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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
Modification de l'ordre du jour
Signalement de situations de maltraitance (Deuxième lecture)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
Saint-Barthélemy (Deuxième lecture)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
Vote sur la proposition de loi organique
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Contrats territoriaux de développement rural
M. Bernard Delcros, co-auteur de la proposition de loi
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité
Mme Annick Billon, rapporteure
M. Hervé Maurey, président de la commission
Ordre du jour du lundi 26 octobre 2015
SÉANCE
du jeudi 22 octobre 2015
12e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
Secrétaires : Mme Valérie Létard, Mme Catherine Tasca.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Sénateur en mission
Mme la présidente. - Par courrier en date du 21 octobre 2015, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, M. Alain Duran, sénateur de l'Ariège, en mission temporaire auprès de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Cette mission portera sur la mise en place de conventions pour une politique active en faveur de l'école rurale et de montagne.
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
Mme la présidente. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l'aviation civile. Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission de l'aménagement du territoire a été invitée à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés. Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires sociales.
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé de compléter l'ordre du jour du jeudi 5 novembre matin par l'examen de la proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale.
Acte est donné de cette demande. Le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au lundi 2 novembre, à 12 heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d'une heure. (Assentiment)
En conséquence l'ordre du jour du jeudi 5 novembre est ainsi établi :
JEUDI 5 NOVEMBRE
À 10 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié.
- Proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale.
- Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Signalement de situations de maltraitance (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie . - C'est la deuxième fois en moins d'un an que la Haute Assemblée débat de la protection de l'enfance. Et par deux fois, nous devons à l'initiative parlementaire d'avoir fait émerger dans chaque disposition législative l'intérêt supérieur de l'enfant. À trois semaines de l'anniversaire de la convention des droits de l'enfant et à trois mois de l'examen de la France par le comité des droits de l'enfant de l'ONU, nous voici donc réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi de Mme Giudicelli.
La protection de l'enfance a trop longtemps fait figure d'angle mort de nos politiques publiques. Elle mérite mieux qu'un regard furtif. Elle mérite l'écoute des enfants, la mobilisation des professionnels et l'engagement du Gouvernement comme du Parlement. Parmi les nombreux professionnels intervenant auprès des enfants, la proposition de loi s'intéresse plus particulièrement aux médecins. Ce sont souvent les premières personnes hors de la famille avec lesquelles les enfants sont régulièrement en contact, dès les premiers âges de la vie.
Parce qu'ils assurent le suivi et les vaccins des enfants, parce que les parents les sollicitent quand ils se posent des questions, ils sont à même de repérer les phénomènes de maltraitance. Envisageons-les comme tels, ainsi que le préconise la Haute autorité de santé (HAS), car la maltraitance de l'enfant est une question de santé publique, et pas une question de société.
En 2002, seulement 2 à 5 % des signalements émanaient des médecins. Comment expliquer ce déficit ? D'abord par la crainte d'être poursuivi pour diffamation et pour avoir violé le secret médical. Cette crainte est pourtant infondée depuis la loi du 2 janvier 2004, qui prévoit l'irresponsabilité pénale et disciplinaire des médecins procédant à un signalement, et la loi du 5 mars 2007, qui a introduit la notion d'information préoccupante et créé dans chaque département une cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip) - un cadre pour l'échange d'informations à caractère secret pour compléter un diagnostic et envisager un signalement. Si les médecins peuvent être poursuivis pour non-assistance à personne en danger s'ils ne signalent pas une maltraitance, la HAS a élaboré un modèle-type de signalement et des fiches pratiques. Les médecins ont donc tous les outils à leur disposition.
Il s'agit, avec cette proposition de loi, de rendre le dispositif plus lisible. L'article premier redit, réaffirme le droit. Le Gouvernement le soutient : il contribue à déconstruire les préjugés et les approches faussées ; il s'inscrit dans les objectifs de ma feuille de route sur la protection de l'enfance qui désigne un médecin référent dans chaque département pour coordonner les échanges d'informations.
Cette proposition de loi aurait d'ailleurs mieux trouvé sa place sous forme d'amendement au texte que j'ai préparé ; je regrette que le rôle des médecins soit abordé de façon un peu isolée. La protection de l'enfance passe par l'interdisciplinarité et le décloisonnement. Travailler ensemble, croiser les regards et échanger est fondamental pour l'intérêt de l'enfant.
Ce n'est pas parce que le Gouvernement regrette un peu la forme que le fond doit en être comptable. Nous soutenons ce texte, outil supplémentaire pour les professionnels de santé. N'oublions pas que la finalité est bien de mieux protéger les enfants. (Applaudissements à gauche)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - Ce texte déposé par Mme Colette Giudicelli renforce le rôle des professionnels de santé dans la lutte contre la maltraitance, en réaffirmant leur irresponsabilité. Cette démarche, opportune au regard de son objectif, s'inscrit dans le travail constant de notre assemblée sur la protection de l'enfance.
Sans modifier au fond le droit, cette proposition de loi réaffirme sans ambiguïté, explicitement, qu'un médecin signalant un cas de maltraitance bénéficie d'une immunité. Le Sénat avait étendu cette irresponsabilité à l'ensemble des professionnels de santé et aux auxiliaires médicaux ; et, afin de rassurer les professionnels, ouvert la possibilité de saisine de la CRIP. Nous avions aussi renforcé la formation des médecins à la détection de la maltraitance.
L'Assemblée nationale a préféré viser « les médecins et tous les autres professionnels de santé », ce qui inclut les auxiliaires de puériculture et les pharmaciens. Ce changement, bienvenu, me conduit à vous proposer d'adopter conforme cette proposition de loi. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - L'objectif de cette proposition de loi est louable : instaurer une meilleure protection juridique des médecins en modifiant l'article 226-14 du code pénal. Le Sénat a étendu le champ de l'irresponsabilité à tous les auxiliaires médicaux ; l'Assemblée nationale à tous les professionnels de santé qui interviennent auprès des enfants. La commission des lois du Sénat a adopté cette rédaction conforme aux intérêts de l'enfant. Ainsi les médecins, mais aussi les pharmaciens ou les auxiliaires de puériculture bénéficieront d'une immunité.
Le groupe écologiste votera sans hésitation ce texte opportun et consensuel qui encouragera les médecins à signaler les cas de maltraitance, en levant le dilemme entre devoir moral de signaler la maltraitance, respect du secret médical et crainte d'être poursuivis. L'intérêt supérieur de l'enfant justifie la mise en oeuvre d'un tel dispositif. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Une semaine après avoir débattu de la protection de l'enfance, nous examinons la douloureuse question de la maltraitance, longtemps niée ou banalisée. Malgré les dispositifs de prévention et de protection, la maltraitance reste sous-estimée : si 90 000 cas d'enfants en danger sont connus, le chiffre est probablement en dessous de la réalité.
Les médecins ne sont à l'origine que de 5 % des signalements ; outre la difficulté à envisager la maltraitance, ils craignent d'être tenus responsables d'une dénonciation calomnieuse. Le manque de formation en est une des causes principales : en 2002, 80 % des étudiants en médecine déclaraient ne pas avoir suivi la formation sur les violences, alors que 50 % affirmaient avoir eu affaire durant leur stage à des patients victimes de violences, en particulier des femmes. Ainsi la Haute Autorité de santé recommandait-elle en novembre dernier une sensibilisation des médecins au repérage de la maltraitance et à son signalement.
Je remercie Collette Giudicelli pour cette proposition de loi. Le Sénat a étendu l'immunité à tous les auxiliaires médicaux. Le médecin de famille n'est, en effet, pas toujours le mieux placé pour signaler un cas de maltraitance. Il était bon d'autoriser les sages-femmes, par exemple, à le faire. De même, le signalement auprès des Crip lève des freins psychologiques, les médecins étant réticents à contacter directement le procureur. Le Sénat a réaffirmé le principe d'une irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire, tout en renforçant la formation. Les ajouts de l'Assemblée nationale sont les bienvenus.
Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements)
M. Yves Détraigne . - La France compte 20 000 enfants en situation de maltraitance, 80 000 dans une situation à risque ; et encore ces chiffres sont-ils sous-estimés.
La proposition de loi de Mme Giudicelli vise à lever les craintes faisant obstacle au signalement. Réaffirmer l'immunité des médecins va dans le bon sens, de même que son élargissement à tous les professionnels de santé et la possibilité d'effectuer le signalement auprès des Crip, plus seulement auprès du procureur. Tout cela contribuera à lever les réticences des médecins. L'obligation de formation est opportune.
Nous saluons le travail de notre rapporteur et suivrons ses recommandations pour voter ce texte conforme. (Applaudissements)
M. Éric Bocquet . - La HAS définit la maltraitance comme le non-respect des droits et besoins fondamentaux des enfants. Si les médecins, notamment aux premiers âges de la vie, sont des acteurs essentiels dans le repérage de la maltraitance, ils ne sont à l'origine que de 5% des signalements. En cause, la réticence à mettre en cause la sphère de la famille, la méconnaissance des dispositifs existants, l'absence de formation, la peur des poursuites pour dénonciation calomnieuse. L'absence de signalement est cependant passible de poursuite pour non-assistance à personne en danger.
Nous avions voté ce texte en première lecture, qui réaffirme l'obligation de signalement en contrepartie d'une irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire pour les médecins et auxiliaires médicaux. Il est nécessaire. Je veux évoquer le cas d'une sage-femme qui a établi un certificat médical attestant de violences sur une femme et est poursuivie par le conjoint qui estime qu'elle a violé le secret médical. Une pétition de soutien a recueilli 3 500 signatures, dont de nombreux médecins. Selon l'ancienne directrice de la maternité des Bluets, 30 à 40 % des violences conjugales commencent dès la grossesse. Il importe que les professionnels de santé puissent signaler pareils cas sans crainte.
La maltraitance ne disparaîtra pas pour autant du jour au lendemain, il faut apporter des réponses supplémentaires, dont des moyens pour la formation et l'information.
Je veux enfin relayer l'inquiétude de certaines associations, notamment de parents d'enfants autistes, qui craignent dans certaines situations des placements abusifs - elles citent le cas d'un enfant placé qui présentait des hématomes... dus à la maladie des os de verre. Pour éviter ces erreurs, renforcer la formation de tous les professionnels est indispensable. Le groupe CRC votera ce texte en deuxième lecture.
Mme Claudine Lepage . - M. Bigot, qui s'est exprimé au nom du groupe socialiste sur ce texte en première lecture, a été retenu à Strasbourg. Permettez donc à une sénatrice de la commission de la culture de prendre le relais.
Ce texte de Mme Giudicelli fait l'objet d'un large consensus, on ne peut que s'en féliciter. Tous, nous voulons protéger les enfants en danger, auxquels il faut venir en aide le plus tôt possible. Autrefois, on considérait que les affaires de famille devaient se régler en famille. Ce temps est révolu.
Le texte affirme sans ambiguïté que les professionnels de santé ne peuvent voir leur responsabilité engagée s'ils signalent une maltraitance, sauf en cas de mauvaise foi - ce cas est explicitement prévu à l'article 6. Cela les encouragera à s'impliquer davantage dans le repérage des enfants maltraités, d'autant qu'ils y seront mieux formés ; les médecins ne sont à l'origine aujourd'hui que de 5 % des signalements. On sait aussi que les situations de maltraitance sont difficiles à caractériser.
J'espère que nous adopterons ce texte par un vote conforme. (Applaudissements)
Mme Colette Giudicelli . - J'avais préparé mon intervention, bien sûr, mais je m'en tiendrai à un voeu : que le Gouvernement déclare l'année 2016 année de la lutte contre la maltraitance. Merci à notre rapporteur, François Pillet. Pour finir, quelques lignes du poète libanais Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l'appel de la vie à elle-même et bien qu'ils viennent au monde à travers vous, ils ne vous appartiennent pas ». On ne peut dire mieux. (Applaudissements)
Mme Nicole Duranton . - Le constat est partagé : les médecins signalent peu les cas de maltraitance par crainte de poursuites. Aussi ce texte réaffirme-t-il leur irresponsabilité. Le Sénat, puis l'Assemblée nationale, l'ont élargi aux auxiliaires médicaux et à tous les professionnels de santé.
Les cas connus de maltraitance sont au nombre de 90 000 ; on compte entre 180 et 200 cas de bébés secoués par an. La maltraitance est un problème de santé publique qui concerne toutes les classes sociales ; les facteurs psychosociaux sont premiers par rapport aux facteurs socioéconomiques.
Parce que les professionnels de santé sont en première ligne, leur action est déterminante. Pourtant, peu de cas sont signalés par eux à cause d'une formation insuffisante ; de barrières psychologiques, des liens de proximité avec la famille, de la crainte d'une erreur et des conséquences sur la vie familiale. Si ce texte réaffirme l'irresponsabilité, il l'exclut toutefois en cas de mauvaise foi ; il renforce en outre la formation des médecins.
Un chiffre pour conclure : 10 % des enfants en France sont victimes de maltraitance. Adoptons cette loi ! (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Faute d'amendement, le vote sur cet article, le seul qui reste en discussion, vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.
L'article premier est adopté.
La proposition de loi est adoptée définitivement.
(Applaudissements)
Mme la présidente. - Je suis très heureuse de l'adoption à l'unanimité de ce texte, que j'ai cosigné. Chacun comprendra mon émotion.
Dépôt d'un document
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel pour la période 2015-2019. Acte est donné du dépôt de ce document qui a été transmis à la commission de la culture, ainsi qu'à la commission des finances.
Saint-Barthélemy (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi organique, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la demande du groupe Les Républicains.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen en commission prévue par l'article 47 ter du Règlement du Sénat. Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
La commission des lois, saisie au fond, s'est réunie le mercredi 14 octobre 2015 pour l'examen des articles et l'établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.
Interventions sur l'ensemble
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pau-Langevin, en déplacement aux Antilles.
Nous examinons ce texte portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy selon la nouvelle procédure d'examen en commission. Huit ans après la loi organique du 21 février 2007 érigeant Saint-Barthélemy en collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie, des adaptations étaient nécessaires. Le Gouvernement se réjouit de cette proposition de loi qui adapte le droit actuel aux réalités locales, répond aux attentes des élus et de la population. Sans entrer dans son détail, soulignons qu'elle clarifie le fonctionnement institutionnel de la collectivité, l'information du conseil territorial, la saisine du Conseil économique, social, culturel et environnemental ou encore la composition de la commission consultative d'évaluation des charges. La délivrance de cartes et titres de navigation pour les navires de plaisance à usage personnel était une mesure d'actualisation attendue. Le président de la collectivité territoriale pourra aussi être habilité à intenter des actions en justice.
L'Assemblée nationale a introduit des nouveautés que nous approuvons : l'État devra être plus réactif pour approuver ou refuser l'habilitation des propositions ou projets d'actes de la collectivité.
En revanche, le Gouvernement regrette les dispositions relatives à la caisse de sécurité sociale. La loi d'actualisation du droit des outre-mer crée à Saint-Barthélemy une antenne locale au plus près des besoins des usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Merci à M. Magras de son initiative. Je salue le travail du rapporteur de l'Assemblée nationale, Daniel Gibbes. Le travail du Sénat a été respecté : neuf articles ont été adoptés dans les mêmes termes, trois sont demeurés supprimés et trois ont subi des modifications uniquement rédactionnelles. Seuls les deux articles 4 ter et 4 quater diffèrent de la version sénatoriale, sans que cette différence ne fasse obstacle à un vote conforme au Sénat.
L'article 4 ter modifie l'article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales autorisant l'État - Gouvernement puis, éventuellement, Parlement - à approuver ou non les propositions ou projets d'actes de la collectivité dans un domaine relevant de la compétence de l'État. Or, souvent, le Gouvernement n'approuve pas ou ne refuse pas l'approbation dans le délai de deux mois prévu par la loi organique. Le Sénat avait proposé que le Parlement, uniquement lorsqu'étaient en cause des matières législatives, pût approuver lui-même ces actes plutôt que d'attendre le décret d'approbation ; la ministre avait approuvé cette formule en séance publique ; l'Assemblée nationale a préféré que la collectivité puisse saisir le Conseil d'État en référé pour qu'il se prononce dans un délai de 48 heures et enjoigne au Gouvernement, éventuellement sous astreinte, de prendre le décret requis.
Tout en sachant que notre mécanisme a reçu le soutien du Gouvernement et n'est pas inconstitutionnel, nous pouvons nous rallier à la formule des députés en espérant qu'elle soit utilisée rarement.
L'article 4 quater crée une « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy », revendication portée dès l'origine par notre collègue Michel Magras. Le 8 mai 2015, le président de la République a répondu à cette demande lors de sa visite sur l'île. L'Assemblée nationale a alors autorisé la collectivité à participer à l'exercice des compétences de l'État sur ce sujet. Une innovation sur laquelle la décision du Conseil constitutionnel nous éclairera utilement.
En tout état de cause, l'article 7 de la loi d'actualisation du droit des outre-mer définitivement adoptée le 1er octobre 2015 a autorisé la mise en place de cette caisse à Saint-Barthélemy. Je propose de conserver en l'état l'article 4 quater, déjà satisfait en pratique, afin que ce texte puisse entrer rapidement en vigueur.
Ce texte, première réforme d'une collectivité issue d'une initiative parlementaire, prouve tout l'intérêt du bicamérisme. Je vous invite à l'adopter huit ans après la loi de 2007. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Partons pour un second voyage virtuel dans ce paradis des Antilles qu'est Saint-Barthélemy, entré dans l'histoire de France à la moitié du XVIIe siècle, découverte par Christophe Colomb en 1493 lors de son second voyage, qui l'a nommée ainsi pour rendre hommage à son frère Bartolomé. Rattachée, en tant que commune, au département de la Guadeloupe en 1946, l'île doit au milliardaire Rockefeller qui y acheta une grande propriété en 1957 sa transformation en destination touristique haut de gamme et son surnom de Saint-Barth'. Ce territoire, devenu en 1963 troisième arrondissement de la Guadeloupe, conjointement avec Saint-Martin, a accédé au statut de collectivité d'outre-mer en 2007. Son évolution en fait le symbole réussi d'une évolution statutaire progressive.
Nous nous félicitons de la suppression conforme de l'article sur les compétences en matière de police et sécurité, suppression respectueuse des principes d'unité et d'indivisibilité du territoire, d'une part, et de libre administration des collectivités territoriales, d'autre part.
De la préservation de l'environnement à la régulation du parc automobile, en passant par l'exercice du droit de préemption par la collectivité, l'élargissement du pouvoir de sanction administrative pour l'ensemble des compétences exercées par la collectivité, le texte préserve la voie déjà tracée d'un développement touristique maîtrisé et respectueux.
Ainsi, il dote d'outils nécessaires et adaptés aux réalités locales cette île - mais nous savons avec le président Mézard que les îles peuvent être aussi de l'intérieur et avec notre collègue Alain Bertrand qu'elles sont souvent « hyperrurales ».
En cas d'inaction du Gouvernement, l'Assemblée nationale a opté pour une sanction juridictionnelle : c'est une solution sage, le temps nous dira si elle est efficace. La navette a été rapide.
Bref, vive l'initiative parlementaire et le bicamérisme ! Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements)
M. Joël Guerriau . - Je remercie M. Magras, président de notre délégation à l'outre-mer, de sa constance et de sa volonté de bâtir un texte équilibré. L'Assemblée nationale ne l'a pas dénaturé : la collectivité accède à une autonomie maîtrisée, respectueuse des prérogatives de l'État dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.
On a dit les modifications introduites par les députés. S'agissant de la caisse de prévoyance sociale, synthèse entre le refus de la collectivité de se voir transférer l'intégralité de la compétence de sécurité sociale et la nécessité de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il est impératif, pour le groupe UDI-UC, que les Français aient accès aux mêmes services et aux mêmes droits où qu'ils soient.
Espérons que l'examen de droit par le Conseil constitutionnel se déroule au mieux et rende justice à ce texte de qualité, examiné selon la nouvelle procédure en commission, qui prouve son efficacité et son opportunité. (Applaudissements)
Mme Éliane Assassi . - Ce texte, fait rare, est le résultat d'un véritable travail parlementaire effectué dans la transparence avec les acteurs locaux. De fait, il reprend de nombreuses dispositions du conseil territorial de Saint-Barthélemy.
Sur le fond, il est logique d'ajuster le statut de cette collectivité dans son processus d'autonomisation, huit ans après la loi de 2007. Cela dit, nous refusions la création d'un régime spécifique empiétant sur les compétences de l'État aux articles 4 ter et 4 quater. Les députés ont trouvé un mécanisme satisfaisant de référé devant le Conseil d'État auquel nous nous rallions.
Si la création d'une caisse de prévoyance sociale ne relève pas d'une loi organique, on peut accepter que les habitants de Saint-Barthélemy la veulent. Et même si cela procède d'une logique que je n'approuve pas : les habitants, qui connaissent le plein emploi, se plaignent de verser plus qu'ils ne reçoivent. Une expérimentation limitée à trois ans permettrait de vérifier le bien-fondé de la formule retenue.
Une caisse locale, et non autonome, offrirait une bien meilleure solution heureusement inscrite dans la loi d'actualisation du droit des outre-mer adoptée le 1er octobre 2015. Celle-ci constitue aussi une garantie contre certains risques de dérives.
Le groupe CRC votera ce texte. L'adaptation aux réalités locales est indispensable. (Applaudissements)
M. Michel Delebarre . - Membre de la commission des lois, je n'ai guère envie de développer après les autres orateurs les mêmes points, sinon pour répéter que j'approuve les propos qui ont été tenus.
Merci au président de la République d'avoir débloqué le projet de création d'une caisse locale de sécurité sociale lors de sa visite de mai 2015, au Gouvernement d'avoir fait le nécessaire pour le mettre au jour, bravo au rapporteur Magras de sa détermination sans faille à adapter le statut de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Désormais, tout est mis en oeuvre pour que la gestion de la collectivité de Saint-Barthélemy soit facilitée. Que le Gouvernement fasse preuve de vigilance sur l'égalité des droits des assurés sociaux de l'île.
Marcel Pagnol disait : « si l'on jugeait les choses sur les apparences, personne n'aurait jamais voulu manger un oursin ». (Sourires)
Eh bien, souhaitons que ce texte ôte les derniers oursins des pieds de la collectivité. Et que nous soyons plus nombreux à mieux connaître cette île ! (Rires et applaudissements)
M. André Gattolin . - Ce texte se justifie par la très grande spécificité de Saint-Barthélemy. Les mesures d'adaptation du droit de préemption renforceront la protection des espaces naturels et de la biodiversité et limiteront la croissance du parc automobile dans une île qui compte déjà plus de voitures que d'habitants.
En revanche, moi qui connais bien cette île pour m'y rendre souvent, sans y être invité (Sourires), je continue de m'opposer à l'article 4 quater. Le Sénat l'avait refusé en première lecture. Certains veulent voir en lui la concrétisation d'une promesse du président de la République. Que veulent-ils en réalité ? Fixer un taux de cotisation plus bas - le coût de la vie est plus élevé à Saint-Barthélemy - les habitants sont déjà exonérés d'impôt sur le revenu, sur les sociétés, sur les successions et sur la fortune.
Or les cotisations sociales relèvent d'une logique de mutualisation et de solidarité. La mesure profitera toujours plus aux grands entrepreneurs du tourisme de luxe et de bâtiment, qu'à leurs salariés. Si l'État garde un pouvoir de contrôle, celui-ci est limité à trois ans. On invoque les futures promesses lors de la prochaine campagne électorale...
Pour cette raison, le groupe écologiste ne pourra pas voter cette proposition de loi.
M. Michel Magras . - Je me réjouis du consensus autour de ce texte de juste compromis à l'issue de la navette. Monsieur Gattolin, permettez-moi d'y insister en regrettant que vous persistiez à le penser, mais Saint-Barthélemy n'a jamais eu pour idée de s'affranchir de la solidarité nationale en demandant la création d'une caisse locale. Elle souhaite seulement une gestion de proximité.
Je serai très attentif à l'avis du Conseil constitutionnel sur ce texte et surtout l'article 4 ter qui augure d'un usage, que j'aimerais régulier, du principe de spécialité législative et d'adaptation du droit à l'outre-mer.
Je le dis à présent en tant que président de la délégation sénatoriale : celui-ci peut être actualisé, y compris ses aspects statutaires.
J'ajoute enfin, que Saint-Barthélemy se réjouit que vous soyez toujours plus nombreux à vouloir la découvrir, elle qui est ambassadrice des valeurs françaises. Vous y serez bien reçus !
Vote sur la proposition de loi organique
La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°26 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l'adoption | 332 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi organique.
La séance est suspendue à 12 h 30.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir désigner un sénateur appelé à siéger au sein de de l'Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable propose la candidature de M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
La candidature été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Électrifier l'Afrique
M. le président. - L'ordre du jour appelle la proposition de résolution pour le soutien au plan d'électrification du continent africain : « plan d'électricité - Objectif 2025 » présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Jean-Marie Bockel et plusieurs de ses collègues.
M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution . - Ce projet de résolution tient à coeur à plusieurs d'entre nous du fait de notre engagement de longue date sur tous les sujets qui tiennent à notre relation avec l'Afrique. Je salue M. Jean-Louis Borloo, qui assistera bientôt à ce débat dans nos tribunes, pour avoir créé, l'an dernier, la fondation « Énergie pour l'Afrique ». Cette agence intergouvernementale, gérée par les Africains et pour les Africains, a reçu le soutien de nombreux dirigeants africains, de grandes entreprises et d'organisations internationales mais surtout des États africains.
Le vote à l'unanimité du Parlement panafricain en témoigne : sa résolution vise à étendre la couverture électrique du continent sub-saharien de 25 à 80 % en dix ans. La balle est aussi dans notre camp car l'intérêt de l'Afrique, c'est l'intérêt de l'Europe et, donc, de la France. Pas moins de 70 % de la population africaine n'a pas accès à l'énergie qui est la condition nécessaire à l'accès à l'éducation, à la santé, comme au développement économique.
Cet enjeu nous concerne directement car l'Afrique émet peu de CO2. Il faut préserver ce puits de carbone que représente la forêt africaine face à la déforestation qui menace du fait de la hausse de la population. Déjà un à deux millions d'hectares disparaissent chaque année.
Développons les énergies hors réseau : les énergies renouvelables et pas seulement le solaire. « Énergies pour l'Afrique » propose une subvention de 5 milliards de dollars par an pendant dix ans versée par les pays riches et pollueurs avec une révision tous les trois ans selon le principe que nous connaissons bien du bonus-malus. Le dispositif est vertueux, gagnant-gagnant. Cela représente certes beaucoup d'argent mais quels enjeux ! Le montant est deux fois inférieur aux engagements pris à Copenhague en 2009, qui sont restés lettre morte faute de contenu précis.
À un mois de la COP 21, encourageons l'initiative de Jean-Louis Borloo qui nous a rejoints dans les tribunes ! (Applaudissements) La conférence de Paris sera l'occasion de défendre cette résolution.
Outre l'aspect environnemental, l'électrification est nécessaire pour accompagner l'explosion démographique. La croissance actuelle ne suffit pas. L'inaction aurait des conséquences dommageables, tant pour l'Afrique que pour l'Europe. En développant l'accès à l'électricité, on pourrait porter la croissance de 5 à 10, voire 15 %. Les flux migratoires seraient contenus, au profit de la jeunesse africaine.
Si la présence française est en recul, l'Afrique est notre avenir, comme nous l'écrivions déjà avec M. Lorgeoux en 2013. Nous avons un rôle à jouer du fait de notre histoire et de nos relations avec beaucoup d'États africains.
Il est temps d'agir. Adopter cette résolution, c'est adhérer à un projet global, conforme à un intérêt mutuel. Notre avenir se joue aussi en Afrique. (Applaudissements au centre, à droite, sur les bancs écologistes et du RDSE)
M. Jean-Claude Requier . - Le temps de l'Afrique est venu, dit l'économiste ivoirien Tchétché N'Guessan, Le continent est désormais considéré comme une terre d'avenir. La vision afro-pessimiste a cédé la place à une vision plus optimiste, attentive aux promesses de croissance d'un continent qui pourrait être peuplé de 2 milliards d'habitants en 2030.
Bien des défis demeurent : démographique, économique et énergétique. Près de 70 % de la population n'a pas accès à l'électricité ce qui bride le développement et la croissance. C'est pourquoi l'initiative « Énergies pour l'Afrique » est bonne.
L'Afrique dispose d'atouts pour développer les énergies renouvelables. Le solaire est sur tout le continent, l'éolien sur les trois quarts des façades maritimes, l'hydraulique est exploitable dans les régions centrales et méridionales et la géothermie dans la vallée du Grand Rift. Pourtant, alors que 21 pays seraient en mesure d'exploiter de façon rentable l'énergie hydraulique, seulement 7 % de ce potentiel est exploité. Le Sénégal se tourne vers le charbon parce c'est moins cher alors qu'il est baigné par le soleil et que le vent y souffle.
Les instruments existent, à la Banque mondiale, à la Banque africaine du développement, aux États-Unis. Malheureusement, plusieurs pays européens membres du comité d'aide au développement de l'OCDE baissent leur concours financier. L'aide au développement en France est de 0,36 % du revenu national brut en 2015, contre 0,5 % en 2014.
Reste que, élu d'un département rural, je reprendrai la fameuse formule : « La Corrèze avant le Zambèze » et j'ajouterai : « Le Transvaal après le Cantal, Nouakchott après le Lot ! ». (Sourires)
Cependant, conscient des enjeux, je voterai cette résolution. Pour paraphraser Lénine qui disait « Le communisme, c'est les soviets plus l'électricité », je dirai que l'Afrique, c'est l'électricité plus l'eau, le soleil et le vent ! (Applaudissements sur les bancs écologistes, du RDSE, au centre et à droite)
M. Jean-Claude Lenoir . - J'ai cosigné cette proposition de résolution car l'initiative de Jean-Louis Borloo est particulièrement adaptée aux défis que connaît l'Afrique : démographique, d'abord, puisque sa population devrait atteindre les 2 milliards en 2050, soit deux fois plus qu'aujourd'hui et dix fois plus qu'en 1950 ; économique, ensuite, dans un continent dont les ressources considérables attisent les convoitises : pétrole, charbon, uranium, terres rares de nombreux pays. Le taux de croissance des pays africains est élevé. Les techniques agraires, en particulier celle du brûlis, contribuent aux émissions de gaz à effet de serre.
Cette proposition de résolution vise à couvrir 80 % de la population d'ici à 2025. Ce défi, les pays du Nord l'ont aussi connu et l'ont relevé. Il y a quelques années, le président Lula avait lancé un vaste plan d'électrification au Brésil.
L'électricité, c'est aussi l'éducation. À plus forte raison dans un continent défavorisé. À Haïti, des professeurs nous ont interpellés : ils ne souhaitent plus que nous leur envoyions des cahiers et des stylos, mais des tablettes. Grâce au numérique, l'Afrique pourrait sauter plusieurs étapes du développement et nous rattraper. Il est important d'aider l'Afrique à se développer, à fournir aux jeunes les postes qu'ils attendent.
Ces pays africains attendent avec impatience cette initiative. Le directeur de l'ONU pour le développement industriel, le Sierra-léonais, Kandeh Yumkella, conseille Jean-Louis Borloo.
Le recours aux énergies renouvelables s'impose. À mon tour je paraphraserai Vladimir Oulianov, et je dirai que « l'Afrique, c'est l'électricité et la solidarité ». Je soutiens pleinement ce projet porté par l'énergie de Jean-Louis Borloo. Ceux de mon groupe qui ne voteront pas ce projet de résolution s'abstiendront dans un esprit très positif. (Applaudissements)
Mme Chantal Jouanno . - Merci à Jean-Marie Bockel d'avoir proposé cette résolution et à Jean-Louis Borloo d'avoir pris cette initiative pertinente à la veille de la COP 21.
Si l'Afrique connaît une croissance de 5 % par an, celle-ci ne suffit pas à faire face à sa croissance démographique, d'autant que cette croissance est inégalement répartie : les femmes, qui perdent chaque année 400 milliards d'heures à aller chercher de l'eau, et les filles déscolarisées, en sont tenues à l'écart.
En Europe, certains craignent l'afflux de migrants. Plutôt que d'appeler à construire des murs, électrifions l'Afrique : cela permettra de tripler sa croissance, de l'aider à sauter les étapes du développement.
Cette proposition de loi est ambitieuse, trop peut-être pour certains. Rappelons-nous que l'Europe a construit son réseau en moins de trente ans à une époque, les années 1920, où les techniques étaient moins évoluées. Cette initiative repose sur un concours de fonds publics et privés. Au total l'aide publique serait de 50 milliards de dollars sur dix ans, la moitié du budget de la région Île-de-France !
La France a un rôle majeur à jouer en raison de son histoire et de ses relations avec les pays africains. N'est-ce pas aussi le rôle du Sénat que de préparer l'avenir ? Nous ne lutterons pas contre les crises par des murs ou des discours qui, souvent, se retournent contre les femmes, mais par des actes.
Les sénatrices et les sénateurs UDI-UC voteront avec enthousiasme cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Billout . - Cette proposition de résolution a la particularité de demander au Gouvernement de soutenir une initiative privée, celle d'Énergies pour l'Afrique, présidée par l'ancien ministre Jean-Louis Borloo, que je salue à mon tour.
Le développement de la France se joue aussi au Sud, c'est vrai. Le fossé en matière d'électrification est béant. Le combler suffit-il à résoudre les problèmes dont souffre l'Afrique ? L'idée est généreuse. Elle a le mérite d'être simple. Peut-être est-elle d'ailleurs un peu simpliste voire ambiguë quand Jean-Louis Borloo la défend en affirmant qu'elle freinera l'afflux des migrants.
Créer une agence spécialisée ; pourquoi pas, mais comment la financer ? Faut-il remplacer l'humanisme par le gagnant-gagnant et la défense de son intérêt ? Est-il opportun de soutenir une initiative privée au moment où l'aide publique au développement diminue ? Enfin, cette initiative s'articule mal avec les préconisations de Kofi Annan. Selon l'ONU, il faudrait 70 milliards de dollars par an pour développer les énergies renouvelables en Afrique.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas ce texte, victime de trop d'imprécisions et d'ambiguïté. Les bonnes intentions ne font pas une bonne politique (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jeanny Lorgeoux . - Dans ce monde tourneboulé qui, tel un derviche tourneur, ne cesse d'approfondir son vertige, demeurent des vérités granitiques : l'eau, la lumière sont les fondements de la vie. L'eau n'est pas duplicable à souhait ; en revanche, la lumière naturelle peut être prolongée par la lumière créée par l'homme : l'électricité. Si l'humanité veut tendre vers la fraternité pour rompre sa détestable propension à l'autodestruction, elle doit se rassembler pour sortir des ténèbres, selon la belle formule de François Mitterrand.
Comme nous le disions avec Jean-Marie Bockel dans notre rapport de 2013, l'urgence rejoint l'évidence. La majeure partie de l'Afrique est plongée dans l'obscurité dès la nuit tombée, offerte au « vent mauvais qui l'emporte » comme le dit Verlaine. Le développement se concentre dans les villes, au détriment des campagnes.
Ce n'est pas faire injure à Jean-Louis Borloo de rappeler que, depuis quarante ans, nous avons été quelques-uns à réclamer - dans le désert, je le reconnais - l'électrification de l'Afrique, avec Houphouët-Boigny, Kofi Annan, Nelson Mandela, Jacques Pelletier, Éric Orsenna, Michel Roussin, Luionel Zinsou.
La cause africaine est noble. C'est aussi l'intérêt de la France. Nous devons prolonger l'action de tous ceux qui oeuvrent déjà dans l'anonymat : ONG, collectivités locales dans le cadre de la coopération décentralisée, les grands pays, ou l'Agence française de développement. Cette agence a aidé à raccorder 150 000 pensions en Afrique, soutenu des opérations au Bénin, au Sénégal, au Congo ; un meilleur mix énergétique au Sénégal ; financé l'électrification du Cap Vert. À l'heure où l'on nous rebat les oreilles avec le matérialisme, défendons l'humanisme, un humanisme qui rejoint l'économie et la lutte contre le réchauffement climatique.
Avec le développement de l'Afrique, les cohortes de la misère se réduiront et les murs tomberont. Les pays africains l'ont bien compris, ils s'attellent à combler les inégalités entre les pays, entre les villes et les campagnes, à associer les industriels.
La COP21 aidera à financer 10 GigaWatts supplémentaires d'ici à 2020, et 30 GigaWatts d'ici à 2030.
Le nouveau président de la Banque africaine de développement s'est fixé pour priorité d'allumer l'Afrique. Vu la contrainte du réchauffement climatique et l'explosion démographique, il faut recourir aux énergies renouvelables : le nucléaire, l'hydraulique avec Impa 3 au Congo, la biomasse comme en Afrique de l'Ouest, le solaire, l'éolien.
En Europe, on oublie combien l'électricité est précieuse tant elle est abondante. Cependant, la vie s'arrête dès que se produit une panne. Faisons en sorte, en votant cette proposition de résolution que la vie redémarre aussi pour nos frères africains. (Applaudissements)
M. Joël Labbé . - Cher Jean-Marie ... Bockel (On a eu peur, on rit. M. Rachline s'exaspère). Adopter cette proposition de résolution à la veille de la COP21 constituerait un geste politique fort. Faire de la politique, n'est-ce pas rendre possible ce qui est nécessaire ? J'attribuais cette phrase à l'Abbé Pierre, on m'a affirmé qu'elle est de Jacques Chirac. Elle serait de Richelieu... De quoi réconcilier tout le monde finalement. De Jacques Chirac, je retiens son « La maison brûle ».
Je salue l'initiative de Jean-Louis Borloo. Il nous a convaincus. En Afrique, 50 % de la population à moins de 25 ans. Dans 10 ans, 80 % du continent pourraient être électrifiés. C'est techniquement possible. Tout est question de financement : 200 milliards en 10 ans, que l'on peut récolter grâce au concours de fonds privés et publics.
L'objectif est accessible, pour peu que l'on s'inscrive dans un modèle réaliste et non excessif comme en Europe. La population africaine doit-elle accepter de rester à l'écart du bien-être qu'elle veut étaler à la télévision ? Alors les migrations - je le dis à ceux qu'elles dérangent - ne pourront s'arrêter. Les populistes, les tenants de la haine, de l'inhumanité ?
M. David Rachline. - C'est moi ça ? Sortez les violons !
M. Joël Labbé. - ...auront beau appeler à construire des barbelés, des murs, ces propos sont poisseux, ils ne sont pas à la hauteur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également) Jean-Louis Borloo l'a dit : « Qu'est-ce qu'on attend pour se bouger ? »
Les politiques devront être menées en relation avec les responsables politiques africains mais aussi avec les peuples africains. La transparence devra prévaloir, sans quoi les grandes multinationales continueront de prélever leurs profits.
Le développement de l'Afrique, c'est un développement global, la fin de terres exploitées en monoculture et arrosées de pesticides. La souveraineté alimentaire, c'est aussi de cette façon que nous construisons un monde de paix et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)
M. David Rachline . - Après de tels propos, je ne m'étonne pas que les écologistes et leurs amis communistes soient au fond du trou, désertés par leurs électeurs (Protestations sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen), ce dont je me félicite...
Et quelle discourtoisie que celle de M. Jean-Marie Bockel qui a recherché ma signature avant de la biffer sans explication, par pur sectarisme. S'il n'en voulait pas, s'il ne voulait pas le soutien de millions d'électeurs, pourquoi avoir proposé de m'associer à son texte ? Je compte bien faire savoir aux Français cette mauvaise manière.
L'initiative de M. Borloo tourne enfin la page d'une aide à l'Afrique politique et souvent politicienne, fondée sur une culpabilisation exacerbée, oublieuse des bienfaits de la colonisation et loin de bénéficier au plus grand nombre. L'électrification du continent conditionne effectivement son développement ; le recours à une fondation est bienvenu. Le projet porte une vision saine de l'homme, qui a besoin d'enracinement ; un de ses objectifs est d'aider les Africains à se développer sur leur territoire, je dis bien leur territoire. Je crois à l'enracinement des peuples. (Mouvements divers sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Comme des millions de Français, je préfère voir les Africains vivre en Afrique dans un environnement sûr plutôt que dans des bidonvilles aux portes de Calais, là où vous les accompagnez. (Même mouvement) Enfin, une aide au développement enracinée et non mondialisée !
Mme Fabienne Keller . - Beaucoup ont souligné les défis auxquels l'Afrique fait face : explosion démographique, déstructuration des territoires avec une urbanisation anarchique, appauvrissement et accroissement des inégalités, enfin, double peine puisque les Africains subissent les conséquences du changement climatique sans en être la cause.
L'APD française baisse en 2016 une année de plus. Après quatre années de réduction, elle sera de 0,36 % du PIB, loin de l'objectif de 0,7 % que le Royaume-Uni, lui, a atteint. Elle est en outre ciblée seulement à 10 % sur les pays les moins avancés. Le déblocage du Fonds vert sera le point dur de la COP21. Enfin, dernier élément de contexte, les flux migratoires, avec des déplacés économiques, politiques, environnementaux.
Les réseaux sont stratégiques pour le développement de l'Afrique - réseaux de transport, de santé, réseau éducatif, et comme préalable, un réseau électrique capable de soutenir l'économie, le développement de l'hygiène, les transports, l'organisation de villes aujourd'hui déstructurées. Le projet de Jean-Louis Borloo mérite tout notre soutien et notre respect : c'est une initiative forte et concrète avec des objectifs réalistes.
Aux esprits chagrins pour qui le Sénat n'a pas vocation à soutenir une démarche privée, je rappelle que nous avons aussi à dessiner un avenir. Je crois en l'énergie de Jean-Louis Borloo, je l'ai vu la déployer pour transformer des quartiers que tout le monde disait perdus. Votons cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie . - En 2015, à New York, l'humanité a fait le choix de construire un monde sans carbone et sans pauvreté ; c'est aussi le choix que nous devrons faire à Paris dans un mois à la COP21.
Il est loin le temps où l'on opposait développement économique et préservation de la planète. La Chine promeut désormais la « civilisation écologique», les États-Unis ferment leurs centrales à charbon, on se convertit partout à l'énergie moderne et durable. Partout ? Non, il y a l'Inde et l'Afrique... Les deux tiers de la population africaine utilisent encore le bois et le charbon de bois pour se chauffer et cuisiner. C'est une catastrophe sanitaire : selon l'OMS, 4 millions de personnes, surtout des femmes et des enfants, en meurent chaque année. C'est aussi une catastrophe environnementale : le recours à cette énergie, qui alimente les trafics, accélère la déforestation. Elle freine l'accès à l'éducation et à la santé, la croissance économique, empêche de sortir la population de la grande pauvreté. Le continent a pourtant un potentiel de développement important.
Nous n'avons pas d'autre choix que de l'aider à s'équiper en énergies propres quand ce continent, le plus riche en énergies renouvelables, travaille à une planète 100 % propre pour la fin du siècle. Nous lui devons une trentaine de contributions pour la COP21. Oui, l'Afrique est aussi une terre de solutions. Elle doit utiliser ses ressources et non importer des énergies fossiles comme nous l'avons fait et le faisons. Ce sera une source d'emplois pour sa jeunesse, grâce à la construction de filières locales.
Je salue et remercie Jean-Louis Borloo, son action déterminée auprès des dirigeants africains. Il a beaucoup mobilisé.
Le constat est partagé, et le Gouvernement agit. Au niveau du G7, d'abord, où la France a soutenu la demande de l'Union africaine de soutenir un plan pour les énergies renouvelables sur le continent. Moi-même, j'ai participé à New York en septembre au conseil exécutif de l'initiative « Énergies durables pour tous » du Secrétaire général de l'ONU, et discuté de ce sujet avec les chefs d'État éthiopien, sénégalais et nigérian.
Le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations permettra de dégager des ressources supplémentaires, dont 300 millions pour les énergies renouvelables. Nous avons là encore besoin de la force d'entraînement de Jean-Louis Borloo. L'Union africaine souhaite désormais financer 10 GW supplémentaires d'ici à 2020, jusqu'à 300 GW d'ici à 2030. Le portage par les pays africains est une condition de la réussite de ce projet. Pour preuve, le G7, le G20 Énergie suivent l'Union africaine et, bientôt ce sera le G20.
Ne réduisons pas les attentes de l'Afrique aux seuls enjeux énergétiques. Soyons attentifs à ses demandes : elle veut protéger sa forêt tropicale, la deuxième du monde ; elle veut, pour un monde zéro carbone et zéro pauvreté, que son cadre réglementaire évolue, que des financements privés soient mobilisés, que sa jeunesse soit formée.
Le Gouvernement salue le travail de la fondation « Énergies pour l'Afrique ». Faisons converger les initiatives pour répondre aux immenses besoins du continent africain. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)
M. le président. - La Conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs vaudraient explications de vote.
La proposition de résolution est adoptée.
(Applaudissements à droite)
Organisme extraparlementaire (Nomination)
M. le président. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Louis-Jean de Nicolaÿ membre suppléant de l'Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.
Contrats territoriaux de développement rural
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural.
Discussion générale
M. Bernard Delcros, co-auteur de la proposition de loi . - Le 13 décembre 1962, le Premier ministre de l'époque, élu du Cantal, Georges Pompidou, évoquait l'inégalité entre les régions et la nécessité d'un mécanisme redistributif. Vingt ans plus tard, Gaston Defferre portait les grandes lois de décentralisation qui donnaient aux territoires l'autonomie et les moyens de leur développement. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les inégalités demeurent, elles se sont même accrues.
Certains territoires, notamment en moyenne montagne, sont plus fragilisés que jamais. Entre 2007 et 2014, seize départements ont perdu des habitants quand la population nationale s'accroissait de 2 millions de personnes. Le revenu moyen par habitant passe du simple au double, voire davantage, d'un département à l'autre. L'accès aux services publics se dégrade continûment, notamment ceux essentiels à la vie quotidienne. Dans mon territoire, sur onze bassins de santé de proximité, neuf sont considérés par l'ARS au moins comme « potentiellement fragiles »...
Peut-on laisser la situation se dégrader encore, les inégalités se creuser, la désertification gagner des pans entiers du territoire ? Ce serait une grave erreur pour l'équilibre territorial et social du pays, pour la cohésion nationale. D'ailleurs, Madame le ministre, vous avez avancé des mesures importantes lors des comités interministériels pour les ruralités du 15 mars et du 14 septembre. Mais cela ne suffit pas. L'État doit aider les territoires à s'organiser, à saisir les opportunités de développement offertes, par exemple, par le numérique.
Ces territoires ne veulent pas être sous perfusion. Ils veulent un avenir, de la prévisibilité, une meilleure efficacité de la dépense publique. C'est l'objet de la proposition de loi de Pierre Jarlier qui entend créer des contrats territoriaux de développement rural (CTDR). Les territoires ruraux veulent contractualiser comme tous les niveaux le font : l'Europe, l'État, la région, le département... Pourquoi leur refuser le mécanisme créé pour les quartiers urbains sensibles ? Il manque aux pôles d'équilibre territoriaux et ruraux un outil de contractualisation. Celui que propose le texte ne nécessite pas nécessairement des crédits supplémentaires, je le souligne.
Nos territoires ruraux peuvent devenir des terres d'opportunités et d'innovation. Aidons les élus à bâtir la ruralité de demain, la France en a besoin. (Applaudissements)
Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement rural . - Sans la ruralité, la France serait dépossédée d'une partie de ses richesses, de son patrimoine naturel et culturel. Pourtant, les difficultés s'y accumulent : fermeture de services publics, désertification médicale, fracture numérique, entraves à la mobilité. Tout cela contribue à développer un sentiment d'abandon.
Ce constat est connu ; malheureusement, si le Gouvernement multiplie les annonces pour faire croire que la ruralité fait partie de ses priorités, il n'en est rien. Les dotations fondent, les solutions sont dispersées, sans vision transversale, sans identification des synergies. Les 70 mesures annoncées lors des comités interministériels de mars et septembre, qui reprennent en partie des dispositifs existants, témoignent de la fragmentation d'une politique dépourvue de vision stratégique.
Le Gouvernement a volontiers recours aux appels à projets, encore faudrait-il que les collectivités disposent des moyens, et notamment de l'ingénierie, nécessaires pour y répondre. Les plus fragiles seront laissées sur le bord de la route.
M. Pierre Jarlier propose, avec cette proposition de loi, une approche plus intégrée et partenariale, celle qui a fait ses preuves avec les contrats de ville. La forme du contrat permettra une adaptation aux enjeux locaux, celle du partenariat une mutualisation en ces temps de raréfaction de l'argent public.
En commission, nous avons cherché à simplifier le dispositif afin que les élus puissent se l'approprier et à le rendre conforme aux dernières évolutions législatives, en particulier à la loi NOTRe du 7 août 2015.
Je proposerai de définir des critères simples et efficaces pour identifier les territoires en difficulté.
Notre préoccupation a été de mettre à la disposition des élus un outil simple d'utilisation au service de l'égalité entre les territoires et de la ruralité qui a bien besoin de soutien ! (Applaudissements au centre)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - J'aurai d'abord une pensée amicale pour notre ancien collègue Pierre Jarlier et je salue son successeur, qui a repris le flambeau.
Face à la situation dégradée des territoires ruraux, l'État reste trop souvent en retrait, voire absent. Chaque année en loi de finances, nous regrettons avec M. Pointereau la réduction des crédits dédiés à l'aménagement et leur saupoudrage.
Les dizaines de mesures annoncées lors des comités interministériels ne rassurent guère. Ce sont souvent des coquilles vides ou la répétition des dispositifs existants qui témoignent de l'absence totale de volonté politique du Gouvernement.
Mme Sylvia Pinel, ministre. - Caricature...
M. Hervé Maurey, président de la commission. - Cela vous dérange peut-être, madame la ministre, mais c'est la vérité... Ce texte n'est pas la grande loi d'aménagement du territoire que nous espérons ; il est pragmatique et offre aux élus un outil contractuel simple, sans imposer de nouvelle norme, pour sortir de la logique de guichet et mobiliser intelligemment actions et ressources au service des territoires. Il ne s'agit pas plus de confronter villes et campagnes dans une opposition aussi stérile que dépassée ; mais de développer des solidarités, de renforcer la cohésion territoriale, de répondre au manque de reconnaissance dont souffre la ruralité. Il n'y a pas d'aménagement du territoire sans soutien accru aux territoires ruraux en difficulté.
J'invite le Sénat à voter ce texte actualisé à la lumière de la loi NOTRe. (Applaudissements au centre)
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - Les auteurs de cette proposition de loi souhaitent créer une nouvelle modalité d'intervention coordonnée au service des territoires ruraux, inspirée des contrats de ville créés par la loi de 2014 et dont l'efficacité est reconnue de tous. Mais ce qui fonctionne bien dans certaines zones urbaines ne fonctionne pas nécessairement dans les zones rurales, j'y reviendrai...
Je regrette, monsieur le président de la commission, votre absence à la réunion de ce matin. Vous auriez constaté que le Gouvernement s'engage pour la ruralité. Ou plutôt pour les ruralités car elles sont plurielles, certaines sont très dynamiques. Ne les enfermons pas dans une vision décliniste telle que celle qu'on lit dans l'exposé des motifs du texte.
Si les questions soulevées par ce texte sont pertinentes, les solutions proposées nous semblent inadaptées. Vous voyez, monsieur Maurey, on peut ne pas être d'accord et tenir un langage mesuré...
Le dispositif que vous proposez paraît lourd et complexe, son périmètre bien large, alors que vous prétendez cibler les territoires les plus fragiles. Ce serait un mécanisme supplémentaire dans un paysage institutionnel en mutation, qui a besoin de stabilité. Enfin, votre proposition oublie la montée en puissance de l'intercommunalité et des régions.
La méthode du Gouvernement est pragmatique, en phase avec les réalités locales. Contrairement à ce que laissent penser certains propos, le Gouvernement agit avec détermination pour donner tout son sens au principe d'égalité des territoires et n'en délaisser aucun. Les soixante-sept mesures annoncées lors des comités interministériels sont opérationnelles : mille maisons de services au public fin 2016, mille maisons de santé d'ici 2017, accélération du plan très haut débit, couverture de tous les centres-bourgs en 3G et des zones blanches, élargissement du prêt à taux zéro, 300 millions consacrés pour la revitalisation des centres-bourgs, 200 millions pour l'augmentation de la DETR.
Revenons au texte : le dispositif proposé, dépourvu de crédits supplémentaires, est lourd et peu opérant...
M. Jean-Jacques Filleul. - Exact.
Mme Sylvia Pinel, ministre. - ... et son périmètre calé sur les ZRR. Le Gouvernement a travaillé à une refonte du zonage en retenant deux critères simples, la densité et le niveau de revenu par habitant.
Les schémas de développement durable issus de la loi NOTRe, articulés à la dynamique des métropoles, offrent davantage d'opportunités. Vous voulez déployer le numérique mais il existe des schémas directeurs de développement du numérique depuis 2009... Je citerai deux dispositions que le Gouvernement met en oeuvre, des solutions simples et adaptées : le programme transversal de revitalisation des centres-bourgs, qui concerne l'habitat mais aussi les commerces, les équipements, les services publics ; les contrats de réciprocité, expérimentés dans quatre régions, qui permettent de bâtir de façon flexible des partenariats entre les territoires urbains, périurbains et ruraux - énergies renouvelables, télémédecine, enseignement supérieur à distance...
Dressons-en le bilan lors de la clause de revoyure.
Le Gouvernement a engagé une politique harmonieuse et transversale pour nos territoires ruraux, dont nos compatriotes mesureront concrètement les effets. Le dispositif que vous proposez me paraît, au contraire, aller à l'encontre de votre objectif louable - il me rappelle les pôles de développement rural, naguère tant vantés. Stabilisation, mise en réseau des territoires, soutien aux initiatives locales, c'est dans cette direction qu'il faut aller.
Vous comprendrez que le Gouvernement ne peut être favorable à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
M. Rémy Pointereau . - Je salue le travail de Mme Billon sur cette proposition de loi, due à Pierre Jarlier, dont l'intention est louable, mais qui suscite mes réserves. Les difficultés des territoires ruraux sont réelles : déclin démographique, désindustrialisation, disparition des services publics, difficultés d'accès aux réseaux mobiles, la SNCF elle-même privilégie les zones denses...
Mais je crains que ce texte n'amplifie la concurrence entre territoires. Élu d'un département très rural, je crois à la complémentarité des villes et des campagnes. Je crains aussi de nouvelles complexités administratives : en France, on a trop tendance pour résoudre les problèmes à créer de nouvelles structures... Il en existe déjà : contrats de pays, pôles... Faut-il en rajouter ? Faut-il d'ailleurs une loi pour mettre en place de tels contrats territoriaux de développement ? La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « Maptam ») permet déjà aux collectivités de contractualiser.
D'ailleurs, comment financer tout cela, alors que le Gouvernement a raboté le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) de 44 millions d'euros en autorisations d'engagement et 14 millions d'euros en crédits de paiement en 2015, ramené la prime d'aménagement du territoire de 30 millions à 27 millions d'euros...
Mme Évelyne Didier. - Tiens !
M. Rémy Pointereau. - ...et raboté les crédits des pôles d'excellence rurale ?
Dans mon rapport budgétaire, je constate une fois de plus la baisse des crédits destinés aux territoires...
Je partage l'esprit de ce texte. S'il s'agit d'inciter le Gouvernement à passer de la parole aux actes, pourquoi pas ? Mais il vaudrait mieux mettre sur le métier une grande loi d'aménagement du territoire. Cela supposera une volonté politique, Madame la Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Évelyne Didier . - L'intention est bonne, à l'évidence : donner des moyens aux territoires, résorber la fracture territoriale. Mais le dispositif proposé ne nous convainc pas. Un contrat de plus ?
Les élus attendent plutôt que l'environnement normatif soit stabilisé et les liens entre collectivités territoriales précisés - avec par exemple le rétablissement des financements croisés.
L'exemple des contrats de ville ne vaut pas, car ceux-ci portent sur des territoires limités. N'opposons pas, d'ailleurs, la ville à la campagne. La politique de la ville est très spécifique, marquée par l'articulation entre l'urbain et le social née pour résorber les poches de pauvreté créées par la construction de grands ensemble.
Ces contrats territoriaux, d'ailleurs, seront inefficaces sans financement, alors que la politique de la ville est portée par l'ANRU.
Pourquoi les communes n'y ont-elles pas leur place - contrairement, dans la version initiale, aux entreprises censées contribuer à l'intérêt général ?
Le malaise des campagnes est la conséquence de la libéralisation à tout crin de l'économie et de l'austérité. Les services publics désertent les territoires non rentables. Les dotations fondent. Le fonds destiné à soutenir l'insertion locale, les maisons de santé, les maisons de service public sont des initiatives bienvenues - il est trop commode de tout critiquer. Vous avez pris conscience, Madame la ministre, des difficultés rencontrées par les petites collectivités pour monter leurs projets.
Aucun membre de l'UDI-UC n'a voté notre proposition de loi, qui rééquilibrait les moyens... Nous ne voterons pas celle-ci, électoraliste, et qui ne contribuera en rien à résorber la fracture territoriale (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Claude Leroy . - Personne ne niera la nécessité de soutenir certains territoires. Ce texte, toutefois, suscite chez nous quelques interrogations. Malgré son amélioration en commission, il pose encore problème. À la diversité des territoires doivent correspondre des politiques diverses. Plutôt que de créer un nouveau concept, copié-collé dans la politique de la ville, donnons aux territoires de nouveaux moyens.
La contractualisation existe déjà. Depuis la loi NOTRe, les régions jouent un rôle fondamental de planification, les départements sont renforcés dans leur mission de solidarité. Ce serait donc plutôt aux régions de coordonner les actions, avec le soutien de l'État. L'article 3 n'évoquait-ils pas les fonds européens, qui passent par les régions ?
La définition donnée des territoires ruraux en difficulté, à l'article 2, a connu bien des avatars... Quelle sera l'utilité de la loi, une fois les zones de revitalisation rurale (ZRR) créées ? Vous renvoyez en outre à un décret en Conseil d'État pour préciser les critères, comprenne qui pourra...
Les deux comités interministériels sur la ruralité qui ont eu lieu à Laon et à Vesoul en mars et septembre 2015, au cours desquels 65 mesures ont été mises en place, ont prouvé la mobilisation du Gouvernement en faveur des territoires ruraux et ils ont été bien accueillis par ces territoires. Trois milliards d'euros sont ainsi engagés pour le haut débit : l'objectif est de faire entrer très rapidement l'ensemble des départements dans le plan France très haut débit et de connecter au haut débit satellitaire 150 000 foyers supplémentaires, situés en zones difficiles d'accès, à l'horizon 2018.
L'ensemble des bourgs-centres seront couverts par la téléphonie mobile d'ici la fin de l'année 2016. Confirmation a été donnée par Mme la ministre de l'engagement du Gouvernement lors de son audition par la commission.
J'ajoute la création de maisons de service public, de maisons de santé - 1 000 bientôt -, les plateformes de mobilité - 12,5 millions d'euros pour le maintien des stations-services -, l'enveloppe de 300 millions d'euros pour soutenir les projets d'investissements des petites collectivités...
L'adage dit : « quand le bourg va bien, l'arrière-pays va bien, quand le bourg va mal, c'est tout l'arrière-pays qui souffre ».
Le temps semble s'être arrêté pour les auteurs de cette proposition de loi, qui ne tiennent compte ni de la loi NOTRe, ni des récents pôles d'équilibre et de développements territoriaux, c'est finalement un texte de circonstance, à la veille des élections régionales...
Lors des Assises de la ruralité, à Murol, les maires ruraux ont dit leurs difficultés, mais aussi leurs projets. En Auvergne, par exemple, René Souchon a préféré investir dans le numérique plutôt que dans les routes.
Faisons vivre nos campagnes par des actions concrètes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Joël Labbé . - Dans ce match, on se renvoie la balle. Pour moi, le Gouvernement fait ce qu'il peut, mais doit aller plus loin. Donner des signes, c'est nécessaire, même si c'est suspect à la veille d'élections...
Les territoires ruraux se sentent oubliés, qu'on le veuille ou non. Nous pouvons être fiers d'avoir maintenu les pays et créé les pôles de développement rural ; il faudra toutefois mesurer l'impact des récentes lois qui ont bouleversé notre organisation territoriale. N'ajoutons pas de nouvelles normes, l'heure est à la simplification.
En commission, M. Dantec proposait que les parcs naturels régionaux puissent être porteurs de contrats ; Mme la rapporteure nous a dit que c'était déjà possible. Nous veillerons à tout le moins à ce qu'ils n'en soient pas exclus.
L'agriculture reste au coeur des campagnes. Prenons soin de la terre, des paysages, de la biodiversité, l'agriculture paysanne doit être soutenue. La relocalisation de notre économie alimentaire grâce aux circuits courts et aux projets alimentaires territoriaux, favorisés par la dernière loi agricole, sera favorable à nos territoires comme à ceux des pays en développement. Je plaide pour une gouvernance mondiale de l'alimentation.
La proposition de loi nous paraît inaboutie. En attendant la navette, nous nous abstiendrons.
M. David Rachline . - Vous prenez enfin conscience de l'abandon des territoires ruraux, à quelques semaines des régionales et proposez de refaire ce que vous avez défait depuis des décennies....
L'article premier est pavé de bonnes intentions. Mais les Contrats territoriaux de développement rural (CTDR) ne feront que rigidifier le carcan administratif. On superpose les dispositifs, mieux vaudrait supprimer ce qui ne fonctionne pas.
Pourquoi compliquer encore la vie des élus ? Le métier de maire rural est de plus en plus complexe et l'outil que vous proposez est baroque, sans compter qu'il n'est pas financé !
Ce qu'il faut, c'est alléger la fiscalité des TPE-PME, soutenir l'agriculture française, mettre fin à la disparition des services publics, développer le tourisme local et les trains régionaux. Bref, du concret !
M. Jean-Claude Requier . - Le recours au contrat masque l'incapacité à simplifier et à penser globalement. Nous partageons évidemment le diagnostic des difficultés rurales. Mais cette proposition de loi ne répond pas à la diversité des réalités.
Comme l'a souligné Alain Bertrand, la notion de « ruralité » n'a plus grand sens : il y a des ruralités, il y a aussi une hyper-ruralité. Les critères proposés ne tiennent aucun compte de l'enclavement, de la faiblesse des ressources des services publics.
Quant à la contractualisation, elle n'a d'effet qu'à la condition d'une volonté forte de l'État assortie de financements. Ainsi, elle n'a guère fait la preuve de son efficacité dans la politique de la ville...
Nous attendons avant tout une péréquation équitable, car nationale, autrement on ne fait que redistribuer la pénurie. Plus que d'une politique de cohésion rurale, c'est d'une politique d'aménagement du territoire que la France a besoin. Cette proposition de loi n'apporte qu'une réponse partielle, quand les élus attendent une politique globale, conduite par l'État, garant de l'intérêt général.
Nous saluons les mesures annoncées lors du comité interministériel sur la ruralité, même si nous aurions préféré un projet de loi sur l'aménagement du territoire.
Le RDSE, peu convaincu par cette proposition de loi trop timide, ne lui apportera pas son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Luche . - Précisons d'emblée que cette proposition de loi due à Pierre Jarlier date du printemps 2015 et n'a aucun lien avec les élections régionales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Elle part d'un constat : les inégalités structurelles qui pèsent sur nos territoires ruraux. Les collectivités rurales sont soumises à des contraintes propres, liées à l'éloignement ; les services publics ne peuvent obéir à une logique purement comptable. En ville, il ne faut que quelques mètres de tuyau pour relier un foyer au réseau d'eau, en zone rurale, plusieurs kilomètres parfois : si le prix de l'eau est identique dans les deux cas, il n'en va de même de son coût !
Les habitants financent les équipements par leurs impôts, alors que les opérateurs de téléphonie mobile se livrent une concurrence acharnée pour le faire en ville...
M. Gilbert Roger. - Ne rêvez pas !
M. Jean-Jacques Filleul. - Dites-le à M. Fillon !
M. Jean-Claude Luche. - Le renouvellement des médecins généralistes est en péril dans les campagnes, ce qui entraine la disparition des services publics, qui nuit elle-même à l'attractivité de ces territoires : c'est un cercle vicieux.
Il est urgent de réagir. Une ruralité réinventée, dynamique, solidaire, attractive, c'est à quoi je travaille dans l'Aveyron - qui ne gagne d'habitants que grâce au solde migratoire. Les contrats territoriaux de développement rural sont un outil parmi d'autres, et je crois en leur efficacité. Ils associeront tous les acteurs, publics, privés, associatifs..., à commencer par l'État, premier partenaire par les financements qu'il apporte et par son rôle de garant de l'égalité.
La commission a utilement simplifié le dispositif, j'en remercie la rapporteure, et regrette cependant que son amendement revoyant les critères ait été rejeté.
Les contrats territoriaux de développement ruraux et les zones de revitalisation rurale sont parfaitement complémentaires. Reste que ces contrats devront être adaptés aux atouts, aux richesses, aux difficultés de chaque territoire. L'équité en milieu rural, c'est le droit à la différence !
Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Bien que 80 % de notre territoire soit rural, la France n'est pas un pays rural, mais un pays qui définit ses politiques en fonction de critères démographiques. Voilà longtemps que l'État aide les quartiers sensibles de nos villes. Mais on souffre aussi dans nos campagnes et nos montagnes. Le critère démographique ne suffit pas.
Dans les campagnes, la population vieillit et diminue, les services publics ferment, les entreprises se raréfient. Si le désordre public n'y menace pas, le malaise est réel.
Malgré les beaux discours, quelles nouvelles perspectives sont-elles réellement offertes aux habitants ?
Ce qui marche en ville ne marche pas forcément à la campagne, où les besoins comme les attentes diffèrent. Les contrats territoriaux peuvent être un moyen de valoriser la complémentarité entre villes et campagnes. Outre le maintien des services publics, la mobilité est essentielle à nos campagnes.
L'objectif de cette proposition de loi est louable, mais les collectivités devront mettre la main à la poche... Difficile pour les départements d'envisager de nouveaux contrats, alors qu'ils peinent déjà à financer le RSA !
Je voterai cependant ce texte, ainsi, je pense, que nos collègues du groupe Les Républicains. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Jacques Filleul . - L'implication de la rapporteure méritait mieux qu'un texte d'affichage, repêché tardivement, à quelques mois des régionales. Je regrette qu'il enfonce des portes ouvertes en se fondant sur des critères inadaptés. En commission, même la majorité sénatoriale a exprimé son désappointement...
Les dispositifs existants fonctionnent bien, à commencer par les pôles d'équilibres territoriaux et ruraux (PETR), pourquoi en rajouter ? Rapporteur de la loi Maptam, j'ai dit qu'il s'agissait de prendre en compte les spécificités rurales, non en créant un échelon de plus mais en approfondissant les dynamiques territoriales. Chaque PETR élabore un projet de territoire ; il peut conventionner avec les départements et les régions. Le monde rural et périurbain y participe évidemment, n'opposons pas les territoires entre eux.
Malgré les prophéties du déclin, la France avance ! Dans la loi NOTRe aussi, les campagnes ont été prises en compte, avec la création de deux schémas prescriptifs et la possibilité de contractualiser entre intercommunalités et régions dans le cadre du contrat de plan État-Région. Les deux réunions récentes du comité interministériel à la ruralité témoignent de l'engagement du Gouvernement : près d'un milliard d'euros pour 67 mesures nouvelles, dont beaucoup sont déjà engagées.
Les péréquations horizontale et verticale progressent aussi, c'est décisif pour l'équilibre territorial.
À cela s'ajoutent d'autres mesures pour l'investissement et sur la fiscalité et le remarquable travail des régions en faveur des villages et centre-bourgs, comme dans le Centre-Val de Loire.
Les territoires ruraux ne sont pas tous à l'abandon. Loin s'en faut ! Dans certains, on vit bien et même très bien. La ruralité est une force, tout doit être fait pour favoriser l'attractivité des territoires, sans qu'il soit besoin d'ajouter aux dispositifs existants. Le groupe socialiste votera donc contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Daniel Chasseing . - Cette proposition de loi est bienvenue. Depuis des années, nous sommes nombreux à réclamer une politique pour la ruralité, comme il en existe une pour la ville. Certes, le Gouvernement a fait des annonces à Vesoul.
La loi Maptam a instauré des PETR mais n'a prévu aucun mécanisme contractuel pour engager une dynamique dans les territoires ruraux en difficulté. À l'image des contrats de villes, il nous faut un outil pour associer tous les acteurs locaux. S'il existe bien plusieurs ruralités, les territoires ruraux profonds sont des oubliés de nos politiques publiques. Ils décrochent : crise de l'agriculture, baisse des dotations, fracture numérique. Les petites communes sont incapables de mettre sur la table les 20 % restants nécessaires pour financer la fibre optique.
Si nous ne faisons rien, la désertification s'accélérera et bientôt il sera trop tard. À Vesoul, le Gouvernement a annoncé une simplification des ZRR. C'est une bonne chose. Et ce serait encore mieux si cela était articulé avec l'article 2 de cette proposition de loi définissant les territoires ruraux en difficulté.
C'est bien grâce à l'activité économique que les territoires pourront maintenir de la vie. Loin de complexifier, ces contrats mobiliseront tous les acteurs et inciteront les entrepreneurs à s'installer.
Je voterai ce texte (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Billon, au nom de la commission.
Rédiger ainsi cet article :
Sont définis comme territoires ruraux en difficulté au sens de l'article 1er de la présente loi, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre caractérisés par une faible densité de population et un faible revenu par habitant, en référence à des valeurs nationales.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article.
Mme Annick Billon, rapporteure. - Je propose de mieux définir les territoires ruraux en difficulté.
Mme Sylvia Pinel, ministre. - Cet amendement a le mérite de mieux cibler le dispositif. Est-il pour autant opportun de créer un nouvel outil ? Sagesse.
M. Claude Bérit-Débat. - Cet amendement est symptomatique des difficultés de la majorité sénatoriale à s'accorder sur ce texte. Deux rédactions ont été rejetées. Finalement le bon sens a prévalu, avec des critères qui sont aussi ceux des ZRR. Dès lors, ce nouveau contrat est-il utile ? On ne peut faire fi des mesures prises par le Gouvernement, avec un milliard d'euros pour les territoires ruraux sur le très haut débit, la téléphonie mobile, les maisons de santé et j'en passe.
Cette proposition de loi est inutile.
M. Jean-François Longeot. - Cet amendement, loin d'être « symptomatique » d'une difficulté, témoigne de l'écoute de la rapporteure. Nul n'oppose les territoires urbains et les territoires ruraux. Ces contrats ne sont rien d'autre que le pendant des contrats de ville, un outil pour plus d'équité, non d'égalité malheureusement car un citadin touche deux fois plus de DGF qu'un rural. Les milliards qu'on nous annonce pour la campagne, je ne les vois pas pleuvoir sur nos têtes. Que deviendra la dotation du chef-lieu de canton après 2017 ? Nous sommes incapables de financer le déploiement de la fibre optique. Ce texte ne doit pas susciter des antagonismes quand son but est simplement de rétablir l'égalité.
M. Michel Canevet. - J'apprécie la souplesse de la formule du contrat car les territoires ruraux sont très divers. Certes, le Gouvernement a annoncé des mesures mais elles sont générales. Ce dont les territoires ruraux ont besoin, c'est de mesures adaptées à leur réalité. Certaines communes connaissent de telles difficultés qu'elles ne peuvent pas apporter les concours demandés pour financer le très haut débit, pourtant essentiel à leur développement.
Je voterai cet amendement.
L'amendement n°3 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Delcros.
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou un syndicat portant le schéma de cohérence territoriale
M. Bernard Delcros, co-auteur de la proposition de loi. - Certains syndicats mixtes ne servent qu'à porter les Scot, ce n'est pas le cas de tous.
Mme Annick Billon, rapporteure. - Retrait. L'objet d'un Scot est différent. En outre, nous donnons à toute personne publique la possibilité d'être signataire, ce qui répond à votre souhait.
Mme Sylvia Pinel, ministre. - Même avis.
M. Jean-Claude Leroy. - Pour une fois, je partage l'avis de notre rapporteure.
M. Bernard Delcros. - Je répète que des syndicats mixtes ont une compétence plus large que de porter un Scot.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 demeure supprimé.
L'article 5 est adopté.
Les articles 6 et 7 demeurent supprimés.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Chasseing, Grosdidier et Roche, Mme Imbert, M. Morisset, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Lamure, MM. Trillard, Milon, Laménie et Houpert, Mme Duranton, MM. Laufoaulu, de Raincourt, Commeinhes, Charon, Genest, Darnaud, Grand et Lefèvre, Mme Lopez, MM. B. Fournier, Pierre, Luche et A. Marc, Mme Cayeux, MM. Perrin, Raison, Nougein et Mayet, Mme Gruny et MM. Pinton, G. Bailly, Masclet, Longeot, Vasselle et Poniatowski.
Au début de cet article
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Les contrats territoriaux de développement rural prévoient un volet économique comportant une compensation financière pour les entreprises installées en zone à faible densité de population.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du premier alinéa.
M. Daniel Chasseing. - C'est par l'emploi que la vie sera maintenue dans les zones rurales et hyper-rurales. Il faut donc aider les entreprises installées dans ces territoires.
Cette proposition de loi est bonne et n'a rien de politicien. On ne peut pas se refuser à légiférer parce que des élections approchent, il y en a tous les ans !
Mme Annick Billon, rapporteure. - Cet amendement risque de rigidifier les choses quand nous avons cherché la simplification. Retrait ?
Mme Sylvia Pinel, ministre. - Même avis.
M. Daniel Chasseing. - Si nous n'aidons pas les entreprises de ces territoires, la désertification progressera inexorablement.
L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
L'article 10 demeure supprimé.
Interventions sur l'ensemble
Mme Annick Billon, rapporteure . - Comme Jean-Claude Luche l'a dit, cette proposition de loi n'a rien d'une manoeuvre politicienne : Pierre Jarlier l'a déposée en mai dernier. Elle vise à simplifier les outils existants en évitant le saupoudrage.
Nous avons justement évité le copier-coller avec les contrats de ville. La commission a récrit le texte pour inclure les EPCI et les régions. Chacun devrait soutenir cette contractualisation. Pourquoi la refuser aux territoires ruraux ?
Madame la ministre, vous avez beau jeu de dresser un catalogue de mesures. En attendant les territoires sont en difficulté. L'outil simple que nous proposons est une solution.
M. Hervé Maurey, président de la commission . - Il ne suffit pas de dire que l'on mène une politique ambitieuse pour que ce soit vrai ! Ce n'est pas parce que vous annoncez 67 mesures à grand frais que la situation changera. La désertification médicale n'a jamais été aussi aiguë.
M. Claude Bérit-Débat. - Que ne l'avez-vous dit avant 2012 !
M. Hervé Maurey, président de la commission. - Je l'ai dit. Ces problèmes ne datent pas d'hier. Mme Lemaire a eu la franchise de nous dire hier en commission que tout le monde n'aurait pas la fibre. Accordez-vous avec elle, madame Pinel !
Ce texte a été déposé en mai. Comment parler d'électoralisme ? Certains, à l'inverse n'ont pas manqué d'évoquer leur région... Ce n'est qu'un texte concret et pragmatique. Comment parler de solution d'uniformité quand nous proposons des contrats adaptés aux réalités locales ? Pourquoi ceux qui partagent notre diagnostic mais pas notre médication n'ont-ils pas déposé des amendements ?
M. Michel Vaspart . - Pour le groupe Les Républicains, inquiet du manque de moyens accompagnant ce texte et d'une possible complexification des interventions avec ce nouveau contrat, c'est un « oui, mais ». Toutefois, parce qu'il importe d'alerter le Gouvernement, le groupe Les Républicains votera pour.
M. Jean-Marc Gabouty . - La crise des territoires ruraux ne date pas d'hier. Il est temps d'agir et de cesser les petites annonces décousues ; une politique de mise sous morphine qui ne fait qu'aider le patient à mourir sans douleur.
Plutôt que la logique de guichet, développons la contractualisation. Elle sera plus efficace que l'accumulation de schémas qui débouchent rarement sur du concret. Enfin, pourquoi ne pas réfléchir aussi à une modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction du nombre d'emplois sur un territoire ?
M. Jean-Claude Leroy . - M. Maurey est injuste vis-à-vis du groupe socialiste : c'est bien nous qui avons proposé la rédaction améliorée de l'article 2.
Cette proposition de loi date de mai mais la loi NOTRe a changé la donne depuis. Les régions sont désormais le lieu de la contractualisation et le Gouvernement a tenu des conseils interministériels sur la ruralité. Comme il a été dit sur les bancs du groupe « Les Républicains », ce texte complexifiera une politique qu'il faut simplifier. Nous voterons contre.
La proposition de loi est adoptée.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le rapport sur l'impact de la réduction des ressources fiscales affectées aux chambres de commerce et d'industrie. Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu'à la commission des finances.
Prochaine séance lundi 26 octobre 2015, à 16 heures.
La séance est levée à 18 h 10.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du lundi 26 octobre 2015
Séance publique
À 16 heures et le soir
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (texte de la commission, n°94, 2015-2016)
2. Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques (procédure accélérée) (texte de la commission, n°64, 2015-2016)
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 26 sur l'ensemble de la proposition de loi organique, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :332
Pour :332
Contre :0
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 141
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (110)
Pour : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Pour : 19
Groupe du RDSE (17)
Pour : 17
Groupe écologiste (10)
Abstentions : 10
Sénateurs non-inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier