Rôle des territoires pour la réussite de l'accord mondial sur le climat (Suite)
Mme Évelyne Didier . - Le diagnostic du réchauffement climatique est connu et partagé : au-delà de 2 degrés, voire d'1,5 degré de hausse, les conséquences deviendraient irréversibles. Les menaces peuvent sembler lointaines, mais c'est une illusion. Nous vivons à crédit et le temps passe.
Après les alertes du GIEC et alors que les États-Unis viennent de faire une déclaration écartant un accord contraignant à Paris, le Sénat par cette proposition de résolution, a voulu montrer l'importance qu'il attache à la COP21 au-delà des divergences sur les solutions.
Pour la première fois, cet accord sera également ouvert à la société civile. Il est aussi l'occasion de marquer l'implication des territoires. Bien entendu, la question du financement se pose. L'intérêt général ne doit pas être confondu avec les intérêts des industries.
Les aides à la production et à la consommation d'énergies fossiles doivent cesser, elles sont supérieures aux financements consacrés à la lutte contre le changement climatique. Avec force, les États doivent interdire l'extraction de gaz par fracture hydraulique.
Revoir le prix du carbone, oui, mais cela ne dépend pas de l'instauration d'un marché à qui l'on renvoie seul la détermination de la valeur. Nous refusons cette vision.
Les sources de financement pour engager l'adaptation climatique ne manquent pas : entre autres, une taxe sur les transactions financières.
Aux pays du Nord qui ont bâti leur richesse aux dépens des pays du Sud de consentir un effort à la hauteur de leurs responsabilités. À notre sens, le système capitaliste, qui profite à 1 % de super-prédateurs, est incompatible avec un changement de modèle, celui qui impose à 99 % de la population mondiale rigueur et pauvreté. La politique ne devrait avoir qu'un seul objectif : le bien-être des peuples. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Odette Herviaux . - 18 ans après Kyoto, et 6 ans après Copenhague, notre humanité doit se montrer à la hauteur en prenant un accord global qui reconnaisse toutes les parties, y compris les collectivités territoriales. Le temps des voeux pieux est révolu. Notre assemblée a contribué à tracer le chemin à suivre. Comme le dit Pierre Radanne, le défi climatique est le premier défi mondial à solidarité obligatoire. Le dérèglement climatique menace tout le monde, tous les océans, tous les continents. Tous les territoires, touchés, doivent donc agir en collaboration avec les autres acteurs. Ils sont en première ligne.
En tant que pays organisateur, la France a une responsabilité. Elle doit se montrer exemplaire. Les réformes territoriales et énergétiques vont dans le bon sens mais nous pouvons aller plus loin. C'est ainsi le cas pour les coopérateurs décentralisés. Les enjeux maritimes doivent, quant à eux, être considérés globalement. La circulation des océans atténue les différences de températures. Le réchauffement des eaux de surface, la concentration du CO2 font peser de plus en plus de menaces sur nos territoires : élévation du niveau de la mer, submersions, phénomènes El Niño. Les territoires peuvent participer à la protection.
La création par les États d'aires marines protégées peut être une solution, à condition qu'elle ne conduise pas à une privatisation ni au genre de sanctuarisation qu'on voit avec l'éolienne d'Ouessant, en mer d'Iroise. Il faut plutôt se préoccuper de favoriser une pêche durable.
La taxation carbone du transport maritime peut apparaître comme une véritable ambition à l'échelle mondiale mais elle devra éviter les distorsions de concurrence et socialiser effectivement les impacts écologiques de ce secteur essentiel à l'économie globale.
Ne péchons pas par excès d'optimisme, mais souvenons-nous que nous devons avancer. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Je n'imagine pas intervenir dans ce débat sans un mot pour les victimes des attentats et un hommage à tous ceux qui ont fait preuve de solidarité spontanée.
Nous connaissons les dangers du réchauffement climatique et les fléaux humanitaires qu'ils engendrent : insécurité alimentaire ou migration. Les femmes sont souvent les premières touchées.
Face à ce défi universel, réjouissons-nous d'une volonté mondiale : 155 des États signataires à la convention-cadre de l'ONU avaient rendu leur contribution le 31 octobre. C'est bon signe quand 37 pays seulement étaient parties à Kyoto. Cependant, en l'état, nous ne parviendrions à contenir le réchauffement qu'en deçà de 3 °C. Du chemin, donc, reste à parcourir.
La première responsabilité incombe aux pays développés ; c'est le sens du principe de responsabilité commune mais différenciée. La réussite de la COP21 dépendra des garanties financières. L'objectif de 100 milliards de dollars pour 2020 devrait être atteint. J'ose espérer que la diplomatie active viendra à bout de la résistance sans complexe des plus gros émetteurs.
Les territoires qui ont depuis longtemps appliqué le principe « penser global, agir local » doivent désormais avoir les moyens de leur politique. À l'approche de la Conférence, les signaux sont positifs. Souhaitons que les volontés se traduisent en actes. (Applaudissements)
M. Cédric Perrin . - Le niveau des mers s'est déjà élevé de 19 centimètres depuis 1901 et l'élévation pourrait atteindre 82 centimètres. Les dix années les plus chaudes sont toutes postérieures à 1998 et, d'ici à 2100, la température pourrait augmenter de 5 degrés.
Ma famille politique s'engage sincèrement pour l'environnement depuis longtemps. Elle l'a montré avec Jacques Chirac lançant en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », la Charte de l'environnement ou encore avec les engagements de Jacques Chirac, toujours, à Montréal. Plus récemment, en 2007, le président Sarkozy a rappelé à l'ONU que l'objectif d'une réduction de 50 % des émissions des gaz à effet de serre d'ici à 2050 était une priorité.
Au-delà de la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre, interrogeons-nous sur la gouvernance. À Copenhague, l'Europe a été dépassée par le grand retour des États. La Chine prône la non-ingérence et les rapports de forces, là où l'Europe et l'ONU ont préféré miser sur la coopération et la négociation, considérant que cette stratégie « douce » avait favorisé une prise de conscience de l'urgence climatique.
Il s'agit désormais de maîtriser concrètement les effets géopolitiques du changement climatique. Si le nombre de personnes touchées annuellement par une inondation atteint les 93 millions à l'horizon 2080, comment leur venir en aide ? Le coût des dommages causés par les catastrophes naturelles est évalué à 63 milliards par an pour les 136 plus grandes villes côtières. Si l'on ne fait rien et que l'on arrive à 1000 milliards, comment les assurances feront-elles ?
La Cop21 est nécessaire, mais non suffisante : l'ensemble des responsables politiques le pensent. La convention cadre des Nations-Unies est trop modeste. La pression sur les plus gros pollueurs ne doit plus être seulement morale. L'Europe ne doit pas craindre de s'affirmer puissance parmi les puissances et de parler souveraineté et calcul économique. C'est la condition de l'action. Nous soutiendrons cette résolution. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Joël Guerriau . - J'ai une pensée pour les familles endeuillées par les actes barbares de vendredi.
Imagine-t-on que les enfants ne connaîtront notre terre qu'à travers des films et des peluches ? Nous devons convaincre l'ensemble des pays. L'universalité de l'accord est primordial ; son caractère contraignant également. Nous devons impliquer nos territoires de métropole et d'outre-mer.
Présente sur tous les océans, la France est bien placée pour défendre ses positions. À Mayotte, on transforme en électricité l'énergie fatale issue des fumées d'échappement de moteurs. En Polynésie, on exploite les différences de températures entre eaux de surface et eaux profondes pour faire tourner les climatiseurs. En Guadeloupe, on exploite les déchets de canne à sucre. Nous ne pouvons être acteurs que si nous sommes exemplaires. Or le lagon de Mayotte est pollué par les eaux d'assainissement, la Guyane par le braconnage, la Guadeloupe et la Martinique par le chlordécone, les îles par le trop grand nombre de véhicules à moteur.
Aurons-nous un plan d'action et un budget suffisant, madame la ministre ? (Applaudissements au centre)
M. Ronan Dantec . - Le groupe écologiste soutient pleinement cette résolution qui s'oppose clairement aux subventions des énergies fossiles et à la recherche sur les gaz de schiste.
Depuis les attentats de vendredi soir, recevoir la conférence climat a pris un sens différent. Nous devons aux jeunes victimes d'agir sur toutes les causes d'une désagrégation sociale qui est le terreau de l'extrémisme : ainsi la sécheresse dans la région du lac Tchad et en Syrie ont-elles favorisé l'implantation de Boko Haram et de Daech.
Les dirigeants qui viendront à Paris montreront leur solidarité, mais ils n'apporteront des engagements que s'ils sont conscients de cela. Les faibles avancées du G20 sont peu encourageantes : sans engagement des pays riches, la Cop21 pourrait échouer. L'UIP devrait se saisir de ce message.
Nous sommes inquiets de la dynamique sécuritaire. Nous devons garder un équilibre entre États et acteurs non étatiques. Il faut faciliter le financement des collectivités territoriales. Ce soir, la Tour Eiffel scintille en bleu blanc rouge, phare contre l'obscurantisme. Demain, éclairée grâce à l'énergie renouvelable, elle enverra un message de fraternité. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Yvon Collin . - Le défi climatique concerne tous les territoires. La conférence de Paris est très attendue, après l'impasse de Copenhague. Nous nous approchons d'un engagement véritablement contraignant de 135 pays. Nous avons besoin du fonds de 100 milliards de dollars pour les pays les plus pauvres, mais aussi de l'action locale.
Les collectivités locales n'ont pas attendu les rencontres internationales pour mettre en place des solutions innovantes, notamment grâce à l'intercommunalité. Le groupe RDSE le sait bien, lui qui a compté parmi ses membres Michel Crépeau, selon qui les urbanistes de l'an 2000 devraient inventer des éco-cités où tout serait disponible à 10 minutes de marche.
La France, forte de ces dynamiques vers la durabilité, doit promouvoir ces positions. Nous soutenons donc le projet de résolution. (Applaudissements)
M. François Grosdidier . - La maison brûle et nous regardons ailleurs, l'humanité souffre au nord comme au sud. Il est temps d'ouvrir les yeux ; nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Notre responsabilité collective est engagée, en premier lieu celle des pays développés, disait Jacques Chirac. Dix ans après Rio, nous n'avons pas de quoi être fiers.
J'ai cru au Grenelle de l'environnement, présenté comme un New Deal, qui avait enthousiasmé Al Gore. Le bilan est en demi-teinte, mais inégalé. Certaines promesses sont tenues, certaines ne le sont pas. Je n'ose pas rappeler le 1 % des bénéfices du CAC 40 pour un fonds vert. Si un pourcentage existe, c'est pour mener un lobbying efficace...
M. Joël Labbé. - Très bien !
M. François Grosdidier. - Le dérèglement occasionnera des catastrophes que les experts du GIEC ont maintes fois documentées. Cependant, le climato-scepticisme, voire le climato-négationnisme, progresse sur un terreau fertile. Flattez l'opinion par des slogans bien sentis et des brèves de comptoir, faites signer votre oeuvre par un présentateur de télévision, et vous ruinerez le travail des scientifiques.
L'initiative du Sénat est donc particulièrement bienvenue, pour non pas affirmer une vérité officielle, mais prendre une position politique. Le Sénat a traité d'innombrables sujets, notamment en mettant en avant le rôle des collectivités locales qui pensent global et agissent local.
La tarification des émissions de carbone est le premier élément : il faut intégrer aux prix de revient le coût pour l'environnement. Non, chère Evelyne Didier, il ne s'agit pas de mettre en place un droit à polluer : celui-ci existe aujourd'hui !
Treize ans après Johannesburg, nous pouvons avoir honte. La COP21 est une dernière chance. La guerre de Daech est une guerre contre l'humanité. Après avoir éradiqué militairement les graines, il faudra s'occuper du terreau sur lequel elles croissent.
D'après Christian Krieger, le défi climatique est le « rendez-vous de l'humain avec son humanité. » (Applaudissements)
Mme Chantal Jouanno . - Cette résolution est une occasion de réaffirmer notre ambition pour la COP21. La famille politique centriste, dont le fondateur fut un des grands artisans du Grenelle, y est très attachée.
Pas de succès de la COP21 sans financement clair. Nous avons besoin de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020. À l'échelle du monde, c'est une goutte d'eau : moins de 0,1 % des transactions financières. Pour électrifier l'Afrique, il faut 5 milliards par an, cela représente la moitié du budget de l'Ile-de-France.
Il n'y aura pas de succès sans un nouveau modèle de développement. L'environnement n'est pas un outil de production. La suppression des subventions aux énergies fossiles est essentielle. La solution ne viendra pas d'une armée de cerveaux brillants mais de l'inventivité des territoires. Je suis heureux que le principe ait fait l'unanimité dans la résolution.
Madame la ministre, je crains que nous n'ayons pas tiré toutes les conséquences des précédentes négociations.
La société civile est absente ; même nous, parlementaires engagés, n'avons accès aux textes qu'en anglais et tardivement. Je doute que les États apportent seuls des solutions : cela viendra des collectivités locales, des entreprises, des associations. (Applaudissements)
M. Jacques Cornano . - Devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République a réaffirmé que la COP21 sera maintenue. Lors de ce sommet, les pays du monde entier se tiendront debout à Paris pour affirmer leur attachement à la démocratie, mais aussi leur volonté d'agir contre le changement climatique. Le Sénat s'est mobilisé sur ces sujets. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, en accord avec la délégation de l'outre-mer, nous a confié une mission en ce sens avec Jérôme Bignon.
Biodiversité, énergies renouvelables, eau, préservation et gestion des risques, éducation au développement durable ont été les grands axes de notre rapport qui, espérons-le, alimentera la réflexion ; car les outre-mer dotent la France de la deuxième zone exclusive au monde après les États-Unis. Ils sont, on l'a dit, un lieu d'innovation. Le modèle linéaire extraire-produire-consommer-jeter arrive à son terme. La valorisation énergétique des déchets, qui est une application de l'économie circulaire, permet de produire 700 kwh à partir d'une tonne de déchets ménagers - on le voit à Saint-Barthélemy.
Les territoires d'outre-mer, en dépit de leur grande vulnérabilité aux risques naturels et aux conséquences du changement climatique, sont une chance pour la France, dans tous les domaines, agriculture, énergies renouvelables, recherche en matière de phytopharmacopée - voir les promesses des algues sargasses. Les projets innovants foisonnent, la coopération décentralisée se développe. Notre groupe de travail a identifié le problème central, la sauvegarde et la valorisation de la biodiversité outre-mer, dans le respect de la diversité culturelle ; la dimension éducative est de première importance.
Les outre-mer sont en ordre de marche pour réussir ce rendez-vous avec l'humanité qu'est la COP21. (Applaudissements)
M. Joël Labbé . - Je salue l'initiative de Gérard Larcher, l'implication de Jérôme Bignon et Jean-Marie Bockel. En ce jour de cohésion nationale, y compris sur ce sujet, car j'aurais pu signer les interventions de Chantal Jouanno ou de François Grosdidier, un regret : il faudrait marquer davantage la capacité de stockage naturel du carbone dans les sols à l'alinéa 17 car, derrière les sols, il y a l'agriculture et la terre nourricière depuis la nuit des temps et, je l'espère, définitivement. Or les sols s'appauvrissent du fait de l'agrochimie, de l'exploitation intensive, de la salinisation, de l'artificialisation. J'espère que la COP21 traitera d'une gouvernance mondiale de l'alimentation.
