État d'urgence et renforcement de la lutte antiterroriste (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste (n°809, 2015-2016).
À ma demande, comme nous l'avons fait hier, nous voterons par scrutin public sur l'ensemble de ce projet de loi, conformément à l'article 60 de notre Règlement.
Discussion générale
M. Michel Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - (Applaudissements au centre et à droite) La CMP qui s'est réunie hier soir à 22 heures est parvenue à un accord, en dépit de certaines prévisions pessimistes. Les élus de bonne volonté ont su s'accorder pour donner au Gouvernement, sur des bases claires, des pouvoirs renforcés pour faire face à la menace terroriste. J'en remercie tous les membres de la CMP, en particulier le président et le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui ont fait preuve d'une large ouverture d'esprit. Les conclusions de la CMP reprennent le texte voté hier par le Sénat, à deux exceptions près, car tout accord est un compromis : la création d'un délit de séjour sur zone à l'étranger où opèrent des groupes terroristes, et la rétention et la surveillance de sûreté pour les terroristes.
La CMP a ainsi validé la facilité accrue pour le préfet de fermer des lieux de culte où sont tenus des propos incitant à la haine et à la violence ou faisant l'apologie du terrorisme ou d'interdire des cortèges ou rassemblements dont la sécurité ne pourrait être garantie. L'autorité administrative pourra désormais procéder aux fouilles de bagages et de véhicules et aux contrôles d'identité sans avoir à justifier de circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public, comme l'exige en temps normal le Conseil constitutionnel.
Pour accepter cette prorogation, il fallait aller plus loin que ce que permet l'état d'urgence actuel et ajouter des mesures permanentes de lutte contre le terrorisme.
C'est pourquoi l'assignation à résidence applicable aux personnes revenant d'un théâtre de conflit est portée de un à trois mois ; la limitation à deux ans du délai maximal d'interdiction de sortie du territoire est supprimée ; la durée maximale de la détention provisoire pour les mineurs de 16 à 18 ans impliqués dans une opération terroriste est augmentée ; le quantum de réclusion criminelle applicable aux crimes terroristes passe de vingt à trente ans ; la peine complémentaire d'interdiction de territoire français pour les étrangers condamnés pour actes de terrorisme est rétablie ; l'armement des polices municipales est facilité. S'agissant du régime d'application des peines, la CMP a validé la version du Sénat, ainsi que deux de nos apports renforçant l'efficacité de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Les apports de Roger Karoutchi sur la réserve opérationnelle et de Mme Garriaud-Maylam sur le CSA ont été conservés. (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains)
Ces mesures renforcent les pouvoirs de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire, tout en restant dans le cadre constitutionnel qui est le nôtre.
Mme Françoise Laborde. - Heureusement !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire disposent désormais d'un arsenal pour faire face au terrorisme. C'était le devoir des élus de la Nation de les armer dans une lutte qui sera longue et difficile. En votant ce texte, nous y concourrons. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Une semaine après l'attentat de Nice, l'émotion reste intense, immense. En visant la France un 14 juillet, en tuant aveuglément 84 innocents, le terrorisme s'en est pris à nos symboles, à notre devise, à nos valeurs.
Nous ne laisserons pas le terrorisme diviser notre pays, fragiliser notre société, fissurer notre République. Dans ces moments, il n'y a pas de place pour la division, la dispersion. Le texte de la CMP fait la démonstration de notre unité. Celle-ci n'est pas l'absence de débat, de contrôle, d'évaluation ; mais le débat n'est pas la remise en cause systématique de l'action de l'État et de nos forces de l'ordre.
La France est une démocratie vivante, avec des institutions solides. Je salue tout particulièrement la qualité des débats de votre assemblée, qui a fait preuve de grande sagesse.
Mme Isabelle Debré. - Comme toujours !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Toutes les propositions ont été écoutées et le Gouvernement a accepté que son texte évolue. Je me réjouis de l'accord qui a été trouvé hier soir, symbole de l'unité de la Nation, de ses représentants face à la terreur.
Notre responsabilité collective est de nous doter de tous les moyens humains et juridiques pour lutter contre le terrorisme. Le président de la République a décidé de maintenir l'opération Sentinelle, qui mobilise 10 000 militaires pour contrôler les frontières et sécuriser les grands rassemblements estivaux. Cette présence sera rééquilibrée de manière pérenne entre Paris et les régions.
Nous avons aussi mobilisé la réserve opérationnelle civile, qui compte déjà 12 000 volontaires ; c'est essentiel pour épauler les forces de l'ordre, soumises à rude épreuve.
L'état d'urgence est un régime réactif et efficace, qui a fait ses preuves : les 3 594 perquisitions administratives réalisées depuis le 14 novembre 2015 ont permis de saisir 756 armes et conduit à ouvrir 600 procédures judiciaires.
Merci au président Larcher d'avoir permis l'examen de ce texte dans de bonnes conditions. (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur certains bancs du groupe socialiste et républicain) Merci au président Bas, qui a réuni la commission des lois dans les meilleurs délais, ainsi qu'au rapporteur Michel Mercier qui a joué un rôle essentiel pour faire aboutir la CMP. (Applaudissements au centre et à droite)
Le texte initial a été enrichi. Le Gouvernement souhaitait adopter des mesures efficaces, tout en respectant notre Constitution et nos principes fondamentaux. En dépit de quelques désaccords, les propositions du Sénat s'inscrivaient dans cette philosophie. Je n'ai pas entendu parler dans votre hémicycle de « juridisme », quand il s'agit de défendre la Constitution, mais de grands principes républicains. Le débat de mardi soir à l'Assemblée nationale résonne encore dans mes oreilles...
Premier pilier de ce texte : le renforcement de l'état d'urgence, que les parlementaires ont souhaité prolonger de six mois. La retenue d'une personne sur les lieux d'une perquisition administrative sera désormais possible et les fouilles des véhicules, des bagages et les contrôles d'identité seront facilités.
Le deuxième pilier de ce texte est d'initiative parlementaire, les élus que vous êtes ayant su se saisir de la lutte antiterroriste : le délit d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste est consolidé, les pratiques d'application des peines en matière terroriste légalisées et la loi sur le Renseignement renforcée.
Nos concitoyens attendent des résultats ; ils ne comprennent pas les vaines polémiques. Ils savent que le combat contre le terrorisme sera long et fera sans doute d'autres victimes.
Je salue le travail des parlementaires qui ont examiné ce texte avec le souci de la responsabilité et de l'unité qui doit être celle de tous les républicains quand la cohésion nationale est menacée.
Le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur sont déterminés, je le répète, à remporter cette guerre. Enfin, au nom du Gouvernement, je tiens aussi à saluer l'action de nos forces de l'ordre, sous l'autorité de Bernard Cazeneuve. Je vous appelle à voter à une large majorité ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs bancs à droite et au centre).
M. Jacques Mézard . - La grande majorité du groupe RDSE votera le texte de la CMP - qui n'est pas celui qu'avait voté le Sénat. J'ai encore aux oreilles le cri du coeur de Mme Estrosi-Sassone, hier. En dépit de nos réticences, nous voterons ce texte pour adresser un message de confiance et de rassemblement aux Français.
Au-dessus de nos différences, nous devons placer l'intérêt général, le sens de l'État et de la République. Toutefois, il faudra, un jour, revenir sur les causes de ce qui s'est passé - le moment n'est pas encore venu.
Je l'ai dit hier, certains des amendements du rapporteur étaient des excroissances inopportunes que nous ne pouvions accepter, au nom de notre attachement aux valeurs républicaines de liberté.
Ce texte est plus celui de l'opposition nationale que du Gouvernement. (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains) Cela révèle autant la fragilité de l'exécutif que l'immense habileté diplomatique du rapporteur !
Par la dignité de ses débats, le Sénat de la République, qui est tout sauf une « anomalie », a montré ce que pouvait être l'expression de la démocratie représentative en République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, communiste républicain et citoyen, UDI-UC et Les Républicains)
Il eût été bon, quand on parle de co-construction, d'y associer les groupes minoritaires...
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Jacques Mézard. - L'urgence n'excuse rien en la matière ! (Mme Éliane Assassi et M. André Gattolin applaudissent) Je le dirai au ministre de l'intérieur, que j'estime grandement.
