Déclaration du Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
Pour la première fois que vous siégez au banc du Gouvernement dans cet hémicycle, monsieur le Premier ministre, je vous accueille avec plaisir. Je salue également votre ministre d'État, vos ministres et secrétaires d'État, je me réjouis de revoir celle et ceux qui ont siégé parmi nous.
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche, sur quelques bancs des groupes RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et Union Centriste)
Hier, le ministre d'État, ministre de l'intérieur vous a donné lecture de la déclaration de politique générale. N'ayant pas eu le privilège de siéger parmi vous, je n'ai pas le plaisir de tous vous connaître...
M. Jean-Pierre Sueur. - Ça viendra ! (Sourires)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est sûr ! (Nouveaux sourires)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Certes, des visages sur ces bancs me sont familiers. Certains ont jalonné mon parcours. D'autres m'ont aidé à le construire.
Je ne parle pas de ces grandes figures de notre histoire politique - Georges Clemenceau, Victor Schoelcher, ou le Havrais René Coty, dont les voix et les intelligences m'ont inspiré.
J'ai l'honneur de compter dans mon Gouvernement des membres de votre Haute Assemblée. Le Sénat se confond avec la République...
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - ...Il est un pôle d'équilibre en prise directe avec le quotidien de millions de Français et à l'écart d'une certaine fébrilité politique. Cette « sérénité démocratique » est une chance. (Marques d'approbation sur divers bancs)
Hier, dans mon discours, j'ai commencé par rendre hommage à ces nouveaux députés qui, par leur parcours, ont remodelé le visage d'une partie de la représentation nationale. Je sais que, comme vous, ils auront à coeur de nouer un dialogue fructueux pour faire avancer le travail parlementaire et réussir la France.
Si je les mentionne de nouveau aujourd'hui, c'est que je m'adresse à une assemblée qui, durant vingt et un ans, a confié sa destinée au petit-fils d'un esclave. Elle l'a fait à une époque où les préjugés étaient encore plus rudes et injustes que de nos jours. Vos prédécesseurs n'ont pas choisi Gaston Monnerville pour ses origines, mais pour ses talents. Des talents qui n'auraient pu s'épanouir si la République ne les avait pas reconnus et encouragés.
C'est de cette République, de cette France de l'égalité des chances, que je veux vous parler aujourd'hui. Une France qui, dans les moments les plus difficiles de son histoire, a toujours été capable d'étonnants sursauts.
Cette France s'est exprimée durant la campagne présidentielle. Elle a exprimé sa colère. Mais elle a aussi exprimé son optimisme et sa volonté de rassemblement.
Avant-hier, devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République nous a montré le cap. Ce cap est clair. Il doit être tenu.
Les Français ont d'ailleurs, dans un souci de cohérence, donné au président et au Gouvernement une majorité claire et incontestable au sein de l'Assemblée nationale.
Cette majorité claire, nul et moi le premier, ne la prend pour un blanc-seing. Elle implique autant de devoirs que de droits. Parmi ces devoirs, figure la nécessité de respecter les institutions démocratiques. J'y veillerai.
Mais la France doit avancer. Il y a dans « notre cher et vieux pays », une envie, une énergie, un espoir qui transcendent les courants politiques.
Je veux m'appuyer sur cette envie et cette énergie pour que la France retrouve confiance : confiance en l'action publique, confiance en sa justice, en sa sécurité sociale, en sa cohésion territoriale.
Je veux m'appuyer sur cette énergie pour que collectivement, nous fassions preuve de courage.
Courage devant les menaces terroristes et tout ce qui peut menacer la sécurité des Français. Courage devant le défi migratoire pour être fidèles à nos idéaux et à nos responsabilités. Courage aussi pour préparer l'avenir de nos enfants en refondant l'école, en rénovant notre modèle social, en réduisant la dette et la dépense publique.
Je veux m'appuyer sur cette énergie pour que la France redevienne conquérante. Pour qu'elle redevienne une terre d'accueil des compétences, des entreprises et des investissements. Pour qu'elle restaure la puissance de son agriculture. Qu'elle saisisse la chance de la transition écologique. Qu'elle assume sa vocation européenne et internationale.
Hier, j'ai indiqué la feuille de route du Gouvernement, son calendrier, sa méthode.
Cette méthode, je la résumerai en quelques mots clés : la collégialité, la sincérité, et la recherche permanente non de la popularité mais de l'efficacité.
Auprès d'Alain Juppé, j'ai appris que l'exercice du pouvoir est avant toute chose un exercice de vérité : durant trop longtemps, notre pays a pris la mauvaise habitude de s'arranger un peu avec. J'y vois une des causes de la crise de confiance qui a secoué notre pays.
La vérité n'est pas bâtie dans l'antre des ministères et au sein des cabinets ministériels, mais elle se construit dans le respect et dans le dialogue avec les partenaires sociaux, avec les acteurs économiques, avec le monde associatif.
C'est pourquoi nous avons voulu avec le président de la République prendre le temps de la concertation, du dialogue avec les parties prenantes sur les sujets qui structurent l'avenir du pays.
C'est le sens des états généraux de l'alimentation, des assises de l'outre-mer, des états généraux des comptes de la nation et j'y reviendrai tout à l'heure de la conférence des territoires.
Cette méthode a fait ses preuves. Beaucoup d'entre vous la connaissez, pour l'avoir pratiquée dans l'action publique locale. Elle est efficace pour produire les normes et définir les règles qui seront acceptées de tous. Je veux associer des phases de discussion à l'extérieur des assemblées à des phases de délibération à l'intérieur.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je ne vous infligerai pas une seconde lecture de ma déclaration de politique générale, ni même une lecture abrégée et commentée. Non, je veux profiter de ma présence ici pour aborder deux sujets qui vous tiennent à coeur. Deux sujets sur lesquels j'ai des choses à dire et sans doute, des choses à apprendre de vous.
