Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle au respect de chacun... mais aussi du temps de parole.
Nouvelle-Calédonie
M. Pierre Frogier . - Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, vous avez affirmé que l'État veut jouer pleinement son rôle d'acteur et de garant du processus de l'Accord de Nouméa. Vous en avez même fait un engagement personnel. Je tiens à saluer votre volontarisme qui succède à l'attentisme et aux atermoiements du quinquennat précédent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mais il faut passer de la parole aux actes. S'il n'est pas saisi d'ici mai prochain par l'assemblée locale, l'État devra organiser, en novembre 2018, la consultation pour l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. En clair, dans quinze mois, la Calédonie décidera de son accession ou non à l'indépendance.
Alors que l'issue de ce référendum est connue d'avance, le risque est grand que ce scrutin de nature exagérément binaire, mal préparé, remette le feu aux poudres. Michel Rocard disait : « Personne ne peut avoir dans la tête que la question qui va être posée à ce référendum soit choisie de manière à diviser les Calédoniens en deux paquets égaux. Parce que là, on est sûrs qu'ils recommenceront à se taper dessus ».
Monsieur le Président du Sénat, vous avez vous même affirmé à plusieurs reprises que l'État devait nous accompagner dans la recherche des convergences nécessaires à la définition de notre destin commun. (M. le Président acquiesce.)
Sur le plan local, nous avons pris l'initiative d'organiser les états généraux de l'avenir, forme de palabre à l'océanienne, pour échanger et rechercher avec la population et l'ensemble des forces politiques ce qui nous unit, afin que cette consultation ne soit pas mortifère.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt, lors de votre venue annoncée en Nouvelle-Calédonie - dont la devise est « Terre de parole, terre de partage » - à vous engager dans ce grand palabre pour l'avenir ? Et puisque vous avez insisté sur la dimension personnelle de votre engagement, comment comptez-vous le traduire dans les faits?
La parole de l'État est attendue à Nouméa, la parole de la France est attendue dans le Pacifique. (Applaudissements au centre et à droite ; MM. Michel Berson et Alain Richard applaudissent aussi.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je veux vous dire à nouveau combien je suis conscient des défis et enjeux qui nous attendent en Nouvelle-Calédonie. Nous voulons éviter que les tensions ne s'avivent à l'approche de la consultation. Dès ma nomination, j'ai voulu rencontrer les acteurs politiques et culturels de Nouvelle-Calédonie, pour mieux mesurer et, pour tout dire, pour mieux comprendre l'ampleur de ces défis et la complexité de ces enjeux. Je continuerai à le faire dans un esprit d'écoute et d'humilité, cette valeur océanienne. Le même esprit a guidé la ministre des outre-mer qui s'est rendue en Nouvelle-Calédonie, la semaine dernière, pour son premier déplacement.
L'humilité s'impose d'abord face à la force de l'engagement de ceux qui ont tracé le chemin vers un destin commun en Nouvelle-Calédonie. Vous en faites partie, monsieur le sénateur Frogier, qui avez proposé de hisser l'un à côté de l'autre le drapeau français et celui du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).
L'humilité s'impose aussi face à la responsabilité collective qui nous incombe à tous.
Nous devons organiser dans la transparence un scrutin dont la légitimité ne puisse être contestée de personne, ce qui est techniquement difficile. À cette fin, nous nous inspirerons de la réflexion souvent remarquable des experts mandatés par les gouvernements successifs, de la connaissance et de l'expérience acquises. Le Gouvernement entend s'inscrire dans une histoire, dans la continuité d'un processus : en cela aussi, nous ferons preuve d'humilité.
Nous pourrons nous appuyer sur des acquis irréductibles, ceux de la réconciliation engagée par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Nous avons un grand nombre de points de convergence, sur les valeurs qui fondent la société calédonienne, l'organisation institutionnelle, ou encore le principe de la citoyenneté calédonienne. La Nouvelle-Calédonie est une terre de parole et de partage, vous l'avez dit. Vous souhaitez que l'État, acteur et arbitre, ait la parole : c'est le sens de la visite de Mme Girardin, qui a érigé en priorités la jeunesse, la lutte contre l'insécurité, la valorisation de la filière nickel et la protection de la biodiversité. Je me rendrai moi-même en Nouvelle-Calédonie dans la première quinzaine du mois de décembre, après les élections sénatoriales et la réunion en octobre du comité des signataires.
Je compte bien que nous échangerons des « bouts de parole », comme on dit chez vous. Se prononcer sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, ce n'est pas se prononcer pour ou contre un destin commun qui est acquis, et ne doit pas être remis en cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et Union centriste, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains)
Prévention des incendies
Mme Hermeline Malherbe . - J'aurais pu interroger le Gouvernement sur l'avenir de la taxe d'habitation, qui préoccupe beaucoup les élus locaux. (MM. Martial Bourquin et Alain Néri renchérissent) Mais ma question porte sur la prévention des incendies.
Récemment, le Sud-Est de la France et la Corse ont fait face à de violents incendies, qui ont réduit en cendres près de 4 000 hectares de forêt, blessant au passage pompiers, forces de l'ordre et secouristes : rendons-leur hommage, car ils font preuve d'un très grand courage, au péril de leur vie. Le 14 juillet dans les Pyrénées-Orientales, au Boulou et à Maureillas-las-Illas, le feu a consumé 190 hectares et mobilisé plusieurs centaines de pompiers.
Parmi les moyens de prévention, il faut rappeler ceux qui relèvent de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI) pour laquelle les départements et les communes oeuvrent, en particulier avec l'Entente pour la forêt méditerranéenne. On peut aussi saluer les communes qui ont mis en place des réserves intercommunales de sécurité civile dans les Pyrénées-Orientales pour la surveillance des massifs. Je veux insister sur l'action des communes qui aident à l'installation d'éleveurs ou accompagnent les propriétaires de mas isolés dans le défrichement et l'entretien des espaces naturels.
Il existe des disparités d'une région à l'autre dans l'application de la réglementation en matière de prévention, et parfois entre deux communes au sein d'un même département.
Monsieur le ministre de l'intérieur, comment reconnaître et valoriser le rôle préventif joué par les communes rurales, y compris financièrement ? Et comment harmoniser la prévention sur l'ensemble du territoire national pour une plus grande efficacité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je connais votre attention à la situation actuelle. Nous étions la semaine dernière près d'Olmeta en Corse où 1 300 hectares ont brûlé, puis avec le Premier ministre à Bormes-les-Mimosas où 12 000 habitants ont été évacués. Je veux saluer l'engagement des sapeurs-pompiers et des forces de sécurité civile. (Applaudissements)
La première chose à faire est d'empêcher que le feu ne prenne, en développant une autre vision de l'urbanisme et de la nature. L'entretien des zones agricoles est primordial à cet égard. La deuxième est de dégager les moyens nécessaires. C'est pourquoi le Gouvernement, malgré les difficultés financières, a commandé six nouveaux avions. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Michel Mercier applaudit aussi.)
Panne à la gare Montparnasse
M. Jean-Jacques Filleul . - Ce week-end de retours et départs de vacances a été marqué par une pagaille monstre à la gare Montparnasse, dont les fonctions primaires - accueillir les voyageurs, faire circuler les trains - ne pouvaient plus être assurées. Diverses hypothèses ont été émises pendant soixante-douze heures sur l'origine de la panne qui a perturbé tout le réseau Ouest Atlantique. Cette situation grave n'est pas admissible.
Madame la ministre des transports, vous avez présenté votre feuille de route ambitieuse pour le ferroviaire, que nous soutenons. Des investissements lourds sont nécessaires. Reste que ces désordres sont inquiétants, alors que le transport des voyageurs doit être ouvert à la concurrence en 2022, c'est-à-dire demain.