Nos concitoyens attendent du concret. Mais ayons le courage de leur dire que l'accumulation des textes ne règlera pas tout. Cinq textes déjà ! Quelles nouvelles mesures pourrions-nous prendre, si par malheur le terrorisme nous frappait à nouveau ? Monsieur le ministre, faites-nous donc la liste, pour la prochaine fois...
Nous sommes tous d'accord pour mettre les moyens matériels et humains à disposition de nos forces de sécurité, qui n'en peuvent plus. Telle est l'urgence.
Il faudra aussi parler de la politique étrangère menée par nos gouvernements successifs, dont la faillite depuis dix ans est en partie responsable des drames d'aujourd'hui. Il faut en tirer les leçons. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certains bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Jacques Mézard. - Le comité de suivi parlementaire ne devra pas être une caution mais faire son travail avec constance et efficacité, que cela plaise ou non au Gouvernement, quel qu'il soit. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC et Les Républicains)
La grande majorité du groupe RDSE soutiendra les efforts de ce texte pour lutter contre un terrorisme inadmissible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
M. Philippe Bas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Hier, chacun avait présent au coeur toutes ces vies arrachées, si précieuses. Cette tragédie nous oblige à la dignité : la Haute Assemblée en a donné l'exemple. Elle nous oblige aussi à l'efficacité. Bien sûr, la loi ne peut pas tout. D'ailleurs, nous la remettons sans cesse sur le métier pour donner de nouveaux outils au Gouvernement et aux préfets ; sans doute devrons-nous le faire encore.
Autant il serait vain de brandir l'arme de la loi en réaction à chaque événement, autant il serait regrettable de renoncer aux améliorations législatives qui renforcent les pouvoirs de la police et de la justice, tant que la sécurité des Français restera menacée. Elle risque de le rester longtemps, hélas.
Reconduire à l'identique l'état d'urgence n'aurait pas été pertinent. Mais dès lors que nous renforçons les pouvoirs des préfets, facilitons les fouilles et les contrôles d'identité, interdisons les rassemblements dont la sécurité n'est pas garantie, renforçons les peines encourues et les pouvoirs de la justice, alors la prolongation de l'état d'urgence est justifiée.
Oui, dans ces conditions, il fallait proroger l'état d'urgence, même s'il nous en coûte de modifier nos habitudes, face à une menace durable. Nous l'avons dit dès lundi, nous l'avons fait en collaboration avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale, montrant une belle image d'une représentation nationale faisant tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer la sécurité des Français.
En contrepartie de cette prolongation de six mois, il convient de renforcer le contrôle parlementaire. Chaque jour, nous serons à l'oeuvre. Je proposerai de reconduire le comité de suivi de la commission des lois. Ce texte, d'ailleurs, va dans ce sens, en imposant au Gouvernement de tenir les parlementaires informés au jour le jour des mesures prises.
À mon tour, je rends hommage à nos forces de l'ordre, mobilisées jusqu'à l'épuisement, et me réjouis que l'amendement de M. Karoutchi, qui prévoit des renforts, ait été adopté.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Philippe Bas. - Certes, nous devons rester droits dans nos bottes, mais nous ne pouvons continuer à vivre comme avant. On ne peut vivre en guerre comme on vit en paix. Je le dis à tous nos concitoyens, nous devons accepter l'annulation des feux d'artifice, les fouilles, les contrôles d'identité, etc. Cela durera peut-être plusieurs années, mais c'est le prix à payer : que les Français accompagnent l'effort national, en pleine conscience.
Grâce au travail et à la force de conviction de Michel Mercier, la CMP a abouti, reprenant l'essentiel des apports du Sénat. Si ce texte est plus protecteur, c'est bien grâce au Sénat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Mme Éliane Assassi . - En politique comme dans la vie, la précipitation est mauvaise conseillère. Agir vite en situation de crise n'empêche pas de faire preuve de discernement. Après le 13 novembre, l'état d'urgence était justifié par la menace que faisait peser la présence certaine d'un groupe militarisé sur le territoire. Mais l'état d'urgence est un état d'exception, il ne peut être permanent ; dès le 20 novembre, j'ai émis des doutes sur l'opportunité de maintenir dans la durée un dispositif qui limite l'État de droit et les libertés individuelles.