Le premier est institutionnel. Je crois au bicamérisme. Je mesure le rôle du Sénat dans le bon fonctionnement de notre démocratie. C'est un ancien député qui vous le dit. Je connais la qualité de vos débats, celle de vos textes, de votre travail en commission. Je crois au bicamérisme et j'y tiens. Aucune démocratie ne fonctionne avec une seule chambre.
Je le respecterai d'autant plus que le bicamérisme prend plus encore son sens aujourd'hui. D'un côté, nous avons une Assemblée nationale profondément renouvelée. Ce renouvellement était nécessaire. Il était voulu par les Français. Il est une chance pour notre pays.
De l'autre, nous avons un Sénat où siègent « des élus élus par des élus ». Des élus qui connaissent mieux que quiconque la réalité des territoires de la République.
Un Sénat où depuis longtemps, on a renoncé aux clivages artificiels ; où l'on pratique le sens du consensus et du compromis, l'alliance des bonnes volontés.
Un Sénat, qui de ce point de vue, a largement anticipé la logique que nous connaissons aujourd'hui.
Cette expérience, nous en aurons besoin pour préparer les réformes constitutionnelles dont le président a dessiné les contours avant-hier devant le Congrès.
Réduction d'un tiers du nombre de parlementaires, limitation à trois du nombre de mandats successifs, suppression de la Cour de justice de la République, refonte du Conseil économique social et environnemental, évolution du travail parlementaire pour le rendre plus efficace et, quand cela est nécessaire, plus rapide : ces réformes sont d'une ampleur inédite.
Je sais que le Sénat, sous l'impulsion de son président Gérard Larcher, a pris les devants. Le 11 mars 2015, votre Conférence des présidents a adopté 46 mesures qui ont conduit à une modification du Règlement du Sénat le 13 mai 2015 et qui ont en particulier valorisé le travail en commission.
Cette expérience, vous aurez l'occasion de la faire valoir par l'intermédiaire de votre président dans le cadre de la réflexion qui s'engage avec le président de l'Assemblée nationale, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et la garde des sceaux. J'y serai pour ma part, très attentif.
Le second sujet que je voulais aborder avec vous concerne l'organisation territoriale de notre pays.
Je l'ai dit hier devant l'Assemblée nationale. Les jardins à la française ont leur charme, mais ils se prêtent assez peu au foisonnement d'initiatives dont le pays a besoin et auquel les collectivités sont prêtes.
Car nous voulons que les collectivités locales soient fortes et libres : libres de s'organiser en développant des communes nouvelles ou des regroupements de départements à condition bien sûr, que ces fusions ne soient pas contraires à l'intérêt général.
Libres d'exercer de nouvelles compétences, libres aussi de mieux se les répartir, par exemple par le mandat de délégation.
Libres d'expérimenter, non seulement de nouvelles organisations, de nouvelles compétences mais aussi de nouvelles règles d'exercice de ces compétences dans le cadre d'un élargissement du pouvoir réglementaire local.
Liberté et confiance. Tels sont les deux fondements de la décentralisation d'aujourd'hui.
Une décentralisation qui ne se décrète plus depuis Paris, mais qui s'expérimente, se teste et s'adapte.
Ne décidons plus pour les autres, mais incitons ! Incitons les territoires à adapter localement leur organisation pour tendre partout où cela sera possible vers deux niveaux d'administration locale en dessous du niveau régional.
Cette simplification répond à une exigence de bonne gestion. Elle répond aussi à une exigence de lisibilité : l'empilement actuel n'est pas compris de nos concitoyens.
Bien évidemment, cette liberté s'accompagnera de solidarité.
Une solidarité qui s'exprime d'abord, au niveau de l'État, par la création d'un ministère de la cohésion des territoires dont le titulaire est issu de vos rangs.
Cette solidarité s'exprimera aussi par de grands chantiers sectoriels.
Dans le domaine de la santé : j'ai demandé à la ministre de la santé de préparer pour le mois de septembre, un plan de lutte contre les déserts médicaux. Je sais que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet crucial pour l'égalité entre nos territoires. Ce plan sera construit dans le dialogue avec les élus locaux et les professionnels de santé pour trouver des solutions adaptées à chacun des territoires.
Mme Nicole Bricq. - Dites cela aux ARS !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Dans le domaine de la mobilité. Dès la rentrée, se tiendront des Assises de la mobilité.
Elles associeront les usagers, les opérateurs, les collectivités et des ONG. Leur but est double.
Bâtir une stratégie adaptée aux besoins des territoires permettant de mieux utiliser les infrastructures existantes en bénéficiant des possibilités offertes par le numérique.
Construire une programmation financière soutenable qui fait porter l'effort, non plus sur les grandes infrastructures, mais sur l'entretien et la rénovation des réseaux actuels.
Autre chantier sectoriel sur lequel le Sénat est devenu un expert : le numérique. Comme je m'y suis engagé hier, je souhaite un accès garanti pour tous et partout en France au très haut débit au plus tard en 2022. Mais là encore, gardons-nous de raisonner seulement en termes d'infrastructure. Pensons service, service à l'usager, service aux collectivités. Cette politique d'accès au numérique nous permettra de déployer de nouveaux projets, je pense notamment au compte citoyen en ligne qui sera l'interface entre les administrations et le citoyen.
Dernier chantier : la revitalisation des petites villes et des bourgs-centres, trop longtemps négligée dans les politiques publiques, qui mérite à la fois une attention particulière et une stratégie propre à chaque territoire ; la situation n'est pas la même en Alsace que dans le Massif central, ou outre-mer.
Ces chantiers poursuivent un objectif : combler le fossé qui se creuse entre deux France que certains voudraient opposer, mais qui pourtant ne peuvent ni vivre, ni réussir l'une sans l'autre. (Mme Anne Émery-Dumas applaudit)
J'entends par là la France des métropoles mondialisées et la France dite « périphérique ».
C'est tout l'objet de la Conférence nationale des territoires que le président de la République a souhaité constituer et dont la première réunion se tiendra mi-juillet. Si vous en êtes d'accord, celle-ci pourrait justement se tenir au Sénat. (Applaudissements sur tous les bancs)
Vous serez évidemment représentés de façon permanente au sein de cette instance par ceux que votre assemblée aura désignés.
Un dernier mot peut-être sur les aspects financiers.
Je l'ai dit hier : la situation de nos finances publiques est plus que préoccupante.
Elle est grave. Nous devrons tous contribuer à l'effort de redressement.
Je sais que les collectivités locales y ont déjà contribué. Je ne sous-estime pas, loin de là, les conséquences de ces efforts.
Je crois à la responsabilité des élus locaux, comme je crois à leur sens des réalités. Eux-mêmes sont amenés à gérer des budgets, parfois dans des conditions difficiles. Ils sont amenés à faire des choix, à revoir leurs priorités.
Je sais aussi que « faire avec moins » peut conduire à « faire mieux », c'est-à-dire à proposer des services plus simples, plus agiles, plus efficaces.
Nous ouvrirons le dialogue avec les élus pour bâtir une trajectoire commune de maîtrise de la dépense publique.
Nous engagerons également la réforme de la taxe d'habitation qui doit, d'ici la fin du quinquennat, contribuer à rendre du pouvoir d'achat aux Français.
Je sais cette réforme attendue par les contribuables, mais redoutée par les élus.
Parlons-en. Parlons-en avec le Sénat, et avec le Comité des finances locales pour réformer cet impôt qui n'est pas le plus juste sans porter atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Ce sujet fiscal, comme celui de la dépense publique, seront évidemment au coeur de la prochaine Conférence nationale des territoires. (Quelques exclamations à droite)
Au-delà de la taxe d'habitation, je crois pouvoir dire ici que les élus locaux, que les sénateurs encore plus que les élus locaux ont parfaitement conscience du caractère globalement insatisfaisant de la fiscalité locale.
Souvent incompréhensible, largement illisible, globalement inefficace. Et dans les faits souvent corrigée pour faire face au problème du moment. Si bien qu'elle est devenue, à bien des égards, incohérente.
Je ne suis pas venu vous annoncer une grande réforme de la fiscalité locale, au-delà de ce que vous avons déjà inscrit dans nos priorités. Mais là encore, dans nos échanges, dans nos travaux collectifs, partageons ce constat et regardons ensemble comment nous pouvons faire évoluer ce système vers plus d'efficacité et plus de justice.
Je ne crois pas à l'omnipotence du politique. Mais je ne crois certainement pas à son impuissance.
Je sais ce que peut la volonté politique : j'ai pu, comme vous, en faire l'expérience en exerçant mon mandat de maire.
J'ai cette volonté. L'ensemble de l'équipe gouvernementale la partage.
Comme je vous l'ai exposé, elle travaille avec une méthode, celle de l'efficacité, du dialogue et de la collégialité.
Cette méthode de travail, le Gouvernement la propose aux législateurs que vous êtes, en y ajoutant le respect et l'exigence de vérité.
Je vous propose d'oeuvrer ensemble dans cet esprit de consensus, qui n'interdit pas la franchise, ni la contradiction, pour qu'à la fin de ce quinquennat, nous ayons réussi les réformes que les Français et vos territoires attendent.
(Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, Union centriste et Les Républicains)
M. Alain Bertrand . - Je vous remercie, au nom de mon groupe, et de l'ensemble des Sénateurs, pour les mots que vous avez eus pour notre assemblée.
Au cours de la récente séquence électorale, les Français vous ont donné un double signal : exigence de résultats et stratégie rassembleuse. Il faut dépasser les anciens clivages, disent-ils et privilégier ce qui nous rassemble.
Vous nous appelez à la confiance. Nous vous soutiendrons en cela. Vous avez dénoncé les excès de la transparence. Là aussi, nous vous suivrons.
Nous soutiendrons aussi le renforcement des moyens et de l'indépendance de la justice en évitant la concentration dans les grandes agglomérations.
La promesse de lutte contre les déserts médicaux nous a souvent été faite... N'oubliez pas la montagne, les transports héliportés, les hôpitaux locaux, ni la banlieue. Les hôpitaux travaillent avec des moyens réduits, du personnel en souffrance.
L'effacement des divisions entre les métropoles et la ruralité que vous appelez, la France périphérique, qui est pour nous le coeur de la France, est indispensable. Le président de la République a parlé à juste titre d'un « pacte girondin », ce qui signifie décentralisation, démétropolisation et pacte de confiance avec les collectivités.
Des interrogations subsistent sur le financement des collectivités.
Les montagnes et toutes les ruralités mériteraient, pour remédier au sentiment d'abandon politiquement destructeur, une loi d'avenir sur les ruralités.
Nous sommes favorables à la sortie de l'état d'urgence, avec un arsenal législatif renforcé. Assurons les nécessités de l'accueil, sans nous laisser déborder.
En matière d'éducation, il convient de dessiner un parcours de réussite scolaire pour tous via une loi.
Un point essentiel : rendons du pouvoir d'achat aux Français, sinon, sous la pression des souffrances qui travaillent le corps social, nous allons à l'échec. Oui à la souplesse, mais traitons le problème des bas salaires.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen (RDSE) partage vos objectifs d'économies avec une baisse des prélèvements obligatoires de 20 milliards d'euros d'ici 2022. Cependant, nous sommes très attachés à la fonction publique et les économies que vous prévoyez sur les services publics risquent de se faire au détriment des ruralités. Il vaudrait mieux privilégier l'abandon des niches fiscales, la redéfinition des périmètres de l'action publique et surtout une réduction drastique de tous les comités Théodule et autres agences qui parsèment l'administration française...
Le groupe RDSE tremble quand vous parlez du numérique : vos promesses nous ont déjà été faites plus de vingt fois. Commencez par le commencement, en soulageant ceux qui souffrent le plus et en rattrapant le retard en matière d'aménagement du territoire.
En matière de logement, il convient de réduire les blocages administratifs.
Les États généraux de l'agriculture et de l'alimentation sont une excellente initiative.
En Europe, soyons fermes avec nos partenaires allemands comme dans la négociation sur le Brexit.
Le RDSE, héritier d'une longue tradition, vous soutiendra majoritairement et espère votre réussite, parce que nous voulons redonner confiance à chacun des Français, à chacun des territoires de la République...
M. le président. - Attention au dépassement du temps de parole !
M. Alain Bertrand. - Soit. Eh bien, je tiens à saluer Jacques Mézard et à répéter, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, que nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RDSE et La République En Marche, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Zocchetto . - (Applaudissements sur les bancs de l'Union Centriste) Le prochain quinquennat doit être utile. Vos propos nous en donnent bon espoir. De toute façon, nous n'avons plus le choix.
L'Union Centriste souhaite le succès du Gouvernement et la réussite de la France. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Union Centriste)
Pour que le quinquennat réussisse, des réformes structurelles s'imposent. Dans ses grandes lignes, nous souscrivons à votre programme. Je ne puis dans le temps imparti aborder tous les domaines de votre déclaration d'hier, sur lesquels nous nous rejoignons largement.
Les réformes-socles sont de deux ordres. L'état d'urgence est aussi économique et social. La France ne peut rester à la traîne de la reprise, aussi convient-il d'alléger les charges pesant sur la production et flexibiliser les conditions d'emploi. Mais pourquoi augmenter la CSG plutôt que la TVA ? Est-il opportun de faire payer le retraité français plutôt que l'exportateur chinois ? En contrepartie de la souplesse accrue du droit du travail, il faut garantir les droits des salariés, en traitant aussi, sans tabou, la question des droits syndicaux et des relations avec le patronat.
Mme Catherine Troendlé. - Absolument !
M. François Zocchetto. - Autre priorité, assainir les comptes publics. Le rapport de la Cour des comptes a montré que la question du déficit était loin d'être réglée et vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre. Le Sénat en est parfaitement conscient. Nous soutenons les efforts annoncés en faveur de la maîtrise des charges salariales de la fonction publique.
La France est, avec l'Espagne, le dernier pays à faire l'objet d'une procédure pour déficit excessif. Nous ne pouvons le tolérer.
Autre point de convergence, notre volonté d'une Europe offensive.
Voilà pour l'urgence ; mais il faut aussi réformer pour l'avenir. En matière écologique, l'entrée de Nicolas Hulot au Gouvernement est un signe encourageant. Mais il faudra bien traiter la question de la filière nucléaire avec ambition et pragmatisme.
L'équation budgétaire de l'éducation reste incertaine : comment revoir les rythmes scolaires ou maintenir la semaine de quatre jours et demi ?
M. Henri de Raincourt. - Oui.
M. François Zocchetto. - Comment renforcer les redéploiements d'enseignants ? Nous comprenons votre intention de mieux accompagner les élèves en début de parcours et nous la soutenons.
Sur les territoires, nous approuvons les lignes fortes de votre action, à condition qu'elles se concrétisent. On a trop souvent complexifié en voulant simplifier. (M. le Premier ministre en convient)
La suppression de la taxe d'habitation risque de distendre le lien entre les élus et leurs administrés. Plutôt que des compensations, nous demandons des recettes dynamiques et pérennes.
Sous ces réserves, nous abordons ce quinquennat avec confiance. Bonne chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union Centriste ainsi que sur plusieurs bancs à droite)
M. Didier Guillaume . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Vous avez dessiné trois axes : rassembler, protéger et dessiner l'avenir. Nous ne pouvons que vous soutenir dans cette voie.
Mais de grâce, ne parlons plus, avec les technocrates, pseudo-experts et autres qui n'ont jamais ou presque franchi le boulevard éponyme de France « périphérique » ! C'est insultant. (Applaudissements nourris sur la plupart des bancs)
Vous annoncez vouloir légiférer moins ; mais vous avez beaucoup de textes dans vos cartons, ai-je déduit de vos déclarations.
Pour réussir, il faut avancer ensemble, avec une triple exigence. Celle de la justice sociale d'abord : vous avez annoncé de nombreuses mesures pour la santé et pour lutter contre la pauvreté. Or votre ministre de la santé a émis ce matin des doutes sur la pérennité du tiers payant dans Le Quotidien du Médecin. Le tiers payant est pourtant une belle mesure de justice sociale et d'équité républicaine. Il reste indispensable et doit être généralisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - C'est la déresponsabilisation !
M. Didier Guillaume. - Vous voulez modifier le code du travail par ordonnances ; nous vous demandons la transparence de bout en bout. Flexibiliser demande des contreparties. Nous espérons que le compte personnel d'activité, grande avancée, sera maintenu, de même que le compte de pénibilité. Nous vous demandons de faire un point d'étape sur les négociations en cours.
En matière de pouvoir d'achat, nous saluons l'augmentation annoncée de la prime d'activité et le coup de pouce sur les salaires. D'accord aussi pour une hausse de la CSG en compensation d'une baisse des cotisations, mais nous ne voulons pas d'augmentation de la CSG pour les seuls retraités et les personnes âgées. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du groupe Les Républicains)
Vous avez précisé le calendrier de la suppression de la taxe d'habitation, cet impôt injuste dont les bases n'ont jamais été revues depuis cinquante ans. Sa suppression pour 80 % des contribuables est une bonne réforme.
M. Alain Gournac. - Pas pour les collectivités locales !
M. Didier Guillaume. - Il faudra des contreparties, mais 36 millions de Français gagneront en pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Vous avez mis sur la table votre sérieux budgétaire. C'est au nom de ce sérieux budgétaire que nous aurions souhaité examiner le budget de la nation en décembre dernier - la majorité sénatoriale, qui invoque aujourd'hui l'audit de la Cour des comptes, l'a refusé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et La République En Marche ; protestations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains). Le déficit était de 5 % en 2012, de 3,2 % en 2017 : est-ce un signe de mauvaise gestion ? (Mêmes mouvements)
La commission des finances devrait entendre Christian Eckert pour lui permettre de répondre aux accusations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on s'amuse sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - Il est en vacances !
M. Didier Guillaume. - Vous voulez faire des économies, nous vous soutiendrons, mais en restant vigilants : baisser la dépense publique, oui ; maintenir les services publics, trois fois oui. (Mme Eliane Assassi s'exclame).
Pour rapprocher l'Europe des peuples, il faut un projet politique ambitieux. Sur l'exigence européenne, le président de la République a été clair. Sur les questions de défense, de protection sociale, de travailleurs détachés, de zone euro, il faudra aller plus loin. L'idéal européen est toujours notre horizon : l'Europe qui protège ses peuples est la plus belle qui soit.
Ayez confiance, monsieur le Premier ministre, dans notre vigilance et notre exigence pour faire réussir notre pays et protéger les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche)
M. Philippe Dallier . - Lundi dernier devant le Congrès, le président de la République a dit assez justement que chacun devait lutter contre la part de cynisme qui l'habitait et agir sans arrière-pensée dans l'intérêt du pays. Chiche, monsieur le premier ministre !
Le préalable, c'est le respect de l'opposition. Ni à droite, ni à gauche, nous ne sommes pas les deux bouts d'une omelette auxquels on préférerait le milieu...
M. Loïc Hervé. - Vive le centre !
M. Philippe Dallier. - Il n'y a pas les constructifs et les démolisseurs : il n'y a ici que des parlementaires qui entendent exercer pleinement leurs droits de contrôle, d'amendement et d'initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Deuxième préalable : le respect des Français et de la parole donnée. À l'avenir, demandons à la Cour des comptes un audit six mois avant les élections, pas après !
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Emmanuel Macron ne pouvait pas ignorer la situation.
Il a certes plaidé pour le rétablissement des comptes publics, posé le problème de la compétitivité et annoncé une hausse de la CSG - ce n'est pas notre choix - pour financer la baisse des charges et la fin du CICE. Il a certes proposé 60 milliards d'euros d'économies - mais sans entrer dans le détail.
M. Alain Vasselle. - C'est exact.
M. Philippe Dallier. - Et il promet la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français - ce qui coûtera 10 milliards...
Candidat, il affirmait que l'équilibre des retraites était assuré. Patatras, le Conseil d'orientation des retraites le contredit ! L'audit de la Cour des comptes dénonce un dérapage de 8 à 9 milliards d'euros sur l'équilibre des comptes publics. La France est à la remorque de tous les pays européens ! Vous avez feint de piquer une colère... Le président de la République et le Premier ministre découvriraient tout ce que les parlementaires savaient ?
Vous étiez, monsieur le Premier ministre, membre de la commission des finances à l'Assemblée nationale. Or Gilles Carrez avait alerté sur l'insincérité du budget pour 2017. Au Sénat, nous avions examiné le budget en commission et refusé de le faire en séance tant il était insincère. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) La Cour confirme l'analyse de notre rapporteur général : le déficit serait de 3,2 %, comme le prévoyait Albéric de Montgolfier. Vous feignez de vous en étonner et sautez sur l'occasion pour repousser l'allègement des charges. N'y a-t-il pas là un peu de cynisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Bref, la hausse de la CSG, du prix du tabac, c'est pour tout de suite ; la baisse des impôts et des charges, pour plus tard... Votre première décision aurait dû être de présenter un collectif budgétaire plutôt que la énième loi de moralisation de la vie publique !
Vous allez multiplier les gels de crédit - mais le congélateur est plein, dit le président Migaud. Vous dessaisissez le Parlement de ses prérogatives - ce qui a certes pour vous l'avantage d'éviter un débat public - mais cela risque de se solder par des reports de charges...
Autre sujet : vos annonces sur les collectivités locales. On ne réduira plus les dotations de l'État, mais le président de la République dit souhaiter, en contrepartie, une baisse des dépenses des collectivités de 10 milliards d'euros. Comment le Gouvernement compte-t-il l'imposer ?
La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages pose un problème constitutionnel. En coupant le lien fiscal entre le citoyen et la commune, on amoindrit l'autonomie financière de ce qui reste, n'en déplaise à certains, la cellule de base de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Le mode de calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière est obsolète et inéquitable. Il est urgent de réviser les valeurs locatives : si le système est injuste, n'allons pas le faire perdurer pour les 20 % restants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union Centriste). Il faut également réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la dotation de péréquation.
Les élus locaux sont encore prêts à des efforts mesurés mais ne veulent pas se retrouver sous perfusion des dotations d'État - pas plus qu'ils ne veulent d'un nouveau big bang institutionnel.
Les élections ont mis en évidence des fractures territoriales et sociales. La France n'est pas divisée entre ceux qui ont réussi leur vie et ceux qui ne seraient rien, comme l'a maladroitement dit le président de la République.
Mme Nicole Bricq. - Oh !
M. Philippe Dallier. - Si les cadres, les CSP+, les centres-villes s'en sortent, la France rurale, les banlieues en difficulté, les agriculteurs, les ouvriers se sentent perdants dans la mondialisation.
Jamais autant de Français ne se sont tournés vers ceux qui proposent de renverser la table. Jamais autant de Français ne se sont abstenus aux élections législatives. C'est à eux que vous devez répondre en priorité, monsieur le Premier ministre !
Nous assumerons nos responsabilités sereinement. Nous vous soutiendrons quand nous jugerons vos mesures bonnes ; nous nous y opposerons dans le cas contraire. C'est aussi cela la démocratie : une majorité, une opposition. (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. David Rachline . - Après trois discours, nous ne sommes toujours pas convaincus que votre politique résoudra les problèmes de l'insécurité, de l'immigration subie ou du chômage de masse. Elle risque plutôt d'aggraver la dissolution de notre pays et de notre civilisation dans le magma généralisé de la mondialisation.
Après la technocratie, nous voici avec le gestionnaire comptable. Après une décennie marquée par l'explosion de la dette et l'austérité imposée par l'Union européenne, vous nous proposez de continuer pour respecter la règle des 3 % imposée par le commissaire bruxellois. Les caisses sont vides, on augmente les impôts : CSG, diesel, tabac... Les classes moyennes en feront les frais. Quant aux promesses, vous attendez le feu vert de la Commission européenne.
Avec l'augmentation du nombre de vaccins obligatoires, le lobby pharmaceutique se frotte les mains. Mais pourquoi des maladies disparues ressurgissent-elles ? Ayons le courage d'évoquer l'immigration massive ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Même au niveau européen, vous vous soumettez aux lobbies, par exemple sur les perturbateurs endocriniens.
Un oubli de taille dans votre discours : l'écologie. Il y a pourtant beaucoup à faire : patriotisme économique pour les produits agricoles, refus des traités de libre-échange, la création d'une vraie filière d'énergie renouvelable grâce à la priorité donnée aux entreprises nationales du secteur.
Rien non plus sur la sécurité, sinon l'intégration de l'état d'urgence dans le droit commun. Pourtant, on pourrait déjà appliquer l'article 411-4 du code pénal, fermer les mosquées radicales, expulser les fichés S...
Rien non plus sur l'immigration. Comme Alain Juppé quand j'étais enfant, vous promettez une réforme du droit d'asile. Cessons de mentir aux migrants et prenons donc des mesures drastiques, comme l'a fait l'Australie.
Mme Laurence Cohen. - C'est une obsession chez vous !
Mme Éliane Assassi. - C'est ça, l'asile ?
M. David Rachline. - Il faut mieux lutter contre les passeurs, surtout quand ils sont déguisés en ONG... (Exclamations à gauche)
Pas un mot sur le communautarisme, alors que dans certains quartiers, une culture, une loi étrangère remplace la civilisation française.
Nous avons bien senti que vous souhaitiez diluer les communes dans les intercommunalités. Les Français sont attachés à leurs communes et nous, nous les défendrons. Vous marchez mais vous ne savez pas vers où ! Le flou ne résistera pas longtemps au monde réel : nous serons là pour vous rappeler la réalité.
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche) Parce qu'il n'y aura pas d'état de grâce, parce que le Gouvernement doit réussir, monsieur le Premier ministre, vous pourrez être assuré du soutien du nouveau groupe sénatorial La République En Marche. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche)
Les outre-mer sont très représentés dans notre groupe et je m'en réjouis. Avec la succession du discours du président de la République devant le Congrès et de votre discours de politique générale, certains ont parlé d'effacement du Premier ministre. Pourtant, les deux têtes de l'exécutif ont donné une lecture parfaite de la lettre et de l'esprit de la Constitution : au président de la République de fixer un cap, au Premier ministre de définir la mise en oeuvre. Les mêmes ont accusé votre discours programme d'être trop détaillé, l'allocution du président de la République, d'être trop vague, trop « philosophique ». Oui, le président Macron nous a livré une vision élevée, exigeante de sa philosophie du pouvoir. Quitte à parler de philosophie, ces détracteurs auraient dû relire Héraclite d'Éphèse : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». De même, on n'entend jamais deux fois le même discours ! Le vôtre était dense, précis, concret et courageux.
Nous y avons retrouvé les promesses de campagne du président de la République. Vous avez montré le cap, défini une méthode pour obtenir des résultats rapides dans de nombreux domaines.
C'est une nouveauté : le Gouvernement tiendra ses engagements de campagne. Nous vous accompagnerons.
Vous avez aussi rappelé les grands principes de la méritocratie républicaine. Nous préférons le mot de justice à celui d'égalité, source de malentendus : oui à l'égalité des chances, non au nivellement par le bas. Nous voulons une société qui libère et protège. Il est des révolutions sans violences, quand la volonté d'hommes libres s'oppose à la fatalité. Ce n'est pas qu'un slogan : notre République est véritablement en marche.
L'exigence de nos concitoyens oblige au volontarisme et à la réussite. Il est l'heure de transformer la République, de bâtir une France nouvelle où les Français retrouveront la confiance. Nous sommes déterminés à agir pour le vivre ensemble et la laïcité, ciment de notre démocratie ; à lutter contre le chômage de masse, à moderniser notre économie par des investissements ambitieux, à améliorer le pouvoir d'achat de chacun. Nous sommes déterminés à améliorer la situation des territoires, à porter un projet d'émancipation réelle pour les territoires d'outre-mer.
Nous sommes déterminés à mettre en oeuvre un modèle de croissance réconciliant transition énergétique, industrie et agriculture, à restaurer l'autorité de l'État et à combattre les terroristes, à repenser la démocratie en développant la participation citoyenne, à relancer une Europe qui protège. Les chantiers sont nombreux pour construire la France des Lumières et des Droits de l'homme qui fera honneur à son histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, Union Centriste et RDSE)
M. Pierre Laurent . - On croyait que M. Macron était révolutionnaire. L'allocution de Versailles lundi et votre discours de politique générale ont remis les pendules à l'heure ! Ils auraient dû nous détailler le grand renouveau, mais ils manquaient de souffle, reprenant des refrains usés, malgré la nouvelle orchestration. Bref, nous avons entendu une nouvelle synthèse du sarko-hollandisme.
M. Roger Karoutchi. - Ah non !
M. Pierre Laurent. - Il aurait fallu rompre avec l'anachronique dérive présidentialiste du régime, rendre le pouvoir aux Français, instaurer de nouveaux droits pour les citoyens et les salariés, contre les intérêts de la finance. Voilà ce qui aurait été révolutionnaire.
Il aurait fallu donner un signal de confiance au Parlement plutôt que de convoquer les parlementaires à Versailles pour leur annoncer, dans un discours monarchique, qu'ils sont trop nombreux.
Inflation législative ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité. Il n'est qu'à voir le monstre législatif de 400 articles qu'a été la loi Macron, dictée par le Medef et adoptée par 49-3 ! Ne comptez pas sur nous pour faire allégeance à une dérive autoritaire de nos institutions : nous résisterons à l'inflation législative dictée par les lobbies capitalistes.
Nous voterons contre l'habilitation à légiférer par ordonnances. L'été, symbole des congés payés conquis de haute lutte, n'est pas fait pour casser le code du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Il faut inventer un avenir social, productif, écologique : non pas désintoxiquer le pays de la dépense publique - l'investissement public a chuté de 25 % sous le quinquennat précédent - mais de la finance !
Vous ne dites rien de l'évasion fiscale, du rôle des banques. Moraliser la vie publique ? Mais l'indécence de l'argent crève les yeux ! Et pourtant vous en rajoutez : allègement de l'ISF et baisse de l'IS, baisse pérenne des cotisations patronales, mais hausse de la CSG et gel du point d'indice des fonctionnaires !
Quand vous parlez de ceux qui n'ont rien, de ceux qui ne devraient pas se résoudre à être des assistés, savez-vous de qui vous parlez ? Neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, à cause du chômage et de la précarité que génère notre modèle économique. Nous vous demandons d'examiner notre projet de sécurisation de l'emploi et de la formation, de convoquer deux grandes conférences sociales : sur les salaires et les qualifications et sur la grande pauvreté.
Dans ce pays, on ne doit plus travailler pour un salaire de misère, ni être expulsé de son logement faute d'argent. Attaquez-vous plutôt au détournement des fonds publics au profit de la spéculation immobilière.
Le temps est venu de consacrer de nouveaux droits. Soyons à la hauteur de l'audace de Simone Veil : quarante ans après la légalisation de l'IVG, inscrivons ce droit dans notre Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Vous n'annoncez aucun nouveau moyen pour l'école, mais une autonomie des établissements scolaires qui renforcera les inégalités.
En matière de santé, comment concilier la poursuite des restructurations hospitalières dévastatrices avec les annonces sur les déserts médicaux ?
Un grand plan d'investissement pour les services publics, le développement industriel et la transition énergétique, voilà qui aurait été innovant ! Vous annoncez un plan de 50 milliards d'euros. C'est dérisoire, par exemple pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Dans le même temps, vous annoncez une baisse des dépenses de 3 % du PIB, soit 65 milliards : un massacre...
De quel sens résonne ce que vous annoncez sur l'avenir de nos territoires ? Refusons le fossé qui se creuse, dites-vous. Mais comment ? Vous annoncez une conférence des territoires. Mais pour quoi faire ? Pour renforcer les intercommunalités et les métropoles au détriment des départements et des communes. Vous ne savez pas comment compenser la perte pour les communes que sera la suppression de la taxe d'habitation.
Des Assises de l'outre-mer ? Il faudra des résultats, sans quoi la colère sera grande. Donnons aux collectivités d'outre-mer les moyens de maitriser leur avenir : plus de compétences, et un fonds de développement.
Être à la hauteur de l'époque serait faire de la France une messagère de paix et de solidarité dans le monde. Au lieu de cela, vous vous conformez aux exigences de l'Otan en augmentant les dépenses en matière de défense. N'est-ce pas la vraie raison de l'invitation de Donald Trump le 14 juillet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Vous avez salué le courage tranquille des Français. Comptez sur nous pour leur donner le courage de rêver et d'agir pour un monde meilleur. Notre addiction est pour eux, pas pour la petite minorité des puissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Merci pour la qualité de vos interventions.
Je remercie M. Bertrand pour son soutien exigeant, M. Zocchetto pour son soutien vigilant, M. Guillaume pour sa vigilance et son exigence qui pourraient prendre la forme d'un soutien. (Sourires) Je remercie M. Dallier d'avoir indiqué que tous les parlementaires étaient des élus de la nation, quel que soit le nom de leur groupe - j'avais moi-même regretté, à l'époque, le choix de mon parti de se baptiser Les Républicains, estimant qu'on ne pouvait prétendre à l'exclusive en la matière. (Marques d'approbation sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
Merci à M. Rachline d'avoir dit qu'il n'était pas convaincu : cela ne m'a pas surpris, ni consterné...
Mme Frédérique Espagnac. - Plutôt rassuré !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Merci d'avoir rappelé le rôle du maire. Je l'ai été pendant sept ans, d'une ville populaire de 175 000 habitants. Une ville pauvre, industrielle, qui connaît les duretés de l'histoire et des transformations économiques. J'en suis fier.
Je remercie M. Patriat pour son soutien carré et complet, qui n'exclut ni l'exigence ni la vigilance, (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche) et le sénateur Laurent pour son opposition tout aussi carrée et complète. (Sourires)
Je ne reviendrai pas sur tous les sujets qui ont été mentionnés, nous en aurons l'occasion dans les mois et les années à venir. Un mot toutefois sur la situation financière et budgétaire.
Le rapport de la Cour des comptes ne m'a pas mis en colère, je ne cherche pas de coupables. Assumons plutôt nos responsabilités partagées : depuis 1974, aucun budget n'a été voté à l'équilibre.
La Cour des comptes estime que le déficit sera de 3,2 % en 2017 - « si nous prenons des mesures énergiques ». C'est dire la gravité de la situation. À cela s'ajoute 2 147 milliards d'euros de dette. La Cour des comptes annonce un dérapage y compris par rapport aux prévisions les plus pessimistes. Le Comité d'orientation des retraites a revu ses hypothèses et considère désormais que l'équilibre des retraites ne sera possible qu'en 2040 - l'an dernier, il tablait sur 2025. Je le constate et me sens tenu d'y apporter des réponses.
Nous nous engageons à respecter l'objectif de déficit de 3 % en 2017 et n'avons pas besoin de collectif budgétaire pour cela. Cet objectif, c'est l'engagement de la France. Tous les pays européens ont fait des efforts, nous sommes les derniers. Ce n'est pas satisfaisant car nous chargeons les générations futures de la responsabilité de payer nos dettes.
Il aurait été facile de régler la question du déficit dans un collectif budgétaire en augmentant les impôts sans réduire les dépenses. Notre objectif est plus ambitieux que cela : ne pas augmenter les impôts en 2017, et tenir les dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche ; Mme Fabienne Keller, M. Christophe Béchu et M. Jérôme Bignon applaudissent également)
Nous visons la stabilité en volume des dépenses publiques. Réduire la charge salariale, ce n'est pas réduire le traitement des fonctionnaires, comme l'ont fait d'autres pays, mais garantir que la masse salariale reste stable entre 2017 et 2018.
Beaucoup d'entre vous l'ont fait au niveau local, je l'ai fait au Havre. C'est l'objectif que nous fixons aux administrations.
Nous augmenterons la CSG en 2018 en contrepartie d'une diminution des charges et cotisations salariales et sociales. Ce choix politique assumé, validé par les électeurs, ne devrait surprendre personne. L'objectif est de redonner du pouvoir d'achat à ceux qui travaillent. Si l'on veut relancer l'activité dans notre pays, il faut encourager ceux qui créent des richesses, salariés et indépendants.
Nous voterons dès la fin 2017 dans une loi de programmation des finances publiques l'ensemble des dispositifs fiscaux des années à venir. Les chefs d'entreprise n'attendent pas le grand soir fiscal mais ont besoin de prévisibilité. Cette loi fixera le chemin fiscal pour 2018, 2019 et 2020. C'est ainsi que, point par point et sur chacun des sujets, nous respecterons les objectifs fixés par le président de la République.
Reste le sujet important de la taxe d'habitation, ou plutôt du lien entre territoires et recette fiscale. Maire et président d'une agglomération très industrielle, j'avais moi-même émis des doutes sur le remplacement de la taxe professionnelle par une subvention, qui coupait le lien entre territoires et industrie. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes La République En Marche et socialiste et républicain)
M. Alain Richard. - C'était en 2010...
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Nous ne reviendrons pas sur cette réforme, car l'instabilité fiscale est insupportable. Mais si trop couper le lien entre la ressource fiscale et les territoires présente des inconvénients, cela n'interdit pas d'augmenter le pouvoir d'achat des Français en les exemptant de taxe d'habitation, ni ensuite de repenser un bon système fiscal local tenant compte des revenus, des richesses et des spécificités des territoires.
M. Didier Guillaume. - Très bien.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - L'impossibilité de moduler les taux en fonction des quartiers accroît les inégalités à l'intérieur d'une commune. La réflexion sera conduite par le ministre de l'action et des comptes publics, et nous aurons cette discussion.
Je vous remercie vivement et ai hâte de travailler avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, La République En Marche, RDSE, Union Centriste et Les Républicains)
Prochaine séance demain, jeudi 6 juillet 2017, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 30.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus