Programmation des finances publiques 2018-2022 (Procédure accélérée)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Discussion générale
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Je me félicite que ce projet de loi fasse l'objet au Sénat d'un examen à part entière. Il faut faire progresser le partenariat entre le Parlement et le Gouvernement dans l'examen des lois de finances. Il semble que nous passons trop peu de temps sur la loi de règlement et trop sur le budget.
M. Philippe Dallier. - C'est exact !
M. Robert del Picchia. - En effet.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous gagnerions à rationaliser la procédure en donnant plus de place au contrôle. J'ai fait une proposition en ce sens aux présidents des commissions des finances des deux assemblées et suis prêt à travailler avec vous sur ce sujet.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. - Volontiers !
M. Gérald Darmanin, ministre. - La trajectoire financière que nous proposons est claire : baisse de cinq points du ratio d'endettement d'ici 2022, baisse de trois points de la part de la dépense publique dans le PIB, baisse d'un point de la part des prélèvements obligatoires. La fin de la procédure pour déficit excessif est une priorité. L'Allemagne, elle, a su retrouver une situation compatible avec ses engagements européens alors que nous avons continué à dépenser après la crise.
Notre objectif est ambitieux : parvenir au quasi-équilibre en 2022. D'aucuns voudraient davantage, à savoir 0,6 point de déficit structurel. Mais la suppression de 50 000 postes dans la fonction publique rapporte 1 milliard d'euros, cela n'est donc pas suffisant pour résorber le déficit.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Et la hausse du temps de travail ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Si vous voulez baisser davantage les dépenses, il faudra dire où et comment - parce que dès que l'on touche aux contrats aidés, aux APL, les boucliers se lèvent. J'y vois une pointe de schizophrénie... C'est le lot d'un Gouvernement d'assumer des décisions impopulaires mais conformes à l'intérêt général.
Deux points sont à souligner. D'abord, les relations entre l'État et les collectivités territoriales, chères au Sénat. Nous avons fait le pari de la confiance. Depuis plus de dix ans, les dotations baissent de façon unilatérale. Les collectivités territoriales ont ainsi contribué à hauteur de 10 milliards d'euros au redressement, temporaire et parcellaire, des comptes publics. Il serait démagogique de dire qu'elles sont dispensées de tout effort, mais celui-ci doit être à proportion de leur place dans la dépense publique.
Or la baisse des dotations n'est pas une bonne méthode. Le président de la République l'a annoncé ici lors de la Conférence nationale des territoires : pas de baisse des dotations dans le budget.
En revanche, nous proposerons de lutter contre le tendanciel. Le Gouvernement comprend que les collectivités locales sont diverses, et que l'on ne peut demander le même effort aux territoires ruraux, de montagne, d'outre-mer qu'aux autres ; que les mutualisations ne sont possibles qu'au-delà d'une certaine taille critique ; et que la confiance, qui n'exclut pas le contrôle, doit être l'axe des relations entre État et collectivités territoriales. En nous inspirant de l'excellent rapport Malvy-Lambert sur la contractualisation, nous proposerons que les 319 plus grosses collectivités - régions, départements, communes de plus de 50 000 habitants et agglomérations de plus de 150 000 - passent un contrat avec l'État fondé sur un objectif d'augmentation limitée des dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an. Cela représenterait 13 milliards d'euros d'économies, tout en préservant les dépenses d'investissement. Les autres collectivités territoriales seront encouragées sans pour autant faire l'objet de mesures de régulation.
J'ai dirigé une commune de 100 000 habitants ; je sais que si beaucoup d'élus sont vertueux, certains ne le sont pas. Il faut savoir réguler l'endettement. C'est pourquoi je suggère que le débat sur le niveau de celui-ci ait lieu au sein des assemblées délibérantes locales pour définir une trajectoire de retour à un niveau d'endettement raisonnable. Si après cinq ou six ans, l'objectif de réduction n'est pas respecté, il reviendra aux chambres régionales des comptes d'émettre des préconisations, par exemple sur le temps de travail - je sais que le rapporteur général l'a appliqué dans l'Eure.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - 37 heures 30 !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Sénat sera amené à réfléchir sur les mécanismes de correction et de bonification. Les contrats seront adaptables : il est normal que les dépenses augmentent avec la population ; il y a aussi les impondérables comme les catastrophes naturelles. Je proposerai ainsi un mécanisme de bonification en dotation d'investissement pour ceux qui respectent le contrat.
Certains, dans l'opposition, veulent revenir à la baisse des dotations. Je peux donner des noms... (M. Philippe Dallier s'exclame.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Pas au Sénat !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je n'en doute pas. Mais certains, dans votre famille politique, font preuve de schizophrénie !
Le FCTVA et la TVA affectée aux régions sortent de l'enveloppe normée des concours financiers aux collectivités : la promesse est concrétisée dans le projet de loi de finances, grâce au rapporteur général de l'Assemblée nationale. Vous aurez à corriger le mécanisme de péréquation de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) ; j'ai d'ores et déjà donné un avis favorable.
Vous examinerez également la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages...
M. Philippe Dallier. - Bientôt pour tout le monde ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - En attendant une QPC !
M. Gérald Darmanin, ministre. - N'en préjugeons pas ! Dans ma commune, 60 % de la population ne paie pas la taxe d'habitation. Il conviendra donc de réfléchir à la refonte de la fiscalité locale. En la matière, et notamment sur la révision des valeurs locatives, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Éric Woerth, aura l'occasion d'examiner son oeuvre de ministre... Est-il normal qu'un avocat d'affaires à Neuilly paye la même somme qu'une secrétaire médicale à Tourcoing ? La suppression de la taxe d'habitation bénéficiera d'abord aux classes modestes et moyennes ; c'est une promesse validée par les Français aux élections.
Nous voulons aussi lutter contre les niches fiscales et sociales. Supprimer des impôts ne doit pas conduire à conserver des défiscalisations ! Le futur dispositif fiscal sur l'attractivité des PME ne pourra être le même que l'ISF-PME ; ce serait rentrer dans un mitage de l'impôt qui le rendrait encore plus injuste et incompréhensible.
La procédure veut que nous examinions la suppression de la taxe d'habitation dans le PLF et l'augmentation de la CSG dans le PLFSS, mais recettes et dépenses doivent être envisagées comme un tout. L'augmentation de 1,7 point de la CSG doit donc être mise en regard avec la suppression des cotisations et de la taxe d'habitation.
Le projet de loi de finances résume notre philosophie à trois grands principes : la fiscalité est trop importante en France, la dépense publique crée l'impôt, et n'a pas réglé les problèmes des citoyens.
Les 40 milliards d'euros dépensés sur le logement n'ont pas résorbé le mal-logement qui touche quatre millions de personnes. Le système des APL n'est pas sain.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - On est d'accord !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas normal dans une économie qui se veut raisonnablement libérale. Dans ma commune, les plus modestes se tournent vers le parc social privé !
De même, l'emploi subventionné précaire n'est pas un contrat aidé. Élu, j'ai beaucoup péché... Embaucher en septembre pour débaucher en juin n'est pas une bonne manière de faire, d'autant que la loi empêche une prorogation au-delà d'une fois. Il faut investir massivement dans la formation. C'est pourquoi 15 milliards d'euros seront consacrés aux formations qualifiantes sur la trajectoire, et dès le projet de loi de finances 2018, notamment pour ceux qui vont être confrontés à la transformation de leur métier avec l'intelligence artificielle.
Nous avons décidé de baisser la fiscalité des ménages, mais aussi de ceux qui veulent investir...
M. Martial Bourquin. - Des riches !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y a ceux qui veulent moins de riches et ceux qui veulent moins de pauvres.
Des chômeurs de Tourcoing vont travailler à Courtrai en Belgique, de l'autre côté de la frontière : même temps, mêmes frites, même bière, mais des usines de textile et un taux de chômage de 4 %, contre 21 % de notre côté. Il est vrai qu'eux n'ont pas eu la chance d'avoir des communistes au pouvoir ! (Vives protestations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; MM. Pierre Louault et Philippe Bonnecarrère applaudissent.)
Notre économie a besoin d'investissements : nous voulons une société du risque et non de la rente. C'est le sens du maintien de la taxation de la fortune immobilière.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Mauvaise analyse !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il est juste d'encourager le risque, et injuste de taxer autant le capital que le travail, car le capital n'est rien d'autre que le fruit d'un travail, qui a déjà été taxé.
M. Yannick Vaugrenard. - Et l'héritage !
M. Martial Bourquin. - Vous êtes le ministre de la rente !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Tout le contraire : nous taxons le patrimoine qui dort et allégeons la fiscalité quand il y a prise de risque. (M. Robert del Picchia approuve.) Quel pays a encore un ISF, sinon les pays où il n'y a plus de riches - parce qu'ils ont appliqué votre politique ?
La trajectoire de la dépense publique comprend aussi des augmentations budgétaires sans précédent. Pour le régalien d'abord : 1,8 milliard d'euros pour l'armée, en attendant de tenir la promesse de 2 % du PIB ; pour la police, des augmentations de crédits et de personnel ; pour la justice, une hausse sans précédent des moyens, pour la simplification et la politique pénale. Pour l'Éducation nationale, l'université et la recherche, on ne l'a pas assez dit, la hausse la plus importante depuis vingt ans. Le ministre d'État, Nicolas Hulot, voit aussi les crédits augmenter pour la rénovation thermique et la transition écologique.
Enfin, un mot sur la fonction publique. Le président de la République s'est engagé à supprimer 120 000 ETP : 70 000 pour les collectivités locales, 50 000 pour l'État. Il n'y aura pas de suppressions en nombre cette année : le rabot automatique n'est pas de bonne méthode, et nous procéderons de manière raisonnée, en réfléchissant aux missions avant de déterminer les moyens. Ce sera l'objet de la grande revue des politiques publiques, dont le Parlement aura à connaitre.
Voilà les principaux éléments de la trajectoire budgétaire que nous vous proposons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants ainsi que sur certains bancs du groupe UC ; M. Robert del Picchia applaudit également.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances . - Le ministre a parlé du projet de loi de finances, j'évoquerai le texte à l'ordre du jour.
Disons-le, le scénario macroéconomique semble crédible, grâce à de nouvelles modalités de calcul et des hypothèses de croissance raisonnables : 1,7 point de 2017 à 2021, 1,8 en 2022.
Le Gouvernement entend réduire la part de la dépense publique dans le PIB de 5 points, la part de la dette de 3,7 points, la part des prélèvements obligatoires de 1,1 point. C'est ambitieux, d'autant plus que la baisse, c'est une bonne nouvelle, passera exclusivement par la maîtrise de la dépense et non par la hausse des prélèvements.
Malheureusement, les ambitions ont été revues à la baisse depuis juillet, et l'effort reporté sur les deux dernières années du quinquennat. Le rythme de redressement des finances publiques reste insuffisant par rapport à nos engagements européens et à l'effort de nos partenaires. Le retour sous les 3 % fin 2017 sera compliqué par l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. 2019, qui verra la transformation du CICE en baisse de charges, sera une année sensible.
Si la France parvient à sortir du volet correctif du pacte de stabilité, elle entrera dans le volet préventif, qui n'est guère moins exigeant.
Or la France devrait être le seul pays de la zone euro à voir son niveau d'endettement stagner à un niveau proche de 100 %, ce qui augmentera encore le différentiel de taux avec nos partenaires.
Pour garantir ces scénarios, la commission des finances a tenu à inscrire les engagements européens dans la loi.
Reste la question des leviers et de la répartition des efforts. Entre 2013 et 2016, les collectivités territoriales ont porté les deux tiers de l'effort de réduction du déficit, alors qu'elles ne représentent que 20 % des dépenses publiques. Le restant était dû à la faiblesse des taux, véritable effet d'aubaine...
Le Gouvernement sous-estime le tendanciel de dépenses des collectivités territoriales et ne tient pas compte des efforts structurels déjà fournis. Aussi l'effort réel demandé aux collectivités territoriales n'est-il pas de 13 milliards d'euros mais de 21 milliards. C'est pourquoi nous avons rétabli le tendanciel estimé à + 1,9 % et non 1,2 %.
Nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la contractualisation, mais les modalités en restent floues, comme en témoigne un amendement qui nous est parvenu à 0 h 30 la nuit dernière. Il ne faudrait pas qu'elle aboutisse à pénaliser les collectivités territoriales qui ont déjà fait des efforts. (M. René-Paul Savary applaudit.) Qui dit contrat dit engagements réciproques. Il faut donc préciser dans la loi les lignes directrices, les obligations des collectivités comme celles de l'État. C'est ce que notre commission a fait. De même, qui dit malus dit bonus. Nous avons enfin encadré le mécanisme des sanctions.
Le nouveau budget triennal prévoit des évolutions contrastées : hausses pour la défense ou la justice, baisses pour le logement ou l'emploi. Nous jugerons sur pièces le résultat de la revue des dépenses publiques dans le cadre du programme pour l'Action publique 2022. Les précédents processus technocratiques du même acabit n'ont pas donné grand-chose, sinon des rapports qui prennent la poussière.
Sur la sécurité sociale, les mesures d'économie ne sont pas connues. Le Gouvernement fait l'hypothèse d'un excédent en 2018, dont une fraction serait transférée à l'État. Faute d'information, la commission des finances a supprimé la déclinaison des objectifs par sous-secteur. Les réformes de structure urgent. Nous aurons des amendements sur la hausse du temps de travail ou la maîtrise de la masse salariale. Le solde entre les départs et les arrivées dans la fonction publique en 2018 ne représentera que 2 % de l'objectif de 50 000.
Enfin, nous ne ferons pas l'économie d'une nouvelle réforme des retraites.
Je vous propose d'adopter le texte tel que la commission l'a modifié et enrichi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - En 2016, le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'élevait à 2,9 milliards d'euros. Hors Cades, il est de 14,9 milliards d'euros.
Le projet de loi prévoit un excédent de 0,2 point dès 2017 ; l'équilibre hors Cades serait atteint en 2019, avec un rythme d'augmentation des dépenses sociales très mesuré : 0,9 % en 2018, 0,4 % en 2019, 0,1 % en 2020. Toutefois, les leviers d'action et outils de pilotage que le Gouvernement entend mobiliser ne sont pas très clairs.
Revenir à l'équilibre est un impératif. La trajectoire est satisfaisante mais comporte des zones d'ombre. L'assurance chômage reviendrait à l'équilibre en 2020, avec un excédent de 1,1 milliard d'euros ? L'Unédic est moins optimiste.
La prévision ne ménage aucune marge de manoeuvre pour les dépenses nouvelles, comme l'extension de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants. Le financement se fera-t-il dans le cadre de l'enveloppe actuelle ? Il nous faudrait des précisions.
Pour les retraites complémentaires, le retour à l'équilibre est prévu pour 2020 avec un excédent de 5,5 milliards d'euros - alors que l'accord Agirc-Arrco de 2015 table sur un déficit de 2,3 milliards. Mais faute d'informations sur la contribution respective de chacune des ASSO, nous ne pouvons valider ou infirmer la trajectoire.
L'équilibre de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse se dégradera sans mesure de correction.
En 2019, le déficit des administrations de sécurité sociale, à 0,8 point, sera légèrement supérieur à l'amortissement de la Cades.
Une partie du solde des ASSO serait transférée à l'État pour les faire participer à l'effort budgétaire. C'est donc bien une nouvelle fongibilité entre comptes sociaux et comptes de l'État qui est proposée. Il faudra en définir les modalités.
Le Gouvernement fait peu de cas de la dette sociale : 100 milliards d'euros hors Cades. D'autant que la dette, majoritairement à court terme, est soumise aux aléas du marché.
Compte tenu de la position de la commission des finances, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur la partie programmatique du projet de loi et invite à compléter la partie sur le pilotage des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ainsi que sur certains bancs RDSE et Les Républicains)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - Je sollicite une suspension de séance : la commission des finances doit se réunir afin d'examiner la motion tendant à opposer la question préalable.
La séance, suspendue à 11 h 30, reprend à 11 h 45.
Question préalable
Mme le président. - Motion n°54, présentée par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (n° 57).
M. Pascal Savoldelli . - Trois cents occurrences de « dépenses » et seulement deux de « services publics » dans ce projet de loi et ses annexes... Si la logométrie suffisait à qualifier une politique, nous trouverions là matière à réflexion !
Quant au terme de « crédit », il semble renvoyer à la dépense budgétaire plutôt qu'à l'activité économique. Étrange de constater que la dépense publique attire plus d'attention que l'impôt ! L'impôt donne pourtant sens à la démocratie quand la dépense publique est l'expression de la solidarité.
Ce projet de loi de programmation diffère peu de ceux que nous avons connus depuis que la France a contractualisé avec l'Europe sur des objectifs de dette publique, d'inflation et de taux d'intérêt - c'est-à-dire depuis Maastricht et, plus encore, depuis le cadrage macroéconomique imposé par le traité de stabilité budgétaire. Vous l'avez d'ailleurs, monsieur le ministre, honnêtement reconnu. Ce que vous avez omis de dire, en revanche, c'est que ce traité ne date ni de 2016 ni de 2015 ; il a été signé en 2012 !
Notre solde public vient de passer sous la barre mythique des 3 %, nous sommes plutôt en forme côté inflation et taux d'intérêt mais ne voilà-t-il pas que notre dette flirte avec les 100 %. Conclusion hâtive, il faudrait tout faire pour la réduire, y vouer nos décisions politiques, y consacrer de nouveaux sacrifices imposés à la population. Pourtant, mais ne le disons pas trop fort, la dette sociale et la dette locale se portent déjà mieux.
Pour le Gouvernement, réduire la dette passe étrangement par l'application des politiques mêmes qui n'ont donné aucun résultat depuis trente bonnes années. Comme le prince Salina dans Le Guépard, vous voulez que tout change pour que rien ne change.
Nous ne sommes pas séduits par des passions tristes. Ce texte n'apporte pas de réponses aux questions fondamentales qui se posent à notre pays : emploi, qualité du travail, développement économique et social, inégalités. C'est que la tare des politiques d'austérité passées et à venir est toujours la même : avant de résoudre les problèmes, désolé, il faut servir les riches !
Signe des temps, le mot salaire n'apparaît que cinq fois dans le texte et il faut voir comment, celui de point d'indice une seule fois dans un paragraphe consacré à la maîtrise de la masse salariale de l'État.
Vous évoquez un budget « sincère », « crédible », « moderne »... Est-ce moderne de mettre à contribution la sécurité sociale et les collectivités locales pour réduire le déficit de l'État ?
Non, nous ne sommes pas dans la critique de la critique de la critique... Nous vous proposons d'opérer un changement de politique dès ce budget pour 2018. Vous connaissez la formule : là où il y a une volonté, il y a un chemin. D'abord, priorité aux services publics. Santé, éducation, recherche, écologie, sécurité, justice, les besoins sont immenses. Certains, peut-être schizophrènes, demandent à la fois moins de fonctionnaires mais des agents publics renforcés dans leurs qualifications par des statuts publics consolidés et dynamisés par une mobilité choisie. Ces dépenses sont ce dont l'économie a besoin pour que croissent ensemble demande et efficacité productive. Pour preuve, les territoires les plus attractifs sont ceux qui offrent les meilleurs services publics, les meilleurs réseaux de transport, les meilleurs appareils de formation !
Pour financer l'expansion des services publics, nous avons besoin d'une économie qui crée plus de richesses. Cela exclut les politiques qui visent à réduire le coût du travail et à favoriser les placements financiers. Pour sortir de l'austérité, il faut sécuriser l'emploi et la formation pour tous. Pourquoi avoir peur d'étendre notre souveraineté dans la sphère économique ?
M. François Bonhomme. - Vous voulez nationaliser ?
M. Pascal Savoldelli. - Vous me répondrez : c'est une autre conception de la liberté. En effet. Ce qui nuit au potentiel de croissance de notre pays, ce n'est pas l'insuffisance de fonds propres des PME, c'est la persistance d'une armée industrielle de réserve de plusieurs milliers de travailleurs privés d'emploi. Plus d'emplois qualifiés, c'est plus de valeur ajoutée, c'est plus de rentrées dans les caisses de l'État et de la sécurité sociale sans augmenter la pression fiscale. Ce sera préférable à votre suppression de la taxe d'habitation qui met les collectivités territoriales à la merci de l'État...
Mme le président. - Il faut conclure.
M. Pascal Savoldelli. - Vous voulez passer un contrat avec 320 collectivités territoriales en commençant par leur retirer 1,7 milliard d'euros. Le dialogue s'annonce mal.
Une seule question pour finir : puisque nous avons besoin d'argent, où sont passés les 2 200 milliards d'euros de liquidités injectés par la BCE sur les marchés depuis 2014 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme le président. - Nous allons interrompre nos travaux afin que chacun, conformément à l'usage, puisse rejoindre M. le président du Sénat et les membres du bureau en haut de l'escalier d'honneur où se déroulera la cérémonie d'hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France.
La séance, suspendue à 11 h 55, reprend à 12 h 15.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le groupe CRCE a déposé, une fois n'est pas coutume, des amendements au projet de loi de programmation. Certains d'entre eux ont recueilli un avis favorable de la commission. Je ne voudrais pas priver nos collègues de la chance de voir adoptées leurs propositions...
Plus sérieusement, le débat sur la programmation des finances publiques mérite d'avoir lieu et nous soutiendrons le texte amendé par la commission des finances. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le sénateur Savoldelli a proposé un projet de société différente, fondé sur une hausse des dépenses publiques sans expliquer comment il la financerait... Il s'est livré à un petit jeu consistant à dénombrer les occurrences de certains mots dans le texte. Amusant mais cela ne traduit pas la philosophie inconsciente du Gouvernement ! Relisez 1984 de George Orwell : on ne pense pas forcément les mots qu'on écrit !
M. Thierry Carcenac. - Nous voulons débattre avec la commission et le Gouvernement de nos divergences, c'est pourquoi le groupe SOCR s'oppose à cette motion.
La motion n 54 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Emmanuel Capus . - Si l'exercice de programmation a montré ses limites, les prévisions du Gouvernement semblent robustes et réalistes. Elles traduisent un engagement politique fort à maîtriser la dépense publique.
Je salue la volonté du Gouvernement de mettre fin à la dérive intenable des dépenses publiques, sa décision de recentrer l'État sur ses missions essentielles, son effort de sincérité budgétaire sur les contrats aidés.
Baisse du déficit public, baisse des prélèvements obligatoires, amorce de désendettement après plusieurs années de fuite en avant, au total, nous devrions sortir de la procédure pour déficit excessif dès 2018 pour approcher de l'équilibre budgétaire en fin de quinquennat.
Le groupe Les Indépendants a examiné ce texte avec bienveillance, ce qui n'exclut pas la vigilance. La trajectoire de désendettement trop lente accentuera le décalage avec nos voisins, en particulier l'Allemagne. La prospérité de la France et le bien-être des Français ne doivent pas passer après nos engagements européens. Nous ne voulons plus d'astuces budgétaires dont la taxe de 3 % sur les dividendes constitue un exemple malheureux. Le court-termisme nous a beaucoup coûté.
Nous serons particulièrement vigilants sur le traitement réservé aux collectivités territoriales. L'État doit prendre en compte les spécificités de chaque collectivité et ses capacités contributives. Nous saluons la contractualisation mais veillerons à la réciprocité des engagements. Nous souhaitons que ces engagements servent de cadre à une politique publique rénovée et accordons ainsi notre soutien vigilant au Gouvernement.
M. Stéphane Ravier . - Les orientations budgétaires établies par un Premier ministre de droite et un président de la République anciennement membre d'un gouvernement de gauche montre que l'opposition droite-gauche n'est plus que de salive. Les positionnements médiatiques d'hier ont laissé place à une clarification politique : des convictions européistes partout. Renégats de droite et hollandais honteux travaillent d'arrache-pied à la désagrégation de l'unité nationale, à la déconstruction de ses libertés, à commencer par sa liberté budgétaire. Le tout, sous le diktat de Bruxelles.
Déferlante migratoire, terrorisme qui s'enracine, millions de chômeurs et de pauvres, vous persistez pourtant dans la doctrine mondialiste. Vos prévisions sont en trompe-l'oeil : une inflation plus forte que prévu et votre construction budgétaire s'effondrera.
Appliquant avec zèle la feuille de route de la chancellerie allemande, vous nous soumettez à la règle absurde qui consiste à contenir le déficit à 3 % du PIB. Votre engagement pour la défense et insuffisant : vous promettez 1,8 milliard supplémentaire aux armées après avoir gelé les crédits 2017 en juillet et supprimé 850 millions d'euros de crédits. Depuis Jacques Chirac, on sait que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Je note une faible hausse de 80 millions pour la culture alors que c'est en réapprenant à nos jeunes hors sol, intoxiqués par la repentance, véritable masochisme d'État, à aimer la France que nous nous en sortirons. Je note également que vous baissez les APL mais augmentez les crédits de l'immigration de 260 millions. Visiblement, l'austérité ne vaut pas pour tous.
Mettons fin à cette politique de trique budgétaire qui a prouvé son inutilité et sa nocivité en Grèce.
M. Jean-Marc Gabouty . - Le Gouvernement nous propose une trajectoire crédible assise sur des bases réalistes limitant les risques de dérapage mais ménageant peu de marges en cas d'imprévus.
Le Gouvernement a dû tenir compte de l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes, seulement partiellement compensée par une hausse de l'impôt sur les sociétés.
La transformation du CICE en baisse des cotisations sociales aurait mérité un mécanisme de lissage pour limiter le fort effet ciseau pour le budget à prévoir en 2019. Un acompte majoré d'impôt sur les sociétés mobilisable à la fin de l'année, neutre en exploitation pour les entreprises, aurait été une bonne mesure.
Les prélèvements obligatoires devraient s'établir au terme de la trajectoire à 43,6 % de la richesse nationale ; c'est bien mais supérieur au niveau d'avant 2008 et à celui de nos voisins européens.
La prévision de taux de croissance est réaliste. La trajectoire semble moins favorable cependant lorsque l'on considère la répartition de l'effort entre les administrations publiques. Sur 2013-2016, les collectivités territoriales ont porté les deux tiers de la réduction des dépenses publiques ; l'effort supplémentaire de 13 milliards demandé pour les années à venir est à la limite du supportable. Il conviendrait de relever l'estimation du tendanciel d'augmentation de dépenses de fonctionnement à 1,9 %, au lieu de 1,2 % comme le fait le Gouvernement.
En matière de contractualisation, le partenariat nous satisfait, s'il ne masque pas une mise sous tutelle. L'État n'a pas de leçons à donner aux collectivités territoriales en matière de dépenses...
M. Philippe Dallier. - C'est sûr !
M. Jean-Marc Gabouty. - Nous ne pouvons pas raboter les recettes ; encourageons plutôt le Gouvernement, dont la contribution est insuffisante, à réduire ses dépenses.
Le redressement semble trop concentré sur la fin du quinquennat ; aucune hausse des taux d'intérêt n'a été anticipée ; la trajectoire de désendettement n'est pas suffisante en comparaison de ce qu'ont réalisé nos voisins. Enfin, il y a l'impondérable, l'aléa géopolitique, le risque climatique. Tout cela fragilise le scénario, qui a néanmoins sa pertinence.
Avec ces réserves nous soutiendrons le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Didier Rambaud . - Les engagements européens de notre pays relèvent de la solidarité européenne. Nos efforts sont la condition pour retrouver la confiance de nos partenaires. Je suis fier de défendre à cette tribune un texte de responsabilité. Rappelons la dérive des déficits des années 2000, les sous-budgétisations plus récentes, à hauteur de 4 milliards dans le budget pour 2017.
L'effort de 1,4 point sur le solde structurel qui porte entièrement sur la dépense est considérable. Les prélèvements obligatoires baisseront de 5 milliards en 2018, 9 milliards en 2019, 7 milliards en 2020. C'est bon pour l'économie et les ménages.
Les collectivités territoriales font l'objet d'un choix audacieux - une stabilité des concours financiers dans le cadre d'une démarche partenariale.
Ce texte est aussi un texte de sincérité reposant sur des indicateurs économiques en phase avec les prévisions de la Commission européenne et du FMI.
La croissance potentielle sera soutenue par l'encouragement à la formation et à l'investissement productif. Cette loi traduit les engagements du candidat Emmanuel Macron et une vision de la France. Ainsi 14 milliards seront investis dans un plan pour les compétences et la formation continue, en particulier pour les jeunes les moins qualifiés.
Les réformes structurelles rendent la fiscalité plus incitative à la prise de risque. La loi met en place un nouveau principe, qui devrait accélérer la sortie de la procédure de déficit public excessif : tout surplus budgétaire sera affecté à la réduction du déficit et de l'endettement.
Les priorités budgétaires vont à la défense, la sécurité et la justice, et la modernisation de nos politiques publiques, avec une meilleure qualité de service public pour les usagers.
Les mesures de justice sociale ne sont pas oubliées, avec la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime pour l'emploi. Les Français attendent des solutions innovantes. Montrons au public l'intelligence du Sénat lorsqu'il se mobilise pour l'intérêt général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - C'est ce qu'on va faire !
M. Thierry Carcenac . - Comme Européens, nous ne pouvons que souscrire aux objectifs, mais les moyens ne nous conviennent pas.
Vous dites : nous réduisons la dépense publique parce que l'argent n'est pas là. Ce n'est pas vrai ! De plus, les élus des régions comme des départements réagissent négativement à votre approche de la concertation.
Condorcet a lancé l'idée de progressivité de l'impôt, mise en oeuvre en 1914 à travers l'impôt sur le revenu.
La sécurité sociale a été créée ensuite, et la fiscalité écologique est plus récente. N'oublions pas que l'impôt n'est pas simplement une charge mais soutient un projet de société, contribue à la justice sociale.
Dans les années quatre-vingt, l'impôt a été remis en cause par Mme Thatcher, au motif qu'il serait confiscatoire...
M. Philippe Dallier. - Ce peut être le cas.
M. Thierry Carcenac. - Nous n'en sommes pas là et vos projets ne sont pas si caricaturaux, mais votre taxe sur les valeurs immobilières - une flat tax - nous inquiète. Quant à la suppression de la taxe d'habitation, elle ne compense pas les baisses de dépenses au bénéfice des plus modestes, ni la hausse de la CSG.
Vous invoquez le principe du ruissellement mais il est démenti par la récente publication des paradise papers : les riches cherchent toujours à éviter l'impôt.
L'article 10, qui prévoit une concertation pour 319 collectivités qui représentent 70 % de la dotation, est trop imprécis.
Vous ne pouvez fixer pour cinq ans des objectifs contraignants de dépenses pour les collectivités territoriales. La contractualisation apparente est un piège puisqu'elle engage plus les collectivités que l'État : c'est une recentralisation déguisée à la main de l'État.
Le groupe SOCR ne peut voter l'article premier ni l'article 10 ; en conséquence, il votera contre ce texte, aggravé par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-François Rapin . - La loi de programmation est l'un des textes les plus importants d'un quinquennat : elle trace le chemin sur cinq ans, elle dessine l'héritage que nous laisserons à nos enfants. Malheureusement, elle n'est pas contraignante : le précédent gouvernement s'en est dégagé sans ambages. L'objectif de passer sous la barre des 3 % de déficit en 2013 n'a pas été tenu, alors que même la Grèce et le Portugal sont parvenus à le respecter...
Médecin de profession, j'ausculte le budget.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Et comme patient, je vous écoute !
M. Jean-François Rapin. - Pour en finir avec la maladie de la dette, chaque Français devrait donner 33 000 euros... Le thermomètre de la dette amorce une courbe analogue à celle de 2012, ce qui ne laisse pas d'inquiéter. Au mieux, la dette sera à 91,4 % du PIB en 2022. L'Allemagne, en 2022, sera sous les 60 % d'endettement. La France sera donc toujours à la traîne de l'Europe.
Et pour réduire la dette, il n'y a pas de potion magique. C'est lorsque l'on descend sous les 2 % de déficit que la dette commence à refluer. Il faut donc aller plus loin dans la réduction des dépenses, et créer un choc de fiscalité pour relancer la compétitivité et doper la croissance.
Présenté comme un budget de pouvoir d'achat, le budget 2018 multiplie les taxes, augmente les tarifs des mutuelles, réduit les APL. Les mesures d'économie sont remises à plus tard : le président Macron supprime 1 600 postes de fonctionnaires en 2018, alors que le candidat en avait promis 120 000 sur cinq ans...
L'ajustement structurel serait de 0,3 point de PIB par an, loin des 0,6 demandés par l'Union européenne. Cela dénote un manque d'engagement dans les réformes structurelles. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge que le redressement des finances publiques programmé est lent. À cet égard, mon groupe soutient l'effort du rapporteur général Montgolfier, pour redresser la barre. Le groupe Les Républicains votera le projet de loi assorti des amendements présentés par la commission des finances.
En revanche, si les amendements du groupe LaREM qui reviennent sur ces avancées sont adoptés, nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Vincent Delahaye . - Le groupe de l'Union centriste examinera ce texte avec bienveillance, heureux de tourner la page après un quinquennat calamiteux pour les finances publiques.
Au chapitre des bons points, la volonté de transparence et de réalisme du Gouvernement dans les hypothèses de croissance ; un effort de transparence à travers la baisse des crédits mis en réserve ; une nouveauté, le plafonnement des restes à payer, qui ont atteint un pic de 12 milliards en 2016 - néanmoins, il conviendrait de préciser ce plafond ; une réduction de la dépense publique couplée à celle des prélèvements obligatoires.
En politique comme en amour, il y a les déclarations et il y a les actes. Nous serons vigilants.
Les moins bons points, maintenant. La prudence aurait été de mise sur le taux de croissance prévu, de l'ordre de 0,5 point. Ensuite, les économies projetées sont peu étayées, sur la santé, le logement, la formation professionnelle. On ne peut vivre éternellement au-dessus de ses moyens.
Les efforts sont reportés en fin de période, pourtant il faudrait faire l'inverse.
En juillet, on annonçait 58 milliards de baisse de la dépense publique à l'horizon 2020. Les voici déjà ramenés à 42 milliards...
Seize missions voient leurs crédits augmenter d'ici 2020, six diminuer, neuf stagner : or seize priorités, c'est trop quand les comptes sont aussi déficitaires.
Le retour à l'équilibre dans cinq ans est illusoire. On a déjà l'expérience du précédent gouvernement. Mieux vaudrait prévoir un horizon de dix ans. Ce serait un engagement plus crédible vis-à-vis de la Commission européenne et de nos concitoyens.
Le chiffre de 3 % du PIB ne parle pas aux Français. Cela changerait si on expliquait que, pour revenir à l'équilibre, il faudrait augmenter les impôts de 28 %. Tenons un discours de vérité.
Nous voterons ce texte, même si nous avons quelques inquiétudes. Nous déposerons des amendements, en particulier sur les collectivités territoriales car vous leur en demandez beaucoup et il importe de mieux répartir l'effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jean-François Husson . - Je parlerai surtout des finances locales. Les collectivités territoriales seront mises à contribution à hauteur de 13 milliards par rapport au tendanciel.
C'est plus que sous le quinquennat de François Hollande, où l'effort était de 11 milliards, ce qui a contraint beaucoup de collectivités territoriales à réduire drastiquement leurs investissements. Surtout, l'évolution tendancielle des dépenses des collectivités territoriales est sous-estimée. Selon la commission des finances, l'effort réel des collectivités sera en fait non de 13 milliards mais de 21 milliards. Autant dire que la prétention de ne pas baisser les dotations relève un peu de la mystification, autrement dit de l'enfumage.
Un contrat sera passé avec les 319 communes, mais la marge de négociation sera limitée à quelques dixièmes de points et dépendra du bon vouloir du préfet.
Si la contractualisation pouvait être une idée séduisante a priori, dans les faits elle aboutit à une mise sous tutelle. En effet, en cas de non-respect de l'objectif d'évolution des dépenses, des sanctions financières seront prises ; il reviendra au préfet de décider du niveau maximal de dépenses. Que restera-t-il de l'autonomie fiscale et financière, de la libre administration des collectivités locales ? Quel sera dès lors l'intérêt pour une collectivité de contractualiser ?
Je m'étonne que l'on demande aux sénateurs de voter une réforme sans leur donner le moindre détail des mécanismes à l'oeuvre. Le plus grand flou règne sur le bonus-malus. Mme Gourault avait botté en touche sur ce sujet.
C'est pourquoi nous avons tenu à préciser dans la loi les modalités de contractualisation et le régime du bonus-malus, et à relever le tendanciel à 1,9 % contre 1,2 %.
La règle d'or renforcée sur les capacités de désendettement avec un nouveau ratio prudentiel est superfétatoire. En outre, le plafonnement du recours à l'emprunt privera les élus de la possibilité d'arbitrer entre l'autofinancement et l'emprunt. C'est aussi un frein au financement d'équipements locaux : avec cette nouvelle règle, les villes nouvelles n'auraient jamais vu le jour !
Le groupe Les Républicains votera le texte si ses amendements, adoptés en commission, sont adoptés en séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Yves Daudigny . - Merci à mes collègues socialistes de la commission des finances de m'avoir donné une fenêtre d'expression, moi qui siège à la commission des affaires sociales.
Les finances sociales représentent un budget de 583,6 milliards d'euros, soit 46,4 % du total des dépenses publiques et 26,2 % du PIB. Le texte prévoit une évolution des dépenses des régimes obligatoires de base moins dynamique que celle du PIB.
Avec un tendanciel fixé à 2,35 % par an pour l'Ondam, les dépenses atteindront 204 milliards d'euros en 2020. En 2018, avec une hausse de 4,5 % des dépenses en tendanciel, l'effort de maîtrise représentera 4,2 milliards.
L'article 11 prévoit une baisse de 1,5 % en moyenne annuelle des dépenses de gestion administrative du régime obligatoire de la sécurité sociale. Le texte renforcera la transparence sur les établissements publics de santé et les relations financières entre l'État et la sécurité sociale.
Je veux insister sur la nécessité de respecter l'Ondam, comme c'est le cas depuis huit ans. Il y a là le gage d'un maintien de notre système, sans perte de qualité du service.
Nous suivrons la position du groupe socialiste à la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Gérald Darmanin, ministre . - La démonstration de M. Husson n'est guère convaincante. Si vous vouliez préserver les collectivités territoriales, pourquoi avoir soutenu un candidat qui proposait une baisse de dotations de 20 milliards ?
M. Jean-François Husson. - Un candidat que vous souteniez !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je suis parti après le Trocadéro... Qui peut croire que la contractualisation est une mise sous tutelle ? Elle existe d'ailleurs déjà dans certains cas. Au contraire, nous proposons que se tienne un débat démocratique dans l'assemblée de la commune sur l'endettement dès lors que certains ratios sont dépassés.
De même, ce texte ne remet pas en cause la capacité des communes à investir.
Enfin, je déplore encore une fois la schizophrénie qui consiste à déplorer d'un côté la dette et de l'autre à refuser des efforts pour les collectivités territoriales ou la sécurité sociale. Je vous rappelle que Bruxelles apprécie le déficit global de la France, celui de toutes les administrations publiques, non simplement celui de l'État.
La discussion générale est close.
La séance est suspendue à 13 h 20.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.