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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



HOMMAGE À UNE DÉLÉGATION GABONAISE

QUESTIONS ORALES

Brevets industriels Carbone Savoie

M. Jean-Pierre Vial

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Retraités d'Areva

M. Jean Bizet

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Fermeture de perceptions en Ariège

M. Alain Duran

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Lignes ferroviaires dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Fermeture de la base d'Air France à Nice

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Nuisances provoquées par l'aéroport de Genève

M. Gilbert Roger

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Accès au RSA

M. Jean-Léonce Dupont

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Application des conventions collectives dans les entreprises d'insertion

M. Martial Bourquin

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Coût du traitement social du chômage

M. François Bonhomme

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Avenir des trains de nuit Paris-Briançon

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Continuité écologique des cours d'eau

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Conservatoires et écoles de musique

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Menaces sur la médecine scolaire

M. Christian Cambon

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Pollution en Méditerranée

M. Roland Courteau

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Assistants d'éducation dans l'enseignement agricole

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Communes nouvelles et classement touristique

M. Michel Savin

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Pacte financier des communes nouvelles

M. Hervé Maurey

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Contrôle au faciès

Mme Laurence Cohen

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Sécurité en milieu rural

M. Joël Guerriau

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Urbanisation autour des sites nucléaires

Mme Delphine Bataille

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Gestion des déchets diffus spécifiques des ménages

Mme Catherine Deroche

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Obligations de construction de logements sociaux

M. Jean-Claude Carle

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Aménagement du parc Georges Valbon

Mme Evelyne Yonnet

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Port de gilets jaunes de haute visibilité par les élèves usagers de transports scolaires

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Droit des étrangers en France (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Michel Mercier

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Kaltenbach

Mme Esther Benbassa

M. Jean Louis Masson

M. Jacques Mézard

M. Roger Karoutchi

Scrutin public solennel

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Rappels au règlement

M. Didier Guillaume

M. Pierre Laurent

M. Jean-Vincent Placé

M. Philippe Bas

Protection de l'enfant (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 4 BIS (Suppression maintenue)

ARTICLE 5 AA (Supprimé)

ARTICLE 5 AB (Supprimé)

ARTICLE 5 A

Mme Patricia Morhet-Richaud

ARTICLE 5 B

Mme Patricia Morhet-Richaud

ARTICLE 5 EA

ARTICLE 5 EB

ARTICLE 5 EC (Supprimé)

Débat préalable au Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015

Orateurs inscrits

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

M. Michel Billout

M. Jean-Yves Leconte

M. André Gattolin

M. David Rachline

M. Jean-Claude Requier

Mme Fabienne Keller

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Harlem Désir, secrétaire d'État

Débat interactif et spontané

M. André Reichardt

M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

M. Richard Yung

M. Philippe Bonnecarrère

M. Michel Billout

Mme Patricia Schillinger

M. Pascal Allizard

M. Simon Sutour

Mme Pascale Gruny

Mme Christine Prunaud

M. Jean Bizet

Protection de l'enfant (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 5 ED

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 6 BIS

ARTICLE 6 TER

ARTICLE 6 QUATER (Supprimé)

ARTICLE 7

ARTICLE 9

ARTICLE 12

ARTICLE 13 BIS

ARTICLE 15

ARTICLE 16

ARTICLE 17 (Supprimé)

ARTICLE 18

ARTICLE 21 BIS A

ARTICLE 21 BIS

Mme Claudine Lepage

ARTICLE 21 TER

ARTICLE 22

ARTICLE 22 QUATER

Interventions sur l'ensemble

Mme Claire-Lise Campion

Mme Élisabeth Doineau

Mme Laurence Cohen

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Mme Hermeline Malherbe

M. Jean Desessard

M. Jean-Noël Cardoux

Mme Michelle Meunier, rapporteure

Ordre du jour du mercredi 14 octobre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 13 octobre 2015

7e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Christian Cambon, M. Jean Desessard.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

HOMMAGE À UNE DÉLÉGATION GABONAISE

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent)

Je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation du Sénat gabonais, conduite par son premier vice-président, M. Léonard Andjembe. La délégation est accueillie par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit, président du groupe d'amitié France-Afrique centrale, et les membres de ce groupe.

Cette visite s'inscrit dans le cadre des échanges riches et réguliers entre notre assemblée et le Sénat du Gabon où une délégation de sénateurs français a été reçue très chaleureusement en 2013. Le thème principal de cette session de travail interparlementaire est le renforcement de la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales de nos deux pays. Outre un programme dense d'auditions et d'entretiens à Paris, la délégation effectuera un déplacement dans le Loir-et-Cher, à l'initiative de notre collègue Jeanny Lorgeoux.

Nous souhaitons à nos amis gabonais de fructueux échanges, en formulant le voeu que cette session de travail interparlementaire contribue à renforcer encore davantage les relations entre nos deux pays.

QUESTIONS ORALES

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-quatre questions orales.

Brevets industriels Carbone Savoie

M. Jean-Pierre Vial .  - Carbone Savoie, dont l'activité est répartie entre les sites de Vénissieux et de Notre-Dame-de-Briançon, est spécialisée dans la fabrication des cathodes et des matières nécessaires aux fours de production d'aluminium. Aujourd'hui propriété de Rio Tinto Alcan, cette entreprise emploie 450 salariés. Le groupe Rio Tinto Alcan, qui a cédé en 2013 l'usine d'aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne à l'entreprise allemande Trimet, vient d'engager une revue stratégique dont l'objet est d'aboutir à la cession des sites de Carbone Savoie.

La spécificité de Carbone Savoie est de créer des produits de très haute qualité ; l'entreprise a bénéficié, ces dernières années, de programmes importants en matière de recherche et de développement, et notamment du crédit impôt recherche, pour mettre au point des produits de nouvelle génération répondant aux normes les plus exigeantes en matière environnementale.

On attend la décision de Rio Tinto Alcan dans les prochaines semaines. Ces savoir-faire intéressent les Russes et les Chinois : s'ils étaient repreneurs, seraient fragilisés les sites français qui dépendent de Carbone Savoie, ceux de Dunkerque et de Saint-Jean-de Maurienne.

Comment le Gouvernement compte-t-il maintenir l'activité de Carbone Savoie en France sachant que cette entreprise a bénéficié du CIR et de l'aide au titre des électro-intensifs ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Rio Tinto Alcan, actuel propriétaire de Carbone Savoie, souhaite se recentrer sur la production d'aluminium primaire. Il y a quelques mois, les salariés de Carbone Savoie craignaient la fermeture des deux sites de Rhône-Alpes ; l'entreprise les a rassurés par un courrier adressé au ministre de l'économie.

Nous veillons à ce que le projet du groupe sécurise l'avenir du site. En cas de cession, les questions de propriétés intellectuelles seraient examinées avec attention. Le cas échéant, nous veillerons aussi à ce qu'une cession partielle ne nuise pas à l'activité de Carbone Savoie.

Cette entreprise bénéficiera de la loi de transition énergétique et des mesures prises pour les industries électro-intensives. Elle pourra ainsi améliorer sa compétitivité et entreprendre une diversification de sa production pour fournir des produits graphiques autres que l'aluminium.

M. Jean-Pierre Vial.  - Cette aventure a commencé il y a vingt ans avec le déclin de Péchiney. Des quarante sites français de Péchiney, il ne restera bientôt que celui de Dunkerque...

Rio Tinto Alcan semble avoir changé de pied depuis quelques mois. D'autres sites, qui dépendent des cathodes et des méthodes de fabrication des fours de Carbone Savoie, seraient menacés par sa disparition. Il faut l'empêcher.

Retraités d'Areva

M. Jean Bizet .  - Le 7 juin 2015, Areva annonçait un plan d'économies d'un milliard d'euros sur trois ans, jugé indispensable. Le groupe, qui emploie 44 000 personnes dont 28 520 en France, compte réduire ses frais de personnel de 15 % en France et de 18 % dans le monde : cela se traduira par la suppression de plus de 3 000 postes en France.

À la suite de ces annonces, le ministère a immédiatement réagi, en affirmant qu'il n'y aurait aucun licenciement sec en France. La direction de l'entreprise a, elle-même, fait savoir qu'elle privilégierait les départs volontaires ou anticipés. Les inquiétudes légitimes des salariés ne portent pas seulement sur ces baisses d'effectifs mais aussi sur les autres conséquences du plan de performance, sur les rémunérations, les conditions et temps de travail, les statuts collectifs et les garanties collectives.

Dans un courrier en date du 18 mai 2015, le directeur des ressources humaines d'Areva indique que le groupe a décidé l'arrêt du financement des frais de santé des retraités des différentes entreprises du groupe. Cette décision, qui risque de mettre à mal le portefeuille des anciens salariés d'Areva, semble méconnaître l'esprit de notre système de répartition qui, depuis 1945, est fondé sur la solidarité inter-générations.

Le Gouvernement peut-il nous en dire plus ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - La direction du groupe a reçu le 12 juin une délégation des retraités concernés. Compte tenu des efforts demandés aux actifs, il est difficile qu'Areva continue à financer le régime de retraite complémentaire de ses employés, pour un coût de 5 millions d'euros par an, et avec une provision de 250 millions d'euros. Une transition sera ménagée. Les associations de retraités proposent que la direction leur permette d'adhérer à un régime moins coûteux.

Nous veillons à ce que les efforts demandés à tous soient équilibrés, dans le cadre de ce plan de performance indispensable.

M. Jean Bizet.  - Ce plan est la conséquence de décisions hasardeuses de la direction. Un régime moins coûteux offre des prestations moins favorables ! Les retraités, qui ne sont pas responsables de la situation actuelle, ne s'en satisferont sans doute pas.

Fermeture de perceptions en Ariège

M. Alain Duran .  - Au printemps de 2015, la direction départementale des finances publiques de l'Ariège a annoncé la fermeture en 2016 des trois trésoreries de Castillon, Vicdessos et Luzenac, auxquelles pourraient s'ajouter en 2017 celles de La Bastide-de-Serou, Le Mas-d'Azil et Le Fossat. Ces annonces constituent un très mauvais signal donné à la ruralité. Les habitants des territoires ruraux et de montagne se retrouvent à nouveau les premiers fragilisés par une politique de réduction des services publics de proximité.

Je ne remets pas en question l'objectif de réduction des dépenses publiques et la réorganisation des services administratifs en vue d'une meilleure efficacité, mais j'appelle à des solutions équilibrées : maison des services publics, communes nouvelles...

Pour l'heure, je demande au ministre des finances de suspendre la fermeture des perceptions.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Je vous prie d'excuser l'absence de MM. Sapin et Eckert, pris par la discussion du budget.

L'administration régalienne du Trésor se doit à la fois d'être présente localement et d'offrir des services de qualité. La contrainte budgétaire amène la DGFip à repenser son organisation sur la base de la concertation au terme desquelles seulement le ministre rend ses décisions.

Si une trésorerie ne répond plus aux attentes des publics, ou si elle est trop petite pour offrir des services de qualité, un regroupement doit être envisagé.

S'agissant de l'Ariège, M. Eckert a été sensible à vos préoccupations et le directeur départemental a proposé des solutions de compromis. Le ministre n'a pas encore arrêté sa décision. En tout état de cause, il a réaffirmé la nécessité d'adapter le réseau en Ariège en fermant l'un des trois postes tout en tenant compte des possibilités offertes en matière de gestion conjointe et d'échelonnement de calendrier pour les deux autres.

M. Alain Duran.  - Merci. Il faut maintenir la qualité de service au public dans la ruralité, que nous aimons tous.

Lignes ferroviaires dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre .  - Dans l'Aisne, les usagers du ferroviaire sont particulièrement mal lotis avec les retards récurrents sur la ligne Paris-Laon, que ce soit pour travaux, manque de conducteurs, trains bondés, matériel vieillissant, rodage, affaissement de talus. En outre, le rapport Duron préconise de réduire les passages quotidiens des lignes Saint-Quentin - Cambrai et Saint-Quentin - Maubeuge, ainsi que de supprimer la ligne Hirson-Metz. Le sud de mon département va être à quatre heures de route de Lille, sa nouvelle capitale régionale, et on nous ampute de trois lignes ferroviaires ! En outre, on nous pénalise pour l'axe principal qui relie Paris à Laon et, plus loin, à Hirson.

Les retards de trains ont suscité une plateforme d'échanges appelée « Paris-Laon ma deuxième maison », dont la pétition a reçu en quelques jours plus de mille signatures, soutenue par l'association Amélioration du transport ferroviaire. L'UFC-Que choisir estime que les chiffres produits par la SNCF sont peu conformes à la réalité ; elle a mis en place une application pour déclarer tous les incidents. Le report des décisions à mai 2016 laisse chacun dans l'incertitude. Et l'on parle d'un « train d'équilibre du territoire » ! Cherchez l'erreur ! Les collectivités territoriales doivent absolument être consultées d'autant qu'on compte leur demander des financements. Je pense en particulier au bloc communal. L'État entend-il jouer son rôle alors qu'il est compétent sur les trains d'équilibre du territoire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Le Gouvernement partage votre souci d'offrir aux voyageurs des transports collectifs fiables et de qualité. Sur la ligne des TET Saint-Quentin-Paris, dont l'État est l'autorité organisatrice des transports depuis 2010, on constate une baisse de fréquentation de plus de 20 %, qui s'explique en partie par l'essor du covoiturage. C'est pourquoi le Gouvernement travaille à la reconnaissance de ces TET.

Le ministre des transports, retenu ce matin, a confié au député Duron que, si la décision n'est attendue qu'en mai 2016, c'est précisément que nous laissons le temps de la concertation !

Il appartient à la région autorité organisatrice des transports de définir les besoins et de veiller à la qualité du service.

M. Antoine Lefèvre.  - J'insiste pour que les communes et intercommunalités soient associées à la concertation.

Fermeture de la base d'Air France à Nice

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - La direction d'Air France a décidé de fermer ses bases de Nice, Toulouse et Marseille. L'accord signé en juillet n'a pas clos le dossier, puisque les négociations doivent rouvrir dans un an. Si la base niçoise devait fermer, que deviendraient les 200 salariés concernés et leurs familles ?

Ces équipages régionaux permettent d'accélérer la rapidité de rotation des avions. Lorsque ces personnels navigants sont de réserve, ils peuvent répondre à toutes sortes d'imprévus afin de garantir la continuité du service public.

Alors que l'État vient d'augmenter sa participation au capital d'Air France, quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - En 2011, Air France avait décidé d'ouvrir des bases dans plusieurs villes, afin d'améliorer la productivité du secteur court et moyen courrier. Malgré leur succès, ses bases n'ont pas trouvé leur équilibre économique ; c'est pourquoi Air France a déjà progressivement réduit le nombre de vols à leur départ.

Pour les personnels navigants commerciaux, les bases seront maintenues jusqu'en octobre 2016 ; c'est l'objet des propositions de juillet dernier, qui confirment le Gouvernement dans son attachement au dialogue social. Il appelle tous les acteurs à reprendre le chemin des négociations, pour restaurer ensemble la compétitivité de la compagnie.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Ces bases aériennes sont un atout pour les territoires concernés, elles doivent être pérennisées. Le plan social annoncé exclut certes les départs contraints, mais les syndicats l'ayant refusé, des licenciements secs sont à craindre ; 48 emplois sont menacés à Nice.

La Cour des comptes a dessiné d'autres pistes d'économies : je pense, par exemple, aux billets offerts aux salariés.

Nuisances provoquées par l'aéroport de Genève

M. Gilbert Roger .  - L'association française des riverains de l'aéroport de Genève (Afrag), composée de plus de 100 membres et soutenue par les communes d'Yvoire, Nernier, Messery et Chens-sur-Léman en Haute-Savoie, milite pour le déplacement des trajectoires aériennes de la rive française vers le milieu du Petit Lac, par le biais d'une approche dite segmentée et la limitation des vols de nuit. Le bruit mesuré à Nernier par l'European Aircraft Noise Service, au passage d'un avion, varie entre 65 et 72 décibels, soit un niveau amplement suffisant pour réveiller un être humain. Le premier vol est à six heures du matin et le dernier à minuit, y compris les samedis et dimanches et bon nombre d'avions sortent leur train d'atterrissage au-dessus de Nernier.

Le tribunal administratif fédéral suisse a débouté l'Afrag, le 17 juin 2015, de sa demande de modification du règlement d'exploitation de l'aéroport de Genève, arguant des conditions de sécurité. Or deux experts indépendants, dont le cabinet néerlandais NLR, ont confirmé le fait qu'une approche segmentée était techniquement réalisable, sans aucun impact sur la sécurité des vols, comme l'attestent les exemples de Nice, Francfort et Zürich !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Nous sommes en contact avec les autorités suisses, dans le respect de la souveraineté de chaque État.

L'Office fédéral de l'aviation civile avait approuvé en 2001 les règlements d'exploitation de l'aéroport de Genève. Les riverains français ont contesté cette décision, en raison des nuisances occasionnées par les atterrissages sur la piste 23. Un projet d'arrivée par le milieu du lac Léman a été rejeté en 2012, pour des raisons de sécurité car les avions n'auraient plus été dans l'alignement de la piste. Il aurait donc fallu une dérogation aux règles internationales de sécurité. L'Afrag a été déboutée de son recours en juin dernier.

Voilà où nous en sommes. La Direction générale de l'aviation civile poursuivra le dialogue constructif qu'elle entretient avec les autorités suisses. Après l'échec de la procédure contentieuse, c'est d'un climat apaisé que l'on peut attendre une évolution positive. Continuons sur cette piste, si j'ose dire.

M. Gilbert Roger.  - Je souhaite être informé des suites de cette affaire. Qui peut le plus peut le moins. Au lieu de déclarer la guerre à la France, que la Suisse garantisse la sécurité de chacun !

Accès au RSA

M. Jean-Léonce Dupont .  - Les services départementaux constatent que des personnes détenant des capitaux importants demandent et obtiennent le RSA.

Dans le Calvados, entre 2012 et 2013 le nombre de bénéficiaires du RSA a progressé de 10 %, passant de 13 600 à plus de 15 000 ; sur cette même période, le nombre de personnes qui ont déclaré des placements a augmenté de 24 %. En effet, dans l'évaluation des situations patrimoniales, les textes prévoient que les intérêts des comptes d'épargne ne sont pas pris en compte dans leur valeur réelle mais au taux forfaitaire de 3 %. Certains ont parfaitement compris comment faire, d'autant que l'on trouve des conseils avisés sur certains blogs : « Quand on est au RSA, il faut privilégier ce type d'épargne. L'idéal, c'est de faire diversion : avoir son compte courant dans une banque et ses comptes d'épargne non imposables dans un autre établissement de façon à brouiller les pistes. » Pour échapper à la prise en compte de certains placements, des bénéficiaires déposent plusieurs dizaines de milliers d'euros sur les comptes courants, que la CNAF refuse d'intégrer dans l'évaluation des ressources en estimant que l'argent des comptes courants est destiné aux dépenses quotidiennes du foyer. Grâce à quoi, on peut détenir 180 000 euros de placements et obtenir le RSA avec les droits connexes !

Le président du conseil départemental devrait être en mesure de refuser, dans ce cas, les bénéfices du RSA. Ce serait conforme à la justice sociale. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Certains trouvent au contraire la règlementation trop rigoureuse puisque tous les avoirs financiers sont valorisés à 3 % pour le calcul du RSA, même s'ils rapportent moins. Les CAF peuvent évaluer le niveau de vie des demandeurs, pour éviter les cas, rares mais choquants, que vous évoquez. Elles veillent aussi à la prévention des fraudes, qui entretiennent le fantasme de l'assistanat.

M. Jean-Léonce Dupont.  - Nous ne vivons pas les mêmes situations... Les départements sont confrontés à ce type de cas. Or certains d'entre eux seront en cessation de paiement à la fin de l'année, et le tiers d'entre eux l'année prochaine ! Si vous ne prenez pas conscience rapidement de ces difficultés, vous risquez d'être rattrapés par la réalité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Application des conventions collectives dans les entreprises d'insertion

M. Martial Bourquin .  - Dans le cadre de la loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire, les entreprises d'insertion ont pour objectif de ramener des personnes dans le monde du travail. Or l'application d'une convention collective peut être un frein à l'insertion, puisque certains salariés en insertion hésitent face à une proposition d'une entreprise classique qui propose une convention collective différente ou moins avantageuse, voire sans convention collective. Ne faudrait-il pas adapter l'application des conventions collectives aux salariés en insertion ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Les contrats à durée déterminée de l'insertion par l'activité offrent les mêmes garanties que les CDI. C'est un enjeu de régulation de la concurrence : la même règle pour tous. Au 31 septembre 2012, 710 conventions de branches couvraient trois millions de salariés.

Cette convention élargie est la particularité de la France. Les salariés de l'insertion par l'activité économique doivent en faire partie.

Ce secteur est justement perçu comme un vecteur de cohésion sociale, de développement des territoires et d'amélioration des conditions de vie.

M. Martial Bourquin.  - Parfaitement. Cependant, il faut distinguer les deux métiers différents que sont celui d'encadrant et celui de travailleur en insertion. Accompagner ces personnes demande beaucoup de courage et d'engagement, reconnaissons-le.

Coût du traitement social du chômage

M. François Bonhomme .  - Le traitement social du chômage, auquel le Gouvernement recourt pour faire face à l'échéance des élections de 2017, coûte très cher.

Fin novembre 2014, 45 000 emplois dits d'avenir avaient déjà été ajoutés dans le budget 2015 ; en mars 2015, 170 millions d'euros ont été débloqués, pour concentrer plus d'emplois aidés sur le premier semestre.

Le nouveau geste est bien plus considérable, puisque son coût est estimé entre 300 millions à 400 millions d'euros en 2015 et 700 millions d'euros en 2016. Cette rallonge vise à porter à 545 000 le nombre total d'entrées en contrats aidés cette année et à maintenir, au second semestre, le même flux que pendant les six premiers mois.

Plus significatif encore : le « stock » de bénéficiaires de contrats aidés avoisinera 460 000 à 480 000 à la fin de 2015, chiffre inégalé depuis le début de la crise. Ces contrats bénéficieront, avant tout, aux jeunes et au secteur non marchand. Si, cette année, la mesure est financée par des redéploiements de crédits à l'automne, en mobilisant la réserve de précaution mise en place en début d'année, les crédits seront intégrés dans le budget de l'emploi pour 2016, ce qui pèsera sur les finances publiques, sans que soit réellement traité le problème du chômage des jeunes.

Comment le Gouvernement entend-il financer cette nouvelle mesure et quels arbitrages sont envisagés pour 2016 ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Le budget 2016 réaffirme la priorité pour l'emploi du Gouvernement. Dans un contexte de redressement sans précédent de nos finances publiques, nous maintenons à un niveau élevé les crédits de la mission budgétaire « Travail et emploi », qui augmentent de 15 %. Le Gouvernement assure sa volonté de remporter la bataille pour l'emploi. Les emplois aidés, les contrats uniques d'insertion et les emplois d'avenir y contribuent de manière déterminante. D'ailleurs, le précédent Gouvernement de droite n'avait pas dédaigné non plus les emplois aidés.

C'est un enjeu économique, car les personnes concernées gagnent en compétences, au plus près des besoins des entreprises, et le Gouvernement est attentif à la qualité des parcours. Fin juin 2015, 85 % des jeunes recrutés en emploi d'avenir bénéficieront d'une formation. L'enjeu est aussi social, car les emplois aidés s'adressent à des personnes éloignées du marché du travail.

L'État prend sa part dans cet effort ; les employeurs en contrepartie s'engagent à accompagner les jeunes et à les former.

Le budget pour les contrats aidés s'élèvera en 2016 à 2,5 milliards d'euros, dont 1,2 milliard pour les emplois d'avenir : un chiffre en ligne avec les perspectives de croissance. C'est une dépense utile, vertueuse pour que les Français les plus en difficulté, les jeunes en particulier, retrouvent le chemin de l'emploi.

M. François Bonhomme.  - Certains préfets ont eu des déclarations malheureuses, appelant à consommer à toute force les crédits de l'emploi. Certes, tous les Gouvernements ont recours aux emplois aidés. Ce qui pose problème, c'est lorsqu'ils tiennent lieu de politique de l'emploi. Notre pays a besoin de réformes structurelles.

M. Christian Cambon.  - Eh oui !

Avenir des trains de nuit Paris-Briançon

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Depuis la disparition des forces armées à Briançon, la ligne ferroviaire des Alpes, jusqu'à son terminus Briançon, fait craindre le pire aux élus, aux usagers mais aussi aux professionnels du tourisme, tant les difficultés de circulation, de réservation et les retards s'amoncèlent.

Le 26 mai 2015, le député Philippe Duron a remis le rapport de la commission sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire qu'il introduit par ces mots : « Pour sauver l'offre des trains d'équilibre du territoire, il faut agir vite, il faut regarder loin, il faut des mesures fortes ».

J'ai consulté son rapport avec un vif intérêt et lu avec angoisse ses conclusions. Ma demande d'audience est restée sans suite ; l'avenir du seul train d'équilibre du territoire des Hautes-Alpes, c'est-à-dire du train de nuit « historique » Paris-Briançon est menacé. En France, les trains de nuit sont très consommateurs de fonds publics, puisqu'ils représentent 25 % du déficit, alors qu'ils ne comptent que 3 % des voyageurs.

Sur la ligne de nuit Paris-Briançon, le déficit est de 160 euros par voyageur. Certes, la commission préconise le maintien de ce train de nuit, au motif qu'on ne dispose pas, dans les Hautes-Alpes, d'une offre alternative suffisante, en raison du caractère enclavé de son territoire. Faut-il s'en réjouir pour autant ?

Une seule desserte quotidienne pour le train de nuit est largement insuffisante puisque de nombreuses stations de sports d'hiver sont concernées. II est impératif de garantir la circulation de trains supplémentaires, en adéquation avec le calendrier des vacances scolaires.

La qualité du service, la fréquence, le prix, le temps de parcours doivent être améliorés faute de quoi les usagers pourraient choisir d'autres destinations.

Alors que s'ouvre dans quelques semaines la COP 21, je compte sur la volonté des pouvoirs publics pour mettre en oeuvre des transports publics adaptés, conformes aux objectifs de diminution de gaz à effet de serre et incitatifs.

Le Gouvernement a-t-il rendu des arbitrages sur le rapport Duron, dans les Hautes-Alpes ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Je vous prie d'excuser l'absence d'Alain Vidalies. Depuis 2010, l'État est l'autorité organisatrice des transports des trains d'équilibre du territoire, dont les trains de nuit. La fréquentation de ceux-ci a décliné de 25 % depuis 2011. Le modèle économique actuel du service est à bout de souffle : leur déficit représente 25 % de celui de l'ensemble des TET, vous l'avez rappelé. D'où la volonté du ministre Vidalies d'assurer la renaissance de ces trains et la mission confiée à Philippe Duron.

La commission qu'il a présidée, qui a rendu ses conclusions le 26 mai 2015, recommande que la ligne de nuit Paris-Briançon, essentielle pour l'équilibre du territoire, soit maintenue.

Mon collègue a confié au préfet François Philizot une large concertation avec les régions et les acteurs territoriaux afin d'examiner les éventuelles évolutions d'offre et de gouvernance de ces trains, à partir des conclusions de la commission. Cette mission se poursuivra avec les nouveaux élus régionaux, afin de disposer de conclusions d'ici mai 2016.

Des locomotives thermiques neuves entre Valence et Briançon seront mises en service en 2016 pour fiabiliser la desserte de cette ligne, nécessaire au développement du Val-de-Durance.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Je ne suis que partiellement rassurée par cette réponse. Comptez sur ma vigilance.

Continuité écologique des cours d'eau

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La continuité écologique est mise en oeuvre sans concertation sur le terrain, dans une situation budgétaire difficile, pour tous les propriétaires d'ouvrages publics et privés, situés sur les cours d'eau classés en liste 2.

Avec les moulins, vieux de plus de deux siècles, qui sont menacés, c'est tout un patrimoine qui risque d'être détruit, sans parler de la perte de potentiel de production hydro-électrique.

On délaisse la fonction de réserve d'eau des biefs pour les usages locaux, sans apporter aucune garantie quant aux risques pour les personnes, les habitations et les écosystèmes en aval.

Alors que l'argent public est rare, ne faut-il pas s'interroger sur le bénéfice environnemental de telles mesures ?

Entre la solution de l'arasement complet de l'ouvrage et l'obligation d'équipement, il existe d'autres options respectueuses de l'intérêt collectif, pour annuler ou réduire au minimum les impacts sur la continuité écologique, tels que l'abaissement de seuil, l'ouverture de vanne...C'est ce que recommandait le conseil général de l'environnement et du développement durable en 2013 : la gestion concertée des vannages et l'élaboration de grilles multicritères pour évaluer l'intérêt des ouvrages.

Le droit de l'eau, lui aussi, attend son choc de simplification. La ministre de la culture a fait des déclarations récemment sur les moulins à eau. Est-ce à dire qu'une concertation s'engage ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Mme Royal vous prie d'excuser son absence.

La préservation et la restauration de la continuité écologique des cours d'eau est un enjeu important pour l'atteinte du bon état des eaux et pour la préservation de la biodiversité.

En application de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, les cours d'eau classés en liste 1 sont à protéger de tout aménagement supplémentaire, ceux classés en liste 2 doivent donner lieu à de véritables programmes de restauration de la continuité écologique centrés sur certains secteurs, afin de respecter les objectifs de bon état des eaux de la directive-cadre sur l'eau et les engagements de la France en faveur de la biodiversité.

Parmi les 80 000 obstacles qui ont été recensés sur les cours d'eau, tous ne sont pas des moulins, lesquels font partie, effectivement, de notre patrimoine.

Mme Royal privilégie une démarche participative avec l'élaboration d'une charte nationale. Dans votre département, les bâtiments classés monuments historiques seront évidemment préservés.

Les ouvrages de Rochefort-sur-Brevonet et de Talfumière à Saint-Marc-sur-Seine, font l'objet d'études portées par le syndicat intercommunal des cours d'eau châtillonnais (SICEC).

Sur le premier, l'étude préliminaire concerne trois ouvrages. La commune et le propriétaire des ouvrages participent au comité de pilotage.

Pour le moulin de Talfumière, les études privilégient la gestion des vannes de l'ouvrage permettant l'alimentation en eau du moulin.

Sur les deux autres moulins que vous mentionnez à Saint-Marc-sur-Seine, les procédures contentieuses ne permettent pas d'avancer pour le moment.

Sur l'ouvrage de Bézouotte, le projet initial de rétablissement de la continuité écologique, porté par le syndicat intercommunal du bassin versant de la Bèze et de l'Albane (Siba), privilégiait l'effacement mais pourrait évoluer vers un aménagement en raison des risques causés par l'abaissement du niveau d'eau sur la stabilité des berges. La commune est associée aux démarches engagées.

Quant aux ouvrages d'Is-sur-Tille, les études sont conduites par le syndicat intercommunal d'aménagement de la Tille, de Pignon et de la Venelle (Sitiv) et la commune et les propriétaires des ouvrages participent au comité de pilotage.

Les études se poursuivent, pour limiter les inconvénients d'une mise hors d'eau du bief où est implanté un parcours de pêche destiné aux jeunes.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Merci. Le dialogue sur le terrain avance. Reste que les élus locaux sont inquiets car ils ont beaucoup investi dans la restauration de ces ouvrages. Surtout, des risques d'effondrement existent : le Siba a fait état de fissures survenues dans deux habitations à cause de la rétractation des argiles. Ces mouvements de terrains sont augmentés par la sécheresse et par la baisse du niveau des eaux. En cas de sinistre, qui paiera ?

Merci au Gouvernement de se pencher sur ce dossier transversal.

Conservatoires et écoles de musique

Mme Catherine Morin-Desailly .  - En mai 2015, le Premier ministre a confessé que la baisse du budget de la culture au début du quinquennat actuel avait été une erreur. Toutefois, le mal est fait, aggravé par la baisse des dotations aux collectivités locales. Avec les pactes pour la culture, le Gouvernement a engagé un nouveau type de partenariat avec les collectivités locales mais il a, dans le même temps, fait disparaître les modestes crédits affectés par le ministère de la culture aux conservatoires et aux écoles de musique.

Quand le Gouvernement affiche l'accès à la culture comme l'une de ses priorités et que la réforme des rythmes scolaires suppose une réelle mobilisation, il se contente d'opérer quelques redéploiements de crédits.

Le Gouvernement entend-il respecter la loi de 2004 ? C'est indispensable pour sauver nos conservatoires.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - La culture est une compétence partagée, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne dit pas autre chose. Pour autant, les enseignements artistiques spécialisés sont dans une situation de blocage, parce qu'elle n'est pas mise en oeuvre. Il faut que cela change et j'y suis déterminée.

Je veux tout d'abord réaffirmer le rôle d'expertise et d'orientation pédagogique de l'État. À cet effet, ont été inclus dans le projet de loi relatif à la liberté de création, l'architecture et le patrimoine qui vient d'être adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, les « schémas nationaux d'orientation pédagogique ».

Il s'agit ensuite de réengager l'État dans le financement des conservatoires avec 8 millions d'euros de mesures nouvelles supplémentaires, pour atteindre 13,6 millions d'euros, plus 2 millions d'euros dans le cadre de l'augmentation des crédits de l'éducation artistique et culturelle, soit au total, plus de 15 millions d'euros en faveur de l'ensemble des conservatoires.

Enfin, nous reprenons le dialogue avec les collectivités territoriales et tous les acteurs concernés. Le chantier de révision des critères d'intervention de l'État en faveur des conservatoires et, parallèlement, de leur classement, sera ainsi mené en concertation avec les collectivités territoriales dans le cadre d'un groupe de travail « conservatoires ». Associations représentatives du secteur, enseignants, parents d'élèves, directeurs de conservatoires et, plus largement, acteurs culturels et éducatifs partenaires des conservatoires seront entendus sur ces sujets d'ici la fin de l'année.

Les conservatoires, premier réseau de proximité dans l'enseignement artistique, doivent être maintenus et renforcés.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Enfin, mon discours porte ! Je le tiens depuis trois ans. Il faudra convaincre les régions du bien-fondé de la réforme de 2004. Il faudra aussi, madame la ministre, associer le Parlement. Nous pourrons donc y travailler dans le cadre du projet de loi sur la création.

Menaces sur la médecine scolaire

M. Christian Cambon .  - Nous connaissons les déserts médicaux ; la médecine scolaire est menacée. Elle a été créée en 1945. En dix ans, la profession a perdu 50 % de ses effectifs dans le Val-de-Marne. En 2016, toutes les communes de la moitié Est de ce département n'auront plus de médecin scolaire.

Les causes de ce phénomène sont connues : un médecin scolaire peut avoir la charge de 11 000 élèves, répartis sur 45 établissements, et gagne 500 à 1 000 euros de moins par mois que ses confrères des centres de protection maternelle et infantile ou des maisons départementales des personnes handicapées (MPDH) embauchés par les départements. La carrière est insuffisamment attractive.

Or leur rôle est capital pour dépister les troubles du langage, de la vision ou de l'ouïe des enfants. L'éducation et la santé sont intimement liées pour assurer l'égalité des chances. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - La médecine scolaire est effectivement un gage de réussite éducative. Le Gouvernement, qui en convient, a mis fin à la réduction continue des effectifs entre 2007 et 2012.

Ainsi, depuis 2012, 66 nouveaux postes ont été ouverts par concours. De plus, nous avons pris des mesures de revalorisation indiciaire et de titularisation des agents : une centaine d'agents ont été ainsi recrutés depuis 2012, soit 10 % des effectifs de ce corps.

Cela ne suffit pas. Depuis le printemps 2015, nous avons engagé une discussion pour, entre autres, encourager les étudiants en médecine à venir effectuer des stages dans les établissements scolaires et découvrir cette fonction particulière, dont la revalorisation mobilise l'éducation nationale.

M. Christian Cambon.  - Merci mais 66 postes, cela ne suffit pas. On note toujours un décalage entre les discours de ce Gouvernement et les actes. Je vous invite à discuter de ce dossier avec la ministre de l'éducation que l'on voit rarement dans cet hémicycle répondre à nos questions. La médecine scolaire est essentielle pour les enfants modestes ; les parents des autres ont les moyens de les emmener consulter des spécialistes. Il s'agit de mettre en oeuvre concrètement l'égalité des chances tant prônée par votre Gouvernement.

Pollution en Méditerranée

M. Roland Courteau .  - La Méditerranée, chère à notre coeur, monsieur le président...

M. le président. - Eh oui !

M. Roland Courteau.  - ...victime de l'héritage des pollutions passées et atteinte par les pollutions présentes sera soumise à une pression d'origine anthropique de plus en plus forte, dont les conséquences seront démultipliées par les effets du changement climatique.

Dans le rapport, La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030, que j'ai rédigé voici quatre ans pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), j'ai avancé dix grandes catégories de propositions pour lutter contre la pollution du bassin méditerranéen et réduire l'écart de plus en plus marqué qui se dessine entre les rives Nord et Sud de cet espace commun. Elles demeurent d'actualité.

Il s'agit de protéger des biotopes, souvent rares et fragiles. La mer Méditerranée ne représente que 0,8 % de la surface de la terre et 0,3 % du volume des eaux océaniques mais elle abrite près de 8 % des espèces marines connues.

J'ajoute que 60 % à 70 % de la population du Sud n'est pas couverte par un réseau de traitement des eaux.

La gouvernance est dispersée : convention de Barcelone, Union européenne, Union pour la Méditerranée, qui semble encalminée. Les pays riverains doivent agir pendant qu'il est encore temps.

Mon rapport n'inclinait pas à l'optimisme. Où en est-on aujourd'hui ? Pouvez-vous faire le point sur la mobilisation du Gouvernement pour lutter contre les pollutions ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - La France prend une part très active à la lutte contre la pollution en Méditerranée.

Au niveau national, elle mène une action ciblée, en appliquant le plan d'action contre les micropolluants, qui, dans sa nouvelle version intégrera le plan médicament et le plan PCB.

Au niveau européen, la France met en oeuvre les directives 2000 et 2008 sur l'eau et les eaux marines. Afin d'optimiser les actions mises en place dans le cadre européen, le gouvernement français a fait converger les calendriers de mise en oeuvre et articuler les documents de référence des directives sur l'eau et sur la stratégie du milieu marin.

La France respecte les directives « déchets » et le règlement « Reach » sur la gestion des substances chimiques, afin de réduire à la source les pollutions d'origine tellurique. Au niveau international, la France est partie prenante de la convention de Barcelone de 1976, révisée en 1995 et du plan d'action pour la Méditerranée. Elle en est le principal contributeur, avec des crédits à hauteur de 2 millions d'euros et la mise à disposition d'experts du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, notamment le directeur du Plan bleu.

M. Roland Courteau.  - Je salue ces initiatives. Cependant, les pollutions avancent plus vite. Au-delà du cadre national, il faut mobiliser les 21 États riverains. Nous devons créer à cet effet une agence de la protection de l'environnement et de promotion du développement durable pour l'ensemble du bassin méditerranéen, où les décisions seraient prises à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité. Il n'est pas trop tard pour agir. Rien n'est encore irréversible. Mais le temps presse.

Assistants d'éducation dans l'enseignement agricole

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - La rémunération des assistants d'éducation (AE) au sein de l'enseignement technique agricole, pourtant essentiels, diffère de celle des assistants d'éducation de l'éducation nationale !

En 2014, les crédits alloués pour financer 1.165 postes d'assistants d'éducation dans l'enseignement agricole, subissaient un différentiel de près de 5 000 euros par AE, par rapport aux crédits alloués aux postes d'AE à l'éducation nationale.

En 2015, cet écart avait commencé à se réduire. Or, les crédits annoncés pour le budget 2016 seraient en recul de plus de 700 000 euros. Résultat, soit des postes seront supprimés, soit les établissements agricoles devront prendre en charge le différentiel, de près de 4 000 euros par AE, ce qui mettrait en péril leur équilibre financier très fragile.

Le compte n'y est pas. Il importe que le Gouvernement se saisisse à bras-le-corps de ce dossier pour mettre fin à cette inégalité de traitement.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Je vous prie d'excuser M. Le Foll parti à Rome, à la FAO, organisation mondiale de l'alimentation, pour préparer la COP 21.

Le budget consacré aux assistants d'éducation de l'enseignement agricole a augmenté de 2,6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015, pour atteindre 28,6 millions, ce qui correspond à 1 247 postes, contre 1 165 en 2013.

Le différentiel remonte à la mise en place des assistants d'éducation en remplacement des anciens maîtres d'internat - surveillants d'externat. Les ministères chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture ont calculé le montant de l'enveloppe budgétaire d'une manière différente à l'époque.

En outre, les revalorisations du point d'indice pratiquées entre 2002 et 2010 par la fonction publique n'ont pas été intégrées dans le calcul des crédits budgétaires du ministère de l'agriculture alloués pour les assistants d'éducation.

Pour 2015, la gestion des dotations des assistants d'éducation a fait l'objet de deux principes : mieux rémunérer les assistants d'éducation en place et augmenter les dotations dans les régions où cela se justifie. Pour 2016, un effort supplémentaire n'a pu être malheureusement fourni.

Une expertise est en cours pour vérifier l'adéquation entre les moyens et les besoins.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le Gouvernement doit mettre fin à cette inégalité injustifiée. Les attentes sont très fortes sur le terrain.

Communes nouvelles et classement touristique

M. Michel Savin .  - Le tourisme revêt également une dimension stratégique pour le développement économique des territoires. L'activité touristique est vitale pour nombre de communes. Leurs efforts, qui résultent de choix pensés à long terme, sont récompensés par leur classement en commune touristique. Ces choix entraînent de nombreuses retombées favorables au développement économique des communes concernées : attractivité et aménagement du territoire, dynamisme des activités d'hôtellerie et de restauration, sans oublier le développement de la politique culturelle à travers les musées, les festivals et la valorisation du patrimoine.

Une commune de tourisme classée garde-t-elle son classement quand elle fusionne en une nouvelle entité avec une commune non classée ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Cher Sénateur de l'Isère, territoire qui nous est cher, le tourisme est indéniablement essentiel à notre pays : 85 millions de visiteurs pour des recettes de 47 milliards d'euros.

La France compte 170 stations classées et 800 communes touristiques - les communes nouvelles ne peuvent pas bénéficier automatiquement du classement. Ce serait juridiquement fragile. Elles doivent donc en faire à nouveau la demande. Cependant, pour ménager une transition, le classement peut leur être maintenu provisoirement. Une circulaire sur ce point à destination des préfets est en cours d'élaboration.

Pour les stations, le classement vaut pour douze ans, même en cas de fusion de communes. De la même façon, nous leur laisserons le temps de se mettre en conformité avec les normes.

Tout est fait pour conforter l'essor des nouvelles communes.

M. Michel Savin.  - Le maintien à titre provisoire du classement est une excellente mesure. Merci.

Pacte financier des communes nouvelles

M. Hervé Maurey .  - Créée par la loi du 16 décembre 2010 et adaptée par la loi du 16 mars 2015, la « commune nouvelle », forme rénovée de regroupement de communes, correspond à une collectivité territoriale de plein exercice.

Cet outil a connu, au cours de ses quatre premières années d'existence, un succès très limité. Au 1er janvier 2015, seulement 25 communes nouvelles ont été créées, rassemblant 71 communes soit 62 712 habitants.

Des incitations financières ont été mises en place pour les communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2016. Elles consistent essentiellement dans une stabilisation de la dotation globale de fonctionnement pendant trois ans pour les communes nouvelles regroupant au plus 10 000 habitants, ainsi qu'en une bonification de 5 %, pour la même période, pour les communes nouvelles dont la population regroupée est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants.

Or, dans de nombreux territoires, les élus viennent seulement d'engager les travaux de réflexion et de concertation nécessaire à la création d'une commune nouvelle.

La création d'une commune nouvelle est, de toute évidence, un projet structurant pour un territoire.

Afin de laisser aux élus le temps de s'approprier cet outil et de lever certains obstacles -  interprétation des textes relatifs aux effectifs des conseils, sur laquelle j'ai écrit au Gouvernement, sans recevoir de réponse, concomitance de la révision des schémas interdépartementaux de coopération intercommunale, révision obligatoire des documents d'urbanisme -, ne faut-il pas proroger le bénéfice du pacte financier aux communes nouvelles ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le régime de la commune nouvelle dû à M. Pélissard mais aussi à Mme Pirès-Beaune, fait l'objet d'un grand intérêt dans nos territoires, je le constate chaque semaine lors de mes déplacements dans les départements ruraux, Cantal, Lozère, Cher, Tarn.... L'aspect financier peut être important, mais l'essentiel est le projet de développement du territoire.

Vous l'avez dit, les communes bénéficient d'une stabilisation, voire d'une bonification de leurs dotations. Cette garantie est financée dans le cadre de l'enveloppe normée de la DGF ; il faut donc prendre en compte son incidence sur les autres communes, dans le contexte de la baisse des dotations.

Le Gouvernement souhaite laisser du temps aux collectivités territoriales pour se prononcer. Plusieurs solutions sont envisageables, par exemple le maintien en 2016 de la garantie des dotations sans bonus ou de tout le dispositif pourvu que les communes aient délibéré avant le 31 décembre 2015. J'ai évoqué le sujet avec le Premier ministre. Le débat est ouvert et trouvera certainement des développements lors de l'examen du projet de loi de finances.

M. Hervé Maurey.  - Bien que vous n'ayez pas cité de département normand, vous m'avez fait une réponse de Normand... Optimiste, je conclus de votre réponse que la porte n'est pas fermée. Il ne faut certes pas se marier pour la dot, mais c'est tant mieux s'il y en a une... Le couperet ne doit pas tomber le 1er janvier 2016 alors que de nombreux projets sont bien avancés. Je déposerai en loi de finances un amendement qui reprendra le dispositif de ma proposition de loi du printemps.

Contrôle au faciès

Mme Laurence Cohen .  - De jeunes citoyens et citoyennes, des associations dénoncent les contrôles d'identité au faciès. Dans le département du Val de Marne, nous avons tenu une conférence de presse vendredi dernier à l'initiative de la Jeunesse communiste qui a lancé, début juin, une pétition dont je suis signataire avec Christian Favier, sénateur et président du conseil départemental. Le 24 juin 2015, l'État a été condamné, pour la première fois en France, par la Cour d'appel de Paris.

D'après une étude menée en 2009, les contrôles seraient six à huit fois plus nombreux selon la couleur de la peau, l'âge ou la tenue vestimentaire. Ces chiffres témoignent de dérives qui entraînent un sentiment de discrimination, voire d'humiliation pour ceux qui sont contrôlés plusieurs fois par jour sans justification. Ces pratiques contribuent à tendre les rapports entre les forces de l'ordre et les citoyens et fissurent le sentiment d'appartenance à la République.

Le président de la République souhaitait mettre fin à ces abus, avec la création d'un récépissé. Quand sera-t-il mis en oeuvre ? Le Gouvernement entend-il aussi modifier l'article 78-2 du code de procédure pénale ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Je précise à M. Maurey que je me suis rendu dans l'Orne et le Calvados...

M. le président.  - Vous êtes le bienvenu à Marseille !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Les contrôles d'identité sont régis par l'article 78-2 du code de procédure pénale ; les contrôles discriminatoires sont exclus. Les forces de l'ordre sont tenues de respecter de strictes règles déontologiques.

La décision de la Cour d'appel du 24 juin impose une meilleure traçabilité des contrôles d'identité. La délivrance d'un récépissé entraînerait la mise en place d'un système très lourd, et est peu développé à l'étranger. D'autres choix ont été faits. Un nouveau code de déontologie a été publié début 2014 et un numéro d'identification figure sur l'uniforme des policiers, dont la formation a été revue. Les citoyens peuvent aussi saisir directement l'inspection des services. Enfin, une expérimentation de caméras piétons est en cours.

L'ordre républicain doit prévaloir partout dans le strict respect des libertés publiques et de la déontologie.

Mme Laurence Cohen.  - Tout va bien alors ? Cette réponse n'est pas convaincante. Mes propos ne mettent pas en cause les forces de l'ordre. Il n'est pas normal qu'un jeune soit contrôlé plusieurs fois par jour uniquement à cause de la couleur de sa peau ou de sa tenue vestimentaire.

Réfléchir aux meilleures solutions est d'autant plus nécessaire que le climat est devenu délétère, comme en témoignent les propos récents de Mme Morano. Les mesures annoncées ne régleront rien. Vous avez balayé le récépissé d'un revers de main. Nous continuerons à nous battre.

Sécurité en milieu rural

M. Joël Guerriau .  - En Loire-Atlantique, la gendarmerie de Châteaubriant exerce, avec 135 gendarmes, une activité soutenue sur un vaste territoire au centre de grands axes Rennes, Nantes et Angers.

En mai 2015, contre toute attente, a été annoncée la fermeture de la gendarmerie de Saint-Julien-de-Vouvantes dans le Castelbriantais. Pour ce village de près de 1 000 habitants, la présence des gendarmes et de leurs familles est importante pour la vie municipale et la sécurisation du territoire. La commune a déjà subi la fermeture de la perception ; la désertification est une réalité.

Le bâtiment, financé par la commune, abritait six familles de gendarmes à l'origine ; il est affecté actuellement au logement de trois à quatre auxiliaires. Il devra être rénové et mis aux normes pour éviter un squat. Le regroupement des effectifs à Châteaubriant rend les habitations et les locaux agricoles ou industriels plus vulnérables aux vols et dégradations. Les Français ont le sentiment d'être abandonnés par la République.

Le Gouvernement entend-il revenir sur cette décision, pour garantir l'ordre public sur tout le territoire ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - La gendarmerie s'adapte continûment à ses missions et prend en compte l'évolution des bassins de vie. La mutualisation des charges administratives, avec la création de brigades plus conséquentes, renforce les capacités opérationnelles. Le Gouvernement est attaché au dialogue avec les élus pour construire un dispositif adapté à chaque territoire.

Une étude de ce type est engagée à Saint-Julien-de-Vouvantes. L'État s'engage via le réseau des maisons de service au public et les bureaux de Poste, dans lesquels des permanences de la Gendarmerie pourront être organisées. La gendarmerie propose en outre de nouveaux services numériques, avec notamment la pré-plainte en ligne.

Proximité et adaptation ont présidé à l'élaboration des plans nationaux de lutte contre les cambriolages ou contre les vols dans les exploitations agricoles. Les cambriolages en zone gendarmerie ont diminué de 4,8 % en 2014, encore de 6,5 % sur les sept premiers mois de 2015. Sur l'arrondissement de Châteaubriant, les chiffres sont respectivement de 22,5 % et de 20,4 %. En outre, dans le cadre du plan national, la quasi-totalité des départements a décliné des plans d'actions ciblant les vols dans les exploitations agricoles ; 43 conventions proposant un dispositif d'alerte des agriculteurs par sms ont été signées entre les groupements de gendarmerie et les chambres d'agriculture - c'est le cas en Loire-Atlantique depuis le 09 décembre 2014.

La question de l'égalité devant le service public et notamment celui de la sécurité est fondamentale. Elle guide l'engagement des femmes et des hommes du ministère de l'intérieur, dévoués à cette mission délicate du service de tous nos concitoyens, en tout temps et en tout lieu.

M. Joël Guerriau.  - Je n'ai pas les mêmes chiffres : on a recensé 11 000 vols simples dans les exploitations agricoles en 2014, et le nombre des effractions signalées par les agriculteurs a augmenté de 3 % l'an dernier. C'est sans compter le vol de tracteurs, qui relève d'autres statistiques... Je me félicite qu'une étude soit engagée pour la création d'une maison de service public à Saint-Julien. Il faut éviter que toute présence de le République disparaisse des communes rurales.

Urbanisation autour des sites nucléaires

Mme Delphine Bataille .  - Depuis la loi de 2006, les élus sont contraints, dans les secteurs autour des installations nucléaires, de consulter l'ASN pour chaque permis de construire. Une procédure de porter à connaissance est prévue auprès des communes voisines de la plupart des sites nucléaires, en application de la circulaire du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base (INB) susceptibles de présenter des dangers à l'extérieur du site.

Cependant, la prise en compte de cette procédure est difficile, en l'absence d'une doctrine nationale claire relative à la maîtrise des activités autour des installations nucléaires. La circulaire du 17 février 2010 prévoyait pourtant l'élaboration d'une telle doctrine, en lien avec l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Les élus manquent de visibilité. Un projet de guide a été élaboré, qui semble ne pas avoir abouti. Il faut éviter que le respect du principe de précaution bloque tout développement maîtrisé du territoire. Quelles solutions le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - L'objectif de cette réglementation est de limiter les conséquences pour les riverains et les biens en cas d'accident.

Un plan particulier d'intervention en cas d'accident a été établi, et l'urbanisation est encadrée dans un périmètre de deux kilomètres autour des installations nucléaires. La circulaire de 2010 demande aux préfets la plus grande vigilance sur le développement de l'urbanisation.

Un groupe de travail a été installé pour élaborer un guide, sur la base des principes suivants : préserver l'opérabilité des plans de secours ; privilégier un développement territorial au-delà de la zone d'aléa à cinétique rapide ; permettre un développement maîtrisé et répondant aux besoins de la population. Ce guide a fait l'objet d'une large consultation publique à la fin de l'année 2011. Des travaux complémentaires ont porté sur les modalités d'institution de servitudes d'utilité publique dans les documents d'urbanisme afin de mieux maîtriser les activités - des évolutions législatives sont possibles. Ce guide devrait être officialisé au début de l'année 2016.

Mme Delphine Bataille.  - Merci de ces éclaircissements. À Gravelines, un projet d'urbanisme de 350 logements en périphérie de la zone des deux kilomètres a dû être abandonné.

Les élus demandent un cadre clair et lisible. Le principe de précaution ne doit pas servir d'argument à l'inertie. Je me réjouis de la publication prochaine de ce guide.

Gestion des déchets diffus spécifiques des ménages

Mme Catherine Deroche .  - Un différend oppose les collectivités locales à Eco-DDS, éco-organisme opérationnel dédié aux déchets diffus spécifiques (DDS) des ménages. Eco-DDS considère que, dans les DDS qui lui sont confiés, il y aurait trop de déchets qui ne correspondent pas à son périmètre. Ces non-conformités sont liées aux difficultés rencontrées, sur le terrain, par les collectivités locales pour la séparation des flux entrant dans le périmètre de la filière et les flux hors filière et l'application de l'arrêté « produits » du 16 août 2012. Les agents de déchèteries doivent décrypter les étiquettes de chaque produit, pour savoir à laquelle des neuf familles il appartient et doivent ensuite déterminer si ce produit est accepté par l'éco-organisme en fonction de sa contenance. Ainsi, un pot de peinture supérieur à quinze litres n'entre pas dans la filière mais le seuil est à 2,5 litres pour un pot de peinture antisalissure...

Cette situation a tendu les relations entre les collectivités locales et l'éco-organisme, dont les responsabilités respectives ne sont d'ailleurs pas claires.

Le conflit d'intérêt entre la mission de service public de l'éco-organisme et son statut privé est permanent. Plus de onze pénalités ont été infligées à un syndicat de tri des ordures ménagères du département du Maine-et-Loire depuis le début de l'année 2015, avec des frais administratifs forfaitaires d'un montant de 80 euros appliqués à chaque pénalité et avec des variations de prix d'une collectivité à une autre sans justification explicite. De plus, les arrêts de collecte sont illégaux au regard des conventions de droit public liant l'éco-organisme aux collectivités locales.

Qu'entend faire le Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Eco-DDS doit respecter un cahier des charges élaboré par l'État en concertation avec les collectivités territoriales. Selon l'éco-organisme, 30 % des déchets n'entrent pas dans le champ réglementaire de la filière et sont indûment pris en charge.

Eco-DDS a formé 5 000 gardiens de déchèterie. Ces sessions de formation sont efficaces et vont perdurer. Aujourd'hui, le tri est bien effectué dans 97,5 % des collectivités. L'éco-organisme a mis en place une procédure d'information lorsque les non-conformités sont trop importantes ; si nécessaire, il demande des correctifs - ce qui est généralement prévu explicitement dans les conventions.

Mme la ministre de l'environnement souhaite que soient assurées les conditions d'un dialogue apaisé. Il convient en outre de réfléchir à des évolutions plus structurelles. Eco-DDS expérimente actuellement sur une collectivité un système dans lequel la collectivité reste en charge du tri et de la valorisation de certains déchets, avec un financement par l'éco-organisme, ce qui éviterait le tri en déchèterie.

Les services du ministère de l'écologie travaillent également à des évolutions du champ réglementaire de la filière et ont récemment notifié à la Commission européenne un décret permettant l'apposition d'un pictogramme sur les produits concernés par la filière.

Mme Catherine Deroche.  - Tout ce qui va dans le sens d'une simplification et d'une clarification est bienvenu.

Obligations de construction de logements sociaux

M. Jean-Claude Carle .  - De nombreuses communes ont des difficultés pour appliquer les dispositions de la loi SRU du 13 décembre 2000 et de la loi du 18 janvier 2013. Parmi elles, certaines ont fait des efforts importants, reconnus par l'État, par exemple en Haute-Savoie.

Mais les règles relatives à la consommation des espaces agricoles restreignent les possibilités de construction. Et dans les communes dont l'habitat est dispersé, le respect du taux de 25 % aboutira à une concentration sur un espace très réduit de l'ensemble des logements sociaux, contraire aux objectifs de la loi SRU. En outre, la base de calcul incluant l'ensemble des résidences d'une commune, chaque nouvelle construction renforce l'obligation légale... Le taux réel tend ainsi vers une proportion de logements sociaux proche de 30 %. Dans les zones de montagne ou à forte activité touristique, les collectivités se trouvent face à l'indisponibilité et au prix extrêmement élevé du foncier.

Enfin, les communes, si elles veulent réellement encourager la production de logements sociaux, sont amenées à garantir les emprunts des bailleurs, ce qui peut parfois accroître leur endettement au-delà de leur budget annuel ; dans ces conditions, il est impossible d'atteindre l'objectif de 25 % - et les pénalités sont appliquées.

Les élus demandent que les résidences sociales soient exclues de la base de calcul de l'obligation légale ; que l'effort de cautionnement des communes soit pris en compte dans l'effort financier en faveur du logement social ; que la déductibilité des dépenses engagées en faveur du logement social dans le calcul du prélèvement annuel soit prolongée d'un an ; voir qu'on exempte de pénalités les communes faisant preuve d'une réelle bonne volonté. Le Gouvernement entend-il accéder à ces demandes ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - En Haute Savoie, la demande de logement social a augmenté de 5 % en 2014, à 18 000 demandes. C'est pourquoi ce département est classé en zone A. Des outils existent : programmes locaux de l'habitat, définition de secteurs de mixité sociale, outils d'aménagement coopérationnels, recours au droit de préemption qui peut être délégué au niveau intercommunal avec le soutien de l'établissement public foncier. Les objectifs de rattrapage peuvent aussi être atteints par la requalification du parc privé. Le dispositif est équilibré.

Au niveau national, les dépenses déduites du prélèvement SRU sont deux fois plus élevé que celui-ci... Les conditions de report de ces dépenses sont en outre largement favorables. Les communes engagées dans une démarche d'offre sociale bénéficient d'une déduction de prélèvement. Si la caution des emprunts n'est pas prise en compte dans le calcul, les communes bénéficieront de places réservées dans le programme.

Enfin, dès lors que les résidences sociales sont une offre de logement pérenne répondant à des besoins propres de la commune, je ne vois aucune raison de ne pas les prendre en compte en tant que résidences principales.

M. Jean-Claude Carle.  - Merci pour ces précisions. Il faut aider ces communes à passer un cap difficile. Je souhaite que le problème soit traité dans un prochain texte législatif. Certaines communes sont découragées, il serait dommage qu'elles soient conduites à préférer payer les pénalités plutôt que construire.

Aménagement du parc Georges Valbon

Mme Evelyne Yonnet .  - Depuis le comité interministériel du 14 avril 2015, le projet d'aménagement du parc Georges Valbon de la Courneuve, dans le cadre du Grand Paris, est fortement contesté ; une pétition a déjà recueilli 5 186 signatures, et des manifestations citoyennes sont organisées régulièrement par des habitants de la Seine-Saint-Denis. Le président du conseil départemental a organisé la consultation de plusieurs milliers d'habitants.

Ce projet aurait aussi un impact environnemental puisque la plus grande partie du parc, véritable « poumon vert » de la région, est classée Natura 2000. Alors que Paris est candidate aux jeux olympiques de 2024 et à la veille de la COP 21, comment négliger cet enjeu ?

À quelques jours du prochain comité interministériel sur le Grand Paris, l'inquiétude monte. L'aménagement sera-t-il limité aux abords du parc ? Quid d'une opération d'intérêt national ? Une concertation aura-t-elle lieu avec les élus et les populations concernées ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - Les comités interministériels d'octobre 2014 et d'avril 2015 ont précisé l'ambition et les orientations du Grand Paris. Cette ambition a guidé la mise en oeuvre du plan de mobilisation pour l'aménagement et le logement en Ile-de France.

Une concertation a été engagée au printemps 2015. La réflexion sur ce parc de 300 hectares s'inscrit dans ce cadre. Poumon vert de la région, cet espace sera préservé. Des projets d'aménagement sont développés à ses marges. Il s'agit d'améliorer aussi son accessibilité. Le projet d'aménagement des franges sera exigeant sur le plan environnemental et associera les habitants. La concertation nécessaire à la construction d'un projet commun va se poursuivre, notamment sur l'outil opérationnel de réalisation et son mode de gouvernance locale. Les modalités n'en sont pas arrêtées à ce jour.

Le Gouvernement souhaite un accompagnement renforcé de l'État et prône une démarche contractuelle pour un site qui présente un intérêt national. Des propositions en ce sens seront faites lors du comité interministériel du 15 octobre.

Mme Evelyne Yonnet.  - Merci pour cette réponse qui apaisera les craintes des habitants. Une très large concertation est nécessaire.

Port de gilets jaunes de haute visibilité par les élèves usagers de transports scolaires

Mme Nicole Bonnefoy .  - Le décret du 7 mai 2015 étend aux conducteurs de véhicules motorisés à deux ou trois roues l'obligation de détenir un gilet de haute visibilité, à compter du 1er janvier 2016. Il conviendrait de compléter le dispositif réglementaire pour l'étendre aux élèves empruntant les transports scolaires.

Sans aucun équipement rétro-réfléchissant, un enfant n'est, en moyenne, visible par un automobiliste qu'à partir de trente mètres, alors qu'il l'est en moyenne à plus de cent cinquante mètres lorsqu'il en est équipé. Or il faut, au minimum, vingt-cinq mètres à un véhicule roulant à cinquante kilomètres à l'heure pour s'arrêter, et près de quarante mètres sur une route humide.

Plusieurs départements ont déjà pris des initiatives en ce sens. Cette mesure serait un signal fort adressé à la jeunesse et s'inscrirait en pleine cohérence avec le plan d'action volontariste présenté par le Gouvernement, en janvier 2015, en vue de combattre l'accidentalité routière sous toutes ses formes.

Le Gouvernement entend il généraliser un tel dispositif ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - Merci de cette question grave, qui nous concerne tous. En 2014, 112 enfants de moins de 14 ans sont morts sur les routes, dont 20 à pied - 5 sur le trajet domicile-école.

Le transport scolaire reste le moyen de circulation le plus sûr pour se rendre à l'école. Lors des sorties pédestres, de nombreuses écoles imposent le port d'un gilet, ces initiatives doivent être encouragées. Nous privilégions la sensibilisation. Le plan du 26 janvier sur la sécurité routière en fait une priorité.

Nous avons instauré une demi-journée de sensibilisation au lycée. De même l'examen de sécurité routière au collège a été revu dans le même sens.

Chaque décès est un drame pour les familles. Poursuivons nos efforts pour éduquer les enfants aux bons comportements.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Tout en ayant noté les encouragements du Gouvernement, je regrette l'absence d'obligations nationales ; on s'en remet à l'initiative des collectivités ou des enseignants...

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Droit des étrangers en France (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

Explications de vote

M. Michel Mercier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Le débat relatif à cette énième loi relative aux étrangers a pris fin. Je me suis d'ailleurs interrogé, dès la discussion générale, sur l'opportunité d'un nouveau texte ; les débats n'ont apporté aucune réponse.

L'Insee, ce matin même, a souligné que les flux migratoires réguliers restaient stables dans notre pays. Le solde est même en diminution entre 2006 et 2013. Le problème, nous le savons, c'est l'immigration irrégulière et il a fallu que la majorité sénatoriale change le titre de ce projet de loi pour lui donner enfin son objet véritable.

Nos concitoyens ne ressentent pas cette baisse de l'immigration régulière...

Mme Éliane Assassi.  - A qui la faute ?

M. Michel Mercier.  - C'est que d'autres phénomènes sont à l'oeuvre, qui expliquent que nous en soyons à la 23e loi sur les étrangers depuis trente ans.

L'attitude la plus logique, pour la majorité sénatoriale, était de renforcer le droit là où c'était nécessaire ; c'est, ma foi, ce à quoi s'emploie le texte issu de nos travaux, en conservant autant que possible le pouvoir d'appréciation de l'administration sur la délivrance des titres.

Nous avons accepté des mesures nouvelles : le titre pluriannuel pour les migrants détenteurs d'un contrat de travail ou étudiant en master. Nous avons discuté longuement de la place du Parlement dans les débats relatifs aux flux migratoires ; il doit avoir son mot à dire, pensons-nous, au regard de la situation économique du pays.

Ce n'est sans doute pas la dernière loi sur ce sujet. Pour faire quelque chose de bien, il faudrait éviter que chaque majorité nouvelle fasse une nouvelle loi sans chercher un large accord au Parlement. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Ce projet de loi récrit par la droite sénatoriale, réduit considérablement les droits des étrangers - c'était déjà le cas du texte du Gouvernement. Or ceux-ci ont besoin de droits pour s'intégrer, et non l'inverse. Les pourfendeurs de la loi Besson l'ont en fait parachevée. Si la droite sénatoriale court après l'extrême droite... (Vives protestations à droite)

M. Alain Fouché.  - Comment osez-vous ?

Mme Éliane Assassi.  - ...la gauche gouvernementale n'est pas en reste. Funeste prévision que celle de ceux qui, en réalité, jouent sur le terrain du FN en brandissant la menace de sa victoire ; les gens préfèrent toujours l'original à la copie.

Sur la base d'un texte déjà bien peu humaniste, la droite a eu tout loisir de durcir notre droit. Elle a voulu que le titre pluriannuel de séjour soit l'exception ; que les étrangers signataires d'un contrat d'intégration participent au financement de leurs formations ; que la délivrance des visas de long séjour soit subordonnée à une connaissance suffisante du français, à l'adhésion aux valeurs essentielles de la société française et à la capacité à exercer une activité professionnelle.

Elle a transformé l'aide médicale d'État en aide médicale d'urgence, renforcé les contrôles administratifs et rendu les recours impossibles en pratique. Bref, vous le voyez : ce texte est réduit à un catalogue de mesures hostiles aux étrangers. Il n'a plus rien à voir avec le texte initial...

M. Philippe Bas.  - président de la commission des lois c'est vrai.

Mme Éliane Assassi.  - ... qui était déjà critiquable. Renforcer le rôle du Parlement d'accord, mais les termes utilisés sont bien flous. Anicet Le Pors l'a souligné récemment : distinguer les différentes catégories de migrants est absurde. Le sociologue Christian de Montlibert dénonce pour sa part, toute tentative de trier les bons et les mauvais pauvres, ce qui empêche de s'interroger sur les causes économiques des migrations - parmi lesquelles il faut compter le fait de fuir l'esclavage qui subsiste dans des pays comme la Mauritanie. Toute migration dépend de l'ordre économique mondial ; Kant déjà stigmatisait la conduite des États commerciaux.

Nous voterons contre ce texte, comme nous aurions rejeté celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Philippe Bas.  - À juste titre !

M. Philippe Kaltenbach .  - Les sénateurs socialistes espéraient un débat dépassionné et constructif sur ce projet de loi pragmatique destiné à améliorer l'attractivité de la France, la vie des étrangers et les reconduites à la frontière des clandestins. Las, la droite l'a détricoté. « François Hollande ouvre en grand les vannes de l'immigration », dénonçait M. Retailleau dès la discussion générale...

Mme Pascale Gruny.  - C'est vrai !

M. Philippe Kaltenbach.  - ... reprenant une douteuse métaphore hydraulique de M. Sarkozy.

À la veille d'une échéance électorale, la droite a entendu revenir à la loi Besson, voire la durcir en instaurant ces quotas que Brice Hortefeux lui-même jugeait irréalisables, en limitant l'accès à l'AME en dépit des enjeux de santé publique... La droite a aussi multiplié les tracasseries administratives destinées à mener la vie la plus difficile possible aux étrangers. Toutes mesures inefficaces et irréalistes.

Les socialistes ne sont pas parvenus à lui faire entendre raison, ni sur les parents d'enfants malades, ni sur la procédure concernant les conjoints de Français habitant à l'étranger ou les mariages forcés.

Vous avez choisi de faire de ce texte un tract politique, nous ne vous suivrons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations au centre et à droite)

Nous ne le voterons pas, et regrettons l'absence d'un vrai débat de fond. Vous avez même changé le titre du texte !

Un Français sur quatre a un ascendant né à l'étranger, souvenez-vous en !

Mme Catherine Troendlé.  - Et alors ? Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Kaltenbach.  - Necker, Marat, Chopin, Gambetta, Zola, Marie Curie, Picasso, Le Corbusier, Chagall, Apollinaire, Uderzo, Cardin : tous étaient immigrés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Guy-Dominique Kennel, rapporteur pour avis de la commission de la culture.  - Et Manuel Valls ! (Sourires)

M. Philippe Kaltenbach.  - J'ai garde de n'oublier... (On mentionne, à gauche, le nom de Nicolas Sarkozy ; exclamations à droite)

Nous avons besoin d'immigration, dans un monde de plus en plus globalisé.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Philippe Kaltenbach.  - Nous voterons contre ce texte politicien. (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa .  - Le groupe écologiste regrette que la droite sénatoriale, victime de la fébrilité qui précède les élections, ait choisi de faire le jeu du FN en durcissant notre droit. (Protestations au centre et à droite)

Le projet de loi du Gouvernement n'était pourtant pas laxiste. Encore une occasion manquée de désengorger nos préfectures et d'ouvrir notre pays aux talents étrangers.

Nous avons toujours bénéficié de l'immigration : Marie Curie, Charpak, Modiano. Ne fermons pas la porte au nez de ceux qui se cherchent un meilleur avenir.

Lorsqu'on parle d'immigration, il faut viser juste, et le cynisme des urnes n'est en la matière jamais de bon conseil. Voyez comment des centaines de nos jeunes partent au loin, qui en Californie pour réaliser son rêve de start-up, qui au Brésil pour ouvrir une boulangerie française, qui en Australie en quête d'aventure économique. Ne contribueront-ils pas à dynamiser les pays où ils se cherchent un meilleur avenir ? Si on les recevait là-bas comme nous nous accueillons les étrangers ici, ils ne seraient sûrement pas partis...

Au reste, l'attractivité de la France décline, en raison du sort réservé aux étrangers sur notre sol. Pourquoi le centre droit s'est-il rallié à la droite dure ? Par suivisme ? Peut-être. Nous connaissons bien les vieux démons qui attisent la peur et le rejet de l'étranger...

Mme Christiane Hummel.  - Insupportable !

Mme Esther Benbassa.  - Ne faisons pas la part trop belle, toutefois, à la névrose. Les effets dévastateurs de la crise sont aussi en cause.

Vous ravivez les espoirs déçus de Sarkozy...

M. Philippe Dallier.  - Il vous manque !

Mme Esther Benbassa.  - Nombre de ses propositions, comme des quotas, ont pourtant été jugées irréalisables par M. Mazeaud -  un dangereux gauchiste sans doute !

Sur les prestations familiales médicales, l'accès au logement, vous agitez la menace de l'étranger frondeur et voleur, mais vous ne ferez jamais aussi bien que le FN. (Vives protestations à droite)

MM. David Rachline et Stéphane Ravier.  - Très bien !

Mme Natacha Bouchart.  - C'est insoutenable !

Mme Esther Benbassa.  - Le groupe écologiste garde espoir que l'Assemblée nationale saura revenir à un texte raisonnable.

M. Alain Fouché.  - Elle est à la botte du Gouvernement !

M. Hubert Falco.  - C'est vous qui n'êtes pas raisonnable.

Mme Esther Benbassa.  - Vos réactions prouvent que vous n'êtes pas à l'aise ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Jean Louis Masson .  - Il est manifestement difficile de s'exprimer autrement que les soi-disant bien-pensants. Je suis hostile à l'immigration, pour des raisons conjoncturelles et structurelles (Exclamations à gauche)

Conjoncturelles d'abord. Compte tenu du niveau de chômage, pourquoi charger la barque ? Une femme d'agriculteur touche aujourd'hui moins qu'un immigré (MM. David Rachline, Stéphane Ravier et Mme Christiane Kammerman applaudissent ; on exprime son indignation à gauche)

Mme Natacha Bouchart.  - Provocateur !

M. Jean Louis Masson.  - Les immigrés des précédentes vagues d'immigration -  Italiens, Portugais, Polonais  - ne posaient pas de problème ! Il faut le dire ! (On proteste bruyamment et l'on crie au scandale à gauche) De même pour ceux qui venaient du sud-est asiatique, et dont les enfants finissaient souvent premier de la classe. Avec les immigrés d'aujourd'hui, c'est moins le cas (Vives protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Assez !

M. Jean Louis Masson.  - Avant, les immigrés s'intégraient. Aujourd'hui, ils demandent des horaires de piscines séparés pour les hommes et pour les femmes, des menus spéciaux dans les cantines (Les protestations de la gauche couvrent la voix de l'orateur)

Marie Curie, Necker, étaient des gens remarquables, des immigrés, c'est vrai. Mais j'aurais aimé vous entendre continuer la liste : Mohammed Merah, (Huées à gauche ; Mme Natacha Bouchart proteste aussi) L'immigration d'aujourd'hui, c'est le terrorisme de demain ! (Même mouvement)

Mme Bariza Khiari.  - Honteux !

Mme Éliane Assassi.  - Scandaleux !

M. Jacques Mézard .  - Les étrangers et leur inquiétante étrangeté suscitent encore des passions... Comme si la France était incapable de définir le droit des étrangers vivant sur notre sol en restant fidèle à ses traditions et en recherchant le consensus.

Le texte qui ressort de nos débats est marqué, je le regrette, par un renforcement de la suspicion à l'égard des étrangers, les visées électoralistes n'en sont sans doute pas absentes.

L'immigration irrégulière déstabilise notre société, car elle pousse aux amalgames avec l'immigration régulière, qui est une force pour notre pays.

Notre position est résolument républicaine : d'abord syncrétisme républicain irréductible au communautarisme - nous y reviendrons à propos de la charte des langues minoritaires - devoir d'intégration et respect des différences ensuite, qui passe par un contrat d'intégration et la maîtrise du français ; enfin, respect de la personne humaine. La maîtrise de la langue française est importante, mais encore faut-il instaurer une possibilité réelle, et non virtuelle, d'y parvenir.

Le texte multiplie les tracasseries administratives, c'est autant de temps que l'on ne consacre pas à l'apprentissage du français. La majorité sénatoriale a systématiquement supprimé les cas de délivrance de plein droit de titres de séjour, y compris pour les parents de mineurs étrangers malades. La République doute-t-elle à ce point d'elle-même ?

Suppression de la nouvelle voie d'acquisition de la nationalité pour les fratries, emprisonnement pour un délit de fuite d'une zone d'accueil ou d'un centre de rétention sont également des renoncements à notre tradition d'accueil.

Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je remercie M. Mézard pour la sérénité de son propos.

Quel est l'état de la société française aujourd'hui ? Peut-elle intégrer correctement ses étrangers ? On peut rêver d'une France plus riche, du plein emploi, d'une France apaisée dans laquelle des milliers de logements attendraient d'être occupés. Mais ce n'est pas la réalité. L'immigration interpelle nos concitoyens. La République, j'y suis aussi attaché que vous, monsieur  Mézard.

Le flux des talents étrangers ne s'est pas interrompu au début du XXe siècle, monsieur Kaltenbach, et c'est tant mieux.

Le débat a été raisonnablement serein, ne caricaturons pas les choses. Qu'avons-nous voulu dire ? Que pour mettre un terme aux instrumentalisations, aux caricatures, il fallait rationaliser notre système. Je regrette infiniment le manque de moyens sur l'apprentissage du français par exemple, pierre angulaire de l'accueil. (Applaudissements à droite) Si nous voulons tous une France meilleure, plus forte, plus généreuse, il faut donner les moyens aux étrangers de s'intégrer. On ne peut les laisser entrer puis leur dire : débrouillez-vous !

Il n'y a de notre part aucune suspicion, monsieur Mézard, simplement la volonté d'offrir à tous ceux qui le souhaitent les moyens décents de participer à la vie de la République.

Nous n'avons pas une vision fermée, mais pour reprendre un mot célèbre, la France ne peut accueillir toute la misère du monde. (Murmures à gauche) Pas de polémique !

Nous estimons que le Parlement est fondé à fixer un plafond d'étrangers accueillis sur notre territoire, en fonction de l'état de la société, plafond qui pourra d'ailleurs être relevé !

Mme Éliane Assassi.  - Vous rêvez !

M. Roger Karoutchi.  - C'est surtout l'immigration irrégulière qui pose problème pour nos concitoyens, et le rapporteur François-Noël Buffet a voulu faciliter leur raccompagnement à la frontière, tout en renforçant l'intégration de ceux que la Nation a choisi d'accueillir. Bref, c'est un texte profondément républicain que nous sommes appelés à voter. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Il va être procédé, dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi dont l'intitulé a été ainsi modifié : « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration ».

La séance est suspendue à 15 h 25.

La séance reprend à 15 h 50.

Scrutin public solennel

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°13 sur l'ensemble du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 176
Contre 155

Le Sénat a adopté le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Veuillez excuser M. Cazeneuve, retenu à l'Assemblée nationale. Merci à tous ceux qui se sont investis dans ce débat sur le droit des étrangers, sujet important qui, hélas, fait souvent l'objet de polémiques inutiles et affligeantes ! Nous venons d'en avoir la preuve.

Cependant, nous sommes parvenus à un consensus républicain, sinon sur les moyens à mettre en oeuvre, du moins sur les grands principes qui guident notre politique. D'abord, renforcer l'intégration de ceux qui nous rejoignent légalement. Ensuite, attirer ceux qui, par leurs compétences ou leurs talents, peuvent contribuer au rayonnement de la France. Enfin, mieux lutter contre l'immigration clandestine et la fraude dans le respect des lois de la République.

Il n'y avait donc pas lieu de se livrer à une opposition politicienne. Le Sénat, c'est dommage, a introduit dans le texte des mesures anticonstitutionnelles, à commencer par les quotas, qui ne seraient conformes à notre Constitution que s'ils portaient sur l'immigration professionnelle et les étudiants. Or la version du Sénat exclut uniquement le regroupement familial, pas toute l'immigration familiale.

Pour limiter les tracasseries administratives, le Gouvernement souhaite que le titre pluriannuel de séjour devienne la norme, assortie d'une lutte puissante contre la fraude. Quelque 5 millions de visites en préfecture pour 2,5 millions d'étrangers en France, c'est beaucoup trop.

Il sera difficile de parvenir à un accord en CMP. Néanmoins, le Gouvernement s'efforcera de tenir compte de la qualité des échanges qui se sont tenus au Sénat.

M. le président.  - Merci aux rapporteurs et au président de la commission des lois pour leur travail, et à tous les intervenants pour ce débat respectueux.

Rappels au règlement

M. Didier Guillaume .  - M. Masson a dépassé les bornes, et même les limites de la République. Il a opposé les immigrés polonais, italiens ou portugais d'hier à ceux d'aujourd'hui. Qu'on se souvienne des insultes dont ils faisaient pourtant l'objet : « Polacks ! Ritals ! Portos ! » Ce que M. Masson regrette, c'est qu'il s'agisse aujourd'hui, pour beaucoup, de personnes de confession musulmane.

Veuillez vérifier, monsieur le président, si M. Masson n'a pas passé les bornes admissibles, et en tirer les conséquences. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je le ferai, comme je l'ai déjà dit en privé à l'un de nos collègues. Toute décision relève ensuite du Bureau.

M. Pierre Laurent .  - Je m'associe à la demande du président Guillaume. Les propos de M. Masson sont extrêmement dangereux, tout particulièrement en cette période.

M. Stéphane Ravier.  - Censure !

M. Jean-Vincent Placé .  - Je m'associe aussi à vos rappels au règlement. Comment peut-on tenir de tels propos - je n'ose dire : du café de commerce, ce ne serait respectueux ni des cafés ni du commerce (Sourires) Comment qualifier de telles sornettes ? Les mots de racisme, xénophobie, stupidité, ignorance viennent immédiatement à l'esprit. Combien sommes-nous, ici, à descendre de celles et ceux qui ont immigré en France, en vagues successives, chacune apportant sa propre richesse, depuis des années, des décennies, des siècles ? Comment peut-on ainsi s'en prendre aux immigrés musulmans, comme hier aux Italiens et aux Polonais ? Comment peut-on proférer de telles bêtises sur la réussite des enfants d'immigrés asiatiques ? Sujet sur lequel j'aurai des choses à dire (Sourires). Tout cela, qui rejoint certains propos tenus hors de cet hémicycle par une députée européenne sur la prétendue « race blanche », est indigne de notre Haute Assemblée. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Philippe Bas .  - Merci, monsieur le président Larcher, d'avoir souligné la bonne tenue de nos débats. Le texte que le Sénat vient d'adopter, sur la suggestion de notre rapporteur, qui a, il est vrai imprimé au texte une perspective différente de celle du Gouvernement, reflète l'esprit d'équilibre de la majorité de notre Assemblée. Mais ne souscrivons ni de loin ni de près aux propos qui ont été dénoncés à juste titre. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent, à l'exception de MM. Rachline et Ravier)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Protection de l'enfant (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°1 rectifié bis rétablissant l'article 4 bis.

ARTICLE 4 BIS (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Cadic et les membres du groupe UDI-C.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de l'aide sociale à l'enfance répond dans les meilleurs délais aux demandes de coopération transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente, fondées sur les articles 55 et 56 du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 et les articles 31 à 37 de la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ensemble trois déclarations) signée à la Haye le 19 octobre 1996. »

Mme Élisabeth Doineau.  - M. Cadic souhaite rétablir cet article qui inscrit dans la loi les missions qui découlent, pour les services de l'aide sociale à l'enfance, des engagements internationaux souscrits par la France en matière de responsabilité parentale et de protection des enfants, en particulier les articles 55 et 56 du règlement européen.

Ces dispositions sont souvent méconnues des différents acteurs de la protection de l'enfance qui sont amenés à remplir ces missions de coopération.

À l'occasion de demandes de communication entre services sociaux, l'autorité judiciaire française compétente doit être consultée et, par là même, alertée sur toutes procédures engagées à l'étranger concernant un éventuel placement d'enfant français par une autorité étrangère.

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Quel est l'avis du Gouvernement ? Nous avons besoin d'informations sur l'application de ce règlement européen.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.  - L'amendement adopté en première lecture nous laissait perplexes. Depuis, il a été réécrit, à la suite de discussions entre son auteur et le Gouvernement. Avis favorable à cette précision nécessaire.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté et l'article 4 bis est ainsi rétabli.

ARTICLE 5 AA (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'article 5 AA, qui s'inspirait du rapport du Défenseur des droits après l'affaire Marina, sécurise la pratique de l'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante (IP).

Ce moment, qui est souvent celui du premier contact entre les parents et les services sociaux, est très anxiogène pour les professionnels. Ceux-ci réclament des références partagées et de la collégialité. L'affaire du petit Bastien a également révélé le manque d'une grille de référence.

Cet amendement rétablit également l'obligation de prendre en compte la situation des autres enfants vivant au domicile. Au cours de nos rencontres avec des personnes ayant par le passé été pris en charge par l'ASE, les mêmes difficultés sont apparues : on ne peut supposer, lorsqu'un enfant subit des sévices, que le reste de la fratrie est épargnée. Je comprends mal la suppression de l'article en commission.

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Roland Courteau.  - L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet, et donner lieu à l'évaluation de la situation des autres enfants présents au domicile.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 226-2-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la situation d'un mineur, à partir d'une information préoccupante, est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels spécifiquement formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. »

Mme Aline Archimbaud.  - Cet article est effectivement fondamental. Le repérage des situations préoccupantes est délicat, la pluralité des compétences est essentielle pour les évaluer dans toutes leurs dimensions, et pour qu'aucun enfant ne passe entre les mailles du filet.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission, même si je note que les drames récents révèlent la nécessité de renforcer le traitement des informations préoccupantes. Sans remettre en cause les prérogatives des présidents des conseils départementaux, il est nécessaire de réduire la disparité de composition et de fonctionnement des cellules de traitement des informations préoccupantes.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'amendement de Mme Archimbaud est très proche des précédents, qui précisent cependant que les professionnels sont identifiés. Retrait ?

L'amendement n°38 est retiré.

M. Gérard Roche.  - Une équipe pluridisciplinaire intervient déjà en cas de signalement, me semble-t-il. N'est-ce pas toujours le cas ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Pas dans tous les départements. Ce sont les professionnels eux-mêmes qui réclament l'extension de cette mesure.

Les amendements identiques nos34 et 44 sont adoptés et l'article 5 AA est ainsi rétabli.

ARTICLE 5 AB (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le I de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le président du conseil départemental doit être en mesure de saisir sans tarder l'autorité judiciaire en cas de danger grave. Aujourd'hui, il faut au surplus, soit qu'une mesure administrative ait échoué, soit que la famille ait refusé de collaborer, soit que l'évaluation soit impossible. Il arrive que les services sociaux s'épuisent à prouver l'absence de collaboration de la famille afin que le président du conseil départemental saisisse l'autorité judiciaire. Nous avons donc ajouté une quatrième hypothèse.

Nous avons aussi constaté que le procureur, tout en engageant des poursuites pénales, ne saisissait pas toujours le juge des enfants. D'où la précision que la finalité de la saisine est la mise en oeuvre des mesures de protection décidées par le juge des enfants.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le I de L'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;

2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et dans les situations de danger grave et immédiat, notamment les situations de maltraitance, dès lors que le développement physique, affectif, intellectuel, et social de l'enfant est gravement compromis ».

Mme Aline Archimbaud.  - Le critère de développement social mérite d'être ajouté à la maltraitance. Cet amendement précise en outre que l'avis au procureur de la République a pour objectif la saisine du juge des enfants.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable à ces amendements, que je voterai à titre personnel. L'article clarifie les finalités de la saisine du juge des enfants par le procureur.

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ces précisions sont inutiles. Si l'enfant est en danger, le juge compétent est naturellement le juge des enfants, qui doit être saisi par le procureur. La rédaction proposée est trop restrictive et laisse entendre que le procureur n'aurait plus la possibilité de prendre des mesures d'urgence. En outre, les situations de maltraitance ne sont pas les seules dangereuses.

Quant à la situation de danger « grave et immédiat », il est couvert par l'article L. 226-3 du code de l'action sociale.

Avis défavorable plus pour des raisons de précision rédactionnelle que de fond. Les magistrats auront tout loisir de se reporter à nos débats.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le développement physique, culturel, affectif, intellectuel et social de l'enfant relève des principes de la réforme, donc d'une autre partie du texte. Je préfère notre rédaction à celle de Mme Archimbaud : j'invite à retirer l'amendement n°39.

M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a raison, et moi aussi... La loi n'est pas appliquée uniformément - sans qu'il y ait de malveillance de la part de quiconque. Nous préférons que le juge des enfants soit saisi d'emblée, ce qui n'empêche pas le procureur de prendre des mesures d'urgence.

Mme Aline Archimbaud.  - Dans la mesure où il est question ailleurs du développement de l'enfant, je m'incline.

L'amendement n°39 est retiré.

L'amendement n°35 est adopté, et l'article 5 AB est rétabli.

ARTICLE 5 A

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Il est essentiel de maintenir les liens entre un enfant placé auprès de l'ASE et ses frères et soeurs mais aussi avec d'autres membres de sa famille, comme ses grands-parents.

L'article 5 A est adopté.

ARTICLE 5 B

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'accueil d'un enfant par un tiers de confiance mérite d'être développé. Ce qui ne veut pas dire que les liens affectifs avec la famille doivent être négligés.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2, troisième phrase

Remplacer la référence :

L. 223-1-2

par la référence :

L. 223-1-1

L'amendement de coordination n°53, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5 B, modifié, est adopté.

Les articles 5 C et 5 D sont successivement adoptés.

ARTICLE 5 EA

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary et Mandelli.

Supprimer cet article.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Pourquoi contraindre les départements à prendre en charge les enfants confiés à l'ASE, une fois majeurs, pour qu'ils poursuivent leurs études ? L'objectif est incontestable, mais qui finance ? Cette mission appartient à l'État. Les présidents et anciens présidents de conseils départementaux ici présents savent combien coûte la prise en charge, non seulement des mineurs étrangers isolés, mais aussi de jeunes majeurs. Du moins cette nouvelle charge doit-elle être compensée à l'euro près, conformément à l'article 72-2 de la Constitution. J'avais proposé un amendement en ce sens mais l'article 40 est passé par là...

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission est favorable à l'amendement, j'y suis personnellement très défavorable. Cet accompagnement est indispensable pour éviter les ruptures de parcours au cours d'une année scolaire, voire universitaire.

Si l'on laisse à eux-mêmes les enfants devenus majeurs, toute l'aide qu'on leur a précédemment dispensée est perdue... L'article L. 221-1 prévoit déjà l'accompagnement des jeunes majeurs.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Un constat : nous sommes tous choqués que des jeunes soient privés de soutien et d'accompagnement à la date de leur majorité. C'est une question a minima de cohérence au vu de l'investissement engagé.

Quant à la question du financement, il ne vous a pas échappé que l'article évoque un accompagnement et non une prise en charge - que nombre de départements, fort heureusement, fournissent déjà - en se servant de toute la palette des outils qui entrent dans le cadre de leur compétence générale d'action sociale : poursuite des mesures de protection, accompagnement vers le logement, vers l'emploi, vers fonds de solidarité logement, garantie jeune. Attention au message que nous envoyons.

Mme Catherine Génisson.  - Je comprends l'embarras de M. Cardoux quand il a présenté son amendement. Nous sommes tous animés de la même volonté républicaine d'aider les enfants protégés - ce serait une claque terrible, pour ces jeunes en difficulté et leurs camarades, de dire que tout s'arrête à la majorité. Quel désastre humain ! Les arguments financiers ne doivent pas prévaloir.

M. Éric Doligé.  - On nous accuse d'être sévères ou irréalistes... La problématique est celle de l'accompagnement, pas de la prise en charge ? Soit. Mais parlons de la prise en charge. Ni l'État, ni la CAF, ni l'éducation nationale, ni la région, compétente pour la formation, ne s'occupent de ces jeunes après 18 ans. On laisse pourrir, ceux qui sont sur le terrain le savent bien... On a le sentiment que l'État ignore que la majorité vient à 18 ans. D'accord pour que les départements évitent des ruptures de parcours mais je veux qu'on clarifie la prise en charge financière. Le Premier ministre, qui les a reçus la semaine dernière, sait combien elle est dramatique. Attention à ne pas charger la barque.

Mme Claire-Lise Campion.  - Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement. Déjà, 40 % des SDF de 18 à 25 ans sont issus de l'ASE. De nombreux départements leur viennent déjà en aide. Quel sens cela a-t-il de financer une formation qu'ils n'achèveront pas ? C'est une question de bonne gestion des deniers publics. Ne tombons pas dans une logique perdant-perdant : perdant pour le département et perdant pour le jeune.

M. Jean-Claude Luche.  - Je suis président d'un conseil départemental. Le sujet est d'actualité, à la veille du congrès de l'ADF. Il n'est pas question d'interrompre l'accompagnement, mais qui paie ? L'État est défaillant sur ce sujet comme il l'est sur les mineurs isolés étrangers. On en voit qui ne devraient pas dépendre de l'ASE mais auraient plus leur place en hôpital psychiatrique ou en établissement spécialisé.

Les départements n'ont plus les moyens, ni financiers, ni matériels, ni immobiliers. Si l'on refuse cet amendement, je crains que cela ne fasse jurisprudence, que l'on demande aux départements de prendre en charge les jeunes majeurs.

M. Daniel Chasseing.  - Des dérogations sont régulièrement accordées pour que les enfants terminent leur année scolaire. Il est évidemment très difficile de laisser un jeune seul parce qu'il a 18 ans alors qu'il vivait autrefois en foyer entouré d'éducateurs. À l'État de prendre le relais. Les départements sont dans une situation financière très difficile.

M. Jean-Louis Tourenne.  - J'ai l'impression qu'on découvre que les départements sont en difficulté. De quand cela date-t-il ? Les mesures prises depuis dix ans continuent de produire leurs effets. L'APA, en Ille-et-Vilaine, coûtait 43 millions au moment du transfert, nous en sommes à 90 millions - pour 21 millions de compensation.

M. Éric Doligé.  - Qui a créé le RMI ?

M. Jean-Louis Tourenne.  - Idem pour le RSA, la PCH, les personnels de la DDE et des collèges. Cela a été toujours vrai et voilà qu'on le dénonce. Peut-être parce que le Gouvernement est d'une autre majorité... (Mouvements divers à droite)

M. Éric Doligé.  - Lamentable !

M. Jean-Louis Tourenne.  - La quasi-totalité des départements continuent à accompagner les jeunes après leur majorité. Ce Gouvernement est le premier à avoir reconnu sa responsabilité sur les mineurs étrangers isolés. Mme Taubira l'a dit clairement : il y va du respect de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit également)

M. Éric Doligé.  - N'importe quoi...

M. Christian Favier.  - Le groupe CRC ne votera pas cet amendement. Nous ne voulons pas de rupture dans la prise en charge à la date de la majorité, potentiellement en cours d'année ! Ce ne serait pas acceptable.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Il ne s'agit pas de ça !

M. Christian Favier.  - En revanche, les départements agissent bien au-delà des 18 ans et cela leur coûte très cher, 3 000 à  3500 euros par mois et par jeune. Leur situation financière est grave, ce n'est pas nouveau, mais la politique actuelle, avec la baisse des dotations, (Mme Françoise Gatel applaudit) ou la non-compensation des allocations individuelles de solidarité, l'aggrave. Dans mon département, le budget de l'ASE a augmenté de 25 % en un an.

Des mesures d'urgence pour les départements les plus en difficulté ne suffisent pas. Tous souffrent.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Monsieur Tourenne, nous ne découvrons ni les difficultés des départements ni la question des mineurs isolés étrangers. Je suis sénateur depuis quatre ans, je ne cesse d'attirer l'attention sur ces deux questions. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit, personne ne songe à interrompre la formation d'un jeune parce qu'il a 18 ans ! N'essayez pas de nous culpabiliser !

J'ai tendu une perche à Mme la ministre en lui demandant que l'État prenne en charge ces jeunes...

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Je la saisirai !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Elle m'a répondu par des explications sémantiques qui ne me convainquent pas. Je perçois mal la nuance entre prise en charge et accompagnement. Je maintiens mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Éric Doligé applaudit également)

Mme Hermeline Malherbe.  - Neuf départements sur dix accompagnent déjà. Je veux bien qu'on aborde la question des majeurs à la veille du congrès de l'ADF mais le sujet de cette proposition de loi est la protection de l'enfant.

Les difficultés que vous connaissez depuis quatre ans, monsieur Cardoux, nous les vivons depuis plus de dix ans et ce Gouvernement est le premier à accepter de discuter du poids des allocations sociales pour les départements. Revenons au débat.

M. Daniel Gremillet.  - Je voterai cet amendement parce qu'il touche à un point dur, les compétences, et à leur financement.

Mme Laurence Cohen.  - Mes collègues ont la mémoire courte. Depuis 2004, ils votent des budgets à la baisse et demandent des moyens. Il est vrai que la politique du gouvernement actuel aggrave les choses...

Mais ici nous parlons de la protection de l'enfant. Relisez l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : il s'agit seulement de permettre aux mineurs qui deviennent majeurs de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'article 5 EA doit se lire avec l'article 5 EB qui fait intervenir l'État au moyen d'un protocole le liant aux départements et aux institutions concernées. Les Landes, par exemple, accompagnent les jeunes jusqu'à 25 ans.

M. Éric Doligé.  - Quelle naïveté !

Mme Maryvonne Blondin.  - Dans le Finistère aussi !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas une argutie de faire la différence entre prise en charge et accompagnement, j'ai cité les dispositifs qui peuvent être actionnés. Le problème de l'accès aux droits est une priorité du Gouvernement ; et l'accès aux droits des jeunes de l'ASE est la priorité des priorités.

Monsieur Favier, le Gouvernement a bien conscience du calendrier budgétaire et de la situation des départements. Le sujet ici est moins celle-ci que celle de quelques milliers de jeunes dont la vie est suffisamment cabossée pour qu'on leur permette de finir leur année scolaire...

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°26 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°14 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 187
Contre 156

Le Sénat a adopté.

L'article 5 EA est supprimé.

ARTICLE 5 EB

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Chasseing.

Alinéa 2

1° Première phrase

Après les mots :

le représentant de l'État

insérer les mots :

, le département et la région

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La charge financière émanant de cet accompagnement est répartie en fonction des compétences de chaque acteur.

M. Daniel Chasseing.  - Ajoutons la région parmi les acteurs chargés du suivi des jeunes majeurs. En effet, elle détient les compétences essentielles au bon fonctionnement de ce partenariat, telle que la formation, qui est la clé de l'accès à l'autonomie des jeunes.

Le conseil départemental confronté à des difficultés toujours plus grandes ne peut financer seul l'accompagnement des jeunes majeurs, lequel n'augmentera pas la dépense publique puisque les jeunes majeurs isolés, majoritairement sans qualification, deviennent des usagers des accueils d'urgence.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable de la commission. À titre personnel, je m'oppose à cet amendement. L'article ne crée pas de compétence nouvelle, il précise les conditions dans lesquelles celle qui existe s'exerce. De plus, l'amendement pose des problèmes de rédaction.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'accompagnement est du ressort des départements, non des régions.

M. Éric Doligé.  - Et la formation ?

M. Jean-Louis Tourenne.  - Les jeunes majeurs étrangers, entrés mineurs sur notre territoire, n'ont pas le droit de travailler alors qu'ils pourraient valoriser leur formation sur le marché du travail et ainsi être autonomes. Il faudrait se pencher sur ce dossier qui allègera, au surplus, les finances des départements.

Mme Annie David.  - Je m'interroge : pourquoi M. Chasseing ne propose-t-il pas de supprimer l'article 5 EB après l'avoir obtenu pour l'article 5 EA ?

Vous refusez le beurre - la charge des jeunes majeurs - mais vous voulez l'argent du beurre - la participation des régions. C'est une manière de préempter le débat sur le budget.

M. Éric Doligé.  - La région est compétente en matière de formation. S'il y a un projet de formation, il est normal de travailler avec elle. Tout le problème est d'obtenir d'elle un financement...

Un protocole d'accord avec l'État ? Soit, mais pour que cela fonctionne, il faudra bien que l'État débloque des fonds localement...

Place Vendôme, j'avais défendu l'autorisation de travailler pour les jeunes majeurs qui ne demandent que ça. On m'avait dit que cela viendrait rapidement. Et cela ne vient pas ! Je crains que le dossier traîne encore des années...

M. Daniel Chasseing.  - Madame David, je n'ai pas voté l'amendement de M. Cardoux car ces majeurs doivent être suivis, c'est capital pour leur avenir. Du reste, les demandes de dérogation sont souvent acceptées par les départements. C'est le même motif. Ceci m'a poussé à proposer cet amendement : tout faire pour réussir le projet du jeune, en demandant à l'État et à la région, compétente en matière de formation et d'emploi, d'y participer.

M. Jean-Claude Luche.  - Il faut définir clairement les choses : au département de prendre en charge le mineur, à la région et à l'État de gérer les majeurs. Ce texte tombe à point nommé pour clarifier qui fait quoi alors que l'ADF discute avec le Premier ministre.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Je vous mets en garde : si on ajoute la région, elle devra nécessairement être autour de la table pour que le protocole d'accord soit signé. Et nous nous retrouverons dans deux ans pour constater que les protocoles n'ont pas été conclus.

Au reste, la région n'a qu'un rôle de financement ; la mission de guichet est assurée par les missions locales. Pourquoi ne pas associer la mission locale au tour de table dès lors ? Je crains qu'il y ait un malentendu sur le rôle des régions.

Un jeune peut relever de l'ASE et de la garantie jeune, les départements l'ignorent souvent. Qu'ils utilisent déjà tous les outils existants ! C'est l'objectif de ce texte : le droit commun pour les enfants de l'ASE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

L'amendement n°42 est adopté.

L'article 5 EB, modifié, est adopté.

ARTICLE 5 EC (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 223-3-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-3-2.  -  Au terme de l'accueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental s'assure qu'un accompagnement permet le retour de l'enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - J'imagine que nous allons encore longuement parler des finances des départements... Je comprends mal que votre commission des affaires sociales ait supprimé cet article. Il faut un accompagnement des familles après une décision de retour de l'enfant. J'ai eu, sur mon bureau, un dossier affreux : un bébé décédé quelques jours après son retour en famille, des suites de mauvais traitements infligés par ses parents... Je croyais que les enfants étaient suivis, dans ce cas de figure ; « pas systématique », m'a-t-on répondu !

M. le président.  - Amendement identique n°40, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Mme Aline Archimbaud.  - A quoi servent donc les mesures de protection de l'enfance si tout s'arrête lors du retour en famille ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission. À titre personnel, favorable. Il ne s'agit nullement d'une ingérence dans les affaires départementales mais d'une recommandation de suivi après le retour de l'enfant en famille.

Mme Élisabeth Doineau.  - On ne peut pas laisser penser que les départements seraient indignes, ne feraient rien quand l'enfant retrouve sa famille. C'est du détournement intellectuel ! Si des cas comme ceux que la ministre a cités se sont produits, je demande des sanctions.

M. Éric Doligé.  - Tout à fait d'accord. Arrêtons de faire planer le doute sur l'action des départements à partir de cas isolés et condamnables. Madame Meunier, peut-elle, au lieu d'expliquer son avis personnel, exposer les raisons du refus de la commission ?

Mme Claire-Lise Campion.  - La ministre n'a nullement mis en cause les départements. Elle part de la réalité : des dysfonctionnements existent, les familles peuvent présenter des fragilités au moment du retour de l'enfant. Accompagner et l'enfant et les parents aplanira les difficultés.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Je rejoins Mme Doineau. La commission des affaires sociales a estimé que, tel qu'il est rédigé, l'amendement n'apportait rien car il appartient déjà au président du conseil départemental de veiller à ce que le retour de l'enfant dans sa famille se fasse dans les meilleures conditions.

Mme la ministre va au-delà de ce cas de figure ; le problème est moins le retour en famille que le suivi de l'enfant après son retour. Je ne serais pas hostile à ce que la loi prévoie un tel suivi.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - On peut penser que la loi de 2007 est parfaite ; je crois qu'il faut l'améliorer. Les critiques pointent tantôt le manque de moyens, tantôt l'inutilité des dispositions proposées, je le regrette. Je croyais m'en être suffisamment expliquée, mais si M. Doligé le souhaite, je peux être plus diserte...

Mme Laurence Cohen.  - La loi est faite pour améliorer les choses. Dire qu'il faut renforcer tel ou tel dispositif n'est pas mettre en cause un corps de métier.

Le président Milon a soulevé le vrai problème et je le rejoins : l'amendement pourrait être rectifié pour mentionner le suivi de l'enfant rendu à sa famille.

M. Jean-Claude Luche.  - Nous assumons, au sein des conseils départementaux, nos responsabilités ; leur méconnaissance est d'ailleurs pénalement répréhensible !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - J'accepte volontiers de rectifier mon amendement dans le sens suggéré par le président Milon, encore faudrait-il qu'il soit ensuite adopté !

Ce n'est pas un texte bavard ; la difficulté réside dans la disparité des pratiques entre départements. Je n'accuse personne : chaque drame procède d'une multitude de dysfonctionnements. Mon but est de boucher les interstices de la procédure, dans l'intérêt de l'enfant.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°36 rectifié. Amendement n°36 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 223-3-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-3-2.  -  Au terme de l'accueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental s'assure qu'un accompagnement permet le retour et le suivi de l'enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. »

Mme Hermeline Malherbe.  - J'approuve la modification mais c'est le juge qui décide du type de retour en famille, et sa décision ne peut être remise en cause.

M. Jean-Marie Morisset.  - J'avais cru comprendre que ces dispositions étaient déjà en vigueur. Mais si ce n'est pas le cas, je les voterai.

Mme Aline Archimbaud.  - Je rectifie mon amendement dans le même sens.

M. le président.  - Ce sera l'amendement identique n°40 rectifié.

Les amendements identiques nos36 rectifié et 40 rectifié sont adoptés et l'article 5 EC est ainsi rétabli.

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 18 heures.

Débat préalable au Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015.

Orateurs inscrits

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Je suis très heureux de participer à ce débat ; je veux vous remercier, monsieur le Président, ainsi que la Conférence des présidents, de l'avoir organisé à une heure propice à un débat approfondi.

La crise des réfugiés et la situation en Syrie seront les principaux points à l'ordre du jour du Conseil européen de jeudi.

Selon Frontex, 710 000 personnes sont entrées dans l'Union européenne au cours des neuf premiers mois de 2015, contre 282 000 l'an passé. En Allemagne, on parle d'un million de migrants et réfugiés cette année. Ces femmes et ces hommes, pour qui l'Europe est une terre de sécurité et d'espoir, tombent souvent entre les mains de passeurs criminels. Plus de 3 000 migrants sont morts en Méditerranée. Jamais le phénomène migratoire n'a connu une telle ampleur. C'est la solidarité européenne qui est ainsi remise en cause.

Un mécanisme de répartition a été mis en place, ainsi que des centres d'accueil et d'enregistrement. Le contrôle des frontières a été renforcé au moyen de l'action Sofia, soutenue par les Nations Unies. Celle-ci permet d'arraisonner les navires. Des accords de coopération et de réadmission ont enfin été conclus.

Le Conseil européen devra s'assurer de la mise en oeuvre de ces dispositifs. L'effectivité du système d'asile dépend de l'effectivité des contrôles aux frontières de l'Union européenne, de la solidarité entre États membres, de la responsabilité de chacun pour ce qui lui incombe et du traitement des causes de la crise avec les pays d'origine. C'est la position constante, défendue par la France depuis le début de la crise.

Des moyens budgétaires ont été dégagés sur le budget de cette année, et le seront en 2016, pour un total de 1,7 milliard d'euros ; ils abonderont le fonds asile migration, le budget de Frontex, le Trust Fund et l'aide aux pays tiers.

L'Union européenne renforce son action avec les pays d'accueil des réfugiés. Un plan spécifique avec la Turquie, discuté avec le président Erdogan lors de son passage en Europe et portant à la fois sur l'assistance aux réfugiés en Turquie et la lutte contre les trafics et l'immigration clandestine au départ de ce pays, est en cours de mise en oeuvre. Ces négociations sont difficiles.

Avec les pays des Balkans, il s'agit maintenant de mettre en oeuvre les décisions prises le 8 octobre, lors de la conférence de Luxembourg, concernant l'assistance humanitaire et la lutte contre les filières criminelles.

Le Conseil européen préparera en outre le Conseil de la Valette, qui portera sur l'aide apportée aux États africains en matière économique et de réadmission.

Il examinera les pistes d'amélioration du système intégré de contrôle aux frontières. L'adaptation du mandat de Frontex et la création d'un corps de garde-côtes européen seront discutées. Les opérations maritimes comme Poséidon et Triton allaient déjà dans cette direction.

Troisième axe : améliorer l'efficacité des politiques de retour. Il nous faut, parallèlement à l'ouverture rapide de hot spots et aux relocalisations, mettre en oeuvre effectivement la directive ; créer, au sein de Frontex, une équipe dédiée pour soutenir les États membres ; élargir le mandat de Frontex pour lui donner la possibilité d'organiser des opérations de retour de sa propre initiative ; promouvoir auprès des pays tiers des laissez-passer consulaires européens.

Deuxième sujet à l'ordre du jour du Conseil européen : la situation en Syrie. Le Conseil des affaires étrangères auquel j'ai participé hier a repris les trois grandes priorités défendues par la France : la lutte contre le terrorisme d'abord. La France a pris ses responsabilités en groupant les centres d'entraînement de Daech ; toute la communauté interventionniste doit à présent être mobilisée. (M. François Marc approuve) Ensuite l'élaboration d'une transition politique. Tous les acteurs - Russie, États-Unis, Union européenne, Turquie, Arabie Saoudite, Iran - doivent s'engager dans cette voie. Nous devons rassembler les membres de l'opposition modérée qui rejettent le terrorisme ainsi que les éléments du régime qui ne sont pas impliqués dans des crimes de guerre, pour que cette transition puisse se mettre en place. Celle-ci ne pourra se faire avec Bachar Al-Assad, responsable de près de 250 000 morts. Le Conseil européen se prononcera sur l'attitude de la Russie : ses opérations militaires doivent cesser de viser les éléments modérés de l'opposition au régime.

La situation en Libye devra être abordée, afin que ce pays recouvre sa souveraineté.

Enfin, le Conseil entendra une communication au sujet du referendum britannique sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union, et des demandes formulées par ce pays.

S'il fallait un mot pour définir le Conseil européen à venir, je dirais : gravité. Il sera aussi empreint de responsabilité, face à la situation très grave de la crise migratoire et de la guerre syrienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Billout .  - Le précédent débat préalable au Conseil européen s'est tenu en juin. Nous y abordions déjà la situation des migrants. Elle n'a cessé de s'aggraver.

Les migrants sont plus de 710 000 depuis le début de l'année : c'est inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La France accueillera 30 000 réfugiés sur deux ans, dont 24 000 demandeurs d'asile. À titre de comparaison, nous avions accueilli 650 000 réfugiés espagnols après la guerre civile.

L'Union européenne est le premier donateur pour faire face à la crise migratoire. Elle ambitionne de mettre en place un système solide, bâti sur une agence Frontex rénovée et un corps de garde-côtes. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser ce que la commission envisage en matière de réinstallation ? Les règlements de Dublin devraient être révisés en mars 2016 ; dans quel sens ?

Désormais, il y a les bons migrants et les mauvais : les premiers fuient la guerre, les autres la misère... Cette distinction est inacceptable, comme l'est la création de ces hot-spots chargés de l'enregistrement et de la relocalisation des migrants. Quid, dans ce système, des Soudanais déboutés du droit d'asile ? Nous connaissions les risques de tels hots spots, cristallisés dans la jungle de Calais.

Je ne méconnais pas les efforts du Gouvernement pour régler la situation, mais Londres, qui n'aborde la question que sous l'angle de la sécurité de sa frontière a déplacé celle-ci sur notre sol. La situation des migrants est particulièrement délicate au Royaume-Uni : 43 % des Britanniques interrogés veulent quitter l'Union européenne, 40 % veulent y rester ; 17 % sont indécis. Le Premier ministre Cameron n'exclut pas une sortie s'il n'obtient pas ce qu'il veut.

L'afflux de réfugiés ravive les tensions entre partisans et adversaires de l'austérité. La Commission européenne semble disposée à accorder une marge budgétaire supplémentaire aux États qui font face à la crise. Trouvera-t-on une majorité pour défendre cette position ?

Quelle est la position du Gouvernement sur la proposition allemande de création d'une taxe sur le carburant et la TVA, dont le produit serait affecté à l'aide aux migrants ?

M. Jean-Yves Leconte .  - La réversibilité de la construction européenne est apparue plus clairement que jamais en 2015, à la faveur de la crise grecque et de celle des migrants.

Ceux qui fuient les guerres du Proche-Orient ne vont pas vers l'Arabie saoudite ou la Russie mais vers l'Europe. Cette attractivité devrait être une force pour le continent. Le phénomène s'accentue, mais il n'a rien à voir avec l'ampleur qu'il a au Liban ou en Jordanie.

Nous devons respecter le droit individuel à la protection. Le système de Dublin ne fonctionne pas ; la surveillance des frontières extérieures doit-elle être une compétence européenne ? Discutons-en.

Hot spots, aide au Haut comité aux réfugiés (HCR), renforcement de Frontex... Tout cela va dans le bon sens. Mais il faudra renforcer notre système d'asile : liste de pays sûrs, droit au travail ; convergence des pratiques européennes.

Il faudra aussi renforcer Schengen, non les frontières elles-mêmes. Nous avons vu, dans les Balkans, que cela ne sert à rien. Cela passera par un système PNR efficace.

Sachons répondre à l'angoisse des pays voisins de la Syrie ; seule la France a une politique de visas cohérente. Les transferts sont un moyen puissant d'aide au départ : les flux sont d'ailleurs deux fois plus importants que ceux de l'APD !

Il faudra donner une perspective à l'Europe, en prévenant les déstabilisations dans les Balkans, mais aussi au Moyen-Orient.

Un mot sur le voisinage de l'Union européenne. Nous n'avons pas fini de payer le prix de la fermeture, par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, de la porte européenne au nez de la Turquie.

Le choix grec du 20 septembre est un bon signal, mais il faudra aller plus loin. Une monnaie commune impose une politique commune, soumise à un contrôle démocratique, notamment au niveau de la zone euro.

M. le président.  - Concluez.

M. Jean-Yves Leconte.  - Répondre par plus d'Europe, c'est faire des Européens des citoyens du monde et non des sujets du marché mondial. C'est le sens du projet défendu par le président de la République et la chancelière allemande devant le Parlement européen. Nous nous reconnaissons dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit aussi)

M. André Gattolin .  - L'Europe fait face à une crise migratoire sans précédent. Or les dirigeants européens la gèrent nationalement, en ordre dispersé. Les flux iront sans doute croissants ; la solution ne réside certainement pas dans l'érection de murs séparant le bon du mauvais côté, la paix de la guerre, comme l'a fait la Hongrie. Les murs accentuent les tensions, sans offrir de solution. Ce ne sont que des pis-aller, résultant le plus souvent d'un constat d'échec.

Distinguons les migrations économiques des demandes d'asile. Les migrants veulent s'intégrer à moyen et long terme tandis que les demandeurs d'asile font le choix douloureux de quitter leur pays par défaut. L'exil ne ressort jamais d'une décision heureuse. Selon un récent sondage réalisé en Allemagne sur 900 réfugiés, seuls 13 % sont venus pour des raisons économiques : les autres ont fui un risque pour leur vie.

Les flux de migrants résultent d'abord des terrifiantes conditions d'accueil dans les pays limitrophes de la Syrie. Nous devrions aider ces pays, car les migrants n'ambitionnent pas de s'éloigner le plus possible de chez eux.

Nous devrions lutter frontalement contre les réseaux de passeurs, structurés en toute impunité en véritable mafia. Le criminologue italien Andrea di Nicola, évalue, avec prudence, ce trafic en Méditerranée à 700 millions de dollars de chiffre d'affaires, réinvestis dans d'autres activités criminelles. Que fait l'Union européenne pour les combattre ?

Cette crise entraîne des besoins importants de financement. Des discussions informelles auraient eu lieu entre Berlin et Bruxelles en marge de l'assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale qui s'est tenue à Lima pour augmenter les ressources propres de l'Union européenne, au moyen d'un impôt européen, qui prendrait la forme d'une surtaxe sur les carburants ou sur la TVA. Monsieur le Ministre, quelle est la position de la France à ce sujet ?

La crise actuelle n'offre qu'un avant-goût de celles qu'occasionnera bientôt l'afflux des déplacés climatiques et environnementaux. Cela m'amène à mon second point : la COP 21, grande absente de ce Conseil européen. François Hollande profitera, je l'espère, de la Conférence Arctic Circle à Reykjavík pour sensibiliser les acteurs présents sur les enjeux environnementaux.

L'Union européenne insiste trop sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, au détriment de l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. L'ancien commissaire à la concurrence Joaquín Almunia estimait que la part de 14 % suffit amplement. L'objectif est pourtant de 27 % ! Pourquoi ne pas s'y tenir ? J'y insiste car bien des signes indiquent que l'actuelle commission s'intéresse beaucoup moins à la question que la précédente. Restons vigilants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. David Rachline .  - La crise migratoire a pris des proportions dramatiques, et vous refusez de voir que les peuples veulent de l'enracinement. Par votre incapacité à apporter la paix dans les pays en crise ou plutôt par votre capacité à y apporter la guerre, tout en ouvrant les portes de notre territoire, vous créez des déracinés.

Or nous sommes dans l'incapacité économique et morale d'accueillir ces centaines de milliers de malheureux. Avec 3,5 millions de chômeurs, une dette abyssale de 2 000 milliards d'euros, nous ne pouvons leur offrir une activité. Pas plus de les intégrer, si l'on refuse de leur proposer une identité à laquelle ils puissent se référer.

L'Union européenne, incapable d'arrêter les terroristes, les a même armés, directement ou indirectement. Avec les Américains, elle accable la Russie, seule pourtant à défendre la sécurité de l'Europe.

En matière économique, que proposent les technocrates de Bruxelles ? Un système d'autorités pour la compétitivité de la zone euro, un comité budgétaire européen, un Trésor européen, qui réduiraient encore notre souveraineté. Toutes ces propositions visent à favoriser la surveillance des politiques économiques nationales, de façon à les uniformiser.

Nous refusons de nous soumettre et réaffirmons que la France doit disposer, comme toutes les autres grandes puissances, de sa monnaie, de sa banque centrale, de ses frontières, de sa souveraineté budgétaire, bancaire et législative.

L'Europe a totalement échoué, aussi défendons-nous le retour à la monnaie nationale - et à la souveraineté budgétaire.

Comme le Gouvernement Cameron, nous soumettrions le maintien de la France dans l'Union européenne à referendum si Marine Le Pen était élue présidente de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Les Français se sont exprimés clairement, à 55 % contre la Constitution européenne. Mais vous vous moquez du peuple : preuve en est la signature du traité de Lisbonne. Vous n'avez qu'une peur, qu'il s'exprime à nouveau, après la gifle que représenta pour l'establishment l'élection de 24 députés français du Front national au Parlement européen en mai 2014...

M. François Marc.  - Qu'ont-ils fait depuis ?

Mme Patricia Schillinger.  - Pas grand-chose !

M. David Rachline.  - Au Parlement européen, justement, François Hollande a cru bon de railler le souverainisme, en prétendant l'opposer à la souveraineté. Or le souverainisme exige la souveraineté. Que décidons-nous encore ? Pas plus notre budget que les flux migratoires. La souveraineté s'attache à la nation. Sans elle, pas de cadre protecteur, ni de prospérité.

M. François Marc.  - Et que faites-vous du peuple ?

M. Jean-Claude Requier .  - Au plus fort des crises européennes, la solidarité se fait jour : voyez les Grecs. L'arrivée massive de migrants ces derniers mois ne doit pas masquer un mouvement de fond depuis quinze ans, avec 16 millions d'Européens de plus du fait du solde migratoire.

L'Europe, malgré ses difficultés économiques, reste source d'espoir pour tous ceux qui ne trouvent chez eux que désolation et misère. Elle doit élaborer pour les réfugiés une politique d'intégration. La chancelière Merkel et le président Hollande n'ont pas dit autre chose mercredi dernier devant le Parlement européen.

Face à la crise, les règles de Dublin sont obsolètes. Mais l'Europe a du mal à s'accorder sur de nouvelles règles. Il aura fallu une image choc, celle d'un enfant mort sur le rivage pour observer une réaction plus humaine.

Le mécanisme de répartition des réfugiés est la moins mauvaise solution. Encore faut-il renforcer le contrôle des frontières pour ne pas créer un appel d'air. Nous attendons aussi des éclaircissements sur les 780 millions d'euros dédiés à la relocalisation.

On évoque aujourd'hui diverses pistes pour approfondir l'Union économique et monétaire. Je regrette néanmoins que le rapport du président du Conseil européen n'évoque pas l'idée qu'il se fait de l'Europe de demain : une union de transferts, que M. Macron appelle de ses voeux, ou une union maestrichtienne, focalisée sur la rigueur budgétaire !

Il a fallu attendre un scandale pour avancer sur les rescrits fiscaux...

En 1946 à Zurich, Winston Churchill parlait de la « tragédie de l'Europe ». Aujourd'hui, après la tragédie grecque évitée, c'est à un drame shakespearien, au risque de Brexit que nous sommes confrontés : ou comment faire subir à d'autres des calculs de politique intérieure...

On ne peut que souhaiter que nos dirigeants s'accordent sur l'essentiel, rappelant aux eurosceptiques que la compétition, aujourd'hui, se joue au niveau planétaire (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)

Mme Fabienne Keller .  - Les Européens veulent-ils poursuivre leur union et comment ? Telle est au fond la question que posent les trois grands sujets que sont la crise migratoire, l'Union économique et monétaire ainsi que l'hypothèse du Grexit.

Face à la crise migratoire, la France doit respecter ses engagements humanitaires, tout en étant ferme face à l'immigration irrégulière.

La crise financière de 2008 puis celle des dettes souveraines ont cruellement révélé les défauts de la monnaie unique. La convergence budgétaire, sociale et économique nécessaire a déjà trop tardé. Des avancées décisives ont eu lieu depuis, à commencer par la mise en place du mécanisme européen de stabilité (MES) et de l'union bancaire. Mais il faut aller plus loin, alors même que la défiance s'accroît, dans le cadre des traités existants.

La création à court terme de nouvelles institutions de gouvernance ou de nouveaux transferts financiers permanents entre États membres ne serait pas comprise ni acceptée par nos concitoyens.

À l'instar des propositions faites sur la mutualisation des dettes souveraines, celles-ci ne peuvent de plus être envisagées que comme l'éventuel couronnement d'un processus abouti de convergence économique, mais en aucun cas comme le préalable à l'évolution de la zone euro.

La France, qui décroche du wagon de tête européen, doit mener enfin les réformes indispensables. À l'échelle européenne, il faut renforcer la coordination budgétaire et économique : ce dernier aspect doit être pleinement intégré au semestre européen. Quant à la coordination fiscale; même si cette matière touche à la souveraineté, les nouvelles règles sur les rescrits fiscaux doivent être l'occasion d'avancer.

Point n'est besoin de créer une nouvelle institution : le Parlement européen existe, et des réunions interparlementaires ont déjà lieu !

J'en viens au referendum britannique. Le Review of compétences est un document remarquable, transpartisan. Les Britanniques ont toujours eu une approche pragmatique et d'abord économique de la construction européenne.

Ne voyons pas dans le referendum un signe de rupture. La Grande-Bretagne a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la Grande-Bretagne. Les négociations doivent avoir lieu, non pour bouleverser les traités mais pour apporter des réponses claires au questionnement britannique. e

L'Union européenne contribue-t-elle à améliorer la vie des Européens ? Agit-elle là où elle est la plus efficace ? Élabore-t-elle des législations suffisamment simples ? Respecte-t-elle les espaces démocratiques nationaux ? Quel statut pour les pays qui ne souhaitent pas adhérer à la monnaie unique ? Sans renoncer à nos principes, par exemple la libre circulation, acceptons un débat concret avec les Britanniques et dessinons ainsi pour tous les Européens de nouvelles perspectives (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Je me concentrerai sur le referendum britannique. Promesse de campagne des conservateurs, il pourrait avoir lieu dès juin 2016.

Quelles sont les demandes britanniques ? Une plus grande intégration du marché unique, une conclusion des négociations commerciales avec les États-Unis, une meilleure prise en compte du poids politique du Royaume-Uni dans l'Union...

J'observe au passage qu'en 2020 la France et l'Italie seront les deux seuls États membres à ne bénéficier d'aucun rabais. Le président de la Commission européenne a créé une task force au sein du secrétariat général du Conseil, dirigée par un Britannique, pour préparer ces négociations. Qu'en est-il de la France, Monsieur le Ministre ? Sa position officielle consiste-t-elle, comme l'a déclaré le président de la République en répondant à Nigel Farage au Parlement européen, à dire que ceux qui ne veulent pas participer à l'intégralité du projet politique européen doivent quitter l'Union ? Le Royaume-Uni ne peut vouloir le beurre, l'argent du beurre et la sourire de la crémière...

Union européenne à géométrie variable ? Pourquoi pas, les opt out existent déjà, pour le Royaume-Uni et le Danemark, mais ce serait ouvrir la porte aux revendications d'autres États membres. À moyen terme, la méthode des cercles d'intégration est la plus efficace et la plus raisonnable. C'est la direction poursuivie par le rapport dit des cinq présidents de juin dernier.

En revanche, il est inadmissible que le Royaume-Uni puisse s'opposer aux décisions prises dans des domaines où il ne participe pas aux politiques communes (Applaudissements au centre et à droite ainsi que sur les bancs du RDSE et des commissions)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) vient d'annuler l'accord Safe Harbor, conclu en 2000 entre l'Union européenne et les États-Unis, réduit à néant par le Patriot Act puisque les entreprises américaines doivent transmettre massivement à leur administration les données personnelles sur les citoyens américains comme européens dont elles disposent. La Commission européenne a failli en ne dénonçant pas cet accord, alors même que le Sénat, avec d'autres institutions, avait lancé l'alerte, en votant deux résolutions européennes.

La Commission devra obtenir des autorités américaines de réelles garanties de protection des données personnelles, et des possibilités de recours pour les citoyens européens. Les pouvoirs des autorités nationales de contrôle doivent être renforcés.

La Commission européenne a consacré une modeste communication aux enjeux numériques. Ils ébranlent pourtant nos modèles économiques traditionnels et questionnent notre souveraineté.

Chaque jour un peu plus, l'Europe apparaît comme une colonie américaine du numérique. Il faut réagir. Quelle est notre stratégie pour une Europe du numérique, monsieur le ministre ? Nous ne voulons pas d'un accord boiteux, dans le cadre du traité du libre-échange. (Applaudissements depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'aux bancs du groupe Les Républicains)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - L'Europe, qui voit les crises se succéder, paraît plus fragile que jamais, et le Royaume-Uni se prépare à en sortir... De cette nouvelle crise ressortira soit une Europe resserrée, soit une Europe plus divisée.

Aujourd'hui se pose la question de l'impact financier de la prise en charge des réfugiés. La Commission européenne s'est dite prête à examiner la requête formulée par l'Italie et l'Autriche d'une plus grande souplesse dans l'application des règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance. Quelle est la position de la France ?

L'heure est aussi à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, à la suite du rapport des cinq présidents. Ceux-ci recommandent la création d'un comité budgétaire consultatif. Quels en devraient être la composition et le rôle, selon le Gouvernement ?

Il est aussi question de renforcer les pouvoirs du Parlement européen et des Parlements nationaux. Envisagez-vous la création d'un Parlement de la zone euro ? Quelle forme prendrait le ministère des finances de la zone euro que représenterait le Trésor de la zone euro ? À quoi le mécanisme pour la stabilisation budgétaire de la zone euro ressemblerait-il ?

Le Gouvernement britannique veut négocier son maintien dans l'Union européenne contre des concessions. Quelles sont nos lignes rouges, monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Les flux migratoires ont pris une ampleur inégalée depuis quelques décennies.

Nos sociétés sont de moins en moins en mesure d'intégrer cet afflux de migrants économiques, climatiques et des réfugiés fuyant la guerre et les persécutions.

Notre cohésion sociale et nationale est mise à l'épreuve. Le consensus exprimé par la commission Marceau Long en 1988 vaut encore : il ne faut pas entretenir la tension entre les Français, ni confondre immigrants réguliers et irréguliers, immigrants économiques et réfugiés.

C'est en amont qu'il faut d'abord agir, pour prévenir les conflits et les risques environnementaux. La France doit être plus audacieuse face au chaos mondial, à la Syrie et à Daech.

L'Europe ne s'est pas non plus dotée des moyens nécessaires, alors que plus de 500 000 migrants et réfugiés ont franchi ses frontières depuis le début de l'année. L'impunité des passeurs est un défi à nos valeurs humanistes. Moins de 40 % des décisions d'éloignement sont appliqués et les tensions s'exacerbent, au moment même où notre tradition d'asile doit être réactivée.

Ceux qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire doivent être reconduits, sans que leurs droits soient méconnus : tel est le sens du vote émis cet après-midi par le Sénat sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration.

Le mécanisme de répartition des réfugiés récemment adopté comporte encore trop de zones d'ombre. Pourquoi accueillir en France des gens qui souhaitent s'installer ailleurs en Europe ? Nous devons accueillir ceux qui, relevant du droit d'asile, choisissent spontanément de venir chez nous. Sur ce point, la commission des lois et son rapporteur François-Noël Buffet seront très vigilants.

Les contrôles nécessaires doivent être mis en oeuvre pour éviter que des migrants économiques, voire des terroristes, n'entrent sur notre territoire.

La répartition des réfugiés sur le territoire national ne saurait non plus se faire au petit bonheur la chance.

Il est plus que temps que l'Europe prenne conscience du drame qui se joue à ses portes, et révise les règles de Schengen, pour une politique migratoire efficace, soucieuse de la stabilité des pays d'origine, comme de la cohésion et du dynamisme de nos propres sociétés. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Le prochain Conseil européen se tiendra dans un contexte difficile : crise migratoire, montée de l'euroscepticisme... La crise migratoire a été un choc ; l'Europe doit accueillir les persécutés mais aussi veiller au contrôle effectif de ses frontières. Le groupe de travail animé par M. Reichardt au sein de notre commission rendra bientôt ses conclusions sur ces questions.

La route des Balkans est désormais la voie d'accès privilégiée vers l'Allemagne ou la Suède, que la plupart des migrants veulent rejoindre. La Hongrie aussi est très exposée - elle a accueilli, de mémoire, 15 % des migrants au premier trimestre. Elle est au deuxième rang des pays d'accueil après l'Allemagne. Notre commission des affaires européennes entendra avec intérêt son ambassadeur la semaine prochaine.

L'effort consenti par la France est significatif, puisqu'elle prendra en charge près de 20 % des réfugiés - on sera sans doute au-delà des 30 000 personnes annoncées sur deux ans. Le mécanisme de répartition est une manifestation élémentaire de solidarité, mais les réfugiés resteront-ils durablement dans les pays où l'on ne veut pas d'eux ? Un système de relocalisation est-il souhaitable dans un espace de libre circulation ?

Nous demandons depuis longtemps la création d'un corps de garde-frontières européens et de hot spots, le renforcement de Frontex et d'Europol. Il faut relever notre aide aux programmes humanitaires des Nations Unies, et soutenir financièrement les réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban.

Le Conseil européen doit aussi dresser un bilan du rapport des cinq présidents sur l'avenir de l'Union économique et monétaire. Le besoin de convergence est plus que jamais prégnant. Il est temps de passer aux actes. L'harmonisation fiscale et sociale est une exigence. L'Union doit aussi se rendre plus efficace face aux chocs, tout approfondissement devant aller de pair avec une légitimité démocratique renforcée, ce qui suppose un contrôle parlementaire qui associe les parlements nationaux.

Si nous souhaitons que le Royaume-Uni reste dans l'Union européenne, celle-ci ne doit pas transiger sur ses principes. Abordons cette discussion dans un esprit ouvert, mais vigilant. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

M. Harlem Désir, secrétaire d'État .  - Merci aux orateurs de leurs interventions. Je confirme à M. Billout que la France soutient la création des garde-frontières européens, idée reprise par le président Juncker.

Le système de relocalisation des réfugiés est déjà une exception aux règles de Dublin, qui imposent cependant la responsabilité de chaque État membre pour la surveillance de ses frontières et la discrimination entre réfugiés et autres migrants. Certes, il n'y a pas de bons et de mauvais migrants, mais les règles diffèrent : l'asile est une protection individuelle accordée à des personnes fuyant la guerre et les persécutions qui découle de la convention de Genève. Si nous ne faisons pas cette différence, le refus de l'asile finira par l'emporter.

La réponse à la crise suppose aussi d'aider les pays d'origine et de transit, ainsi que les pays voisins de la Syrie, pour que les réfugiés puissent y rester. La dégradation des conditions de vie dans les camps gérés par le HCR et même le manque de nourriture ont jeté des dizaines de milliers de personnes sur les routes de l'exode.

On ne répond pas à une telle crise en créant un impôt. Les sommes nécessaires doivent être prélevées sur les budgets européens et nationaux.

La liste des pays d'origine sûre doit être la même pour tous les pays européens, c'est vrai, monsieur Leconte. Des laissez-passer européens seraient également utiles, pour ne pas jeter les réfugiés dans les bras des passeurs. Et d'autres pays, comme les États-Unis, doivent prendre leur part de l'effort.

Offrir une réponse coordonnée est difficile, cela est vrai, monsieur Gattolin, parce que les États membres ne sont pas dans la même situation géographique - certains comme l'Italie, la Grèce ou les pays des Balkans sont plus exposés - et parce que les migrants veulent, pour beaucoup, aller prioritairement en Allemagne, en Suède et en Grande-Bretagne. C'est pourquoi nous avons dû insister sur la part que chaque État membre devrait prendre dans cette crise.

La COP 21 ne sera pas absente du Conseil. L'Union européenne a été exemplaire et a adopté des objectifs ambitieux. Les enjeux sont financiers et diplomatiques, la démocratie européenne doit agir pour convaincre la quarantaine de pays qui ne l'ont pas encore fait de transmettre leur contribution. Les moyens supplémentaires donnés au HCR, au programme alimentaire national mondial sont au rendez-vous : l'Union européenne a débloqué 200 millions en 2015 et débloquera 300 millions en 2016 ; des efforts équivalents seront demandés aux États membres.

M. Rachline, tout en prétendant défendre la nation, a accusé la France d'être à l'origine de la guerre en Syrie, ce que personne d'autre ne fait sur la planète, loué les mérites du régime d'Assad et les bombardements russes sur l'opposition modérée. Je lui laisse, mais il est absent, la responsabilité de propos incohérents, inconséquents et irresponsables.

M. Requier a insisté sur la solidarité. Le président Hollande a évoqué mercredi dernier à Strasbourg, devant le Parlement européen, la nécessité de convergences qui ne soient pas seulement budgétaires ou fiscales - la presse n'a donné qu'un compte rendu partiel de son intervention. Oui, l'Union économique et monétaire souffre d'un défaut de conception. Des progrès ont été réalisés depuis 2009, encore en 2013 et en 2014. Je souhaite, comme Mme Keller, aller plus loin. La France ne « décroche » pas...

Mme Fabienne Keller.  - C'est la réalité...

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - ...elle se redresse : le déficit public était de 5,1 % en 2011, il sera inférieur à 3 % en 2017. De même la croissance était nulle avant 2012, elle sera de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016. (On le réfute à droite) Nous voulons un approfondissement de l'UEM parce que la zone euro doit être une zone de croissance, d'innovation, d'investissement. Il faut des outils nouveaux de coordination des politiques économiques, de même qu'un contrôle parlementaire, l'objectif étant de parvenir à un parlement de la zone euro.

Notre position sur les Britanniques est qu'ils doivent demeurer dans l'Union, c'est leur intérêt et celui de l'Europe. On peut se préparer aux négociations, mais encore faut-il savoir sur quels sujets elles vont porter ; les demandes n'ont pas encore été officiellement formulées. Je vous confirme que le président Hollande s'exprime au nom de la France quand il répond à un député européen eurosceptique et lui rappelle que dans l'Union les droits emportent des devoirs. M. Cameron veut rester dans l'Union, les sujets évoqués sont le fonctionnement de celle-ci, la lutte contre les abus sociaux. Il ne saurait y avoir de remise en cause des principes fondamentaux tels que la liberté de circulation ou des politiques communes. Nous entendons en tout cas travailler à traité constant, l'Union doit se concentrer sur l'essentiel - la crise migratoire, le développement économique et l'emploi - et non sur des questions inconstitutionnelles éloignées des préoccupations quotidiennes des Européens. Nous incitons nos amis Britanniques à être pragmatiques - c'est une de leurs qualités.

L'Europe ne se désintéresse pas du numérique, madame Morin-Desailly. La Commission européenne a rendu une communication trop centrée sur les consommateurs et l'accès au marché ; nous défendrons d'autres enjeux : la régulation des plateformes, les droits d'auteur, l'émergence de champions européens. Monsieur de Montgolfier, nous examinerons en détail le projet de comité budgétaire consultatif. La France soutient les demandes de l'Autriche et de l'Italie d'assouplir les règles budgétaires face à la crise migratoire, exceptionnelle, sans désarticuler les pouvoirs de la commission européenne. Il faudra peut-être créer des structures spécifiques en son sein.

Nous défendrons la voie vers un Parlement de la zone euro, dont les parlements nationaux ne peuvent pas être écartés puisqu'ils sont les représentants de la souveraineté budgétaire. Oui, il faut une forme de Trésor européen, des capacités budgétaires et d'investissement. Avec quelles ressources ? C'est l'objet des discussions, on peut penser par exemple à une part de la TTF. On peut aussi s'inspirer du mécanisme de stabilité européen, dont l'effet de levier est très puissant, mais qui est aujourd'hui un instrument défensif. Mes lignes rouges, ce sont les valeurs de l'Europe.

M. Bas a raison, la voie est étroite. Respect du droit d'asile, lutte contre les passeurs, solidarité, contrôle des frontières. C'est en traitant tous les aspects de la crise migratoire que nous pourrons la résoudre.

Les États membres n'ont pas la même culture de l'asile. Mais chacun doit assumer sa part. Les pays de première arrivée ont refusé d'enregistrer les réfugiés par peur que la répartition ne se fasse pas. Chacun doit s'engager, c'est la condition de la réussite du contrôle aux frontières et des hot spots. Nous soutenons la création de gardes-frontières.

La Turquie, qui a accueilli deux millions de réfugiés syriens, doit être soutenue pour combattre les passeurs. Le plan d'action qui sera mis en place sera décisif pour juguler les flux et protéger les réfugiés.

Merci pour ce débat de qualité et de vos propos équilibrés. La crise migratoire appelle de la ténacité et, face aux populismes qui empoisonnent les débats dans de nombreux pays, de la raison et de la pédagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Débat interactif et spontané

M. André Reichardt .  - On parle depuis des mois des hot spots et du corps de gardes-frontières européens. Actuellement, cinq à six mille migrants arrivent chaque jour en Europe par la Grèce sans être, semble-t-il, contrôlés. À quand une concrétisation de ces projets ?

Les frappes russes visent l'opposition modérée que la France soutient, en Syrie, bien davantage que Daech. Si cela continue, sur quelles forces allons-nous nous appuyer ? La France compte-t-elle promouvoir une plus large coordination internationale des actions contre Daech ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes .  - Le Conseil des ministres de l'intérieur a déjà pris la décision de créer des hot spots ; elle sera confirmée par le Conseil européen. Ils sont d'ores et déjà en train d'être mis en place en Grèce et en Italie par la Commission européenne, Frontex et le Bureau européen compétent en matière d'asile. La difficulté est l'urgence : il faudra plus de centres, en Sicile, à Lampedusa, dans plusieurs îles grecques, sans doute dans le Péloponnèse. Dans ces centres, on relèvera les empreintes digitales et on fera un premier traitement des demandes d'asile. Les déboutés seront reconduits dans leur pays d'origine dans le cadre des accords de réadmission.

M. Richard Yung .  - Les demandes britanniques sont entourées d'un certain flou. Le Premier ministre Cameron souhaiterait cependant ne pas être lié par une Union toujours plus étroite - comprendre : le Traité de Lisbonne - par la monnaie unique - il y en a d'autres -, par le versement de prestations sociales - ce qui serait contraire à la liberté de circulation des travailleurs - et, enfin, obtenir un droit de veto pour les parlements nationaux. Cette liste est-elle complète ? Entendez-vous y donner suite ?

Faut-il considérer que la Grande-Bretagne est déjà aux trois quarts hors de l'Union européenne ou tout faire pour la maintenir dans l'Union ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - A ce stade, et peut-être pour des raisons de politique intérieure, David Cameron n'a pas formulé de demandes officielles.

Pour notre part, nous l'encourageons à ne pas présenter de propositions incompatibles avec les traités. Concentrons-nous sur l'essentiel : la croissance, l'emploi, le numérique et la crise migratoire.

M. Philippe Bonnecarrère .  - La France, avec 3 500 hommes engagés dans l'opération Barkhane, est présente dans la bande sub-sahélienne pour lutter contre le terrorisme ; elle y contrôle aussi les trafics d'armes et de drogue qui partent de Libye. Cette force n'a pas de mandat pour contrôler l'immigration et nos soldats voient passer des pick-ups de migrants sans pouvoir intervenir... Un élargissement du mandat de nos forces est-il envisageable ?

Les modalités de l'aide européenne au développement interpelle ; un milliard est prévu mais quid des appels d'offres ? Il n'y a toujours pas de routes asphaltées entre Bamako et Kidal ou entre N'Djamena et le Tibesti... Cette zone sub-sahélienne revêt un intérêt stratégique majeur pour la France. Ne faut-il pas nommer un ambassadeur de zone pour assurer la cohérence de notre politique étrangère ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Ne confondons pas les actions militaires comme l'opération Barkhane, et les actions de souveraineté comme le contrôle des frontières. Nous formons de nombreux policiers et militaires de ces pays dans le cadre d'accords bilatéraux. Un des principaux pays de transit africain est le Niger, de nombreuses routes de migration passant par Agadès. Nous avons demandé à l'Union européenne d'y créer un centre pour examiner les demandes d'asile.

M. Michel Billout .  - Le président turc a refusé le résultat des dernières législatives qui ont vu l'élection de 80 députés du HDP et convoqué de nouvelles élections. La campagne se déroule dans un climat d'extrême violence. Le Gouvernement s'en prend aux Kurdes qui combattent Daech mais aussi aux progressistes, aux journalistes, aux avocats, aux enfants même.

Nous avons déploré, le week-end dernier, l'attentat le plus meurtrier de la Turquie moderne. C'est le résultat d'un climat de violence organisée. En quelques mois le pays est revenu plusieurs années en arrière. L'Union européenne doit agir pour que cessent les atteintes aux droits de l'homme et s'assurer de la tenue d'élections respectueuses de la démocratie.

La France a des relations fortes avec la Turquie. Le Gouvernement entend-il agir pour que le processus de paix reprenne, seule solution politique viable ?

M. Simon Sutour.  - Très bonne question !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - J'exprime d'abord la solidarité du Gouvernement aux victimes du terrible attentat de samedi. La Turquie est un acteur très important de la région. Les élections législatives doivent s'y dérouler dans des conditions apaisées et démocratiques.

Nous avons élaboré un plan d'action pour l'aider à surmonter la crise migratoire, à accueillir les réfugiés - dont certains ne sont pas dans des camps. Nous le pousserons à reprendre les négociations avec les Kurdes.

Mme Patricia Schillinger .  - Le rapport dit des cinq présidents évoque peu l'Europe sociale. La crédibilité de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire repose pourtant sur le développement de son pilier social. Son objectif doit être de faire converger vers le haut les droits sociaux et de lutter contre le dumping. Le discours du président Juncker sur l'état de l'Union européenne et le congrès de la Confédération européenne des syndicats ont tracé la voie à suivre. L'année prochaine doit être l'occasion de progresser sur le socle commun des droits sociaux, le principe « à travail égal, salaire égal », le renforcement du CDI comme contrat de droit commun et le rôle des syndicats dans la gouvernance des entreprises.

L'Union européenne, nous en sommes convaincus, doit s'investir pour remédier aux effets sociaux de la crise, tracer les perspectives d'une protection durable des droits. Comment la France va-t-elle s'engager dans ce processus ? Quelles mesures concrètes pourront être mises en place rapidement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Pour l'heure, l'Union économique et monétaire a beaucoup fonctionné sur la coordination budgétaire et financière. Nous pensons, nous, qu'il faut aller vers plus de convergence économique, fiscale et sociale : salaire minimum, portabilité des droits, dialogue entre partenaires sociaux - délaissé depuis Delors. Nous avons soutenu les paquets fiscaux proposés en mars et juin 2015 et défendions une approche ambitieuse en matière fiscale - assiette commune de l'impôt sur les sociétés, directive TTF, renforcement des échanges entre les administrations fiscales, promotion de la transparence, lutte contre l'optimisation fiscale agressive. Nous le faisons aussi au sein de l'OCDE.

M. Pascal Allizard .  - Des drames humains se multiplient en Méditerranée. Nos armées sont à l'oeuvre : un de nos patrouilleurs a sauvé près de 500 personnes le mois dernier. Quelle est exactement la contribution de la France à l'opération Sofia ? Était-il judicieux que Bruxelles donne publiquement la date de l'intervention des marines européennes ?

Les migrants sont sous la domination des passeurs en mer mais aussi à terre. La Méditerranée n'est plus la seule voie d'entrée en Europe. Et la situation est tendue sur le sol français ; à Calais, la Paf et la justice manquent de moyens.

Sans un renforcement de la coopération au travers d'Europol et d'Eurojust, nous ne réussirons pas notre combat contre les réseaux de passeurs.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - L'opération Sofia détient un mandat de l'ONU pour intervenir en haute mer ; la France y contribue avec un navire, un avion, un personnel d'expertise et un vice-amiral au centre de commandement de Rome. Nous travaillons à New York pour obtenir l'autorisation pour elle, avec l'accord des autorités de Libye, d'entrer dans les eaux territoriales de ce pays. Quoi qu'il en soit, cette opération marque un grand progrès ; c'est une étape vers de futurs garde-côtes européens.

M. Simon Sutour .  - Depuis le traité de Lisbonne, les parlements nationaux ont vu leur droit de regard renforcé. Le Sénat fait vivre chaque jour ces nouvelles possibilités. Mais les crises successives récentes ont montré que les parlements nationaux devaient être mieux associés encore à la politique européenne. Le président Juncker l'a reconnu dans son discours sur l'état de l'Union.

Il faut faire plus si nous voulons que les citoyens adhèrent à l'Union européenne : plus de contrôle démocratique aux niveaux national et européen et un parlement de la zone euro. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Effectivement, le président de la République défend l'idée d'un parlement de la zone euro. Pour ma part, je suis convaincu de sa nécessité depuis longtemps. D'abord parce que l'existence de l'euro a un impact sur les budgets que les parlements nationaux votent. Ensuite, parce que des mesures comme le plan d'aide à la Grèce doivent recevoir l'aval des parlements nationaux. Cela renforcera la dynamique d'appropriation de l'Europe.

Mme Pascale Gruny .  - La crise migratoire fait vaciller l'Europe de Schengen. Certains États membres ont même érigé des clôtures, telle la Hongrie. Le principe de Schengen est la levée des frontières intérieures parce qu'il y a un contrôle aux frontières extérieures.

Le président de la commission européenne a annoncé la création de hot spots en Italie et en Grèce. Pourront-ils absorber l'afflux des 5 000 à 6 000 migrants quotidiens ?

Quelle part prendra la France dans le renforcement de Frontex et des autres agences européennes ? L'Europe doit rester fidèle à sa tradition humanitaire, et assurer la protection internationale de ceux qui en font la demande, mais elle ne peut pas accueillir tout le monde. Comment sont examinées les demandes d'asile ? Comment seront raccompagnés les déboutés ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Les demandes d'asile seront examinées par les agents de Frontex, des membres du Bureau européen de l'asile -  installé à Malte  - ainsi que par les experts techniques dépêchés par les États membres et les autorités nationales elles-mêmes. Les centres hot spots devront être nombreux pour traiter les demandes.

Ce n'est pourtant qu'une des réponses à la crise migratoire avec le plan d'action négociée, avec la Turquie, la lutte contre les passeurs et l'aide aux pays d'accueil des réfugiés.

Mme Christine Prunaud .  - On assiste à l'escalade de la violence entre Israël et la Palestine. Le 30 septembre, le drapeau palestinien a été élevé pour la première fois, devant l'ONU ; reste à respecter les droits de l'homme et les conventions internationales, sans laisser un chèque en blanc à M. Netanyahou. Qu'attend l'Union européenne pour dénoncer l'accord d'association avec Israël ? En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat ont demandé la reconnaissance de l'État palestinien. Quand cessera-t-on de transiger ? La Palestine doit être placée sous protection internationale.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Depuis des mois, Laurent Fabius alerte sur la situation explosive en Israël et en Palestine. Le Gouvernement condamne toutes les violences, de part et d'autre, l'assassinat de civils israéliens comme la violation des droits des Palestiniens. Nous continuons de croire en la solution de deux États et d'y travailler. Fin septembre, le quartet s'est réuni en formation élargie avec les pays arabes ; 3 000 actions prioritaires sont conduites sur place et nous maintenons notre soutien collectif à la réconciliation en Palestine.

M. Jean Bizet .  - Merci au ministre de sa disponibilité.

Les flux migratoires risquent de durer très longtemps, cinq ou sept ans peut-être, si j'en crois les déclarations du directeur exécutif de Frontex et du chef de la mission sur les migrations internationales. L'Europe a, pour reprendre l'expression d'Hubert Haenel, l'ancien président de notre commission, « des racines judéo-chrétiennes » et elle pourrait s'en trouver transformée. Il faut anticiper. Les moyens financiers devront être à la hauteur. Je suis relativement sceptique sur la politique de retour, même si elle est nécessaire.

L'Union européenne et la France souhaitent bien sûr le maintien du Royaume-Uni en son sein : c'est son intérêt et le nôtre. M. Cameron, je veux le croire, poursuit l'objectif d'améliorer la gouvernance de l'Union européenne d'une manière générale et non pour l'intérêt de son seul pays.

Réformer l'Union économique et monétaire est une urgence, car les distorsions de concurrence actuelles menacent la stabilité et la cohésion de l'union. Nous en débattons depuis trop longtemps : il est temps de passer aux actes. Je suis inquiet que l'Allemagne ne partage pas ce sentiment d'urgence.

Merci encore pour ce dialogue, monsieur le ministre.

La séance est suspendue à 20 h 45.

La séance reprend à 22 h 15.

Protection de l'enfant (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

ARTICLE 5 ED

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le chapitre III du titre IV du livre V du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 543-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 543-3.  -  Lorsqu'un enfant est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, l'allocation mentionnée à l'article L. 543-1 ou l'allocation différentielle mentionnée à l'article L. 543-2 due au titre d'un enfant confié en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil, est versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu'à la majorité de l'enfant ou, le cas échéant, jusqu'à son émancipation. À cette date, le pécule est attribué et versé à l'enfant.

« Pour l'application de la condition de ressources, la situation de la famille continue d'être appréciée en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance.

« La ou les sommes indûment versées à la caisse des dépôts et consignations sont restituées par cette dernière à l'organisme débiteur des prestations familiales. »

II.  -  Le I est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.

III.  -  Le présent article est applicable à l'allocation de rentrée scolaire due à compter de la rentrée scolaire 2016.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cette disposition, adoptée par l'Assemblée nationale, part d'un constat : les ruptures qui émaillent la vie des jeunes de l'ASE et particulièrement celle entre la sortie de l'ASE et l'entrée dans l'âge d'adulte. Souvent, ils l'abordent sans un sou, avec des situations familiales délicates, voire pas de famille. Souvent peu diplômés et sans emploi, leur démarrage est encore plus difficile que celui des autres jeunes.

Dans les articles précédents, nous avons cherché pour eux un accompagnement renforcé ; là, nous les dotons d'un pécule. Si les allocations familiales peuvent être versées à la famille ou au département, l'allocation de rentrée scolaire ne peut l'être qu'à la famille. Cet amendement autorise à la verser sur un compte de dépôt, afin que le jeune soit doté d'un pécule en devenant adulte. Cette disposition est certes très innovante mais la situation nous appelle à innover.

M. le président.  - Amendement identique n°43, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Claire-Lise Campion.  - Je précise que les allocations familiales seront toujours versées au département ou à la famille.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission des affaires sociales est défavorable à cet amendement, estimant qu'il s'agit d'un dévoiement et que les moyens manquent. Pour ma part, je suis favorable à cette nouveauté qui fait suite à la concertation avec les anciens de l'ASE.

Mme Catherine Deroche.  - M. Béchu et moi-même avons déposé en 2013 une proposition de loi qui clarifiait les choses, afin que les allocations familiales soient systématiquement versées au département quand l'enfant était confié à l'ASE. Idem pour l'allocation de rentrée scolaire. Un pécule ? Pourquoi pas, mais les départements continueront, eux, à assumer les charges liées à la rentrée scolaire. Notre groupe votera contre cet amendement.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos37 et 43 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°15 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 120
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 5 ED est adopté.

L'article 5 E est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 10, première phrase

Supprimer le mot :

annuels

L'amendement de coordination n°54, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Kern et Canevet, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère, Gabouty, Morisset et Pierre, Mme Férat, MM. Chasseing, Détraigne et Commeinhes, Mme Lopez, MM. Houpert et Longeot, Mme Billon, MM. L. Hervé, Lasserre et Luche, Mme Gatel, MM. Danesi, J.L. Dupont, Cigolotti, Laménie et Pellevat et Mme Deromedi.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

Mme Élisabeth Doineau.  - Les lois de décentralisation font du département le chef de file de la protection de l'enfance. Un référentiel approuvé par décret définissant le contenu du projet pour l'enfant aboutirait à une compétence liée du président du conseil départemental. Une loi n'est pas un recueil de bonnes pratiques.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 12

Après le mot :

contenu

insérer le mot :

minimal

Mme Hermeline Malherbe.  - Si le Gouvernement peut fixer le contenu minimal du projet pour l'enfant, il doit laisser une marge de manoeuvre aux départements. Certes, l'équité doit être garantie sur tout le territoire, Mme la ministre l'a dit, mais il faut pouvoir adapter le référentiel aux réalités locales.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission est favorable à l'amendement de suppression n°19 rectifié bis. Quant à moi, je comprends mal cet avis. Si cette proposition de loi a une colonne vertébrale, l'article premier, son ADN, est le projet pour l'enfant. Celui qui est confié à l'ASE est dans un parcours ; c'est en partie sur son projet que les services doivent être mobilisés pour le faire grandir.

Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié, car le référentiel ne définira pas exhaustivement le projet pour l'enfant.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Pourquoi supprimer cet alinéa ? Le projet pour l'enfant était une mesure majeure de la loi de 2007 mais moins d'un tiers des enfants confiés à l'ASE en font aujourd'hui l'objet, preuve que les départements manquent d'outils. La France n'aime pas les référentiels, contrairement au Québec. Nous pouvons, pourtant, nous inspirer des exemples étrangers. L'objectif est bien que les deux tiers, voire tous les enfants de l'ASE - belle ambition  - fassent l'objet d'un projet pour l'enfant.

Je veux bien que l'on ramène sans cesse le débat à la libre administration des collectivités territoriales, aux finances des départements et au taux de compensation par l'État, mais il peut être utile d'élargir parfois l'angle de vue ! Les élus départementaux de la majorité sénatoriale sont très allants à l'idée de participer au groupe de travail, à côté du groupe pluridisciplinaire et de l'Oned.

La question, très administrative, de la compétence liée n'a pas grand-chose à voir avec cette affaire.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Il y aurait d'un côté une grande ambition pour l'enfance, de l'autre le travail quotidien des départements ? Allons ! Les départements ne vous ont pas attendus pour avoir cette ambition.

Mme Nicole Bricq.  - C'est reparti.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Faites confiance aux présidents des conseils départementaux et ne dites pas que les considérations financières sont hors sujet ! Il n'est pas normal que des décisions nationales s'imposent aux départements sans compensation, que la solidarité nationale soit absente de ces débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je m'étonne de la philosophie de cet amendement. La décentralisation n'est pas la négation de l'État. Celui-ci est habilité à prendre des décrets édictant des règles dans toutes sortes de domaines ! Refuser cela, c'est comme dire que chaque collectivité territoriale pourrait édicter ses propres programmes scolaires. Aller dans cette direction, ce serait changer de régime. Votre argumentation pourrait mener très loin !

Mme Annie David.  - Je partage entièrement l'avis de M. Sueur sur la décentralisation et l'unicité de la République. La majorité parle sans cesse des difficultés financières des départements. Elles sont réelles, mais relèvent de la loi de finances ! Nous verrons comment chacun votera lors du débat budgétaire...

Il s'agit de traiter les problèmes de l'Aide sociale à l'enfance, qui sont réels ! Mme Dini était la première à le dire, qui est, avec Mme Meunier, à l'initiative de cette proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat en première lecture. Et Mme Dini, alors présidente de la commission des affaires sociales, était vice-présidente du conseil général du Rhône, dont Michel Mercier était le président, tous de votre parti, madame Doineau. Elle doit être désolée de ce qui se passe.

M. Georges Labazée.  - On va lui téléphoner. (Sourires)

M. Gérard Roche.  - Les compensations financières promises aux départements pour l'ASE n'ont jamais été versées : un an pour solde de tout compte ! Le travail de l'ASE est certes imparfait, mais on ne peut faire comme s'il n'existait pas.

Cela dit, la décentralisation n'est pas l'indépendance et, dans un domaine aussi important que celui de la protection de l'enfant, les règles doivent être nationales. J'ai été l'un des plus vindicatifs à l'ADF pour défendre les intérêts financiers des départements. Je me crois donc légitime à dire que ce débat ne doit pas être réduit aux questions budgétaires.

Nous sommes ici pour parler de l'enfant ! L'amendement n°11 rectifié de Mme Malherbe était malin : un référent national avec des adaptations locales.

M. Jean Desessard.  - Je serai bref : madame la ministre, votre argumentaire était complet, intelligent, brillantissime. (On ironise à droite)

Mme Laurence Cohen.  - De quoi parlons-nous ? D'un texte relatif aux compétences et aux finances des départements, ou à la protection de l'enfant ? Dans ce dernier domaine, il y a des marges de progrès, pourquoi vous sentir attaqués lorsque nous le disons ? Je constate moi-même ces dysfonctionnements dans ma pratique professionnelle.

S'il y a un consensus pour mettre fin à l'austérité, tant mieux. Mais un référentiel ne coûtera rien !

Mme Hermeline Malherbe.  - Je ne répèterai pas ce qu'a dit M. Roche. L'inquiétude des départements est réelle mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe. Je ne vois d'ailleurs pas en quoi le référentiel pèsera sur les finances départementales. Il nous aidera à réaliser des économies en « temps agent public » !

M. Alain Milon, président de la commission.  - La commission se désole du saucissonnage de la discussion des textes dont elle est chargée. Nous avons repris nos travaux à 22 h 15 au lieu de 21 h 30. Que la présidence sache notre insatisfaction. (Applaudissements sur tous les bancs)

Si la décentralisation donne des compétences aux collectivités territoriales, il est du devoir de l'État de veiller à ce que tous les enfants de France soient protégés. Il n'est ici question que d'un référentiel, sans incidence financière, afin que le projet pour l'emploi soit mis en oeuvre dans tous les départements. Je vous demande de ne pas voter ces amendements.

Mme Élisabeth Doineau.  - Je ne suis pas opposée au projet pour l'emploi, qui existe dans mon propre département, mais cette proposition de loi prévoit tant de décrets que j'ai eu le sentiment que les départements se trouvaient dépossédés. Je retire mon amendement, mais j'invite à faire confiance aux départements. D'ailleurs, des contrôles existent. (Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État, le conteste)

L'amendement n°19 rectifié bis est retiré, ainsi que l'amendement n°11 rectifié.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 223-1-2.  -  Lorsque l'enfant, accueilli au service de l'aide sociale à l'enfance, est confié à une personne physique ou morale, une liste des actes usuels de l'autorité parentale que cette personne ne peut pas accomplir, au nom de ce service, sans lui en référer préalablement est annexée au projet pour l'enfant.

II.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

, en fonction de leur importance

Mme Claire-Lise Campion.  - Dans un souci de simplification, nous inversons la logique en fixant une liste des actes qui ne peuvent pas être accomplis sans en référer au service.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable de la commission.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Même avis, la rédaction proposée est plus efficace.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - La commission des lois n'est pas de cet avis, car l'amendement remet en cause une rédaction adoptée en première lecture et validée par les députés. Surtout, une liste négative ne lève pas les incertitudes ; le risque est grand que les services continuent d'en référer à l'ASE... Soit la situation actuelle à laquelle nous voulions précisément porter remède.

Certes, avec une liste positive, il restera des actes qui ne seront inscrits sur aucune liste : alors, on pourra raisonner par analogie ou saisir l'ASE.

Il s'agit seulement de ne pas soumettre au même régime d'autorisation la décision d'envoyer un enfant en classe de neige ou de lui acheter une nouvelle chemise.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - M. Pillet fait la loi ! (Sourires)

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 6 BIS

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - L'article 6 bis impose au juge aux affaires familiales de motiver spécialement sa décision lorsqu'il décide que le droit de visite du parent qui n'a pas la garde de l'enfant ne peut s'exercer que dans un espace de rencontre. La situation visée est celle où « il existe un contexte de violence entre les parents ».

Or, aux termes de l'article 373-2-9 du code civil, le juge aux affaires familiales ne peut imposer le recours à un tel espace de rencontre que « lorsque l'intérêt de l'enfant le commande ». Cette incise impose d'ores et déjà au juge aux affaires familiales de motiver sa décision.

D'une manière générale, à force de prévoir de telles motivations spéciales, on finira par penser que le juge n'est pas tenu de motiver sa décision lorsque la loi ne le prévoit pas expressément ! Les mentions inutiles affaiblissent les mentions nécessaires, disait Montesquieu...

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

Mme Michelle Meunier, rapporteure  - La commission a suivi l'argumentation de M. Pillet. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement qui supprime une disposition inspirée par le drame de Nantes, quand un travailleur social a été poignardé. La présence d'un tiers peut occasionner des tensions, il est bon que le juge la motive spécialement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Les juges prescrivent de plus en plus, étonnamment, des visites médiatisées, qui pèsent lourdement sur l'activité des travailleurs sociaux. Cet article est donc favorable aux finances départementales... Pas plus que les enfants, les travailleurs sociaux ne voient toujours le but de ces visites et se trouvent parfois agressés. À Nantes, l'un d'entre eux a été assassiné par un père. Samedi dernier, c'est une éducatrice qui a été agressée. Il faut déjà convaincre l'enfant de replonger dans cette violence, dont on ne voit pas en quoi ce serait réparateur de quoi que ce soit. Imaginez dans quel état on retrouve ensuite le gamin traumatisé par cette violence, le temps qu'il faut pour le ramener.

Mon but, c'est que les travailleurs sociaux sachent pourquoi le juge a imposé telles visites médiatisées -  et que ce dernier soit contraint de se poser la question et ne puisse se contenter d?un copié-collé.

Défavorable à l'amendement.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 6 bis est supprimé.

ARTICLE 6 TER

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi cet article :

La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 375-7 du code civil est ainsi modifiée :

1° Le mot : « décider » est remplacé par les mots : « , par décision spécialement motivée, imposer » ;

2° Après le mot : « tiers », sont insérés les mots : « qu'il désigne lorsque l'enfant est confié à une personne ou ».

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement supprime à l'article 6 ter la précision selon laquelle la suspension provisoire de tout ou partie de l'exercice du droit de correspondance ou du droit de visite et d'hébergement des parents de l'enfant placé peut « notamment » être prononcée par le juge « dans les situations de violences commises par l'un des parents sur la personne de l'autre parent ou de l'enfant ». Il n'y a aucune raison de mentionner ces situations attentatoires à l'intérêt de l'enfant plutôt que d'autres.

Il supprime également le renvoi de la fixation des modalités d'organisation de la visite en présence d'un tiers à un décret. Je ne m'opposerai pas, cependant, au sous-amendement du Gouvernement, sous réserve d'une légère rectification.

M. le président.  - Sous-amendement n°57 rectifié à l'amendement n° 4 de M. Pillet , au nom de la commission des lois, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 4

Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le quatrième alinéa de l'article 375-7 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les modalités de fonctionnement de la visite en présence d'un tiers sont précisées par décret en Conseil d'État. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Texte même.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Je préfèrerais « modalités d'organisation ».

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - C'est mieux !

M. le président.  - Ce sera donc le sous-amendement n°57 rectifié bis.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Annie David.  - Je comprends mal. L'amendement n°4, en tout cas celui inséré dans la liasse, remplace le mot « décision » par « décision spécialement motivée », une expression que vous refusiez à l'instant. Nous avons besoin d'être éclairés...

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Dans ce cas, une décision spécialement motivée se justifie, de même qu'un décret en Conseil d'État. D'où notre accord sur le sous-amendement du Gouvernement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Si la motivation spéciale n'est pas requise pour le juge aux affaires familiales, elle l'est, en revanche, pour le juge des enfants, est-ce clair ?

Le sous-amendement n°57 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°4, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'article 6 ter, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 QUATER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au premier alinéa de l'article 378-1 du code civil, après le mot « délictueux, », sont insérés les mots : « notamment lorsque l'enfant est témoin de pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre ».

Mme Claire-Lise Campion.  - S'agissant de la liste des comportements prévue par l'article 378-1 du code civil, il importe de mentionner les cas dans lesquels l'enfant est témoin de violences exercées par l'un de ses parents sur la personne de l'autre.

Il est également nécessaire d'assurer une bonne cohérence avec le 6° de l'article 373-2-11 du code civil qui prévoit que « les pressions et violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre » sont à prendre en considération lorsque le juge aux affaires familiales se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

M. François Pillet, rapporteur pour avis - Cet amendement n'est pas de nature rédactionnelle. L'exposition à des violences conjugales justifie déjà un retrait de l'autorité parentale puisque les violences conjugales sont un délit, et non pas une contravention de 5e classe.

Pis, cet amendement pourrait entretenir une confusion entre les circonstances fixées à l'article L. 378-1 du code civil, conduisant à un retrait de l'autorité parentale et celles fixées à l'article L. 373-2-11, conduisant à un simple aménagement de l'autorité parentale. J'ajoute que le terme de pression est inconnu dans le droit pénal ou civil. Ne créons pas des troubles dans le droit qui pourraient donner lieu à un développement jurisprudentiel intempestif, contraire à vos intentions.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission des affaires sociales a suivi la commission des lois. Cependant, les violences conjugales entraînent un véritable traumatisme chez l'enfant. Des spécialistes comme Maurice Berger et Muriel Salmona l'ont démontré. À titre personnel, je voterai l'amendement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable à cet amendement. L'usage de stupéfiants, qui est tout aussi délictueux, est mentionné dans la loi comme circonstance du retrait de l'autorité parentale.

Les juges utilisent d'ailleurs peu cette possibilité, il faut la leur rappeler. Le juge Durand le dit bien : violenter la mère - car c'est elle qui subit souvent la violence - c'est violenter l'enfant.

Mme Annie David.  - Le terme de « pression » n'est pas inconnu du code civil. Il figure à l'article L. 373-2-11.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Que c'est dur de lutter contre les violences faites aux femmes !

L'article 6 quater demeure supprimé.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. Retailleau, D. Robert, Savary et Mandelli.

Supprimer cet article.

M. Jean-Noël Cardoux.  - L'obligation faite au président du conseil départemental de mettre en place une commission pluridisciplinaire pour examiner d'une part, les situations des enfants de moins de deux ans tous les six mois et d'autre part, celle des enfants présentant un risque de délaissement parental est une usine à gaz. Cela entraînera une « asphyxie des services »

Et les services de l'ASE demanderont des effectifs supplémentaires. Bel exemple d'alourdissement des charges des départements !

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Néanmoins, avis favorable de la commission. Heureusement, des départements ont déjà mis en place ces commissions pluridisciplinaires. Ne faut-il pas, comme le dit le proverbe, tout un village pour éduquer un enfant ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cette commission pluridisciplinaire concerne seulement deux catégories d'enfants : les enfants de moins de deux ans et ceux qui, pris en charge depuis plus d'un an, présentent un risque de délaissement parental. Sans avoir les statistiques en tête, c'est loin de concerner la majorité des enfants. Avis défavorable.

L'amendement n°27 rectifié est adopté.

L'article 7 est supprimé.

Les amendements nos52 et 8 rectifié deviennent sans objet.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Kern et Canevet, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Gabouty, Mme Férat, MM. Morisset, Pierre, Chasseing, Détraigne et Commeinhes, Mme Lopez, MM. Houpert, Longeot et L. Hervé, Mme Billon, MM. Lasserre et Luche, Mme Gatel, MM. Danesi, J.L. Dupont, Cigolotti, Laménie et Pellevat et Mme Deromedi.

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Élisabeth Doineau.  - La discussion sur le référentiel a eu lieu. Je retire cet amendement et le suivant.

Les amendements nos20 rectifié bis et 21 rectifié bis sont retirés.

L'article 9 est adopté.

Les articles 11, 11 bis et 11 ter sont successivement adoptés.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement recouvre un débat de fond sur l'adoption. Cet article rend l'adoption simple quasiment irrévocable durant la minorité de l'adopté. Désormais, seul le ministère public pourrait demander sa révocation.

L'adoption simple est très peu utilisée pour les mineurs. Elle fait l'objet de peu de demandes de révocation et encore moins de jugement de révocation. Dans la plupart des cas, et ils sont rares, la demande est formulée par l'adoptant, non par la famille d'origine, dans des cas de violence notamment.

Cet article risque d'avoir un effet contreproductif : le nombre d'adoptants va se réduire, l'adoption devenant irrévocable. Mieux vaut un grand texte sur l'adoption.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Cette fois-ci, la commission des affaires sociales n'a pas suivi la commission des lois. Nous voulons sécuriser l'adoption et offrir à l'enfant un avenir de long terme. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Les dernières statistiques datent de 2009 : il y avait eu alors 1 291 adoptions simples. Tous les rapports depuis 2008 soulignent que la faible attractivité de l'adoption simple s'explique par sa révocabilité. Essayons de lever les freins puisque le nombre de cas est limité.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Vous avez un espoir ; moi, j'ai une crainte qui ne se vérifiera que dans deux ou trois ans. Il faudrait revoir tout le système de l'adoption, ce sera l'occasion de légiférer sur la Kafala et le parrainage.

M. Georges Labazée.  - Je suivrai la commission des affaires sociales. Le Conseil supérieur de l'adoption est en mesure de fournir quantité d'éléments sur l'adoption, y compris l'adoption simple. (Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État, le nie) L'outil existe, même s'il est actuellement bloqué, à cause de la nomination de personnes qualifiées.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout en appréciant le travail de mon collègue Pillet, je souscris, pour cet amendement, à l'avis de la commission des affaires sociales. Dans les associations qui regroupent des familles adoptantes, on craint une révocation trop facile. Maintenons cet article, mais seulement à l'initiative du ministère public. La révocation, les allers et retours, sont extrêmement traumatisants pour l'enfant.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 13 BIS

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au début du deuxième alinéa, sont insérés les mots : « Lorsque ce projet de vie est celui d'une adoption, » ;

L'amendement de coordination n°55, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 13 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cette disposition s'inspire, sans la reprendre exactement, de celle que l'Assemblée nationale a adoptée dans le cadre de la proposition de loi relative à l'autorité parentale. Outre que ces deux rédactions entreraient en conflit, il n'est pas de bonne méthode de nous lier ainsi, alors que ladite proposition de loi n'a pas encore été inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - L'avis de la commission est favorable, le mien défavorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Aujourd'hui, l'audition de l'enfant est de droit si la demande en est faite, l'article en fait une obligation.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Cayeux et MM. Frassa et Cantegrit.

Alinéas 2 et 3

Rétablir les II et III dans la rédaction suivante :

II.  -  Dans les situations visées au I et lorsque le fait générateur est antérieur à la date d'application de la présente loi, le 1° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales est applicable pour la fraction des droits qui excède ceux qui auraient été dus si le I du présent article avait été en vigueur à la date du fait générateur.

III.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Milon.  - Il est proposé de supprimer le paragraphe II au motif qu'il crée une inégalité de traitement entre les contribuables qui ont payé les droits de succession et ceux qui ne les ont pas payés. Mais cette suppression rétablirait l'égalité entre les deux situations en créant une inégalité encore plus importante, selon que le fait générateur des droits - le décès de l'adoptant du mineur - aura lieu avant ou après la date d'application de la loi. Nous le corrigeons.

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Daniel Raoul.  - La France a déjà été condamnée à cause de cette inégalité de traitement. D'où cet amendement de repli, par rapport à celui que je présenterai ensuite.

M. le président.  - Amendement identique n°15 rectifié ter, présenté par MM. Houpert, Bonnecarrère et Cambon, Mmes Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Commeinhes, Frassa, Lenoir et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Robert et Vaspart, Mme Loisier, MM. Leleux, Vasselle, de Raincourt, Revet, Pellevat et Longuet, Mme Deromedi et M. Lefèvre.

M. Alain Houpert.  - Dans cet hémicycle, Victor Hugo s'est opposé au baron Thénard sur le travail des enfants. Son combat a donné lieu au chef d'oeuvre que nous connaissons tous, Les Misérables.

Que l'adoption soit simple ou plénière, l'amour des parents est égal. Reconnaissons-le en évitant aux enfants qui ont fait l'objet d'une adoption simple la mort sociale qui les guette, puisqu'ils sont fiscalement considérés comme des tiers au moment de la succession. Ce qui différenciait les enfants Thénardier de Cosette, c'est l'amour de Jean Valjean !

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 2 et 3

Rétablir les II et III dans la rédaction suivante :

II.  -  Pour les droits de succession dont le fait générateur est antérieur à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, et par dérogation à l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, l'administration procède, à la demande du contribuable, à la remise des droits restés impayés, pour la partie qui excède les droits qui auraient été dus si le I du présent article avait été en vigueur à la date du fait générateur.

III.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Daniel Raoul.  - Sans m'engager dans la littérature du XIXe siècle, je tiens à préciser que le Défenseur des droits soutient ces propositions pour mettre fin à une discrimination. Actuellement, un enfant, adopté simple, mineur au moment de la succession, peut être conduit à payer des droits de succession qui le ruinent.

Je le retirerai pour ne défendre que l'autre.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'amendement risque d'être censuré pour la bonne raison qu'il est rétroactif. De plus, il n'a sa place que dans une loi de finances. Avis défavorable.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cette argumentation vaut pour l'amendement n°13 rectifié, non pour les amendements identiques nos2 rectifié, 14 rectifié et 15 rectifié ter qui s'en tiennent à des remises gracieuses.

M. Daniel Raoul.  - Le professeur de droit constitutionnel que j'ai consulté m'avait assuré qu'il n'y avait pas de problème de rétroactivité.

L'amendement n°13 rectifié est retiré.

Les amendements nos2 rectifié, 14 rectifié et 15 rectifié ter sont adoptés.

L'article 16, modifié, est adopté.

ARTICLE 17 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 388-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative, l'administrateur ad hoc désigné en application du premier alinéa du présent article doit être indépendant de la personne morale ou physique à laquelle le mineur est confié, le cas échéant. »

Mme Claire-Lise Campion.  - L'article L. 388-2 du code civil prévoit que lorsque, dans une procédure judiciaire, les intérêts d'un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le juge chargé de l'instance désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter.

Cet amendement assure l'indépendance de l'administrateur ad hoc en prévoyant que celui-ci doit être indépendant de la personne physique ou morale à laquelle le mineur est confié dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative. Ce n'est non par défiance envers les services de l'ASE, mais pour protéger l'enfant.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement présuppose un conflit d'intérêt. Faut-il que l'ASE soit écartée quand les parents, par exemple, refusent un départ en classe de neige ?

Problème pratique, les associations sont souvent liées au département. Où trouve-t-on des administrateurs ad hoc indépendants ? Faisons confiance au juge. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°45 est adopté et l'article 17 est ainsi rétabli.

L'article 17 bis A demeure supprimé.

Les articles 17 bis et 17 ter sont successivement adoptés.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 381-1.  -  Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cet article concerne les situations de délaissement de l'enfant. Tout le monde connaît l'histoire de la carte postale : il suffit que le parent en envoie une par an pour que le juge considère que le parent exerce son autorité parentale. D'où cet amendement qui facilitera le constat du délaissement tout en protégeant les parents qui auraient été empêchés d'exercer leur autorité.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - L'exception de l'empêchement, trop large, risque d'entraîner d'abondantes interprétations jurisprudentielles.

Tenons-nous en à la version de la commission des affaires sociales, identique à celle adoptée par le Sénat en première lecture.

L'amendement n°41 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6, deuxième phrase

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

de neuf mois

Mme Laurence Cohen.  - Cet amendement impose un délai de 9 mois aux tribunaux de grande instance pour statuer sur la demande de déclaration judiciaire de délaissement, plutôt que d'un an.

Ce délai est justifié par la nécessité de rendre une justice efficace dans l'intérêt de l'enfant et des familles tout en tenant compte des contraintes temporelles du juge.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Rejet car le délai d'un an est cohérent avec l'article L. 381-1.

Un enfant est considéré délaissé quand les parents ne se sont pas manifestés pendant un an.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Il y a effectivement un problème d'adéquation entre les délais.

L'amendement n°30 est retiré.

L'article 18, modifié, est adopté.

ARTICLE 21 BIS A

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

Remplacer les mots :

, soit par le tiers auquel l'enfant a été confié en vertu de l'article 375-3

par les mots :

, soit par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance auquel l'enfant est confié

Mme Claire-Lise Campion.  - L'objectif de l'amendement est de réserver au service de l'aide sociale à l'enfance l'action en retrait d'autorité parentale.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Actuellement, peuvent exercer l'action en retrait de l'autorité parentale le procureur de la République, les membres de la famille de l'enfant et son tuteur. Nous avons souhaité étendre cette faculté au tiers auquel l'enfant a été confié.

Cet amendement est plus restrictif car seul l'ASE serait visée. Il est aussi plus large, puisqu'il ne précise pas si l'enfant doit avoir été confié à l'ASE en vertu de l'article 375-3 du code civil, en dehors de toute procédure d'assistance éducative, par les parents eux-mêmes. Dans ce dernier cas, il serait paradoxal de donner à l'ASE intérêt à agir, alors que les parents conserveraient le droit de lui retirer l'enfant à tout moment, rendant ainsi son action irrecevable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

M. Claude Kern.  - C'est le président du conseil départemental, et non l'un de ses services, qui devrait être mentionné. Cela ne changerait-il pas tout ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Sur le principe, vous avez tout à fait raison. Cependant, l'ASE est citée partout dans le code.

L'amendement n°48 est adopté.

L'article 21 bis A, modifié, est adopté.

ARTICLE 21 BIS

Mme Claudine Lepage .  - Cet article prévoit la possibilité pour un enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française ou confié à un service de l'ASE de demander la nationalité française.

En première lecture, j'avais proposé l'octroi de la nationalité après un délai de deux ans, quel que soit le lieu où l'enfant, recueilli par des ressortissants français, est effectivement élevé par ceux-ci. À l'Assemblée nationale, ce délai a été porté à trois ans de sorte que l'accès à la nationalité française ne devienne pas, pour les mineurs entrés tardivement sur le territoire, plus facile que l'accès à un titre de séjour.

Mme Meunier a poursuivi ce travail en commission pour lutter contre le trafic d'enfants. Je me réjouis que nous soyons parvenus à une rédaction finale palliant tout risque de détournement et ouvrant à tous les enfants nationaux de pays ne connaissant que cette procédure spécifique de recueil, et non l'adoption, la possibilité de demander la nationalité française.

L'article 21 bis est adopté.

L'article 21 ter A demeure supprimé.

ARTICLE 21 TER

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 388 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation tendant à la détermination de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse ou à partir du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »

Mme Laurence Cohen.  - Le 12 mai 2015, un amendement a été adopté pour encadrer la pratique des tests osseux pour déterminer la minorité d'un jeune étranger isolé. De nombreuses instances ont dit leur réticence, voire leur opposition à cette pratique peu fiable et contraire aux engagements internationaux de la France ; un appel à son interdiction a été signé par 12 000 personnes, médecins, avocats, parlementaires écologistes, communistes et socialistes.

J'en appelle à la conscience de chacun. À Paris, tous les mineurs isolés étrangers sont accueillis, sans recours à ces tests d'un autre âge.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En cas de doute sur son âge, l'évaluation de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse. » ;

2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Celui-ci » est remplacé par les mots : « L'administrateur ad hoc ».

Mme Annie David.  - Même logique. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) recommandait en 2014 de mettre fin à l'évaluation de l'âge à partir d'un examen osseux, des parties génitales, du système pileux ou de la dentition. Je ne comprends pas que ces tests figurent encore dans le texte.

Les tests osseux comportent une marge d'erreur, surtout après 16 ans, alors que l'enjeu est essentiel. Mettons un terme à ces pratiques humiliantes. N'ai-je pas entendu parler cet après-midi d'améliorer les conditions d'accueil des étrangers ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission. Discutables, les tests osseux entrent cependant dans un faisceau d'indices et la rédaction ne prévoit de les pratiquer qu'après avis de l'intéressé et sur décision de justice.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le sujet est sensible. Les tests osseux ne sont pas entièrement fiables, c'est vrai, mais la HAS et l'Académie de médecine ne les récusent pas pour autant, à condition que la marge d'erreur soit prise en compte et les résultats croisés avec d'autres modes d'évaluation médicale. Aucun pays n'interdit ces tests, et le Conseil de l'Europe ne les a pas rejetés. L'article les encadre strictement : ils ne peuvent être ordonnés que par un juge, faute de documents d'identité valables, lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable et avec l'accord de l'intéressé. La marge d'erreur est précisée et le doute profite à l'intéressé. C'est déjà une grande avancée. De plus, l'article interdit le recours aux examens pubertaires. Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - J'espérais que nous passerions plus de temps sur ce sujet que sur les moyens des conseils généraux... Je reconnais l'effort d'encadrement du Gouvernement, mais pour le groupe CRC, c'est une question de principe. Des experts, des personnalités de sensibilité politique différente, dont le défenseur des droits Jacques Toubon, reconnaissent tous que la marge d'erreur est de 18 mois à deux ans. Sans fiabilité, autant supprimer ces tests.

D'ailleurs, qu'est-ce que cette mesure a à faire dans cette proposition de loi ? Drôle de coïncidence au moment où nous venons de terminer le débat sur le droit des étrangers...

M. Jean Desessard.  - Mme Cohen a été claire, je voterai son amendement.

Mme Evelyne Yonnet.  - Je voterai cet amendement, comme je l'ai fait à l'occasion du projet de loi relatif au droit des étrangers.

Mme Hermeline Malherbe.  - Le fait que l'intéressé soit majeur n'empêche pas une prise en charge... Je suivrai la commission.

Mme Annie David.  - Si l'enfant est mineur, il est confié à l'ASE ; s'il est majeur, il peut être renvoyé dans son pays. J'ai des exemples de lycéens renvoyés en cours d'année scolaire. Cela fait une sacrée différence... Il est inhumain de procéder ainsi, d'autant que ces tests ne sont pas fiables.

M. Jacques Legendre.  - Certains semblent écarter le recours à un test scientifique, peut-être légèrement imparfait, pour permettre que des jeunes qui n'ont pas vocation à rester en France ne soient pas reconduits chez eux. Nous ne pouvons les suivre.

L'amendement n°31 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs isolés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs ne peuvent être placés en rétention par l'autorité administrative. Cette prohibition ne souffre d'aucune exception. »

Mme Laurence Cohen.  - Par l'arrêt Popov, en juin 2012, la CEDH a condamné la violation par la France des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. En vain, car les placements de mineurs étrangers en rétention n'ont pas cessé ; ils ont simplement diminué depuis la circulaire de 2012. Cette pratique est inacceptable.

Cette évolution, d'ailleurs, n'a pas cours à Mayotte, considéré comme un territoire d'exception, où 5 582 mineurs sont retenus sur les 6 592 retenus en France. Cet amendement y met bon ordre.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Sensible à ces arguments, la commission souhaite entendre le Gouvernement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Si certaines questions sont apparues dans ce texte au moment où le projet de loi sur le droit des étrangers est examiné, n'y voyez aucune intention... Le calendrier parlementaire des deux assemblées a ses mystères, y compris pour nous.

Le placement de mineurs en rétention n'est possible que dans deux cas, celui où la famille s'est soustraite de toutes les manières possible à l'éloignement ou lorsqu'elle doit prendre un avion tôt le matin. Faudrait-il qu'ils dorment dans une voiture de police ? Les familles ne sont retenues que dans des centres dotées de chambres isolées et adaptées. L'amendement est largement satisfait. Retrait.

Mme Laurence Cohen.  - Nous maintenons l'amendement par principe. Aucune famille ne doit être placée en rétention.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je comprends les raisons de Mme Cohen, mais je regrette que l'on tire argument de la situation à Mayotte sans s'y intéresser vraiment. La moitié des reconduits à la frontière, en France, concernent Mayotte ! Un droit dérogatoire est indispensable pour faire cesser cette pression migratoire insensée.

Je m'oppose donc farouchement à cet amendement et j'invite le Sénat à faire de même.

M. Jacques Legendre.  - Très bien.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 21 ter est adopté.

ARTICLE 22

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, si cette personne a sur le mineur une autorité de droit ou de fait

II.  -  Alinéa 7

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 3° Son tuteur ou la personne disposant à son égard d'une délégation totale ou partielle d'autorité parentale ;

III.  -  Alinéa 8

1° Après les mots :

le conjoint

insérer les mots :

ou l'ancien conjoint

2° Après les mots :

le concubin

insérer les mots :

ou l'ancien concubin

3° Remplacer (deux fois) la référence :

par la référence :

4° Après les mots :

le partenaire

insérer les mots :

ou l'ancien partenaire

IV.  -  Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

, si cette personne a sur le mineur une autorité de droit ou de fait

V.  -  Alinéa 15

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

3° Son tuteur ou la personne disposant à son égard d'une délégation totale ou partielle d'autorité parentale ;

VI.  -  Alinéa 16

1° Après les mots :

le conjoint

insérer les mots :

ou l'ancien conjoint

2° Après les mots :

le concubin

insérer les mots :

ou l'ancien concubin

3° Remplacer (deux fois) la référence :

par la référence :

4° Après les mots :

le partenaire

insérer les mots :

ou l'ancien partenaire

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Vous regrettez que la définition légale de l'inceste ne corresponde pas à son image sociétale ni à la définition implicite du code civil, mais le droit pénal est autonome. Il est nécessaire de rétablir la notion d'autorité de fait. L'inceste entre frère et soeur sans violence ni contrainte est un inceste dans la représentation sociétale mais pas au sens du code pénal.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéas 8 et 16

Remplacer (deux fois) les références :

1° à 2°

par les références :

1° et 2°

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - L'amendement n°56 est de précision. Avis défavorable de la commission à l'amendement du Gouvernement, avis favorable à titre personnel.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Tenant compte des travaux des députés, nous acceptons de traiter ici de l'inceste. Notre souci est double : en donner une définition qui corresponde à l'idée que s'en fait la société, et éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.

La rédaction du Gouvernement empêcherait que l'agression d'un frère sur sa soeur ainée soit considérée comme un inceste ; inversement, on qualifierait d'incestueuse une agression commise par une personne à qui a été confiée l'autorité parentale, même sans lien familial aucun. La difficulté devient insurmontable dans le cas d'un mineur confié à l'ASE qui serait abusé par un travailleur social : l'agression serait considérée comme un inceste... En mentionnant les ex-conjoints ou ex-concubins, on ouvre la possibilité qu'une personne soit condamnée pour un inceste sur un enfant de son ancien conjoint ou compagnon né après la séparation...

En droit pénal, il faut veiller à ce que les incriminations correspondent à l'idée que s'en font les victimes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je soutiens la position de M. Pillet. Avec la rédaction du Gouvernement, ce qui est appelé inceste entre un frère et une soeur ne pourrait plus être qualifiée ainsi. Le lien familial doit être pris en compte le plus rigoureusement possible.

La rédaction du Sénat, qui est le fruit des travaux de nos deux commissions, apporte les précisions nécessaires sur le périmètre de l'inceste, répondant ainsi aux motifs de la censure du Conseil constitutionnel. En la retenant, nous pourrions enfin inscrire l'inceste dans le code pénal.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°50 est mis aux voix par scrutin public :

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°16 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 1
Contre 316

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°56.

L'amendement n°56 est adopté.

L'article 22, modifié, est adopté.

Les articles 22 bis, 22 ter et 22 quater A sont successivement adoptés.

ARTICLE 22 QUATER

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer les mots :

fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements

par les mots :

évalue les capacités d'accueil de ces mineurs de chaque département

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement remplace la fixation d'objectifs d'accueil de mineurs isolés étrangers par une évaluation des « capacités d'accueil » de chaque département, sans modifier la clé de répartition proposée, fondée sur des critères démographiques. Dans son arrêt du 30 janvier 2015, le Conseil d'État se fondait sur la même notion.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable de la commission. L'évaluation des capacités d'accueil serait sans effet si elle ne conduisait pas à des objectifs de répartition. La décision d'orientation appartient de toute façon au juge, en fonction de l'intérêt de l'enfant. À titre personnel, je suis défavorable à l'amendement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - C'est un dispositif de solidarité entre départements que nous promouvons, sans ôter au juge sa responsabilité. Nous n'avons pas besoin d'une évaluation des capacités d'accueil, mais d'objectifs de répartition.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

1° Deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et d'éloignement géographique

2° Dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les modalités d'application du présent article, notamment les conditions d'évaluation de la situation de ces mineurs, et la prise en compte de la situation particulière des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, sont définies par décret en Conseil d'État.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Mme la garde des Sceaux a mis en place en 2013 un nouveau système d'accueil des mineurs isolés, dont ont été exclus les DOM et les collectivités d'outremer pour éviter des déracinements traumatisants. Comment envoyer un enfant de Mayotte en Bretagne ou un enfant de Martinique à Marseille ? J'ai pris l'attache du ministère de la justice et y ai trouvé une grande écoute. Mon amendement remet ces territoires dans le droit commun tout en protégeant les enfants d'un éloignement excessif.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Favorable à cet amendement de bon sens.

L'amendement n°22 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié bis, présenté par M. Luche, Mme Doineau, MM. Détraigne et Pozzo di Borgo, Mmes Gatel, Morin-Desailly et Loisier, M. Cigolotti, Mme Goy-Chavent, M. Longeot, Mme Billon et M. Guerriau.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

II.  -  Est institué, à compter de 2015, un prélèvement sur les recettes de l'État au bénéfice des départements.

Le montant de ce prélèvement est égal aux dépenses contractées par les départements au cours de l'année précédant la répartition au titre de la mise à l'abri, de l'évaluation de la situation et d'orientation des jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers, déduction faite des charges déjà assumées par l'État. Il comprend également la prise en charge des mineurs isolés étrangers au sein des établissements et services relevant du 1° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles lorsque le coût de celle-ci excède un seuil fixé par arrêté interministériel.

Ce montant est réparti entre les départements en proportion des dépenses engagées à ce titre.

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent II.

III.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Élisabeth Doineau.  - Qu'il faille mieux répartir les mineurs étrangers isolés entre départements, cela se comprend. Mais tous les départements n'ont pas les moyens nécessaires, l'État se bornant à financer les cinq premiers jours d'accueil et d'évaluation... La prise en charge de ces jeunes pèse lourdement sur les finances de certains départements, alors même qu'il s'agit d'une mission régalienne. Aussi cet amendement crée-t-il un prélèvement sur recettes couvrant la prise en charge des mineurs isolés étrangers accueillis au sein des services de l'ASE.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Pour la prise en charge des mineurs étrangers isolés, les relations financières entre l'État et les conseils départementaux sont réglées par le protocole de mai 2013. En outre, cette mesure n'a pas sa place ici. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le traitement ici réservé aux mineurs étrangers isolés serait contraire aux valeurs de la République. Les enfants doivent être protégés, quelle que soit leur nationalité. L'article 40 pourrait en outre être invoqué à bon droit...

L'amendement n°28 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 22 quater, modifié, est adopté.

L'article 22 quinquies est adopté.

L'article 23 demeure supprimé.

Interventions sur l'ensemble

Mme Claire-Lise Campion .  - Cette proposition de loi entend offrir aux enfants relevant de l'ASE une vie plus stable. Merci à Mme Meunier d'en avoir pris l'initiative et à Mme la ministre de son engagement. Garantir les droits des enfants et leur donner un avenir, tel est le sens de cette réforme.

Si les objectifs sont partagés, nous ne nous sommes pas accordés sur les moyens. Même si nous regrettons la suppression de plusieurs mesures utiles, nous voterons ce texte.

Mme Élisabeth Doineau .  - L'intention de Mmes Meunier et Dini était louable : améliorer les politiques publiques de la protection de l'enfance. Mais le texte a beaucoup évolué depuis la première lecture, la situation des départements aussi : les dispositifs sont saturés, les services débordés. Nous attendons d'une réforme qu'elle nous offre les moyens financiers et humains de mieux accompagner ces enfants. J'ai donc pris mes ciseaux et proposé la suppression de dispositions qui compliquaient encore le travail des éducateurs et travailleurs sociaux, notre patrouille de France : chaque jour, il faut qu'ils soient meilleurs que la veille...

M. le président.  - Concluez.

Mme Élisabeth Doineau.  - Un nouveau conseil national n'eût servi à rien. L'UDI-UC votera le texte issu de nos travaux.

Mme Laurence Cohen .  - Notre débat s'est d'abord focalisé sur le manque de moyens des collectivités territoriales. J'espère que vous serez nombreux à voter les recettes que nous proposerons en loi de finances...

Nous regrettons que la majorité sénatoriale ait rejeté la création du Conseil national de la protection de l'enfance, tout comme l'accompagnement des enfants de 18 ans en fin d'année scolaire. De même, les tests osseux, d'un autre âge, n'avaient pas leur place ici.

En première lecture, le texte avait été adopté à l'unanimité. Cette fois le groupe CRC ne peut l'approuver ; il s'abstiendra.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Sous la présidence de Mme David, la commission des affaires sociales avait chargé Mmes Meunier et Dini de réfléchir aux évolutions de l'ASE. Leur rapport, adopté à l'unanimité, a donné lieu à la proposition de loi de Mme Meunier étudiée dans le cadre d'une niche du groupe socialiste. L'examen en première lecture, déjà, fut chaotique : commencé en décentre 2014, puis repris fin janvier pour aboutir en mars 2015.

L'Assemblée nationale a fait son travail, le texte est passé de 16 articles à 50 articles. Pour une fois, les députés n'ont pas si mal travaillé - je le dis par provocation... (Sourires) À mon sens, ce texte améliore sensiblement la loi de 2007. Merci à tous d'avoir participé à son examen.

Mme Hermeline Malherbe .  - Sur les apports de l'Assemblée nationale, la concertation a donné lieu à d'intéressantes discussions en commission des affaires sociales. Je ne m'appesantis pas sur les conditions d'examen de ce texte en deuxième lecture. Nous pensons d'abord aux jeunes, aux professionnels qui interviennent auprès d'eux, à ceux de l'ASE comme aux autres. Le texte comporte nombre d'éléments positifs. Le groupe RDSE le votera.

M. Jean Desessard .  - Malgré le vote de certains amendements, le groupe écologiste votera ce texte en saluant le travail de Mmes Dini et Meunier.

M. Jean-Noël Cardoux .  - Le président de la commission des affaires sociales a bien fait de recadrer les choses. Les objectifs que le groupe Les Républicains s'était fixés en commençant cette deuxième lecture ont été atteints, sans que le texte en soit dénaturé. Nous le voterons. Nous avons oeuvré pour la protection de l'enfance.

Mme Michelle Meunier, rapporteure .  - Au fond, c'était comme une naissance : on oublie aisément les douleurs de l'accouchement... Nous n'aurions pas abouti sans le soutien de la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Merci de votre intérêt pour cette proposition de loi et, particulièrement, au rapporteur pour avis de la commission des lois et au président de la commission des affaires sociales (Applaudissements)

L'ensemble de la proposition de loi, modifié, est adopté.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - À mon tour de remercier la Haute assemblée et plus particulièrement les auteurs de cette proposition de loi. Mme Dini a suivi le parcours du texte, elle a été associée au comité de pilotage et a validé les évolutions intervenues à l'Assemblée nationale.

Merci aux deux rapporteurs, au président de la commission des affaires sociales pour sa présence utile et apaisante tout au long de ce débat.

Un regret, que le calendrier de cette semaine n'ait pas été le plus favorable pour un examen apaisé de ce texte.

Certains ont voulu pousser un cri d'alarme pour les départements qui, parfois, a couvert le cri d'alarme des enfants et des professionnels de la protection de l'enfance. Il n'y a aucune suspicion à l'égard des départements, il s'agit au contraire de faciliter leur travail. Je regrette la disparition du pécule pour les jeunes devenus adultes et du maintien de la scolarité durant l'année des 18 ans.

La concertation a permis de faire entendre la voix de ceux qu'on entend peu, je veux me faire leur porte-parole, celle aussi des mineurs eux-mêmes et de leur famille.

Le travail n'est pas fini, je ne désespère pas de vous convaincre (Applaudissements)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 14 octobre 2015, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 25.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 14 octobre 2015

Séance publique

À 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac - M. Bruno Gilles

1. Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 25, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 26, 2015-2016).

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, pris par décision II/1 adoptée dans le cadre de la deuxième réunion des Parties à la convention.

Rapport de M. Cédric Perrin, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 27, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 28, 2015-2016).

- Projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (Procédure accélérée).

Rapport de M. Gilbert Roger, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 23, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 24, 2015-2016).

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes (Procédure accélérée).

Rapport de M. Michel Vaspart, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 16, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 17, 2015-2016).

3. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission spéciale (n° 37, 2015-2016).

Texte de la commission spéciale (n° 38, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 13 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :331

Pour :176

Contre :155

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 29

Abstentions : 9 - MM. Olivier Cigolotti, Yves Détraigne, Jean-Marc Gabouty, Mmes Nathalie Goulet, Sophie Joissains, Chantal Jouanno, Anne-Catherine Loisier, MM. Gérard Roche, Henri Tandonnet

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Bernard Delcros, Mme Jacqueline Gourault, M. Nuihau Laurey, Mme Lana Tetuanui

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro, Alex Türk

Abstentions : 3 - MM. Jean Louis Masson, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 14 sur l'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 5 EA de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :187

Contre :156

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

Contre : 1 - M. Daniel Chasseing

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 15 sur l'amendement n° 37, présenté par le Gouvernement et l'amendement n  43, présenté par Mme Claire-Lise Campion et les membres du groupe socialiste et républicain, à l'article 5 ED de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :323

Pour :120

Contre :203

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 41

Abstention : 1 - M. Gérard Roche

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 16 sur l'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, à l'article 22 de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :317

Pour :1

Contre :316

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 1 - Mme Michelle Meunier

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Contre : 1 - M. Gilbert Barbier

Abstentions : 16

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier