Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
Discussion générale
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Ce projet de loi ELAN - mieux vaut que les textes portent le nom de leur contenu que de celui qui les défend... - poursuit son cheminement parlementaire après l'examen de plus de 3 400 amendements par l'Assemblée nationale. J'ai donc l'honneur de vous présenter un projet de loi de simplification. Il s'agit de libérer, de protéger, de faciliter la construction et la rénovation, de restaurer la confiance des acteurs et d'accompagner une société en mouvement - comme elle ne l'a jamais été dans l'Histoire - de lutter contre les fractures territoriales, d'adapter les conditions de logement pour les plus démunis et de fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.
C'est un texte de simplification parce que le droit de l'urbanisme est devenu trop technique. Il suffit d'ouvrir le code de la construction pour voir que notre droit empêche et contraint plus qu'il ne facilite ou rend possible à cause d'une accumulation de textes et de normes parfois contradictoires. Cela étant dit, nous ne souhaitons pas remettre en cause le droit que les majorités successives ont mis en place mais faciliter la tâche des élus, des investisseurs, des bailleurs sociaux et des promoteurs.
Proposer un projet de loi qui, sans apporter de contraintes supplémentaires, lève des blocages ; voilà l'innovation.
J'entends les préoccupations, mais pour faciliter la construction, il faut réduire les normes et règlements. Bien sûr, le législateur multiplie les textes et les règlements en ce domaine, mais souvent parce que les acteurs de la construction lui proposent une multitude d'amendements. Il est plus difficile de simplifier que de complexifier.
Ce projet de loi est le fruit d'une large concertation et d'une consultation en ligne - qui a donné lieu à des milliers de contributions. Nous avons tenu nombre de réunions avec les associations d'élus, et bien sûr la conférence de consensus, tenue ici même au Sénat, qui a fait l'état des besoins et permis d'éviter les ordonnances sur la restructuration des bailleurs sociaux.
Après examen attentif, pour ne pas dire minutieux, de la commission des affaires économiques, ce texte compte 235 articles, dont les trois quarts d'origine parlementaire. Nous allons examiner plus de 1 000 amendements, même si certains sont de suppression : le texte risque donc de grossir à nouveau. Je ne considère pas cette production législative comme un obstacle ou un frein mais comme l'intérêt manifesté par tous les groupes sur les sujets du logement, de l'urbanisme et du numérique.
M. Bruno Retailleau. - C'est très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. - Loin de moi l'idée de contester la procédure parlementaire et en particulier le droit d'amendement... (Mme Sophie Primas applaudit ; applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Républicains) droit dont j'ai pu user largement sans trop en abuser, me semble-t-il.
Je ne doute pas des apports du Sénat, qui sont déjà une réalité grâce au travail de la conférence de consensus. Notre état d'esprit est l'écoute, sans renoncer aux objectifs de simplification et de protection. À l'Assemblée nationale, des amendements de tous les groupes ont été adoptés et il en sera de même ici car je crois profondément à la démocratie parlementaire, au bicamérisme et donc au travail fait ici.
Premier objectif : construire plus, mieux et moins cher. La promotion des opérations d'urbanisme et de revitalisation reposera sur les projets partenariaux d'aménagement (PPA), consistant par exemple à reconvertir d'anciennes casernes. La libération du foncier public sera facilitée en permettant la cession par l'État du foncier de son domaine privé aux signataires d'un PPA.
L'outil que constituent les Grandes opérations d'urbanisme (GOU) permettra, à l'instar des Opérations d'intérêt national (OIN) aujourd'hui, de déroger à certaines règles du droit commun de l'urbanisme. L'avis conforme du maire dans la constitution d'une grande opération d'urbanisme nous apparaît comme un obstacle. C'est l'occasion d'aborder la place et le rôle des maires, dont le Sénat s'est toujours fait le défenseur. Mais les positions des élus locaux ne sont pas univoques : souvenons-nous des débats - et des inquiétudes - sur les plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUi) en 2013...
M. Marc Daunis. - Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. - Presque la moitié des intercommunalités sont depuis passées au PLUi !
Nous n'avons pas voulu rendre celui-ci obligatoire : n'imposons pas de nouvelles contraintes aux collectivités territoriales. Mais n'oublions pas non plus que des associations d'élus veulent transférer l'instruction et la signature des permis de construire aux intercommunalités.
Globalement, le texte que je vous présente préserve très largement l'autonomie des maires.
Dans cette même logique, nous n'avons pas souhaité aller plus loin dans le transfert aux intercommunalités. Ces instruments, PPA et GOU, ne seront lancés qu'à la demande des collectivités territoriales, et non de l'État.
Nous savons tous que parfois une commune fait barrage à de grandes opérations, que pour nombre de promoteurs, il y a des freins à la construction à cause de maires qui considèrent le PLU comme un plafond. Préservons les prérogatives des maires, mais entendons ces demandes.
Autre instrument, la simplification des documents d'urbanisme, avec une procédure d'instruction dématérialisée et un nombre de pièces réduit pour gagner du temps. Certes, il faudra des investissements ab initio. Ensuite, le traitement des dossiers sera plus rapide et les demandes inutiles de pièces complémentaires supprimées.
L'articulation de ces mesures avec la loi Littoral a été beaucoup débattue à l'Assemblée nationale ; dire qu'elle a été détricotée est extravagant. Nous sommes parvenus à une solution équilibrée, souhaitée par l'immense majorité des maires du littoral et sans remettre en cause les principes de la loi Littoral. Votre commission a apporté des modifications dont nous débattrons sans préjugés.
Il n'est cependant pas question de revenir sur les règles fondamentales de la loi Littoral qui s'inscrit dans le plan Biodiversité présenté il y a quelques semaines. C'est le sens du communiqué commun que Nicolas Hulot et moi-même avons publié.
Nous avons aussi simplifié les normes de construction pour faciliter le recours à des matériaux biosourcés ou la construction de logements évolutifs.
Autre sujet, l'accessibilité. Je comprends, là aussi, les interrogations. La loi de 2005 est difficile à appliquer. Les mesures de ce texte permettent d'adapter l'environnement aux événements de la vie, au lieu d'imposer une seule règle mal adaptée pour tous. Quand on habite un R+1, R+2 ou R+3, la question de l'accessibilité ne se pose pas puisqu'il n'y a pas d'accès...
Revenons aux fondamentaux, avec un pourcentage de logements adaptés dont nous aurons à discuter - vous avez proposé 30 % en commission.
Sur les recours contentieux, nous voulons passer de 24 mois de procédure en moyenne à 10 mois pour les logements collectifs. Cette mesure est très attendue. Un maire d'une métropole du Sud-Ouest me disait récemment que 60 % des permis de construire dans sa ville étaient frappés par un recours. On estime à 30 000 le nombre de logements dont la construction est bloquée pour cette raison.
La cristallisation des moyens sera obligatoire. Il ne s'agit pas d'empêcher le droit au recours, mais l'abus de droit. Il s'agit aussi d'empêcher que des recours soient faits pour négocier de lamentables transactions financières.
Les Architectes des bâtiments de France (ABF) sont un sujet cher au rapporteur pour avis Leleux, dont les convictions, que je ne partage pas, sont tout à fait respectables. Je considère que nous avons besoin des ABF pour préserver notre patrimoine exceptionnel ; mais n'allons pas jusqu'à geler la ville. Toutes les générations ont apporté leur pierre à notre tissu urbain. Depuis des décennies, certains maires n'ont pu réaliser les aménagements qu'ils considéraient importants pour leurs concitoyens. On ne peut pas déplorer qu'on enlève du pouvoir aux maires tout en refusant qu'ils en récupèrent sur ce point !
Nombre d'entre nous ont fait l'expérience de devoir changer de couleur de volets en même temps que changeait l'ABF...
M. Philippe Dallier. - Ah oui !
M. Jacques Mézard, ministre. - Notre proposition sur le mobile et les logements insalubres est profondément équilibrée.
Nous élargissons la procédure de réquisition de logements vacants depuis plus d'un an à des fins d'hébergement. Nous avons pris l'engagement de créer 50 000 places supplémentaires d'intermédiation locative et de pensions de famille durant ce quinquennat. Nous en avons besoin pour sortir de l'hébergement d'urgence.
Autre sujet âprement débattu, le logement social. Depuis des décennies, les mêmes causes produisent les mêmes effets...
M. Philippe Dallier. - Pas autant que cette fois-ci !
M. Jacques Mézard, ministre. - Toute évolution, voire révolution suscite des résistances. Nous voulons restructurer les organismes de logement social en facilitant les regroupements, sauf dans les territoires où ces organismes sont trop peu nombreux.
À ceux qui ont voulu la fusion des régions, je fais observer que regrouper les sièges des offices HLM dans ces 13 métropoles régionales poserait de grandes difficultés, dans ce domaine, comme dans bien d'autres...
Il ne s'agit pas de contraindre les opérateurs à fusionner ou de nuire à leur identité, mais de fixer des objectifs. Les travaux à l'Assemblée nationale ont permis de prendre en compte la situation de chaque catégorie d'office HLM. Vous avez voulu abaisser le seuil de regroupement de 15 000 à 10 000 logements. Je comprends vos interrogations mais des sociétés trop petites ne pourront pas jouer le rôle attendu. Je le redis : construire de grands offices HLM n'est pas notre projet !
Le cadre juridique qui est applicable aux bailleurs sociaux est, à leur demande, lui aussi simplifié. De plus en plus de bailleurs ont recours aux ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA), car ils ne luttent plus à armes égales quand ils sont en compétition sur le foncier avec des promoteurs privés. Nous avons proposé, non de se passer des architectes, mais d'assouplir le cadre de leur intervention - à la demande des bailleurs, je le redis ! Le cadre d'intervention était d'ailleurs disparate selon les catégories de bailleurs sociaux. Ainsi pourront-ils mieux s'adapter aux modes de fabrication des logements, notamment avec les technologies numériques. Nous n'entendons pas revenir sur cet objectif.
Nous voulons simplifier encore l'accession à la propriété pour les locataires HLM avec un double objectif : permettre aux locataires d'acquérir leur logement quand ils le peuvent et le veulent et soutenir la construction de logements neufs par les bailleurs. Cette solution pragmatique permettra de stabiliser les classes moyennes dans les quartiers, où la mixité sociale est un véritable enjeu. Je ne suis pas favorable à ce propos, à l'ajout d'une contrainte avec l'avis conforme du maire pour les ventes de logement HLM : privilégions la fluidité plutôt que d'imposer de nouvelles contraintes. Aujourd'hui, 100 000 logements sont mis en vente, mais seuls 8 000 trouvent acquéreurs.
Ce projet de loi cherche à répondre aux besoins de nos concitoyens et à favoriser la mixité sociale.
Ce texte améliore la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations.
Nous avions proposé de réexaminer la situation des locataires dans les parcs sociaux tous les six ans ; nous sommes passés à trois ans à la demande de tous les groupes de l'Assemblée nationale. Vous proposez six ans.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Les députés manquent de métier ! (Sourires)
M. Jacques Mézard, ministre. - Vous en avez beaucoup !
Je ne suis pas favorable à ce que nous revenions sur certaines dispositions de la loi Égalité et Citoyenneté sur la mixité sociale - nous en débattrons.
Nous entendons agir sur le parc privé avec le bail mobilité : contrat de location de un à dix mois non renouvelable et sans dépôt de garantie pour les logements meublés. Nous répondrons ainsi aux attentes des étudiants et des travailleurs en mission professionnelle. Notre législation doit s'adapter à l'évolution de la société.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la garantie Visale.
Les logements à loyers abordables dans les zones tendues manquent encore : les PLH devront fixer un objectif de production de logements intermédiaires.
Nous voulons favoriser la mixité intergénérationnelle qui est plébiscitée : nous veillons à les encourager, ainsi que la colocation dans le parc social. Nous améliorons la prévention des procédures d'expulsion, dans l'intérêt des personnes concernées.
Nous voulons surtout prévenir les expulsions. Même si seules 15 000 des 150 000 décisions d'expulsion sont effectivement exécutées, c'est encore trop.
La location meublée touristique impacte parfois durement le marché des grandes villes, au détriment de ceux qui cherchent à se loger : les sanctions et amendes seront renforcées tant à l'encontre des propriétaires que des plateformes.
Ce texte n'entend pas toucher aux fondamentaux de la loi SRU, même si cela s'est fait dans le passé, y compris dans la loi Égalité et citoyenneté. À l'Assemblée nationale, une large majorité n'a pas souhaité toucher au texte du Gouvernement ; en revanche, votre commission l'a fait tantôt de façon raisonnable, tantôt moins... (M. Patrick Kanner le confirme du geste.) Nous en discuterons. Si le Sénat devait faire évoluer la loi SRU, je souhaite qu'il le fasse avec sagesse. Le président du Sénat, dans sa sagesse légendaire, a certainement raison en disant qu'il ne faut toucher à la Constitution qu'avec une main tremblante : je crois la chose vraie aussi pour la loi SRU.
MM. Bruno Retailleau et Roger Karoutchi. - Ce n'est pas la même chose !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ce ne sont pas les mêmes tremblements...
M. Jacques Mézard, ministre. - De tremblements à démolition, il n'y a parfois pas loin...
M. Philippe Dallier. - C'est sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. - La loi SRU a permis de développer depuis des années la construction de logements sociaux sur tout notre territoire. En outre, la loi Égalité et citoyenneté a permis de multiplier par quatre les exemptions. Certes, des difficultés persistent et nous tenterons d'y remédier grâce à vos amendements.
Dernière ambition de ce texte : améliorer le cadre de vie de nos concitoyens, ce qui va au-delà du domaine du logement. Un Contrat intégrateur unique permettra de revitaliser les centres-villes, grâce à l'opération de revitalisation des territoires (ORT).
Des conventions seront toutes signées d'ici au 30 septembre. Sont concernées non seulement les 222 villes et intercommunalités inscrites au plan Action coeur de ville, mais au-delà à toutes celles qui souhaitent revitaliser leur centre. Ce projet de loi devrait répondre aux questions que vous aviez posées à l'occasion de l'examen de votre proposition de loi sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Ensuite, il faudra trouver les sources de financement... nous en reparlerons.
Sur la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, le texte a été profondément amendé : une présomption de revenus est créée, comme pour les trafiquants de drogue ainsi qu'une saisie de l'indemnité d'expropriation, car il était choquant que les marchands de sommeil en profitent après avoir exploité la misère de nos concitoyens.
Les marchands de sommeil condamnés ne pourront acquérir de biens immobiliers lors de vente par adjudication grâce à un amendement de l'Assemblée nationale.
Nous lancerons bientôt une initiative visant à cartographier les copropriétés dégradées : j'ai déjà saisi à cette fin les préfets, qui travailleront avec l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Ces dispositions seront prises en concertation avec la Chancellerie, car le droit civil est concerné.
J'ai la volonté d'aboutir sur tous ces sujets. Je sais que nous avons les mêmes objectifs et je prendrai des engagements pour associer le Sénat à toutes ces évolutions.
Ce projet de loi comporte un volet simplification relatif au développement du numérique dans tous les territoires. Le délai moyen d'installation d'un pylône ou d'une antenne est aujourd'hui de 24 mois ! C'est plus que chez nos voisins. Nous avons obtenu des opérateurs des engagements d'accélération inédits : des milliers de pylônes seront posés. Je ne doute pas que nos débats seront riches sur les questions du désenclavement de nos territoires, sans rogner sur les prérogatives des élus.
L'objectif premier de ce texte est de simplifier, de tenir compte des évolutions sociétales pour faciliter et accélérer la construction dans notre pays. Dire cela n'est pas faire le procès des pratiques antérieures. Notre seul souci est de faciliter la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. André Gattolin applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Construire plus, mieux et moins cher, améliorer le cadre de vie, répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale : difficile de faire moins consensuel. Si le diagnostic posé sur la crise du logement est bon, le texte n'apporte pas toutes les réponses appropriées qui plus est dans un contexte qui voit toute la chaîne de production du logement neuf ralentir : ventes, mises en ventes et mises en chantier sont en net retrait au premier trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017. Le choc de l'offre a disparu de vos éléments de langage.
Le projet de loi est clairement travaillé par ces valses hésitations constantes entre décentralisation et recentralisation. Deux visions antagonistes le portent au risque de conduire à un produit hybride fait de compromis multiples et d'incohérences absolues.
Monsieur le Secrétaire d'État, lorsque vous êtes venu devant la commission des affaires économiques, vous nous aviez assurés de votre engagement de co-construction du texte et que vous étiez ouvert à toute modification ou tout aménagement mais il faut croire que votre volonté s'est émoussée au regard des amendements déposés par le Gouvernement sur le texte qui reviennent sur les apports du Sénat.
Notre commission s'est attachée à en corriger les imperfections et à l'enrichir de dispositifs qu'elle a jugés essentiels à la mise en oeuvre d'une politique en matière d'habitat en s'appuyant notamment sur les conclusions de la conférence de consensus sur le logement.
Elle a été particulièrement attentive à la place des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des politiques locales de l'habitat et plus particulièrement au rôle des maires. Elle s'est opposée à la recentralisation des dispositifs au profit de l'État, car il existe encore trop souvent des injonctions nationales et des pratiques descendantes très éloignées des préoccupations et des besoins des territoires.
Les opérations d'aménagement d'ampleur ne peuvent se réaliser sans les communes. Dans les périmètres des grandes opérations d'urbanisme (GOU) prévues par des projets partenariaux d'aménagement (PPA), la commission a réintroduit l'accord des maires.
Pour lutter contre le phénomène de vacance de locaux, la commission s'est attachée à encourager les initiatives locales. Ainsi, elle a prolongé jusqu'en 2023 le dispositif volontaire et contractuel de mise à disposition de locaux vacants par leurs propriétaires en vue de la création de places de logement temporaire. La priorité, en effet, doit rester le logement.
En ce qui concerne la procédure d'avis des architectes des ABF, la commission a considéré que l'Assemblée nationale proposait un consensus équilibré au service de la couverture numérique du territoire et de lutte contre l'habitat indigne.
Le Sénat se fait depuis longtemps le relais du besoin d'adaptation des règles de constructibilité en zones littorales et agricoles. Dans la lignée des propositions de loi de nos collègues Michel Vaspart, relative au développement durable des territoires littoraux, et Jacques Genest, visant à relancer la construction en milieu rural, la commission a poursuivi la territorialisation des prescriptions de la loi Littoral, et l'assouplissement de la règle d'inconstructibilité des zones non urbanisées. Ces mesures facilitent notamment l'implantation d'annexes, d'équipements collectifs, et d'activités de cultures marines. Ce sont des enjeux d'une importance centrale pour le développement démographique, touristique et économique de nos territoires ruraux et littoraux.
Le volet relatif à la réorganisation du secteur social n'est que la conséquence des mesures budgétaires de l'automne dernier prises brutalement et unilatéralement qui ont mis plus qu'à la diète le secteur HLM. Nombre de mesures ne sont que de l'habillage ouvrant à terme la porte à des capitaux privés avec le risque d'une hausse des loyers et l'éviction des plus modestes.
Pour autant, la commission n'a pas souhaité remettre en cause les dispositions relatives à la restructuration du secteur social dont chacun a admis la nécessité. En revanche elle a apporté des modifications dans sa mise en oeuvre en abaissant les seuils en deçà desquels le regroupement de bailleurs sociaux est obligatoire à 10 000 logements gérés et à 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ces seuils nous ont parus plus en adéquation avec la situation des bailleurs.
Elle a également clarifié les règles d'appartenance à un groupe de logement social interdisant la double appartenance simultanée à deux groupes d'organismes de logement social. Il nous a paru incohérent de placer les organismes dans des situations insolubles où ils devraient choisir entre les orientations incompatibles de leurs groupes de rattachement.
Le chiffre de 40 000 ventes de logements sociaux est impossible à atteindre, tout le monde le dit - sauf le Gouvernement. D'accord pour vendre des logements sociaux mais pas à n'importe quelles conditions. On ne peut pas demander au maire de construire plus de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU et, en même temps, ne pas lui donner les moyens d'atteindre cet objectif. Nous avons prévu son vote conforme sur la vente de logements sociaux.
La loi SRU est la grande oubliée de ce texte puisque seul l'article 46 prévoit d'allonger le décompte des logements sociaux vendus de cinq à dix ans. Si elle a bien impulsé la dynamique recherchée, l'application uniforme de ce dispositif centralisé constitue désormais un frein. Messieurs les Ministres, combien de temps fermerez-vous les yeux sur cette réalité ? La commission a prolongé les obligations de réalisation de logements sociaux de 2025 à 2031, le rythme sera ainsi plus soutenable tout en maintenant l'objectif de 25 %. Un calendrier de rattrapage spécifique a été instauré pour les communes entrantes. Une expérimentation a été proposée avec la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens. La liste des logements sociaux décomptés a été complétée par l'ajout des logements occupés par un titulaire d'un PSLA, les logements objets d'un bail réel solidaire et les places d'hébergement d'urgence. Ces différentes mesures pragmatiques et réalistes permettront aux maires de respecter leurs obligations de construction de logements sociaux dans de bonnes conditions, sans les décourager et sans, pour reprendre l'expression de M. le ministre, « démolir » la loi SRU.
Autre oubli, les relations entre bailleurs et locataires. La commission a voulu les rééquilibrer en facilitant la délivrance du congé en cas d'acquisition d'un logement occupé ou encore en unifiant à deux mois le délai de préavis donné par un locataire sauf lorsque l'état de santé ou la situation économique du locataire le justifient.
La copropriété, sujet qui touche au quotidien de nos concitoyens, ne peut être traitée par ordonnance. La commission a adopté plusieurs mesures pour commencer à améliorer son fonctionnement.
Les squats de logement se développent. C'est pourquoi nous avons, trois ans après l'examen de la proposition de loi sénatoriale tendant à préciser l'infraction de violation de domicile, prévu que les locaux à usage d'habitation bénéficieront des mêmes mesures de protection que le domicile des personnes.
M. Bruno Retailleau. - Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Afin de renforcer la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, nous avons, pour les permis de louer et de diviser, donné au maire l'accès au casier judiciaire des demandeurs. Nous avons étendu aux agents immobiliers l'obligation de déclarer au procureur de la République les suspicions d'activités de « marchands de sommeil ». La commission a supprimé deux points de l'ordonnance relative aux polices de lutte contre l'habitat indigne car les pouvoirs de police générale du maire et la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités sont des lignes rouges à ne pas franchir.
S'agissant des dispositions destinées à assurer la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, nous avons repris la quasi-intégralité des mesures non fiscales adoptées dans le cadre de la proposition de loi présentée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin.
M. Rémy Pointereau. - Excellente initiative !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Enfin, s'agissant du volet numérique, la commission a souhaité, avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, aller plus loin. Répondant à une forte demande des élus comme des opérateurs, nous avons inséré dans la loi une dérogation au principe de construction en continuité d'urbanisme en zone de montagne. Pour crédibiliser les engagements des opérateurs, nous avons renforcé les sanctions encourues en cas de manquement.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je viens devant vous défendre une cause. Ce projet de loi modifie, en effet, des dispositions favorables à la création architecturale et à la protection du patrimoine qui, pour certaines, ont été votées par le Parlement il y a moins de deux ans. Face à l'ampleur de la crise du logement que connaît notre pays, je comprends qu'il faille donner aux entreprises et aux acteurs les capacités d'inventer des solutions nouvelles pour construire et rénover davantage. Faut-il, pour autant, prendre le risque de remettre en cause la qualité architecturale et la mise en valeur du patrimoine ? Il y va de l'attractivité de nos territoires, de la qualité de vie.
Ce débat n'est pas nouveau. En 1962, André Malraux, présentant devant le Parlement le projet de la loi qui allait porter son nom, appelait à « concilier deux impératifs qui peuvent paraître opposés : conserver notre patrimoine architectural et historique et améliorer les conditions de vie et de travail des Français ».
Mme Maryvonne Blondin. - Très bien !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - À l'époque, alors même que la situation en matière de logement était plus tendue encore, la volonté de trouver le point d'équilibre avait prévalu. Or ce texte fait primer la construction de logement sur toute autre considération.
Mme Cécile Cukierman. - C'est vrai !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Le risque est de répéter les erreurs d'urbanisme que nous avons commises après-guerre et dont nous payons encore le prix. La loi ELAN assouplit la loi Malraux de 1962 mais aussi la loi du 3 janvier 1977, celle du 12 juillet 1985. Or la protection du patrimoine s'inscrit dans la durée, elle s'accommode mal de l'instabilité juridique.
Transformer l'avis conforme de l'Architecte des Bâtiments de France en avis simple, quand bien même cette transformation serait circonscrite à quelques cas clairement identifiés, n'est pas sans conséquence. Je sais que l'ABF souffre d'une image de fonctionnaire buté, en dépit du faible nombre de refus qu'il oppose chaque année. Des voies de recours existent contre ses décisions, les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture, présidées par des élus, sont désormais consultées. L'avis conforme est nécessaire pour que soient pris en compte les enjeux architecturaux et patrimoniaux au même titre que le sont d'autres enjeux. Y renoncer privera certes l'ABF de sa capacité d'empêcher un projet mais lui retirera également toute possibilité d'établir un dialogue pour qu'un projet évolue. Voulons-nous vraiment laisser le maire seul face aux promoteurs ? Compte tenu de l'atout que représente le patrimoine pour nos territoires, ce serait, aux yeux de la commission de la culture, une grossière erreur. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, CRCE, SOCR et Les Indépendants)
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de 27 articles, dont, en particulier, 11 touchent à l'aménagement numérique et 3 au littoral sur lequel nous travaillons depuis cinq ans sous l'impulsion du président du groupe Mer et Littoral, M. Michel Vaspart.
Un constat sur la méthode, d'abord : ce projet de loi est devenu un monstre législatif sans cohérence d'ensemble. Sa diversité ne permet pas aux commissions permanentes de travailler correctement. Son objet est devenu difficile à cerner, sinon la simplification qui, à mes yeux, est un moyen, et non une fin.
Le volet sur le numérique nous a déçus : 4 articles sur 65 dans le texte initial. L'Assemblée nationale n'a pas corrigé cette asymétrie, les mesures proposées sont très en deçà des besoins.
Ma proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 mars 2018 abordait pourtant les questions de la mutualisation des réseaux, du contrôle des obligations des opérateurs et de l'évaluation de la couverture mobile ; comme, du reste, le rapport d'information sur le très haut débit pour tous en 2022 que j'ai élaboré avec Hervé Maurey en 2017. Je me réjouis que nous puissions en discuter au Sénat, les attentes des élus et de nos concitoyens sont fortes.
La commission a adopté dix-huit amendements, dont seize ont été intégrés au texte. Pour les communes littorales, nous avons fait des propositions équilibrées et pragmatiques à l'initiative de Michel Vaspart, entre autres, sur les dents creuses. Sur le volet numérique, notre objectif est double : accélérer le déploiement de la fibre optique et améliorer la couverture mobile. Il faut mieux associer les collectivités territoriales pour assurer le respect des engagements souscrits par les opérateurs, que ce soit à l'échelle nationale ou locale ; améliorer la transparence de l'information nécessaire au déploiement et organiser efficacement le marché des services de communications électroniques. Nous l'avons vu encore hier, c'est en jouant collectif que l'on peut gagner. Prolongeons l'exploit des Bleus pour que, dans le numérique aussi, la France soit championne du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Pour une bonne politique du logement, il faut créer de la confiance, disait Pierre Méhaignerie. Or le rapporteur l'a dit, les chiffres sont éloquents : la baisse significative des permis de construire et des constructions neuves au premier semestre se poursuivra, elle marque une crise de confiance. Dans les deux à venir, on assistera, non pas à un choc de l'offre, mais à un choc sur l'offre !
Il n'y a pas de fatalité, les réformes Borloo et Pinel ont été efficaces. La conférence de consensus, réunie sous l'impulsion du président Larcher, a permis d'engranger de bonnes propositions mais on les cherche encore dans le texte du Gouvernement.
Cette loi n'est pas une loi de décentralisation. Le maire est dessaisi de ses prérogatives notamment en matière de permis de construire dans le cadre de Grandes opérations d'urbanisme, les GOU, dont l'utilité reste à démontrer après l'échec retentissant des opérations d'intérêt national.
Cette loi n'est pas une loi de simplification. Elle compte dorénavant plus de 200 articles. Elle propose de nouveaux outils toujours plus complexes, sans que les anciens aient pu déployer toute leur utilité.
Surtout, le texte ne s'attaque pas aux deux contraintes majeures que sont la contrainte financière, discutée en loi de finances, et la contrainte urbanistique qui raréfie considérablement le foncier - je le dis pour ceux qui sont en train d'élaborer leur schéma de cohérence territoriale.
La commission des lois, pour des raisons d'efficacité, n'a déposé que 34 amendements. Toucher au droit de la copropriété ou aux pouvoirs de police du maire par des ordonnances n'est pas sain, le législateur est le garant de l'équilibre des territoires.
Nous avons proposé d'expérimenter une mutualisation intercommunale pour remplir les objectifs de la loi SRU : il ne s'agit en rien de « détricoter la loi SRU » puisque les objectifs de chaque commune de 25 % de production de LLS continuent de s'appliquer sur le stock.
Si ce texte comporte plusieurs points positifs, il y manque l'essentiel, la confiance dans les territoires et les élus, sur laquelle les gouvernements précédents s'étaient appuyés pour résoudre la crise du logement. Mais c'était dans l'Ancien monde... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Gay, Mmes Cukierman, Gréaume, Assassi, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, MM. Collombat, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (n° 631, 2017-2018).
M. Fabien Gay . - Pas moins de 900 000 personnes privées de logements personnels, 4 millions de mal-logés, 12 millions de personnes fragilisées par le surpeuplement, les impayés, la précarité énergétique... Ce sont les chiffres de la fondation Abbé Pierre. Le président de la République lui-même l'a dit, personne ne peut supporter que, dans notre pays, que des gens dorment et meurent dans la rue. Oui, mais nous supportons que reprenne, chaque premier avril, le ballet des expulsions locatives sans relogement pour des personnes toujours plus fragilisées et précarisées, prises dans la spirale infernale du déclassement et de l'exclusion.
Face à ce défi du mal-logement qui ronge notre pacte républicain, il faut des réponses fortes. À l'inverse, ce texte repose sur la dérégulation, la déréglementation et la privatisation du patrimoine de la Nation. C'est un patchwork sans autre fil directeur que le désengagement de l'État. Il est plus épais que le code du travail. Visiblement, le volume ne vous gêne plus quand il s'agit de casser notre modèle de logement unique en Europe.
Retraçons le chemin de croix qu'affrontera le futur demandeur de logement social. Une fois qu'un demandeur aura accès à un logement - sept ans en moyenne à Paris, il lui sera plus difficile de s'y maintenir avec la procédure de réexamen de sa situation tous les six ans. Certes, la mobilité ne sera pas imposée mais il sera facile de faire pression sur les locataires. Pour les jeunes, ce sera le « bail mobilité », que les associations appellent le « bail précarité ». Quel avenir pour les jeunes ? Retourner chez leurs parents ?
En revanche, pour les bailleurs, c'est Noël avant l'heure ! La loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique est largement contournée, le concours d'architecture supprimé, la loi Littoral malmenée. L'avis des Architectes des bâtiments de France est rendu simplement consultatif. Le beau, cela doit être aussi pour le logement social, qui a été le lieu de toutes les innovations architecturales. En réalité, ce Gouvernement construira moins, plus laid et pour enrichir toujours les mêmes.
Le modèle français est unique en Europe, depuis que Mme Thatcher y a renoncé en Grande-Bretagne. Il repose sur deux jambes, une publique et une privée. Votre proposition de loi ampute la première, il en faut deux pour marcher.
Votre devise est la France est une chance pour chacun ? Surtout si vous êtes bien né ! Pour les autres, c'est la précarité de la naissance à la mort.
La France a une histoire ; qu'on soit de droite ou de gauche, on la respecte. Elle ne se dirigera jamais comme une start-up !
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
M. Fabien Gay. - Après avoir retiré près de 1,5 milliard d'euros aux organismes sociaux dans la dernière loi de finances, vous leur portez le coup de grâce en les forçant à brader leur patrimoine au privé et en les obligeant à se regrouper aux dépens de l'impératif de proximité. Bref, vous créez les conditions d'une explosion prochaine du mal-logement.
Le passage en commission au Sénat a permis une avancée, le rôle des maires, et un recul majeur, le détricotage de la loi SRU que, je le dis les yeux dans les yeux, nous ne laisserons pas faire. La loi SRU a permis la construction de plus de 500 000 logements depuis vingt ans.
Nous ne pouvons pas accepter que certains élus fassent du non-respect de cette loi un argument de campagne politique.
M. Philippe Dallier. - Il y en a très peu !
M. Fabien Gay. - Ils veulent protéger les ghettos de riches des « hordes » de pauvres. Dois-je vous rappeler que, suivant le dernier décompte, sur les 1 152 communes concernées par l'obligation, 649 n'ont pas rempli leur objectif et que seulement 269 ont été carencées ? Mixité et partage des espaces sont les conditions d'une société apaisée.
Il faut interdire la pratique barbare des expulsions sans relogement, renforcer la régulation des loyers dans le secteur privé comme public en maintenant l'encadrement des loyers, relever les plafonds d'accès au logement social pour diversifier les publics. Sur la question foncière, obstacle majeur à la construction, nous proposons la création d'une agence foncière pour le logement qui serait le support d'un domaine public du logement.
Pour mener ces politiques, l'État doit se réengager dans les aides à la pierre en supprimant les 2,5 milliards de niches fiscales, que même la Cour des comptes conteste.
Méditons sur cette phrase de l'Abbé Pierre : un milliard de refusé pour le logement, c'est dix milliards pour les tribunaux, les prisons et les asiles de fous. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Catherine Conconne et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)
M. Serge Babary. - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains votera contre, même si nous partageons certaines des critiques qui ont été formulées. La commission a redonné du souffle au texte initial, introduit des dispositifs de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, a amélioré les conditions d'accessibilité des logements neufs, a renforcé la régulation des meublés de tourisme... La commission a aussi traité des relations entre bailleurs privés et locataires et apporté les aménagements nécessaires à la loi SRU. Il faut donc poursuivre le débat sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre. - En ce lendemain de 14 juillet, nous venons d'entendre un feu d'artifice de contradictions...
Je me suis bien gardé de faire le procès de mes prédécesseurs.
M. Fabien Gay. - Pour une fois !
M. Jacques Mézard, ministre. - Je ne le fais jamais et j'écoute, contrairement à vous, qui ne supportez pas le débat démocratique !
Si la situation politique a changé il y a un an, la situation du logement ne date pas d'hier.
De plus en plus d'articles ? L'Assemblée nationale en a ajouté, le Sénat en fait autant. Si l'on devait en rester au texte initial du Gouvernement, vous me reprocheriez de ne pas laisser sa place au débat parlementaire.
Nous avons réussi à flécher, avec Action Logement, l'ANAH et la Caisse des dépôts, 5 milliards d'euros pour le logement. Je fais des propositions pour aujourd'hui et demain, non pour hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Claude Malhuret . - Ce texte traduit la stratégie quinquennale du Gouvernement sur le logement. Le Sénat ne l'a pas attendu pour travailler sur le logement. Dès l'été 2017, la conférence de consensus voulue par le président Larcher a été réunie. Une large majorité de sénateurs a voté la proposition de loi Pointereau-Bourquin sur les centres-villes et centres-bourgs.
Ce texte compte désormais 234 articles ; plus de 1 000 amendements ont été déposés, nous devons les examiner en sept jours... Le groupe Les Indépendants sera attentif à l'équilibre entre libéralisation du secteur et progrès social et environnemental. La commission a d'ores et déjà retenu une de nos propositions : recueillir l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur les dérogations à la loi Littoral.
Nous veillerons également à préserver l'autorité des maires. Pour faire face à la crise du logement, il s'agit d'abord d'aligner la stratégie de construction avec les besoins : 2,7 millions de logements par an. Les grandes opérations d'urbanisme sont un outil intéressant pourvu que l'on rétablisse l'avis conforme du maire. Lutte contre la vacance, simplification des normes, tout cela va dans le bon sens mais l'abaissement des taux d'accessibilité dans l'habitat collectif neuf ne doit pas être drastique, il faut anticiper le vieillissement de la population.
Un difficile équilibre a été trouvé entre la commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles sur la question de l'avis conforme de l'ABF.
Un environnement dynamique devrait voir le jour dans les parcours résidentiels de l'habitat social. Le bail mobilité devrait faire émerger une offre de logement adaptée.
Le groupe Les Indépendants défendra un amendement visant à valoriser les actions d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments prises de façon pionnière par les acteurs du secteur tertiaire.
Ce texte constitue un premier pas vers l'adaptation de notre politique de logement aux évolutions de la société. Espérons qu'il sera, au terme de la discussion, à la hauteur des attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Joël Labbé . - Mon propos vient en complément de celui du président Requier. Je ne m'exprime pas forcément au nom de mon groupe, en particulier sur les questions écologiques.
Le logement est un sujet majeur : 4 millions de mal-logés ou sans domicile, 12 millions en situation de fragilité, c'est préoccupant.
Ce texte comporte des avancées, notamment sur la lutte contre les marchands de sommeil, sur la transition énergétique, sur l'artificialisation des sols. En tant qu'écologiste, je proposerai d'aller beaucoup plus loin. Il faudrait une mise en cohérence avec le plan Biodiversité et inscrire dans la loi l'objectif fixé par Nicolas Hulot de zéro artificialisation des sols en 2025.
Pour le reste, ce texte fait confiance au marché. Or le logement est un droit humain, pas un bien économique. Le modèle proposé de logement social nous inquiète. Un réexamen de situation tous les trois ans permet une répartition plus juste des logements mais on peut légitimement s'interroger sur le sens qu'il y a à vendre des logements sociaux quand les recettes des organismes sociaux baissent. La commission a porté une atteinte inacceptable à la loi SRU. Nous sommes également inquiets sur l'accessibilité des logements. Pour garantir que tous soient évolutifs, prévoyons au moins l'installation automatique d'un ascenseur dans tous les logements à étages.
Il faudra se pencher sérieusement sur la question de l'accueil et du logement des migrants sur l'ensemble de notre territoire, c'est une opportunité pour revitaliser nos campagnes (M. Philippe Pemezec ironise.) où l'on a besoin de main-d'oeuvre. (M. Jean-Claude Requier, Mmes Mireille Jouve et Josiane Costes applaudissent.)
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce projet de loi est le fruit de la méthode de La République en Marche : la concertation, le dialogue et l'écoute. Depuis mai 2017, vous avez rencontré, Monsieur le Ministre, les élus des territoires, les professionnels et les acteurs associatifs du monde du logement, de l'urbanisme et du numérique. Dans le prolongement de ces premières discussions, une large conférence de consensus a été réunie au Sénat avec la bienveillance du Gouvernement. Plus de 20 000 contributions ont été apportées à la préparation de ce texte.
Le dialogue se poursuivra dans notre hémicycle pour les sept jours à venir, après les répétitions générales que nous avons faites lors de l'examen de la proposition de loi sur la revitalisation des centres-villes, de la proposition de loi de M. Chaize sur les infrastructures numériques ou des diverses propositions de loi relatives au littoral.
Pouvons-nous vous satisfaire de 4 millions de mal-logés ? Que des familles habitent des taudis à des prix indécents ? Que deux jeunes sur trois restent chez leurs parents et refusent des opportunités professionnelles faute de pouvoir se déplacer ? Qu'il reste autant de zones grises et blanches ? Non. Il faut, à tous ces problèmes, des réponses concrètes.
Premier objectif de ce projet de loi, protéger pour donner plus à ceux qui ont moins, notamment en rendant plus transparentes les attributions de logements et en luttant contre l'habitat indigne. Ensuite, libérer pour responsabiliser. Finalement, ce texte s'inscrit dans la volonté de préserver la cohésion entre nos territoires, celle de donner à toutes et à tous les mêmes chances de réussir et de s'épanouir. C'est en créant de nouvelles solidarités que nous réduirons la fracture territoriale.
La commission a proposé de nombreuses évolutions qui, comme on pouvait s'y attendre, ne vont pas dans notre sens. Sur l'équilibre entre bailleurs et locataires, nous refusons d'ajouter une clause pénale dans le contrat de location, supprimée par la loi ALUR, et nous opposons à la suppression des délais de délivrance de congés du locataire en cas de vente.
En matière d'attributions de logements sociaux, nous souhaitons rétablir deux obligations phares de la loi Égalité et Citoyenneté que vous avez supprimées : l'obligation de consacrer au moins 25 % des attributions au profit des ménages les plus pauvres hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, la délégation du contingent préfectoral.
Enfin sur la loi SRU... Au nom du groupe LaREM, nous soutenons le souhait du Gouvernement de ne pas modifier l'équilibre actuel. Cette loi de 2000 est un outil de mixité sociale qui fonctionne bien au regard des quelque 250 communes carencées.
Ne soyons pas dogmatiques ; l'enjeu est trop important. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Mme Cécile Cukierman . - Avoir un toit est-ce encore un droit ou faut-il considérer le logement comme un simple produit de spéculation et de placement ? De la qualité du logement, de sa taille, de sa configuration dans son environnement, de sa proximité avec les services publics, en fonction de la mixité de l'espace dépendra pour beaucoup la qualité de vie de ses occupants. Or la qualité du bâti et la préservation du patrimoine reculent, nous sommes passés de la loi Malraux au loto Bern. Franchement, on frôle le ridicule : celle d'un nouveau monde qui confond intérêt général et gestion à la petite semaine en mode start-up branchouille, celle d'un Gouvernement qui confond coup de com' à répétition avec l'exigence d'agir pour les décennies à venir.
Ce projet de loi, dans la foulée de la loi de finances pour 2018, ne vise qu'à un énième désengagement de l'État, pour que les promoteurs puissent construire plus vite, moins bien, plus cher. Le nouveau monde, ce serait donc ça : le retour vintage au début du XXe siècle ?
C'est une attaque en règle contre le modèle même du logement social, bien public, cogéré au plus près des territoires par des organismes HLM à taille humaine, pilotés par les élus des territoires. Ces fondements sont balayés d'un revers de main. Vous obligez à la vente en masse des logements et au regroupement des offices, en sortant les représentants des locataires des nouvelles structures.
C'est toute l'histoire de la construction sociale qui est ainsi mise à mal, alors que les offices doivent compenser la diminution des APL à hauteur de 1,5 milliard d'euros. La vente des logements sociaux aujourd'hui, c'est l'explosion du mal-logement demain. À rebours des lois de décentralisation, et dans la droite ligne de la métropolisation, les maires se voient retirer leurs prérogatives au point de n'être plus que des surintendants d'intercommunalités géantes.
Après le droit du travail, les baux sont à leur tour flexibilisés et le secteur du logement est dérégulé.
Tous les indicateurs sont pourtant au rouge, le logement continue de peser lourd dans le budget des ménages, la construction ne rapporte pas et la rente immobilière et au plus haut. En même temps, si j'ose dire, ce Gouvernement n'en finit plus d'économiser sur les aides au logement. Votre seul choix dans ce contexte ? Retirer le financement public au profit de l'investissement privé.
La remise en cause de la loi SRU, ajoutée en commission, est inacceptable.
Rien sur les garanties, en dépit du plan Borloo, rien sur les zones dites détendues, rien sur les circuits courts pour penser l'habitat de demain.
Oui, j'y insiste, nous avons besoin, plus que jamais, d'une politique publique du logement. Les Français sont près de deux millions à attendre un logement social. Pour eux, plus aucune part de gâteau à distribuer. Nos amendements traceront des pistes pour une politique progressiste et humaniste dans ce domaine.
Il reste en effet beaucoup à faire pour le logement, composante essentielle de la dignité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Valérie Létard . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Mme de la Provôté complètera mes propos sur les centres-villes et les centres-bourgs.
De grands enjeux ont été identifiés grâce à la conférence de consensus, initiative du président Gérard Larcher, dont je salue l'implication.
La place des collectivités d'abord, remise en cause par une politique de recentralisation. L'impact de la loi de finances 2018 et de la réduction des loyers de solidarité, ensuite, qui a entraîné des difficultés auxquelles ce projet de loi ne remédie pas ; les objectifs de la loi SRU encore, que nous ne voulons pas détricoter, mais dont les distorsions doivent être corrigées.
Sur le logement social, nous partageons vos objectifs, pas vos mesures.
Vous proposez de regrouper les organismes de logements sociaux, au risque de créer des structures surdimensionnées ou d'en fragiliser certaines, qui pourraient se trouver sans repreneur.
Vous comptez, pour le financement, sur la vente du parc social, fixer un objectif de 40 000 ventes par an, alors que les offres ne dépassent pas les 8 000 aujourd'hui, faute d'acheteurs.
Vous proposez enfin de mieux lutter contre les copropriétés dégradées, et amenuisez les pouvoirs des maires sur tous ces volets. Le groupe UC proposera d'instaurer un volet territorial à la convention d'utilité sociale, et de rendre tripartite la politique de lutte contre les copropriétés dégradées.
Promouvons la coproduction des politiques publiques. La réforme d'Action Logement est révélatrice. Par souci de rationalisation, nous déposerons aussi un amendement à ce sujet. Je remercie enfin Mme la rapporteure pour son travail.
Nous voterons en fonction des amendements retenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Marc Daunis . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le volume de la loi a triplé à l'Assemblée nationale. Nous connaissons toutefois bien son contenu, pour en avoir débattu cet hiver lors de la conférence de consensus, qui a permis à tous les participants de s'exprimer et d'identifier des convergences : rôle des élus, mobilisation du foncier, simplification du droit de l'urbanisme et des normes de construction, revitalisation des centres-villes.
Le groupe socialiste plaidait alors pour une politique du logement au plus près des territoires, la préservation et la modernisation de notre modèle de logement social et de la qualité de vie de nos concitoyens.
Je tiens à associer à ce propos Annie Guillemot, qui ne peut malheureusement être parmi nous cette semaine.
Au-delà de la nécessaire prudence qu'il faut avoir en la matière, nous sommes favorables aux nouveaux outils de contractualisation ici proposés qui vont dans le sens d'un urbanisme de projet telle que la cristallisation des moyens.
Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale dépossède toutefois le maire de ses compétences majeures : nous y sommes radicalement opposés. Le transfert des permis de construire, par exemple, est contraire à l'intérêt des territoires et à l'efficacité d'une bonne mise en oeuvre des politiques publiques.
Sur cette recentralisation autoritaire rampante, nous reviendrons au cours des débats... Vous voulez faire largement confiance aux élus locaux, Monsieur le Ministre ? Faites-leur pleinement confiance ! La commission, grâce à l'excellent travail de Mme la rapporteure, a corrigé cela...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Marc Daunis. - Puissent nos échanges consolider durablement l'équilibre entre communes, intercommunalités, politiques publiques et intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Dallier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « Construire plus, mieux et moins cher », voilà l'objectif affiché. Manquent quatre mots à ce triptyque Il ne peut en effet être dissocié de la dernière loi de finances : « avec moins de moyens » aurait-il donc fallu ajouter, puisque ceux des bailleurs sociaux ont diminué brutalement et ne compenseront pas, loin de là, la chute de leur autofinancement. De même, le recentrage du PTZ et du Pinel aura des conséquences sur le nombre de logements construits.
Pari risqué que celui de ce texte : redonner un peu d'oxygène au secteur, sans moyen budgétaire supplémentaire ! L'objectif de 40 000 logements sociaux vendus par an est inatteignable. Supprimons l'amendement appelé par certains « Monopoly » relatif à l'usufruit locatif social, étonnamment adopté sans débat à l'Assemblée nationale avec un surprenant avis favorable du Gouvernement...
Il serait inacceptable que seul le privé profite de cette mesure, tirant parti de l'assèchement du capital des bailleurs, effet d'aubaine organisé par l'État lui-même. Les logements vendus seront les mieux situés, les mieux entretenus, ceux dont les propriétaires ont le plus de moyens au détriment de la mixité sociale et de l'équilibre budgétaire des organismes.
Quant à la circulation des capitaux au sein des nouvelles entités, elle sera utile, mais brancher de nouveaux tuyaux ne relancera pas un débit qui s'affaiblit à la source des financements que vous avez réduits...
M. Xavier Iacovelli. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Si nous parvenions seulement à construire autant de logements que les années passées : 113 000, c'est moins que les 126 000 de 2017 et cela pèsera sur 2018. Or c'est au dernier trimestre que le chiffre de l'année se construit lorsque les dossiers sont remontés du terrain et que l'ajustement de la répartition des aides à la pierre est opéré par le FNAP, qui attend de retrouver un président après la démission du sortant en protestation contre vos décisions de l'automne dernier.
Cependant, les bailleurs ont levé le pied et les maires qui portent les objectifs étatiques vont se retrouver entre le marteau et l'enclume, entre les obligations de ventes d'HLM et des opérateurs affaiblis... Votre responsabilité sera grande si les objectifs ne sont pas atteints, Monsieur le Ministre.
Certes, il faut assainir les finances publiques mais fallait-il s'attaquer si brutalement à ce secteur ? Je ne le crois pas. Sur les 40 milliards d'euros par an de la politique du logement, la moitié est consacrée aux aides personnelles, qui sont parmi les plus redistributives de notre modèle social. Le président de la République a appelé à Versailles à la construction de « l'État-providence du XXIe siècle ». Belle formule, mais que recouvre-t-elle vraiment ? Pour le président de la République, le logement est une variable d'ajustement pour Bercy.
C'est au-delà une condition essentielle de la réussite des enfants des familles les plus modestes et de la cohésion sociale.
La moitié des 40 milliards d'euros est consacrée aux aides personnelles, l'autre aux aides à la construction. Y toucher, c'est pénaliser les plus pauvres, ou la classe moyenne, grande oubliée de votre politique depuis le début de ce quinquennat.
J'en termine par l'article 55 de la loi SRU : chacun sait que l'objectif de 25 % de logements sociaux en 2025 est inatteignable, pour beaucoup de communes, même celles qui ont parfaitement respecté la loi jusqu'ici. Le nombre de communes concernées sera multiplié par trois, pour atteindre 60 %, dit le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), lequel préconise de recruter des fonctionnaires en préfecture pour exercer à la place des maires la préemption et appliquer les nombreuses sanctions prévues.
M. Philippe Pemezec. - Pitié !
M. Philippe Dallier. - C'est absurde. Et quand la loi ne peut être appliquée parce qu'elle est absurde, il faut la changer. Êtes-vous prêts, Messieurs les Ministres, à accepter des accommodements raisonnables qui, sans dénaturer l'esprit de la loi, permettraient de l'adapter aux diverses situations de nos territoires ?
Notre commission a repris l'idée d'un contrat territorial plus souple. J'espère que vous irez dans notre sens...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Philippe Dallier. - Un exemple d'amendement que je défendrai pour finir. Certaines communes n'ont pas 25 % de logements sociaux, alors qu'elles accueillent 25 % à 30 % de familles pauvres, comme en Seine-Saint-Denis ou dans le Nord ; elles ne doivent pas être soumises à l'objectif de 25 % de logements sociaux.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Philippe Dallier. - J'espère me tromper en anticipant une baisse des constructions dans les années à venir : rien ne serait pire pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. le président. - Long dépassement !
M. Jean-Claude Requier . - L'encouragement à concentrer l'activité économique dynamique dans les métropoles accentue les fractures territoriales et la crise du logement.
Nos concitoyens aspirent à un meilleur cadre de vie et à des services publics, où qu'ils soient.
Nouvelles mobilités, télétravail, auto-entreprenariat... autant de facteurs de tensions sur le marché du logement dans les grandes agglomérations.
Ce projet de loi apporte à ces enjeux des réponses pragmatiques.
La simplification normative est indispensable. Nous soutenons aussi la libération du foncier public, la transformation de bureaux vacants en logements, la dématérialisation des procédures, la lutte contre les recours abusifs.
En 2017, la Cour des comptes relevait que 48 % des locataires de logements sociaux n'étaient pas défavorisés : le projet de loi va dans le sens d'une meilleure transparence des attributions, ce qui est heureux.
Ce texte apporte à nos concitoyens de nouvelles garanties sur ce qui est au coeur de leurs préoccupations quotidiennes.
Nous veillerons donc à ce qu'il ne soit pas dénaturé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le logement est un sujet crucial. Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, est préoccupé par la revitalisation des centres-villes, qui fait l'objet de l'article 54 du projet de loi et, j'y insiste, des centres-bourgs, enjeu de société. Ici est l'objet de l'article 54 de ce texte. Merci à la rapporteure et aux rapporteurs pour avis, qui ont dû travailler vite. Le 14 juin dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité des suffrages exprimés, par 288 voix pour et zéro contre, une proposition de loi portant pacte national pour la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Seuls La République en Marche et une partie du groupe RDSE se sont abstenus, mais je crois que cette abstention était plutôt positive.
M. Jean-Claude Requier. - Elle n'était pas négative !
M. Rémy Pointereau.- Je me réjouis, avec M. Bourquin, co-auteur de ladite proposition, que la commission des affaires économiques ait inclus des éléments de cette proposition de loi dans ses apports. Cherchant à passer d'une logique de périphérie à une logique de centralité, elle a introduit des mesures formant un ensemble cohérent : l'enjeu n'est pas seulement commercial, il est aussi urbanistique.
Nous avons choisi de ne déposer que des amendements pouvant se conjuguer avec ce que vous proposez, conformément à l'esprit de la conférence de consensus voulue par le président Gérard Larcher : nous avons exclu les mesures fiscales, sauf un amendement d'appel, destiné à montrer que sans recettes nouvelles, nous ne pourrions rien faire. Je connais les réticences de Bercy...
Mais rendez-vous au prochain projet de loi de finances !
Le Sénat est mobilisé pour faire bouger les choses. Contrairement à certaines idées reçues, nous sommes des progressistes, mais soucieux d'aller dans le bon sens. (Sourires)
Nos propositions sont attendues par les associations d'élus et par celles de commerçants. Ne les décevons pas. Il faut conserver le rôle des maires pour notre volonté commune, d'intérêt général : réanimer nos coeurs de ville et de bourgs...
M. le président. - Il faut conclure...
M. Rémy Pointereau. - Voulons-nous vivre demain dans des villes à l'américaine, avec un centre sans vie et une périphérie de friches commerciales, ou dans une ville à l'européenne, avec un vrai centre-ville, avec du lien social, culturel, un commerce vivant et animé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)
Mme Sonia de la Provôté . - La politique du logement touche à toutes les politiques publiques : société, environnement, énergie, aménagement et équité du territoire. J'y insiste : pas de politique du logement sans politique d'aménagement du territoire !
Pour qui construit-on ? Où ? Comment protéger la qualité de vie. C'est sur les collectivités territoriales que la politique du Gouvernement doit s'appuyer.
Ce projet de loi poursuit un objectif avant tout quantitatif. Mais un logement n'apporte le bien-être que si son environnement est agréable.
C'est pourquoi les architectes et les ABF doivent jouer un rôle majeur : construire vite et moins cher ne doit pas se faire au détriment du paysage. Le patrimoine, les espaces verts et publics, l'environnement, doivent être respectés.
Nous soutiendrons la vision globale exprimée par la proposition de loi Pointereau-Bourquin, avec laquelle le projet de loi est en pleine résonance. Retour de la nature en ville, de la mixité sociale... qui mieux que les collectivités territoriales pour répondre à ces défis ? Les outils apportés par la loi ELAN sont utiles, mais insuffisants.
Notre groupe attend beaucoup de la discussion pour l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Tout avait bien commencé... ou presque. En septembre 2017, nous partagions les objectifs : la relance de la construction pour répondre aux besoins de logements, la rénovation urbaine pour améliorer le cadre de vie, la volonté de favoriser l'accession à la propriété dans le cadre d'un parcours résidentiel efficace. Tout cela dans une volonté partagée de justice sociale.
Las, il y a loin de la parole aux actes. La trahison a commencé dès le projet de loi de finances 2018 : baisse de l'aide à la pierre et des APL, suppression de l'aide aux maires bâtisseurs, suppression de 70 % de la capacité d'investissement des organismes de logements sociaux, soit 1,5 milliard d'euros en moins, soit 54 000 logements qui ne seront pas construits cette année.
Il est inacceptable de freiner aussi la construction de logements sociaux, de demander aux plus modestes de se serrer la ceinture.
Or une nouvelle baisse d'un milliard d'euros des APL serait à prévoir ?
Ignorez-vous ce que la construction apporte en TVA, en taxe foncière ? Investir dans le logement, c'est investir pour que chacun ait un toit, c'est investir dans le secteur du bâtiment, le premier employeur de France !
C'est ferrés par le dogmatisme de Bercy que nous débattrons, contre un projet centraliste qui contraint les organismes de logement social à se tourner vers le privé pour se financer...
Le passé nous l'a montré, la vente des HLM ne s'est jamais substituée à l'investissement public dans ce domaine. Or aborder la thématique du logement, c'est prendre à bras-le-corps la question de la mixité sociale et le devoir républicain de garantir à tous la possibilité d'être logés.
Mais, en commission, la majorité sénatoriale a entrepris de dévitaliser avec méthode la loi SRU, en revenant à ses plus anciens réflexes de 2006 : passage de 1 500 à 3 500 habitants pour le seuil d'exemption en Île-de-France ; mutualisation au niveau de l'intercommunalité du reste des logements à construire pour les communes, etc. De telles propositions qui avaient causé le déplacement de l'Abbé Pierre, 93 ans, à l'Assemblée nationale, en fauteuil roulant !
Pensez-vous ainsi aux dogmes de la gauche ? C'est en fait un fondement de la République que vous ébranlez. (Murmures à droite)
Ce ne sont d'ailleurs pas des exigences maximalistes : seules 250 communes ont été déclarées carencées et plus de la moitié des communes sont exemptées de la loi SRU.
Idem sur les personnes handicapées : nous nous opposerons à toute réduction de la surface. Nous défendrons l'obligation de 100 % de logements accessibles.
Mmes Éliane Assassi et Michelle Meunier. - Très bien !
M. Xavier Iacovelli. - Ne devenez pas les fossoyeurs de la mixité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Protestations sur le banc des commissions ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
M. Jacques Mézard, ministre . - Merci pour toutes vos interventions. Merci aux groupes La République en Marche et RDSE pour leur soutien. Évitons toute confusion sur le rôle des maires dans le texte du Gouvernement. C'est à sa demande qu'il est question des maires dans ce projet, où il n'y a rien qui mette en danger leur pouvoir exécutif. C'est justement ce que nous avons tenu à préserver et nous avons donné, avec le secrétaire d'État, des instructions précises à cet égard.
Monsieur Daunis, vous entendre intenter ce procès après votre soutien au PLUi et au transfert total du permis de construire du maire vers l'intercommunalité ne manque pas de piquant.
Le Gouvernement n'a voulu toucher à rien sur ce point (M. Philippe Pemezec s'en réjouit.) contrairement à ce que demandaient certaines associations d'élus. C'est pour faciliter le travail des collectivités territoriales qui le demanderont que nous mettons en place les PPA. L'État ne l'imposera jamais !
M. Marc Daunis. - Éclaircissez cela !
M. Jacques Mézard, ministre. - On le fera, n'ayez crainte ! C'est très clair ! Sur les ventes HLM, le texte n'enlève rien aux maires. Vous proposez de leur donner une prérogative qu'ils n'avaient pas. Sur les prérogatives des ABF, vous refusez notre proposition de les limiter au bénéfice des maires. Soit !
Quant à notre action en faveur des centres-bourgs, elle représente 100 fois l'effort financier de l'opération lancée il y a quelques années. Tout est confié au comité de projet, présidé par le maire, et le préfet n'est là que pour l'assister.
À l'ANRU, nous accélérons le processus en faisant sauter les oraux - pour ainsi dire - que les maires devaient passer pour faire valider leurs projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
La discussion générale est close.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques . - Je souhaite la réserve de l'article additionnel avant l'article 9 bis A, afin de l'examiner avant le 46 bis.
M. le président. - Elle est de droit sauf opposition du Gouvernement.
M. Jacques Mézard, ministre. - Avis favorable évidemment !
La réserve est ordonnée.
M. le président. - La discussion des articles commencera demain à 14 h 30.