CDG Express (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle.
Discussion générale
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Ce projet de loi est une étape importante dans la réalisation du projet CDG Express, indispensable pour mieux rallier Paris à son principal aéroport. Vingt minutes suffiront en 2023 pour rejoindre l'aéroport depuis la gare de l'Est. Chacun comprend l'importance de conforter l'activité économique et touristique de la capitale, pour qu'elle demeure la première destination touristique du monde. Le calendrier est impératif, car les jeux Olympiques pourraient se tenir à Paris en 2024, l'Exposition universelle en 2025.
Les autoroutes A1, A3 et le RER B sont congestionnés. Le CDG Express favorisera le recours aux transports en commun pour rejoindre la plateforme aéroportuaire : ils devraient passer de 44 % à 60 % des trajets.
Cette nouvelle offre est complémentaire à celle qui existe actuellement et à celle du nouveau Grand Paris : des emplacements y seront réservés aux bagages, et il y aura des informations multilingues ; les autres lignes, quant à elles, doivent être réservées aux trajets du quotidien et à la desserte fine des territoires.
Il ne peut y avoir de Charles-de-Gaulle Express au détriment des quelque 900 000 voyageurs quotidiens du RER B. C'est pourquoi le projet de rénovation du TER Picardie et de la ligne H du Transilien s'ajoute aux 500 millions déjà investis dans le RER B en 2013, ainsi qu'au milliard d'euros supplémentaires du schéma directeur de la ligne B du RER, en cours d'application.
L'insertion architecturale et urbaine fait l'objet d'une attention particulière. Élus et population seront associés à la construction des aménagements - contre le bruit notamment.
Une déclaration d'utilité publique a été émise en 2008 ; une enquête publique rectificative a eu lieu cette année, donnant lieu à un avis favorable, sous réserve qu'une grille de circulation confirme l'absence d'impact sur les lignes existantes, et qu'un plan de financement chiffré soit établi.
Le nouveau montage économique, prenant acte de l'échec de la concession privée en 2011 et validé par la Commission européenne, sépare la construction de l'infrastructure de l'exploitation. Une société de projet, filiale de SNCF Réseau et ADP, sera chargée de la première ; c'est l'objet de l'ordonnance qu'il vous est proposé de ratifier. L'attribution de la mission d'exploitation à un opérateur, par voie d'appel d'offres, est prévue à l'article 2.
La mobilisation d'ADP et de SNCF Réseau est apparue incontournable. Pour ADP, le projet est une condition de son développement. Quant à SNCF Réseau, la loi ferroviaire de 2014 lui a imposé une règle d'or : pas d'investissements sans maîtrise de l'endettement.
Le décret est actuellement soumis à l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Mais le champ d'application de la règle d'or ne doit pas être trop restrictif. Le projet CDG Express est urgent, il comporte une part importante de renouvellement du réseau existant ; les deux tiers des investissements, soit un milliard d'euros, seront réalisés dans les emprises ferroviaires existantes.
En outre, la prise de fonds propres dans une société de projet - pour 200 millions d'euros - est moins risquée que si SNCF Réseau avait investi seul. Enfin, il n'y aura pas de subvention publique.
M. Philippe Dallier. - Il y aurait pu en avoir une.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Il est donc indispensable de prévoir ici une dérogation explicite à la règle d'or. On me dit que la crédibilité du Parlement l'interdit ; il me semble au contraire que le Parlement est le seul à pouvoir décider de l'application qu'il entend donner à cette règle.
Selon la modélisation, les ressources de billetterie ne suffiront pas. Nous songeons donc à une taxe sur les voyageurs aériens de CDG, hors correspondance.
Je peux vous informer dès aujourd'hui que la taxe ne sera perçue qu'à compter de la mise en service du CDG Express, début 2024 et non l'an prochain, comme prévu initialement. (M. Philippe Dominati s'amuse) Nous prévoirons en loi de finances rectificative une ressource de substitution jusqu'en 2023.
Si nous manquons cette occasion, le projet sera reporté peut-être pour des décennies. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit)
M. Louis Nègre, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Trois éléments principaux sont ressortis de l'examen de ce projet de loi en commission. Il s'agit d'une nouvelle étape dans l'histoire chaotique de ce projet. Nous sommes aujourd'hui contraints d'agir dans l'urgence, car il n'y a pas d'autre solution pour répondre aux besoins des voyageurs et à l'impératif de développement durable.
M. Vincent Capo-Canellas. - Très bien !
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'absence de ligne rapide dédiée entre la capitale et son principal aéroport est une anomalie française, qui nuit à notre image. Selon un sondage du ministère des affaires étrangères, c'est même le premier élément à notre passif. N'oublions pas non plus que, pour chaque million de voyageurs qui rejoint la capitale, ce sont 400 millions d'euros de valeur ajoutée et 4 500 emplois, dont 1 400 emplois directs en jeu.
Paris doit jouer son rôle de métropole mondiale, candidate aux jeux Olympiques de 2024 et à l'Exposition universelle de 2025. Elle doit être en mesure d'attirer les entreprises après le Brexit. Enfin, la réduction de la pollution de l'air en Île-de-France est un impératif et le CDG Express retirera 71 millions de véhicules-kilomètres dès 2025. La commission est donc favorable au projet.
La séparation de la construction et de l'exploitation, avalisée par la Commission européenne, ne pose pas de problème. L'exception au monopole de la SNCF anticipe sur le quatrième paquet ferroviaire : cette saine émulation ne peut que bénéficier aux usagers. Attention cependant à ce qu'un contentieux ne naisse pas du fait que SNCF Mobilité, propriétaire des gares, soit également concurrent pour l'exploitation : il ne faut pas que cela retarde le projet.
La commission, pour favoriser la recherche d'accords amiables, a allongé le délai d'expropriation d'extrême urgence.
La commission s'est inquiétée de la concurrence des différentes lignes sur les 24 kilomètres de voies communes avec le RER B. Heureusement, une enveloppe de 125 millions a été ajoutée au projet pour les dix trains du RER B qui emprunteront le sillon du CDG Express : l'Arafer s'en est inquiétée. Quelles conséquences, pour les usagers du RER B, lorsque la voie de secours sera rendue indisponible ? N'oublions pas que, malgré les efforts consentis ces dernières années, la qualité ressentie du service sur cette ligne ne s'est guère améliorée : il faudra veiller aux besoins des voyageurs du quotidien.
Le financement de l'infrastructure demeure problématique. La répartition des quelque 400 à 500 millions de fonds propres entre ADP, SNCF Réseau et, éventuellement, la Caisse des dépôts et consignations n'est pas encore claire.
Enfin, instaurer une dérogation à la règle d'or avant même son entrée en application est inacceptable. Nous ne pouvons l'écarter, à la première difficulté ! La loi votée s'applique, d'autant qu'il s'agit ici d'une règle de salubrité publique.
L'Arafer, elle aussi, insiste sur la nécessité de couvrir la participation de SNCF Réseau par des financements publics. Certes, le droit actuel interdit toute subvention mais Bercy saura faire...
M. Vincent Capo-Canellas. - Vous avez confiance en Bercy ?
M. Louis Nègre, rapporteur. - La taxe d'un euro par passager ne reçoit pas non plus notre assentiment. Pour certaines compagnies, la marge actuelle ne dépasse pas cinq euros par siège ! Mieux vaut affecter au CDG Express le surplus de la taxe de solidarité, soit dix millions d'euros actuellement réaffectés au budget général.
N'oublions pas non plus qu'ADP est en excellente santé financière et a distribué 260 millions d'euros de dividendes cette année. La société a les moyens d'investir dans ce projet primordial pour elle.
Nous devons offrir à nos visiteurs un service de transport digne de notre grande capitale, mais en respectant quelques principes qui fondent la crédibilité du Parlement ! (Applaudissements à droite)
Mme Aline Archimbaud . - Le projet CDG Express a pour objet d'offrir aux usagers de l'aéroport Charles-de-Gaulle une liaison en vingt minutes vers le centre de Paris, au motif que le RER B ne fournit pas un service satisfaisant.
Il est vrai que la situation y reste catastrophique : selon un blog d'usagers, 81 % des jours d'octobre dernier sont classés « à problèmes », dont 65 % à cause de l'état du réseau. Le Gouvernement choisit donc de consacrer 1,7 milliard d'euros au CDG Express - 20 000 voyageurs quotidiens -, plutôt que d'améliorer le service rendu aux 900 000 usagers quotidiens du RER B. Un billet à 24 euros excluant les salariés d'Île-de-France... Pour les uns, vitesse et confort ; pour les autres, retards et vétusté...
On cite des exemples étrangers. Mais à Berlin, Rome ou Bruxelles, le coût de liaison entre l'aéroport et la ville est bien moindre, entre 3 et 14 euros pour des trajets de vingt à trente minutes. Quant aux riverains, ils seraient victimes de nouvelles nuisances visuelles et sonores, avec le passage de huit trains par heure, de 5 heures à minuit. Et tout cela pour quoi ? Un gain de temps de dix minutes... et plus encore d'engorgement sur le RER B dont les sillons seront occupés. On oublie que la ligne 17 offrant de nombreuses correspondances et possibilités d'intermodalité, reliera bientôt Charles-de-Gaulle à Pleyel, véritable noeud intermodal.
L'enquête publique souligne le flou du plan de financement. Nous n'avons toujours pas compris combien il en coûtera à la SNCF... même si ce système de transport inégalitaire sera construit grâce à de l'argent public.
Nous proposons, nous, une amélioration structurelle du RER B et le financement de la ligne 17, donc une liaison omnibus au service de tous les Franciliens. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Nicole Bonnefoy . - L'aéroport Charles-de-Gaulle, le neuvième au monde pour son trafic, pâtit aujourd'hui d'accès congestionnés par la route comme par le rail. Le trajet peut prendre une heure trente.
La qualité du voyage en France s'en trouve dégradée. Le projet CDG Express est donc indispensable pour donner une image moderne de notre pays, soutenir le tourisme et la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 et à l'Exposition universelle de 2025. De plus, le trafic aérien doit doubler dans les dix prochaines années. Comment recevrons-nous 100 millions de touristes par an d'ici 2020 ?
C'est aujourd'hui « l'état d'urgence dans le secteur touristique », titrait Le Monde, avec un million de touristes en moins entre janvier et août 2016, malgré l'Euro de football - alors que le secteur représente 7 à 8 % du PIB et 2 millions d'emplois. Il nous faut rebondir. N'opposons pas le CDG Express au Grand Paris Express, d'autant que cette nouvelle desserte soulagera les lignes du quotidien.
Le Gouvernement veut autoriser SNCF Réseau à déroger à sa règle d'or afin qu'elle puisse participer en fonds propres au financement de la société de gestion, à hauteur de 100 à 300 millions d'euros. Une telle participation est moins risquée qu'un endettement. A contrario, l'absence de dérogation obligerait à recourir à la subvention, ce qui serait juridiquement fragile. J'invite donc la majorité sénatoriale à revenir sur sa position, qui confine à l'obstruction.
Rapporteur pour avis du transport aérien, je m'inquiète de la mise en place d'une nouvelle taxe sur les compagnies d'aviation, alors que le pavillon français voit déjà son activité diminuer. La stabilisation et la simplification des réglementations, ainsi qu'un environnement plus favorable, sont indispensables : c'est ce que disait Bruno Le Roux en 2014 dans son rapport sur la compétitivité du transport aérien. Peut-être faut-il mieux exploiter les ressources d'ADP, et tirer parti de l'excédent du produit de la taxe de solidarité, de 12 millions d'euros en 2015 et de 20 millions d'euros en 2016 - dont l'assiette pourrait être élargie, et cela sans remettre en cause les engagements de la France en matière de solidarité internationale ? J'espère qu'un compromis cohérent sera trouvé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Éliane Assassi . - Le CDG Express est un serpent de mer aux contours évolutifs. Il s'agit toujours d'améliorer la desserte de l'aéroport Charles-de-Gaulle depuis Paris, pour les seuls passagers aériens, séparés des autres. Nous nous y sommes toujours opposés, car il ne s'agit pas d'un projet d'intérêt général ni d'un outil du service public de transport collectif : le coût élevé du billet, hors grille du Syndicat des transports d'Île-de-France (Stif), de même que l'exclusion du Pass Navigo, en sont bien la preuve.
Tout ici est dérogatoire : ainsi de l'exception au monopole de la SNCF, qui nous fait craindre pour les salariés.
Le bilan entre l'intérêt public du projet et son coût, 1,4 milliard d'euros, ne plaide pas en sa faveur - d'autant que le coût du dévoiement du réseau gaz à Mitry-Mory n'a pas été intégré. On renforce ainsi la sursaturation du réseau au détriment des usagers du quotidien : Stif évalue à 1,5 milliard la perte de ponctualité sur les autres lignes. On pénalise 870 000 personnes pour en satisfaire 20 000... et l'on modifie la destination de 29 hectares de terres agricoles, en contradiction flagrante avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. L'Autorité environnementale s'en est émue.
Améliorer les conditions de circulation du RER B serait bien préférable. Le président de l'Assemblée nationale disait lui-même que c'était le meilleur moyen d'obtenir les jeux Olympiques. Doublement du tunnel entre Châtelet et la gare du Nord, rénovation du matériel roulant... les pistes ne manquent pas.
Quand la loi Macron prévoyait un financement privé, on met ici à contribution SNCF Réseau, exsangue, et ADP.
Ce projet éminemment politique, qui donne priorité aux usagers ayant les moyens de payer une offre dédiée, est dangereux, en ce qu'il confirme le développement d'une société à deux vitesses. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Robert Hue . - Depuis son inauguration en 1974, l'aéroport Charles-de-Gaulle est devenu le deuxième d'Europe. Paris, candidate aux jeux Olympiques de 2024 et à l'Exposition universelle de 2025, doit s'y préparer. C'est l'objet de ce projet de loi.
Si nous sommes sceptiques face à l'argument touristique, il est indéniable que le CDG Express rendra plus agréable le transport des voyageurs aériens. Les usagers du RER B en profiteront-ils aussi ? Rien n'est moins sûr, tant la situation sur cette ligne se dégrade...
Le législateur a tranché sur l'opportunité du projet. Reste qu'il ne doit pas nuire aux transports du quotidien, il faudra y veiller lors de l'attribution des sillons. Rappelons d'ailleurs que la ligne 17 du métro doit entrer en service en 2024.
Quant au financement, SNCF doit apporter 30 % des fonds propres de la société de gestion. Qui doit payer ? Les usagers ? Le gestionnaire de l'aéroport ? Le contribuable ? La question est légitime. En tout état de cause, la situation financière de SNCF Réseau devrait préalablement être consolidée.
En outre, la question de la concurrence du RER B se pose : le billet coûte 10 euros, contre 24 euros pour le CDG Express. Une fixation sincère du coût est essentielle.
Si vous entendez nos doutes, les sénateurs RDSE soutiendront ce projet indispensable à la capitale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Vincent Capo-Canellas . - Ce projet est central pour l'aéronautique française et pour l'attractivité de Paris, de l'Île-de-France, de tout le pays. Souvent évoqué, il répond à l'un des trois principaux problèmes cités par les visiteurs étrangers. Comme le dit le rapporteur, il faut cesser les atermoiements. Cette liaison doit être réalisée pour des raisons d'attractivité et de prestige de la région capitale, mais aussi pour relancer le tourisme, créer des emplois, bref soutenir l'économie du pays.
La réalisation du CDG Express jouera enfin sur la place de Paris dans la concurrence entre les hubs internationaux. Identifier des blocages, c'est bien ; les supprimer, c'est mieux. Ce projet a connu nombre de vicissitudes et nous lui avons même, collectivement, ajouté des verrous, voire des boulets.
Le projet du CDG Express ne retire pas de crédits à l'amélioration du RER B. Les lignes 16 et 17 du Transilien doivent aussi se développer. Mais entre Saint-Denis Pleyel, terminus de la 17, et Charles-de-Gaulle, il reste neuf stations et l'obligation de changer de quai crée une rupture de charge. Le CDG Express et la ligne 17 sont donc deux sujets distincts.
Nous agissons dans un contexte francilien où les transports sont sous-financés. Moi, la règle d'or, je suis allé au bout de sa logique quand il s'est agi de la renforcer : j'ai fait en sorte que mon groupe la vote, ce qui n'est pas le cas de tous ici. On ne peut donc soupçonner ma détermination en la matière. Cela me laisse libre de dire que l'on ne peut pas multiplier les verrous, au risque que le projet soit fragilisé. J'ai entendu les propos du secrétaire d'État sur la taxe. Ne revivons pas l'épisode de l'écotaxe.
Je souhaite que la France parvienne à régler ce très vieux problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
M. Roger Karoutchi . - Il y a quinze ans, je recevais Antoine Veil m'expliquant le projet de CDG Express. Depuis lors, j'ai vu défiler tant de projets... Quinze ans plus tard, pas un coup de pioche ni de marteau. La République est fidèle à elle-même : plus on attend, moins on avance... La situation est extraordinairement compliquée car chacun a son propre projet, chacun son dada.
Qui paie, se demande-t-on souvent ? En Île-de-France, c'est simple : la région paie tout : 32 milliards pour le CDG Express - pas trois francs six sous, 32 milliards ! L'État devait mettre des sommes conséquentes et puis M. Valls a dit que, plutôt qu'un apport, ce serait l'autorisation de pratiquer un prélèvement fiscal. Ce n'est pas tout à fait la même chose ! Comme je ne suis pas un mauvais bougre, j'ai voté le plan de 7 milliards du président Huchon mais combien l'État va-t-il donner ? Un peu....
Les travaux nécessaires n'ont pas été effectués pendant dix à quinze ans. Après tout, le public est captif. Il se fait transporter, parfois « comme du bétail » selon le mot d'André Santini.
Je suis hésitant vis-à-vis du CDG Express. J'avais proposé naguère le doublement du tunnel Châtelet-gare du Nord. On m'a dit que c'était techniquement impossible, puis que l'impossibilité était financière. Entre la rénovation de l'existant et l'investissement nécessaire, il faudra débourser au moins 40 milliards d'euros. Je ne sais pas s'il faut revenir ou non sur la règle d'or, je ne suis pas un spécialiste ; ce que je sais, c'est que nous avons dérogé à la règle visant à doter les usagers de transports de qualité. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
L'amendement de M. Capo-Canellas va dans le bon sens. Il faut laisser le Stif et la Société du Grand Paris se concerter pour la rénovation de l'existant. Nous avons besoin du CDG Express : nous avons perdu un million de touristes depuis le début de l'année et les investissements étrangers ont baissé d'un quart en trois ans. Et ce n'est pas dû qu'aux attentats. Il faut envoyer aux investisseurs et aux touristes étrangers des signaux positifs. Arrêtons, monsieur le rapporteur, de toujours invoquer des règles qui interdisent et limitent car à la fin, c'est l'usager francilien qui paie, ne serait-ce qu'en baisse de qualité. Trouvons des moyens de financement pour que les transports franciliens ne soient plus une galère.
L'Île-de-France n'est pas une région riche qui peut tout financer, c'est une région qui, en matière de transports, est en difficulté. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nicole Bricq . - Je ne suis pas spécialiste des transports mais élue francilienne et j'exerce ici un droit de suite parlementaire, puisque c'est l'article 8 de la loi Macron, voté par le groupe socialiste, qui autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance en matière d'infrastructures de transport.
Je soutiens ce projet sans état d'âme. La France est la première destination touristique mais ses visiteurs y dépensent moins qu'en Espagne. La France a de plus des difficultés à retenir sa clientèle d'affaires qui, rebutée par l'hébergement et les transports, s'en va passer le week-end à Londres.
Il faut aussi investir sur le RER B. Le contrat de plan État-région de la région Île-de-France prévoit des travaux. La région capitale doit être à la hauteur de ses homologues mondiales, et pour ce faire, elle doit améliorer son offre de transport. Ce n'est pas un hasard si Mme Hidalgo propose aujourd'hui même de porter à douze le nombre de dimanches ouvrables, elle qui y était si hostile.
Quant à la rentabilité du projet, si nous avions eu les mêmes préventions pour le tunnel sous la Manche, il n'existerait pas. La rentabilité d'un tel investissement doit s'apprécier dans la durée. Monsieur le secrétaire d'État, je vous fais confiance pour trouver une solution de remplacement à la taxe, qui avait rassemblé contre elle de nombreuses oppositions.
À Toulouse, la liaison directe vers le site d'Airbus coûtera 2,4 milliards. J'aurais honte que les Toulousains nous passent devant en réalisant cet investissement avant la région capitale le sien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Dominati . - Nous aurions pu avoir un beau débat. Il a fallu quarante-deux ans pour essayer de corriger une anomalie française. La deuxième plateforme aéroportuaire manque d'une liaison directe à la capitale. Le premier responsable en est l'État, et ses sociétés, l'État qui veut toujours tout contrôler. En attendant, les Franciliens n'ont toujours pas les infrastructures répondant à leurs besoins.
Bref, nous voulons les mêmes solutions que les autres pays tout en refusant le financement privé, alors que l'État n'a plus d'argent ! Les Parisiens, dont je suis, ne perçoivent pas la gare de l'Est comme le centre de Paris. Quant au prix de la liaison - 48 euros pour un couple ! - il risque de peser sur la rentabilité du projet. Et qu'en est-il de la liaison Orly-Roissy ?
Air France dit qu'elle ne veut pas de renchérissement du coût, par crainte de peser sur l'attractivité de l'Île-de-France. Les difficultés naissent de ce que nous débattons d'un projet très ancien, qui provoque chez moi un malaise : la concession, signée en 2010, a été remportée par un groupe de BTP ; puis la liaison a été abandonnée, le groupe a pris des participations dans ADP, et a ensuite décidé que la liaison était pertinente. Et ce serait au contribuable de payer... Si ADP, parce qu'il a changé de politique, juge que le projet est nécessaire, alors il doit le financer !
Quant à la taxe pour le CDG Express, elle ne sera applicable qu'en 2023. Bref, il faudra des arguments plus convaincants pour que je vote ce texte.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État . - On peut être contre ce projet à condition de l'appréhender correctement. Le CDG Express ne peut être opposé au RER B, car ces deux lignes n'ont rien à voir. La première a pour but d'accroître l'attractivité de la France ; son coût s'élève à 1,4 milliard, contre 32 milliards pour le Grand Paris Express. Et une partie de l'enveloppe de 1,4 milliard servira au transport du quotidien. J'ajoute que ce n'est pas de l'argent public. Quant aux incidences du CDG Express sur le RER B... La question est pertinente. Sans ignorer le CDG Express, les solutions techniques prendront en compte prioritairement les transports du quotidien, c'est-à-dire le RER B : je l'ai dit explicitement devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
M. Karoutchi a dit des choses justes sur l'état du réseau. Pendant des années, on a utilisé l'argent restant pour la maintenance et non la régénération du réseau. L'enveloppe a augmenté, à 4,9 milliards d'euros.
Le Gouvernement est très attentif à la compétitivité du transport aérien. Le CICE bénéficie à Air France à hauteur de 70 millions d'euros par an. Compte tenu de son résultat d'exploitation, ce n'est pas rien ! De plus, la taxe de correspondance a été supprimée - soit 65 millions d'euros par Air France en année pleine, et donc une aide publique totale égale à 135 millions d'euros par an.
Le Gouvernement continuera à accompagner les efforts des compagnies.
Voter le texte tout en maintenant la règle d'or - principe issue d'un décret de 1997 - c'est convoquer les obsèques du CDG Express... Fallait-il y déroger pour la LGV Est ? Vous avez répondu oui, et vous avez eu raison, car cette ligne n'aurait pas existé sinon.
Nous proposons que SNCF Réseau ait des partenaires privés, comme ADP, eux aussi attentifs aux résultats d'exploitation. La seule question à se poser est celle de l'attractivité. Il faut des actes pour y répondre.
J'espère que le Sénat soutiendra ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.