Je me suis permis - je sais que cela ne se fait pas - d'envoyer une lettre à chacun d'entre vous pour vous inviter à voter le texte sur le devoir de vigilance des entreprises. Je n'ose croire que mes collègues préfèreront la compétitivité des entreprises à la dignité des travailleurs dans les pays pauvres. J'espère au contraire que notre assemblée sortira grandie, à la veille des élections régionales et de la COP21. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Jean-François Husson . - Comment peut-on encore douter du rôle déterminant des territoires dans la lutte contre le réchauffement climatique ? C'est là que se joue l'aménagement, l'organisation de la place de l'homme dans son environnement, la rationalisation des transports, l'encadrement de l'exploitation des ressources.
Les années 1983 à 2012 ont été les plus chaudes des 1 400 dernières années dans l'hémisphère nord. Le consensus est là : les activités humaines participent au réchauffement climatique et l'accélèrent - le 5ème rapport du GIEC est plus précis que jamais. Elles sont également la cause de la pollution atmosphérique à laquelle Mme Aïchi et moi-même avons consacré un rapport, pollution qui coûte 100 millions d'euros par an. La lutte contre l'une devra se conjuguer avec le combat contre l'autre.
Concernant le financement, en d'autres termes l'aide des pays riches aux pays les moins avancés, je ne sais si les 100 milliards annuels prévus seront suffisants ni si la France a les moyens de mener la diplomatique climatique qu'elle ambitionne. Il faudra sans doute trouver des financements exogènes tels que la taxe sur les transactions financières ou le marché du carbone.
M. Laufoaulu, souffrant, voulait nous alerter sur la situation des îles du Pacifique. Certaines, à cause de la montée des eaux, sont contraintes de revoir leur organisation traditionnelle, voire condamnées à disparaître, comme Kiribati qui a acheté des terres en hauteur à Fidji. On peut imaginer que des populations soient accueillies dans d'autres îles ayant des terres en hauteur, mais les solutions régionales ne doivent pas exonérer les grands États de leur responsabilité. Pour ce qui est de la France, elle ne saurait s'engager à accueillir des réfugiés climatiques sur ses territoires ultramarins sans leur accord. Chacun doit se sentir concerné, au premier chef les grands émetteurs de gaz à effet de serre. Les petits États du Pacifique doivent pouvoir compter sur les plus grands tels que la France, puissance du Pacifique. Ce qui menace les îles du Pacifique menacera le monde demain.
La politique d'aménagement du territoire doit être refondée, les nouvelles technologies et les volumes de déplacements mieux appréhendés. Les territoires ont vocation à conserver autant qu'il est possible leur autonomie énergétique.
Oui, la démocratie environnementale est importante ; oui, il faut un accord universel et contraignant à Paris ! (Applaudissements)
M. Hervé Maurey . - La procédure est exceptionnelle ce soir, comme le consensus qui règne dans notre hémicycle. Cela n'allait pas de soi il y a quelques années en France, cela ne va toujours pas de soi dans certains pays comme les États-Unis où les climato-sceptiques sont encore nombreux.
Grâce aux travaux du Giec, un consensus se dégage sur la nécessité d'agir mais aussi sur certaines mesures comme la définition d'un prix du carbone. La reprise de nos travaux sur pareil thème après les tragiques événements que nous venons de vivre est extraordinairement positif. Je regrette seulement que le Gouvernement ne s'appuie pas suffisamment sue ce consensus, sur le Parlement, sur les territoires ; je souhaite qu'il en soit à l'avenir autrement, qu'ils soient plus présents à la COP21 comme pour la préparation de la COP22.
Je souhaite que le Gouvernement présente l'accord au Parlement avant même sa ratification. Après celle-ci, nous aurons à traduire les engagements pris dans des lois de finances et à contrôler leur application. Au reste, le souhait des parlementaires d'être davantage impliqués n'est pas propre à la France, nous l'avons vu récemment à l'UIP.
La résolution souligne l'importance des territoires dans la lutte contre le réchauffement climatique, et c'est bien naturel. La Haute Assemblée, qui les représente, s'est beaucoup impliquée depuis un an et continuera à s'impliquer. Nous voulons un accord ambitieux, tout en sachant qu'il est non une fin mais un commencement : il faudra le mettre en oeuvre. Nous serons au rendez-vous. (Applaudissements)
M. Hervé Poher . - Difficile de parler du raisonnable et de l'intelligence collective quand on vient d'être confronté à l'horreur et à la barbarie. Et pourtant, parlons-en. Les scientifiques ont parlé. Dans l'histoire de l'humanité, rares ont été les périodes où l'homme a osé faire le bilan de son passé pour construire son avenir. Craignant l'emballement nucléaire, il a inventé la dissuasion nucléaire après la guerre de 1939-1945 ; aujourd'hui, la certitude scientifique rend l'inaction inexcusable.
Ma région, le Nord, qui était habitué aux pluies fines, presque du crachin breton (M. Ronan Dantec s'exclame), connaît depuis quelques années des pluies tropicales... Sur la terre des wateringues et des polders, on doit désormais installer des caniveaux de montagne... Dans le plat pays ! C'est vrai, cela ne concerne que 450 000 personnes et c'est moins dramatique que dans d'autres régions du monde, mais personne n'est réellement à l'abri.
L'homme n'est pas programmé pour faire de la prévention.
M. Ronan Dantec. - Très juste !
M. Hervé Poher. - Naturellement, inconsciemment, il croit qu'il passera toujours à côté. Or le curatif ne marche pas toujours... En outre, la solution sera collective ou ne sera pas. Vents et nuages ne connaissent pas les frontières. Nous n'avons pas le choix : nous devons imaginer notre destinée commune. Je salue à cet égard le volontarisme du président de la République et du Gouvernement.
Il nous faudra imposer ces évidences et pas seulement aux gros pollueurs. Certains élus continuent de parler de développement durable comme on étale de la confiture. Nous avons encore beaucoup de travail sur le métier et nous ne pourrons nous passer d'aucun acteur, relais, collectivité, ONG.
Clinique, diagnostic, traitement... La terre n'est pas en grande forme. Certains la disent hypocondriaque... Mais elle n'est pas une malade imaginaire. Pour guérir elle doit être plus raisonnable. On sait cependant que les malades sont parfois plus difficiles à combattre que les microbes ! (Applaudissements)
M. Jean-Yves Leconte . - On le sait, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre ; mais chaque année ils augmentent. La démarche inclusive, différente de celle de Kyoto, fait entrer dans une dynamique avec des clauses de rendez-vous et des garanties. Cependant, n'oublions pas que les États ne peuvent pas tout, il n'y aura pas de résultat sans changement de comportement des citoyens, sans mobilisation des territoires. Édicter une norme ne suffit pas, on l'a vu avec Volkswagen.
Si l'Europe ne peut pas être vertueuse seule, elle doit l'être suffisamment pour entraîner les autres. Mais faute d'une politique commune de l'énergie, tenir les engagements pour 2030 sera compliqué.
Aide aux PMA, prix du carbone avec un marché de quotas étendu jusqu'en Chine, meilleure évaluation des puits de carbone - les forêts - dans les contributions nationales, taxe carbone aux frontières, évolution des comportements, voilà les sujets que nous avons identifiés en commission des affaires européennes.
Les territoires doivent prendre la main. Ils joueront un rôle déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique pour inciter des États qui ne peuvent pas tout faire, et dont certains voient dans cet enjeu une occasion de réorganiser la gouvernance mondiale. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie . - Dans ce contexte pesant, dramatique, je salue votre choix de nous réunir après le Congrès ce soir ; il montre que rien n'ébranle les institutions de la République.
La COP21 est maintenue, et le Gouvernement fait tout pour assurer la sécurité des délégations comme de nos concitoyens.
La terre est notre maison commune. Le dérèglement climatique est une menace qui pourrait rendre des territoires inhabitables, créer des réfugiés climatiques par millions, faire de la planète un espace inhospitalier, terrain de tous les conflits. D'après la Banque mondiale, il y aura 100 millions de personnes pauvres supplémentaires si nous échouons à contenir le réchauffement en-deçà de 2 degrés.
Oui, les territoires, en métropole comme en outre-mer, sont en première ligne. Les pays du Sud, qui sont les plus exposés - car la pauvreté est une vulnérabilité de plus - ont plus que jamais besoin de notre solidarité. Ce sera un des grands enjeux de la COP21. Pour la première fois, nous avons la possibilité de mettre tout en haut de notre agenda les actions d'adaptation - qui ne peuvent se mener qu'avec les territoires.
Cependant, les territoires ne sont pas seulement des boucliers. Ce sont les lieux où les élus prennent leur responsabilité, où s'élaborent les politiques d'aménagement, d'urbanisme, de transport, d'énergie. Nous avons créé une plateforme pour recenser les engagements des territoires du monde entier.
Le rôle central des territoires mérite reconnaissance et soutien. Ils seront à l'honneur, la France y travaille. Le 8 décembre sera consacré à leurs engagements ; le Canada présentera son alliance avec le Mexique et la Californie pour la création d'un marché du carbone.
La France soutient les initiatives des territoires en interne - l'objectif de 500 territoires à énergie positive, 212 labellisés étant labellisés début 2015, ou encore les territoires « zéro déchet » - comme à l'international ; elle a été la première à financer avec l'AFD des prêts non souverains pour les collectivités territoriales des pays du sud. L'objectif est de soutenir plus de cent villes d'ici 2020. L'accent est mis sur la coopération décentralisée. Les outils de financement ont été réformés, avec le rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et de consignations et les 4 milliards destinés à renforcer les actions en faveur du climat dans notre aide au développement.
Les outre-mer, dans chacun de leur bassin maritime, sont effectivement des laboratoires de la lutte contre le dérèglement climatique en matière d'adaptation et d'atténuation ; nous avons le devoir de faire partager notre ambition et nos savoir-faire.
En charge de la francophonie, vous savez que je suis particulièrement sensible à l'usage du français dans ces négociations. J'ai constaté lors de la COP20 les difficultés rencontrées par certains pays francophones. Si les négociations sont conduites en anglais, nous mettrons à la disposition des pays francophones les plus vulnérables un service d'interprétariat. Je veillerai aussi à ce que le texte soit traduit dans notre langue.
Nous avons rencontré, avec Laurent Fabius, les ONG et la société civile. Nous avons organisé le plus grand débat citoyen planétaire dans plus de soixante pays. Nous avons labellisé 400 événements organisés par les ONG.
Cependant, les règles de l'ONU, que nous devons respecter, au titre de la présidence de cette conférence internationale, veulent que la confidentialité des négociations s'impose quand un État le demande.
Pour être au rendez-vous des 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, la France passera son soutien de 3 milliards à 5 milliards de dollars en 2015, mobilisera les investisseurs privés, demandera la réorientation des crédits aux énergies fossiles vers les énergies propres et défendra le Fonds vert. Cependant, gardons à l'esprit que tout n'est pas affaire de financement.
Insulaire, je crois que nous devons tout faire pour limiter le réchauffement à 2°, voir 1,5°C (M. Jérôme Bignon applaudit) Nous avons dialogué avec plusieurs pays pour faire qu'à la COP21, la voix de tous soit entendue. Parce que nous avons tous la Terre en partage, le Gouvernement soutient cette proposition de résolution. (Applaudissements)
La proposition de résolution est adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements)
Prochaine séance mardi 17 novembre 2015 à 15 heures.
La séance est levée à minuit trente-cinq.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques