SÉANCE
du mardi 25 juillet 2017
11e séance de la session extraordinaire 2016-2017
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle 26 questions orales.
Devenir des conventions ruralité
M. Alain Duran . - En 2014 ont été lancées les conventions pour une politique en faveur de l'école rurale et de montagne. Le Cantal a été le premier à en signer. Ces conventions prévoient l'accompagnement des territoires ruraux fragilisés par la baisse démographique en préservant et en mobilisant des moyens en personnels enseignants, les élus locaux s'engageant à réfléchir au réaménagement des réseaux d'écoles.
Il s'agit de construire une école rurale attractive et d'assurer un climat de travail serein entre élus et autorités académiques.
Les élus de plus de 40 départements sur les 66 identifiés ont décidé de contractualiser ; plusieurs autres conventions sont en préparation. L'État a accompagné cette démarche en apportant de la visibilité via des conventions triennales renouvelables et en limitant le nombre de suppressions d'emplois.
Quelles dispositions le ministre de l'éducation nationale entend-il prendre pour poursuivre la démarche des conventions ruralité et pour l'engager également en faveur des collèges en milieu rural ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Merci de votre question et de votre rapport sur ce sujet des plus importants. Nous avons besoin d'une politique de long terme. Né en 2014, ce dispositif a porté ses premiers fruits, je m'inscris dans une logique de continuité. L'objectif est double : toucher tous les territoires concernés et tirer les conséquences qualitatives des premières expériences pour faire mieux dans l'avenir, et concevoir ensemble une deuxième génération de contrats, grâce à l'expertise et l'association de tous les acteurs. Il faut désormais passer à l'offensive, rendre les territoires ruraux attractifs et se libérer des seuls critères quantitatifs, car la baisse démographique dans le premier degré va s'accélérer.
Cette politique s'appuie sur la relance des internats en milieu rural, sur l'innovation pédagogique dans le premier degré et le collège, sur la capacité à attirer les familles, sur l'articulation avec le renouveau du service public en milieu rural. Nous sommes mobilisés.
M. Alain Duran. - Merci pour cette réponse. L'école reste souvent le dernier service public dans les territoires ruraux, et contribue à leur attractivité. Je me félicite de cette perspective de reconstruction.
Difficultés des viticulteurs (I)
M. Philippe Madrelle . - Les épisodes de gel catastrophiques des 24 et 28 avril derniers ont durement frappé le vignoble bordelais : plus de 100 000 hectares touchés. Cela a démontré l'importance de la couverture assurantielle pour les viticulteurs. Tous les agriculteurs doivent intégrer la gestion des risques climatiques, gel et grêle notamment, dans la gestion de leurs exploitations. Or seuls 20 % des viticulteurs de Gironde peuvent s'assurer, vu le coût exorbitant des primes d'assurances - sans compter la franchise de 25 %. Il faut impérativement rendre le système d'assurance plus attractif.
Les viticulteurs de Gironde multiplient les efforts pour maintenir leur activité et faire vivre le territoire, mais les tarifs prohibitifs des assurances sont un frein. Seule la solidarité nationale peut redonner espoir à la profession. Quelle réponse apporte le Gouvernement à ces agriculteurs en souffrance ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je rends hommage au secteur viticole qui porte l'image de notre pays. En avril, la France a connu deux épisodes de gel qui ont affecté nombre de régions.
Plusieurs dispositifs peuvent déjà être mobilisés : recours à l'activité partielle des salariés, dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, report du paiement des cotisations sociales, mais aussi prise en charge partielle par l'État des frais de restructuration des prêts professionnels ou de la garantie bancaire. Enfin, les pertes de fonds peuvent être indemnisées.
Les comités départementaux d'expertise se prononceront : si le caractère exceptionnel des variations de température est confirmé, je reconnaîtrai rapidement le caractère de calamité agricole.
Autre mesure de gestion de crise pour aider à la résilience des exploitations, la possibilité d'acheter des vendanges à d'autres producteurs.
Le secteur viticole et celui des spiritueux sont un moteur essentiel de l'excédent commercial français. Il faut néanmoins souligner que les importations de vin espagnol sont en hausse. Je rencontre aujourd'hui mon homologue espagnol dans le cadre d'un comité mixte franco-espagnol afin d'avancer sur ce sujet.
M. Philippe Madrelle. - Merci, monsieur le ministre, mais j'insiste : il est urgent de revoir le fonctionnement de l'assurance récolte. Seulement 1 600 sur 8 000 viticulteurs girondins sont couverts. Il faut inciter les vignerons à souscrire massivement !
Retards de paiement des aides de la PAC
M. Michel Raison . - Un énième calendrier de paiement des aides de la PAC a été annoncé par le Gouvernement Philippe I : le règlement des retards se ferait fin juin 2017 pour les aides du premier pilier, fin juillet 2017 pour les indemnités compensatrices des handicaps naturels (ICHN) et en novembre 2017 pour les aides à l'agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de 2015. Un comble !
La complexité de mise en oeuvre de la nouvelle PAC 2015 explique quelques cafouillages, mais une telle accumulation des retards est inacceptable, dans un contexte de volatilité des prix et de fragilité : des agriculteurs ont dû vendre un tracteur pour dégager de la trésorerie !
Vous avez hérité de cette programmation et ces engagements vous obligent. Le calendrier sera-t-il respecté ? Surtout, il faut qu'une organisation soit mise en place pour éviter que cela ne se renouvelle. Pour redonner confiance dans l'action publique, il ne suffit pas de supprimer la réserve parlementaire - il faut surtout supprimer ce genre de cafouillages !
M. Roland Courteau. - Exactement.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Monsieur le sénateur, vous avez raison. Je comprends la colère des producteurs.
Mon prédécesseur Jacques Mézard a annoncé le 21 juin dernier un calendrier pour mettre un terme à ces retards accumulés. Je ne sous-estime pas les raisons qui y ont conduit, mais il s'agit de restaurer la parole de l'État auprès des agriculteurs qui sont confrontés à de grandes difficultés.
J'ai rencontré les services de l'Agence de services et de paiements (ASP) et leur ai demandé de renforcer les moyens humains mobilisés pour traiter en parallèle les chantiers de paiement du premier et du deuxième pilier. Je m'assurerai que les services d'économie agricole ont également les moyens nécessaires.
J'ai fixé les priorités suivantes : initier les paiements en novembre 2017 pour les MAEC et les aides au bio pour 2015 ; tout faire pour que les aides 2006 soient payées au plus tard en mars 2018 et initier dès juillet 2018 le paiement des MAEC 2017. La campagne de télé-déclaration s'étant achevée au 31 mai, le paiement des aides 2017 du premier pilier aura lieu dès février 2018. Un apport de trésorerie remboursable sera mis en place en octobre 2017 pour compenser le non-paiement des acomptes. Le calendrier habituel sera retrouvé en 2018, et tenu.
M. Michel Raison. - Monsieur le ministre, vous êtes en état de grâce, je vous fais confiance - mais nous serons vigilants. À long terme, il faudra simplifier le système. C'est la meilleure façon de faire des économies ! Nous vous y aiderons de façon constructive.
Difficultés des viticulteurs (II)
M. Roland Courteau . - Les épisodes de gel d'avril 2017 qui ont frappé le bassin viticole du Languedoc-Roussillon, et notamment l'Aude, font suite aux épisodes de grêle de 2014, à la sécheresse de 2016, et s'inscrivent dans un contexte de mévente et de concurrence déloyale des vins espagnols à bas prix. Or 20 % des viticulteurs sont assurés contre le gel...
Le Gouvernement doit prendre la mesure de cette catastrophe économique et sociale, notamment en prenant des mesures de dégrèvement d'impôt foncier, de cotisations à la MSA, de prise en charge des intérêts d'emprunt, d'accès au chômage partiel, pour permettre aux sinistrés de faire face à leurs besoins immédiats et assurer la pérennité de leur exploitation. Outre le lissage de l'impôt et une évolution de la fiscalité des stocks, il faut baisser le taux de déclenchement de l'assurance de 30 % à 20 % de pertes et augmenter la prise en charge des primes. Nous attendons beaucoup des pouvoirs publics !
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Les deux épisodes de gel du printemps 2017 ont frappé nombre de régions, dont l'Aude - toutefois moins touchée que d'autres...
M. Roland Courteau. - Je ne crois pas.
M. Stéphane Travert, ministre. - Selon les statistiques du ministère, notre production de vin sera en baisse de 17 % par rapport à 2016, à 38 millions d'hectolitres, ce qui est historiquement bas. Plusieurs mesures peuvent être prises - je les ai déjà détaillées à M. Madrelle. Face à la multiplication des intempéries, il est indispensable que les viticulteurs s'assurent. L'État soutient le développement d'une assurance récolte contre les risques climatiques, avec une prise en charge des primes jusqu'à 65 %.
Le secteur viticole est un moteur de croissance mais la hausse des importations de vin d'entrée de gamme attise les tensions avec nos amis espagnols. Je condamne les exactions perpétrées à la frontière à l'encontre des transporteurs de vins espagnols, d'autant plus que les contrôles n'ont pas mis en évidence de fraudes du côté espagnol. Les contrôles se poursuivront néanmoins pour assurer le bon fonctionnement du marché.
Il est nécessaire de dialoguer avec l'Espagne pour réduire l'impact des importations, et pour que les filières françaises puissent continuer à travailler et à exporter. Je présiderai aujourd'hui même un comité mixte franco-espagnol sur la question.
M. Roland Courteau. - Oui, il faut régler le problème des vins espagnols.
Vos annonces suffiront-elles à rassurer les vignerons sinistrés ? Cet épisode de gel a été le coup de grâce pour les producteurs de mon département. Le Gouvernement doit tenir compte de leur détresse.
Lycée français Louis Massignon à Abu Dhabi
Mme Claudine Lepage . - À Abu Dhabi, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a mis fin aux logements de fonction pour le personnel du lycée français Louis Massignon, afin de se mettre en conformité avec la loi locale. Les personnes concernées bénéficieront d'une compensation financière qu'elles qualifient de décente. Cette décision entraîne toutefois des difficultés liées au renouvellement des visas, pour lequel un contrat officiel de location est nécessaire - or les autorités locales expulsent les familles vivant dans des villas partagées en appartements, les colocations étant très strictement encadrées par la loi locale.
En outre, la loi impose le paiement par avance d'une année de loyer, déjà très élevé. L'établissement risque de se voir privé de son personnel actuel, et de peiner à trouver des remplacements. C'est l'existence même du lycée qui est menacée.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Nous devons nous conformer à la législation locale selon laquelle une emprise scolaire ne peut accueillir de logements. Les personnes qui avaient bénéficié de cet avantage ont donc été invitées à prendre leurs dispositions. Quatre d'entre elles ont demandé leur réintégration, un couple a été muté à l'étranger, sept autres se sont relogées sans difficulté. Pour les dix-huit personnels de droit local concernés, un dispositif compensatoire a été mis en place qui devrait leur permettre de se loger.
Les autorités françaises seront bien entendu aux côtés du personnel pour assurer le renouvellement des visas : je ne doute pas qu'un problème éventuel serait vite résolu.
S'agissant du paiement d'avance du loyer, il est délicat d'intervenir dans des transactions d'ordre privé.
Soyez rassurée quant à l'avenir du lycée. Des travaux sont prévus pour construire une nouvelle école maternelle, agrandir les espaces et rénover les anciens bâtiments. Nous sommes tous mobilisés pour assurer sa pérennité.
Mme Claudine Lepage. - Merci. Nous pouvons être fiers du réseau d'enseignement à l'étranger, outil remarquable de notre diplomatie d'influence. Néanmoins, son équilibre est menacé. Insuffisance de l'indemnité d'expatriation, non renouvellement des détachements, importance des frais de scolarité, pérennité des bourses : nos craintes sont fortes face aux coupes budgétaires annoncées...
Déploiement des réseaux numériques fixe et mobile
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste) La France a pris un retard considérable dans le déploiement des réseaux numériques fixe et mobile : elle se classe au 27e rang des pays européens... Selon l'Agence du numérique, à la fin 2016, ce déploiement a commencé dans seulement 652 communes sur les 3 405 concernées, dans 480 d'entre elles la couverture est inférieure à 50 %. Cela découle du non-respect du principe de complétude et de la pratique de l'écrémage.
Malgré la baisse des dotations, les collectivités font des efforts d'investissement pour répondre à leurs administrés, mais les objectifs fixés par la loi Macron ne sont pas tenus : 570 centres-bourgs attendent encore d'être couverts en 2G. Même constat pour la 3G.
Le président de la République a annoncé lors de la Conférence nationale des territoires que l'ensemble du territoire serait couvert en 3G et en 4G d'ici deux ans, et en haut et très haut débit fin 2020.
Comment interpréter ces annonces ? L'échéance de 2022 est-elle avancée à 2020, ou 2020 reste-t-il un point d'étape ? Le recours à des techniques alternatives à la fibre n'est-il pas un marché de dupes, en termes de débit ? Que penser des annonces de SFR qui dit pouvoir couvrir le territoire en très haut débit sans argent public ? Comment arriver à la couverture 3G et 4G rapidement ? Comment résorber le retard ? Envisagez-vous des mesures contraignantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Deux minutes trente pour répondre à toutes ces questions, c'est un défi !
Le Gouvernement a conscience du retard de notre pays en la matière. Le président de la République a décidé d'accélérer les choses. C'est ainsi qu'il faut comprendre son annonce de couverture globale du territoire dès 2020 : ce sera un jalon intermédiaire, avant le très haut débit pour tous en 2022.
Dans les zones les plus enclavées où le déploiement de la fibre est très coûteux, nous n'avons d'autres choix que d'utiliser d'autres technologies. Nous n'avons pas de préférence pour l'une ou l'autre, dès lors que la couverture en haut débit est assurée dès 2020. La fibre pour tous reste l'objectif de long terme, mais il est irréaliste dans les cinq ans.
Nous avons demandé aux opérateurs leurs intentions de déploiement et les solutions qu'ils proposent pour respecter les objectifs. L'annonce de SFR est une bonne nouvelle, mais nous devons être méticuleux dans le respect des annonces. Les grandes lignes d'un plan d'action seront arrêtées à la rentrée. Nous serons fermes avec les moyens de l'État.
M. Hervé Maurey. - Merci. J'ai bien noté que 2020 n'est qu'un jalon intermédiaire et non une anticipation de l'échéance de 2022.
Tout cela n'est pas très nouveau : le précédent gouvernement, en février 2013, prévoyait un débit minimal de 3 à 4 mégabits/seconde pour tous fin 2017 ! En 2012, nous avions voté une proposition de loi imposant un débit de 2 mégabits/seconde pour tous au 31 décembre 2013 et de 8 mégabits au 31 décembre 2015...
J'espère que sur la téléphonie mobile, sujet plus pressant encore, les échéances seront tenues. Les annonces sont bien floues... « Veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », tel était le titre du rapport que nous signions il y a deux ans avec Patrick Chaize. Il est toujours d'actualité !
Avenir des départements de la petite couronne
M. Christian Favier . - Lors de la Conférence nationale des territoires, le président de la République a annoncé vouloir simplifier drastiquement la structure du Grand Paris et reconnu que la création de la métropole sur le périmètre de la petite couronne n'avait apporté ni stabilité, ni efficacité.
L'objectif affiché de s'en tenir à deux échelons seulement sous celui de la région inquiète. Malgré les lois NOTRe et Maptam, qui semblaient avoir écarté la menace, ressurgit l'idée saugrenue de fusionner les trois départements de la petite couronne, qui jouent pourtant un rôle majeur pour la cohésion sociale. Ce serait un coup de force contre la démocratie locale.
Quels sont les projets du Gouvernement concernant la métropole du Grand Paris ? Selon quelle méthode de concertation et quel calendrier ? La majorité a été élue sur une promesse de changement des pratiques, nous attendons que la transparence soit au rendez-vous.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Le président de la République a exprimé ici même son souhait que nous renoncions à une vision trop uniforme du territoire.
Le regroupement de deux départements voisins formant un territoire d'un seul tenant, dans une même région, a été rendu possible par les lois de 2010 et de 2015. Vous connaissez mon attachement à l'échelon départemental, je l'ai assez prouvé. Le regroupement de deux départements doit être validé par décret en Conseil d'État. Les élus départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont voté le 30 juin dernier une délibération commune en ce sens, après un rapprochement initié en janvier 2016.
La fusion des deux départements ne saurait préempter les choix à venir concernant la métropole du Grand Paris. Une concertation approfondie a commencé, le sujet sera abordé à l'automne lors de la Conférence territoriale du Grand Paris. La structuration actuelle est trop complexe et inadéquate.
M. Christian Favier. - Je salue votre volonté de dialogue avec les élus locaux, mais ma question portait sur le sort des départements de la petite couronne, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne. Nous avons besoin de connaître vite les pistes de travail du Gouvernement. Vous promettiez la transparence, on reste plutôt dans le flou artistique... J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez résister aux technocrates de Paris et de Bruxelles qui cherchent à affaiblir la démocratie de proximité au profit de superstructures, métropoles ou régions XXL. Comptez sur nous pour défendre les intérêts de la population, notamment les politiques publiques portées par le département.
Mme Laurence Cohen. - Bravo !
Coopératives d'utilisation des matériels agricoles
M. Jean-Marie Morisset . - La réglementation imposée aux coopératives d'utilisation des matériels agricoles (CUMA) est symptomatique des carcans administratifs que doit supporter le monde agricole. Créatrices de liens et de solidarité, les CUMA sont un outil de développement durable de notre agriculture, or la jurisprudence les considère comme des entreprises de service. Pour cette raison, les CUMA ne peuvent pas construire dans les zones agricoles et naturelles des communes, contrairement aux exploitants agricoles.
Une récente recodification du code de l'urbanisme autorise les bâtiments des CUMA dans les zones agricoles et naturelles des communes, sous réserve que ces dernières soient dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un PLU intercommunal, et à condition de le modifier. Qu'en est-il des communes qui sont sans document d'urbanisme, ou qui n'ont qu'une carte communale ? Dans les Deux-Sèvres, trois cents communes sont concernées.
Malgré l'engagement pris en son temps par le ministre de l'agriculture, la récente recodification ne permet toujours pas aux CUMA de construire dans les secteurs agricoles et naturels de nombreuses communes soumises au règlement national de l'urbanisme.
L'article 80 de la loi Macron facilite la réhabilitation et l'extension mesurée d'habitations agricoles. Ce qui a été fait ne pourrait-il être poursuivi pour les coopératives agricoles ? Comptez-vous modifier le code de l'urbanisme afin de satisfaire les demandes des CUMA et apporter ainsi un soutien au monde agricole ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Vous savez mon attachement au développement des territoires agricoles. Le précédent Gouvernement a travaillé avec la fédération nationale des CUMA pour faciliter la mutualisation tout en préservant les espaces agricoles et naturels.
La modification du code de l'urbanisme autorise, dans les zones A et N des PLU, les constructions et installations nécessaires au stockage et à l'entretien du matériel agricole. C'est une solution d'équilibre. Il est également possible de construire dans les communes couvertes par une carte communale, dès lors que le secteur constructible est délimité. Dans les communes régies par le règlement national de l'urbanisme, ces constructions seront soumises à une délibération motivée du conseil municipal et à l'avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers.
Il faut simplifier, dites-vous. C'est l'instruction que je donne à l'administration dans la préparation du projet de loi Logement. Mais cette simplification est parfois rendue difficile par les débats parlementaires, convenez-en !
M. Jean-Marie Morisset. - Il y a un fossé entre la réponse du ministre et l'application sur le terrain ! Il aurait été plus simple de régler le cas des communes soumises au RNU lors de la recodification. Le préfet des Deux-Sèvres a dû demander des précisions, car les services encouragent à élaborer des PLU et PLUI pour avoir l'autorisation de construire ! Bref, il faut clarifier les règles.
Redécoupage des zones de revitalisation rurale
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Le redécoupage des ZRR par le décret du 16 mars 2017 a pris effet le 1er juillet dernier : le zonage s'effectue désormais au niveau du périmètre intercommunal, et non plus à l'échelle communale ; il est fondé sur les critères de la densité de population et du revenu par habitant.
De ce fait, un grand nombre de communes ont été extraites des ZRR. Dans mon département des Alpes-Maritimes, sept communes sont entrées dans le dispositif, tandis que vingt en sont sorties. Si ces dernières bénéficient des effets des ZRR durant une période transitoire de trois ans, ce sursis n'aidera pas les élus à maintenir sur leur territoire acteurs et opérateurs économiques.
Créées en 1995, les ZRR sont un élément fondamental pour le maillage territorial grâce à des exonérations d'impôts nationaux et locaux qui font l'unanimité.
Une des dernières propositions de loi que vous avez déposée au Sénat avant d'être nommé au Gouvernement, monsieur le ministre, visait à revenir au mécanisme antérieur des ZRR devant l'injustice de la nouvelle législation pour les communes très rurales ou isolées.
Porterez-vous cette ambition en tant que ministre ou envisagez-vous de nouveaux critères ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Merci de faire référence aux textes que j'ai déposés lorsque j'étais encore parmi vous. Vous le savez, je n'ai pas l'habitude de revenir sur ce que j'ai dit. J'ai qualifié hier et je qualifie aujourd'hui de néfaste et d'inéquitable la réforme des ZRR de 2015.
La question est : comment réparer l'injustice ? Certains départements ruraux ou de montagne n'ont que des communes qui sortent du dispositif. D'autres, telle la Vendée, que des communes qui y entrent. M. Bruno Retailleau serait certainement contre un retour en arrière. Face à cette situation, j'ai demandé à mes services une expertise pour limiter les conséquences de la sortie du dispositif.
Vous le savez, cette réforme critiquable a été prise sur les bases d'un rapport commandé par le Gouvernement à deux députés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, l'un du Cantal et l'autre de Haute-Loire. On voit là les dangers des missions parlementaires...
À nous, à présent, de trouver une solution pour sortir de cette situation difficile. Je ne doute pas que vous m'apporterez votre concours et proposerez des amendements. Je maintiens ma position : ce dispositif n'est pas juste.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Monsieur le ministre, je n'en attendais pas moins de vous. L'injustice est flagrante, et j'espère que nous trouverons des solutions et, en particulier, pour les communes les plus rurales et les moins densément peuplées, victimes d'une réforme entreprise au détour d'un amendement à la loi de finances rectificative dix-huit mois après son adoption.
Téléphonie mobile dans les zones rurales
M. Mathieu Darnaud . - À l'heure où l'on généralise la fibre optique dans les villes, de nombreux territoires ruraux sont encore trop mal desservis par la téléphonie mobile. Or un accès équitable des Français aux télécommunications est indispensable à la cohésion entre les territoires. Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à la question. L'État doit agir avec les opérateurs en faveur d'un déploiement qui tienne compte des spécificités locales.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'Arcep, a demandé aux opérateurs de finaliser leur déploiement le 30 juin 2017, conformément à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Nous sommes loin du compte : dans les zones dites « blanches » ou « grises », couvertes par un seul opérateur, la couverture des communes demeure très partielle.
Dans mon département de l'Ardèche, ces problèmes affectent particulièrement les communes de Saint-Laurent-les-Bains, Laval-d'Aurelle, Pranles, Saint-Sauveur-de-Montagut, Issamoulenc, Saint-Julien-du-Gua et Chazeaux.
Cette situation n'est pas uniquement due aux manquements des opérateurs mais également aux pouvoirs publics qui tardent à faire construire des pylônes mutualisés.
D'après les informations que vous avez récoltées par le biais de la plateforme France Mobile lancée le 12 décembre 2016, quels investissements publics comptez-vous engager pour rattraper le retard ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - La couverture en téléphonie mobile est une priorité de ce Gouvernement, le président de la République a pris des engagements formels.
La situation actuelle est absolument insuffisante. Inutile de me la détailler, je la connais bien : le téléphone mobile ne fonctionne que devant la porte de la mairie.... Après le programme « zones blanches - centres-bourgs » et la couverture de 4 000 points en zone blanche, la loi du 6 août 2015 a obligé les opérateurs à couvrir les centres-bourgs en 3G. L'Arcep publiera demain un bilan établi au 30 juin 2017. Les communes que vous citez bénéficient depuis peu de la 3G.
Il nous appartient désormais de veiller à ce que les 541 centres-bourgs nouvellement identifiés en zone blanche depuis 2016 soient rapidement équipés. L'État a engagé 30 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales.
Vous le voyez : le Gouvernement a la volonté forte de traiter ce problème. L'exercice est complexe et coûteux. France Mobile a déjà enregistré plus de 3 500 signalements d'élus locaux. Ce travail sera achevé à la fin de l'année pour passer au déploiement de la 4G, que nos concitoyens attendent avec impatience.
M. Mathieu Darnaud. - Merci pour votre volontarisme. La couverture en téléphonie est consubstantielle à la cohésion des territoires. Le sujet est d'autant plus important que, en raison d'une défaillance de l'opérateur historique, certains territoires, dont le Haut-Vivarais, sont privés de téléphonie fixe depuis trois mois. L'accès aux télécommunications est une question, non de confort, mais de sécurité. (MM Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent, de même que Mme Marie-Annick Duchêne.)
Situation de l'aide à domicile
M. Dominique Watrin . - La situation du secteur de l'aide à domicile, sur laquelle j'ai fait un rapport il y a trois ans, est préoccupante : les élus locaux sont désorientés, les responsables de structures aux aguets et les salariés à bout. Ces derniers, à 95 % des femmes, paient de leur santé le manque de financement public : accidents du travail quatre fois supérieurs à la moyenne, explosion des burn-out et des arrêts maladie.
Dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement a été votée une revalorisation : augmentation d'un point d'indice et des indemnités kilométriques de 2 centimes d'euros. « Même pas une baguette par jour », avais-je dit à la ministre. Dix-huit mois après, ces maigres avancées ne sont pas totalement appliquées : certains départements retiennent les fonds, d'autres disent ne pas avoir reçu d'enveloppe budgétaire de l'État pour les frais kilométriques, des associations rechignent...
Madame la ministre, je m'inquiète que cette question ne figure pas dans les priorités de votre feuille de route. Il faut sanctionner les récalcitrants et rémunérer le service au juste prix estimé à 24,24 euros de l'heure par la CNSA en 2013. Le secteur fait face à une crise de recrutement alors que nous parlons d'emplois utiles et non délocalisables.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - J'ai reçu l'ensemble des acteurs il y a quinze jours. Le maintien à domicile des personnes âgées est et restera une priorité. L'APA a été réformée pour exonérer de participation financière les bénéficiaires les plus modestes, alléger le reste à charge des bénéficiaires, en particulier ceux dont les plans d'aide sont les plus lourds. Les plafonds nationaux de l'APA ont été portés jusqu'à 400 euros par mois pour le niveau de perte d'autonomie le plus élevé. Le financement est garanti de manière durable par la CASA. Je serai très attentive à l'application de ces mesures. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a été créé un fonds d'appui de 50 millions d'euros. Cinquante départements sont en train de conventionner avec la CNSA pour en bénéficier. Les services d'aide et d'accompagnement à domicile des autres départements peuvent également solliciter l'aide à la restructuration auprès des agences régionales de santé.
Un groupe de travail examinera dès septembre les meilleures solutions de financement tant pour les usagers que pour les structures. Le dialogue avec les collectivités territoriales se poursuivra dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
M. Dominique Watrin. - L'aide à domicile n'est pas un coût, mais un investissement. Vous avez rappelé l'existant ; pour le reste, vous me renvoyez à un groupe de travail. Il y a urgence ! Ce secteur, vivier de 300 000 emplois non délocalisables, traverse une crise de recrutement à cause de la baisse de la participation de l'État. J'en profite pour attirer votre attention sur une décision récente de la Cour de cassation qui oblige les structures à rémunérer le temps de travail entre les vacations. Comment allez-vous les aider à appliquer la loi ?
Couverture vaccinale
Mme Laurence Cohen . - Le 8 février 2017, le Conseil d'État a demandé au ministère de la santé de saisir les autorités compétentes, dans les six mois, en vue d'assurer la disponibilité de vaccins correspondant aux seules obligations de vaccinations antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique.
Madame la ministre, le 15 juin dernier, vous avez annoncé vouloir étendre à onze la liste des vaccins obligatoires ; c'est une façon de répondre à la décision du Conseil d'État tout en la détournant.
La couverture vaccinale décline pour des raisons multifactorielles. Les scandales sanitaires, les liens et conflits d'intérêts mis en lumière, le refus de remise sur le marché de vaccins sans adjuvants aluminiques y sont pour beaucoup.
Votre décision valide, dans les faits, la stratégie des laboratoires et leur obstination à ne pas respecter l'obligation vaccinale en sortant un vaccin à trois valences. L'industrie pharmaceutique est en mesure d'influencer la politique vaccinale, y compris en organisant la pénurie ; c'est grave.
Madame la ministre, comment allez-vous mettre l'industrie pharmaceutique au service de la santé publique ? Allez-vous créer les conditions de la mise en oeuvre de la licence d'office ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Merci de m'avoir interrogée sur ce sujet, extrêmement important pour la santé publique.
La différence entre vaccins obligatoires et vaccins recommandés est le produit de l'histoire. On pensait que la couverture vaccinale s'étendrait naturellement. Or on voit se développer un mouvement de méfiance au pays de Pasteur en raison des facteurs que vous avez indiqués mais aussi de l'épisode de la grippe H1N1.... Nous sommes loin des 95 % de couverture vaccinale recommandés par l'OMS : un taux de 80 % pour la rougeole et de moins de 70 % pour la méningite.
Les vaccins sont très peu profitables pour l'industrie pharmaceutique qui gagnerait plutôt à vendre des antibiotiques. La licence d'office n'est pas une solution car elle est trop peu incitative.
Grâce au vaccin, l'Amérique latine a réussi à éradiquer la rougeole, qui a tué encore dix enfants chez nous ces dix dernières années. Et notre couverture ne cesse de diminuer...
Mme Laurence Cohen. - La solution, c'est d'écouter les jurys de citoyens et des professionnels de santé, animés par le président Fischer : les sels d'aluminium sont les plus grandes sources de craintes en raison de leurs effets secondaires. Pourquoi ne pas les écarter ? Quand allez-vous obliger les laboratoires à proposer des vaccins sans ces adjuvants ?
Le Brésil, lui, a réussi à imposer la licence d'office. En France, nous n'avons malheureusement pas de laboratoires publics... La couverture vaccinale pour la rougeole est de 90 % (la ministre le conteste.) et ne cesse de croître. C'est déjà beaucoup pour un vaccin non obligatoire. Rien ne justifie des mesures coercitives.
Transport des greffons
M. Gilbert Bouchet . - J'ai proposé il y a deux ans un amendement pour la coordination du transport des greffons, qui doit être assuré dans des conditions optimales de sécurité. Les CHU avaient demandé le lancement d'une réflexion avec l'Agence de la biomédecine. Une énième mission a été confiée à l'IGAS.
Il est temps d'agir. Les systèmes de transports aériens de province et de l'AP-HP ne sont pas coordonnés ; les fermetures nocturnes de nombreux aéroports compliquent la manoeuvre logistique ; les militaires, habitués à une chaîne opérationnelle unique et cohérente, se démobilisent. La solidarité nationale est gaspillée.
Madame la ministre, vous avez, le 19 juin dernier, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, déclaré que vous ne seriez pas une ministre qui légifère mais une ministre qui expérimente. Pouvez-vous simplifier le transport des greffons en réunissant dès à présent les acteurs concernés et en lançant une expérimentation de six mois ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le transport des organes est un maillon essentiel de notre politique de greffe ; il doit être optimisé et rationalisé pour éviter des pertes. Pour avoir siégé durant dix ans au conseil scientifique de l'Agence de la biomédecine, je connais bien le sujet.
Le ministère a saisi l'IGAS en 2016, dont le rapport, remis en mars 2017, dessine quatre pistes : mutualiser les moyens des établissements de santé pour les transports ; élargir le rôle de l'Agence de la biomédecine à la supervision des transports ; transférer la compétence des transports de longue distance à l'Agence ; et, enfin, confier à l'agence l'ensemble des transports. Ces différents scénarios nécessitent une expertise du ministère.
Les délais de transport doivent certes être réduits, mais je veux rendre hommage à la coordination hospitalière et aux professionnels, qui font un travail remarquable.
La question du transport des greffons ne peut pas être isolée de l'organisation des prélèvements chirurgicaux, qui pose problème dans certains établissements. La réflexion se poursuit, dans le cadre d'un groupe ministériel.
M. Gilbert Bouchet. - Nous attendons toujours des éléments concrets, après les rapports et les réflexions. J'espère que vous me tiendrez au courant des évolutions.
Tarification des Ehpad
M. Alain Milon . - La situation des personnes âgées dépendantes est préoccupante. La réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fragilise ce secteur et risque d'avoir un fort impact sur les personnes âgées les plus fragiles et les ménages les plus modestes.
Avec plus de 200 millions d'euros de retrait de financement, le reste à charge des personnes non bénéficiaires de l'aide sociale pourrait augmenter du fait de la libéralisation des tarifs d'hébergement des établissements publics.
La crise a fragilisé les personnes âgées et les ménages aux revenus modestes. La réforme en cours vient directement impacter leur quotidien dans un moment de vulnérabilité aiguë.
Je demande que les modalités de calcul du point des groupes iso-ressources départemental soient réexaminées et souhaite savoir quel modèle de financement pourrait être proposé. Quelles sont vos intentions précises ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Nous avons favorisé le maintien des personnes âgées à domicile : conséquence, elles arrivent en Ehpad dans un état de dépendance plus avancé. Cela interroge notre modèle de financement. L'objectif de la réforme était de rétablir l'équité dans le financement en organisant la convergence progressive des dotations autour du tarif départemental moyen. La convergence tarifaire, à la hausse comme à la baisse, est étalée sur sept ans. D'après ce que j'ai entendu dire, 70 % des Ehpad y gagneront.
En outre, pour 2017, 100 millions de crédits supplémentaires de l'assurance maladie sont mobilisés. Un comité de suivi, associant ADF, administrations centrales, ARS et établissements sera mis en place dès septembre pour faire émerger les difficultés éventuelles et étudier l'impact financier et organisationnel de la réforme. Les questions du coût de l'hébergement et du reste à charge seront abordées. Elles renvoient, pour moi, à un questionnement sur notre organisation : faut-il prévoir un intermédiaire entre soins à domicile et Ehpad ? Dans cette réflexion, je m'appuierai également sur les travaux, bientôt finalisés, du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge.
M. Alain Milon. - La réforme de la tarification met en danger le budget dépendance avant tout. Je vous mets en garde : les Ehpad publics sont tout particulièrement mis en difficulté. La convergence se traduit par un déplacement de 200 millions du public vers le privé.
Financement de l'hôpital Marie-Lannelongue
Mme Isabelle Debré . - Établissement de santé privé d'intérêt collectif de secteur 1 installé au Plessis-Robinson, l'hôpital Marie-Lannelongue jouit d'une réputation internationale d'excellence. Il est spécialisé dans la chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l'enfant et de l'adulte, le traitement chirurgical ou angioplastique de l'hypertension artérielle pulmonaire et la chirurgie des cancers du thorax. Il a noué des partenariats avec trois établissements de pointe.
Rançon de ses pratiques innovantes, le taux de recours de cet hôpital s'est élevé à 37 % en 2016 alors que la moyenne nationale des centres hospitaliers universitaires était inférieure à 10 %. La dotation budgétaire au titre des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation est très insuffisante pour y faire face et diminue tous les ans. Malgré l'amélioration constante des processus de production et de gestion au sein de l'établissement, sa spécificité de recours n'est pas compensée à sa juste valeur. Envisagez-vous une dotation spécifique et pérenne pour lui permettre de poursuivre ses activités ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous avez raison : la réputation d'excellence de cet hôpital est reconnue dans le monde entier.
La dégradation de sa situation financière est due à la baisse brutale de l'activité du pôle coeur congénital, fortement valorisée dans les tarifs. Après le départ de son chef de pôle, l'établissement a enregistré une perte de recettes de près de 10 millions d'euros en deux ans. L'établissement a aussi dû faire face depuis 2013 à une baisse des dotations MERRI.
L'aide exceptionnelle de l'ARS en 2014 n'a pas vocation à se pérenniser. Les établissements monothérapeutiques sont trop dépendants des variations de tarifs. Aussi l'Agence a-t-elle proposé un plan de retour à l'équilibre de 10 millions, appuyé sur un repositionnement de l'activité autour d'un nouveau projet médical ambitieux en lien avec d'autres établissements.
Mme Isabelle Debré. - Merci. Je ne manquerai pas de transmettre cette réponse aux responsables de l'établissement. Je ne doute pas qu'ils se mettront bientôt en contact avec vous pour trouver une solution afin que cet établissement reste d'excellence.
Cancers de l'amiante
M. Yannick Vaugrenard . - D'ici à 2025, 100 000 personnes risquent de décéder du fait de leur exposition à l'amiante.
Ceux qui, par une négligence coupable, n'auront pas permis d'éviter ce drame doivent être jugés et condamnés. Or, dans une vingtaine de dossiers déposés avec le soutien de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, les conclusions de l'instruction en juin 2017 ouvrent la voie vers un non-lieu et, donc, vers l'absence de procès. Les juges estiment qu'il est impossible de dater le moment de la commission de la faute et donc d'en imputer une responsabilité. Cette décision est particulièrement grave pour les victimes de l'amiante.
Les industriels qui ont sciemment prolongé l'utilisation d'un matériau qu'ils savaient mortel, ceux qui ont laissé faire et les lobbyistes du Comité permanent de l'amiante qui ont milité contre l'interdiction doivent être jugés.
Ces crimes industriels doivent être instruits en tenant compte de la gravité des fautes commises.
Enfin, toutes les leçons de cette catastrophe doivent être tirées afin que nos enfants et nos petits-enfants ne connaissent jamais plus de telles tragédies. Au-delà de l'amiante, cette décision pourrait augurer de décisions similaires sur les pesticides, dans vingt ou trente ans.
Notre démocratie traversant une période de grande fragilité, les prises de position sur un sujet aussi sensible sont attendues avec impatience et espérance.
Les pollueurs de l'amiante, comme les pollueurs de tout autre produit dangereux, devraient être les payeurs. Quelle est votre position ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous le savez, l'amélioration de la prévention est l'une de mes priorités.
La justice a été saisie, il ne m'appartient pas de commenter ses décisions. En revanche, il est de mon ressort de veiller à l'indemnisation des victimes. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a été créé il y a plus de quinze ans. L'amiante est la première cause de décès due au travail, et 2 milliards d'euros sont dépensés à ce titre par la branche AT-MP chaque année.
Nous sommes face à une « épidémie » de pathologies faisant de l'amiante un enjeu majeur de santé publique : 5 000 nouveaux cas sont détectés chaque année, dont 1 000 cas de cancers. Depuis l'interdiction de l'utilisation de la substance, un plan interministériel a été mis en oeuvre, qui repose sur cinq piliers : la diffusion de l'information, la professionnalisation des acteurs, la mise en oeuvre de la réglementation, le soutien à la recherche et au développement et le développement des outils de suivi des pathologies. Un portail Internet a été mis en ligne sur le site du Conseil général de l'environnement et du développement durable.
Comment prévenir de nouveaux scandales ? Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'une évaluation préalable au niveau européen. La liste des produits dangereux doit être régulièrement mise à jour, là est l'enjeu. L'État continue à prendre toutes les mesures pour une élimination progressive de l'utilisation des pesticides. Ce sera une des priorités de la stratégie nationale de santé dont vous aurez le détail d'ici à la fin de l'année.
M. Yannick Vaugrenard. - Le passé a causé une détresse humaine et financière. Lorsqu'il y a injustice, l'État doit jouer son rôle pour que nous puissions véritablement dire à nos enfants et petits-enfants : « plus jamais ça ».
Déductions fiscales de la Fondation du patrimoine
M. Yannick Botrel . - Il importe de conserver notre patrimoine immobilier pour le transmettre aux générations à venir. Or la loi « liberté de création, architecture et patrimoine » de juillet 2016 n'a pas trouvé de solution pour les propriétaires occupants dans les villes à secteur sauvegardé : eux ne peuvent pas disposer des aides de la Fondation du patrimoine au prétexte qu'ils bénéficient de la loi Malraux qui ne leur garantit plus d'avantages... Les biens se dégradent rapidement.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à un élargissement du dispositif pour permettre aux propriétaires occupants de restaurer leur logement ?
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - La loi a regroupé sous l'appellation de sites patrimoniaux remarquables un ensemble de zones, dont les villes à secteur sauvegardé. À la suite de cette évolution, et toujours dans un objectif de simplification, nous avons souhaité, en lien avec Bercy, mettre en cohérence les dispositifs fiscaux associés. Dès la loi de finances rectificative pour 2016, nous avons permis d'appliquer à ces sites patrimoniaux remarquables la fiscalité dite « Malraux », en vigueur dans les anciens dispositifs. Seconde mesure que j'ai le plaisir de vous annoncer ce matin, une révision de la doctrine fiscale en faveur du patrimoine. L'ensemble des nouveaux sites patrimoniaux remarquables seront éligibles au label délivré par la Fondation du patrimoine : les propriétaires pourront bénéficier des déductions fiscales au titre des travaux de protection du patrimoine.
Je veux rendre hommage au travail des bénévoles, complémentaire à celui de l'État.
M. Yannick Botrel. - Merci pour cette réponse très technique. La désertification des centres-villes, le risque accru de la clochardisation de l'habitat sont de réels problèmes.
Emplois d'avenir
Mme Nicole Bonnefoy . - Les aides à l'accompagnement des jeunes au travers des missions locales sont actuellement bloquées. Le Premier ministre a indiqué qu'il jugeait élevé le coût de tels contrats, et souhaitait dès lors ne plus y recourir que de façon maîtrisée.
Le bilan établi à la fin de l'année 2016 prévoyait qu'un an après la signature de leur contrat, trois jeunes sur quatre en emploi d'avenir auraient bénéficié d'une formation et un sur deux d'une formation certifiante. Plus de 325 000 contrats d'emplois d'avenir ont été signés depuis 2012, et 51 % des jeunes inscrits ont trouvé un emploi dans les six mois suivant la fin de leur contrat. Depuis le début de sa mise en oeuvre, ce dispositif a incontestablement réussi à améliorer l'accès à l'emploi des jeunes.
Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement à son égard?
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pénicaud, retenue par l'examen du projet de loi d'habilitation sur le dialogue social devant votre commission des affaires sociales.
Le soutien à l'insertion professionnelle des publics les plus éloignés du marché du travail est une priorité du Gouvernement, qui doit également tenir compte de la conjoncture économique et de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. La mobilisation des emplois d'avenir intervient en complément d'une palette d'outils destinés à faire en sorte que chaque jeune puisse réaliser son projet. Ainsi, en matière de formation, les jeunes sont l'un des publics prioritaires du plan d'investissement dans les compétences.
Nous souhaitons aussi renforcer, faciliter et sécuriser l'apprentissage, afin d'amener les jeunes en difficulté vers l'alternance et de les accompagner pour éviter les ruptures de contrats.
Dans ce cadre, le volume d'emplois d'avenir a vocation à diminuer. Le nombre total des emplois d'avenir s'élèvera en 2017 à plus de 39 000, soit 4 000 de plus que prévu en loi de finances initiale. Il ne s'agit donc pas d'y mettre un terme ; nous recherchons bien plus la qualité de ces contrats. L'évaluation complète de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) qui sera publiée à l'automne prochain nous fournira un utile élément d'appréciation de la performance de ce dispositif. Parallèlement, nous étudions l'opportunité de transposer certains paramètres des emplois d'avenir aux autres catégories de contrats aidés. Enfin, nous souhaitons renforcer une approche décloisonnée de l'ensemble de ces outils au service des jeunes.
Mme Nicole Bonnefoy. - Même s'il s'agit de réduire le dispositif, cela nous inquiète car il fonctionne bien. Étudions plutôt la possibilité de le prolonger. Nous restons vigilants.
Conséquences pour les contribuables de la création d'une commune nouvelle
M. Michel Vaspart . - Une augmentation quasi automatique et très sensible de la taxe d'habitation est constatée par les contribuables de communes fusionnées en une commune nouvelle, à cause de l'absence de prise en compte de la réduction de la part départementale de la taxe d'habitation (TH) - dit « débasage de la TH » - lors des votes des taux de fiscalité de la commune.
Ainsi, dans mon département des Côtes-d'Armor, le maire de la commune nouvelle de Beaussais-sur-Mer, fusion des communes de Plessix, Ploubalay et Trégon, m'a alerté sur l'augmentation très forte de cette taxe, particulièrement pour les familles de trois enfants et plus.
Les services de la Direction générale des collectivités locales comme ceux de la Direction générale des finances publiques ont bien identifié ce problème, qu'ils qualifient d'anomalie, mais la solution proposée pour y remédier n'est pas sécurisée juridiquement. C'est pourquoi certaines communes hésitent à y recourir. Or il reste peu de temps, puisque le président de la République a hélas annoncé, il y a quelques jours au Sénat, la suppression progressive de la majeure partie de la taxe d'habitation, qui inquiète très fortement toutes les collectivités locales.
Si la taxe d'habitation est supprimée, à quelle hauteur les communes nouvelles seront-elles compensées ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cette hausse ne relève pas d'un problème de taux mais se rapporte aux abattements, communaux et intercommunaux, liés au transfert de ceux qui étaient en vigueur, au sein de la part départementale, à la date de la réforme de la taxe professionnelle en 2011.
En effet, les abattements sont harmonisés sur délibération de la commune nouvelle ou, faute de délibération, conformes au droit commun. Les corrections d'abattements sont supprimées. La taxe d'habitation peut donc augmenter sur le territoire d'une commune nouvelle, faute de délibération, pour harmoniser son régime d'abattement ou parce que le nouveau régime d'abattement a été harmonisé sans tenir compte des corrections. La commune nouvelle de Beaussais-sur-Mer aurait pu harmoniser ses abattements en majorant, selon l'article 1411 du code général des impôts, d'un ou plusieurs points l'abattement pour charge de famille.
En tout état de cause, le conseil municipal pourra délibérer avant le 1er octobre 2017 pour corriger les abattements à compter de 2018.
Quant à la réforme prévue de la taxe d'habitation, elle concernera bien sûr les communes nouvelles. La compensation se fera à l'euro près.
M. Michel Vaspart. - Merci pour cette réponse technique et complète, que je communiquerai au maire de Beaussais-sur-Mer.
Accueil des gens du voyage
M. Loïc Hervé . - Mon interpellation de ce matin reflète une actualité criante dans l'ensemble de la Haute-Savoie, du Chablais à la frontière genevoise, de la vallée de l'Arve aux bords du lac d'Annecy ou dans l'Albanais. Et j'associe mes collègues ici présents à mes côtés Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat.
Les habitants, les entreprises et les agriculteurs subissent les installations illicites quand les forces de l'ordre et les élus ne sont plus en mesure de gérer la situation. Notre incapacité collective décrédibilise l'action de l'État et celle de la justice.
Les élus locaux ont à grands frais, en investissement comme en fonctionnement, créé des installations d'accueil, et j'en parle en connaissance de cause, comme maire et président d'intercommunalité, en faisant preuve d'un certain courage politique. La Haute-Savoie, en pleine saison touristique, ne peut s'accommoder des installations illicites.
La loi Besson doit être revue. Nous sommes en pleine saison touristique. Quelles initiatives, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à ce problème ? (MM. Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat applaudissent.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les installations illicites, qui n'ont pas lieu qu'en Haute-Savoie, suscitent des amalgames dangereux avec la majorité des gens du voyage.
En effet, quand ceux-ci respectent la loi, il faut également la respecter à leur égard et leur permettre de s'installer sur les aires d'accueil. Or, en juin, le préfet de votre département a été obligé de réquisitionner des engins du SDIS pour permettre l'accès à une aire dédiée, bloquée par le maire et des agriculteurs.
En Haute-Savoie, les demandes d'expulsions à la suite d'une occupation illicite ont augmenté de 50 % en trois ans. Comptez sur moi pour demander aux préfets d'agir en ce sens. L'évacuation des occupants illicites est conditionnée, pour la commune demandeuse, au fait d'avoir satisfait à ses obligations au titre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage.
Le cadre juridique a beaucoup évolué depuis la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 - je pense à l'abrogation des titres de circulation notamment. Nous sommes en train de prendre les décrets d'application de cette loi. Nous en tirerons ensuite toutes les conséquences, et apprécierons s'il faut à nouveau modifier le cadre légal.
J'ajoute enfin qu'à la demande de plusieurs élus de Haute-Savoie, je vous recevrai ce jeudi avec une délégation d'élus. (MM. Jean-Claude Carle, Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent.)
M. Loïc Hervé. - Merci. Nous avons besoin d'être compris, nous avons besoin d'action. Il faut une réponse collective, ferme. Nous serons attentifs aux solutions qui pourraient nous être apportées. Je le redis, elles doivent être aussi législatives. Tel est le sens de la proposition de loi déposée par Jean-Claude Carle et de celle que je déposerai prochainement. (MM. Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat applaudissent.)
Présence judiciaire dans l'Aisne
M. Antoine Lefèvre . - Dans le cadre de la préparation de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les ministères de la justice et des affaires sociales ont rendu conjointement, en février 2016, un rapport sur le transfert des contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et commissions départementales d'aide sociale (CDAS) vers les nouveaux pôles sociaux des tribunaux de grande instance.
L'objectif recherché, « offrir une justice de qualité, proche des citoyens », est louable. Mais cela aboutirait à la concentration exceptionnelle d'un pôle économique et social à Saint-Quentin, au détriment de Laon, ville-préfecture, faisant fi de l'éloignement géographique qui augmenterait considérablement pour de nombreux justiciables, de l'efficacité du TASS de Laon et des locaux du conseil de prud'hommes de Laon qui ont les capacités logistiques et immobilières d'accueillir le TASS de Laon au sein d'un pôle cohérent et efficace.
Quelles actions comptez-vous mettre en place afin de consolider la présence d'un pôle social à Laon et quels moyens et décisions comptez-vous prendre afin de garantir l'équilibre judiciaire ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - À ce stade, aucune décision n'est prise sur l'implantation des nouveaux pôles sociaux. Des comités locaux de pilotage, composés des acteurs de toutes les instances regroupées, ont été constitués. Leurs observations sont remontées il y a peu à la Chancellerie, et nos services les examinent en ce moment. Une réflexion globale associant à ces aspects la simplification et la dématérialisation des procédures sera conduite.
Soyez assuré que je serai particulièrement attentive au maintien des équilibres et à la proximité des institutions dans votre département. Les contentieux relevant du TGI d'Amiens pourront être traités à Laon : c'est une amélioration de l'accessibilité dans l'Aisne, monsieur le sénateur.
M. Antoine Lefèvre. - Merci pour votre réponse.
Ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
M. Daniel Chasseing . - La ligne POLT, la plus rapide de France dans les années 1960, souffre depuis plusieurs années d'équipements vétustes et de retards chroniques, sans compter qu'il est quasiment impossible d'utiliser les réseaux téléphoniques et mobiles, ce qui pénalise les usagers de cette ligne, en particulier les décideurs économiques.
Où en est l'appel d'offres des futures rames ? Quand seront-elles livrées ? La LGV Paris-Limoges est le seul axe ferroviaire vers la capitale...
Le rapport remis au président de la République sera-t-il rendu public, et ses préconisations mises en oeuvre ? On dit qu'il ne restera plus que la liaison Tulle-Bordeaux. La Haute-Corrèze est déjà fragilisée par la disparition de la ligne Ussel-Clermont-Ferrand, ce qui pénalise de nombreux étudiants et patients. Le sort de ces lignes préoccupe les habitants de nos territoires.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Cette ligne est une ligne structurante du réseau des TET. Doublant le rythme d'investissement des années précédentes, 500 millions d'euros seront consacrés à la modernisation des infrastructures, et 120 millions d'euros sont prévus dans le cadre du contrat plan État-région (CPER).
L'acquisition de matériel adapté fait en effet l'objet d'un appel d'offres de SNCF Mobilités, lancé en décembre dernier et souhaité par l'État.
Une réunion avec les collectivités territoriales concernées est prévue à la rentrée pour examiner les conclusions du rapport Delebarre.
Le Gouvernement a pour priorité l'entretien et la régénération des réseaux existants. En effet, les transports du quotidien offrent à chacun des solutions alternatives à la voiture.
M. Daniel Chasseing. - Merci pour cette réponse. Il est urgent d'aménager la ligne POLT, ce qui réparerait l'injustice dont souffrent les départements ruraux desservis.
Développement des ports Axe Seine
Mme Agnès Canayer . - Regroupés au sein de l'entité Haropa (Le Havre-Rouen-Paris), les ports de l'Axe Seine, reliés à l'Arc atlantique, forment une véritable porte d'entrée maritime pour le commerce extérieur français. Ils sont toutefois en concurrence avec les ports du nord de l'Europe, Rotterdam, Hambourg, Anvers.
Les ports normands subissent deux handicaps majeurs.
Le premier est lié à l'impossibilité de massifier le transport de marchandises en raison d'une liaison ferroviaire inadaptée aux enjeux. À Anvers, deuxième port d'Europe, où tout est mis en oeuvre pour favoriser son attractivité, 40 % des marchandises sont acheminées par voie fluviale et 13 % via le fret ferroviaire, quand seulement 5 % des marchandises du Grand Port maritime du Havre transitent par le ferroviaire, alors que 80 % de ces conteneurs sont acheminés par la route et que 15 % utilisent le transport fluvial.
Le second handicap tient à l'absence d'une politique nationale ambitieuse au service des ports français, inscrite dans une dynamique internationale.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour renforcer la compétitivité des ports normands et renforcer le ferroviaire ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Je partage votre analyse. Renforcer la compétitivité de nos ports est un enjeu stratégique. Vous pouvez compter sur moi pour m'y atteler.
Renforcer la gouvernance à l'échelle des principaux corridors est une première piste, et je salue la démarche de Haropa, qui développe des synergies depuis plus de cinq ans.
Deuxième idée : refonder le modèle économique dans nos ports. Les relations financières et fiscales entre l'État et les établissements publics portuaires devront être clarifiées. Je veillerai également à faciliter l'implantation des activités industrielles et logistiques.
Il faudra aussi favoriser la desserte massifiée de nos places portuaires et la construction d'un nouveau terminal multimodal au Havre est à cet égard une bonne nouvelle.
L'implantation d'activités industrielles et logistiques dans les ports est l'un des atouts de l'Europe du Nord. La desserte de l'arrière-pays doit également être massifiée.
La desserte ferroviaire et fluviale fera l'objet de réflexions et de plans d'action à court, moyen et long terme très prochainement. Les Assises de la mobilité tiendront compte de ces enjeux.
Mme Agnès Canayer. - Merci, les ports sont un enjeu majeur pour notre économie. Massification et amélioration des infrastructures suscitent des attentes fortes de nos concitoyens.
Réfection de la ligne TER Libourne-Bergerac-Sarlat
M. Claude Bérit-Débat . - Au cours de votre audition par la commission du développement durable, alors que je présidais en même temps la séance publique dans cet hémicycle, vous avez exprimé votre volonté de privilégier la rénovation des lignes ferroviaires existantes par rapport au développement de nouvelles lignes à grande vitesse.
En Dordogne, la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, l'une des plus anciennes de la région, dont l'état, très dégradé, demande d'importants travaux de réhabilitation, me semble s'inscrire parfaitement dans cet objectif.
Elle cumule un manque d'entretien et d'autres handicaps tels que la présence de 111 passages à niveau sur les 168 km de la ligne et trop peu de zones d'évitement. Elle constitue l'un des deux axes ferroviaires majeurs du département, avec ses 700 000 usagers annuels. Or l'état actuel de l'infrastructure ne permet plus une exploitation satisfaisante du matériel roulant.
Une première tranche de travaux avait été inscrite au contrat de plan État-région pour 2015-2020, s'élevant à 45 millions d'euros, qui devait être prise en charge aux deux tiers par l'État et la région, le dernier tiers restant dévolu à SNCF Réseau et aux collectivités locales concernées par le projet.
Pour difficile à assumer qu'elle soit, cette participation financière des collectivités avait tout de même été acceptée par les élus locaux. Le désarroi des élus a été grand de voir le coût de ce chantier bondir à 91 millions d'euros le 20 juin 2017 à l'occasion de la présentation d'une nouvelle étude commanditée par l'entreprise ferroviaire.
Madame la ministre, vous avez annoncé en commission la réhabilitation des lignes de TER.
La ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, très dégradée, ralentie et affichant de nombreux retards, devrait selon la SNCF faire l'objet de 74 millions d'euros de travaux.
Il en est de même pour la ligne Bordeaux-Périgueux-Limoges...
Bref, que comptez-vous faire pour apporter un service ferroviaire de qualité à nos concitoyens périgordins?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Je comprends la préoccupation des élus de Dordogne alors qu'entre en service la LGV Tours-Bordeaux... Comme vous le rappelez, des études ont été réalisées sur les possibilités d'amélioration de la desserte de Bergerac et de son raccordement au réseau à grande vitesse.
Le Gouvernement a accordé la priorité aux lignes existantes et aux transports du quotidien. Des travaux de régénération ont été inscrits au CPER 2015-2020. Ils doivent assurer la pérennité de l'infrastructure Libourne-Bergerac. Le coût de 91 millions d'euros est expliqué par la dégradation accélérée de l'état de la plateforme ferroviaire. Des optimisations du programme et des coûts sont sans doute possibles, de même qu'un nouveau tour de table financier. L'État participe à hauteur de 35 %, ce qui est très supérieur à son habitude pour les lignes d'intérêt régional.
SNCF Réseau va aussi pouvoir affecter de nouvelles ressources humaines à la maintenance de cette partie du réseau, à présent que le chantier de la LGV est achevé.
Je resterai particulièrement attentive à ce dossier.
M. Claude Bérit-Débat. - Le doublement du coût du projet, ce n'est pas rien pour les collectivités territoriales ! La communauté d'agglomération de Bergerac n'a guère plus de 30 000 habitants. Les EPCI concernés sont de taille moyenne... Or notre département est particulièrement enclavé.
Toutes les lignes permettant d'aller à Bordeaux présentent des problèmes d'entretien et de cadencement, portant la durée du trajet à près de quatre heures... Il faut des moyens financiers pour remédier à cette situation.
Contournement Est de Rouen
M. Thierry Foucaud . - Le projet de contournement Est de Rouen, qui doit relier l'autoroute A28 à l'A13 et inclure un barreau de raccordement vers Rouen, est largement contesté en l'état, dès lors qu'il concerne les populations.
Une douzaine d'associations se sont prononcées contre ce projet. Des salles pleines à craquer ont manifesté leur refus.
Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure, de toutes sensibilités politiques - y compris M. Lecornu, l'actuel secrétaire d'État en charge de ces questions qui était encore il y a peu président du conseil départemental de l'Eure - expriment également leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer.
Un collectif d'une quinzaine de communes, représentant 70 000 habitants directement touchés par ce tracé de contournement, s'oppose à sa mise en oeuvre.
Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie et de modes de déplacement futurs, car 95 % des transports s'effectuent par la route, alors que le transport par rail ou par voie fluviale devrait être une priorité. Ce projet, qui encourage le développement du « tout camion », est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l'environnement.
Le coût global du nouveau tronçon, qui doit s'étendre sur 41 kilomètres et faire l'objet d'une concession à péage, est évalué à un milliard d'euros. Or, à ce stade, rien n'a été dit sur le bouclage du financement de cette infrastructure.
Ce projet est celui de l'ancienne majorité gouvernementale ; il est nocif à l'environnement, à la santé, à nos emplois, à nos habitations, à nos finances ; il aura un impact traumatisant sur les populations de la périphérie rouennaise et d'une partie du département de l'Eure. Il faut y renoncer.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - J'entends vos critiques du contournement Est de Rouen.
Je rappelle toutefois qu'il a fait l'objet d'un débat public en 2005, d'une concertation recommandée avec un garant indépendant nommé par la Commission nationale du débat public en 2014, puis d'une enquête publique en 2016. Il a été transmis au Conseil d'État.
La commission d'enquête a rendu un avis favorable. Sa capacité à délester l'hyper-centre de Rouen a été démontrée. Les volets qualité de l'air et nuisances sonores du dossier ont été enrichis par des mesures complémentaires.
Les modalités de financement du projet ont été partagées avec les collectivités territoriales concernées et exposées dans le cadre de l'enquête publique. Son coût est estimé à 886 millions d'euros.
Le mode concessif avec péage a été retenu mais une subvention publique d'équilibre estimée à 55 % du coût d'investissement serait néanmoins nécessaire.
À ce stade, ce projet fait toutefois partie, comme l'ensemble des projets d'infrastructures hors CPER, de la « pause » annoncée par le président de la République le 1er juillet dernier.
Les Assises de la mobilité que je convoquerai en septembre permettront d'identifier les besoins des territoires et de programmer les investissements nécessaires.
Je présenterai également début 2018 la loi relative à la mobilité, portant une programmation quinquennale des investissements et un équilibre des ressources et des dépenses.
M. Thierry Foucaud. - Les élus de l'agglomération rouennaise, en particulier le député de la 3e circonscription, le maire de Oissel, et moi-même vous demandons un rendez-vous au ministère, ainsi qu'au ministère de la transition écologique, également compétent. Nous attendons toujours les études sur la qualité de l'air, que vous avez évoquées ! Le nouveau tracé sera plus polluant, nous le savons ! Les engagements du Grenelle de l'environnement sont menacés. De plus, l'activité économique de l'agglomération rouennaise sera gelée par ce projet. Nous venons de parler du nécessaire développement des ports. C'est une emprise de 400 hectares, qui sera bloquée par cette infrastructure.
Les réunions publiques ont révélé que les populations étaient contre le projet ; les représentants de l'État les ont purement et simplement ignorées, ou sous-estimé leurs réactions fortes et massives.
Prolifération des nuisibles
Mme Colette Mélot . - Frelons asiatiques, moustiques tigres, chenilles processionnaires urticantes, tiques, punaises de lit, rats : les nuisibles envahissent de plus en plus espaces verts, exploitations agricoles, forêts, villes et villages, logements et toits avec le risque d'en importer davantage des quatre coins du globe durant la période des vacances d'été.
Le 6 juin 2017, première journée mondiale dédiée à la prévention des nuisibles, les professionnels n'ont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme. Dans nos communes, les particuliers se tournent vers leur maire, souvent désemparés face à un fléau qui ne connaît pas de frontière et qui peut conduire à des hospitalisations des personnes touchées et à des chocs allergiques chez les animaux. À cela s'ajoute la restriction certes totalement justifiée des solutions biocides pour raisons environnementales, mais qui rend les traitements moins efficaces. En Seine-et-Marne, la prolifération de la chenille processionnaire touche plus de 300 communes.
L'abattage des arbres est souvent, hélas, la seule issue pour les particuliers. Outre les conséquences parfois terribles sur la vie quotidienne, on estime en France à 38 millions d'euros par an les coûts engendrés par les nuisibles. Ce fléau appelle une collaboration étroite entre État et collectivités territoriales. Quel plan d'action le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à ce problème qui inquiète nos populations ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Nicolas Hulot. Depuis plusieurs années, l'État met en place des mesures adaptées.
Le frelon asiatique, présent en France depuis 2004, s'attaque aux abeilles domestiques. La loi Biodiversité de 2016 a complété le code de l'environnement pour une action efficace. Le décret publié le 23 avril 2017 a permis de préciser les dispositions de contrôle et de gestion de leur propagation. Il a été classé danger sanitaire de catégorie 2, fait l'objet d'études financées par le ministère de l'agriculture pour prévenir sa propagation.
Le dispositif de lutte contre le moustique tigre qui sévit lui aussi depuis 2004, propageant la dengue et le chikungunya, est activé par la Direction générale de la santé chaque année pour la période allant du 1er mai au 30 novembre.
Quant à la chenille processionnaire, insecte ravageur d'origine méditerranéenne, dont la remontée vers le Nord illustre le changement climatique, cette espèce invasive a un impact avéré sur la santé des populations humaines et animales, ainsi que sur certains végétaux arbustifs. La lutte contre cette espèce s'appuie sur une gestion localisée et ciblée. Ces sujets sont de la compétence des ministères de la santé et de l'agriculture, mais le ministère de la transition écologique reste pleinement mobilisé.
Mme Colette Mélot. - Je vous entends. Ce sont les chenilles processionnaires qui inquiètent le plus habitants et maires de mon département. Les conséquences sur la santé ne sont pas négligeables. Or les élus sont en mal de réponses et de moyens financiers. Merci de prendre en compte cette question importante pour les populations.
La séance est suspendue à midi trente.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
La séance reprend à 14 h 35.
(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement le président Jean-Claude Gaudin)