Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, et comme à chaque fois, je vous appelle au respect des uns et des autres ainsi qu'au respect du temps de parole.
Prélèvements des agences de l'eau
Mme Maryse Carrère . - Le changement climatique est un enjeu majeur. Dans le bassin de la Garonne, 220 millions de mètres cubes d'eau vont manquer, plus d'un milliard en 2050. C'est, au total, 50 % d'eau en moins l'été. Cela compromet l'alimentation des Français en eau potable de qualité ainsi que la capacité des agences de l'eau à remplir leur objectif de bon état des eaux en 2027. Des travaux importants d'investissements ont été engagés pour traiter les rejets dans les cours d'eau et les nappes. Il reste à traiter les pollutions diffuses à la source.
Maintien d'un débit minimum, qualité de l'eau et préservation de la biodiversité sont intimement liés, on ne peut pas baisser de 25 % les moyens des agences de l'eau tout en leur assignant de nouvelles missions. La ponction de trésorerie de 200 millions décidée par l'État rendra les agences incapables de respecter leurs engagements en 2019. Les décisions prises dans le cadre du budget pour 2018 ne seront pas sans conséquences. Sont-elles irréversibles ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - L'eau, ressource essentielle, est en effet très menacée par le réchauffement climatique. Au plein coeur de l'automne, la France connaît la sécheresse : 23 départements sont en restriction grave, 39 arrêtés ont été pris pour répondre à cette crise.
Nous devons repenser les usages de l'eau afin de parvenir à un meilleur équilibre entre agriculteurs, industriels et particuliers.
La France a un modèle de gestion de l'eau unique au monde et performant, grâce aux élus et aux agences. Le budget de ces dernières, avec 12,6 milliards d'euros sur six ans, est comparable aux deux exercices précédents. Les agences de l'eau doivent néanmoins faire évoluer leurs méthodes de travail. Le Gouvernement leur fera des propositions dès le premier semestre 2018, pour alimenter les Français en eau, intégrer les nouveaux paramètres écologiques et protéger l'eau.
La qualité de l'eau, dont dépend fortement la biodiversité aquatique, est au coeur de l'action de mon ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Éliane Assassi . - Monsieur le Premier ministre, il est temps d'agir contre l'évasion fiscale. Les marchés financiers ont pris le pouvoir - c'était l'objectif de la mondialisation financière. Alors que l'austérité est la règle, 455 milliards sont mis à l'abri à Jersey et les yachts défiscalisés naviguent dans les eaux maltaises. Parlons-nous d'îles paradisiaques sous les tropiques ? Non, nous sommes au coeur de l'Europe !
La démocratie est en jeu quand un tel pillage s'amplifie avec le consentement des gouvernements. Tout est légal, nous dit-on. La bonne affaire... Pourquoi tant d'opacité alors ? Allez-vous faire sauter le verrou de Bercy qui protège les financiers-voyous ? Allez-vous demander des sanctions, des vraies, contre les États qui organisent l'évasion fiscale en Europe ? Organiser une COP fiscale dans les plus brefs délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je ne partage pas votre vocabulaire mais vous rejoins sur trois points. Ceux qui pratiquent la fraude fiscale, comme ceux qui contournaient leur obligation de service national autrefois, remettent en question le pacte républicain. Lutter efficacement contre la fraude nécessite effectivement une bonne coopération internationale et des instruments nationaux au service de cette coopération nationale. Cela suppose une volonté et une administration compétente : nous l'avons.
La France est le pays qui, après la publication des Panama papers, a déclenché le plus grand nombre de contrôles et de demandes de renseignements. Notre administration fiscale, d'une grande compétence, a le souci du respect de la loi. On me rétorquera que c'est la moindre des choses. Soit, à condition de se souvenir que l'administration fiscale n'est pas une justicière : son devoir est de faire respecter toute la loi fiscale et rien que la loi fiscale. Nous lui donnons les moyens d'exercer sa mission - par exemple, nous fermons à la fin de l'année le bureau ouvert pour permettre les rapatriements.
Enfin, la coopération internationale, nous la promouvons. Pour preuve, les initiatives dans le cadre du G20 et de l'OCDE en 2012. Pour preuve, l'élaboration de la norme OCDE sur les échanges d'informations en 2014 et, plus récemment, nos efforts pour adapter le cadre fiscal aux géants du numérique. Cette coopération existe, elle se poursuivra. L'OCDE est le bon cadre.
