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Table des matières



Renvoi pour avis

Nouvelles intercommunalités

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi

M. Patrick Masclet, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Mme Françoise Laborde

M. Jean-François Longeot

M. Christian Favier

Mme Delphine Bataille

M. Jean-Claude Lenoir

M. Mathieu Darnaud

M. Bernard Delcros

M. Michel Vaspart

M. Jean-Michel Baylet, ministre

M. Philippe Bas, président de la commission

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Marc Laménie

M. Jacques Mézard

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-François Husson

M. Mathieu Darnaud

M. Jean-Pierre Bosino

M. Jean-François Longeot

Mme Françoise Gatel

Mme Brigitte Micouleau

M. Yves Détraigne

ARTICLE ADDITIONNEL

Commissions (Candidature)

Débat sur l'offre de soins

M. Raymond Vall, au nom du groupe RDSE

Mme Françoise Laborde

M. Michel Savin

Mme Françoise Gatel

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Yves Roux

M. Hervé Poher

M. Cyril Pellevat

M. Yves Daudigny

M. Alain Milon

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Commission (Nomination)

Déontologie et droits et obligations des fonctionnaires (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Mme Catherine Di Folco

M. Christian Favier

Mme Françoise Laborde

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Yves Détraigne

Ordre du jour du mardi 26 avril 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 7 avril 2016

86e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : M. Bruno Gilles, M. Serge Larcher.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages dont la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois.

Nouvelles intercommunalités

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi modifiant la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre de rallonger d'un an le délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités, présentée par M. Jacques Mézard et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Demande du groupe RDSE)

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi .  - On n'échappe pas à sa destinée ; la nôtre, monsieur le ministre, est de nous opposer, malgré notre amitié, par la volonté de l'exécutif et de son chef ; je n'ai guère souhaité cette confrontation que le Gouvernement désire, sans regard pour l'expression des territoires. Nous avons élaboré cette proposition de loi avant votre nomination, pour insuffler une bouffée d'oxygène, desserrer le carcan autoritaire que la loi NOTRe impose aux élus locaux. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de permettre à titre exceptionnel à ceux qui en expriment la volonté, confirmée par un vote majoritaire de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), de différer d'un an la création par fusion d'une nouvelle intercommunalité.

De grâce, assez de caricatures et d'approximations ! Soyons clairs : le but n'est aucunement de remettre en cause le principe et l'application de la loi NOTRe, ni les schémas départementaux révisés de coopération intercommunale. Nous n'y touchons pas, tels qu'ils sont validés, si nous donnons à la commission départementale de coopération intercommunale la possibilité de saisir le préfet pour un report d'un an, au 1er janvier 2018 au lieu du 1er janvier 2017.

Les nouvelles intercommunalités prêtes ne seront donc gênées en rien, quoi qu'en dise le Gouvernement. Dans chaque département, des fusions seront réalisées dès 2017, sans que les alternances n'y puissent rien. Arguer des diverses zones de revitalisation rurale, c'est donc fallacieux ; ce n'est pas la première fois que le Gouvernement est contradictoire - qu'il prétend que c'est la lune de miel, dans les départements, entre les élus et les préfets ; cependant, il annonce à présent une avalanche de reports au cas où notre proposition serait adoptée. Ces deux arguments sont à mon sens erronés. Il faudrait savoir : de deux choses l'une, ou il s'en tient aux « informations » que lui fait remonter complaisamment la haute administration, ou il accepte de regarder la réalité en face, celle que nous connaissons, sur le terrain.

Qu'en est--il ? Dans certains départements - pas tous - se posent de vrais problèmes techniques, administratifs, mais aussi des problèmes de gouvernance future. Fusionner des communautés de communes à régimes de fiscalité différents, des agglomérations ou des communautés urbaines avec des communautés de communes, des intercommunalités aux compétences différentes et dont certaines devront être restituées aux communes : tout cela n'a rien de simple.

Cette grande diversité empêche de fusionner à la hussarde. Il ne suffit pas d'affirmer que les services de l'État sont là pour assister les élus locaux. Ainsi, des intercommunalités capteront plus de deux cents élus, au mépris des relations avec les citoyens.

Mme Lebranchu n'a pas répondu - comme à son habitude - à une question que nous lui posions ici sur la carte des conseillers : quelle manque de considération pour les élus locaux ! Monsieur le ministre, si l'association nationale des EPCI nous soutient, si dix-neuf députés socialistes ont déposé un texte dans notre sens...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Tant que cela ?

M. Jacques Mézard.  - ...c'est qu'il y a bien un problème, perçu sur la plupart des bancs. Deux autres propositions de loi, l'une des radicaux, l'autre des républicains, vont dans le même sens. Je salue le travail et la sagesse de notre rapporteur. Vous allez nous dire, monsieur le ministre, que la loi doit être appliquée - mais pourquoi pas le faire intelligemment, même si ce n'est pas l'habitude de la technocratie...

Vous allez nous dire, monsieur le ministre : « la loi de la République doit être appliquée quoi qu'on en pense ». Certes, mais n'est-il pas encore meilleur d'appliquer intelligemment la loi ? N'est-il pas de notre devoir de législateurs - et vous le fûtes - d'améliorer la loi ?

Pourquoi cela ne se passe pas bien ? Parce que le Gouvernement, et son exécutant, votre prédécesseur, a voulu passer en force en brutalisant les élus locaux. Ordre fut donné aux préfets de fabriquer des intercommunalités les plus grosses possibles, bien au-delà du seuil de 15 000 habitants et en piétinant l'accord conclu avec le Sénat sur les dérogations à 5 000 habitants, possibles dans 57 départements, jetées aux oubliettes par les préfets.

C'est ça la stricte vérité ! Cette réforme traduit les propositions, non des élus de la République, mais encore une fois, de la haute fonction publique, du fameux rapport de Terra Nova, et de celui de 2014 de Mme la commissaire générale à l'égalité des territoires qui écrivit à vos prédécesseurs : « il faut raisonner en territoire vécu.... L'objectif est de limiter le nombre d'EPCI, pour augmenter leurs atouts. Un nombre inférieur à 1 000 (2 108 actuellement) semble une bonne cible... La loi devra être très restrictive sur les exceptions de taille... ». J'en passe et des meilleures !

Le vrai but : de très grandes régions, avec de grands EPCI, la suppression des départements et in fine du Sénat !

Lorsqu'il s'agit de gagner du temps sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes on fabrique un référendum. Lorsqu'il s'agit de la réforme territoriale, le Gouvernement passe en force, au motif que, s'il consultait les élus, les réponses de ces derniers seraient négatives !

Monsieur le ministre, nous avons combattu ensemble contre ces textes. Nous avons pensé, peut-être à tort, qu'avec son intuition profonde le chef de l'État avait considéré que vous étiez le mieux à même d'appliquer ces lois avec la sagesse d'un élu local d'expérience, la capacité de concilier les objectifs de l'exécutif avec les réalités du terrain et les difficultés des élus de nos territoires.

Avec cette proposition de loi nous vous offrons le moyen de tendre la main aux collectivités sans renier votre engagement au sein du Gouvernement.

Je ne saurais conclure sans citer le « discours pour la liberté » de Clemenceau : « Dans la République, la liberté c'est le droit commun de chacun et l'autorité ne peut être que la garantie de la liberté de chacun ; malgré vous, je demeure solidaire de mon parti à condition qu'il représente nos idées, et si mon parti abandonne pour un moment ces idées, je continuerai, fussé-je seul à les défendre !» (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Patrick Masclet, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi facilite la réalisation des schémas de coopération intercommunale : de nombreux territoires manquent d'éléments pour construire un véritable projet de territoire. Cependant, tous ne demandent pas de délai supplémentaire, certains voulant même aller le plus vite possible. Je remercie les associations nationales d'élus, l'AMF et l'Assemblée des communautés de France (AdCF), pour leur écoute et leurs remarques. Toutes convergent : le message est celui de réussir de la meilleure façon la mise en oeuvre des schémas. En outre, deux grands principes doivent être respectés : ne pas modifier les SDCI et le constat de délais très contraints fait glisser sur un autre mandat (et donc de nouveaux élus) la mise en oeuvre d'une nouvelle intercommunalité.

Il faut aussi reconnaître la complexité de certaines situations fiscales (TPU, fiscalité additionnelle, fiscalité mixte...)... Pour de très nombreuses intercommunalités, on ajoute un nouveau régime transitoire fiscal à un régime fiscal transitoire existant depuis la loi de 2010...

Les autres associations vont dans le même sens : ne pas modifier les schémas, en place depuis le 31 mars, mais aussi tenir compte des difficultés de certains territoires. Personne ne remet en cause les schémas départementaux, laissons les collectivités y répondre, l'AdCF estime à quinze mois le délai de préparation des fusions, les questions sont techniques.

Le délai supplémentaire d'un an prolongera les débats sur le rapprochement et la fusion des compétences, tout en respectant le délai légal pour l'exercice des compétences facultatives, c'est un point sensible par exemple pour les services à la personne.

Pour la fiscalité, deux régimes transitoires vont coexister, c'est une difficulté. De même, les très grandes intercommunalités, dites « XXL », posent des problèmes de gouvernance.

Cette proposition de loi ne fait que proposer une clause de délai supplémentaire en cas de difficulté, sans ralentir les projets prêts au 1er janvier 2017. Nous avons prévu la saisine de la CDCI avant juillet 2016, c'est-à-dire avant que le préfet ne se prononce, en ne visant que les projets de fusion, pour ne pas bloquer les autres projets. Nous avons également prévu qu'elle se prononce à la majorité de ses membres, et non à une majorité des deux tiers, très difficile à obtenir.

Ce texte apportera donc du lien dans la construction de l'organisation territoriale de notre République. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Cette proposition de loi prétend répondre à l'inquiétude qui serait celle des maires : le Sénat est donc tout à fait dans son rôle constitutionnel - et je me réjouis de cette occasion de vous rassurer. Huit mois après l'adoption de la loi NOTRe, longuement débattue, vous posez la question de sa mise en oeuvre, alors que les procédures sont en cours. Le seuil de 15 000 habitants résulte d'un accord de votre CMP, après un long débat avec les députés ; il s'agit que les intercommunalités puissent exercer leurs compétences, en synergie, voire en osmose avec les communes.

L'exposé des motifs évoquait des « territoires équilibrés », pour un optimum au service de nos compatriotes. Ce seuil est pondéré, selon des critères géographiques et démographiques - de même que les intercommunalités constituées après 2012 peuvent rester inchangées.

Votre mission de contrôle et de suivi de la réforme territoriale, dont j'ai suivi les travaux avec attention, a validé également ce nouveau seuil.

Dès septembre, les préfets ont soumis des projets de schémas, les conseils municipaux et communautaires ont été consultés ; les avis ont été très majoritairement favorables dans plus de la moitié des cas, puis ont été amendés ; le nombre d'EPCI passerait ainsi de 2 061 à 1 249.

Mme Françoise Laborde.  - C'est bien ce que nous disions.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Certes, tout n'a pas été sans frottement, je le sais très bien comme élu local, sur le terrain, où je suis aussi, Monsieur le président Mézard. Les CDCI ont joué tout leur rôle, allant plus loin que les préfets dans quatorze départements. Dans la plupart des cas, le consensus est avéré, nulle part on a souhaité le statu quo, partout on veut plus d'efficacité, et atteindre une masse critique. Je n'ignore pas, cependant, la persistance de certaines frustrations.

Dans son exposé des motifs, cette proposition de loi déclare que le défaut de délai supplémentaire empêcherait toute mise en oeuvre harmonieuse.

Votre commission des lois a apporté des pondérations que je tiens à saluer, mais qui ne rendent pas ce texte plus utile : je ne suis pas favorable à ce délai supplémentaire, qu'y gagnerons-nous alors qu'il reste encore vingt mois ? On ne réglera pas les problèmes délicats en reportant les décisions ! Vous avez raison de critiquer l'instabilité institutionnelle : restons-en au délai convenu !

Laissons les élus travailler dans ce cadre, surtout que, comme vous le dites, ce délai supplémentaire ne change rien aux schémas ; en fait, ce délai supplémentaire fragiliserait les avantages fiscaux des zones de revitalisation rurale, c'est important.

Certes, le mandat des conseillers communautaires pose problème, mais la jurisprudence constitutionnelle est claire : elle n'autorise pas le maintien.

Le Gouvernement est conscient des problèmes, il y a apporté des solutions et reste ouvert ; la loi NOTRe le permet, par exemple sur la question des compétences, avec des dispositions transitoires évitant tout vide. Pour ces compétences facultatives, une période transitoire est prévue, d'un an, pour maintenir l'application des projets en vigueur dans les anciens périmètres ; de même, les mécanismes de mutualisation permettent de la souplesse, tout en relevant la qualité des services dans certaines communes et intercommunalités ; enfin, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà un conventionnement entre collectivités territoriales et EPCI, pour un service de proximité, adapté aux territoires. Le Gouvernement a identifié quelques difficultés et travaille à les résoudre...

M. Jean-Claude Lenoir.  - On peut donc leur donner plus de temps !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Ce sera l'objet du futur texte sur l'égalité et la citoyenneté, mais aussi, vous le savez, de la loi de finances.

Pour les taxes d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), les taux pourront aussi être aménagés.

Le Gouvernement a préparé une circulaire rappelant tous ces outils. J'ai saisi mon collègue des finances dans ce sens.

Enfin, dans une circulaire du 27 août, mon prédécesseur a demandé de limiter strictement la procédure dite de « passer outre », aux seuls cas de consensus avec la CDCI. Il ne s'agit pas de passer en force contre la volonté des élus, mais d'appliquer ce procédé aux seuls cas de nécessité impérative pour appliquer la loi.

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est tout dire !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Ce « passer outre » est là pour assouplir, pas pour être un acte d'autorité.

Je suis prêt à travailler avec vous sur les cas difficiles, par exemple sur l'évolution de la taxe d'habitation ou de la modulation du versement transport pendant une période transitoire. La loi de finances pourra y revenir, compte tenu des demandes apparues sur le terrain.

Notre position est simple, claire : conserver l'ambition pour nos territoires - mais en tenant aussi le calendrier prévu. Oui, la loi de la République doit être appliquée, monsieur Mézard ; notre amitié tiendra, et je vous dis en mon âme et conscience, comme au nom du Gouvernement que je représente ici, que ce délai supplémentaire n'apporterait rien, ne consoliderait aucun des engagements communs que nous avons depuis tant d'années. C'est ma conviction profonde : personne ne m'a donné d'instruction, j'espère vous convaincre et que la vie intercommunale en sera renforcée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Françoise Laborde .  - Cette proposition de loi aidera-t-elle les élus à appliquer le seuil de 15 000 habitants fixé par la loi NOTRe ?

Mme Françoise Laborde.  - C'est ce que nous disent les élus locaux. Nous n'imposons rien, nous rendons possible : c'est ce dont les élus locaux ont besoin face aux difficultés, quand les études d'impact ne règlent pas tout. Le réagencement des compétences, très lié au contexte local, va démultiplier les points techniques à régler, de même que les ressources humaines, la répartition des équipements.

De nombreuses collectivités territoriales font remonter des difficultés à tenir les délais, à choisir la nouvelle fiscalité, la nouvelle gouvernance : tout ceci doit être préparé minutieusement, ces opérations sont subtiles, des délais trop stricts peuvent ruiner de bonnes solutions.

Ce délai supplémentaire, facultatif, conditionnel, permettra une meilleure mise en oeuvre de la loi, pour préparer des changements majeurs - et non reporter des cas difficiles, comme cela a été prétendu ici ou là.

L'intercommunalité est un outil, une coopérative de communes, il faut laisser aux élus le choix de l'organisation et rétablir la confiance. Avec ce texte, la Haute Assemblée défend une conception de la démocratie locale fondée sur la liberté et la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi qu'au centre et à droite)

M. Jean-François Longeot .  - Je salue le conseil municipal des jeunes de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez, en Vendée, accompagnés de son maire, présent en tribunes. (MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent) Cette proposition de loi, avec ce délai facultatif d'un an, ne remet pas en cause la loi NOTRe, elle en permet une meilleure application, avec plus de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Du reste, le Sénat avait déjà proposé la date butoir de 2018, repoussé par l'Assemblée nationale.

Il y a un risque, ensuite, que des compétences « orphelines » apparaissent, il faut y veiller. En somme, il s'agit de s'adapter aux réalités, de donner de la souplesse. Une fois n'est pas coutume, je citerai François Mitterrand : « Laissons du temps au temps ». (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur les bancs du groupe RDSE)

M. Christian Favier .  - Au cours du débat sur le projet de loi NOTRe, de nombreux intervenants se sont interrogés sur la pertinence de la « rationalisation » de la carte intercommunale alléguée par le Gouvernement.

Ils notaient, comme nous, que les intercommunalités venant de se constituer n'avaient pas encore eu le temps de construire des programmes d'actions dans leurs domaines de compétences, n'avaient pas encore permis aux élus de se connaître et d'apprendre à travailler ensemble.

Le président Larcher lui-même soulignait que les collectivités avaient besoin de stabilité. La question du rythme, celle des seuils étaient aussi posées. Ces interrogations ont été balayées, le texte a été adopté et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se sont retrouvés bien seuls à s'opposer au nouveau processus de relance de l'intercommunalité.

Les projets de schéma sont aujourd'hui en cours d'adoption malgré les critiques, la majorité qualifiée étant souvent difficile à obtenir pour s'y opposer. En Isère, trois communes ont décidé de fusionner dans l'intercommunalité des Abrets-en-Dauphiné, qui demande son rattachement à un EPCI, contre l'avis du préfet - qui, finalement, l'a emporté. Cet exemple pourrait s'appliquer à beaucoup de cas. On parle aujourd'hui d'intercommunalité XXL, de plusieurs dizaines de communes - jusqu'à 200... Les flux habitat-travail sont pris en compte, mais ils ne sont pas à eux seuls pertinents pour rendre compte de la réalité des bassins de vie. On assiste à une consolidation de situations acquises plutôt qu'à l'expression d'une volonté politique et un projet partagé. Le processus laisse peu de place aux élus des communes, encore moins aux citoyens.

Aussi étions-nous enclins à soutenir cette proposition de loi. Mais elle ne fait que repousser d'un an les difficultés. Nous continuons à refuser la rationalisation, dans ces conditions, de la carte des intercommunalités, dont le nombre va baisser de 40 %. Toutefois pour ne pas accroître les difficultés des élus, le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Delphine Bataille .  - Je salue les jeunes élus du conseil municipal de la commune d'Angles en Vendée, présents en tribune et les élus de plein exercice qui les accompagnent. (Applaudissements)

Lors de l'examen de la loi NOTRe, le Sénat, à deux reprises, avait porté la date d'achèvement de la carte intercommunale au 1er janvier 2018. Finalement l'accord s'est fait sur celle du 1er janvier 2017, ce qui laissait aux préfets et aux CDCI le temps de la concertation. Le compromis était satisfaisant, contrepartie de l'assouplissement du seuil à 15 000 habitants et de la définition de dérogations. Le calendrier a été fixé en connaissance de cause.

Un des objectifs de la loi NOTRe est de renforcer les intercommunalités, de mieux faire coïncider les périmètres avec les bassins de vie et la réalité des territoires. Je comprends les inquiétudes de certains élus. Mais l'intercommunalité a pour but non de faire disparaître les communes...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Allons !

Mme Delphine Bataille.  - ...mais de mutualiser la gestion et le financement des services publics pour accroître leur qualité et leur périmètre. Des dérogations sont prévues dans les territoires les moins denses ou de montagne. La loi NOTRe traite avec souplesse le cas des nouveaux EPCI à fiscalité propre, qui disposeront d'un délai d'un an pour statuer sur les compétences optionnelles, de deux ans pour les compétences facultatives. Un transfert différé est prévu pour certaines compétences obligatoires, janvier 2018 pour la Gemapi, janvier 2020 pour l'eau et l'assainissement par exemple. En réalité la plupart des intercommunalités ont évolué plus vite que la législation et la grande majorité des fusions sont consensuelles. Les préfets ont travaillé avec les élus et les CDCI pour préparer l'actualisation des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est la réalité rêvée...

Mme Delphine Bataille.  - Les concertations avaient commencé avant même l'été 2015...

Allonger les délais serait un mauvais signal envoyé aux nombreuses collectivités qui ont su préparer les évolutions.

Dans le département du Nord, grâce à un important travail de concertation, le nouveau schéma arrêté par le préfet supprime les enclaves comme les discontinuités et rationalise la carte des EPCI, au bénéfice des habitants et des services publics. Les regroupements permettent d'étendre les services publics dans les zones rurales, de mutualiser projets et budgets, de répondre aux problèmes de gestion rencontrés par les élus.

Reporter la date d'achèvement de la carte, c'est faire obstacle à la nouvelle organisation alors que les enjeux financiers et fiscaux ne sont pas négligeables. La réforme aura un impact sur le classement en ZRR, sachant que l'actuel demeure jusqu'au 30 juin 2017 ; le nouveau sera défini au niveau de l'intercommunalité, sans distinction entre les communes ; il sera pluriannuel sur la durée du mandat communautaire, fonction de la densité et de la richesse des habitants ; seules les avantages fiscaux ayant un impact sur le développement des territoires seront maintenus.

Le groupe socialiste n'est pas favorable à un délai supplémentaire d'un an. 2017, année électorale, aura déjà été bien chargée... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Je dois des remerciements au président Mézard, qui propose une solution de bons sens, à notre rapporteur, dont la démonstration convaincante doit emporter l'adhésion, à M. le ministre, qui a rappelé la solidarité gouvernementale, c'est devenu trop rare pour ne pas être souligné... (Sourires)

Lors de l'examen de la loi NOTRe, nous étions extrêmement attachés à ce que les communautés de communes correspondent à des bassins de vie. Si le Sénat n'avait pas voté le texte de la CMP, la position de l'Assemblée nationale sur le seuil aurait prévalu. L'encre du texte était à peine séchée que les préfets dessinaient déjà des cartes qui ne correspondaient ni aux souhaits des élus, ni aux réalités territoriales...

Monsieur le ministre, il est faux de dire que dans la plupart des départements les CDCI ont approuvé le schéma proposé par le préfet. Leur seul pouvoir que leur donne la loi est d'approuver ou non les amendements modificatifs... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe RDSE)

Soyons pragmatiques. Les élus, dans certains cas, ont besoin de temps. Pourquoi le leur refuser ?

Le philosophe Alain, né à Mortagne-au-Perche et cher à M. Mézard, disait qu'un citoyen devait posséder deux vertus : l'obéissance, facteur d'ordre, et la désobéissance, gage de liberté. Monsieur le ministre, donnez aux élus un peu de liberté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Mathieu Darnaud .  - À mon tour de remercier M. Mézard et notre rapporteur. Le Sénat a su faire entendre la voix des territoires lors de la CMP sur la loi NOTRe. Je suis membre de la mission de suivi sénatoriale sur la mise en application de la nouvelle organisation territoriale. Entre les discours et la réalité, il y a un écart important. Le texte de M. Mézard est facilitateur, il fait oeuvre utile pour les élus.

Faisons-leur confiance, donnons-leur du temps. Il serait paradoxal que les compétences orphelines obligent à créer de nouveaux syndicats ! Il faut du temps pour fusionner des dizaines de communes et mesurer l'impact des intercommunalités sur le calcul des dotations. Je soutiens ce texte, porteur de l'esprit du Sénat. Monsieur le ministre, écoutez la voix des territoires, inquiets face à une réforme difficile à mettre en place et pour tout dire anxiogène. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Delcros .  - Toute évolution de l'organisation territoriale de proximité doit respecter trois principes. Il faut d'abord s'adapter à un monde qui change rapidement - ne serait-ce qu'à cause du numérique ; depuis la loi relative à l'administration territoriale de la République de 1992, de nombreux textes ont changé la donne. Ensuite, les élus locaux ont besoin de visibilité : après la fusion des cantons, des régions et des intercommunalités, après les transferts de compétences, la baisse des dotations, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, il faudra une période de stabilité. Enfin, il faut tenir compte de l'avis des élus de terrain.

La plupart d'entre eux ont anticipé et seront prêts au 1er janvier 2017. Mais, dans certains départements, les élus ont besoin d'un délai supplémentaire pour construire sur des bases solides une stratégie de développement, un nouveau projet de territoire. Je ne vois aucun inconvénient à le leur accorder.

J'ai cosigné cette proposition de loi ; la commission des lois en a amélioré la rédaction. Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi.

M. Michel Vaspart .  - J'espère que cette proposition de loi sera votée et appliquée. Les collectivités territoriales n'ont ressenti aucun choc de simplification, ils demandent des assouplissements ; il faut les entendre. Même si le Sénat a amélioré le texte de la loi NOTRe, les difficultés étaient prévisibles. J'avais demandé un report des dates de mise en oeuvre, l'Assemblée nationale l'a rejeté.

Demander un délai supplémentaire d'un an n'est pas faire preuve de mauvaise volonté, mais vouloir aider les maires. La fusion s'accompagne dans certaines communes d'une hausse de la taxe d'habitation qui peut dépasser 10 %... Un lissage total est nécessaire. On voit aussi des communes qui ne bénéficiaient pas du FPIC en bénéficier...

La technocratie a fait son oeuvre, disait M. Mézard. Il a raison. Nous devons ajuster la loi au fur et à mesure des difficultés, faute de quoi la colère des élus locaux sera vive. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre .  - Merci à tous pour vos propos de bon sens, la qualité de vos arguments. La sérénité du Sénat est toujours un plaisir pour un membre du Gouvernement.

Monsieur Vaspart, les textes sur l'intercommunalité ne sont pas nuisibles. J'ai moi-même porté les intercommunalités sur les fonts baptismaux.

Je salue l'art oratoire de M. Lenoir ; qu'il ne se laisse pas aller, cependant, à des propos irrespectueux des convictions de chacun... Solidarité gouvernementale, instructions... Ma conviction est que prolonger les délais de vingt mois serait une erreur et facteur de complexité. Le débat a eu lieu, il reste neuf mois. Il est temps de passer à l'action. La loi n'oblige pas à un vote sur les schémas...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Elle ne le permet pas !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - ...mais dans beaucoup de départements, les élus ont souhaité un vote solennel... (À droite : « ce n'est pas dans la loi, c'est du bricolage ! ») Ce n'est jamais du bricolage de respecter la volonté des élus...

Attention aussi aux propos fantasmagoriques : aucun EPCI ne regroupe plus de 200 communes ; deux, dans le Pays basque et le Cotentin, en regroupent plus de cent cinquante ; neuf en comptent plus de cent. À chaque fois en raison de problématiques particulières.

M. Philippe Bas, président de la commission .  - Cette proposition de loi est le signe de l'attention des sénateurs aux élus locaux. Nous sommes tous partisans de l'intercommunalité. Les seules questions sont celles du rythme des fusions et des seuils.

Nous voulions des intercommunalités naturelles et les fonder sur l'affectio societatis ; nous ne voulions pas d'ensembles d'une dimension telle que les représentants des communes y seraient noyés, que les assemblées y ressembleraient à des chambres d'enregistrement. Nous avons voulu que la responsabilité des maires soit respectée, que la démocratie locale s'exprime, que le pouvoir dans les nouvelles assemblées ne soit pas concentré entre les mains du président, du bureau et du directeur général. Le centralisme intercommunal n'aurait rien à envier au centralisme d'État que nous combattons depuis des générations...

Mme Françoise Laborde.  - C'est juste !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Personne ne souhaite porter un coup d'arrêt au processus de regroupement en cours. Cette proposition de loi ne l'enrayera pas. En revanche, elle donnera du temps de réflexion dans l'attente de nouveaux instruments, la dotation de centralité, le nouveau mode d'emploi de la dotation de solidarité rurale, l'organisation de la proximité... Il est probable que le nouveau délai ne sera pas utilisé si l'État y met du sien... Les difficultés sont nombreuses quand la loi est utilisée à d'autres fins que celles pour lesquelles elle a été votée...

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Il y a déjà un délai de neuf mois, c'est n'est pas rien. Je le répète : aucune intercommunalité ne regroupe 200 communes, seules neuf en comptent plus de cent.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais il y a eu beaucoup de projets d'intercommunalités XXL.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - La loi fixe un plancher, non un plafond. On ne peut à la fois demander le respect de la volonté des élus et contester leurs choix.

La discussion générale est close.

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ARTICLE UNIQUE

M. Marc Laménie .  - Je salue l'initiative de M. Mézard. Depuis la loi NOTRe, tout va trop vite. Les difficultés ont des difficultés. À la CDCI des Ardennes, il y a des tiraillements, l'ambiance est devenue pesante... La fusion, c'est une question de gestion et de gouvernance. Et il y a des incertitudes de caractère financier... La DGFiP a beaucoup de mérite à faire des simulations financières... Donnons du temps au temps. Je voterai ce texte, respectueux de la démocratie de proximité et des élus de base que nous sommes pour la plupart.

M. Jacques Mézard .  - Le ministre, qui a déjà parlé deux fois plus longtemps que l'auteur de la proposition de loi, m'a répondu à côté du sujet... Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi NOTRe - quoi qu'on en pense - mais de permettre aux intercommunalités qui en éprouvent le besoin de l'appliquer. Le ministre ne voit pas l'utilité d'un délai supplémentaire ; je n'en vois pas l'inconvénient. Au contraire : ce texte est une main tendue, l'occasion pour le Gouvernement de montrer aux maires qu'il y a une autre façon de faire que le passage en force. Le Gouvernement a pris l'habitude de reculer, sauf face aux élus locaux qu'il préfère montrer du doigt...

Nous nous étions opposés naguère à ce que les préfets puissent donner un avis, aujourd'hui ils ont tout pouvoir... Il faut écouter les élus. Monsieur le bourreau, encore une minute !

M. Pierre-Yves Collombat .  - Quel chemin parcouru depuis qu'on affirmait, au moment de la loi Joxe-Baylet, que les intercommunalités étaient une démarche volontaire des communes... Les CDCI n'ont guère de latitude pour modifier les schémas des préfets, sauf majorité qualifiée difficile à réunir.

Le rapporteur de la commission des lois a eu raison de limiter le texte aux cas de fusion. Le Gouvernement dit : il faut appliquer la loi, mais de qui se moque-t-il ? Il faut se souvenir des allers et retours sur la clause de compétence générale... Il faut sortir du tunnel ? Mais pour aller où ?

M. Jean-François Husson .  - Nos collectivités territoriales entrent dans une période, jamais vue, d'instabilité fiscale et financière. Comment peuvent-elles, sereinement, élaborer des projets de fusion sans aucune visibilité ? Dans une telle instabilité ? Prenez deux intercommunalités qui fusionnent, l'une a la taxe d'enlèvement, l'autre la redevance ; que se passera-t-il si elles n'ont pas décidé à temps quelle solution retenir ?

Je vous fais une proposition, monsieur le Ministre : vous engager, dans ce contexte de baisse des dotations, à réfléchir aux mécanismes de bonifications des concours de l'État. Voilà ce dont les Français ont le plus urgemment besoin. (Approbations à droite)

M. Mathieu Darnaud .  - Est-il vraiment normal, alors que la loi NOTRe était de simplification, que l'on en vienne à recréer des syndicats mixtes pour gérer les compétences ?

Il y a neuf mois ? Non puisque certaines intercommunalités ne sont pas encore connues. Mme Bataille a souligné le manque d'anticipation, mais comment anticiper quand la CDCI décide autre chose que ce que les élus avaient proposé ? On est plutôt autour de quinze mois. La prise de la compétence transport, ou voirie, questions éminemment pratiques, est une décision très complexe.

M. Jean-Pierre Bosino .  - M. Mézard demande une minute au bourreau : la tête tombera donc quand même...

Au comité directeur de l'AMF ce matin, la prise de conscience s'est faite que l'existence même des communes était menacée, en particulier par l'asphyxie financière. L'actualité montre pourtant que de l'argent existe quelque part. Il n'y a pas opposition des maires aux intercommunalités : ils savent bien que celles-ci sont aptes à rendre un certain nombre de services. Lors du congrès de la fin mai va revenir cette question de l'exigence que les communes continuent à vivre.

M. Jean-François Longeot .  - Les schémas seront adoptés, certes, mais dans la douleur. Voyez ce qui se passera par exemple en zone de montagne, des intercommunalités auxquelles il manquera 1 000 habitants pour atteindre le seuil des 5 000 se trouveront adjointes à telle ou telle intercommunalité de 25 000 habitants, parmi 80 communes, parce qu'on n'aura pas eu d'autre choix.

Les choses ne sont pas faciles pour les élus, pas non plus pour les préfets... Laissez-nous un peu de temps.

Mme Françoise Gatel .  - Partons des finalités. Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi NOTRe - à qui appartient-elle, d'ailleurs ? - mais de favoriser la réussite des territoires. Soit l'État les administre, soit ils s'administrent librement, dans l'intérêt des habitants.

Monsieur le ministre, desserrez la corde !

Mme Brigitte Micouleau .  - Membre ou nom d'une CDCI, nous avons tous constaté les difficultés de mise en place des schémas. En Haute-Garonne, un sur deux a reçu un avis défavorable. Mme Laborde ne me contredira pas...

Mme Françoise Laborde.  - En effet.

Mme Brigitte Micouleau.  - Quant aux autres, ils n'ont pas toujours suscité l'enthousiasme. Laissons aux élus et aux habitants le temps de se préparer à ces fusions.

M. Yves Détraigne .  - Je n'étais, au départ, pas favorable à cette proposition de loi, qui risquait de reporter le problème dans le temps, sans le résoudre. Pourquoi ne pas préciser que le délai n'est pas reconductible ? Je ne connais pas d'intercommunalité qui refuse la discussion, mais il faut les inciter à s'y atteler.

Dans la Marne, un tiers des 620 communes seulement disposent encore d'une école : l'intercommunalité, c'est déjà une pratique quotidienne et on sait bien qu'elle est l'échelle d'organisation du territoire de demain. Je suivrai la position de la commission.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. Joyandet, Vasselle, Morisset et Laufoaulu, Mmes Lopez, Procaccia et Cayeux, MM. Saugey et Huré, Mme Micouleau, M. Trillard, Mme Duchêne et MM. Grosdidier, Laménie, Houpert, Chaize, Raison et Revet.

Alinéa 2, seconde phrase

Remplacer l'année :

2018

par l'année :

2020

M. Alain Vasselle.  - Les arguments ne manquent pas en faveur d'un report supplémentaire du délai. Sur le terrain, les communes rurales sont très inquiètes pour leur avenir : la conjonction de la loi NOTRe et de la baisse des dotations risque de leur être fatale.

Ce n'est pas en quelques mois que l'on règle le rapprochement de communes percevant qui la TEOM, qui la ROM. Les DDFIP, d'ailleurs, croulent sous les demandes et ne peuvent plus faire face. Il faut allonger le délai, pour le faire coïncider, en 2020, avec le renouvellement des équipes municipales, car on ne comprend pas, sur le terrain, comment le Parlement a pu changer les règles du jeu en cours de mandat !

M. Patrick Masclet, rapporteur.  - Le Sénat n'a cessé, lors des débats sur la loi NOTRe, de plaider pour le 1er janvier 2018. Lors de nos auditions, personne n'a demandé un tel report. Enfin, il est préférable que tout soit stabilisé pendant le mandat municipal en cours. Ces trois raisons m'amènent à vous prier de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Le Gouvernement ne souhaite pas reporter l'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités à 2018, ce n'est pas pour accepter un report jusqu'à 2020 !

À 14 h 30, l'AMF a diffusé un communiqué dans lequel elle dit qu'il ne peut y avoir de prolongation du délai pour les nouveaux périmètres. (Rires)

M. Alain Vasselle.  - Je parle, moi, de la mise en oeuvre ! Ce n'est pas contradictoire. Les élus vivent très mal le changement des règles en cours de mandat et vous nous dites que le délai suffit, mais l'année 2017 est chargée en élections...

Cependant, pour que la CMP ait une chance de réussir, je retire cet amendement : vous avez le devoir impérial, monsieur le rapporteur, d'y obtenir le délai supplémentaire d'un an. (Sourires) Je veux dire « impérieux », bien sûr !

L'amendement n°2 est retiré.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Reste un certain nombre de problèmes de transferts : fiscaux d'abord - car qu'est-ce que l'intercommunalité, sinon le transfert de ressources des communes rurales vers les communes urbaines ? - de compétences ensuite : les gestionnaires des intercommunalités, issus des grandes communes, s'imaginent souvent dans une sorte de prolongement de leur mandat.

Envoyons le message que le Gouvernement n'est pas l'adversaire des communes.

M. Jacques Mézard.  - Lors de son examen, nous avions proposé de rebaptiser la loi NOTRe : son véritable nom devrait être LEUR(re) ! (Sourires) L'histoire montrera que nous avions raison.

Légiférons dans le respect des élus locaux. Une République qui n'en tient pas compte n'évolue pas dans le bon sens. Nous ne doutons pas de la compétence de l'État, mais ses services n'ont pas les moyens d'assurer le concours nécessaire car les choses vont trop vite.

Un peu de liberté, c'est cela que nous demandons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, à droite et au centre)

M. Alain Vasselle.  - Je rejoins totalement MM. Mézard et Collombat. Malheureusement, arrivé en cours de mandat, je n'ai pu dire tout le mal que je pensais de la loi NOTRe... M. Collombat a raison : dans le Calvados, des intercommunalités de plusieurs dizaines de communes se sont transformées en communes nouvelles avec comme argument essentiel les dotations de l'État ! Est-ce à cela que vous voulez aboutir ?

Je voterai cet article unique, et souhaite que notre rapporteur réussisse à convaincre nos collègues de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Monsieur Mézard, la liberté, dans nos débats, est totale... Vos propos ne m'ont nullement convaincu. Ce sont les élus locaux qui siègent dans les CDCI, et tous ne souhaitent pas un report de l'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités. Certains souhaitent même aller plus avant, ou simplement la stabilité de la loi : j'en fais partie. Je respecte votre position, faites de même ! Je ne laisserai pas dire que la liberté serait confisquée !

L'article unique est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Canevet, Paul, Kern, Cigolotti, Médevielle et Longeot, Mmes Joissains et N. Goulet, M. Luche, Mme Férat et MM. L. Hervé, Tandonnet, Maurey, Lemoyne et Guerriau.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le V de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Jusqu'au prochain renouvellement suivant la constitution de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre issue d'un schéma départemental de coopération intercommunale révisé selon les modalités prévues à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, il est procédé à la détermination du nombre et à la répartition des sièges de conseiller communautaire dans les conditions suivantes :

« a) Soit le conseil communautaire est composé de l'ensemble des membres des conseils communautaires des anciens établissements publics de coopération intercommunale, si les conseils communautaires concernés le décident par délibérations concordantes prises avant le 15 décembre 2016 ;

« b) Soit le nombre et la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant de l'établissement public ont été déterminés dans les conditions fixées à l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales avant le 15 décembre 2016.

« Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres du conseil communautaire du nouvel établissement public de coopération intercommunale ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil communautaire composé dans les conditions prévues aux articles L. 5211-6, L. 5211-6-1 et L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales.

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux quatre premiers alinéas » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « des conseils municipaux » sont supprimés et les mots : « au même premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux mêmes alinéas ».

M. Jean-François Longeot.  - Afin de ne pas bouleverser la composition des anciens conseils communautaires, d'assurer une nécessaire continuité entre les anciens et nouveaux EPCI, et de ne pas remettre en cause le mandat de conseillers communautaires légalement élus, je propose un régime transitoire encadrant la composition des conseils communautaires des EPCI nouvellement constitués, dans la même logique que le « conseil municipal provisoire ».

M. Patrick Masclet, rapporteur.  - Cet amendement concerne les intercommunalités dites XXL - qu'il faudrait toutefois définir... Nous avons évalué ses effets : il accélérerait la création de ce que d'aucuns appellent des « assemblées communautaires » : près de 500 membres dans le Cotentin, 350 au pays Basque. La comparaison avec le conseil municipal ne tient pas, car les ex-conseillers communautaires ne perdraient pas leur mandat d'élu local.

Avis défavorable.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Cela va à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci, à deux reprises, dans ses décisions de questions prioritaires de constitutionnalité du 20 juin 2014 et du 5 mars 2014, a estimé que la répartition des sièges devait se faire sur des critères « essentiellement démographiques ».

Cet amendement pose toutefois la question de l'information des élus sur la rationalisation de la carte intercommunale : un simulateur vient précisément d'être mis en ligne sur le site de mon ministère, et j'ai demandé aux préfets d'informer les élus en temps utile.

L'amendement n°1 rectifié ter est retiré.

À la demande du groupe RDSE, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°200 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 203
Contre 119

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, à droite et au centre)

La séance suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 20.

Commissions (Candidature)

M. le président.  - J'informe le Sénat que le groupe écologiste a fait connaître à la Présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Débat sur l'offre de soins

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'offre de soins dans les territoires ruraux.

M. Raymond Vall, au nom du groupe RDSE .  - Ce débat concerne tous les Français, puisque tous les territoires sont concernés. Lors des questions d'actualité au Gouvernement du 22 mars, j'ai interrogé la ministre sur l'offre de soins dans les territoires ruraux et périurbains, mais sa réponse a été inacceptable.

La France n'a jamais compté autant de médecins mais 83 % des départements manquent de praticiens. Certes, nous avons agi sur le numerus clausus et les maisons de santé, mais en dépit du pacte territoire santé ; les déserts médicaux sont nombreux et 26 % des médecins, soit quelques 52 000 praticiens ont plus de 60 ans et partiront en retraite bientôt.

Les élus sont désarçonnés, voire désespérés. Leurs efforts pour les maisons de santé ne suffisent pas à attirer des praticiens, même si la commune se charge de trouver un emploi à leurs conjoints.

Les groupements hospitaliers de territoire ne les rassurent pas : la démarche est presque arrêtée et elle placerait sous tutelle les établissements locaux. C'est donc une centralisation administrative sans précédent. Les associations demandent que les hôpitaux locaux soient considérés comme des partenaires à part entière.

La situation est intenable. On a perdu trop de temps, depuis 2009, le rapport Maurey et celui de l'Ordre des médecins. La formation des médecins doit être revue, pour donner aux étudiants l'occasion de faire des stages sur nos territoires et pas seulement en hôpital, et régionaliser l'examen classant national. En attendant ces mesures de moyen ferme, il faut agir en urgence en incitant les médecins à s'installer en zone rurale.

Le conventionnement existe déjà pour de nombreux acteurs de santé : sages-femmes, pharmaciens, infirmières ; pourquoi pas pour les médecins ? Ne donnons pas d'aides financières à ceux qui s'installent dans les territoires surdotés ! Veillons à ce que la mise en place des groupements hospitaliers territoriaux n'aggrave pas la situation, à ce qu'elle doit coordonner avec l'offre de soins ambulatoires.

Avec solennité, madame la ministre, je vous demande de répondre à la détresse de nos concitoyens car l'égalité d'accès aux soins n'est plus garantie.

Mme Françoise Laborde .  - La France n'a jamais eu autant de médecins... mal répartis, puisque la désertification médicale s'étend ! Les jeunes médecins hésitent à s'installer dans des zones où la poste et l'école ont disparu. La fermeture de maternités oblige à faire une heure de voiture pour aller accoucher, au risque de la santé des mères comme des nouveaux-nés. Les initiatives locales se multiplient, reflètent les difficultés ; je sais que le Gouvernement agit, avec le premier pacte territoire santé (PTS) lancé en 2012 : 500 professionnels se sont installés, 1 000 généralistes et spécialistes sont visés par le PTS 2 - mais cela suffira-t-il à ce que, comme affirmé, chaque Français accède à un médecin ? Les groupements hospitaliers territoriaux sont une bonne chose, sauf la trop faible place que leur gouvernance réserve aux élus. Nous avons besoin, comme le recommande l'ordre des médecins, d'une réforme plus profonde, il faut en examiner les pistes.

M. Michel Savin .  - L'accès aux soins et une question centrale pour nos concitoyens, je vous parlerai des inégalités croissantes en zone de montagne ; je vous ai sollicité, madame la ministre, sans réponse.

La CPAM de l'Isère, se fondant sur la nomenclature des actes professionnels d'interprétation variable, ne prendra plus en compte les indemnités kilométriques des professionnels installés en plaine, même pour les patients en zone de montagne : d'où une pénalisation, de 15 centimes par kilomètre, mettant en péril les soins à domicile avec la menace de créer de nouveaux déserts médicaux.

La CPAM de Savoie va dans le même sens, c'est inquiétant. Quelles mesures comptez-vous prendre ?

Mme Françoise Gatel .  - Aujourd'hui quelque 2,5 millions de nos concitoyens vivent dans 192 déserts médicaux, y compris dans de petites villes. Pourtant, il n'y a jamais eu autant de médecins généralistes en France, en moyenne un pour 300 habitants. Les délais d'attente se comptent en mois dans de nombreux territoires où l'offre de spécialistes se raréfie, pour les ORL, rhumatologues, dermatologues. Pour un rendez-vous avec un gynécologue, il faut en moyenne 40 jours d'attente, 133 jours pour un ophtalmologue, et jusqu'à 18 mois à Châteauroux !

La population médicale, elle aussi vieillit, particulièrement celle des généralistes. La part des personnes âgées dans la population générale s'accroît, elles demandent plus de soins et sont moins mobiles.

L'activité libérale est de moins en moins attractive. Les préférences des médecins qui s'installent changent. Seulement 9,5 % des médecins dits « entrants » en 2012 ont choisi la médecine générale et 69 % de ces jeunes médecins ont opté pour le salariat et l'hôpital ; les plus anciens, en zone rurale, ne trouvent pas de successeur.

Le pacte territoire santé met en place des incitations pour attirer les jeunes médecins, complémentaires aux maisons de santé largement financées par les collectivités territoriales. Ces maisons exigent le soutien financier de l'État et de l'ARS.

L'incitation ne saurait suffire, il faut développer le conventionnement - comme Hervé Maurey l'a justement recommandé. De même les mesures plus contraignantes pour l'installation en zones bien dotées. L'immersion précoce des étudiants en médecine en milieu professionnel porte également ses fruits : en Aveyron, 35 jeunes médecins en formation ont ainsi été accueillis.

La gouvernance est un autre sujet incontournable : les ARS doivent mieux associer les élus locaux.

Les élus, pareillement, doivent être associés aux groupements hospitaliers territoriaux (GHT).

Madame la Ministre, il est urgent d'agir en rassemblant tous les acteurs de l'offre de soins : notre modèle est insuffisant ! (Applaudissements au centre et à droite ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

Mme Laurence Cohen .  - Merci au groupe RDSE pour ce débat, j'en espère des mesures concrètes. Les inégalités d'accès se creusent en zones rurales et dans les quartiers populaires. Depuis 2005, le territoire a perdu 3 500 généralistes, mais gagné trois millions d'habitants ; la densité médicale a baissé de 8,5 % ; il faudra des années pour rattraper, car le recul du numerus clausus et les départs en retraite des médecins baby-boomers vont amputer d'un quart le nombre de celles et ceux qui exercent en zone rurale.

Les GHT, en supprimant les structures de proximité, vont encore creuser l'écart.

Il faut donc s'attaquer à la source des inégalités : la liberté d'installation ne conduisant pas à l'équilibre via la motivation financière, l'État droit prendre des mesures compensatrices plus volontaires que les incitations actuelles, qui vont de l'aide à l'installation, aux avantages fiscaux. Pourquoi ne pas contractualiser, avec les étudiants en médecine, comme on le fait dans l'éducation nationale pour enseigner dans les quartiers en difficulté ? De même, ne faut-il pas augmenter le numerus clausus ?

Les centres de santé, publics ou privés, à but non lucratif, qu'il ne faut pas confondre avec les maisons de santé, d'exercice purement libéral, offrent la meilleure réponse de proximité, d'accessibilité, et de démocratie sanitaire. Il y en a 357, auxquels il convient d'ajouter 1 000 centres dentaires ou infirmiers.

Afin de maintenir les médecins, comme le préconise le professeur Vigneron, il faut en créer 400 pour répondre aux besoins, aider ceux qui existent, c'est comme cela qu'on réduira les inégalités - surtout que les soins y sont délivrés avec le tiers payant, qui supprime toute barrière financière à l'accès aux soins.

Des solutions existent, le choix est entre vos mains, il vous reste à les choisir, madame la ministre ! (M. Dominique Watrin applaudit)

M. Jean-Yves Roux .  - Bien que deux tiers des Français soient urbains, deux tiers de nos compatriotes souhaiteraient pourtant vivre à la campagne - alors même que les écarts en termes d'équipement médicaux s'y creusent.

Des spécialités entières disparaissent des radars de certains territoires. Dans le département des Alpes de Haute-Provence, nous comptons seulement trois gynécologues libéraux, pour 165 000 habitants ! Nous ne sommes néanmoins pas classés en désert médical par le SROS, mais en zone « à risque » de désertification...

Face à de telles réalités, il faut changer de logiciel, passer d'une logique de ratio de médecins rapporté au nombre de malades, à une logique d'accès réel aux soins.

Les besoins spécifiques des zones de montagne et des zones touristiques en particulier doivent être pris en compte. Quelques mois après la réussite de la COP21 à Paris, je propose d'en tirer les conséquences concrètes pour l'offre de soins et d'intégrer systématiquement le critère du déplacement, du temps de transport, ce serait utile y compris en termes de qualité de vie et de coût.

Beaucoup de décisions et de bonnes décisions ont été prises ces dernières années Bien des expériences locales ont été menées. Là aussi, il faut en tirer les conséquences et les faire connaître de tous les médecins.

La table ronde organisée le 17 février organisée par notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a démontré l'utilité des maisons de santé, dont le nombre va être opportunément doublé : il faut que les schémas régionaux veillent à leur maillage.

Il convient également de renforcer les conventionnements en matière de formation et instaurer un numerus clausus régional. Il faut aussi concentrer nos efforts sur les jeunes médecins et la primo-installation, encourager les passerelles avec le paramédical. Le recrutement de 1 700 contrats de jeunes médecins en milieu rural contre 350 en 2012 est notable.

Il faut encore mieux montrer la réalité du généraliste en milieu rural, véritable acteur du lien social.

Il s'agit d'un métier de haute technicité où la pratique médicale est variée, de la traumatologie, aux premiers dépistages d'ophtalmologie, à la télémédecine. L'accès au très haut débit est donc indispensable à la pratique médicale en milieu rural. Ces médecins, bien souvent, disposent de matériel de pointe, avec des plateaux techniques, des rétinographes par exemple qui nécessitent des investissements lourds.

Je propose en conséquence de leur reconnaître un statut, une véritable spécialité, au niveau des études médicales, de généraliste en milieu rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Hervé Poher .  - En France, on n'a jamais su faire du préventif, et puisqu'on fait du curatif, autant bien poser le diagnostic étiologique et identifier les causes.

Pardonnez cette piqûre de rappel : le problème résulte de la conjonction de réglementations, d'orientations et d'évolutions dont nous sommes tous collectivement responsables: décideurs politiques, monde médical et société en général. Et aucun élément n'est responsable à lui tout seul !

Je n'évoquerai ici que la démographie médicale en milieu rural. D'abord le numerus clausus instauré en 1971 pour contenir les dépenses. Alors que les médecins des années 1950 à 1990 partent en retraite, ils sont remplacés par la génération du numerus clausus. Nous voici confrontés au départ à la retraite de la première génération de médecins « numéro-clausés » : l'augmentation du numerus clausus a été trop tardive ; l'arrivée des médecins étrangers ne suffit pas non plus.

Ensuite, la formation : avant, le généraliste était véritablement « omnipraticien », polyvalent ; désormais, tout s'est spécialisé.

Énième élément, la focalisation sur l'hôpital alors que ce n'est pas là que l'on apprend la médecine. De même, que l'on mise beaucoup, peut-être trop, sur la physique, la chimie, dans les études, on a fait du métier une activité exclusivement scientifique, alors qu'un généraliste n'est pas un matheux, mais sans doute avant tout, un humaniste, un philosophe.

Enfin, les aspirations à une vie confortable, pour les jeunes médecins, ont fait le reste.

Face à ces difficultés, pour sortir de l'impasse actuelle, il faut des mesures profondes, sans crainte de bousculer les corporatismes. Cela ne plaît ni aux syndicats de médecins, ni au conseil de l'ordre, ni probablement à la ministre, mais j'ose le déclarer ici : nous devrons aussi toucher, un jour, à la liberté d'installation.

La médecine, je le dis, et je le vis, n'est pas qu'une boîte à sous, c'est d'abord une activité sociale, humaine, indispensable à notre vie collective. Une fois ce diagnostic posé, je reconnais que les solutions sont difficiles à trouver...Comme dans bien des traitements (Applaudissements)

M. Cyril Pellevat .  - L'enjeu de ce débat n'est autre que l'égalité devant un service public, la santé.

Le problème n'est pas tant celui du numerus clausus, mais celui de la répartition territoriale des médecins - les causes en sont très diverses, mais connues. Les freins à la première installation, que ce soit en milieu urbain, périurbain et rural, sont aussi liés à la complexité administrative et au coût de cette installation. Je souligne le problème des jeunes étudiants Français qui font leurs études à l'étranger en raison d'un numerus clausus trop restreint en France.

Comment améliorer l'accès aux soins ? Les incitations financières ne suffisent pas, l'offre de soins doit s'adapter au milieu rural plutôt que l'inverse. Des pistes existent : je pense à la télémédecine, qui ouvre le champ des médecins en capacité d'accueillir des patients sans la difficulté d'avoir à se déplacer. Si cette technique ne saurait remplacer le vis-à-vis, en particulier pour l'auscultation et la palpation, mais elle peut faciliter certaines des fonctions médicales.

Nous devons encourager toutes les nouvelles pratiques qui concourent à renforcer l'accès aux soins.

M. Yves Daudigny .  - Le diagnostic est connu, partagé : la répartition des médecins n'est pas bonne - et aucun outil, seul, ne suffit à corriger les inégalités ; c'est pourquoi la stratégie nationale de santé a développé une approche transversale, multiple - formation, hausse du numerus clausus, aide à l'installation, conventionnement, travail en équipe, maisons de santé, nouveaux modes de rémunération, pratique avancée de premier recours, maillage territorial, télémédecine. Faut-il un conventionnement pour limiter l'installation en zone bien dotée ? La démarche a eu du succès avec les infirmiers. L'opposabilité des schémas régionaux d'organisation des soins est une piste.

Le Gouvernement a choisi de responsabiliser les médecins, un groupe de travail a été mis en place ; l'action est également engagée à l'hôpital, avec la T2A, le financement des hôpitaux locaux, ou le rétablissement du service public hospitalier. Le groupement hospitalier de territoires est une réforme majeure, les élus locaux en seront partie prenante.

Le redressement des comptes sociaux est le premier garant des innovations, il se dessine ces dernières années, c'est le signe d'une approche globale - celle des bons soins, par les bons professionnels, au, bon moment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

M. Alain Milon .  - Ce débat me rappelle celui sur la loi HPST et celui, plus récent, sur la modernisation de notre système de santé. Le nombre de médecins devrait encore reculer de 10 % d'ici 2025, la densité médicale de 15 %, alors que la santé figure au premier plan des priorités de nos concitoyens.

Comment améliorer la situation ? Les maisons de santé, limitant le travail administratif, optimisent le travail médical et facilitent la coordination de la prise en charge des patients. D'autres outils sont mis en place : contrats, bourses conditionnées à l'installation en zone sous-dotée, formation, SROS, télémédecine, j'en passe. La couverture des soins exige celle d'internet : l'e-médecine est devenue indispensable.

Il faut lutter contre la fracture sanitaire, limiter le renoncement aux soins. Plutôt que la coercition, mieux vaut réguler et inciter davantage, encourager les regroupements, en laissant les professionnels en débattre, se décider. Certains professionnels sont parvenus à des accords, sans contrainte légale. Le groupe Les Républicains étant favorable à la médecine libérale, j'ai proposé des pistes pour une meilleure organisation des soins, dans le cadre conventionnel - qui est le meilleur cadre.

Enfin, les Français doivent connaître le coût réel de leur santé : ce devra être un thème majeur de la prochaine présidentielle ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Nous avons un des meilleurs systèmes de santé au monde, mais les inégalités territoriales créent des inégalités d'accès aux soins. On compte en France 337 médecins pour 100 000 habitants en moyenne, ce qui est dans la moyenne des pays de l'OCDE ; le problème est celui de leur répartition.

La question de l'accès à des professionnels de santé de proximité est une préoccupation majeure de nos concitoyens et une priorité du Gouvernement qui mène une politique volontariste et incitative en la matière avec notamment le Pacte territoire santé ; avec le contrat d'engagement de service public, qui conditionne une bourse de 1 200 euros bruts par mois à l'engagement de s'installer dans une zone sous-dotée - 1750 contrats sont déjà signés. Monsieur Vall, quatre jeunes en fin de cursus vont, grâce à ce dispositif, s'installer dans le Gers. (M. Raymond Vall s'en félicite)

Le contrat de praticien territorial de médecine générale, destiné aux jeunes professionnels, garantit une rémunération mensuelle de 6 900 euros bruts par mois ; 600 praticiens en ont bénéficié, l'objectif est fixé à 1 000 d'ici 2017 ; dans le Gers, monsieur Vall, trois jeunes médecins en bénéficieront. (On s'en félicite derechef sur les bancs du groupe RDSE) On compte déjà 800 maisons de santé, l'objectif est de parvenir à 1 000 l'an prochain.

Nous avons augmenté le numerus clausus dans les dix régions où la densité médicale est la plus faible. Mais la hausse du numerus clausus n'est pas suffisante : le numerus clausus a augmenté de 50 % entre 1996 et 2003 sans que les inégalités se résorbent. À son niveau le plus bas, dans les années 1990, il n'était que de 3 500. Nous formons désormais 8 000 médecins par an.

Avec le nouveau volet du Pacte territoire santé, le nombre de stages ouvert a été augmenté, chez les généralistes comme dans d'autres spécialités comme la pédiatrie ou la gynécologie médicale. Le portail internet d'accompagnement www.paps.santé.fr rassemble toutes les informations sur les lieux de stage, les aides et les démarches. Les ARS sont mobilisées, des référents « installation » ont été installés. Le Pacte territoire santé est un dispositif cohérent.

L'accès à la santé dans les territoires ruraux repose aussi sur un maillage hospitalier de qualité et de proximité. Les périmètres des GHT et leurs orientations stratégiques seront définis en juillet, après concertation avec les élus locaux.

L'hôpital public est confronté à des difficultés de recrutement. Mme Touraine a lancé un plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital sur la base du rapport Le Menn : meilleur accompagnement des jeunes praticiens, création d'une prime d'engagement pour encourager 3 000 praticiens à travailler dans les établissements sous-dotés, encouragement des modes d'exercice mixtes hospitalier-libéral. Une prime d'exercice territorial encourage l'exercice sur plusieurs sites.

Des mesures ont aussi été prises pour adapter le financement des hôpitaux de proximité dans les territoires fragiles, auxquels la T2A n'est pas adaptée.

Le plan attractivité pour l'hôpital, les Pactes territoire santé 1 et 2 sont les éléments d'une même politique destinée à assurer l'accès de tous à notre système de santé, l'un des meilleurs du monde. Nous l'adoptons pour qu'il conserve son rang. (Applaudissements à gauche)

Le débat est clos.

Commission (Nomination)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que le groupe écologiste a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Corinne Bouchoux, membre de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.

La séance suspendue à 18 h 40 reprend à 18 h 45.

Déontologie et droits et obligations des fonctionnaires (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Discussion générale

M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous voici au terme d'un long processus : le projet de loi avait été déposé le 17 juillet 2013 puis rectifié par le Gouvernement en juin dernier. La CMP est parvenue à un texte équilibré, dans lequel les apports du Sénat sont nombreux.

Dans son premier volet relatif à la déontologie, les principes essentiels de la fonction publique sont rappelés : impartialité, intégrité, dignité, neutralité, laïcité. Les déclarations d'intérêts et de patrimoine sont élargies aux fonctionnaires occupant les postes les plus sensibles et les compétences de la commission de déontologie renforcées. Des dispositions spécifiques s'appliquent aux militaires et aux magistrats administratifs et financiers.

Le volet social prévoit par exemple l'extension des dispositions de la loi Sauvadet jusqu'en 2018 ; un congé de deux jours pour les représentants au CHSCT, un délai de prescription de trois ans en matière disciplinaire.

Le Sénat a cherché à garantir un juste équilibre entre les droits des agents et les marges de manoeuvre nécessaires des employeurs. Nous avons veillé à rendre plus efficace les dispositifs déontologiques : la déclaration patrimoniale sera soumise après la nomination et non avant ; une plus grande garantie de confidentialité pour la déclaration d'intérêts est prévue. Contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse, le Sénat n'a pas cédé sur le devoir de réserve ; il a accepté qu'il ne figure pas dans le texte à condition que la volonté du législateur soit précisée avec le maintien de ce principe jurisprudentiel sous le contrôle du juge administratif.

Grâce au Sénat, l'intérim a aussi été maintenu dans les trois fonctions publiques ; c'est une souplesse indispensable à la continuité du service public. Nous avons aussi oeuvré pour une gestion plus rationnelle de la fonction publique territoriale, maintenu le droit en vigueur pour le recrutement sans concours des agents de catégorie C - un comité de sélection spécifique aurait coûté cher aux petites collectivités -, précisé le rôle des centres de gestion, étendu les concours sur titre, maintenu la présence du juge administratif dans les conseils de discipline, assuré un meilleur suivi des reçus-collés.

Quelles sont les perspectives ? Nous attendons avec impatience le rapport de Philippe Laurent sur le temps de travail des fonctionnaires : il est inacceptable que certains agents de la fonction publique territoriale puissent travailler moins de 35 heures alors que l'on demande aux salariés du privé toujours plus d'effort. Nous avons aussi dû céder sur le délai de carence de trois jours. C'eut pourtant été une mesure d'équité avec le secteur privé. Dommage aussi que la généralisation des primes de performance n'ait pas été retenue, ni la question de l'âge de départ en retraite approfondie. L'article 27 ne règle qu'un cas particulier.

En conclusion, je souhaite que le débat se poursuive, notamment avec le projet de loi égalité et citoyenneté. La commission vous propose d'adopter le texte de la CMP au regard des nombreux apports du Sénat. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique .  - Cette loi conforte les valeurs que doivent incarner les agents de la fonction publique au service de nos concitoyens, tout en leur reconnaissant de nouveaux droits. Les deux chambres ont convergé sur un texte commun. Je salue le travail de Mme Lebranchu et remercie les rapporteurs, président et vice-président de la CMP d'avoir recherché les voies du compromis.

Ce texte arrive à bon port à un moment opportun ; les droits et obligations des fonctionnaires n'avaient pas été actualisés depuis trente ans et les quatre grandes lois de 1982, 1983 et 1986. Ce texte est dans leur continuité ; il reflète le profond attachement du Gouvernement pour le statut de la fonction publique et la spécificité de ses trois versants. Juste et ambitieux, il répond aux attentes des agents et des citoyens.

Dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité et laïcité - à laquelle je suis très attachée - les principes de la fonction publique sont, pour la première fois, inscrits dans la loi. Si les fonctionnaires doivent s'abstenir de manifester leurs opinions religieuses dans l'exercice de leur fonction, ils doivent aussi respecter la liberté de conscience et assurer l'égalité de traitement des usagers.

Ce texte parachève le travail amorcé avec la loi du 11 octobre 2013, renforce le pouvoir de la commission de déontologie. La reconnaissance des lanceurs d'alerte participe d'un renforcement de la déontologie dans la fonction publique. Comme y participe la disposition introduite par le Sénat interdisant à un fonctionnaire employé comme dirigeant d'un organisme public et d'une entreprise privée de toucher des indemnités autres que de congés payés. Une situation récente nous a laissé à tous un goût amer... Les fonctionnaires doivent être exemplaires.

Le texte loi propose d'autres dispositions telles que l'amélioration de la situation des contractuels, une meilleure organisation des mobilités des fonctionnaires ultramarins ou encore l'extension des missions du Centre national de la fonction publique territoriale pour faciliter le développement de l'apprentissage.

La CMP a aussi su rédiger avec précision la disposition concernant la prescription de trois ans en matière disciplinaire. La protection fonctionnelle des agents sera renforcée : 43 % des agents publics se disent victimes de violences verbales ou physiques. Il fallait agir.

Nous avons aussi renforcé les centres de gestion de la fonction publique territoriale.

Enfin cette loi modernise le dialogue social. Voilà donc un texte juste, équilibré, où les nouveaux droits s'accompagnent de nouveaux devoirs.

Je remercie la CMP d'avoir écarté certaines dispositions qui l'auraient déséquilibré, comme les trois jours de carence. Alors que certains responsables politiques appellent de façon à peine voilée au démantèlement de la fonction publique, nous choisissons de la renforcer ; les fonctionnaires incarnent l'intérêt général et ce serait une erreur de sous-estimer leur contribution au service de nos concitoyens.

Le Gouvernement est aussi attentif à la rémunération des fonctionnaires - c'est une marque de confiance. Les catégories C ont été revalorisées en février 2014, puis en janvier 2015, le protocole sur les carrières et les rémunérations est mis en oeuvre, via la loi de finances 2016, et implique que 500 textes seront revus d'ici la fin de l'année... Le point d'indice, gelé depuis juillet 2010, sera augmenté d'1,2 % en année pleine.

Pour l'avenir, trois sujets doivent être explorés plus avant : la laïcité, condition d'un vivre-ensemble apaisé ; l'innovation et l'engagement des jeunes au service de l'État. Pour cela, la fonction publique doit se moderniser et s'adapter, être ouverte à la diversité, exemplaire et transparente. (Applaudissements)

Mme Catherine Di Folco .  - Je salue le travail fructueux de notre rapporteur et de son homologue à l'Assemblée nationale. Je me réjouis que la CMP ait abouti en reprenant nombre de nos propositions : le statut des militaires, l'autosaisine du supérieur hiérarchique en cas de conflit d'intérêt, l'harmonisation des règles déontologiques du Conseil d'État avec celle des magistrats, la transmission de la situation patrimoniale dans les deux mois de la nomination, le maintien de la présidence du conseil de discipline par un magistrat de l'ordre administratif ou la dégressivité de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d'emploi à partir de la troisième année, dont la prise en charge est particulièrement coûteuse pour les collectivités - plusieurs centaines d'agents sont dans cette situation depuis de nombreuses années. Parmi les dispositions retenues, je pense aussi à la possibilité de recruter des agents de catégorie C sans concours.

Le recrutement sur titre, au sein de la fonction publique territoriale, dans les filières médico-sociales et techniques, sous tension, sera maintenu, de même que le recours à l'intérim dans la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale. Les missions obligatoires et facultatives des centres de gestion sont élargies, qui bénéficient aux collectivités territoriales et aux intercommunalités.

Je regrette cependant que certaines de nos propositions n'aient pas été retenues, et d'abord sur l'inscription du devoir de réserve. Depuis 1935, il figure dans la jurisprudence administrative ; pourquoi ne pas l'avoir formalisé dans le statut ? Je ne manquerai pas, pour ma part, de le rappeler aux candidats des nombreux concours dont je préside le jury.

Ensuite, les dispositifs de dérogation aux 35 heures. La Cour des comptes a noté qu'il y a là un gisement de productivité : si 12 agents passaient simultanément de 32 à 35 heures, un ETP annuel serait dégagé... Nous serons attentifs aux conclusions du rapport Laurent.

Enfin, l'instauration d'un jour de carence à compter du 1er janvier 2012 a fait baisser les arrêts maladie d'une journée de plus de 43 % dans les collectivités locales et fait économiser 164 millions d'euros en 2012 pour les trois fonctions publiques. À l'heure où chacun doit contribuer à l'effort de redressement des finances publiques, la différence avec le secteur privé n'est pas justifiable. Nous proposerons à nouveau ce dispositif dans un prochain texte.

Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite)

M. Christian Favier .  - Le statut de la fonction publique concerne 5 millions d'agents - et leur famille ; il mérite mieux qu'un débat raccourci par la procédure accélérée et un accord en CMP entre parlementaires de droite ou soutenant le Gouvernement. Les préoccupations des fonctionnaires trouvent peu d'écho dans ce texte. Peu de choses auront bougé pendant cette mandature...

En ouverture de la discussion, j'avais noté des avancées, comme la lutte contre les conflits d'intérêts, la titularisation de certains agents contractuels, l'élargissement des dispositifs de mobilité ou les nouvelles garanties statutaires. Mais j'avais aussi déploré, au-delà du manque d'ambition du texte, certaines dispositions telles que la mise à pied de trois jours sans recours au conseil de discipline ou la timidité des mesures de lutte contre la précarité. Nous craignions que le texte issu du Sénat fragilise la situation des fonctionnaires. Ces craintes étaient fondées. La droite sénatoriale a instauré trois jours de carence, élargi le recours aux CDD...

Dispositions que la CMP a écartées. Mais le risque d'une fonction publique low cost prend corps dans ses versants territorial et hospitalier. Un ancien président de la République souhaite ainsi supprimer 300 000 fonctionnaires, voire la fonction publique territoriale elle-même... C'est pourquoi nous regrettons que la précarité de nombreux fonctionnaires n'ait pas été davantage prise en considération et que la démocratie sociale reste aussi pauvre.

Nous regrettons que le Gouvernement ne soit pas revenu sur l'amendement Lamassoure, contraire à l'article 6-4 de la Charte sociale européenne qui garantit le droit de grève.

Finalement ce texte se borne à porter diverses mesures sur la fonction publique ; ce n'est pas un texte ambitieux, fondateur d'un engagement politique fort en faveur d'une fonction publique démocratisée, ouverte et dynamique au service de l'intérêt général.

Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Françoise Laborde .  - L'État ne saurait être appréhendé comme une entreprise et ne doit pas l'être. La poursuite de l'intérêt général nécessite une administration compétente et intelligente, respectueuse des principes déontologiques et protégée des intérêts privés.

Le groupe RDSE salue la hausse du point d'indice, gelé depuis 2010. Nous approuvons le renforcement de la protection fonctionnelle, la prolongation du plan Sauvadet de lutte contre la précarité ou encore la prescription de l'action disciplinaire. D'autres dispositions nous préoccupent, comme la transposition aux fonctionnaires des dispositions prévues pour les responsables politiques en matière de transparence. La Haute Autorité dispose-t-elle des moyens suffisants ? Son fonctionnement n'est, en outre, pas assez encadré. Comment fera-t-elle pour traiter 20 000 nouvelles déclarations d'intérêts et 4 000 nouvelles déclarations de patrimoine ?

Le texte de la CMP est un texte de compromis qui comporte une sérieuse lacune : nous avions déposé un amendement pour obliger la Haute Autorité à motiver ses décisions et créant une voie de recours. Il n'a pas été adopté.

Nos concitoyens exigent que la loi soit la même pour tous et que les fonctionnaires qui ont fauté soient soumis au code pénal, comme tous les citoyens. Les dispositions de ce texte seront-elles suffisantes pour guérir les « maladies » dont souffrentcertains fonctionnaires, celles que diagnostiquait le vice-président du Conseil d'État Jean-Marc Sauvé, la « schizophrénie existentielle », qui conduit à affirmer de grands principes sans les mettre en pratique, et la « maladie de la rivalité et de la vanité », quand la recherche des avantages personnels l'emporte sur le service du bien commun ? Ne cédons pas à la suspicion généralisée, la majorité des fonctionnaires a conscience de l'importance de sa mission au service de l'État et de nos concitoyens. Mais celle-ci implique le respect de règles de droit identiques pour tous.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Au nom du groupe socialiste, je me félicite de l'accord trouvé en CMP sur ce texte important pour les 5,4 millions d'agents publics de notre pays. Il modernise le statut issu de la loi de 1983.

Les avancées du projet de loi ont été conservées en CMP, et les points les plus sensibles retirés de sa version finale. Saluons le travail des deux rapporteurs pour y parvenir.

Le titre premier fait émerger une nouvelle culture de déontologie pour les fonctionnaires, en inscrivant dans la loi les grands principes - dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité - jusqu'alors seulement jurisprudentiels. En outre, il intègre différents outils propres à faire appliquer ces principes : mesures préventives des conflits d'intérêts, dans la lignée de la loi sur la transparence de la vie publique ; renforcement des prérogatives de la commission de déontologie et contrôle des départs des fonctionnaires vers le privé et des cumuls d'activités ; protection des lanceurs d'alerte et création de référents déontologues. Le groupe socialiste est très satisfait de la création d'un droit à un conseil déontologique pour tout agent public, tout comme de la faculté pour les centres de gestion de proposer une assistance juridique.

Mais le texte déborde la question de la déontologie : protection fonctionnelle accrue, mobilité, égalité hommes-femmes, résorption de la précarité... J'insisterai plus spécialement sur quelques points.

D'abord sur les reçus-collés : la liste d'aptitude est prolongée mais ils devront informer les centres de gestion de leur situation et les centres de gestion devront les suivre individuellement. L'objectif de réduction de la précarité devra être maintenu à un niveau raisonnable. Le plan Sauvadet est prolongé jusqu'en 2018, et non 2020.

La sanction d'exclusion de trois jours reste une sanction de premier groupe ; la présidence du conseil de discipline par un juge administratif est maintenue ; tant mieux. Notre groupe était également opposé au rétablissement des jours de carence.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Hélas !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous saluons enfin la revalorisation des catégories C et le dégel du point d'indice.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Ce n'était pas dans le texte !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous voterons ce texte.

M. Yves Détraigne .  - Nous nous réjouissons du compromis trouvé pour les agents publics. Je salue le travail de M. Vasselle, grâce à qui la position du Sénat a largement prévalu en CMP. Jacqueline Gourault a pesé sur les évolutions du texte. D'abord sur l'attachement au concours pour l'entrée dans la fonction publique, ce qui n'exclut pas la souplesse du recours aux contractuels ou à l'intérim, souplesse préservée en CMP et conforme aux positions du Sénat ; de même que la suppression des comités de sélection pour les agents de catégorie C.

Jacqueline Gourault avait encore proposé une dérogation à l'emploi titulaire dans la fonction publique hospitalière ou la fonction publique territoriale en autorisant le recours à des contrats de droit privé dans certains établissements comme dans les petits châteaux où il est dans l'ordre des choses que la même personne assure à la fois l'entretien, la billetterie et les visites. L'amendement a été retiré, contre l'engagement de Mme Descamps-Grenier de prendre en compte les circonstances locales.

Le maintien de la sanction d'exclusion de un à trois jours dans le premier groupe est heureuse : son passage au deuxième groupe aurait emporté la réunion d'un conseil de discipline, la rendant inopérante.

Les discussions sont récurrentes ; on aime à opposer la fonction publique au monde de l'entreprise. Pour ma part, je refuse de les opposer, car je connais la qualité des fonctionnaires.

Nous devons cependant nous assurer de l'équité entre les agents publics et les salariés du secteur privé. Je veux ici parler de l'application des trois jours de carence pour les fonctionnaires en cas d'arrêt maladie. II est vrai que cette volonté d'équilibrer les règles entre fonction publique et salariat privé doit être précisée, en n'oubliant pas que les deux tiers des salariés du secteur privé bénéficient d'une prise en charge des jours de carence par leur complémentaire santé.

C'est pourquoi Mme Gourault a proposé l'instauration d'un seul jour de carence, ce qui constitue une contribution nécessaire au redressement des finances publiques et au bon fonctionnement des services publics en luttant contre l'absentéisme injustifié.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Un amendement de sagesse.

M. Yves Détraigne.  - Sénatorial, en somme. (Sourires)

La CMP a considéré que cette disposition méritait de nouvelles discussions lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté. Nous aurons également, j'en suis sûr, l'occasion d'en reparler dans le cadre des discussions autour du rapport de Philippe Laurent sur le temps de travail dans la fonction publique.

Nous voterons ce texte, qui n'est toutefois pas une fin en soi. Dans un monde qui change sans cesse, la fonction publique devra continuer à évoluer.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

Prochaine séance, mardi 26 avril 2016 à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 45.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 26 avril 2016

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.

Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 535, 2015-2016).

Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016).

Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016).

Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016).

Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 200 sur l'ensemble de la proposition de loi modifiant la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre de rallonger d'un an le délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités.

Résultat du scrutin

Nombre de votants343

Suffrages exprimés322

Pour203

Contre119

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Abstentions : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

Abstention : 1 - M. Jean-Marie Bockel

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.