Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Attentats (I)
Mme Jacqueline Gourault . - Nous avons vécu vendredi une nouvelle tragédie, la douleur est toujours intense. Dans l'unité nationale, nous ferons tout pour empêcher les fanatiques de perpétrer de nouveaux crimes et nous nous félicitons - enfin - de la coopération européenne.
Nous souscrivons aux mesures annoncées par le président de la République. Cependant, nous avons compris qu'il estimait désormais les articles 16 et 36 de la Constitution inadaptés. En quoi une révision est-elle nécessaire ? Des clarifications éviteront un débat binaire.
Quelles relations entre la République et l'islam ? Comment prévenir l'endoctrinement ? Intégrer les jeunes ? Quelle place pour les femmes ? Quel rôle pour l'éducation et la culture ? La France attend des mesures concrètes ; expliquez-nous comment la réforme constitutionnelle serait à même de lui apporter cette réponse. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs de la droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - La réunion du Congrès fut à la hauteur de l'attaque que nous avons subie. La vie démocratique doit perdurer.
Outre les réponses diplomatique et militaire, les moyens supplémentaires pour les forces de l'ordre, l'administration pénitentiaire, la justice, les douanes - le Gouvernement proposera en ce sens un amendement au projet de loi de finances initiale pour 2016 - il est nécessaire de nous doter d'outils juridiques.
La prolongation de l'état d'urgence, d'abord. L'honneur de la démocratie est de se battre avec la force du droit. La réponse juridique doit être aussi de long terme. Les articles 16 et 36 ne sont plus adaptés, l'état d'urgence n'est pas inscrit dans la Constitution, même si le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le sujet en 1985. Le fonctionnement de la démocratie en guerre nécessite des compléments à notre Constitution, les restrictions aux libertés publiques doivent être strictement proportionnées à la menace. Le comité Balladur l'avait proposé en 1988. S'y ajoute la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux.
Nous devons travailler dans un esprit de concorde et d'efficacité. Toutes les questions posées après le 11 janvier restent d'actualité : priorité à l'éducation, à la culture... Quand des milliers de jeunes sont séduits par une idéologie totalitaire, le combat doit être multiforme, et tous les Français doivent être mobilisés. Soyons à la hauteur des attentes des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur certains bancs du RDSE)
Attentats (II)
M. Jean-Pierre Raffarin . - Dans ces circonstances, vous pouvez, monsieur le ministre, compter sur le groupe Les Républicains pour se rassembler autour des institutions de la Ve République. Hier, « l'homme en charge de l'essentiel », comme disait le général de Gaulle, a déclaré que désormais l'ennemi était Daech, ce n'est plus « ni-ni », « ni Daech, ni Bachar al-Assad ». De même, le président de la République a annoncé une évolution du périmètre des alliances ; il faut se regrouper avec les Russes sur le terrain. (Applaudissements à droite) Enfin, comment associer les sunnites à la transition qui se prépare en Syrie ?
Quel bilan tirez-vous des spectaculaires attaques aériennes contre Daech qui ont suivi les attentats ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Monsieur le Premier ministre, j'apprécie la fermeté de votre engagement républicain et de votre soutien. L'ennemi a toujours été Daech (Murmures à droite), nous l'avons frappé en Irak à la demande du gouvernement irakien car l'épicentre de l'État islamique est dans ce pays. Mossoul n'est pas un village, cette ville accapare des moyens considérables.
L'ennemi, c'est aussi Daech en Syrie. Nous n'avons cessé de le dire lors de notre tournée avec M. Le Drian. Je ne doute pas des résultats de nos frappes aériennes sur Raqqa ; je veux néanmoins rester discret car d'autres actions se préparent.
Nous n'avons pas modifié nos alliances, c'est la réalité qui a changé. Les attentats de Paris ont modifié la donne, toutes les capitales l'ont reconnu, et c'est ce matin même que la Russie a reconnu que son avion en Égypte avait été abattu par Daech. Je ne doute pas qu'elle intensifiera ses frappes sur ce groupe, alors qu'elle avait surtout ciblé jusqu'ici l'opposition syrienne modérée. Le président de la République veut profiter de cette conjoncture pour porter un projet de résolution à l'ONU avec le président Obama. Nous devons être aux côtés des pays voisins qui se battent contre le terrorisme - sans eux, rien n'est possible - et des Kurdes dont on connaît la bravoure sur le terrain. (Vifs applaudissements)
Enfin, la solution politique. Personne n'imagine qu'elle puisse se concevoir avec un maintien de Bachar al-Assad. Ne répétons pas l'erreur stratégique commise en Libye et en Irak : progresser sur le plan militaire sans penser de solution politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, socialiste et républicain et RDSE)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Monsieur le Premier ministre, on ne peut être en guerre à Raqqa sans l'être en France. Tous ensemble, dans le cadre de la Ve République, mettons nos actions à la hauteur de notre vocabulaire. (Applaudissements à droite)
Médecins
M. Gilbert Barbier . - Ma pensée va d'abord aux familles de victimes des attentats. Les services de secours et de santé ont été à la hauteur. Tous les professionnels de santé se sont mobilisés. Les médecins libéraux ont suspendu leur mouvement de grève. Peut-être, madame la ministre, serait-ce le moment d'ouvrir le dialogue avec vous. Entendez-vous reporter la loi de modernisation de notre système de santé après les états généraux de la santé ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Les professionnels de santé se sont montrés extraordinaires et exceptionnels, alors même que les attentats étaient encore en cours, ainsi que dans les heures et les jours qui ont suivi. Je veux leur dire toute la reconnaissance et la fierté du Gouvernement. À cette heure, 221 personnes demeurent hospitalisées, 57 sont en réanimation et au moins 3 dans les établissements de l'AP-HP ont leur pronostic vital engagé.
Je salue les professionnels libéraux ainsi que les établissements privés de leur solidarité. L'examen du texte santé a été reporté de quelques jours à l'Assemblée nationale pour permettre d'examiner la loi sur l'état d'urgence. Je ne doute pas qu'en ce climat exceptionnel le dialogue, qui n'a pas cessé, sera constructif.
M. Gilbert Barbier. - Je regrette que vous ne reportiez pas ce texte. Au moins devriez-vous retirer l'article 18 qui divise le monde médical ! (Applaudissements au centre et à droite)
COP21
M. Ronan Dantec . - Encore sous le choc des attentats, le Gouvernement a décidé de maintenir la COP21, pour ne rien céder aux terroristes et rappeler l'urgence qu'il y a à lutter contre le dérèglement climatique. Les foyers terroristes se trouvent tous dans des pays touchés par ce dérèglement ! (Murmures à droite)
La COP21 est aussi l'occasion de révéler le rôle indispensable des associations et des ONG. Or elles sont inquiètes de voir leur participation remise en cause. Le Gouvernement peut-il nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Après la tragédie de vendredi, la COP21 doit être un moment d'espérance et de solidarité. Une centaine de chefs d'État ou de gouvernement ont confirmé leur présence.
Quant à la société civile, citoyens, associations, entreprises, sa présence est indispensable. C'est elle qui a été à l'origine de beaucoup de combats pour l'environnement. Nous renforcerons les conditions d'accès à l'espace dédié à ces acteurs lors de la conférence. Dans l'espace public, nous veillerons à ce que la sécurisation des diverses manifestations ne se fasse pas au détriment de la sécurité ailleurs sur le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Attentats (III)
Mme Cécile Cukierman . - Après les attentats de vendredi, qui nous ont profondément choqués, nos concitoyens exigent de vivre en sécurité, en paix. Le président de la République a annoncé un renforcement des effectifs de la police, des douanes et de la justice. Il a dit considérer le pacte de sécurité comme plus important que le pacte de responsabilité. Enfin ! Depuis 2012 nous demandons que l'on cesse de montrer du doigt les services et les agents publics. Ce sont eux qui incarnent les valeurs de la République depuis vendredi et font vivre vraiment la solidarité.
Confirmez-vous que vous allez desserrer l'étau de l'austérité et que ces recrutements ne se feront pas au détriment d'autres services publics ou des associations qui oeuvrent dans le domaine social, éducatif et culturel, indispensables pour contrer le terrorisme ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Je vous le confirme, nous créerons 5 000 emplois supplémentaires dans les forces de l'ordre pour porter le total à 10 000 sur l'ensemble du quinquennat, afin de revenir aux chiffres de 2007, avant le précédent quinquennat. (Protestations à droite) S'y ajouteront 1 000 créations d'emploi dans les douanes pour le contrôle des frontières, et d'autres recrutements dans la justice et l'administration pénitentiaire. Dès aujourd'hui, les effectifs de nos armées sont stabilisés au profit des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement.
Tout cela sera confirmé par voie d'amendement dans la loi de finances initiale pour 2016 et ne se fera pas au détriment d'autres actions de l'État. Le pacte de sécurité doit l'emporter sur le pacte de stabilité, la commission européenne elle-même le reconnaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Attentats (IV)
M. Jean-Pierre Sueur . - « Parce qu'ils n'aiment personne, ils croient qu'ils aiment Dieu » disait Péguy.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. - Face à l'imposture du djihadisme et à l'horreur du terrorisme, nous devons nous battre avec les valeurs de la laïcité. Qu'allez-vous faire contre les sites internet faisant l'apologie du djihadisme ? Quelles marges supplémentaires donnerez-vous à nos services de renseignement pour intercepter et décrypter les messages des terroristes ? Interdirez-vous le départ depuis la France vers la Syrie de personnes radicalisées ? Appréhenderez-vous ceux qui s'en retournent de Syrie après avoir participé à des attaques ?
C'est par de telles mesures concrètes que nous vaincrons nos ennemis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Concrètement nous appliquons la loi du 13 novembre 2014 qui prévoit le blocage des sites internet : 93 sites et 115 adresses électroniques ont été d'ores et déjà bloqués. Cette même loi nous autorise à faire obstacle aux départs vers la Syrie. Nous avons déjà prononcé 193 interdictions de sortie du territoire et nous pouvons interdire le retour à des étrangers ayant résidé sur le territoire national. Nous allons le faire aussi pour les binationaux. Avec la loi sur le renseignement, les services de renseignement disposent de moyens renforcés pour identifier les messages cryptés grâce à des algorithmes. Ces lois étaient indispensables pour lutter contre ce terrorisme multiforme qui se propage par internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du RDSE)
Attentats (V)
M. Philippe Bas . - Dans l'épreuve, par-delà l'émotion, les Français montrent leur grandeur, leur dignité, leur force de caractère. Hier, à Versailles, la représentation nationale a incarné l'unité de la Nation.
Parmi les propositions du président de la République, beaucoup reprennent celles que nous faisons depuis longtemps. Mais il a aussi annoncé une révision de la Constitution. En application de son article 89, c'est au Premier ministre qu'il revient de la proposer au président de la République. Qu'est-ce qui manque à notre loi fondamentale, que vous proposez d'ajouter monsieur le Premier ministre ? Vous n'avez pas répondu à Mme Gourault... (Applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je salue à mon tour la dignité du peuple français. Soyons attentifs aux victimes, à leurs proches : les corps n'ont pas été rendus, les obsèques n'ont pas eu lieu.
Voix à droite. - Répondez !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Les Français nous regardent, pouvons-nous faire preuve de respect mutuel ? Je ne donne aucune leçon, je réponds à ma manière au président Bas, si vous le permettez encore.
Une réforme constitutionnelle a été proposée par le président de la République, qui m'a confié mission de la préparer.
Outre la prolongation de l'état d'urgence, il faut revoir les conditions de déchéance de la nationalité, pour l'étendre aux personnes, même nées françaises, qui auraient porté atteinte à la République et disposeraient d'une autre nationalité. Nous entendons aussi instaurer un permis de retour pour les Français partis en Syrie.
La révision de la Constitution doit ainsi donner les moyens d'agir, dans le cadre de l'État de droit, contre le terrorisme de guerre. D'autres propositions, faites par exemple par M. Wauquiez, nécessiteraient aussi une révision constitutionnelle. Nous faisons voeu d'efficacité ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Bas. - La Constitution est le pacte fondamental des Français, on ne doit la réviser que pour des raisons impérieuses. Pour nous convaincre, il faudra plus de précisions. Notre Constitution a permis de faire face aux attentats de l'OAS, au conflit en Nouvelle-Calédonie en 1985, aux émeutes en banlieue en 2005, et elle ne vous empêche pas de mettre en place l'état d'urgence. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Manuel Valls, Premier ministre. - L'état d'urgence, selon le droit en vigueur, dure douze jours et doit être prolongé par une loi pour trois mois. Nous voulons intégrer dans la Constitution certains éléments, au-delà de cette prolongation. Je ne doute pas que la discussion sera fructueuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Attentats (VI)
M. Simon Sutour . - Le président de la République, à Versailles, a défini notre stratégie internationale de lutte contre Daech. D'abord, l'intensification de nos raids militaires. Cela s'est illustré avec les frappes aériennes à Raqqa mais aussi avec l'arrivée du Charles-de-Gaulle. La phase la plus difficile sera cependant le passage à l'action collective au sein de l'ONU. Très rapidement le président Hollande rencontrera le président Obama et le président Poutine. L'article 42-7 du Traité européen pourra également être activé ; Federica Mogherini a annoncé le soutien unanime des États membres.
Quelle sera la forme de cette grande coalition voulue par le président Hollande ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - L'action de la France se déploie sur plusieurs terrains. D'abord, le terrain militaire avec l'intensification des frappes sur Raqqa dès dimanche. Cette nuit, nous avons frappé un centre de commandement et un autre d'entraînement. Ensuite, la recherche d'une solution politique en Syrie. Enfin, le terrain diplomatique avec une grande alliance. La Russie a vocation à en faire partie à condition qu'elle s'engage à cibler Daech et non plus l'opposition syrienne modérée.
Quant à la solidarité européenne, que le ministre a obtenue ce matin au Conseil de la défense, elle pourra se traduire par un soutien à nos opérations en Syrie et en Irak mais aussi dans d'autres zones tels que le Sahel et la Centrafrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certains bancs du RDSE)
Attentats (VII)
M. Roger Karoutchi . - Face au drame, vous nous trouverez à vos côtés pour prolonger l'état d'urgence, pour soutenir nos forces de sécurité, pour approuver les déchéances de nationalité et des expulsions.
Mais les Français veulent savoir si la porosité de nos frontières n'est pas en cause. N'est-il pas temps de revoir, de refonder, de réviser Schengen avec nos partenaires européens pour que nos frontières cessent d'être des passoires ? (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Ayons une approche extrêmement pragmatique. Nous avions décidé de rétablir les contrôles aux frontières avant les attentats, pour la COP21. Évidemment le risque existe que des terroristes passent nos frontières. Faut-il pour autant mettre à bas Schengen ? Non.
Je demanderai à nos partenaires un échange d'informations accru. Ne nous perdons pas dans des abîmes philosophiques sur Schengen I ou Schengen II. L'essentiel est que, en plus du contrôle systématique et coordonné aux frontières, nous ayons demain un contrôle obligatoire dans le cadre de Schengen.
M. Roger Karoutchi. - Si tous vos collègues européens avaient la même position, ce serait simple. Hélas, ce n'est pas le cas. Tant que les frontières extérieures de l'Europe ne seront pas sûres, la France devra assurer elle-même sa sécurité. (Applaudissements à droite)
Suivi des victimes des attentats
Mme Claire-Lise Campion . - Après des attentats d'une violence inouïe, la Nation pleure les victimes innocentes. Le plan blanc a permis de faire face à leur afflux. Nous saluons le courage, la mobilisation des forces de l'ordre, des sapeurs-pompiers comme des professionnels de santé et des milliers de citoyens qui ont donné leur sang. Les soignants pansent des blessures semblables à celles que l'on subit en période de guerre. Les séquelles physiques, mais aussi psychiques, sont graves. Une cellule d'assistance a été mise en place à l'École militaire. Comment l'État continuera-t-il à accompagner les victimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Les lois du 14 août 2014 et du 17 août 2015 ont créé des dispositifs nouveaux de prise en charge et de suivi individualisé des victimes. Mais vendredi, il a fallu faire très vite et très bien, d'où l'activation de la cellule interministérielle d'aide aux victimes et la mobilisation de nos partenaires associatifs. Les professionnels ont répondu à 7 000 appels ; 580 personnes ont été reçues à l'École militaire. Les victimes seront prises en charge par nos services. Le suivi sera long, nous vous en tiendrons informés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. le président. - M. Adnot a bien voulu retirer sa question, qui est reportée à une séance ultérieure.