Je rends hommage à la sagesse et la patience des passagers de la gare Montparnasse. Le défaut d'informations de la part de la SNCF, la longueur des recherches ont provoqué la polémique et suscité des interrogations. Comment avez-vous réagi, quelles sont vos exigences vis-à-vis de la SNCF et, dans l'immédiat, quelles mesures comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et Union centriste)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Samedi soir a été signalé un défaut de basse tension sur le poste de Vanves, qui contrôle la signalisation sur les dix kilomètres de voies qui précèdent la gare Montparnasse. De telles pannes sont à la fois difficiles à identifier, car les stations sont remplies de connecteurs, et susceptibles de mettre gravement en péril la sécurité des passagers : un défaut de basse tension, et un feu rouge peut passer au vert.
La décision a donc été prise d'identifier la panne avant tout. Il était difficile de réorganiser le plan de transports sans savoir quand le problème serait résolu, au cours d'une période de forte intensité du trafic.
M. Simon Sutour. - De l'action !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Sur 1,5 million de passagers, 70 000 passagers ont été touchés par la panne, et 3 500 n'ont pu être acheminés.
Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante, les présidents de SNCF Réseau et SNCF Mobilités, que j'ai reçus aujourd'hui, le reconnaissent. Il a fallu longtemps pour identifier la panne. Il s'est révélé difficile de mettre en place des process de travail en mode dégradé.
M. Simon Sutour. - De l'action !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Voulez-vous, monsieur le sénateur, que je vous rappelle les conditions de régénération du réseau ces cinq dernières années ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Simon Sutour. - Dix !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Quinze même !
La ministre des transports s'est rendue sur place dès dimanche et y est retournée lundi. Sans mettre en doute l'opportunité des grands projets, il nous faudra consacrer beaucoup plus de moyens à l'entretien des réseaux existants : la sécurité des voyageurs l'exige.
M. Alain Néri. - Belle découverte !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Nous avons aussi demandé aux présidents de SNCF Mobilités et SNCF Réseau un retour d'expérience : sur la mobilisation des gilets rouges, l'information des passagers, émise par des sources différentes, souvent imprécise et parfois contradictoire, etc. Il y a beaucoup de progrès à faire, nous l'avons dit clairement et fermement.
Mais je veux aussi saluer les personnels qui se sont mobilisés, qui sont même revenus de vacances pour faire face à la crise. (M. André Gattolin applaudit.) Il fallait le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi.)
Politique migratoire
Mme Laurence Cohen . - Le 12 juillet, le Premier ministre présentait son plan « Garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires ». En réalité, il s'agit d'une politique dissuasive et les droits des migrants continuent d'être bafoués. Dernièrement, 156 d'entre eux ont été arrêtés à Cannes et brutalement reconduits à la frontière, alors qu'ils essayaient de déposer une demande d'asile. Cédric Herrou a de nouveau été arrêté pour délit de solidarité. Le rapport de Human Rights Watch sur les violences policières à Calais est accablant. L'emploi de gaz poivre est courant. Cette violence institutionnelle est choquante, dans le pays des droits de l'homme.
Le président de la République a affirmé que d'ici la fin de l'année, il ne voulait plus personne dans les rues où dans les bois. Dans la foulée, le Premier ministre a annoncé la création de deux centres d'accueil dans les Hauts-de-France et demandé un rapport sur les violences.
Comment le Gouvernement entend-il faire face à la situation dramatique des migrants, et quels moyens entend-il y consacrer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Catherine Génisson et M. Daniel Percheron applaudissent également.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La crise migratoire est un problème qu'il faut aborder avec humilité. Dans votre département, les demandes d'asile ont augmenté de 57 % en 2016, dont 786 sous procédure Dublin. Au premier semestre 2017, sur 1 938 demandeurs d'asile, 969 sont sous procédure Dublin, soit une hausse de 50 %.
Nous avons décidé avec le président de la République et le Premier ministre de mettre en place un plan pour que les migrants qui viennent en France après avoir été déboutés du droit d'asile dans leur pays d'arrivée en Europe voient leur dossier traité en priorité.
En même temps, il faut agir avec générosité. Nous ne voulons pas d'un nouveau Sangatte. Le Pas-de-Calais aura deux nouveaux centres d'accueil et deux centres d'orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Mme Laurence Cohen. - Certains territoires font beaucoup d'efforts, d'autres pas. J'étais dans un centre d'hébergement d'urgence à Ivry, ce matin, avec la ministre de la santé. J'y ai constaté l'implication de la ville de Paris, des associations comme Emmaüs. Mais les collectivités ont besoin de moyens, tout ne peut pas reposer sur le bénévolat. Selon La Cimade, il manque au moins 30 000 places si l'on veut éviter que les migrants ne se retrouvent à la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Aides personnalisées au logement
M. Yannick Vaugrenard . - Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une baisse des APL de 5 euros par mois. Ce n'est pas rien.
M. Alain Néri. - C'est un scandale !
M. Yannick Vaugrenard. - En effet, 80 % des bénéficiaires ont des ressources inférieures au Smic et la moitié inférieures au seuil de pauvreté. Cette mesure aveugle frappe les plus pauvres.
Certes, le pays doit faire des économies - mais pas de cette manière, en frappant ceux qui vivent des fins de mois difficiles, quand d'autres se réjouissent de la baisse de l'ISF !
Nous vivons dans un monde où ceux qui gagnent 20 000 euros par mois persuadent ceux qui en gagnent 1 800 que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 537 euros - qui seraient des assistés, voire des fraudeurs... (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
Au lieu de pénaliser 6,5 millions de ménages, pourquoi ne pas prélever 0,07 % par an sur le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France ? Cela rapporterait la même somme, et serait plus équitable. (Applaudissements à gauche)
Revenez sur cette mesure injuste. Entendez les associations humanitaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; MM. Jean-Claude Boulard, Jean-Jacques Filleul et Ronan Dantec applaudissent également.)
M. Martial Bourquin. - Très bien.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Monsieur Vaugrenard, je connais votre souci de préserver nos citoyens les plus fragiles. Mais il ne faut pas pousser trop loin la simplification. Si le Gouvernement a proposé, à regret, cette mesure, c'est parce que le gouvernement précédent avait sous-budgétisé les APL. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Les mesures d'économie prévues n'ont pas été mises en place, M. Valls l'a reconnu.
En 2015, la commission des finances du Sénat avait demandé une enquête de la Cour des comptes sur les APL.
M. Albéric de Montgolfier. - C'est vrai.
M. Jacques Mézard, ministre. - Le rapport de Philippe Dallier et celui du député Pupponi ont conclu à la nécessité de revoir ce système, et de faire des économies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Néri. - Pas comme ça !
M. Jacques Mézard, ministre. - Le système souffre de sa complexité : il faut rendre plus équitables les critères d'accès aux APL...
M. Alain Néri. - Vous confondez vitesse et précipitation !
M. Jacques Mézard, ministre. - ... revoir la politique du logement et relancer la construction. N'éludons pas la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Mme Laurence Cohen. - Et le Livret A ?
Sanctions américaines contre la Russie
M. Yves Pozzo di Borgo . - La chambre des représentants des États-Unis vient d'adopter de nouvelles sanctions contre la Russie, limitant l'accès aux banques américaines et aux marchés publics pour les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie. Cela concerne les entreprises européennes comme Engie ou Shell qui travaillent sur le projet de gazoduc Nord Stream 2.
Notre première réaction devrait être de cesser les importations de gaz de schiste américain !
Ces sanctions ont été prises sans concertation entre les États-Unis et l'Union européenne, comme c'est pourtant l'usage. Les entreprises européennes du secteur énergétique seront pénalisées, car la guerre commerciale fait rage. Le rapport de Pierre Lellouche et Karine Berger chiffre à 20 milliards de dollars le coût pour les entreprises européennes des règles américaines à portée extraterritoriale.
M. le président. - Songez à poser votre question.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Comment allez-vous accompagner la sainte et juste colère de Jean-Claude Juncker, qui demain réunit les commissaires européens ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Le président Trump s'apprête à promulguer le projet de loi portant nouvelles sanctions contre la Russie, l'Iran et la Corée du Nord. La France et l'Union européenne ne sont pas hostiles par principe aux sanctions comme outil de politique étrangère. En règle générale, celles-ci sont décidées en concertation entre partenaires du G7.
Ce projet de loi pose la question de l'extraterritorialité du droit américain car des entreprises européennes pourront être sanctionnées pour des activités non liées aux États-Unis. Vous avez cité le rapport de M. Pierre Lellouche et Mme Karine Berger, je citerai aussi celui de M. Philippe Bonnecarrère. Le caractère illicite de ces sanctions extraterritoriales, au regard du droit international, est établi. Nous nous concertons avec l'administration américaine et M. Le Drian s'est rapproché de Rex Tillerson, qui a indiqué qu'il se concerterait avec les alliés des États-Unis.
Nous nous concertons aussi avec nos partenaires européens ; des outils commerciaux et diplomatiques existent, comme le règlement de 1996 qui permet des mesures de réciprocité en matière de sanctions commerciales.
En tout état de cause, la France soutient l'action de M. Juncker.
Couverture numérique du territoire
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Si les collectivités se félicitent que l'aménagement numérique soit une priorité du Gouvernement, elles s'interrogent sur le calendrier et le budget. Une première échéance a été fixée à 2020 par le président de la République, une autre en 2022 avec le plan France très haut débit. Or sur les 3,3 milliards d'euros d'autorisation de programme, il reste 250 millions d'euros à inscrire en loi de finances. Enfin, il faudrait s'aligner sur l'objectif européen du Gigabit pour tous en 2025 - en pratique, la fibre optique jusqu'à l'abonné - ce qui signifie, selon l'Agence du numérique, 1,5 milliard à 2 milliards d'euros supplémentaires en autorisation de programme.
Alors que certains acteurs se déchaînent contre les réseaux d'initiative publique pour retarder le déploiement de la fibre, pouvez-vous nous préciser l'échéancier, nous rassurer sur le financement et nous assurer que le Gouvernement préservera les investissements publics contre les attaques des opérateurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste ; Mme Mireille Jouve et M. Ronan Dantec applaudissent également.)
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique . - L'accès au numérique est une priorité du Gouvernement. Il nous faut trouver des solutions rapides et durables.
Nous ne remettons pas en cause les engagements passés. Au contraire : nous allons plus vite, sur le réseau fixe et mobile. Haut débit pour tous en 2020 - soit deux ans avant 2022. (Rires sur divers bancs) Vous riez ? Il y a, plus qu'une impatience, une exaspération ! Sans accès au numérique, on est exclu de notre société. Nous devons tous être mobilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Mme Nicole Bricq. - Bravo.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. - En 2022 donc, ce sera le très haut débit pour tous. La Commission européenne souhaite pour 2025 la société du gigabit : 500 mégabits pour les particuliers, 1 gigabit pour les commerciaux, écoles, etc.
Nous avons réuni les acteurs pour demander à chacun de confirmer ses engagements et de présenter des gages pour la suite. Nous augmentons les investissements en tablant sur l'innovation et en s'ouvrant à un mix technologique. Enfin, l'État s'est engagé sur le financement, les collectivités peuvent avoir confiance. Nous serons là. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Dotations à destination des collectivités territoriales
Mme Frédérique Espagnac . - Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes engagé à produire un effort budgétaire de 60 milliards d'euros sur le quinquennat. Au début du précédent quinquennat, les déficits étaient de 5,2 % du PIB, ils ont baissé à son terme, en ajoutant les correctifs de la Cour des comptes, pour l'année 2017 que je ne remets pas en cause à 3,2 %, en diminution de 40 milliards d'euros... (Exclamations ironiques sur plusieurs bancs à droite, où l'on feint d'applaudir)
Dans le même temps, les charges des entreprises ont été réduites de 40 milliards d'euros, financées pour moitié par des économies, soit 20 milliards qui s'ajoutent aux 40 milliards précédents pour un total de 60 milliards d'euros, réalisées pendant le quinquennat... (Nouveau mouvement sur les mêmes bancs)
M. Philippe Dallier. - C'est énorme comme affirmation ! (On renchérit sur les mêmes bancs)
Mme Frédérique Espagnac. - La Cour des comptes comme le rapporteur général de la commission des finances (Exclamations à droite) ont reconnu que les collectivités territoriales ont été amplement mises à contribution : avec une baisse de leurs dépenses de 3 milliards d'euros, elles ont pris leurs responsabilités.
À vous de prendre les vôtres, monsieur le Premier ministre, face à la situation des comptes publics et nous pouvons l'accepter. Ce qui pose problème à présent, c'est la méthode du rabot, des baisses indifférenciées, comme celle de l'APL, mais aussi les 46,5 millions en moins pour la politique de la ville.
Mettre tous les postes à contribution budgétaire est une force. Le faire aux dépens de certains citoyens seulement, c'est une injustice.
Monsieur le Premier ministre, changez de méthode ! Cessez d'user du rabot et prenez l'engagement d'épargner les territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Mettons fin à l'idée selon laquelle on peut éternellement vivre en déficit. Imagine-t-on une entreprise ou une famille vivre plus de quarante ans en déficit ?
M. Pierre-Yves Collombat. - N'importe quoi ! La France n'est pas une famille ! On parle de l'État...
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est pourtant ce qu'a fait l'État pendant toute cette période. Songez que le déficit se creuse de 2 400 euros par seconde !
Alors, oui, nous allons changer de méthode : nous n'appliquerons pas celle du gouvernement précédent ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Nous allons contractualiser avec les collectivités territoriales, consulter les élus, travailler avec le ministre des territoires, Jacques Mézard. Les collectivités contribueront à l'effort de réduction des dépenses publiques...
M. Martial Bourquin. - Elles ont déjà payé !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... moins intensément que sous le quinquennat précédent...
M. Martial Bourquin. - Treize milliards d'euros !
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'État n'y avait pas assez pris sa part...
M. Albéric de Montgolfier. - Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Parlement pourra en discuter dans le cadre du débat budgétaire. Nous avons choisi de baisser la fiscalité des entreprises parce que ce sont elles qui créent l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche, ainsi que sur quelques bancs au centre)
Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)
Mme Anne Chain-Larché . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La Conférence nationale des territoires, en grande pompe, devait rassurer les élus locaux, mais les annonces qui ont suivi cet exercice de communication ont fait l'effet d'une douche froide, très froide : une baisse drastique des budgets communaux se prépare sans aucune contrepartie qui leur permettrait d'absorber le choc.
L'effort demandé aux collectivités territoriales sera ainsi porté à 13 milliards d'euros dans les cinq prochaines années, en sus des 11 milliards déjà économisés au cours du précédent quinquennat. La DETR sera réduite. La suppression de la dotation d'action parlementaire prive les maires d'un moyen de financement de très nombreux investissements. La suppression de la taxe d'habitation porte atteinte à l'autonomie financière des communes.
Enfin, selon le président de la République, il y aurait trop d'élus locaux... Oublie-t-il que 90 % d'entre eux ne sont pas rémunérés et qu'ils sont la cellule de base de notre démocratie ? (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs au centre et à droite) Cessez de prendre les collectivités locales pour des boucs émissaires ! (Même mouvement)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cela fait beaucoup de questions en une !
Voix à droite. - Répondez !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je commence par les élus locaux : le président de la République a rappelé qu'il leur laisserait pleine liberté pour s'organiser, décider de fusions... (Protestations et rires à droite et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain) Mécaniquement, cela entraînera une baisse du nombre d'élus locaux... (Même mouvement) Il n'a jamais été question de diminuer le nombre de conseillers municipaux, y compris dans les communes les plus petites. Souvenez-vous que cette question avait déjà été soulevée ici même lors de nos débats de la loi NOTRe, à cause du manque de candidats parfois.
La Conférence des territoires a jeté les bases d'un pacte de confiance avec les élus locaux... (Vives exclamations et protestations à droite et sur divers bancs) pour étudier les économies nécessaires. Vous savez tous qu'elles sont indispensables ! Je rappelle que certains candidats à l'élection présidentielle proposaient non pas 13 milliards, mais 20 milliards de baisse des dotations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche, ainsi que sur quelques bancs des groupes RDSE et Union centriste)
Mme Anne Chain-Larché. - Derrière la DETR et la dotation parlementaire, il y a des écoles, des églises, des maisons de santé, des investissements, des projets, des emplois... (Applaudissements nourris et croissants sur de nombreux bancs, depuis les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, jusqu'à la droite, à l'exception du banc du groupe La République en marche)
Il n'y a pas si longtemps, madame la ministre, en tant que membre de la Haute Assemblée, vous n'aviez pas de mots assez durs pour dénoncer les coupes budgétaires qui touchent les petites communes : que la ministre que vous êtes n'oublie pas la sénatrice que vous avez été ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Favier. - Très bien !
Organisation des Jeux olympiques
M. Gilbert Roger . - Je me félicite de la qualité de la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 2024, notamment pour la Seine Saint-Denis, qui accueillera neuf sites olympiques sur son territoire. Je salue la déclaration de candidature de Los Angeles pour 2028.
J'attends avec impatience la décision d'attribution du 13 septembre. Ce projet n'aurait pu voir le jour sans l'engagement du mouvement sportif qui a su porter avec conviction cette candidature, avec le soutien de l'État, initié par le président Hollande et engagé par le président Macron...
M. Alain Néri. - Et Anne Hidalgo !
M. Gilbert Roger. - ... et des collectivités territoriales concernées.
Ce projet a pour vocation de laisser un héritage durable en équipements sportifs, en logements et en infrastructures de transport. La Seine-Saint-Denis, territoire jeune et dynamique, doit se saisir de ce projet fédérateur pour transformer son image en requalifiant son territoire et en créant des emplois.
Quel engagement le Gouvernement prendra-t-il pour favoriser l'accès au sport de tous les enfants de France ? Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis s'engage pour sa part, je pense en particulier à son plan piscine. Un enfant sur deux en 6e ne sait pas nager dans notre département. Je sais de quoi je parle comme ancien maître-nageur. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour favoriser l'accès des PME aux marchés publics pour cette échéance ? Les sociétés publiques d'aménagement du département et les établissements publics territoriaux seront-ils autorisés à entrer au capital des filiales de la structure chargée de la livraison des sites à construire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)
Mme Laura Flessel, ministre des sports . - L'attribution des jeux à Paris en 2024 est un rêve désormais à portée de main. Il devrait se réaliser le 13 septembre. Cent ans après ceux de 1924, ils incarneront la France qui rayonne.
Merci à tous ceux qui ont porté cette candidature : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron et Anne Hidalgo...
M. Alain Néri. - Très bien !
Mme Laura Flessel, ministre. - Merci à cette France unie, qui défend les valeurs du sport, les valeurs humaines, d'une seule voix. Les épreuves se dérouleront dans toute la France, avec un programme d'animation national. Le sport sera ainsi un vecteur de nos politiques publiques.
Les jeux sont un projet fédérateur, au service de la France et des Français, créateur de 250 000 emplois, de 4 500 logements, de retombées économiques estimées à 11 milliards d'euros, facteur de développement et d'innovation pour les territoires à l'image du centre nautique de Seine-Saint-Denis, prévu en concertation avec les élus locaux. Les jeux seront la vitrine d'excellence de la France. Le 13 septembre, de nouveaux défis nous attendrons et je compte sur votre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et La République en marche)