur le gazole et le fioul. Le Gouvernement a enfin compris, avec de bonnes annonces. Il faut un grand plan pour la ruralité sur les centres-villes, l'aménagement du territoire, le coût des services publics, l'attractivité et le développement d'outils incitatifs.
Monsieur le ministre, que pensez-vous des zones franches rurales en secteur hyper-rural ? N'oublions pas nos agriculteurs, qui souffrent de la sécheresse, et ont subi des pertes énormes, dans de nombreux départements. Seront-ils indemnisés rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Vous avez posé beaucoup de questions. Merci d'avoir reconnu l'engagement du Gouvernement en faveur de la ruralité et des agriculteurs. La deuxième ordonnance sur les prix anormalement bas sortira dans les jours qui viennent. Les zones franches rurales ont fait l'objet d'un rapport à l'Assemblée nationale, conjoint au groupe Les Républicains et à LaREM ; une grande réflexion sur le sujet doit être menée.
En ce qui concerne la sécheresse, le premier Comité national de gestion des risques en agriculture s'est réuni hier - distribuant 7,7 millions d'euros pour votre département, monsieur le sénateur. Nous en avons prévu trois.
Il faut se demander comment l'agriculture française peut se développer, filière par filière, et territoire par territoire. C'est tout l'enjeu des états généraux. Le Gouvernement veut tout mettre en oeuvre pour que les agriculteurs puissent vivre, et que la ruralité se développe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Daniel Chasseing. - Il faut mener la transition écologique avec raison, en concertation avec d'autres pays ; ainsi, la Pologne, les États-Unis, la Chine et l'Inde, on le voit à la COP24, continuent à utiliser l'énergie fossile pour produire de l'électricité. L'environnement ne doit pas devenir l'ennemi de l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Attentat à Strasbourg (III)
M. André Reichardt . - Je m'exprime à mon tour comme sénateur alsacien. Je m'incline devant les victimes, exprime notre compassion aux familles touchées et je tiens à rendre hommage aux forces de l'ordre, injustement malmenées ces derniers temps, qui assurent la sécurité de nos concitoyens.
Strasbourg, capitale des droits de l'Homme, capitale des valeurs, comme le dit son maire, a été touchée dans son marché de Noël, symbole multiséculaire de joie, de fraternité et de paix.
Les Alsaciens ne renonceront pas à porter leurs valeurs d'humanisme, que d'aucuns voudraient voir disparaître.
À 29 ans, le terroriste a déjà été condamné 27 fois ! La population en a assez de ce parcours tristement typique de petite à grande délinquance, récidive, multi-récidive, radicalisation en prison puis, hélas, passage à l'acte.
Plus de 450 détenus radicalisés seront libérés l'an prochain. Faut-il craindre autant de passages à l'acte ?
Pouvez-vous en outre promettre que pas un centime du budget de la sécurité ne sera redéployé en 2019 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Marc Gabouty et Jean-Pierre Decool applaudissent également.)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Le lien indéfectible des élus à leur territoire, nourrit la souffrance face au drame - et la fierté que l'on a d'entrer dans la représentation nationale, d'être parlementaire.
Sur le parcours de Cherif Chekatt : dès l'âge de dix ans, il a fait montre de violence contre l'autorité familiale, jeune adulte il a été condamné en France, en Suisse et en Allemagne. Il a purgé ses peines. Il devait être arrêté hier pour complicité d'homicide. Rien n'indique qu'il a été radicalisé en prison mais c'est là qu'il a été détecté puis fiché S.
Nous suivons les individus à risque, mais le risque, ce n'est pas une incrimination pénale.
Le Gouvernement précédent a mobilisé des moyens exceptionnels pour la DGSI. Nous poursuivons cet effort, avec, en particulier, 22,5 millions d'euros pour la modernisation des systèmes de renseignement. Quelque 500 militaires ont été mobilisés dans les 24 heures après l'attentat. Puis, 500 militaires ont été redéployés. Au total, le Premier ministre a porté à 1 800 le nombre de militaires mobilisés sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. André Reichardt. - Les réponses au terrorisme doivent porter sur les causes, contre le communautarisme, nous n'y arriverons pas, dès le plus jeune âge, sans affirmer notre identité, notre culture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Soutien aux revenus modestes non salariés
M. Michel Canevet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La crise sociale qui perturbe notre pays couvait depuis longtemps. Les réponses de l'exécutif ont tardé. M. Marseille a exposé nos propositions précises.
Lundi dernier, le président de la République a annoncé des mesures à destination des salariés. Cependant les artisans, agriculteurs, pêcheurs et les professionnels indépendants souffrent aussi et s'inquiètent pour leur avenir - ils ont raison, quand on voit les projets de fermeture de l'aciérie d'Ascoval, mais aussi de Ford à Blanquefort. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour ces Français qui expriment, eux aussi, un ras-le-bol fiscal ?
Les annonces du président de la République coûteront 10 milliards d'euros, alors que les comptes sont déjà dégradés.
Au Sénat, nous appelons de longue date à une réduction de la dépense publique mais aussi à une lutte accrue contre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale des entreprises. Quelle réponse comptez-vous apporter à ce sentiment d'injustice fiscale et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Le Gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour tenir les comptes publics et éviter d'aggraver notre déficit - pour respecter les 3 % qui sont notre engagement et auxquels nous tenons. Raison de plus pour taxer les GAFA et lutter contre l'optimisation fiscale.
Ford refuse l'offre de reprise de Punch sur le site de Blanquefort près de Bordeaux. Je suis révolté, écoeuré (Marques d'ironie à droite) par cette décision qui a pour seul but de faire croître le cours de bourse de Ford. Je veux dénoncer la lâcheté et le mensonge de Ford et sa trahison vis-à-vis des salariés du site de Blanquefort qui avaient accepté de réduire leur salaire et leurs RTT. Les plus de 800 salariés et les syndicats ont été à la hauteur, Philippe Poutou a tenu parole, mais pas les responsables de Ford - qui ne m'ont même pas, soit dit en passant, pris au téléphone depuis trois jours. J'appelle solennellement Ford à réviser sa décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Michel Canevet. - Nous partageons cette position. Il faut prendre acte de l'imposture de Ford. Il faut aussi que les promesses du président de la République soient tenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Augmentation des frais d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Madame la ministre de l'Enseignement supérieur, le 10 décembre, alors que plusieurs facultés étaient bloquées, la Conférence des présidents d'université (CPU) vous demandait de suspendre l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers, alors que le Premier ministre publiait le plan « Bienvenue en France » (M. David Assouline ironise.)
Les étudiants étrangers extracommunautaires devront payer 2 600 euros de plus en licence, 3 500 euros de plus en master et doctorat. Beaucoup devront renoncer à un projet.
À l'université Clermont-Auvergne, 5 000 étudiants étrangers participent à la vie du territoire et à la renommée de notre université.
Cette dynamique est une chance. Le triplement des bourses ne sera pas suffisant. Pas moins de 80 000 étudiants africains étudient en Chine où ils reçoivent un logement et une bourse mensuelle de 400 euros.
Madame la ministre, quels sont vos arguments pour justifier la hausse des frais pour les étudiants extracommunautaires ?
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Nous souhaitons doubler le nombre d'étudiants internationaux : c'est l'objectif du plan « Bienvenue en France ». Les étudiants déjà présents seront exonérés des nouveaux droits. Seuls les conseils d'administration des universités sont habilités à procéder à des exonérations de frais d'inscription, cela fait partie de leur stratégie d'attractivité. Nous avons créé un label de qualité de l'accueil : quelque 70 établissements ont déjà demandé à s'y inscrire.
Vous dites que 80 000 étudiants africains étudient en Chine ; ils sont bien plus nombreux, mais ces 80 000 sont exonérés de frais. Notre objectif est d'exonérer de frais 40 000 étudiants - ce n'est donc pas rien si on compare la taille de la France et celle de la Chine. (M. Alain Richard et Mme Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)
Difficultés de la filière bois
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les mouvements de ces dernières semaines rappellent que nos concitoyens se sentent dépréciés. La transition écologique ne peut se faire qu'à coups de taxes.
Les dossiers que nous portons attendent des réponses concrètes. Par exemple la filière bois. Plus de 30 millions de m3 de bois restent sur pied, au lieu de nourrir toute une filière, scieries et usines à papier, donc les ouvriers qui y travaillent, les territoires où elles sont implantées.
Le bois produit en France est un enjeu de transition écologique, la forêt est en fait notre seule richesse. Nous sommes là au coeur du sujet.
Après la tempête Klaus, les propriétaires ont été aidés par l'État via des exonérations d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Mais quid des contreparties ?
Monsieur le ministre, vous venez de signer un contrat de filière prometteur. Le Gouvernement compte-t-il faire respecter la loi ? La forêt génère 4 000 emplois directs dans mon département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je devais être aujourd'hui à l'assemblée générale de la fédération française du bois, mais j'ai préféré venir ici pour vous répondre.
Merci de souligner l'ambition du contrat de filière que nous venons de signer. Effectivement, la forêt est un enjeu majeur, elle couvre 70 % de notre territoire, c'est un stock contre le CO2 - notre moyen de tenir la règle du 4 pour 1 000 : il suffirait d'augmenter de 0,4 % par an le carbone stocké dans les sols pour stopper la concentration de CO2 dans l'atmosphère lié aux activités humaines.
Nous mobilisons le grand programme d'investissement, nous encourageons l'innovation et oeuvrons à un remembrement avec M. Le Maire.
La forêt française est morcelée, ce qui entraîne un manque de coupes et donc d'entretien. (MM. Alain Richard, François Patriat, Jean-Claude Requier et Jacques Mézard applaudissent.)
Relations du Gouvernement et du Sénat
M. Albéric de Montgolfier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a un an, je vous posais déjà cette question : le Gouvernement va-t-il enfin entendre le Sénat ? Ce n'est toujours pas le cas. Le Sénat avait proposé le gel de la fiscalité énergétique jusqu'en 2022, vous vous y êtes opposés. Nous avions contesté la hausse de la CSG pour les retraités, vous avez été inflexible. Et cette année, vous avez refusé la ré-indexation des retraites, de même que nos propositions pour renforcer la lutte contre la fraude à la TVA et aux dividendes.
Tous ces amendements votés largement, parfois à l'unanimité, ont été repoussés par le Gouvernement. Pourtant ils étaient tous gagés sur des économies dans les dépenses - car nous sommes responsables.
Depuis quelques jours, les événements vous ont ramené à la réalité. Le président de la République a annoncé qu'il reviendrait sur la hausse de la CSG. Si vous aviez écouté le Sénat, nous n'en serions pas là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Notre seul tort est d'avoir eu raison trop tôt. Monsieur le ministre, allez-vous enfin écouter le Sénat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le président de la République a fait des annonces lundi sur la CSG, les heures supplémentaires, la prime exceptionnelle versée par les entreprises - ces mesures s'ajoutent à l'annonce faite par le Premier ministre sur la TICPE
M. Philippe Dominati. - Ce n'est pas la question !
M. Marc Fesneau, ministre. - Mardi dernier, le Sénat a accepté la seconde délibération demandée par le Gouvernement. J'ai envoyé ce matin une lettre de modification de l'ordre du jour au président du Sénat.
Lundi, j'adresserai au président Larcher une nouvelle lettre pour redéfinir l'ordre du jour. Nous voulons examiner les textes mercredi en conseil des ministres et qu'ils soient adoptés avant la fin de la semaine prochaine par les assemblées. (Les sénateurs Les Républicains protestent, estimant que le ministre ne répond pas à la question.)
Nous serons à l'écoute de l'Assemblée nationale et du Sénat pour produire le meilleur dans l'intérêt des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)
Revenu agricole
M. Michel Raison . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'Agriculture, vous connaissez la détresse de nombreux agriculteurs. Il y a dix-huit mois, pour clore les états généraux de l'alimentation, le président de la République a fait un discours d'illusionniste, qui s'est traduit par la loi EGalim. Je sais, monsieur le ministre, qu'au plus profond de vous, vous êtes conscient que cette loi n'aura pas d'effet sur le revenu des agriculteurs. (M. Jean Bizet le confirme.)
Mais alors, que ferez-vous pour les agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - À Rungis, le président de la République n'a pas fait dans l'illusion, mais dans la raison. (Sourires)
Sans la loi EGalim, nous allions droit dans le mur. C'est un pari que cette loi ; réussissons-le ! L'expérience sur le seuil de revente à perte vaut pour deux ans, il est expérimental. L'agriculture est le secteur qui bénéficie le plus des baisses de charges et de fiscalité dans le projet de loi de finances 2019 (M. Michel Raison le conteste.). Les chiffres sont têtus, le budget est têtu, le rapporteur général ne me démentira pas.
Vous, comme ceux de la majorité, vous aimez les agriculteurs. Alors aidez-moi à réussir !
Le temps n'est plus à tergiverser, à se demander ce que nous aurions fait de mieux. Car si ce que nous faisons ne marche pas, c'est la dernière station avant le désert. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Michel Raison. - Je veux bien vous aider, Monsieur le ministre, je suis surtout là pour aider mon pays. Si la colère a été si grande, c'est à cause d'années et d'années d'illusionnisme et de mensonges.
Le revenu est fait d'une colonne de recettes, mais aussi de charges. Vous n'avez pas touché aux charges : le gasoil est à ce niveau depuis des années.
Et la PAC fait partie des revenus des agriculteurs. Le prix n'est pas un levier sur lequel le politique peut intervenir - votre travail, c'est de réduire les charges et de réformer la PAC. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Pacte de Marrakech
M. Pascal Allizard . - L'Union européenne peine à trouver une solution face à la crise migratoire et de nouvelles questions émergent. Dans ce contexte tendu, de nombreux Français découvrent le pacte mondial de l'ONU pour des migrations sûres, ordonnées et régulières - que le Gouvernement est allé signer à Marrakech. Si le titre en est clair, son contenu et la méthode d'adoption interrogent. Les signataires s'engagent à 23 objectifs en 200 mesures. Les esprits sceptiques sont présentés comme mal renseignés ou, pire, mal intentionnés.
Il aurait fallu au moins en informer la Représentation nationale ! En agissant de la sorte, le Gouvernement engendre un affaiblissement démocratique, avec des peuples qui pensent ne plus maîtriser leur destin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Merci de cette question qui me permet de rejeter les fausses rumeurs. Ce document réaffirme la souveraineté des États concernant la détermination de leur politique migratoire ; mais aussi la co-responsabilité des États d'origine, de transit et de destination face à ce défi pour l'humanité tout entière.
Ce texte est non contraignant - cela a été rappelé par le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. C'est une boîte à outils pour traiter ce défi que nous ne pouvons relever seuls.
Vous dites ne pas en avoir été informé. Mais j'ai entre les mains le document transmis au Sénat le 25 avril 2018 au titre de l'article 88-4 de la Constitution, car la Commission européenne a souhaité également consulter ce Pacte. Voici donc six mois que ce texte est à votre disposition, le Sénat avait tout loisir de prendre une résolution.
Faute de réaction de la Haute Assemblée, j'ai regardé vos travaux. J'y ai constaté que, le 30 novembre dernier, votre commission des affaires européennes a pris une résolution suite à la commission d'enquête sur Schengen, rappelant quelques principes clairs - en particulier l'objectif d'une coopération approfondie avec les pays d'origine ou la nécessité de négocier avec les pays tiers des accords de réadmission. Cela tombe bien, c'est dans le Pacte ! (Sourires)
Le Gouvernement s'est donc inspiré des travaux de la Haute Assemblée. (Rires à droite)
M. Roger Karoutchi. - Il est bon : c'est un ancien sénateur !
M. Pascal Allizard. - Les Français en ont assez de la verticalité. Il n'appartient pas aux experts de se substituer aux élus nationaux pour élaborer des politiques publiques. L'intégration réussie des migrants nécessite autre chose que de belles paroles. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)