Sécurité dans les transports collectifs (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Discussion générale
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Présentée par le député Gilles Savary, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité le 17 décembre dernier à l'Assemblée nationale.
Il faut garantir partout le droit fondamental à la sécurité dans les déplacements. Les transports publics font partie de la vie quotidienne, en particulier pour les 8,3 millions de Franciliens qui les utilisent tous les jours et doivent pouvoir le faire en toute tranquillité. La menace terroriste étant très élevée, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ces espaces propices aux attentats de masse.
Le 21 août, un carnage a été évité dans le Thalys grâce à l'héroïsme de plusieurs passagers. D'autres attentats ont visé des cibles similaires, à la station Saint-Michel du RER B en 1995, à la gare d'Atocha en 2004, à Moscou en 2010.
Si la prévention des actes terroristes est une priorité, nous devons continuer à lutter contre les agressions. Il faut inverser la tendance contre toute forme de délinquance : vols, agressions, racket, mais aussi violence sexiste. Une étude du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes montre que la totalité des femmes interrogées ont été harcelées au moins une fois dans les transports.
La fraude est en forte augmentation depuis quelques années. Cela représente 500 millions d'euros de manque à gagner, dont 340 millions pour la SNCF. Pour la RATP et ses équivalents de province, c'est 100 millions d'euros.
Ce texte est le résultat d'un dialogue fécond entre transporteurs, Gouvernement et parlementaires ; je veux saluer à ce propos les rapporteurs MM. Bonhomme et Fouché.
Ce texte concrétise une ambition forte. Le 16 décembre 2014, M. Cazeneuve a ranimé le conseil de la sécurité dans les transports, qui ne s'était réuni qu'une seule fois depuis 2008 et qui a formulé des recommandations que le texte reprend largement. Depuis lors, il a fallu tenir compte des modes opératoires terroristes, ce qui a retardé l'examen du texte.
Concernant la lutte contre la fraude, ce texte abaisse de dix à cinq le nombre de contraventions en moins d'un an à partir duquel est constitué le délit de fraude d'habitude. Il qualifie de délit les mutuelles des fraudeurs, qu'une amende lourde sanctionnera.
La communication entre les transporteurs et l'administration sera renforcée pour faciliter les vérifications d'identité des fraudeurs et améliorer le recouvrement des amendes.
Concernant la lutte contre le terrorisme, les agents de sécurité interne des transporteurs pourront fouiller les bagages et effectuer en cas de besoin des palpations de sécurité, avec le consentement des personnes - comme dans les grands magasins. En contrepartie, nous renforçons les procédures de contrôle pour les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, la SUGE et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), qui auront une formation commune, confiée au ministère de l'intérieur plutôt qu'au CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) comme vous le souhaitez. Le Gouvernement a déposé un amendement pour rétablir sur ce sujet le texte de l'Assemblée nationale.
Le décret du 7 septembre 2007 dispensant les agents de sécurité internes du port d'uniforme sera complété pour mieux encadrer le travail en civil. Ils pourront être en civil et armés, sur autorisation du préfet.
Une mesure est particulièrement sensible : le criblage des personnels de transport, dont le comportement doit être vérifié par les autorités publiques avant leur recrutement. Cet enjeu dépasse les seuls opérateurs de transport public. La loi sur le renseignement comporte déjà des mesures similaires. Le criblage n'exonère pas les entreprises de leur devoir de vigilance. La commission a conservé l'équilibre du texte de l'Assemblée nationale, prévoyant un décret en Conseil d'État ; nous avons déposé un amendement pour en préciser le contenu.
Le Gouvernement soutient donc l'adoption de la proposition de loi soumise à votre examen. (Applaudissements sur les bancs écologistes, des groupes RDSE et socialiste et républicain)
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois . - La sécurité dans les transports a été l'objet d'une mission commune d'information ayant présenté ses conclusions le 15 janvier dernier.
Le transport terrestre, en particulier ferroviaire, est vulnérable. Le cadre des vérifications d'identité est très contraignant. La fraude représente une perte de recettes considérables - 500 millions d'euros selon la Cour des comptes, qui n'a pu prendre en compte les fraudeurs non contrôlés. Pour la SNCF, ce montant équivaut à son budget de sécurité. La procédure de transaction est inefficace. Le délit de fourniture de fausse adresse ou de fausse identité n'a fait l'objet que de 10 condamnations en 2014 ; seulement 710 condamnations pour le délit de fraude d'habitude.
La commission a voulu d'abord simplifier le texte, supprimant les dispositions non normatives ou réglementaires. Elle a encadré le dispositif : par exemple, le délai de rétention d'un usager par un agent de sécurité en attendant un officier de police judiciaire a été fixé à trente minutes.
Elle a renforcé les contrôles externes sur les agents internes, juste contrepoids de l'extension de leurs prérogatives de sécurité. La SUGE et le GPSR sont spécifiques, mais cela ne doit pas être surestimé : je pense à la sécurité des navires en mer. Le contrôle du CNAPS aurait pu être justifié juridiquement par la SNCF et la RATP comme dans ce cas. Ce n'est pourtant pas ce que nous proposons afin de ne pas l'écraser sous une charge de travail excessive.
La commission a enfin introduit des dispositions nouvelles issues de la mission commune d'information de MM. Pillet et Vandierendonck sur les polices municipales, parmi lesquelles la possibilité pour les communes de transférer aux intercommunalités leur pouvoir de réglementation des transports publics. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a également ajouté la possibilité pour les agents de sécurité internes de porter des caméras piéton. (Applaudissements à droite)
M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La tentative d'attentat dans le Thalys du 21 août 2015 a montré la vulnérabilité des trains face au terrorisme. Dès septembre, j'ai souhaité que le Sénat s'empare de cette question ; cela a pris la forme d'une mission commune d'information, dont les conclusions éclairent le travail législatif.
La transposition à l'identique du modèle aérien est impossible. 1,5 million de personnes traversent l'espace des gares : un portique de contrôle est donc inimaginable, voire contre-productif. En 2013, une kamikaze s'est fait exploser dans une file d'attente d'un tel portique, à Moscou.
La proposition de la ministre de l'environnement de déployer des portiques sur le Thalys coûterait 7,5 millions d'euros par an au total pour une efficacité limitée, d'autant que les autres pays concernés n'en veulent pas. En revanche, on pourrait utiliser de manière aléatoire des portiques mobiles.
Nous avons pu introduire des propositions de la mission commune d'information dans ce texte. Ainsi du transfert au CNAPS du bilan des actions de contrôle par la SUGE et le GPSR, le transfert des compétences de réglementation des transports des communes aux intercommunalités serait possible, mais facultatif.
Nous avons autorisé l'employeur à demander une enquête administrative si le comportement d'un agent change, ou en autorisant les agents de sécurité internes à utiliser des caméras piéton pour dissuader les actes d'agression à leur encontre.
Nous avons supprimé la redevance de sûreté. La SNCF est mal gérée, elle a encore des terrains susceptibles d'être vendus.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a aussi approuvé le volet concernant la lutte contre la fraude. Les contrôleurs sont désarmés face à des usagers qui donnent de faux noms ou de fausses adresses. La proposition de loi prévoit des avancées dans ce domaine, que ma commission a améliorées par trois amendements. (Applaudissements à droite)