Faut-il aller plus loin ? Sans doute. L'objectif est que ceux qui outrepassent la loi ou tutoient sa limite doivent être sanctionnés. Et rien d'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Éliane Assassi. - Au-delà de la volonté, il faut des actes. C'est ce que nous attendons de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Charlie Hebdo
Mme Laurence Rossignol . - De nouveau, Charlie Hebdo est victime de menaces et d'attaques. Les menaces sont physiques à l'égard des journalistes mais aussi idéologiques. Charlie Hebdo n'épargne aucun intégriste, qu'il se réclame de la Torah, du Coran ou de la Bible ; Charlie Hebdo est féroce aussi bien avec les prêtres pédophiles que les prédicateurs prédateurs. Et pourtant, le même procès en islamophobie se poursuit.
Plus que jamais, « Nous sommes Charlie » et le resterons. Plus que jamais, nous devons rappeler aux intellectuels égarés que combattre le fanatisme islamiste est notre premier devoir vis-à-vis des musulmans de France.
Monsieur le Premier ministre, vos prédécesseurs Manuel Valls et Bernard Cazeneuve avec le président Hollande ont inscrit la laïcité dans le combat moderne de la République. Comment comptez-vous poursuivre leur action et mobiliser les Français contre la haine, l'antisémitisme et l'obscurantisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et quelques bancs du groupe LaREM ; M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - J'ignore si je suis Charlie... En revanche, je me sais Français et républicain, au sens le plus noble du terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)
Parce que Français, parce que profondément attaché à la République, je veux redire l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Nous sommes libres de penser, de publier, de caricaturer... Charlie Hebdo s'en est fait une spécialité. Il est, dites-vous, féroce. C'est vrai, et avec tout le monde. On peut trouver ses caricatures choquantes, cela m'arrive. Mais elles relèvent d'une liberté qu'il faut défendre à tout prix. Les dessinateurs et le personnel de Charlie Hebdo ont payé un lourd tribut à cette liberté. Madame la sénatrice, vous avez sans doute, comme moi, défilé avec des milliers d'anonymes pour la défendre. Les menaces reprennent. Des mesures de protection, fermes et précises, ont été prises, depuis longtemps d'ailleurs.
Au-delà, et j'en parlais justement avec la garde des Sceaux, je suis frappé par le nombre de menaces et d'insultes proférées sur les réseaux sociaux dans le courage de l'anonymat. Nous devons combattre l'expression de ces menaces.
La liberté d'expression est consubstantielle à la République. Je rends hommage à Manuel Valls, Bernard Cazeneuve mais aussi à Nicolas Sarkozy (On se récrie sur les bancs du groupe SOCR.) pour leur action.
M. Jean-Marc Todeschini. - Et François Hollande ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Sans polémique, et tous ensemble, soyons déterminés et sans faiblesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Laurence Rossignol. - Parce que républicaine et Française, je n'hésite pas, moi, à dire que je suis Charlie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Voix sur les bancs du groupe Les Républicains. - Ça ne veut rien dire !
Recherche sur les cancers pédiatriques
M. Alain Fouché . - Avec 2 500 cas diagnostiqués et 500 décès chaque année, le cancer est la première cause de mortalité chez les enfants. Malgré le plan Cancer 2014-2019, seulement 3 % du budget annuel alloué à la recherche sur le cancer va à l'oncologie pédiatrique. Les chercheurs passent 50 % de leur temps à rechercher des dons. Les associations ne peuvent pas tout... Sans engagement de l'État, on ne trouvera pas de nouveaux traitements.
Pour la première fois, la sécurité sociale va consacrer 390 000 euros à un traitement contre la leucémie délivré aux États-Unis qui offre 90 % de chances de réussite. En France, tout ce qu'on propose, ce sont des soins palliatifs ! À ce jour, aucun gouvernement n'a voulu s'engager. Un sénateur LaREM, en commission des finances, a proposé d'affecter à cette recherche l'excédent de 20 millions d'euros de la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Son amendement a été refusé.
Dans ce cas, madame la ministre de la santé, engagez-vous à financer les traitements ! On ne peut plus accepter que des enfants doivent traverser l'Atlantique pour se soigner. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Monsieur le sénateur, vous évoquez deux sujets qui n'ont rien à voir. Le premier, la recherche sur les cancers pédiatriques était une des priorités du plan Cancer 2014-2019, un plan que j'ai rédigé moi-même, avec 10 % des fonds affectés à cette cause. Nous avons mis au point l'essai clinique le plus innovant au monde, négocié avec les industriels sur la base du séquençage du génome de tous les enfants atteints de tumeurs réfractaires ou en rechute. Cet essai ESMART est aujourd'hui déployé dans toute la communauté européenne. Les enfants français accéderont aux médicaments innovants les premiers.
Second sujet, un médicament CAR-T de thérapie cellulaire et génique, extrêmement cher. Il vient d'être autorisé par la Food and Drug Administration aux États-Unis, il est en cours d'instruction en Europe. Lorsqu'il sera autorisé, son prix sera négocié. Aucun enfant ne sera privé de ce médicament pour des raisons budgétaires, je m'y engage. Nous avons d'ailleurs anticipé le coût de ce traitement dans le budget de la sécurité sociale. En attendant, la prise en charge et le transport des enfants vers les États-Unis peuvent être financés par la sécurité sociale.
Ne mélangeons pas les sujets, aucun enfant de France ne perdra une chance de guérison ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes UC, RDSE et Les Républicains)
M. Alain Fouché. - Il y a toujours 500 enfants qui meurent. Vous ne nous avez pas dit comment vous comptez financer la recherche. Des associations demandent un fonds. Notre pays a accumulé du retard, c'est pour ça que nos enfants sont obligés d'aller se soigner aux États-Unis.
Migrants à Calais
M. Jean-François Rapin . - J'aurais souhaité ne jamais reprendre la parole pour évoquer ce dont je vais parler. J'aurais voulu prendre le micro pour parler du calme et de la sérénité retrouvés à Calais. Oui, en octobre 2016, des moyens ont été déployés pour démanteler la Lande, protéger le tunnel de la Manche et le terminal aéroportuaire - et je salue le travail des forces de l'ordre. Mais un événement grave survenu la semaine dernière - et j'ai une pensée pour la victime - nous fait penser que rien n'est fini. Plus que jamais, la sécurité des Calaisiens doit être préservée. Il est de mon devoir de parlementaire de rappeler au Gouvernement avec force que rien n'est acquis.
La maire de Calais, Natacha Bouchart, demande à nouveau du soutien. Quelles mesures allez-vous prendre ? Qu'allez-vous faire pour que les migrants attendant l'eldorado britannique ne stagnent pas à Calais et sur toute la façade maritime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Vous faites allusion au tragique acte de viol de la semaine dernière. Je veux dire toute ma compassion à l'égard de la victime et de ses proches. Ce viol appelle une action déterminée et résolue de l'État contre la criminalité.
Mille cent gendarmes et policiers sont en permanence déployés à Calais. Cela ne résout pas tous les problèmes, nous le voyons. Pour autant, nous luttons sur tous les fronts. D'abord, le contrôle et la sécurité à la frontière doivent faire l'objet d'une coopération étroite avec les Britanniques car la question de la charge de l'accord du Touquet reste ouverte. Le ministre de l'intérieur se rendra prochainement à Londres pour en discuter avec son homologue. Ensuite, une vigilance accrue contre les passeurs qui exploitent les espoirs des migrants : les démantèlements de filières progressent et sont sévèrement punis. Enfin, nous devons offrir aux migrants la possibilité d'accéder à un hébergement digne grâce aux Centres d'accueil et d'examen de situation (CAES) déployés dans les Hauts-de-France.
Oui, monsieur le sénateur, nous faisons tout pour aider Calais à retrouver sa sérénité, y compris par des soutiens financiers qui seront pérennisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Jean-François Rapin. - Calais est à quelques encablures du Touquet ; une visite présidentielle serait un geste fort que je saluerais. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Harmonisation fiscale européenne
M. Philippe Bonnecarrère . - Le président de la République et le Gouvernement ont engagé une action réformatrice pour une Europe qui protège.
Nos concitoyens sont choqués par le contenu des paradise papers. La fraude sape la démocratie. Ce n'est pas un sujet franco-français mais un défi à l'Europe. Il appelle donc une réponse européenne. Le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée s'impose pour la prise de décision en matière fiscale au niveau européen.
Pouvez-vous nous détailler l'engagement du Gouvernement ? Allez-vous agir comme vous l'avez fait pour la directive sur les travailleurs détachés ? Comment ? Avec quels partenaires ? Selon quel échéancier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - La question doit tous nous rassembler. Merci d'avoir donné acte au Gouvernement de son volontarisme. Donnons acte aussi au gouvernement précédent qui avait mobilisé la diplomatie française sur le sujet. (Mouvements à droite)
Oui, le pragmatisme doit l'emporter sur les postures. L'optimisation fiscale doit être traitée au niveau européen. Le ministre de l'économie l'a rappelé au dernier Conseil Ecofin. Le président de la République mobilise de la même manière ses partenaires européens pour taxer les profits de l'activité numérique.
Mobilisons-nous sur les deux propositions de modification de directive présentées en 2016 pour établir une assiette commune de l'impôt sur les sociétés. Nous travaillons à ce sujet avec l'Allemagne.
Et, vous avez raison, le passage à la majorité qualifiée en la matière est indispensable. Nous amplifierons nos efforts en ce sens.
M. Philippe Bonnecarrère. - Merci. Il faut mieux associer le Parlement à cette lutte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Maisons de retraite
Mme Patricia Schillinger . - Madame la ministre des solidarités, vous venez de lancer la consultation en ligne sur la stratégie de santé qui déterminera la politique dans ce domaine pour cinq ans. La prise en charge de la dépendance est un enjeu crucial. Tout un secteur, au bord du burn-out, s'inquiète et demande de l'aide. Les personnels des Ehpad sont au bord du burn-out. La dépense pour la prise en charge de la dépendance en part du PIB pourrait doubler à l'horizon 2050 ; il y aura alors deux fois plus de personnes de plus de 65 ans.
Quelles orientations le Gouvernement veut-il prendre en matière de prévention et de prise en charge de la perte d'autonomie, au-delà des 4 500 places supplémentaires annoncées en Ehpad ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Je salue le formidable travail des personnels des Ehpad, engagés avec humanité auprès des personnes âgées. Les plus de 85 ans seront 4 millions en 2050, ce qui nous impose une réflexion sur le nombre de places disponibles. La loi de 2015 visait à rendre plus attractif ce secteur professionnel, avec de vraies perspectives de carrière. J'ai également lancé une mission sur la qualité de vie au travail dans les Ehpad.
La part destinée aux soins dans les Ehpad a été augmentée de 100 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Nous créons 4 500 places d'Ehpad, 1 500 places d'hébergement temporaire.
J'ai lancé en mai dernier une mission pour évaluer les besoins de prise en charge médico-sociale et sanitaire à l'horizon 2030 ; j'en attends les conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Patricia Schillinger. - Merci pour votre engagement, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Stockage des déchets radioactifs.
M. Franck Menonville . - Vous connaissez le projet Cigéo dans la Meuse, monsieur le Premier ministre. Le sénateur Namy vous a déjà interrogé sur ce problème d'ordre public, et je salue votre engagement et votre efficacité sur ce dossier.
Les perspectives de développement économique étaient radieuses dans la Meuse. Mais le comité de haut niveau chargé du suivi du projet, qui réunit l'Andra, EDF, le CEA et Areva, ne s'est pas réuni pendant trois ans ! Une réunion, enfin, il y a bientôt un an, n'a débouché sur aucun résultat probant. Les deux réunions par an prévues initialement n'ont pas été organisées. Il est temps de redonner des perspectives claires aux acteurs de terrain, en termes de développement économique et d'emploi. Vous y engagez-vous, monsieur le Premier ministre ? (M. Gérard Longuet applaudit.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Décidément, le nucléaire soulève des passions cette semaine. On ne peut toutefois pas laisser les passions dicter nos choix. L'industrie nucléaire n'est pas si vertueuse, elle nous laisse des déchets à haute intensité et à durée de vie très longue. Nous devons bien les gérer. C'est une question économique, mais aussi éthique et morale.
La France a fait le choix de l'enfouissement en site géologique profond. Cette solution n'est pas entièrement satisfaisante, mais c'est la moins mauvaise - il n'y a pas de toute façon de solution miracle. La décision n'interviendra pas avant 2022. La procédure, qui prévoit de larges concertations - enquête publique, avis des collectivités territoriales et du Parlement, étude de l'ASN - doit être respectée.
Le Gouvernement nommera un garant de ces procédures de concertation. D'ici là je m'engage à travailler avec les collectivités pour préparer l'accueil de ce projet. Le comité de haut niveau sera réuni avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
COP23
M. Claude Bérit-Débat . - Il y a deux ans, la COP21 s'achevait sur un succès diplomatique. Le contexte de la COP23 est beaucoup plus sombre : les rapports alarmistes se multiplient et 83,5 millions de réfugiés climatiques ont été recensés entre 2011 et 2014.
Si le réchauffement n'est pas contenu en dessous de 2°C à la fin du siècle, le niveau des océans montera d'un mètre et 30 % de la biodiversité disparaîtra. Or les contributions, y compris celles de notre pays, ne sont pas à la hauteur des engagements. La France doit montrer l'exemple pour prolonger la dynamique de l'accord historique de Paris. Que comptez-vous faire pour que nous apportions notre juste contribution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La COP23 s'est ouverte sous la présidence des îles Fidji ; ce n'est pas anodin, cela exprime une solidarité à l'égard des victimes du changement climatique.
Nous sommes les gardiens de l'Accord de Paris. Les Fidji ont fixé trois priorités que nous soutenons. D'abord, débattre de l'ambition de nos actions, car nous sommes très loin encore d'une trajectoire contenant le réchauffement à moins de 2°C. Outre le plan climat de cet été, nous avons pour notre part renforcé de 25 % l'objectif de réduction des émissions de CO2. Deuxième priorité : la mise en oeuvre des accords de Paris, que nous soutenons avec la loi sur la fin de l'exploitation des hydrocarbures que seuls certains d'entre vous ont adoptée - nous avons donc encore besoin du courage de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Troisième priorité : la protection des populations les plus vulnérables. La France doit prendre toute sa part dans la solidarité et la justice climatiques. Nous y consacrerons un milliard sur les cinq milliards prévus par le plan Climat.
Je serai à Bonn avec le président de la République mardi prochain, pour avancer sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Statut particulier de la Corse
M. Jean-Jacques Panunzi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, l'article 30 de la loi NOTRe a institué la collectivité de Corse, qui sera portée sur les fonts baptismaux le 1er janvier 2018. C'est une réforme adoptée à marche forcée, dans un texte généraliste et non consacré à la Corse, adopté sans discussion, par la voie d'un amendement de Mme Lebranchu, qui voulait un vote conforme pour aller vite. Le Gouvernement s'est inscrit dans la même démarche que les nationalistes pour supprimer les conseils départementaux, quelles qu'en soient les conséquences sur l'organisation des services, sur le personnel, la fiscalité...
Et la création de la nouvelle collectivité n'a pas été assortie des moyens financiers nécessaires aux réformes. Avec 8 milliards d'euros de PIB, la Corse est la dernière région française derrière le Centre-Val de Loire qui a un PIB de 69 milliards d'euros.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à envisager un soutien financier pérenne pour la Corse ?
Envisagez-vous une loi qui définisse le cadre optimal pour l'exercice des compétences de la nouvelle entité, et pour l'épanouissement de la Corse au sein de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La nouvelle entité fusionne les deux départements et la collectivité territoriale de Corse. Les élections auront lieu les 3 et 10 décembre. Sur le plan financier, la dotation globale de fonctionnement (DGF) sera l'addition de celles des trois collectivités précédentes ; nous allons créer un mécanisme de garantie sur trois ans des fonds de péréquation départementaux ; enfin la dotation globale de décentralisation sera convertie en fraction de TVA, comme pour les autres régions - or c'est un impôt très dynamique. La dotation de continuité territoriale, spécifique à la Corse, demeurera enfin pour les transports.
Situation en Arabie Saoudite
M. Jean-Marie Bockel . - La situation dans le Golfe concerne notre sécurité, la lutte contre le terrorisme, l'économie - et pas seulement nos approvisionnements énergétiques. Les purges déclenchées par le prince Mohamed ben Salmane, qui se sont traduites par l'arrestation de cinquante hautes personnalités pour corruption, sont un message social interne mais aussi un message au monde alors que les tensions avec l'Iran s'accroissent - voyez le tir de missile lancé depuis le Yémen sur l'aéroport de Riyad, la démission du Premier ministre Hariri au Liban ou le boycott du Qatar.
Dans cet « Orient compliqué », comme disait le général de Gaulle, quel rôle la France compte-t-elle jouer, alors que le président de la République, actuellement aux Émirats arabes unis, envisage de se rendre à Téhéran ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement . - La France privilégie toujours le dialogue. Le président de la République est actuellement à Abu Dhabi pour l'inauguration du Louvre. Les tensions sont fortes, vous avez raison. Le tir de missile depuis le Yémen, visant Riyad, n'est pas acceptable. La démission de Saad Hariri est une déstabilisation que nous regrettons.
Nous soutenons la démarche de la médiation du Koweït pour régler les tensions au sein du Conseil de coopération du Golfe. Nous considérons comme l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'Union européenne que l'Iran doit continuer à appliquer strictement l'accord sur le nucléaire. Nous soutenons la génération qui engage des réformes en Arabie Saoudite. Nous sommes très engagés dans la région, pour notre sécurité, nos intérêts et ceux de l'Europe.
M. Jean-Marie Bockel. - Voilà une feuille de route claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Fonds d'urgence aux départements
M. Benoît Huré . - J'ai déjà fait part ici de mon inquiétude sur l'avenir des départements : transfert de plus de la moitié de la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises, diminution de la taxe sur les produits d'assurance, prise en charge des mineurs non accompagnés... Une vingtaine de départements ont en outre vu fortement augmenter le nombre de bénéficiaires de l'APA et des autres allocations individuelles. Certains sont au bord de la faillite.
Le Premier ministre a annoncé un fonds d'urgence pour les départements au bord de l'asphyxie. C'est une bonne nouvelle, mais quels en seront le montant et la répartition ? L'an passé, il était abondé à hauteur de 200 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les dépenses d'allocations individuelles de solidarité sont une charge lourde, de même que celles relatives aux mineurs isolés.
Une quinzaine de départements présentent un taux d'épargne faible, qui signale une situation financière difficile. On observe certes une amélioration du taux d'épargne brute, à 11,8 %, en 2016. Mais la situation des départements reste fragile.
À Marseille, au congrès des départements de France, j'avais souligné que le Gouvernement était conscient des difficultés. Hier le Premier ministre a reçu l'Assemblée des départements de France (ADF) à Matignon, pour définir les contours que prendra le fonds en 2017. La négociation n'est pas finie mais soyez assuré que le Gouvernement sera présent aux côtés des départements.
M. Benoît Huré. - Merci de votre engagement. Les départements assurent des missions pour le compte de l'État, l'unité de la République, la solidarité : c'est dans leurs gènes. Aidez-les à continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Plan loup
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Le Plan loup actuellement en cours de négociation doit organiser la vie entre le Canis lupus et l'élevage. La concertation a été dénoncée par les éleveurs car le parti pris en faveur du loup, protégé par la convention de Berne et la directive habitats est tel que chacun réclame une remise à plat des dispositifs. Car les attaques se multiplient. Dans les Hautes-Alpes, en particulier dans le massif des Écrins, les alpages sont désertés. C'est l'érosion qui menace, le tourisme qui est en berne, le pastoralisme qui se meurt.
Quels seront l'esprit et les mesures de votre Plan loup ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Pas de « Y a qu'à », faut qu'on » sur le sujet depuis que nous l'avons pris à bras-le-corps depuis notre arrivée aux affaires. (On se gausse à droite.) Nous entendons la détresse des éleveurs. Je suis attaché à l'agropastoralisme et à ce qu'il porte en termes d'aménagement du territoire et de contribution au paysage. C'est pourquoi le plan pluriannuel prendra en compte la pression de la prédation, mais aussi respectera les engagements en faveur de la biodiversité.
En Aveyron, j'ai constaté la détresse des éleveurs. Dans les Hautes-Alpes, ce sont 110 attaques par an. Nous devons trouver ensemble les solutions les plus pérennes. Nous sommes à l'écoute des territoires.
M. Gilbert Bouchet. - Ce n'est pas vrai ! (On hue à droite.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. - La situation est déjà très préoccupante - elle le sera encore plus lorsque la présence du loup s'étendra aux zones plus urbaines, où elle posera des problèmes de sécurité publique. Les Français sauront identifier les responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 16 h 15.