Depuis trente ans, les textes s'empilent dans une fuite en avant sécuritaire. Le risque zéro n'existe pas et l'état d'urgence, qui a fait la preuve de son inefficacité, ne fait qu'ajouter de la tension à la tension, alors que nos forces de sécurité fatiguent.
Ces choix font la satisfaction de Daech et du FN, qui se paye le luxe de voter votre texte - je note que ses représentants sont d'ailleurs absents aujourd'hui. L'acceptation d'un état de guerre est l'objectif premier des islamistes radicaux ! L'union si large, du PS au FN, en faveur de ce jusqu'auboutisme sécuritaire m'inquiète. L'état d'urgence, à la vérité, est devenu inutile, ce que nombre de responsables politiques, à droite comme à gauche, reconnaissent. En faisant ce choix incohérent, le Gouvernement a agi sous la pression d'une opposition en mode préélectoral et d'une opinion publique saturée d'images insoutenables.
L'attaque sauvage de Nice, atypique et imprévisible, justifiait de prendre le temps de la réflexion, pour élaborer des mesures plus adaptées. C'était possible puisque l'état d'urgence durait jusqu'au 26 juillet.
La polémique qui enfle sur la réalité des moyens déployés sur la promenade des Anglais démontre que la vraie question est celle... des moyens.
Nous appelons à une mobilisation sociale, à un état d'urgence populaire. Notre police et notre justice sont exsangues ; il faut rétablir la police de proximité. L'école, les collectivités locales, les associations doivent être en première ligne ; cet état d'urgence populaire doit être un sursaut démocratique et social.
Enfin, il faut revoir notre politique internationale. Les choix de Nicolas Sarkozy en Libye ont en effet été catastrophiques, ouvrant la voie à Daech. (Mouvements à droite ; M. Jacques Mézard abonde)
Le Gouvernement et sa majorité ont beaucoup cédé, acceptant un renforcement de la réponse pénale, inefficace par nature contre des fanatiques.
Un symbole : ce texte est adopté le jour où le 49-3 est à nouveau dégainé pour faire passer à la hussarde la loi Travail, contre l'avis de 71 % des Français, qui ne pourront donc manifester pour s'en indigner. Cela confirme nos craintes sur l'influence détestable de l'état d'urgence sur les droits politiques et sociaux.
Le groupe CRC, composé d'élus responsables, votera résolument contre ce projet de loi sous influence. (M. Pierre Charon ironise) Seule la mobilisation positive de la société et l'espérance politique et sociale permettra d'affronter la menace et de réaffirmer la force de vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Pierre Sueur . - Nous ne pouvons pas être heureux d'avoir dû voter la prorogation de l'état d'urgence et de devoir la voter de nouveau...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Personne ne l'est !
M. Jean-Pierre Sueur. - L'horreur terroriste a encore frappé. Pour autant, j'ai la conviction que nous avons le devoir de voter ce texte, présenté à l'initiative du président de la République par le Premier ministre et le Gouvernement. Monsieur le ministre, nous sommes solidaires de cette démarche.
Chère madame Assassi, nous ne le votons pas sous la pression du Front national...
Mme Éliane Assassi. - Mais si !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous le votons pour la sécurité, nous le votons pour que soient prises les mesures de rigueur nécessaires.
Mme Éliane Assassi. - Continuez comme cela et vous verrez !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nos ennemis barbares ne respectent pas notre civilisation et la démocratie, notre bien commun ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, UDI-UC et Les Républicains)
Treize membres de la commission mixte paritaire sur quatorze ont ce texte voté et nous respectons ceux qui ont exprimé un autre choix.
Le groupe socialiste exigeait, d'abord, plus de rigueur, plus de sécurité et plus d'efficacité dans la mise en oeuvre de l'état d'urgence. Après ce que nous avons vécu, il eût été impossible qu'il en fût autrement. Ensuite, le respect entier de l'État de droit.
Ces conditions sont remplies. Une précision utile a été ajoutée hier au texte, procédant des fondamentaux de notre droit : il est inadmissible que des lieux de culte abritent des expressions incitant à la haine, au terrorisme, à l'antisémitisme et au racisme.
M. Pierre Charon. - Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur. - Ces expressions doivent être réprimées en vertu des textes que nous avons en partage.
Le groupe socialiste s'est appliqué à obtenir la suppression de la rétention de sûreté, nous n'en voulons pas pour des raisons que j'ai déjà expliquées.
Le texte respecte en tout point le pouvoir du juge. Il restera plein et entier tant pour apprécier les modalités d'application des peines que pour prononcer les sanctions en cas de séjour sur un site où se développe le terrorisme ou interdire le séjour sur notre territoire d'une personne condamnée pour terrorisme. Aucun d'entre nous n'a cédé à ce qu'ici ou là certains demandent : la mise en détention de personnes sur la base du soupçon. Dans notre République, il n'y a détention que par la décision d'un juge et sur le fondement d'actes définis.
Nous avons choisi d'accroître la sévérité des mesures prises et nous avons choisi de le faire dans le cadre de l'État de droit. Procéder autrement eût été une victoire pour les terroristes.
Enfin, et cela a été remarqué, le Sénat et la commission mixte paritaire ont préféré à la polémique et à la diatribe, l'unité. Cette unité n'est pas factice, elle est construite sur un compromis qui nous engage tous. Car l'unité est notre bien le plus précieux contre la barbarie et ses instigateurs qui ne respectent ni la laïcité ni les valeurs de la République auxquelles nous sommes passionnément attachés et qui nous rassemblent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, UDI-UC et Les Républicains)
M. Jean Desessard . - Saluons la rapidité du travail accompli...
Mme Éliane Assassi. - C'est sûr...
M. Jean Desessard. - Le Parlement a répondu au souhait du Premier ministre. En creux, se pose pourtant une question : à quoi donc ont servi les autres textes supposés nous protéger ? (Exclamations à droite) À chaque fois, on en ajoute...
L'ensemble du groupe écologiste partage les objectifs du texte :...
Mme Catherine Deroche. - C'est déjà ça !
M. Jean Desessard. - ...rendre la lutte antiterroriste plus efficace dans le respect de l'État de droit. Cependant, chacun de ses membres n'a pas la même façon d'appréhender ce texte. Certains, guidés par le souci d'agir, ont choisi d'accompagner la démarche du Gouvernement. Cela leur a été d'autant plus facile que la CMP a retiré du texte les dispositions qui posaient le plus de problèmes. D'autres ont jugé que la prorogation de l'état d'urgence, qui n'a pas empêché de nouveaux drames, n'était pas opportune. La menace prend tant de formes qu'il est impossible de les envisager toutes. Le président de la République, dans son interview du 14 juillet, annonçait d'ailleurs, quelques heures avant le drame de Nice, la fin de l'état d'urgence, considérant qu'il avait perdu de sa force. N'est-ce pas paradoxal d'y revenir aussitôt alors que l'état d'urgence n'a manifestement pas évité la tragédie ?
Cela dit, monsieur le ministre, je vous comprends. Si vous aviez mis fin à l'état d'urgence trois mois plus tôt, on aurait entendu les critiques fuser du côté droit de l'hémicycle : « Irresponsables ! » « Pourquoi cette décision ! ».
Voilà le problème : la surenchère. On ne prend pas le temps de réfléchir. L'état d'urgence n'est pas neutre, il porte atteinte à la démocratie ; nous devons être vigilants. Comme M. Mézard, je m'interroge : quelle sera notre réponse si un nouvel attentat se produit ?
À chaque nouveau drame, on renforce la répression. Certains députés, et non des moindres, ont proposé des camps pour les personnes suspectées de terrorisme. Inquiétant ! La démocratie s'est construite au fil des siècles, certains sont morts pour la défendre.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - À Prague !
M. Jean Desessard. - Prenons garde à ne pas la détruire en quelques heures !
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Jean Desessard. - Le Parlement a travaillé depuis les attentats de Charlie Hebdo. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale a formulé des propositions concrètes pour améliorer la lutte contre le terrorisme. L'urgence est désormais de réfléchir à de véritables réponses à moyen et long terme.
Je l'ai dit hier, nous devons analyser les causes de ces attentats, les comprendre et construire une politique pour apporter une réponse globale et efficace, que ce soit au niveau international ou national. L'État islamique joue sur nos peurs pour nous diviser, ne tombons pas dans son piège. Ce texte n'est pas la solution, il en est l'illusion. Ce n'est pas seulement notre organisation policière qu'il faut réformer mais notre organisation sociale tout entière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et communiste républicain et citoyen)
M. François Zocchetto . - (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains) Après le drame qui a endeuillé notre pays, nos concitoyens réclament plus que jamais de l'efficacité. Proroger l'état d'urgence de trois mois comme l'a proposé le Gouvernement est nécessaire mais non suffisant. Le Parlement a pleinement joué son rôle en renforçant les moyens de lutte contre le terrorisme.
Je veux saluer l'implication sans faille de MM. Michel Mercier et Philippe Bas. Hier soir, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis. Dans un moment aussi grave, il était impensable qu'il en soit autrement. Les apports du Sénat ne sont pas le fait de l'improvisation. Ils sont le fruit des travaux de fond accomplis au sein de notre Haute Assemblée.
Ce texte, si nécessaire soit-il, ne doit pas nous faire oublier que la sécurité n'est pas du seul ressort de l'appareil d'État. Quand l'ennemi est caché parmi nous, nous devons tous être vigilants. À nous, parlementaires, de transmettre ce message autour de nous. Il ne s'agit pas de créer la psychose, il s'agit de mobiliser pleinement la société.
La lutte contre le terrorisme, parce qu'elle est difficile, est de long terme ; elle se poursuivra au-delà de l'état d'urgence - il ne peut durer éternellement. Notre responsabilité sera d'expliquer à nos concitoyens que la fin de l'état d'urgence ne signifie pas la fin de la mobilisation sans faille contre le terrorisme.
La situation que nous vivons depuis plusieurs mois nous plonge dans une grande perplexité : quelle est notre capacité, Parlement et Gouvernement, à accompagner l'évolution du monde ? Internet et la mondialisation bouleversent les schémas traditionnels, rendent obsolètes les réponses classiques et même des pans entiers de notre législation. Notre génération a un immense travail à accomplir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État . - Je veux remercier tous les orateurs pour leur propos et la qualité du débat.
Madame la présidente Assassi, je suis surpris. Lundi soir,...
Mme Éliane Assassi. - Entre-temps a eu lieu la CMP !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - ...vous aviez la capacité de discernement. Vous disiez l'opposition de votre groupe politique à l'état d'urgence tout en considérant certaines mesures utiles. Vu les différences historiques qui opposent socialistes et communistes sur la question des libertés, je ne peux pas, spontanément, intérioriser vos critiques ! (Rires à droite)
Mme Éliane Assassi. - Assez !
M. le président. - Madame Assassi, laissez le ministre extérioriser ce qu'il a à dire...
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - À aucun moment vous n'avez démontré que ce texte allait contre l'État de droit. Seul votre groupe défendrait les libertés publiques contre tous les autres, ralliés au Front national ?
Mme Éliane Assassi. - Vous refusez nos propositions !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Je regrette vos actes et vos propos, ils montrent que vous avez perdu la capacité de discernement.
Mme Éliane Assassi. - De quels actes parlez-vous ?
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, de notre Règlement, le Sénat, examinant le texte de la commission mixte paritaire après l'Assemblée nationale, se prononcera par un seul vote en ne retenant que l'amendement présenté par le Gouvernement.
ARTICLE 11 QUINQUIES
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par les mots :
, sous réserve de l'accord de l'employeur
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - La mobilisation de la réserve opérationnelle suppose de consulter les entreprises.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
M. Roger Karoutchi. - C'était dans l'exposé des motifs de notre amendement, nous y sommes donc également favorables.
À la demande du président du Sénat, le texte de la CMP, modifié par l'amendement n°1 du Gouvernement, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°443 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 315 |
Contre | 26 |
Le Sénat a définitivement adopté.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, RDSE, UDI-UC, socialiste et républicain)