« Américains accidentels » concernés par le Fatca
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution, invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » concernés par le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Jacky Deromedi et plusieurs de ses collègues.
Mme Jacky Deromedi, auteure de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants) Les États-Unis ont adopté, le 18 mars 2010, la loi relative aux obligations fiscales, dite Fatca, résultant d'une convention fiscale d'échange d'informations rétroactive. Cette loi substitue le critère de la nationalité à celui du domicile fiscal : tout américain doit déclarer et payer des impôts aux États-Unis.
Le Fatca impacte les Américains accidentels, les Français nés aux États-Unis à l'occasion d'un bref séjour, d'une escale, visite touristique ou hospitalisation. Ils n'ont ni passeport américain, ni famille américaine, mais sont Américains par droit du sol, le jus soli. Beaucoup ignoraient même qu'ils avaient la citoyenneté américaine.
Autre catégorie d'Américains accidentels, ceux qui ont un parent né aux États-Unis, lui-même Américain accidentel...
En 2014, leurs banques françaises les ont informés que le Fatca s'imposait à eux, qui plus est de manière rétroactive, sur plusieurs années, avec indemnités et pénalités de retard à la clé. Ils sont tenus de transmettre au fisc américain des données sur leur situation fiscale, en vertu de l'accord d'échange automatique d'informations fiscales et bancaires signé par la France.
Ils doivent obtenir un numéro de sécurité sociale américain, démarche complexe, a fortiori quand on ne parle pas anglais. Une femme de 53 ans, née à Pasadena de parents français et partie des États-Unis à 16 mois, ayant appris par sa banque qu'elle présentait « un indice d'américanité », a dû interrompre tous ses projets personnels et engager un cabinet fiscaliste, dont les honoraires s'établissent entre 13 000 et 15 000 euros, et devra en outre payer 25 000 euros au fisc américain. Elle voit ainsi partir en fumée toutes ses économies.
Les banques françaises sont tenues de signaler au fisc américain leurs clients ayant un lien avec les États-Unis et de lui transmettre des informations portant atteinte à leur vie privée. Aucune banque ne peut s'y soustraire, tant les sanctions sont dissuasives : une retenue à la source punitive de 30 % sur les flux financiers depuis les États-Unis, voire le retrait de la licence bancaire aux États-Unis.
Quant aux Américains accidentels, ils s'exposent à des poursuites et doivent éviter de voyager aux États-Unis tant que leur situation n'est pas régularisée.
Les banques et sociétés de gestion de portefeuille françaises sont de plus en plus réticentes à conserver une clientèle d'Américains accidentels. La plupart refusent de leur ouvrir un compte, voire ferment les comptes de clients habituels qui ont un « indice d'américanité ».
Comment ne pas s'interroger sur la légalité du fichage des Américains accidentels ? En septembre 2015, j'ai adressé un courrier à M. Sapin à ce sujet. M. Ayrault m'a répondu en juillet 2016 que le fondement de l'impôt sur la nationalité relève de la compétence souveraine des États-Unis, sur laquelle la France ne peut intervenir.
Plusieurs Américains accidentels ont donc choisi de renoncer à la nationalité américaine. Mais cela suppose de prendre un avocat américain, qui coûte entre 10 000 et 100 000 euros ; d'acquitter une taxe de 2 500 euros à l'administration américaine ; de payer les arriérés d'impôt et pénalités de retard. Et le Congrès vient de voter une taxe de rapatriement de 17,5 % sur les trente dernières années des bénéfices des entreprises détenues par des citoyens américains, dont les Américains accidentels. C'est une confiscation de capitaux français !
Face à cela, nous agissons. Notre collègue Antoine Lefèvre, président du groupe d'amitié France-États-Unis, qui a participé à la visite d'État du président Macron à Washington, a agi auprès des autorités américaines au plus haut niveau.
L'Association des Américains accidentels souhaite une remise en cause de l'accord franco-américain de 2013, en arguant du non-respect du principe de réciprocité, et demande des dispositions transitoires pour le passé ainsi qu'une procédure simplifiée pour renoncer à la nationalité américaine. Son président, Fabien Lehagre, a saisi le Parlement européen pour qu'il prépare une proposition de résolution. Ce serait un appui à cette juste cause.
Ma proposition de résolution a été cosignée par une centaine de mes collègues. L'Assemblée nationale a installé une mission d'information dont les rapporteurs sont MM. Le Fur et Saint-Germain ; elle m'a auditionnée le 18 avril dernier.
La CNIL a été saisie par un particulier ; enfin, l'Association des Américains accidentels a formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État contre l'arrêté du 25 juillet 2017.
Nous ne pouvons accepter que nos concitoyens soient ainsi pris en otage et aient à payer une rançon pour avoir le droit de vivre dignement. (Applaudissements)
M. Antoine Lefèvre . - En tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-États-Unis, je prends très au sérieux ce sujet. Depuis l'application du Fatca en 2014, les Américains accidentels reçoivent des courriers de leur banque leur demandant un numéro d'identification fiscale américain ou la preuve qu'ils ont renoncé à la nationalité américaine. Et ils peuvent voir leur compte unilatéralement fermé !
Les États-Unis sont le seul pays au monde à faire reposer la fiscalité sur la nationalité et non la résidence. Une convention bilatérale fait que les impôts payés en France par les Américains ne viennent qu'en déduction de ceux dus aux États-Unis.
Fuir la nationalité américaine se révèle coûteux : 20 000 dollars en moyenne, car il faut prendre un avocat, et ne dispense pas des déclarations rétroactives.
Malgré les promesses de réforme de Donald Trump, rien dans les textes présentés au Congrès ou au Sénat censés corriger les effets pervers du Fatca n'aide les Américains accidentels.
En France, l'Association des Américains accidentels, créée en 2015, a engagé une procédure devant le Conseil d'État pour s'opposer à l'application du Fatca, faute de réciprocité. Une mission d'information de l'Assemblée nationale rendra ses conclusions dans quelques semaines.
Lors de la visite d'État du président de la République à Washington fin avril, j'ai rencontré le ministre-conseiller en charge des questions économiques et fiscales qui a mené des démarches ; une cellule spécifique pourrait être créée à Bercy. J'ai aussi rencontré le président du French Caucus du Congrès, le sénateur Chris Coons.
L'Association des Américains accidentels réclame une action diplomatique forte.
Des dizaines de milliers de nos compatriotes sont pris dans cette nasse - pour certains, encore dans l'ignorance.
Un chef d'entreprise, Américain accidentel dont tous les comptes ont été fermés, disait sa tristesse de voir son pays, jadis libre et courageux, se soumettre et supporter que ses concitoyens soient empêchés, par une autre nation, de devenir entrepreneurs ou contracter un prêt immobilier. Il faut débloquer cette situation. (Applaudissements)
M. Richard Yung . - Presque tout a été dit. On a des États-Unis l'image d'une grande démocratie, d'un système juridique qui fonctionne bien. Or nous voici devant un système proprement soviétique ! Des Américains « malgré eux » se voient pris dans la nasse, contraints de déclarer tous leurs revenus et de s'acquitter des impôts correspondants auprès du fisc américain. S'il leur vient l'idée d'abandonner la citoyenneté américaine, ils doivent déposer un dossier, payer une taxe qui est passée de 400 à 2 350 euros, prendre un avocat...
Quant à ceux qui ne veulent pas se conformer au Fatca, ils sont considérés comme titulaires récalcitrants et soumis à une retenue de 30 % sur leurs revenus. Certains établissements français refusent de les accueillir comme clients par peur de représailles américaines.
Une personne présentant un « indice d'américanité » - expression pour le moins étrange - ne pourra pas partager un compte commun avec un conjoint français.
Les démarches engagées auprès de l'administration américaine par le Gouvernement ou par la présidence du Conseil européen sont restées sans réponse jusque-là. Il faudra faire monter la pression.
Le fameux Fatca a été imposé par les États-Unis à tous les pays du monde sous la menace d'interdire aux banques d'exercer sur le territoire américain. Or le principe d'échange réciproque des informations n'est pas respecté par les Américains.
Il faudrait aussi évoquer l'atteinte à la vie privée des personnes, et du recours devant le Conseil d'État.
Ce texte encourage le Gouvernement à poursuivre son action diplomatique pour obtenir la réciprocité de l'application de l'accord et l'exonération des Américains accidentels de ces obligations fiscales. Le groupe LaREM le soutiendra. (Applaudissements)
M. Éric Bocquet . - Le groupe CRCE soutiendra cette proposition de résolution. Il conviendrait en effet d'amender l'accord franco-américain. Les Américains accidentels devraient pouvoir renoncer simplement et gratuitement à la nationalité américaine ou être exonérés des obligations fiscales aux États-Unis.
Il faut aussi exiger la réciprocité. En 2014, les États-Unis s'étaient engagés à fournir des informations sur les évadés fiscaux. Ils ne l'ont pas fait. Les obligations sont à sens unique, ce n'est pas acceptable.
Le Fatca, voté en 2010 et entré en vigueur en 2013, fait obligation à toutes les banques de déclarer leurs clients américains détenant plus de 50 000 dollars chez elles. Elles s'exposent sinon à une amende équivalant à 30 % des revenus générés aux États-Unis, voire à l'interdiction pure et simple d'activité sur le sol américain. Pourquoi ne pas appliquer des mesures aussi drastiques aux 50 entreprises américaines qui cachent 1 600 milliards d'euros dans les paradis fiscaux ? Faut-il rappeler que le Delaware, le Wyoming et le Nevada font des États-Unis l'un des premiers paradis fiscaux au monde ?
La renégociation de la convention fiscale franco-américaine pourrait être envisagée mais trop longue. Aussi cette proposition de résolution nous semble constituer la meilleure solution. (Applaudissements)
M. Michel Canevet . - Merci à Jacky Deromedi pour cette proposition de résolution. Nombre de collègues ont été saisis de pareilles situations. M. Cadic me parlait d'un jeune de 17 ans, né aux États-Unis, qui s'étonnait des démarches fiscales qu'il allait devoir entreprendre l'an prochain.
Le siècle dernier a connu un vaste courant d'émigration de la Bretagne vers le pays de l'Oncle Sam : Air France avait même une agence à Gourin, en plein centre Bretagne ! Les enfants nés en Amérique puis rentrés en Bretagne se retrouvent en grande difficulté.
L'association des Américains accidentels compte 519 membres dont de nombreux Bretons. J'ai rencontré des personnes dans cette situation, comme ce chef d'entreprise qui emploie 370 salariés. Lui qui a quitté les États-Unis à l'âge de trois ans est tenu de déclarer tous ses revenus et avoirs au fisc américain !
Le Gouvernement et la Commission européenne doivent pleinement se mobiliser pour trouver une solution. Le groupe UC votera cette proposition de résolution pour accompagner nos concitoyens concernés.
J'évoquerai un sujet parallèle : des Chiliens employés par l'Institut culturel et l'ambassade de France au Chili sont désormais tenus d'effectuer leur déclaration fiscale en France, alors qu'ils n'ont pas droit aux prestations sociales françaises. Il faut mettre les choses au clair. (Applaudissements)
M. Yannick Botrel . - L'injonction du Fatca a placé les Américains accidentels dans une situation que le ministre lui-même a qualifiée de kafkaïenne ; on pourrait dire ubuesque.
Les citoyens, des gens ordinaires, sont en règle en France où ils paient leurs impôts. Ils se retrouvent en difficulté, notamment avec leurs banques, victimes d'un véritable détournement du droit. Le processus d'abandon de la nationalité américaine est long, coûteux et complexe. Les banques françaises ferment parfois les comptes des Américains accidentels pour ne pas être en infraction.
Les récents scandales de fraude fiscale, UBS ou Panama Papers, légitiment l'échange automatique d'informations. Nous ne le contestons pas. Mais dans le cas présent, l'administration américaine contourne la règle de non-double imposition décidée bien antérieurement en imposant des éléments différents du fisc français.
Unilatéralité agressive et intrusion dans la vie privée sont révélatrices d'une manière très particulière de concevoir les relations internationales. La question de l'extraterritorialité des lois américaines est de nouveau soulevée par la dénonciation de l'accord nucléaire iranien.
Nos concitoyens devraient pouvoir abandonner leur nationalité américaine selon une procédure simple et gratuite ou peu onéreuse. Enfin, ils doivent pouvoir conserver un compte bancaire - quitte à faciliter les recours auprès de la Banque de France. L'accord bilatéral sur la loi Fatca impose une réciprocité complète. C'est loin d'être le cas.
Les Américains accidentels nous ont lancé un appel au secours. Je ne vois pas d'argument contre cette proposition de résolution. Le groupe socialiste la votera. (Applaudissements)
M. Joël Guerriau . - Seuls deux pays appliquent une taxation fondée sur la nationalité : les États-Unis et l'Érythrée.
Les États-Unis pratiquent un droit du sol strict, rendant américaines des personnes n'ayant aucun lien familial avec le pays et qui parfois n'en maîtrisent pas la langue. Et ils appliquent à tout Américain un impôt fédéral, quel que soit son lieu de résidence.
Combien de nos compatriotes sont concernés ? Nous ne pouvons le savoir, contrairement à l'administration américaine qui interroge les banques. Ces dernières sont obligées de déclarer les clients présentant un indice d'américanité. C'est simple : il suffit de se fonder sur le lieu de naissance.
Traumatisées par les 9 milliards de dollars d'amende infligés à la BNP, les banques obtempèrent. Nos concitoyens doivent actuellement se plier à une procédure lourde et pleine de menaces, qui leur coûte au minimum 2 400 dollars, pour abandonner la nationalité américaine. Ils devraient pouvoir le faire de façon simple et gratuite, ou être exonérés des obligations fiscales américaines.
Que font les autres pays ? Ont-ils ratifié la même convention que la France ? Les Pays-Bas ont réagi pour défendre leurs Américains accidentels. Quid des autres pays, Monsieur le Ministre ?
Les banques craignent les sanctions et l'atteinte à leur réputation, voire l'exclusion du marché américain. On peut comprendre qu'elles préfèrent alors fermer des comptes plutôt que de prendre des risques. Notre rôle et de briser cet engrenage.
De nombreuses questions demeurent. Elles méritent un travail approfondi qui pourrait faire l'objet d'une mission sénatoriale. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution. (Applaudissements)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Chaque État est souverain dans la détermination de sa politique fiscale. Mais il nous revient de défendre les droits de nos ressortissants. Ils seraient 10 000 Français concernés, et nous avons reçu de nombreux témoignages de situations ubuesques. Ces ressortissants doivent pouvoir renoncer à la nationalité américaine de façon simple et gratuite.
Aujourd'hui, les démarches sont complexes et coûteuses, et portent atteinte à la vie privée. Ces exigences sont inacceptables pour des personnes qui ne sont américaines que par hasard.
Nous devons garantir aux Américains accidentels un droit au compte bancaire. Il est anormal que des banques françaises puissent décider de fermer un compte par peur de représailles ou de complications. Sans compte bancaire, comment vivre et opérer aujourd'hui ? La liberté contractuelle doit s'arrêter là où commencent les droits humains les plus élémentaires.
Les conventions fiscales préviennent les doubles impositions. Toutefois, certaines déductions françaises ne sont pas reconnues par les États-Unis. La CSG, par exemple, n'est pas considérée comme un impôt, et se voit donc taxée aux États-Unis !
Une action diplomatique résolue était urgente. Aussi, je remercie Antoine Lefèvre qui s'est emparé du sujet lors de la visite d'État du président de la République aux États-Unis, Mme Deromedi pour cette proposition de résolution et nos collègues députés chargés de la mission d'information sur le sujet, et leur souhaite un plein succès. (Applaudissements)
M. François Bonhomme . - Depuis l'entrée en vigueur du Fatca en 2014, les banques sont contraintes de déclarer à l'administration américaine leurs clients présentant des indices d'américanité. C'est le principe de la fiscalité basée sur la nationalité.
Or nombre de nos concitoyens n'ont pour seul lien avec les États-Unis que leur naissance. Certains ont découvert qu'ils étaient américains et se sont vu réclamer des sommes importantes par les États-Unis alors qu'ils n'ont jamais vécu ou travaillé aux États-Unis.
Les frais sont considérables. La renonciation à la nationalité américaine est chère, complexe et demande de fournir nombre d'informations personnelles. Sans compter que la régularisation doit être faite sur cinq années !
Marc Le Fur a demandé au Gouvernement une action diplomatique forte, et recommande d'informer les Français aux États-Unis des conséquences fiscales liées à l'expatriation.
Richard Ferrand a appelé à l'obtention d'un traitement dérogatoire pour les Américains accidentels, afin qu'ils puissent soit renoncer à leur nationalité américaine dans des conditions simplifiées, soit être exonérés de l'imposition américaine.
Début 2016, une mission commune d'information a été créée à l'Assemblée nationale sur l'extraterritorialité américaine. Elle a dénoncé les abus de l'administration américaine et appelé à une action diplomatique forte pour que la réciprocité des engagements soit tenue.
Elle a aussi recommandé une meilleure information des Français vivant aux États-Unis. L'administration américaine elle-même reconnaît qu'il y a un problème. L'absence de réciprocité du Fatca n'est plus à prouver. Je voterai cette proposition de résolution qui appelle à la raison et corrige une situation baroque et inconfortable. (Applaudissements)
M. Jean-Yves Leconte . - Saluons cette initiative. Le Fatca n'est pas la source des difficultés mais le révélateur. L'étude d'impact de la loi du 29 septembre 2014 ne mesurait pas les conséquences, qui découlent du droit du sol et du principe de l'imposition par la nationalité - les États-Unis sont les seuls à appliquer cette règle, avec l'Érythrée -, assorti d'une obligation déclarative.
Les banques françaises ont fait du zèle : toute personne dont le numéro de téléphone commence par +1 - résident au Canada par exemple - a vu ses données bancaires communiquées aux autorités fiscales. Certains ont perdu leur emploi, car leur employeur craignait pour l'accès au marché américain.
On est loin de ce que Tocqueville disait de la citoyenneté américaine : plutôt qu'une citoyenneté libre et consentie, on est dans la sujétion.
Les consulats doivent faire connaître ces données à chaque transcription d'un acte de naissance, et le ministre des affaires étrangères doit le dire dans les conseils aux voyageurs.
Monsieur le Ministre, qu'en est-il du respect de leurs obligations vis-à-vis de la France par les États-Unis ?
Chacun est ici attaché à la lutte contre la fraude fiscale, qui nécessite des échanges automatiques d'informations. Mais il faut impérativement que ces échanges soient maîtrisés. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Ce sujet résonne avec l'actualité, marquée par l'unilatéralisme américain, comme le montre notamment la dénonciation de l'accord sur le nucléaire iranien et le rejet de l'accord de Paris sur le climat.
Les États-Unis appliquent un droit du sol inconditionnel. Depuis l'adoption de la loi Fatca en 2010, tout établissement bancaire doit signaler ses clients présentant des indices d'américanité.
Ces Américains accidentels doivent fournir de nombreuses informations personnelles, y compris sur leur conjoint.
Nous avons accepté ces obligations en 2014, mais l'accord est asymétrique : nous ne recevons pas autant d'informations que nous n'en livrons, alors que la réciprocité avait été considérée comme indispensable.
La renonciation à la nationalité américaine est coûteuse et ne dispense pas de se mettre en règle avec le fisc américain.
L'extraterritorialité des États-Unis ne s'applique pas qu'aux Américains accidentels, mais aussi aux expatriés - peut-être les règles changeront-elles avec la réforme fiscale américaine.
Cette proposition de résolution est bienvenue. Reprenant des recommandations du rapport Bergé-Lellouche, elle invite le Gouvernement à intervenir auprès des États-Unis pour faire respecter la réciprocité, pour garantir le droit à un compte bancaire ; il doit aussi assurer une information plus large.
Il faudrait, également, responsabiliser davantage les banques, les sensibiliser aux conséquences de leurs actes. Lors de mes permanences, j'ai pu voir des personnes qui n'osaient pas effectuer de démarche bancaire ou bien liquider une succession, en raison des obligations du Fatca.
Le groupe RDSE votera cette résolution - et nous sommes convaincus, également, qu'il faudra agir au niveau européen. (Applaudissements)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Merci Madame la Sénatrice Deromedi, pour cette proposition de résolution. J'ai été saisi comme vous de témoignages sur les cas inextricables pour lesquels il nous faut trouver une solution. Le Gouvernement est à l'unisson de votre mobilisation. Le vote de la proposition de résolution confortera ses démarches.
La situation des Américains accidentels est - hélas - bien connue. Depuis 2016, des démarches ont été entreprises, mais en vain.
Les situations sont ubuesques, kafkaïennes, résultant de plusieurs effets. Les États-Unis imposent sur la base de la citoyenneté, qui s'acquiert par un droit du sol très strict. La convention fiscale entre la France et les États-Unis prévoit une imposition lorsque des éléments ne sont pas imposés en France alors qu'ils le sont aux États-Unis ou si l'imposition est moindre en France qu'aux États-Unis.
Le 14 novembre 2013, la France a signé l'accord Fatca - il faudrait parler plutôt de CCBE, pour « conformité des comptes bancaires à l'étranger » - entré en vigueur en octobre 2014.
La France n'a pas signé un accord asymétrique pour le plaisir : des établissements bancaires étaient menacés d'amendes considérables.
La plupart des partenaires des États-Unis, notamment en Europe, se sont organisés. Le Trésor américain indique que 113 pays ont signé le même type d'accord que la France.
En l'absence de lien substantiel avec les États-Unis, certains Américains accidentels ont du mal à fournir un numéro d'identification fiscal américain, parce que l'administration américaine ne le leur fournit tout simplement pas.
Les pistes sur lesquelles nous travaillons correspondent à celles de votre proposition de résolution. Ce débat est pour le Gouvernement l'occasion de faire un bilan d'étape ; nous en ferons régulièrement à l'avenir. J'ai entendu votre appel à une diplomatie forte.
Nous devons clarifier le statut des Américains accidentels et leur donner des informations. L'ambassade des États-Unis diffuse désormais une notice sur son site Internet. Il me semble indispensable d'aller plus loin en créant une cellule dédiée, avec un numéro de type numéro vert.
Il nous faut aussi régler les questions individuelles. L'absence de numéro fiscal américain pose des problèmes lors de l'ouverture d'un compte. La garantie de la Banque de France est certes possible, mais elle nécessite des démarches supplémentaires.
La Commission européenne écrira au secrétaire au Trésor américain. Il faudrait convaincre les autorités américaines de faciliter les démarches de renonciation à la citoyenneté américaine. Or, le Congrès américain est sourcilleux. La diplomatie parlementaire peut être à cet égard très utile. Une proposition au Congrès envisageait de restreindre l'imposition aux seuls résidents ; elle n'a pas abouti, grâce à l'intervention des parlementaires.
Une mission conjointe ministère des affaires étrangères - ministère de l'économie se rendra à Washington les 28, 29 et 30 mai prochains pour négocier et obtenir des aménagements concrets.
Nous réclamerons des services dédiés à l'ambassade, une obtention simplifiée du numéro fiscal et la régularisation rapide des Américains accidentels sans taxe de renonciation à la nationalité américaine.
Enfin, nous plaiderons pour que les États-Unis prennent en compte la CSG et la CRDS dans leur calcul : cela réduira l'imposition des Américains accidentels.
La réciprocité, mentionnée dans la discussion, est respectée dans les faits ; cependant, les informations communiquées des deux côtés de l'Atlantique sont différentes, car le Gouvernement avait accepté l'asymétrie de l'accord. Cela illustre bien le rapport de force avec les États-Unis, dans toutes les négociations - et qu'on voit à l'oeuvre dans la sortie de l'accord sur l'Iran.
Le Règlement européen de 1996 n'est pas appliqué car les entreprises s'autocensurent. C'est une épreuve de vérité pour l'Europe qui n'est pas suffisamment unie. Il est temps d'agir vite et fort. Nous rencontrons nos homologues allemands demain sur l'extraterritorialité.
Avant-hier, j'ai évoqué le sujet avec la présidente de la Fédération bancaire française. La fermeture arbitraire de comptes bancaires concerne non seulement des Américains accidentels, mais aussi des expatriés sur le fondement de soupçons inconnus ou des étudiants étrangers qui ne peuvent par conséquent pas encaisser leurs bourses.
Les sujets liés à l'application de telle ou telle législation américaine sont nombreux.
Cette proposition de résolution conforte les démarches entreprises par le Gouvernement. Nous continuerons à travailler ensemble pour trouver des solutions opérationnelles. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. le président. - La Conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
La proposition de résolution est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité ! (Applaudissements sur tous les bancs)
Prochaine séance, demain, mercredi 16 mai 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 35.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus