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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Question prioritaire de constitutionnalité

Situation financière des départements

M. Benoît Huré, au nom du groupe Les Républicains

M. Jean-Claude Luche

M. Christian Favier

M. Thierry Carcenac

M. Joël Labbé

M. Philippe Adnot

Mme Hermeline Malherbe

M. Bruno Sido

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Pierre Camani

M. René-Paul Savary

M. Vincent Eblé

M. Philippe Bas

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Trentième anniversaire du baccalauréat professionnel

M. Patrick Abate, au nom du groupe communiste républicain et citoyen

Mme Marie-France Beaufils

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Leila Aïchi

Mme Françoise Laborde

M. Jacques Legendre

M. Michel Canevet

Mme Maryvonne Blondin

M. Jean-Claude Carle

M. Jacques Grosperrin

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

CMP (Candidatures)

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

Incivilités et terrorisme dans les transports (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. François Bonhomme, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Jean-Claude Leroy

Mme Esther Benbassa

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-François Longeot

Mme Éliane Assassi

M. Louis Nègre

M. Jean-Jacques Filleul

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 6 BIS

ARTICLE 6 TER

ARTICLE 15

Organisme extraparlementaire (Nominations)

CMP (Nominations)

Chambres consulaires (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

M. Joël Labbé

M. Jean-Claude Requier

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Michel Le Scouarnec

M. Yannick Vaugrenard

Mme Sophie Primas

Mme Delphine Bataille

Mme Frédérique Espagnac

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur

M. Daniel Chasseing

M. Yannick Vaugrenard

M. Michel Canevet

Ordre du jour du mardi 8 mars 2016




SÉANCE

du mercredi 2 mars 2016

71e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 2 mars 2016, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur l'absence d'indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail provoquée par la faute lourde du salarié, sur le gel administratif des avoirs et sur la validation des évaluations de valeur locative par comparaison avec un local détruit ou restructuré.

Situation financière des départements

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation financière des départements à la demande du groupe Les Républicains.

M. Benoît Huré, au nom du groupe Les Républicains .  - La situation financière des départements met en péril leur survie même. Ils comptent parmi les premiers investisseurs publics de France, avec 11,3 milliards d'investissement en 2014, pour 33 milliards de dette cumulée. Mais leurs 59 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement sont désormais pour moitié des allocations de solidarité. S'y ajoute, depuis les lois de décentralisation, le transfert par l'État de l'entretien des routes, des collèges, puis, depuis 2002, d'un nombre croissant de politiques sociales, comme la dépendance, le handicap et le RSA. Les conseils départementaux, dont une quarantaine sont dans une situation intenable, ont été contraints de recruter et de former des équipes de terrain qui représentent 40 à 50 % de leurs 294 000 agents.

Année après année, l'État a oublié de rembourser une part croissante des allocations de solidarité prescrites par lui et versées par les départements. Or le vieillissement de la population, l'amélioration de la prise en charge, mais surtout l'explosion du nombre de bénéficiaires du RSA - plus 25,5 % dans les Ardennes - rend aujourd'hui la situation intenable. Le reste à charge des départements atteint 8,1 milliards en 2015, contre 7,2 milliards en 2014. Parallèlement, la baisse de leurs dotations entre 2014 et 2017 atteint 4 milliards d'euros, soit 30 %...

La logique de remboursement par l'État des allocations individuelles de solidarité est de plus ubuesque : plus un département compte de bénéficiaires du RSA et de l'allocation personnalisée d'Autonomie (APA), moins il est compensé. Le reste à charge par habitant varie de 77 euros à 217 euros, voire plus en outre-mer.

L'Assemblée des départements de France (ADF) a alerté le président de la République et le Gouvernement. Dix départements étaient annoncés en déséquilibre fin 2015, 30 à 40 de plus le seront en 2016 et tous finiront par l'être en 2018.

Dans le cadre d'un dialogue âpre mais constructif, le Gouvernement a enfin annoncé des solutions pérennes. C'est la solidarité nationale à l'égard des plus fragiles, principe issu du programme du CNR, qui est ici en cause, l'État doit donc assumer son rôle. Le Premier ministre a annoncé une prise en charge par l'État du financement du RSA dès 2017, dans le cadre d'une réforme globale des allocations de solidarité. La prise en charge du RSA ne sera pas financée par les recettes dynamiques des départements, DMTO ou CVAE, mais par un prélèvement sur la DGF établi en fonction de la situation de chaque département et de l'efficacité de la politique d'insertion. Le principe du retour à meilleure fortune est entériné, ainsi que celui d'un fonds d'urgence de 250 millions d'euros pour les départements les plus en difficulté.

Reste à préciser le calendrier de la réforme. C'est l'année 2014 qu'il faut prendre comme référence, la dernière où les départements ont pu faire face.

Bref, un rayon de soleil dans un ciel encore sombre.

Les Ardennes, avec 280 000 habitants, 450 millions d'euros de budget, 242 millions d'euros en quinze ans d'investissements conjoints avec l'État - par exemple dans la ligne ferroviaire Rotterdam-Marseille - aura vu en trois ans ses dotations baisser de 9 millions soit l'équivalent de 18 % de ses recettes fiscales - dans le même temps l'État aura oublié de rembourser 106 millions au titre des allocations de solidarité. Plusieurs départements rencontrent les plus grandes difficultés pour verser les allocations relatives à la dépendance. Qui à leur place, pourtant, peut mieux qu'eux mettre en oeuvre les politiques de solidarité sociale et territoriale ? Les départements ont besoin de bien plus que d'une béquille pour exercer leurs missions d'intérêt local et national. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Claude Luche .  - Il faut, comme trop souvent, que les choses aillent mal pour qu'on en parle... On s'intéresse aujourd'hui aux départements, parce qu'ils disent ne pouvoir plus payer le RSA. La paralysie des départements menace les plus fragiles de nos concitoyens. Dix départements étaient en difficulté fin 2015, ils seront une quarantaine cette année ; tous seront à terme en impasse financière.

Ce n'est pas faute d'avoir lancé l'alerte. Baisse des dotations, des DMTO, du produit de la CFE d'un côté, de l'autre hausse vertigineuse du poids des allocations de solidarité, besoins grandissants pour l'entretien des routes, des collèges, sans parler de l'augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés, du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), des mesures statutaires consenties par Marylise Lebranchu, ou de l'équipement informatique des collèges... L'État s'est trop longtemps défaussé de ses responsabilités sur les départements.

Ceux-ci, longtemps, ont tenu bon : ainsi l'Aveyron, qui a perdu 62 millions d'euros de dotations en six ans, soit une année d'investissement. Mais la charge est devenue pour tous insupportable. Beaucoup ont dû s'endetter, réduire leurs investissements, avec des conséquences dramatiques sur l'économie et l'emploi dans les territoires, et une dynamique brisée dans de nombreux cantons.

Les départements ont besoin de réponses de court et de long terme. Où en est la réflexion sur le reste à charge de l'APA ? La réforme de la dépendance se fait attendre...

L'ADF a fait d'une seule voix des propositions, les annonces du Gouvernement sont bienvenues mais arrivent bien tard. La solidarité ne peut plus être à sens unique ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Favier .  - Le groupe CRC se félicite de ce débat. Si toutes les collectivités territoriales subissent les effets désastreux de l'austérité pour financer un soi-disant pacte de responsabilité, les départements, par leurs compétences sociales, sont confrontés à une situation particulièrement alarmante. La crise économique et sociale provoque la flambée de leurs dépenses sociales : 35 milliards d'euros par an, dont plus de la moitié pour le versement du RSA, de l'APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui bénéficient à 3 millions de Français. Ces dépenses ont crû de 5 %, voire de 10 % par an, bien au-delà de l'inflation. De l'autre côté, une insuffisante compensation par l'État des dépenses obligatoires et des recettes atones. Et enfin le coup de grâce : la baisse des dotations, soit un manque à gagner, entre 2013 et 2017, de 10 milliards d'euros.

Le CICE, censé créer un million d'emplois, s'est évaporé dans les poches des actionnaires, (M. Bruno Sido le conteste) tandis que l'investissement public local a baissé de 6 % en 2014, puis d'autant en 2015, avec à la clé la destruction de milliers d'emplois : en Île-de-France en 2015, l'emploi a chuté de 2 % dans le BTP, et même de 13 % pour ce qui est des intérimaires du secteur...

Il y a urgence à inverser cette logique suicidaire. Pour les départements, un moratoire sur les baisses de dotations s'impose, jusqu'à ce que l'effet des politiques d'austérité ait été évalué. Les dépenses de solidarité nationale doivent être intégralement compensées, et la gestion du RSA reprise par l'État, car ici, la plus-value d'une gestion locale est nulle - d'autant que certains voudraient remettre en cause le caractère universel de l'allocation...

Après des mois de discussion et de mobilisation des élus et de la population - une pétition a été signée dans le Val-de-Marne par 27 000 personnes - le Premier ministre a enfin annoncé des mesures. Mais le compte n'y est toujours pas. Nous attendons un transfert rapide à l'État des dépenses du RSA, dès avant 2017, et le choix de 2014 comme année de référence. L'enjeu est de 40 millions pour le Val-de-Marne en 2016.

Il y a urgence. Notre pays va mal, nos concitoyens ont besoin de collectivités territoriales et de services publics à l'écoute et réactifs. Pour cela, il faut donner aux départements les moyens d'exercer leurs missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Benoît Huré applaudit aussi)

M. Thierry Carcenac .  - Les difficultés financières des départements ne datent pas d'aujourd'hui mais elles se sont aggravées depuis le transfert en 2004 des dépenses de solidarité, et la réforme de la taxe professionnelle en 2010 - assortie de mesures ponctuelles de péréquation. L'effet de ciseau est de plus en plus net entre dépenses en hausse et recettes en baisse. Les rapports Carrez-Thenaut sur la maîtrise des dépenses locales, de la Cour des comptes, de la Délégation aux collectivités territoriales, du Comité des finances locales, de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée et de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) ont alerté depuis longtemps ...

Les gouvernements Fillon, Ayrault et Valls ont successivement essayé d'apporter des réponses ; ainsi, en 2014, les départements ont été autorisés à augmenter les taux des DMTO, en même temps qu'était mis en place un fonds de compensation péréqué. Rien n'y fait...

L'annonce par le Premier ministre de la prise en charge par l'État du RSA est bienvenue, mais de nombreuses questions demeurent.

Il ne s'agit nullement de recentralisation : les départements resteront chargés du suivi des bénéficiaires et de l'insertion. L'année de référence doit être 2014, et la participation des départements ne doit pas reposer sur des recettes dynamiques telles que les DMTO. Il faut retenir des critères objectifs, le revenu par habitant ou le reste à charge des trois allocations de solidarité. Le Premier ministre a annoncé des incitations financières au renforcement des dispositifs d'insertion.

Il faut aller vite. Dans le Tarn, le reste à charge est passé de 8,5 millions en 2011 à 24,5 millions aujourd'hui - un point de pression fiscale représente 1 million d'euros... Le temps presse, les départements veulent vivre ! Je fais appel à vos talents de négociateur, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)

M. Joël Labbé .  - Les dotations de l'État aux collectivités territoriales baisseront encore de 3,5 milliards d'euros en 2016, avec des conséquences préoccupantes sur la qualité des services rendus à la population. Les écologistes ne l'acceptent pas. La baisse des dépenses de fonctionnement ne suffira pas à équilibrer les budgets locaux ; or réduire leurs investissements est très périlleux en temps de crise. Lisibilité, prédictibilité, solidarité territoriale et péréquation doivent être au coeur de la réforme de la DGF.

Les départements font face à la hausse des dépenses liées aux allocations de solidarité, RSA, APA, PCH, dont les sigles sont de moins en moins compris de nos concitoyens. Des dépenses, souligne la Cour des comptes, qu'ils ne maîtrisent pas... Et ils ne peuvent plus engager de plan d'économie ; et 80 départements risquent de ne pas pouvoir boucler leur budget en 2017 malgré des efforts drastiques.

Fin février, le Premier ministre a accepté que l'État prenne en charge le financement du RSA sans ponctionner les recettes des départements tirées des DMTO et de la CVAE. Un prélèvement sera néanmoins opéré sur la DGF des départements en tenant compte de la situation de chacun et de l'efficacité de sa politique d'insertion. C'est un compromis équilibré, qui ne nous dispense pas d'une réflexion sur l'avenir des aides sociales. Nous discuterons bientôt, à l'initiative de Jean Desessard, de l'opportunité d'un revenu universel, à l'image de ce qui se met en place dans plusieurs pays.

Il faut aussi soutenir les investissements innovants des départements pour la transition énergétique, résorption de la précarité énergétique, rénovation thermique du parc immobilier, dont les collèges, routes productrices d'énergie... Ces investissements ne pourraient-ils pas faire l'objet d'une prise en compte différenciée dans l'évaluation du taux d'endettement des départements ? Le chantier est vaste mais l'enjeu essentiel : remettre la solidarité et l'équilibre du territoire au coeur de l'action publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe RDSE)

M. Philippe Adnot .  - Ce débat doit être abordé avec humilité. Je me présente : Philippe Adnot, sénateur de l'Aude depuis 27 ans, président du conseil départemental depuis 26 ans... Élu alors d'un des départements les plus endettés, il est devenu l'un des dix les moins endettés. Je pensais avoir tout maîtrisé... Pas du tout !

Les gouvernements successifs ont en permanence cherché à remplacer nos ressources propres, notre autonomie, par des dotations - taxe d'habitation, taxe professionnelle, vignette automobile. Ont été mis à la charge des départements des dépenses relevant d'une logique de solidarité nationale, des dépenses qui pèsent le plus fortement sur les départements les plus en difficulté... Si l'on y ajoute la baisse des dotations, la situation est devenue insupportable. Les plans d'économie que j'ai lancés n'ont pas suffi. Si rien n'est fait, nous n'y arriverons pas.

Pour sortir de l'ornière, il faut cesser de créer de nouvelles dépenses publiques et d'accumuler les contradictions. La loi vieillissement nous demande, par exemple, de passer en revue l'ensemble des bénéficiaires de l'APA. Avec quel personnel ? Faute de moyens, nous ne la respecterons pas...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Adnot.  - Nous devons aussi embaucher pour la maintenance informatique dans les collèges et doter tous les collégiens de tablettes. C'est impossible !

Soit des solutions sont trouvées, soit nous ne pourrons plus payer les allocations de solidarité. La solution est entre vos mains, monsieur le ministre. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Hermeline Malherbe .  - Débattre de la situation financière des départements, c'est débattre de l'effectivité des principes de liberté, d'égalité, de fraternité, auxquels on ajoute, dans les Pyrénées-Orientales, la laïcité et la solidarité. Qui mieux que le département les fait vivre ?

Nous ne quémandons pas. Les départements sont dans une situation financière extrêmement tendue. Tous se demandent comment ils boucleront leur budget en 2016. Il faut faire oeuvre de pédagogie. J'entendais une chercheuse dire sur France Info que toutes les dépenses de solidarité étaient prises en charge par l'État, c'est faux !

Dans les Pyrénées-Orientales, département de 470 000 habitants, les trois allocations de solidarité ont coûté 182 millions d'euros en 2015 sur 620 millions de budget, dont 85 millions à la charge du département. Face à de telles dépenses, certains départements augmentent les impôts, diminuent drastiquement leurs investissement ou de fonctionnement - ou les trois à la fois...

Entre 2004 et 2015, la quasi-totalité de l'effort fiscal demandé aux habitants a financé la part des allocations de solidarité à la charge du département, soit un total de 580 millions d'euros. (M. Bruno Sido s'exclame) Autant d'argent qui n'a pas été injecté dans l'économie locale et l'emploi...

Il y a double peine quand un département concentre les difficultés sociales et doit, pour financer les dépenses de solidarité, augmenter les impôts. Beaucoup de départements sont confrontés au risque d'insolvabilité.

Jeudi dernier, enfin, le Premier ministre a donné des gages sur la recentralisation du RSA. C'est une avancée à saluer, même si tous les doutes ne sont pas levés. Si vous pensez que le département doit vivre, il faut plaider notre cause auprès du président de la République et du Premier ministre, monsieur le ministre.

M. Roger Karoutchi.  - Et de Bercy !

Mme Hermeline Malherbe.  - Les dépenses d'APA et de PCH sont une autre grenade dégoupillée. Au-delà des mesures d'urgence, il faut répondre à cette question : le département a-t-il un avenir dans la république décentralisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Bruno Sido .  - Hier se tenait l'assemblée générale de l'ADF, dont j'ai l'honneur d'être l'un des vice-présidents. Sur un tel sujet, il n'y a pas de gauche ni de droite, mais un rapport de confiance à préserver entre les départements et l'État. En cinq ans, les dépenses de solidarité des départements ont augmenté de 3,4 milliards d'euros, soit de 13,2 % par an. Le reste à charge pour le seul RSA se monte à 4 milliards d'euros en 2015.

Parallèlement, l'État baisse les dotations de 4 milliards... Il est temps de tirer la sonnette d'alarme ! Que l'État assume le financement du RSA, dont le montant est voté par le Parlement et qui relève de la solidarité nationale, est une bonne chose ; que le département conserve ses capacités d'insertion, c'est cohérent. Voilà pour le devant de la scène...

Mais attention aux transferts masqués. Le département doit par exemple financer non seulement les routes, mais aussi, on le sait moins, les deux tiers des travaux sur les voies navigables et en assumer la maîtrise d'ouvrage... Quand le pont est vétuste et la circulation dangereuse.... Il y a quinze jours les travaux réalisés par le conseil général de Haute-Marne sur le pont tournant de Humes-Jorquenay a coûté, à lui seul, 1,5 million d'euros...

De même, les casernes de gendarmerie et de sapeurs-pompiers, compétences régaliennes pourtant s'il en est, sont largement financées par les départements : la contribution des communes au budget des Sdis étant stabilisée, toute dépense nouvelle est à la charge des conseils départementaux.

Depuis la loi Peillon, les départements assument la maintenance des systèmes informatiques des collèges : deux marchés publics de 150 000 euros chacun dans mon département ! Et l'on nous demande à présent d'acheter des tablettes pour les collégiens, comme en Corrèze... La Haute-Marne a dû recruter quatre agents en raison du désengagement de l'État dans l'assistance aux communes... Si je devais aller au terme de cette odyssée des transferts masqués, Pénélope aurait sans doute le temps de terminer sa tapisserie... (Sourires)

Les départements attendent une répartition claire des responsabilités, que cessent les transferts qui ne disent pas leur nom. Ils veulent être traités en partenaires responsables. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Je salue l'initiative du groupe Les Républicains. En toile de fond, l'idée d'un affaiblissement permanent des départements, de la simplification du millefeuille... C'est l'honneur du Sénat d'avoir combattu la pensée unique et rappelé que la vie, la vraie, c'est autre chose...

C'est surtout, monsieur le ministre, que vous avez une vraie expérience : vous savez, vous, que la vraie vie est au-delà du périphérique.

La vie des départements, c'est avant tout la construction des solidarités territoriales. Des régions gigantesques sur le plan géographique et démographique seront dépourvues de marges de manoeuvre. La solidarité humaine, voilà la plus noble des compétences. On ne construit pas des dispositifs sociaux du jour au lendemain : cela exige de l'expérience, du savoir-faire, du temps.

Or les départements ont vu leurs moyens fondre : les dotations de l'État ont baissé de 10 % par an, tandis que les dépenses sociales ont augmenté de 10 % par an, notamment le RSA puisque le chômage ne cesse d'augmenter. La protection de l'enfance est devenue un autre poste majeur, avec la dépendance et le handicap, en raison de la hausse du nombre de mineurs étrangers isolés. Les départements ruraux, qui ont le plus de bénéficiaires de l'APA, ont aussi les capacités contributives les plus faibles.

L'État doit prendre en charge ce qui relève de sa responsabilité ; rétablissons l'autonomie fiscale des départements et mettons un terme au siphonage de leurs ressources. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre Camani .  - Les missions des départements ont été recentrées autour des solidarités locales, à quoi s'ajoutent des compétences de voirie, culture, etc. Les départements, dont le mien, sont dans une impasse financière, en raison de la hausse des dépenses de solidarité. Dans le Lot-et-Garonne, le reste à charge pour le seul RSA est passé de 2 à 22 millions entre 2008 et 2015, pour représenter 13 % du budget de fonctionnement du département - sans parler de la charge représentée par les mineurs étrangers isolés. Au total, sur toutes les allocations versées par le département, 42 millions ne sont pas compensés par l'État.

Les annonces du Premier ministre vont dans le bon sens ; la recentralisation du RSA sera financée par un prélèvement sur la DGF des départements, tenant compte de l'efficacité de leur politique d'insertion. Des précisions, sur le calendrier de la réforme et l'année de référence retenue, sont encore attendues ; il faudra de toute façon aller plus loin que cette recentralisation du RSA, car c'est du principe républicain d'universalité des droits sociaux qu'il est au fond question. La véritable péréquation devra prendre en compte la structure de financement de chaque département.

Notre pays rencontre de grandes difficultés. Restons imaginatifs et innovants pour faire vivre nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. René-Paul Savary .  - Quel joli métier est le vôtre, monsieur le ministre ! Vous savez bien, en tant qu'élu local, dans quelles difficultés sont les départements. Au sentiment d'abandon qu'ils éprouvent, on a répondu par de grandes régions et des dotations en baisse. Mais qui s'est précipité pour assumer les compétences de solidarité, sinon les départements ? C'est en effet leur métier. Les départements sont aussi une collectivité de proximité qui aide les communes, aménage le territoire, soutient l'investissement local. Voilà pourquoi nous défendons les départements. Et voilà qu'un gouvernement de gauche s'en prend, à travers les départements, à la solidarité envers les personnes les plus en difficulté ! (Protestations à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai. (Applaudissements à droite)

M. René-Paul Savary.  - Cette situation devient insupportable. Recentraliser le RSA d'accord, mais avec quel argent ? Celui des départements ! C'est un véritable hold-up. Les impôts locaux serviront donc à l'exercice par l'État de ses propres missions... Et je n'évoque pas la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Dans mon département, 17 millions d'euros seront perdus pour le transport scolaire, et l'on va m'en retirer 16 millions supplémentaires.

M. Roger Karoutchi.  - 17 égale 33, enfin !

M. René-Paul Savary.  - Les départements sont asphyxiés, vous voulez maintenant les dépecer.

Je me permets de rappeler que nous avons été élus jusqu'en 2021 : constitutionnellement, vous serez tenus de nous permettre de vivre jusqu'à cette date. Aidons les départements, acteurs de la cohésion sociale, à vivre plutôt que de les étouffer ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Vincent Eblé .  - En 2004, le ministre Copé, mon voisin de Seine-et-Marne, déclarait que les transferts de charges seraient compensés à l'euro près. La réforme de 2004 a asphyxié les départements. (Protestations à droite)

M. François Grosdidier.  - C'est vous qui baissez les dotations !

M. Vincent Eblé.  - Les conseils départementaux sont les seules collectivités territoriales européennes élues au suffrage universel qui doivent assurer des missions de solidarité nationale sans pouvoir en fixer le montant.

Les annonces du Premier ministre vont dans le bon sens, mais il faudra aller plus loin. En réformant la dotation globale de fonctionnement d'abord.

Ses écarts sont préjudiciables au bon fonctionnement des départements : en 2014, alors que le potentiel fiscal de la Seine et Marne est inférieur à la moyenne nationale, elle a reçu 113 euros par habitant, contre 152 euros par habitant pour les Hauts-de-Seine, dont le potentiel fiscal est bien supérieur.

M. Roger Karoutchi.  - Et la péréquation ?

M. Vincent Eblé.  - Elle fonctionne à l'envers, du pauvre vers le riche.

La dotation globale de fonctionnement a cristallisé des situations territoriales devenues obsolètes. Aucune actualisation depuis 1999, date de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. La réforme de la DGF-bloc communal, a été reportée, dont acte ; attaquons nous à celle des départements.

La CVAE doit également être réformée, pour tenir compte du lieu de domiciliation des personnes plutôt que du siège social de l'entreprise. Les salariés d'entreprises dont le siège est dans les Hauts-de-Seine habitent en Seine-et-Marne - qui doit donc en assumer la charge.

Entrons enfin dans une nouvelle ère pour les départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. Philippe Bas .  - Les départements sont là et bien là.

M. Jacques Mézard.  - Las, aussi...

M. Philippe Bas.  - Ils sont un point fixe, un pôle de stabilité dans notre organisation territoriale. Condamnés à mort par le Premier ministre dans son discours d'investiture.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et par Sarkozy !

M. Philippe Bas.  - Ils sont toujours vivants ! Que l'État cesse de vouloir rendre sa copie propre au détriment des collectivités territoriales ! Monsieur le ministre, soyez notre avocat auprès de Bercy : je sais que vous partagez notre inquiétude.

Les dépenses de solidarité ont augmenté avec le chômage ; nos départements n'en ont pas moins répondu présents pour remplir leurs missions. Je veux rappeler un principe simple : ni les dotations, ni les compensations de transfert de charges ne sont des libéralités, ce sont des obligations constitutionnelles et législatives ! On ne doit pas jouer avec, au péril de la cohésion sociale. Le remplacement de l'impôt local par des transferts de l'État est un jeu à somme nulle pour nos finances publiques, mais relève d'une pratique condescendante envers les collectivités territoriales.

Ne croyez pas que vous apporterez un remède au problème des finances des départements en vous contentant de recentraliser le RSA. Allez-vous contrôler enfin l'attribution du RSA ? Les décisions prises ne doivent pas l'être à la va-vite, nous ne sommes pas dans une partie de ping-pong : l'État et les départements doivent partager les charges et non polémiquer inutilement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Ce débat fourni, passionné, me donne l'occasion de revenir, à mon tour, sur un échelon que je connais un peu, et pour lequel, j'ai toujours milité. J'ai souvenir du rapport Krattinger-Raffarin, qui suggérait la diminution du nombre de régions et réaffirmait la place centrale du département, échelon de la proximité et de la solidarité. J'y souscris totalement.

Les départements sont tous globalement dans la même situation : en dépit d'une bonne gestion, ils pâtissent d'un effet de ciseaux, lié à la conjoncture, qui a pour conséquence une baisse du taux d'épargne brute jusqu'à 6,5 % voire 5 %.

La loi NOTRe ne remet pas en cause l'avenir du département ; elle le renforce au contraire dans son rôle d'ingénierie pour les collectivités territoriales les plus petites et les moins bien dotées, et de prise en charge des personnes isolées fragiles ou en perte d'autonomie. Les départements doivent avoir les moyens de s'acquitter de ces missions. Je ne peux toutefois éviter d'évoquer la participation demandée aux départements dans le plan de réduction des déficits, lancé en 2014, qui concerne tous les échelons.

Sur 50 milliards d'économies sur trois ans, 11 sont portés par les collectivités territoriales. En 2016, 1,14 milliard d'euros d'effort leur sera demandé, ainsi qu'en 2017. Mais ces efforts seront différenciés selon la situation de chacun.

Les difficultés qu'ils rencontrent sont sérieuses et anciennes, car ils sont en première ligne des enjeux de solidarité.

En 2015, 60 milliards d'euros sont dépensés pour le fonctionnement - 10 milliards pour le seul RSA, dont le poids a doublé en dix ans et s'accroît à un rythme exponentiel. Cette évolution est liée aux mesures du plan de lutte contre la pauvreté, mais aussi aux effets de la crise économique. Au-delà du RSA, les départements sont confrontés à l'accueil des mineurs étrangers isolés ; c'est particulièrement le cas à Paris, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne.

Le dispositif d'orientation a permis de répartir plus équitablement un tiers des mineurs et les services de l'État ont été mobilisés pour accompagner les départements. La loi sur la protection de l'enfant, votée hier définitivement à l'Assemblée nationale, et ses décrets d'application achèveront de fluidifier le mécanisme. Le Gouvernement a ouvert le chantier de la répartition des recettes.

La DGF sera réformée. Pour le bloc communal d'abord, la loi de finances pour 2016 a défini ses grands principes, qui seront déclinés l'an prochain. Je rencontrerai prochainement les membres du groupe de travail mis en place par votre commission des finances.

Il faudra aussi nous pencher sur la DGF des départements dont les écarts résultent de la sédimentation de dispositifs anciens et la péréquation. Des dispositions existent déjà, dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité. L'évolution de la population sera mieux prise en compte. La péréquation horizontale et verticale a été renforcée. Nous irons plus loin, en associant les départements eux-mêmes. Dès juillet 2013, le pacte, fruit d'une concertation de six mois avec les collectivités territoriales, prévoyait une hausse de 1,6 milliard d'euros de leurs ressources et une baisse de 18 % de leur reste à charge sur les allocations individuelles de solidarité. Tous les départements ont modifié leur taux de DMTO dans le sens proposé, utilisant la faculté de passer le taux de 3,8 % à 4,5 %. Un fonds d'urgence a été alimenté sur la base de ces nouvelles ressources pour aider les plus en difficulté.

Dès la loi de finances rectificative pour 2015, une aide de 50 millions a bénéficié, par exemple, au département du Nord, à celui du Val-d'Oise, et à tout autre subissant une brutale baisse de CVAE. Ces mesures ont répondu à l'urgence de la situation, ont donné de l'air aux collectivités territoriales, mais n'en rendaient pas moins indispensable une réforme plus profonde.

Conditionner le RSA à la réalisation d'heures de bénévolat ? J'y vois une contradiction dans les termes, et surtout une entorse à nos principes juridiques. De plus, le RSA doit encourager la réinsertion sur le marché de l'emploi. Nous souhaitions que la dimension d'insertion soit portée par les départements : c'était déjà l'objectif original du RMI.

Nous avons proposé une recentralisation du RSA ; l'ADF le suggérait également. Je me réjouis que son assemblée générale ait voté à l'unanimité moins une voix pour une négociation sur ce point. L'accord devra intervenir rapidement, dès la fin de ce mois. Il devra préciser trois modalités : d'abord, l'année de référence : ce sera sans doute 2016. Déjà en 2003, c'est l'année n-1 qui avait été prise en référence lors de la création du RSA. Ensuite, le périmètre de la recentralisation : écoutant l'ADF, le Gouvernement a exclu du champ les ressources dynamiques des départements : la CVAE et les DMTO. Enfin, l'accord devra porter sur les contreparties des départements : clause de retour à meilleure fortune et réforme de la DGF, contre un plus grand effort d'insertion. Le temps est compté, nous souhaitons que les concertations aboutissent rapidement.

Un mot sur l'APA, évoquée par Mme Malherbe, dont le département comporte une part importante de population âgée.

Un décret pris en application de la loi Vieillissement prévoit sa revalorisation, intégralement compensée par l'État. Le taux de compensation, initialement de 43 %, tombé à 31 %, atteindra 36 %, grâce à ces nouvelles mesures.

Vous le voyez : le Gouvernement prend ses responsabilités et propose des solutions pérennes.

Je réponds aux points plus précis que vous avez évoqués : une mission d'inspection a été diligentée sur la CVAE, et la compensation des transferts de charge.

Monsieur Labbé, un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations flèche un million d'euros vers les travaux innovants sur le plan énergétique.

Monsieur Adnot, il est vrai que les départements traversent une situation difficile, mais nous avons rénové le dialogue, et pris nos responsabilités. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel total sur ce dossier. Recentraliser 700 millions d'euros, ce n'est pas rien. Continuons à avancer pour l'intérêt de nos départements et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Trentième anniversaire du baccalauréat professionnel

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur « le trentième anniversaire du baccalauréat professionnel ».

M. Patrick Abate, au nom du groupe communiste républicain et citoyen .  - Dans les années 1980, un jeune sur trois décrochait un baccalauréat en France. Jean-Pierre Chevènement s'engage à porter ce taux à 80 %, la loi de décembre 1985 et le décret de 1986 créent le baccalauréat professionnel et l'objectif est atteint.

700 000 élèves sont aujourd'hui scolarisés dans l'enseignement professionnel, pourtant ces questions ont disparu de nos débats au Sénat depuis 2014 - la commission de la culture a même supprimé le rapport spécial pour avis prévu sur ce point. Ce débat vise à remédier à cette lacune et faire le point sur les difficultés liées à la réforme de 2009, ou à la régionalisation.

Le choix du baccalauréat professionnel peut être un beau choix de vie, et sa revalorisation s'impose.

Malgré une expérimentation mitigée, la réforme du baccalauréat professionnel a été menée au pas de charge, et a déstabilisé le personnel. La limitation du redoublement a également changé la donne, en rajeunissant des classes à visée pourtant professionnalisante. On en est ainsi arrivé à ce que 75 % des diplômés d'un baccalauréat professionnel poursuivent des études, par un BTS ou un DUT, voire à l'université avec une réussite mitigée. Je ne suis pas sûr qu'il faille pour autant instaurer un examen d'entrée à l'université.

Nous ne sommes pas hostiles à un parcours en trois ans pour les meilleurs mais nous plaidons pour que subsiste un parcours en quatre ans, modulable, afin d'éviter les sorties sans qualification. La question de la réussite en filière professionnelle, encore vue comme une filière par défaut, n'a pas encore été prise à bras le corps. La réforme, censée valoriser la filière, a donné lieu à l'ouverture d'un trop faible nombre de classes et rares sont les élèves qui obtiennent l'affectation correspondant à leur premier voeu, ce qui a des conséquences évidentes en termes de décrochage. Un bilan national est devenu indispensable à ce sujet. Comment expliquer que l'on forme si peu de professionnels aux métiers de bouche alors que les besoins sont criants ?

La régionalisation se heurte aux politiques adéquationnistes des conseils régionaux, qui adaptent les offres de formation à la situation des bassins d'emplois limités à un instant T. De plus, le développement de l'apprentissage se fait trop souvent au détriment de l'enseignement professionnel, alors que les deux pratiquent l'alternance, utile pour l'emploi.

Le taux de réussite de la filière scolaire est partout meilleur : l'écart de réussite est de 9 % pour le CAP et de 20 % pour le baccalauréat professionnel par rapport à l'apprentissage. Les référentiels de formation au lycée professionnel sont élaborés en lien avec l'entreprise. Je le constate dans ma ville de Talange, dont j'ai plaisir à citer le magnifique lycée Eiffel : les résultats de la filière professionnelle et son intégration avec le monde professionnel sont exemplaires.

Toutefois la réforme de 2009 s'est accompagnée d'un morcellement des tâches, d'une perte de culture professionnelle, que tous déplorent, enseignants comme employeurs, mais aussi de repères citoyens. La solution réside dans la mixité des parcours et des publics. La voie scolaire est utilisée comme un sas avant que les élèves se trouvent une place en apprentissage. Il y a là des risques de déstabilisation des lycées professionnels.

Nous manquons d'études sur la réalité des effets de cette diversification des publics - apprentis et élèves scolarisés.

Cette filière et ses élèves méritent la plus grande ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)

Mme Marie-France Beaufils .  - Je m'intéressais à l'enseignement professionnel agricole. La réforme a réduit le temps de formation d'un an, ce qui entraîne une perte de culture professionnelle, évoquée à l'instant par Patrick Abate. Le bac pro « conduite et gestion de l'exploitation agricole » a été le plus touché. Avant, la formation était articulée en deux temps : deux ans de formation au brevet professionnel agricole pour devenir ouvrier agricole, puis deux ans consacrés à la formation et à la réflexion sur le fonctionnement et l'environnement d'une exploitation, jusqu'au bac pro, lequel équivaut à une capacité à l'installation.

Le baccalauréat professionnel avait pour but de former des professionnels citoyens autonomes, ce qui ne permet plus une formation en trois ans alors qu'il faut plus que jamais répondre aux défis d'une agriculture durable.

Le nombre de reçus a baissé, de près de 90 % en 2009, il plafonne depuis 2012 à 83 %, malgré une nouvelle épreuve de rattrapage qui gonfle les résultats. Les dispositifs de remise à niveau dans les matières générales ont été supprimés, remplacées par des heures individuelles sur projet.

Résultat : les décrochages ont augmenté et le déséquilibre entre filières s'est accru.

Beaucoup d'élèves sont en souffrance, dans des classes surchargées. Les semaines de stage nécessaires à la certification sont passées de douze à huit.

Comment expliquer que la direction générale de l'enseignement et de la recherche ait refusé l'expérimentation de classes dédiées aux publics les plus fragiles à Laval et Radinghem (Pas-de-Calais) ? Ce dispositif est pourtant prévu réglementairement depuis 2008, sur le modèle du lycée de Tours Fondettes, qui compte la seule classe de ce type en France. Est-ce par idéologie ? Par refus de voire cohabiter deux filières ? Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous apporter une réponse ou à défaut en parler avec votre collègue de l'agriculture.

Au Sénat, nous connaissons la valeur et la qualité de l'enseignement agricole. Nous agissons, avec le comité permanent de défense et de développement de l'enseignement agricole public, dont je suis membre avec d'autres parlementaires Nous participerons le 24 mars à une journée de réflexion à Paris sur les enjeux de la réussite scolaire, de l'insertion professionnelle et de la poursuite des études. Donnons à l'enseignement agricole les moyens de réussir sa mission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste citoyen et républicain et du groupe socialiste et républicain)

M. Jacques-Bernard Magner .  - A la rentrée 2013, plus d'un million de jeunes s'étaient engagés dans la filière professionnelle, dont 300 000 apprentis.

Un tiers des bacheliers sortent des lycées professionnels. Le taux de succès y est de 80 % et 27 % des bacheliers professionnels ont un emploi trois mois après. Dans le cadre de la mission sur l'orientation que nous menons actuellement avec mon collègue Guy-Dominique Kennel, la problématique de l'enseignement professionnel revient régulièrement. Trop souvent encore, l'orientation des jeunes vers la filière professionnelle est mal perçue, mal défendue, peu recherchée, subie plutôt que choisie par les élèves et leurs familles.

Depuis 2009, les jeunes ont le choix entre un parcours de deux ans vers un CAP ou de trois ans vers un baccalauréat professionnel. Plusieurs questions se posent pour l'avenir : la durée de la formation, la place réservée aux savoirs généraux, la concurrence de l'apprentissage, en particulier pour le versement de la taxe d'apprentissage, les modalités de certifications des diplômes de la voie professionnelle, le volume nécessaire de l'offre de formation et des capacités d'accueil sur l'ensemble du territoire, l'intégration dans des projets Erasmus et l'ouverture à l'international.

La carte des formations doit évidemment évoluer afin que se développent les formations aux métiers d'avenir : services à la personne, vendeurs, aides-soignants et infirmiers, métiers de la sécurité, cadres administratifs.

Mille postes d'enseignants seront créés pour étoffer l'offre des formations. Des jumelages entre lycées professionnels et centres de formation d'apprentis (CFA) ont été mis en place. Pour éviter les décrochages, le Gouvernement propose une période d'essai en classe de seconde professionnelle jusqu'à la Toussaint. C'est une bonne chose. La loi pour la refondation de l'école affichait déjà l'objectif de revalorisation de l'enseignement professionnel.

Trente et un campus des métiers ont été créés dans le cadre d'une demande partenariale au service de la réussite des jeunes. Les formations de technicien supérieur apparaissent de plus en plus comme une voie de sortie.

Certes, on pourrait encore augmenter les moyens, réfléchir aux débouchés. Mais si l'on compare avec d'autres pays souvent cités, dont l'Allemagne, nos difficultés sont la contrepartie de notre démographie...

Mme Maryvonne Blondin.  - Très juste !

M. Jacques-Bernard Magner.  - La filière professionnelle reste une chance pour nos jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Leila Aïchi .  - Un tiers des bacheliers sont des bacheliers professionnels, dont la moitié s'inscrit en BTS. La réforme de 2009 a réduit la formation à trois ans pour l'aligner sur le cursus commun. Mais le nombre d'inscrits a baissé trois années de suite, ainsi que le taux de réussite et les résultats sont très disparates.

Le Gouvernement a annoncé le déploiement de 500 nouvelles filières, grâce à la création de nouveaux postes. C'est une bonne chose. Le jumelage entre lycées professionnels et CFA est une piste à explorer. Valorisons la complémentarité entre enseignement professionnel et apprentissage et ne les opposons pas.

Le candidat Hollande avait déploré que l'enseignement professionnel fût malmené. Pourtant, la loi de juillet 2013 est très loin des promesses. Si une plus grande souplesse dans l'orientation est bienvenue, veillons à ce que la période d'essai ne se transforme pas en usine à gaz.

Le taux d'échec en bac professionnel reste supérieur à la moyenne, et le taux d'échec à l'université est lié. L'enseignement professionnel doit-il mener à l'enseignement supérieur ou être une garantie d'emploi ? Faut-il rétablir une formation en quatre ans ? Changeons l'image stigmatisante de cette filière : le développement des connaissances, l'accès à des études plus longues, l'accès à l'emploi, tels sont les défis à relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Françoise Laborde .  - Trente ans après que Jean-Pierre Chevènement eut fixé l'objectif de mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, on constate une nette amélioration du niveau de formation de notre jeunesse, alors que la France était en retard. Un tiers des bacheliers sont désormais issus de l'enseignement professionnel et 60 % des bacheliers professionnels s'insèrent sur le marché du travail, preuve que l'équilibre entre formation pratique et théorique est judicieux.

Toutefois les inégalités entre filières sont fortes : certaines, qui conduisent à une impasse, attirent trop, d'autres guère alors que leurs débouchés sont certains.

Ce qui nous fait défaut aujourd'hui, c'est la vision prospective qui prévalait en 1985 lors de l'examen de la loi de programme sur l'enseignement technique et professionnel. Une réflexion d'ensemble, à de long terme, dans l'esprit de la mission alors confiée à Daniel Bloch, qui était président de l'Institut national polytechnique de Grenoble, est de nouveau nécessaire pour adapter les formations aux emplois de demain.

Des quotas ont été créés en section de technicien supérieur pour les diplômés de l'enseignement professionnel. Mais cette filière attire aussi les bacheliers généraux. À l'université, le taux d'échec des bacheliers est très élevé. Où en sont les réflexions du Gouvernement sur le continuum entre lycée professionnel et université ?

Le taux de réussite au baccalauréat professionnel a baissé de six points : la réduction de la formation à trois ans a entraîné des effets pervers. Les heures de soutien ne sont pas au rendez-vous. Avant tout, il faut faciliter une orientation réfléchie en amont, afin que le cursus scolaire ne soit pas le résultat de déterminismes sociaux ou géographiques.

Le savoir s'est démocratisé, mais les inégalités entre la division entre « ceux qui possèdent sans travailler et ceux qui travaillent sans posséder », que Ferdinand Buisson combattait ardemment au début du XXe siècle, existent toujours. Il faut continuer à lutter pour que le mérite et le talent orientent les enfants de la République. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jacques Legendre .  - Ce débat proposé par le groupe CRC est utile. Notre commission de la culture avait déjà, il y a huit ans, célébré le bicentenaire du baccalauréat général, pour dresser l'état des lieux de ce « monument national », selon la formule d'un ancien ministre de l'éducation, pierre angulaire de notre système éducatif, qui couronne l'ensemble de la scolarité primaire et secondaire et ouvre les portes de l'enseignement supérieur ou de la vie active.

En tant que rapporteur, j'expliquai alors comment la diversification des filières du baccalauréat et le souhait de donner une place nouvelle à la formation professionnelle avait conduit à la création du « baccalauréat professionnel » en 1986, il y a maintenant trente ans.

Mais l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat n'a jamais été atteint : 64 % seulement en 2006.

Les élèves en échec scolaire sont trop souvent redirigés vers les filières professionnelles. Celles-ci sont trop souvent considérées comme inférieures. L'orientation par défaut persiste.

M. Jacques Grosperrin.  - Absolument.

M. Jacques Legendre.  - Dans mon rapport d'il y a huit ans, j'appelais déjà à un travail sur les représentations, pour que les élèves ne soient pas victimes d'un choix collectif. L'élève qui peut rester dans le cursus « normal » ne se posera jamais la question de savoir s'il aurait pu être attiré par une formation professionnelle. Il n'en a d'ailleurs pas l'occasion puisqu'il n'a presque jamais été mis en contact de l'univers professionnel.

Pour que l'orientation ait un sens, il faut que le collège devienne l'antichambre des études générales, technologiques et professionnelles : ces trois dimensions doivent être présentes dans la scolarité de tout collégien.

Des efforts ont été faits. Le « parcours de découverte des métiers et des formations » a été transformé en « parcours avenir » par la majorité actuelle, mais il faut bien évidemment aller plus loin et transformer radicalement la manière dont l'orientation est envisagée dans notre pays.

Pour lutter contre la hiérarchisation des filières au sein du baccalauréat, il faut assurer l'enseignement d'un tronc commun valant pour les trois voies. Chaque bachelier devrait avoir certaines connaissances et compétences, la méthodologie pour y parvenir pouvant être adaptée à chacune des trois filières.

Une bonne insertion professionnelle suppose des connaissances professionnelles et générales suffisantes et une expérience acquise pendant la scolarité. Or de plus en plus de bacheliers professionnels se tournent vers l'université : mais le taux d'échec est de 50 % en licence. Pourquoi ne pas instaurer un entretien personnalisé avant tout choix d'orientation ?

Inversement, il faudrait faciliter la reprise des études après une filière courte. Le niveau de formation initiale ne doit pas déterminer toute la vie.

Cessons en tout cas d'opposer enseignement général et enseignement professionnel. Puisse le Gouvernement appeler à la mobilisation en faveur de ces deux filières de réussite. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Michel Canevet .  - Je remercie le groupe CRC d'avoir proposé ce débat sur une question importante pour l'avenir des jeunes. Le baccalauréat professionnel est né lorsque M. Chevènement a fixé l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. Pour revaloriser les filières professionnelles, le baccalauréat professionnel a été créé en 1985.

Aujourd'hui, 900 000 jeunes de 15 à 24 ans ne sont ni en formation, ni employés, ni en stage. 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Ces chiffres montrent l'ampleur de l'effort à mener !

Cessons de désinciter les jeunes qui le souhaitent à s'orienter vers une filière professionnelle. Bien des professions, du BTP par exemple, ne trouvent plus de personnes qualifiées.

Un texte sur l'apprentissage a été déposé au Sénat. Le nombre d'apprentis baisse : 423 000 en 2013, 400 000 en 2014, 403 000 en 2015... Ce devrait être l'inverse !

Les jeunes ne sont pas assez orientés dans cette voie.

Mme Catherine Troendlé.  - Il faudrait suivre l'exemple allemand.

M. Michel Canevet.  - Les jeunes devraient pouvoir découvrir les métiers avant de s'orienter dans une formation. Certains métiers sont en déshérence ; je suis bien placé pour observer que notre flottille de pêche diminue, non parce que nous manquons de navires, mais parce que nous manquons de marins, alors qu'il y a tellement de chômeurs. Il serait bon d'envisager une formation spécifique au sein de l'enseignement professionnel, pour faire mieux connaître ces métiers difficiles mais passionnants à nos jeunes.

En outre, la répartition des compétences n'est pas claire. Il faut un pilote. La régionalisation va dans ce sens. J'insiste aussi, dans le sens de M. Legendre, sur l'orientation.

Enfin, le pluralisme entre le public et le privé est à encourager. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Maryvonne Blondin .  - Oui, réussir par la voie professionnelle, c'est possible ! Le baccalauréat professionnel a pour vocation d'élever le niveau général de qualification, donc d'améliorer l'insertion des jeunes et de répondre aux besoins de recrutement des entreprises. Les vingt-deux semaines de stage en entreprise sont la force de cette filière. La carte des formations répond au mieux aux besoins locaux, même si des disparités existent entre les territoires.

La réforme de 2009 avait suscité des craintes mais les enseignants se sont adoptés et le nombre d'élèves a augmenté. Ainsi, 60 % des bacheliers professionnels intégraient le monde du travail, les autres poursuivaient dans le supérieur.

Les décrochages sont toutefois nombreux, à cause d'une orientation par défaut. De bonnes choses ont été faites comme la création de parcours d'avenir ou des partenariats entre lycées et CFA. L'enseignement professionnel doit cesser d'apparaître comme le parent pauvre de notre système. Au contraire, c'est une voie d'épanouissement. Il faudrait ainsi développer l'enseignement artistique et culturel dans les lycées professionnels. De même, il convient de lutter contre les stéréotypes du genre. C'est à ce prix que la filière professionnelle s'affirmera comme une filière de réussite personnelle et professionnelle. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

M. Jean-Claude Carle .  - La voie professionnelle est la grande oubliée de la refondation de l'école. Le baccalauréat professionnel avait pour but louable de promouvoir l'égalité des filières et des intelligences au sein d'un cursus académique. Il a été, hélas, dévoyé. En effet, les résultats sont loin d'être au rendez-vous, quand, sept mois après leur baccalauréat, 43 % seulement des bacheliers ont un emploi, 47 % sont au chômage. Comme le baccalauréat professionnel n'est plus un sésame pour l'emploi, de plus en plus de bacheliers poursuivent vers le supérieur, y compris dans des filières où ils sont voués à l'échec : leur taux d'échec est de 62 % en IUT et de 95 % en licence.

L'instauration des quotas en BTS suffira-t-elle à inverser la tendance ? La formation en lycée professionnel coûte 14 180 euros par élève, contre 9 415 euros par lycéen dans la filière générale...

Certaines filières, comme la comptabilité, ont un taux d'insertion très bas car les métiers ont évolué très vite. Les entreprises doivent être associées à la définition des référentiels.

Pourquoi ne pas s'inspirer de l'enseignement agricole, où les conseils d'administration sont présidés, non par le chef d'établissement, mais par une personnalité extérieure, issue du monde économique ?

Clarifions aussi les responsabilités en précisant le rôle du chef de file de la région. Limitons l'énorme gâchis humain et d'argent public que constitue l'échec scolaire dans la voie professionnelle. Il s'agit de rendre cette dernière plus efficiente et plus équitable, davantage en phase avec les besoins de l'économie, C'est l'intérêt de tous, et celui de notre jeunesse.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Grosperrin .  - La loi de programme sur l'enseignement technique et professionnel du 23 décembre 1985 visait à rapprocher le monde éducatif et le monde professionnel. Le gouvernement socialiste avait dû convaincre, en fin de législature, les syndicats les plus conservateurs, CGT et Snes en tête. Mais c'est surtout à la droite, à René Monory, dont il faut saluer ici la mémoire, et à Jacques Legendre que l'on doit son succès.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Jacques Grosperrin.  - Au passage, l'expérimentation menée au Maroc depuis 2014 est une très bonne chose...

On trompe nos lycéens professionnels en leur disant qu'ils pourront accéder à l'université : le taux d'échec est très élevé. Le baccalauréat professionnel a pour vocation première de conduire à un métier plutôt qu'à un diplôme.

Les 176 200 bacheliers professionnels constituent 22 % du total des bacheliers en France ; 60 % d'entre eux entrent directement sur le marché du travail. La réforme engagée en 2008 a atteint ses objectifs : recruter des candidats de bon niveau en troisième, capables de réussir en trois ans, et ayant réellement choisi cette voie. Nous regrettons que le président de la République, qui a fait des jeunes et de la diminution du chômage ses priorités, s'en désintéresse...

Ce trentième anniversaire est l'occasion de porter un regard sur la formation professionnelle. Le budget de la formation professionnelle, qui atteint 32 milliards, soit l'équivalent du budget de la défense, deuxième ministère le mieux doté, bénéficie à 61 % aux actifs occupés. Est-ce bien judicieux ? Ceux qui en profitent le moins sont les jeunes et les chômeurs... La précédente majorité avait simplifié le système, l'actuelle l'a rigidifié. Il est temps de corriger le tir. (Applaudissements à droite)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Quand on parle de formation en alternance, beaucoup pensent d'abord à l'apprentissage, et regardent vers l'Allemagne, sans toujours bien connaître la situation de notre voisin...

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Mais il convient d'abord de voir ce qui se fait en France. L'alternance, c'est aussi l'enseignement professionnel, voie méconnue sinon ignorée mais essentielle à la prospérité du pays.

C'est pourquoi j'ai voulu célébrer de la meilleure façon le trentième anniversaire du baccalauréat professionnel, voie exigeante et d'avenir. Chaque année, près de 700 000 jeunes sont formés dans 1 600 lycées à des spécialités très variées, métiers d'art, automobile, hôtellerie, services à la personne...

Loin d'être en concurrence, l'enseignement professionnel et l'apprentissage sont complémentaires. Celui-ci prépare surtout au CAP, celui-là au baccalauréat professionnel. L'apprenti est salarié, tandis que le lycéen professionnel en stage reste sous statut scolaire. Le temps passé en entreprise n'est pas non plus le même.

Certains élèves, ayant une idée très claire du métier qu'ils veulent exercer, entrent en apprentissage ; d'autres optent pour une spécialisation progressive et préfèrent le lycée professionnel.

L'enseignement professionnel a besoin des entreprises et vice versa. Leur partenariat est extrêmement fécond, nous en avons des preuves tous les jours dans la réussite des élèves ; les comités dédiés ont à la dernière rentrée rénové dix-neuf diplômes.

Autre atout, l'enseignement professionnel évite une spécialisation trop précoce. L'intégration professionnelle doit être un objectif, non un destin. Les facultés d'adaptation sont aujourd'hui essentielles, nous refusons de rétablir l'apprentissage à 14 ans, qui ferme les perspectives.

M. Jacques Grosperrin.  - Mieux vaut sans doute le décrochage...

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - À nos yeux, chacun doit pouvoir acquérir le socle commun de connaissances qui lui permettra de s'adapter toute sa vie. Le cumul de formations théoriques et pratiques donne aux élèves une curiosité d'esprit qui n'est pas moins importante.

Je suis partie d'un constat : l'enseignement professionnel reste méconnu des jeunes, comme l'alternance dans son ensemble. J'ai donc voulu des jumelages entre collèges et lycées professionnels et CFA, afin que les élèves n'effectuent pas un saut dans l'inconnu - et afin que les enseignants puissent parler de ces voies à leurs élèves en connaissance de cause. C'est aussi le moyen de déconstruire les a priori.

Puisque nous dénonçons tous l'orientation subie, remplaçons-la par une orientation choisie, éclairée, et qui ne soit pas irrémédiable. C'est pourquoi j'ai voulu mettre en place une sorte de période d'essai : de la rentrée prochaine aux vacances de la Toussaint, l'élève pourra revenir sur son orientation en voie professionnelle.

M. Jacques Grosperrin.  - Cela sera difficile à gérer !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - C'est vrai... Pourquoi pas dans toutes les voies ? Parce que l'enseignement professionnel exige des élèves une faculté d'adaptation et d'apprentissage considérable : savoirs académiques, mais aussi découverte de l'alternance et développement de compétences dans un secteur d'activité spécifique.

La seconde professionnelle doit faire l'objet d'une attention particulière, il importe de faciliter l'adaptation de l'élève à la spécificité de la voie qu'il a choisie - à commencer par l'alternance. Désormais, avec les parcours d'avenir, tous les élèves sont initiés dès la sixième à la vie professionnelle. Il n'en reste pas moins nécessaire de préparer les lycéens professionnels à l'arrivée en entreprise : une semaine y sera dédiée, pour former les lycéens aux attentes du monde professionnel et leur inculquer les règles de sécurité et de santé indispensables.

Beaucoup ont du mal à trouver une entreprise d'accueil. C'est pourquoi nous avons créé 330 pôles de stages, adaptés aux bassins d'emploi. (M. Jean-Louis Carrère s'en félicite)

M. Jacques Grosperrin.  - La seule bonne chose que vous ayez faite !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Des journées d'accueil et d'intégration en seconde professionnelle auront lieu dès la rentrée prochaine, afin de fixer d'emblée un cadre très structuré. Les expériences en ce sens ont été probantes.

Autre chantier, celui des campus des métiers et des qualifications, qui regroupent des élèves sous statut scolaire ou en apprentissage, par exemple dans le secteur du numérique à Clermont-Ferrand et dans les métiers de la mer à Brest. Nous en avons labellisé dix de plus ce mois-ci, et un appel à projets sera lancé : c'est le moyen de valoriser les atouts d'un territoire, de faire bénéficier les jeunes d'un effet de réseau, et de leur ouvrir des passerelles.

La coopération avec les régions doit se renforcer sur la carte des formations. Je recevrai à partir de demain les présidents de région, pour discuter des 500 nouvelles formations qui devront toutes être consacrées aux métiers de demain, identifiés par France Stratégie, pour lesquelles nous créons 1 000 postes d'enseignants supplémentaires. Il ne s'agira pas seulement de la création de classes de lycée professionnel, mais aussi de sections de technicien supérieur (STS), où des quotas plus élevés de bacheliers professionnels seront imposés dès l'an prochain.

Ceux qui choisissent l'université doivent être accompagnés. C'est pourquoi le dispositif admission post bac (APB) a été amélioré : les voeux sont désormais accessibles aux enseignants et chefs d'établissement qui pourront ainsi en discuter avec les élèves.

Les injustices dont pâtissaient les enseignants de lycée professionnel doivent être corrigées. Une indemnité de 300 euros a été créée à la rentrée 2015, qui sera portée à 400 euros en 2016.

M. Jacques Grosperrin.  - Cela sent 2017 !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - En trente ans, le baccalauréat professionnel a beaucoup changé. Nous ne reviendrons pas au baccalauréat professionnel en quatre ans...

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - ...même si la réforme de 2009 a répondu à une logique purement comptable. Son mérite, cependant, a été de mettre la voie professionnelle sur un pied d'égalité avec les autres voies. En quatre ans, le nombre de bacheliers professionnels a augmenté de 60 %, et le taux de réussite est de 84,6% : preuve que les lycéens professionnels peuvent obtenir leur baccalauréat en trois ans...

Le baccalauréat a d'abord vocation à conduire à l'intégration professionnelle. D'ailleurs, 67 % des bacheliers professionnels ont un emploi trois mois après leur diplôme (M. Michel Canevet le conteste) Reste que la moitié souhaite poursuivre leurs études : ils doivent être accompagnés. C'est le sens des parcours d'excellence, qui concerneront aussi bien la voie générale que la voie professionnelle.

La création du baccalauréat professionnel, il y a trente ans, répondait au besoin de personnel qualifié et ce besoin demeure. L'adjectif « professionnel » désigne une qualité précieuse. Je vous invite donc à nous accompagner dans la valorisation et la modernisation de notre enseignement professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

CMP (Candidatures)

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs ; du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ; et de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle

Ces listes ont été publiées et les nominations des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de quatre sénateurs désignés pour siéger au sein du Conseil national de la mer et des littoraux.

La commission des lois a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Pierre Frogier comme membre titulaire et de M. Thani Mohamed Soilihi comme membre suppléant pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a fait connaître qu'elle propose les candidatures de Mme Odette Herviaux comme membre titulaire et de Mme Annick Billon comme membre suppléant pour siéger au sein de ce même organisme.

Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Incivilités et terrorisme dans les transports (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Discussion générale

M. François Bonhomme, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire s'est accordée sur un texte commun. Le sujet est d'une actualité particulière.

Il n'a pas été difficile de trouver un accord sur les contrôles par les forces de l'ordre des agents des services internes de sécurité, à l'article 2 ; l'obligation d'un bilan annuel au Défenseur des droits rendra ces contrôles effectifs. À l'article 3, la présentation de la carte professionnelle par les agents des services internes intervenant en civil à toute personne qui en fait la demande est bienvenue ; cette disposition complète celles votées par le Sénat pour sécuriser l'intervention des agents de sécurité privée.

À l'article 8, la CMP est revenue au seuil de cinq contraventions pour que le délit de fraude par habitude soit constitué : équilibre adéquat, l'actuel dispositif semblant peu aisé à caractériser, en dépit des 700 condamnations l'an passé.

La CMP a amélioré la rédaction de l'article 9, pour une identification plus facile des fraudeurs. L'article 13 permettra d'enrayer la pratique du signalement des contrôles en cours.

Sur l'expérimentation de caméras-piétons au bénéfice des agents de sécurité interne, un régime ad hoc a été créé, mais il fallait que les garanties aux personnes filmées soient fixées dans la loi ; nous avons renvoyé à certaines dispositions du code de la sécurité intérieure sur la vidéoprotection.

La CMP s'est accordée sur la rédaction de l'article 3 bis, relatif au contrôle des personnes exerçant des fonctions sensibles dans le domaine des transports collectifs de personnes - c'est le criblage. Le principe d'une obligation de sécurité à la charge des exploitants de transports publics de personnes a été réintroduit sous une forme modifiée à l'article 6 ter - il fallait lever une ambiguïté sur la possibilité pour les exploitants autres que la SNCF ou la RATP de se doter de services internes de sécurité régis par le Cnaps. Le principe d'une convention de sûreté dans les transports entre le préfet, les AOT et les exploitants a été acté, sous la réserve que les AOT n'aient pas à financer des actions ou services relevant de l'État.

L'Assemblée nationale avait rétabli l'article 14, sur la lutte contre le harcèlement et les violences sexistes, alors que les dispositions en vigueur sur la prévention des infractions suffisaient et que les dispositions relatives à la formation des agents de sécurité relevaient du pouvoir réglementaire. La rédaction finale est équilibrée, qui prévoit qu'un bilan sera dressé par chaque AOT sur leurs actions de prévention et de lutte contre de tels agissements, document adressé chaque année au Défenseur des droits, à l'Observatoire national des violences faites aux femmes et au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. J'ai en outre proposé que la prévention des violences et des atteintes à caractère sexiste soit un axe prioritaire de l'action quotidienne des agents - ce qui paraît plus efficace qu'une simple obligation de formation.

Je vous propose, sous réserve de l'adoption d'amendements de coordination du Gouvernement, de voter ce texte qui dotera l'État et les exploitants de nouveaux moyens pour garantir la sécurité dans les transports. (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Le droit à la sécurité est un droit fondamental, dont chaque Français doit pouvoir jouir dans ses déplacements. Des millions de Français et de visiteurs étrangers empruntent chaque jour les transports publics et doivent pouvoir le faire en toute tranquillité - c'est notre responsabilité.

Ce texte est le fruit de nombreux échanges entre l'État, les opérateurs et les parlementaires. Le 16 décembre 2014, le Comité national sur la sécurité dans les transports en commun (CNSTC) - que nous avons réactivé, ne s'était pas réuni depuis 2011 - a proposé un premier train de mesures. Nous avons identifié les besoins, puis défini les évolutions juridiques souhaitables.

Je salue le travail remarquable des rapporteurs. Cette proposition de loi précise le cadre dans lequel les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pourront procéder à l'inspection visuelle des bagages, le cas échéant à leur fouille et à des palpations de sécurité.

Un droit de communication est créé entre opérateurs et administrations publiques pour un meilleur recouvrement des amendes. L'abaissement du seuil de constitution du délit de fraude d'habitude participe aussi à la lutte contre la fraude.

Je salue l'accord trouvé à l'article 14 sur la remise d'un rapport annuel au Défenseur des droits, à l'Observatoire des violences faites aux femmes et au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. La transmission en temps réel des images vidéo aux forces de l'ordre est une avancée que nous devons à la mobilisation du Sénat en faveur de solutions concrètes.

Je vous invite à voter ce texte alors que le risque terroriste demeure très élevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Leroy .  - Les débats sur ce texte ont été riches et chacune des assemblées a su faire des concessions. Beaucoup d'articles faisaient consensus.

Un débat a eu lieu sur l'opportunité de créer des polices territoriales ; finalement, les polices municipales pourront être mises en commun.

La navette a consolidé les garanties en matière de libertés individuelles. La CMP a strictement encadré l'enregistrement par caméra piétons dans les transports. De même, elle a renforcé les garanties sur la communication de données par les administrations, qui ne pourront être divulguées à des tiers, et soumettent les agents au secret professionnel ; il en va de même pour les inspections visuelles, fouilles et palpations.

Les outils de contrôle des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP sont parfaitement adaptés, contrôle renforcé à l'initiative du groupe socialiste du Sénat. Quant au contrôle préalable avant le recrutement ou l'affectation des personnels, la version adoptée par la CMP répond aux interrogations soulevées dans les débats. L'efficience de la procédure de criblage est assurée, le contrôle de la Cnil est prévu. Comme nous le souhaitions, la personne concernée sera préalablement informée.

Il importe que tous les utilisateurs des transports bénéficient des mêmes conditions de sécurité ; c'est pourquoi nous nous félicitions du rétablissement de l'article 6 ter - où tout transfert de charges de l'État aux AOT a été empêché.

L'article 6 quinquies, sur la remise d'un rapport annuel sur le coût de la sécurité dans les transports a été rétabli ; il nous conduira à réfléchir à son financement.

Enfin, nous nous réjouissons que l'article 14, qui émane d'une proposition du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, ait été rétabli. Il aurait été paradoxal d'amputer un texte relatif à la sécurité dans les transports de toute disposition sur le harcèlement dont les femmes sont victimes.

Ce texte, qui illustre les mérites d'un bicamérisme équilibré, reçoit le plein soutien du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa .  - Le groupe écologiste, reconnaissant que certaines dispositions de ce texte étaient de nature à renforcer la sécurité dans les transports, mais que d'autres mettaient en péril nos libertés, s'était abstenu en première lecture. Nous examinons les conclusions de la CMP moins de cinq mois après le dépôt du texte : quand on veut, on peut !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est attentif à l'initiative parlementaire !

Mme Esther Benbassa.  - Puissent d'autres textes d'importance connaître le même sort...

Mme Éliane Assassi.  - Exactement !

Mme Esther Benbassa.  - Usant d'arguments alambiqués, la commission des lois du Sénat avait supprimé l'article 14, à l'heure où le Gouvernement lançait une campagne contre le harcèlement sexiste dans les transports et où le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes rappelait que 100 % des femmes en ont déjà été victimes dans l'espace public. Comment le comprendre ? Étrange message...

Marie Le Vern  l'a dit : évacuer les violences sexistes du texte aurait retardé la prise de conscience. Le rétablissement de l'article 14 en CMP est donc un immense motif de satisfaction, mais ne suffira pas à emporter notre vote sur ce texte, qui n'encadre pas assez l'activité des officines privées de sécurité ni ne protège suffisamment les libertés individuelles.

Au-delà de la suppression du double agrément, nous assistons à une surenchère sécuritaire au nom de la lutte antiterroriste. Certes, l'attaque du Thalys et les attentats du 13 novembre sont passés par là, mais on risque de tout mélanger et de piétiner les libertés de nos concitoyens.

Le groupe écologiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Claude Requier .  - Chaque jour, des millions de nos concitoyens empruntent les transports en commun, faisant des trains et gares des endroits privilégiés pour les incivilités, fraudes, agressions, sans parler du risque d'attentats. Les conducteurs sont d'ailleurs nombreux à exercer leurs droits de retrait du fait des agressions subies, et les passagers nombreux à ne pas se sentir en sécurité.

La Suge, le GPSR, la gendarmerie, la police des transports assurent déjà la protection des transports. Les contrôles sont pourtant limités faute d'un cadre juridique adapté ; ce à quoi cette proposition de loi entend remédier.

Celle-ci ne règle pas tous les problèmes, mais elle apporte des améliorations fort attendues, sans pour autant attenter aux libertés. Le maintien du contrôle par le procureur de la République en témoigne. La possibilité d'enregistrement audiovisuel, de fouille, la modification du délit de fraude d'habitude, la lutte contre les mutuelles de fraudeurs, tout cela est opportun. Autre avancée : l'article 6 ter, qui prend en compte les réseaux de province.

Sur l'article 14, qui n'entrait guère dans le champ initial du texte mais répond à un véritable enjeu de société auquel Mme Laborde et notre groupe en général sont très attachés, la CMP a trouvé un bon compromis.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-François Longeot .  - Le Comité national de la sécurité dans les transports en commun avait proposé plusieurs mesures contre la fraude, versant financier des mesures ici proposées. La fraude coûterait au total de l'ordre d'un milliard d'euros par an, selon la Cour des comptes. Pour ce qui la concerne, la SNCF en évalue le coût à 340 millions.

Autre volet du texte : la sécurité des 2,5 milliards de voyageurs, qui empruntent les 14 000 trains circulant annuellement en France. L'on se souvient avec émotion des attentats de 1995 à la station Saint-Michel et de 2005 à la gare Atocha de Madrid.

Un nouveau drame a été évité l'an passé dans le Thalys : on ne peut éternellement compter sur l'héroïsme de quelques-uns...

Ce texte apporte de bonnes solutions, grâce à la CMP. Celle-ci a maintenu le double agrément des services privés, autorisés à effectuer des palpations de sécurité. Le Sénat s'opposait à l'article 5 quinquies ; un délai plus long, fixé au 31 décembre 2017, rendra le rapport plus riche et plus utile.

Le Sénat s'opposait aussi à l'article 14, pour des raisons exclusivement juridiques, et non sexistes comme on a pu l'entendre ici ou là. La CMP a eu la sagesse de retenir la solution d'un rapport annuel.

Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements au centre)

Mme Éliane Assassi .  - Cette proposition de loi nous inquiète, qui mêle lutte contre la fraude et lutte contre le terrorisme. On profite ainsi de l'émotion générale pour privatiser des fonctions régaliennes. Cette proposition de loi oublie la spécificité des missions des services de sécurité de la RATP et de la SNCF. La demande des citoyens augmente, l'État se désengage à mesure... C'est incompréhensible.

Délit de fraude d'habitude, délit de refus de se tenir à la disposition d'un contrôleur, mais rien sur la présence humaine dans les gares.

Tout cela intervient au moment où le tarif solidarité-transport est remis en cause en Île-de-France et où la nouvelle majorité régionale vise spécifiquement les bénéficiaires de l'Aide médicale d'État.

Pour lutter contre la fraude, c'est de personnel présent et identifié que nous avons besoin. Or les effectifs des agents dans les gares et des contrôleurs ne cessent de fondre. Ce texte masque les vrais problèmes et les vrais enjeux. Son article 14, ne fait que rappeler le droit positif.

Une hausse du versement transport permettrait de financer et les nécessaires investissements et les effectifs supplémentaires utiles.

Ce texte fonde une politique antifraude agressive qui attisera le sentiment d'insécurité dans les transports. Nous ne pourrons donc le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Louis Nègre .  - Cette proposition de loi s'inspire de la proposition de loi Pécresse de juin 2015, reprise au Sénat par M. Houel. L'attentat manqué du Thalys a montré l'urgence de légiférer ; nous sommes en effet en guerre contre le terrorisme : une adaptation de nos outils s'impose.

Premier volet du texte : la lutte contre la fraude. Celle-ci coûte au moins 500 millions d'euros par an. Seules 10 % des amendes sont payées, les contrôleurs n'ayant pas les moyens de vérifier l'identité du fraudeur. Le rapport de la Cour des comptes, très sévère, est sans appel, qui souligne l'absence de résultats concrets. Or ces 500 millions représentent la moitié des investissements en matière de transport consentis sur un an ! Ce qui n'est pas payé par les fraudeurs est payé par les contribuables. Ce qui est anormal et scandaleux, d'autant que les collectivités territoriales manquent cruellement de moyens pour faire face aux besoins d'investissement.

Mme Éliane Assassi.  - Pas à cause de la fraude !

M. Louis Nègre.  - Or ce sont les plus modestes, madame Assassi, qui sont contraints de prendre les transports en commun.

Le phénomène des mutuelles de fraudeurs est incroyable, mais il existe... Le texte apporte de bonnes solutions.

Le seuil actuel pour constituer le délit de fraude d'habitude est étonnamment élevé : un même individu peut cumuler dix fraudes sur le réseau SNCF, dix dans le métro et dix sur le réseau de bus Optile, avant d'être sanctionné - pourvu, bien sûr, qu'il soit identifiable et son adresse vérifiable... Cela fait trente fois par an. Quel étrange encouragement aux comportements inciviques ! J'étais favorable à un seuil de trois, et les arguments tenant à l'impossibilité matérielle de traiter les dossiers me semblent aussi peu pertinents que celui de la prétendue inconstitutionnalité. Aucun pays n'autorise ses ressortissants à frauder trente fois dans l'année !

Lutter contre la fraude est un impératif civique et économique. La fraude suscite un sentiment d'impunité chez les fraudeurs et d'exaspération chez les usagers honnêtes. C'est pourquoi nous devons être fermes.

Deuxième volet du texte : la sécurité des voyageurs. L'article premier ter autorise les agents de la SNCF et de la RATP à utiliser des caméras piétons, ce que la police municipale de Cagnes-sur-Mer fait depuis longtemps avec succès. Je souhaite donc que le cadre normatif évolue plus globalement, alors que les caméras piétons pullulent déjà, avec les téléphones portables, sur les casques des skieurs et des motards.

Le texte étend les pouvoirs des polices municipales de manière raisonnable et oblige, grâce à notre amendement, les passagers dépourvus de titre de transport à détenir une pièce d'identité. Les entreprises de transports pourront inspecter les bagages, procéder à des palpations de sécurité, interdire l'accès au quai à ceux qui refuseraient une telle inspection. Le texte élargit les possibilités de dispense de port de la tenue en service afin d'accroître l'efficacité des contrôleurs. Des enquêtes administratives pourront être réalisées avant le recrutement et l'affectation des agents de sécurité. L'article 14 prévoit un bilan annuel des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes.

Toutes ces mesures répondent avec juste raison à une demande forte de sécurité. Nous espérons qu'elles entreront rapidement en application. Notre groupe assume ses responsabilités devant les Français et votera ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Jacques Filleul .  - La CMP s'est accordée sur un texte commun, sur des dispositions très attendues car la fraude est un fléau contre lequel nous devons lutter fermement. La proposition de loi Savary a été complétée après les attentats du 13 novembre.

Le Sénat avait malheureusement supprimé l'article 14 et notre amendement de rétablissement s'était heurté à l'article 41 de la Constitution alors que 100 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans les transports publics. La position du Sénat était très mal perçue, un courrier reçu à ma permanence me l'a clairement fait comprendre. En tant que législateur, nous avions l'obligation de tenir compte des intérêts des femmes empruntant les transports en commun.

Je me réjouis donc de l'article 14 tel que récrit par la CMP. Sur le droit de communication d'informations par les AOT, la CMP a également trouvé un équilibre.

Ce texte renforcera aussi nos outils de lutte contre le risque terroriste. Le groupe socialiste le votera.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État .  - Merci à tous. Une simple mise au point à ce stade : non, monsieur Nègre, le droit positif ne permet nullement de cumuler les infractions sur tous les réseaux, de voyager trente fois sans être sanctionné. Le texte met le droit en accord avec les pratiques, en renforçant la lutte contre la fraude, et c'est tout ce qui importe.

Pourquoi ce seuil de cinq fraudes ? Parce que le risque constitutionnel, à trois occurrences seulement, est réel.

Je veux être clair : il n'y a aucune tolérance à la fraude ; celle-ci donne lieu à amende dès la première commission. C'est du délit de fraude d'habitude que nous parlons ! Il faut bien mesurer les mots que l'on emploie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle que le Sénat se prononce avant l'Assemblée nationale et qu'en vertu de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, seuls les amendements acceptés par le Gouvernement sont recevables à ce stade.

ARTICLE 6 BIS

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Le début de l'article L. 3116-1 est ainsi rédigé : « Les 1°, 4°, 5° et 6° du I et le II de l'article L. 2241-1, les articles L. 2241-2 à L. 2241-7, à l'exception de l'article L. 2241-5, et l'article L. 2241-10 sont applicables (le reste sans changement) ».

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Amendement de cohérence : il s'agit de rendre aussi applicables ces dispositions aux services de transport public routier de personnes, et pas seulement au transport ferroviaire.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Louis Nègre.  - D'accord sur le fond. Mais je reviens sur la fraude. Je vis dans le pays réel, et fais observer qu'en pratique, faute de fichier unique centralisé, on peut cumuler les fraudes. Au Conseil constitutionnel d'assumer ses responsabilités et de le dire clairement s'il considère comme acceptables les atteintes au civisme que constituent ces fraudes. Pour ma part, je ne m'y résigne pas.

L'amendement n°3 est adopté.

ARTICLE 6 TER

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les compétences dévolues au représentant de l'État dans le département par le deuxième alinéa du présent article sont exercées dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne par le préfet de police et dans le département des Bouches-du-Rhône par le préfet de police des Bouches-du-Rhône. »

L'amendement de cohérence n°2 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 à 8

Supprimer ces alinéas.

L'amendement de cohérence n°1, accepté par la commission, est adopté.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

Organisme extraparlementaire (Nominations)

M. le président.  - La commission des lois et celle de l'aménagement du territoire et du développement durable ont proposé des candidatures pour le Conseil national de la mer et des littoraux.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Pierre Frogier et Mme Odette Herviaux membres titulaires et Mme Annick Billon et M. Thani Mohamed Soilihi membres suppléants du Conseil national de la mer et des littoraux.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, MM. Philippe Bas, François Zocchetto, Mmes Catherine Troendlé, Jacky Deromedi, M. Jacques Bigot, Mmes Catherine Tasca, Cécile Cukierman ; suppléants, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Jean-Yves Leconte, Alain Marc, François Pillet, Jean-Pierre Sueur.

En outre, il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, MM. Philippe Bas, Alain Vasselle, Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Gourault, MM. René Vandierendonck, Alain Richard, Christian Favier ; suppléants, MM. François Bonhomme, Pierre-Yves Collombat, Michel Delebarre, Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Hugues Portelli, Simon Sutour.

De plus, il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

Les listes des candidats établies par la commission des lois ont été publiées conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, ces listes sont ratifiées et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires : titulaires, MM. Philippe Bas, Christophe Béchu, Hugues Portelli, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Alain Anziani, Jean-Pierre Sueur, Mme Cécile Cukierman ; suppléants, M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Jean-Yves Leconte, Mmes Catherine Tasca, Catherine Troendlé.

présidence de Mme Jacqueline Gourault,  vice-présidente

Chambres consulaires (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur .  - Je lirai l'intervention de M. Houel, qui a réalisé un remarquable travail auquel je veux commencer par rendre hommage.

Seules les dispositions relatives aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) restaient en discussion. Le Sénat avait entendu y apporter quelques inflexions, en effet.

Chacun peut constater la paupérisation de nos territoires ruraux ; l'appui aux entreprises ne saurait dans ce contexte être affaibli, surtout alors que les périmètres des régions s'agrandissent.

Nous avions donc imposé en première lecture la présence d'une CCI ou d'une de ses délégations dans chaque département, consacré les CCI de Seine-et-Marne et d'Essonne, rendu juridiquement opposables les schémas directeurs élaborés par les CCI, et fléché 50 % du fonds de solidarité vers les chambres hyper-rurales.

Une courte majorité s'est dégagée en CMP -  Dura lex, sed lex  - qui ne convient pas à une partie de notre Haute Assemblée.

Certes la CMP a suivi le Sénat pour pérenniser les CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne. Mais elle est revenue sur le caractère opposable des schémas directeurs des CCI, en le réservant à ceux adoptés après l'entrée en vigueur de la présente loi. Je vous poserai là-dessus, madame la Ministre, une question précise dans un instant.

Le fléchage du fonds d'urgence est maintenu, mais il inclut les chambres d'outre-mer et est réduit à 25 %.

Les schémas directeurs doivent tenir compte de la mission d'appui aux entreprises dans les territoires : cela signifie simplement l'existence d'implantations du réseau, dans chaque département, qui peuvent être, non pas nécessairement des établissements publics, comme le sont les chambres, mais des antennes sans personnalité juridique propre.

À titre personnel, je regrette ce recul, puisqu'en définitive, pour certains départements, l'interlocuteur juridique sera situé dans un autre département de la région. Mais je dois suppléer ici le rapporteur, et c'est en cette qualité, comme en tant que vice-président de la commission mixte paritaire, que je vous invite à adopter ces conclusions.

J'en viens à présent en mon propos personnel et à ma question, madame la Ministre : le texte de compromis de la CMP est ambigu sur la date de son entrée en vigueur et son application aux situations en cours. Il importe, avant de déterminer notre vote, de lever cette ambigüité.

Le caractère contraignant donné aux schémas directeurs par l'article premier ter du projet de loi sera-t-il, oui ou non, applicable aux schémas directeurs qui, dans certaines régions, ont d'ores et déjà été adoptés sous l'empire du droit antérieur ? (Applaudissements à droite)

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - Ce texte est attendu par les CCI et les Chambres de métiers et d'artisanat (CMA). Ainsi elles disposent des outils pour mener à bien leur réorganisation avant les élections consulaires qui se tiendront à la fin de l'année.

Je me félicite que la CMP soit parvenue à un accord sur un texte équilibré, qui respecte les principes de la réforme : le libre choix des CCI pour s'adapter et se réorganiser. Je salue parmi vous tout spécialement tous ceux qui y ont oeuvré.

Le texte comporte de nombreux amendements parlementaires. Les futurs schémas directeurs peuvent tenir compte de l'exigence de maintien d'un service de proximité dans les bassins de vie.

De même, seuls les schémas directeurs adoptés après sa publication sont visés, et non ceux adoptés précédemment, qui resteront donc soumis au droit antérieur, monsieur le Président Lenoir.

Un quart du fonds de modernisation et solidarité sera fléché vers les chambres hyper-rurales ou en difficulté, ainsi qu'outre-mer.

L'année 2016 doit être une année de transition utile. Je vous invite à voter ce texte qui donne aux CCI les moyens de se réorganiser et de poursuivre leur mission dans de bonnes conditions, au service de la réussite économique de nos territoires. (M. Bernard Lalande applaudit)

M. Joël Labbé .  - Ce texte parachève le processus de réorganisation des CCI et CMA entamé en 2005, qui est déjà bien avancé. Il préserve un maillage du territoire, dont j'avais déjà souligné en première lecture, combien il est utile et nécessaire, comme je le constate chaque jour dans le Morbihan, sans remettre en cause la présence sur le terrain. Les acteurs, eux, sont réservés faute de concertation suffisante en amont et en raison du prélèvement opéré sur leur trésorerie.

M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur.  - On leur fait les poches !

M. Joël Labbé.  - Le Sénat avait veillé au maintien des implantations de proximité dans les territoires ruraux. Toutefois, le fléchage du fonds de péréquation a été réduit à 25 %.

De plus, à cause d'une interprétation restrictive, les aides aux territoires hyper-ruraux seront plus limitées...

M. Jean-François Longeot.  - Eh oui !

M. Joël Labbé.  - Les territoires méritent notre soutien. Cependant, le groupe écologiste votera ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements au centre)

M. Jean-Claude Requier .  - Le groupe RDSE ne peut que regretter à nouveau le recours à la procédure accélérée. Non sans rappeler la discussion de la loi NOTRe, le présent projet cristallise les divergences sur l'évolution de notre organisation territoriale.

Le titre Il sur les chambres des métiers et de l'artisanat faisait consensus. Il a été adopté conforme par le Sénat. Tel n'est pas le cas du titre premier sur les CCI...

En première lecture, le Sénat avait amendé le texte pour garantir la présence d'au moins une chambre par département. Il avait fléché la moitié du fonds de solidarité vers les chambres hyper-rurales.

La CMP a toutefois supprimé l'article premier, l'opposabilité du schéma directeur et a abaissé le fléchage de l'article premier bis, inséré sur un amendement d'Alain Bertrand et de plusieurs membres du groupe RDSE, tout en adoptant une nouvelle rédaction ambiguë, dans un sens bien trop large par CCI France. Elle a en effet considéré que l'expression « proportion substantielle », conduisait à cibler les circonscriptions comprenant 33 % de communes situées en zones de revitalisation rurales, ce qui représente la moitié des départements, et donc aboutit à un véritable saupoudrage des crédits.

Nos réserves sont donc importantes. Le texte permet aux CCI de se réorganiser mais celle-ci se fait au détriment des territoires ruraux. La région est un échelon vu comme lointain, abstrait.

Cette réorganisation est vécue sur le terrain comme une atteinte aux services publics. Les territoires ruraux sont inquiets et craignent l'accroissement de la désertification.

Le groupe RDSE a besoin de réelles garanties pour voter ce texte. Puissent-elles enfin émerger ! (MM. Jean-François Longeot et Daniel Chasseing applaudissent)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'accord en CMP est équilibré. Le fonds de péréquation traduit le souci de tenir compte des spécificités des territoires.

À l'heure où le chômage explose, les CCI sont les plus à même pour ajuster leur organisation pour répondre aux besoins. Alors que nous ne cessons de réclamer la simplification de la gouvernance, la réactivité, l'écoute du terrain, nous ne pouvons que soutenir ce projet plébiscité par deux fois en assemblée générale par CCI France et adopté à l'unanimité par son comité directeur le mois dernier.

Le texte ne sacrifie pas la proximité. Dans la majorité des territoires, les CCIT ont été maintenues dans tous les départements. Parfois elles ont été supprimées, en raison de considérations locales, à la demande des acteurs locaux eux-mêmes.

Ce texte garantit le maintien de services de proximité, tout en soutenant les zones rurales grâce au fonds de solidarité qui conduira à transférer près de 4 millions d'euros vers les zones de revitalisation rurales.

Si nous n'adoptons pas ce texte, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Je vous invite par conséquent à le voter. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Le Scouarnec .  - Ce texte contribue à la déconstruction du réseau consulaire, dénoncée par Jean-Pierre Bosino en première lecture, entamée depuis plusieurs années, au nom de la modernisation, de la rationalisation, de la simplification, de la mutualisation, bref de l'austérité, de la baisse de qualité du service public, conduisant inéluctablement à des plans sociaux. Les CCI et les CMA ont été peu à peu asphyxiées.

Ainsi, 1 750 postes de salariés sous statut seront supprimés. Ces baisses d'effectifs vont se poursuivre. Les maigres économies, introduites insidieusement par la régionalisation, nuiront à l'aide aux entreprises. Nous prônons au contraire une action au plus près des besoins des usagers et des territoires. Malheureusement, la CMP n'a pas retenu la mesure confortant la préservation d'une CCI, ou à tout le moins d'une de leurs délégations, par département. Nous le regrettons vivement !

Vous faites des économies, certes, mais au détriment du service public et de l'aménagement du territoire.

En cohérence avec notre vote en première lecture, et avec notre opposition au nouveau découpage régional, nous ne voterons pas ce texte.

M. Yannick Vaugrenard .  - Ce texte est issu d'un compromis. Tous les points de vue ont été pris en compte lors de la CMP.

La CMP a conservé la rédaction du Sénat pérennisant le statut des CCI d'Essonne et de Seine-et-Marne, déjà prévu dans le code de commerce. Il était sans doute nécessaire de le préciser, pour rassurer, mais ne nous plaignons pas ensuite que la loi soit bavarde !

Le Sénat avait fléché 50 % du fonds de solidarité vers les zones hyper-rurales. La CMP a conservé le principe au prix de quelques ajustements, ramenant ce taux à 25 %. Si le montant n'est pas utilisé dans sa totalité, le reliquat est reversé au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région et de CCI France.

Nous nous étions prononcés sur le maintien d'une chambre ou d'une délégation par département. Les CCI n'y étaient pas favorables, souhaitant se réorganiser librement, en fonction des territoires. Les dispositions introduites par le Sénat auraient eu pour conséquences de remettre en cause les réorganisations déjà intervenues ou en cours. C'est pourquoi la CMP n'a pas repris la rédaction du Sénat mais elle a maintenu l'exigence des services de proximité d'appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques.

Enfin les schémas directeurs des CCI seront opposables s'ils tiennent compte des souhaits exprimés par les CCIT et s'ils sont adoptés par la majorité des deux tiers des CCIR. C'est pourquoi la CMP n'a pas retenu la disposition initialement adoptée par le Sénat au sujet de l'entrée en vigueur.

Au terme de longues et intéressantes discussions, la confiance vigilante l'a emporté sur la méfiance. C'était le bon chemin à prendre pour aboutir. Aussi, je vous demande d'approuver ce texte de compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe les républicains) Ce texte doit accompagner la régionalisation des réseaux et leur réorganisation. Le Sénat avait amendé le texte : présence d'une antenne ou délégation sans personnalité morale par département en cas de fusion ; fléchage du fonds de solidarité vers les zones hyper-rurales ; non-opposabilité des schémas directeurs régionaux adoptés avant la réforme ; maintien des CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne.

Les dispositions sur les CMA avaient été votées conformes.

La CMP a entériné le maintien des CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne et le fléchage du fonds.

Toutefois, la suppression de l'exigence d'une antenne consulaire par département est un recul. Le président Larcher le dit souvent : les territoires ruraux se sentent de plus en plus délaissés face à la métropolisation en quoi l'INSEE voit le moteur de la France ; leurs habitants ont le sentiment que le législateur ne se préoccupe que des grandes villes. Mme la ministre a répondu sur l'opposabilité des schémas directeurs...

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État.  - Oui

M. Jean-Claude Lenoir.  - La réponse est claire.

Mme Sophie Primas.  - Je ne m'y appesantis donc pas.

Préservons nos CCI qui jouent un rôle majeur dans la formation professionnelle, l'apprentissage, en particulier, auquel je suis très attachée, et doivent continuer à jouer un rôle actif dans les territoires ruraux. C'est pourquoi le groupe Les Républicains est majoritairement réservé sur ce texte.

Mme Delphine Bataille .  - Le texte de la CMP est équilibré. Les compromis ont permis de ne pas oublier les territoires ruraux, ainsi du fléchage du fonds de péréquation. Avec ce texte, les CCI disposeront des moyens pour se réorganiser, à la suite de la loi NOTRe.

La régionalisation de leurs réseaux donnera aux CCI plus de visibilité sans pour autant sacrifier le service de proximité. Elles seront des interlocuteurs plus forts, comme je l'avais illustré en première lecture pour le Nord-Pas-de-Calais. Les synergies seront renforcées à présent avec la Picardie.

Il est vrai que les regroupements entraînent souvent des baisses d'effectifs. Nous devons être vigilants. Les compétences des CCI sont larges et importantes pour l'activité économique, l'emploi et le rayonnement de nos territoires : soutien à l'investissement, formation professionnelle, développement durable, soutien à l'export...Elles seront renforcées par la nouvelle organisation rendue possible par ce texte.

Ce texte leur permettra de mener à bien leurs missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Frédérique Espagnac .  - À mon tour, je salue le travail de la commission et le compromis obtenu en CMP. L'action des CCI rurales, hyper-rurales et d'outre-mer a été confortée. Sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, je suis très attachée à la ruralité. Les inquiétudes des CCI ont été entendues : la nécessité du maintien de l'appui aux entreprises dans les territoires en difficulté a été reconnue. Ainsi le maillage sera à la fois efficace et étendu.

Même si je regrette la baisse des crédits fléchés, je soutiens le compromis trouvé, qui s'inscrit dans la politique rurale ambitieuse menée par le Gouvernement, visant à surmonter l'opposition entre métropoles et territoires ruraux.

Ce texte répond aux attentes des CCI et leur donne les moyens d'exercer leurs missions sur tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur .  - Monsieur Vaugrenard, votre position semble ambiguë. Quel sera votre vote ?

Madame la ministre, je prends acte de votre éclaircissement. J'y insiste : la proposition de loi ne s'appliquera donc pas aux schémas votés antérieurement.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État.  - C'est exact.

M. Daniel Chasseing .  - Les CCI jouent un rôle majeur dans les territoires ruraux, d'autant plus que le département n'a plus de compétence en matière économique. Je regrette que le texte de la CMP mette en péril les CCI des territoires ruraux, ainsi que la baisse des crédits fléchés. Il n'est pas sûr désormais que les CCI rurales aient les moyens de soutenir les initiatives locales. Les mêmes qui prétendent défendre les territoires ruraux votent la baisse des crédits, portant un mauvais coup pour les zones rurales... Je voterai contre ce texte.

M. Yannick Vaugrenard .  - Monsieur Lenoir, je vous rassure : la position du groupe socialiste est très claire. La CMP est parvenue à un compromis satisfaisant, je le répète.

Si nous adoptons ce texte, l'Assemblée nationale ne reviendra pas sur le fléchage de 25 % des crédits du fonds de solidarité.

M. Michel Canevet .  - J'attire votre attention sur la baisse des moyens des CCI depuis plusieurs années. La réorganisation du réseau implique de nouvelles dépenses. Il faut leur donner les moyens de leurs missions. En outre, la réorganisation entraîne des réductions d'effectifs - c'est notamment le cas en Bretagne. Attention à ne pas accentuer la désertification de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Joël Labbé applaudit aussi)

Mme la présidente.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12 du Règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la CMP.

Les conclusions de la CMP sont adoptées ; le projet de loi est définitivement adopté.

Prochaine séance mardi 8 mars 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 25.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 8 mars 2016

Séance publique

À 14 h 30

1. Proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées en cas de création d'une commune nouvelle, présentée par M. Bruno Sido et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°433, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

À 16 h 45

2Questions d'actualité

À 17 h 45 et, éventuellement, le soir

3Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.