Accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté (Procédure accélérée). Je suis heureux de vous voir, madame la ministre, à nouveau parmi nous.
Pour des raisons techniques, je suis contraint de suspendre la séance quelques instants.
La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 10.
M. le président. - Je salue la présence dans nos tribunes de M. Gaël Yanno, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, assemblée législative à part entière qui a le pouvoir de voter les lois du pays et de M. Roch Wamytan, grand chef coutumier, président du groupe UC-FLNKS au Congrès de Nouvelle-Calédonie, qui a été l'un des principaux signataires de l'accord de Nouméa et continue à jouer un rôle de premier plan dans la préparation de la sortie de cet accord.
La Nouvelle-Calédonie s'est engagée depuis les accords de Matignon, puis de Nouméa, dans un processus institutionnel inédit dont l'échéance sera le referendum d'autodétermination qui devrait avoir lieu d'ici 2018.
Les modalités d'élaboration de la liste des citoyens appelés à y participer doivent être fixées et stabilisées. Une réunion exceptionnelle du comité des signataires de l'accord de Nouméa, au début de ce mois, a abouti à un accord faisant l'unanimité. J'avais rencontré les différentes délégations participant aux travaux de ce comité et je me réjouis de cet accord.
Il est très important que, dans cette période charnière, le Sénat prenne toute sa part dans la préparation de l'avenir que les Calédoniens se choisiront. C'est pourquoi j'ai souhaité, au-delà de ce texte, la création d'un groupe de contact et de suivi, que je présiderai, composé de 17 membres désignés de manière à assurer la représentation proportionnelle de l'ensemble des groupes politiques de notre assemblée.
Discussion générale
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer . - Nous sommes dans une phase cruciale de sortie du processus de Nouméa. Le Gouvernement, partenaire impartial, mais actif, mettra en oeuvre toutes les conditions pour que la consultation prévue, si importante pour l'avenir du territoire, se déroule de manière incontestable et incontestée.
Nous avons tous en mémoire les évènements des décennies quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Les échéances prévues doivent se dérouler de la manière la plus paisible possible.
Aimé Césaire disait que les accords de Matignon étaient « une victoire sur soi, la plus grande victoire, sur nos forces intimes, sur le ressentiment, sur la violence ». Tout cela est surmonté à présent et je me félicite du bon esprit qui a présidé à l'élaboration du texte qui vous est soumis.
Il a été déposé par le Gouvernement en avril dernier pour tenir compte des conclusions du comité des signataires du 3 octobre 2014.
Il élargit d'une part les possibilités d'inscription d'office sur la liste électorale pour la consultation, dès lors que les intéressés remplissent les conditions fixées à l'article 218 de la loi organique du 19 mars 1999, afin de les dispenser de démarches et formalités, lorsque cela est juridiquement et matériellement possible.
Il a également pour objet d'améliorer le fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées d'établir la liste électorale pour la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté et de procéder à la révision annuelle de la liste électorale pour les provinciales.
À la suite de l'avis négatif émis par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement s'était engagé à une série de consultations afin d'identifier les amendements proposés susceptibles de réunir un large accord entre les partenaires calédoniens.
Compte tenu des tensions constatées sur place, notamment à l'occasion de la visite du président de l'Assemblée nationale, le Premier ministre a répondu positivement à la demande de réunion d'un comité de signataires exceptionnel. Il s'est tenu le 5 juin dernier. Exceptionnel, il le fut à plus d'un titre, par son objet, sa durée - douze heures - et par la nature de ses conclusions. Je salue le rôle constructif joué par chacun, indépendantiste ou non, et en particulier celui du sénateur Pierre Frogier.
Le dialogue a été franc, sincère, animé par la conviction qu'une nouvelle solution politique pouvait être trouvée, qu'une nouvelle impulsion politique pouvait être donnée.
La procédure d'inscription d'office sur les listes électorales a été ainsi élargie au plus grand nombre de Calédoniens possibles - soit près de 80 % des résidents de l'île, qui n'auront aucune démarche individuelle à effectuer. Le rôle de l'administration consistera à assurer la constitution des dossiers et à les transmettre aux commissions électorales compétentes. Le fonctionnement des commissions administratives spéciales a été facilité ; en réponse à une demande forte, une personnalité qualifiée indépendante officiera comme observateur et leurs travaux seront ainsi incontestables.
Le comité des signataires a aussi abordé la question sensible des listes électorales provinciales, qui ont donné lieu à de nombreux contentieux. Faisant preuve de responsabilité, les partenaires calédoniens ont pris acte de la nécessité politique de surmonter leurs divergences de vue et de régler ce litige avant le prochain comité des signataires qui se tiendra à l'automne 2015.
Des experts de confiance seront mandatés pour évaluer quantitativement le litige électoral, dans le strict respect de l'anonymat des personnes concernées vis-à-vis des tiers, et de formuler des propositions avant la tenue du prochain comité des signataires en automne 2015.
Le comité des signataires fera date dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Pour la première fois, les préoccupations de chaque partenaire ont été reconnues comme légitimes. L'État s'est réaffirmé, par la voix du Premier ministre, comme un acteur pleinement engagé du processus, à équidistance des autres parties.
Certains ont évoqué, à propos de ce qui s'est passé le vendredi 5 juin 2015, un « petit miracle ». Croyants ou non, ne laissons pas retomber le soufflé de cette unanimité et entretenons-en l'esprit. Le Gouvernement a élaboré quatre amendements, adoptés à l'unanimité en commission des lois, ce dont je me félicite. Je remercie d'ailleurs le président Bas.
Le Gouvernement a souhaité laisser ouverte la discussion sur certains sujets. Il n'a pas voulu prendre le risque de fragiliser le compromis. Mme Tasca, qui connaît très bien la complexité du dossier, peut le comprendre. D'autres textes seront présentés lors de cette législature et notamment une proposition de loi organique portée par les élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Sans doute pourra-t-elle s'inspirer de son amendement.
L'examen et l'adoption de ce projet de loi pose la première pierre d'un chantier qui ne s'achèvera pas avant 2018. La République sera au rendez-vous. Comme l'a dit François Hollande au centre Jean-Marie Tjibaou de Nouméa le 17 novembre 2014, l'État assumera pleinement ses responsabilités en préparant de manière non partisane la sortie de l'Accord de Nouméa.
Nous avons besoin de tous les acteurs pour bâtir ensemble l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi organique le rend possible. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois . - Je salue à mon tour la présence dans les tribunes de MM. Gaël Yanno et Roch Wamytan et je tiens à saluer aussi Pierre Frogier, dont les éclairages ont été précieux au travail de la commission des lois.
Ce texte est le fruit d'une longue histoire, commencée par la violence et le deuil, surmontés par les accords de Matignon, signés le 26 juin 1988, eux-mêmes suivis par de nombreuses discussions, jusqu'aux accords de Nouméa de 1998, lesquels ont engagé un nouveau processus, allant jusqu'aux années qui viennent, prévoyant un premier référendum au plus tard en 2019.
La Constitution a ensuite été révisée le 20 juillet 1998 et une loi organique, le 19 mars 1999, en a prolongé les effets, rendant applicables les articles 76 et 77 de notre loi fondamentale.
Cette situation laisse entiers de nombreux problèmes. D'abord, l'élaboration des listes électorales. Comment, en effet, apprécier les liens qui attachent à la Nouvelle-Calédonie les citoyens appelés à participer à la consultation ? Deux points sont hors de doute, car ils ont fait l'objet d'un accord politique établi de longue date : d'une part, les électeurs admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 pourront prendre part à la consultation à venir ; d'autre part, les électeurs relevant du statut civil coutumier, et inscrits à ce titre sur les fichiers informatiques correspondants, pourront ainsi prendre part au vote. Une base certaine est ainsi fournie au référendum. Mais au-delà, l'inscription automatique de ces électeurs est un élément de simplicité.
D'autres questions ont envenimé le débat politique ces dernières années. Comment apprécier la notion d'intérêts matériels et moraux ? Qui inscrire d'office sur la liste électorale spéciale ? Ce projet de loi organique en fixe les conditions, ainsi que le rôle des commissions administratives spéciales et celui des experts chargés de les contrôler.
Le texte initial du projet de loi organique a conduit le Conseil d'État à émettre de nombreuses réserves. Non que le nombre d'inscriptions en litige risquait d'être élevé, mais pour des raisons de principe, dès lors que l'inscription d'office valait reconnaissance d'identité calédonienne... car tel est bien l'enjeu au fond.
Je regrette que le consensus n'ait pas été atteint plus tôt. La rédaction initiale du projet de loi organique a avivé de nombreuses tensions, telles celles qui se sont manifestées lors de la récente visite du président de l'Assemblée nationale, lorsque 10 000 Calédoniens ont exprimé leur mécontentement. Je tiens à souligner à nouveau le rôle joué par Pierre Frogier dans l'apaisement de ces tensions.
La tenue du comité des signataires le 5 juin dernier a heureusement permis de trouver un accord : les électeurs nés après le 1er janvier 1989 et inscrits sur la liste des assemblées de province et dont un parent a participé à la consultation de 1998 d'une part, et les natifs de Nouvelle-Calédonie inscrits sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales, d'autre part, seront présumés avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie, et seront donc inscrits d'office sur les listes.
Les amendements de précision du Gouvernement ont été intégralement adoptés par la commission des lois, en ce qu'ils validaient l'accord conclu le 5 juin. La commission des lois connaît bien la situation : le président Sueur s'était rendu avec plusieurs commissaires en Nouvelle-Calédonie l'année dernière et cette délégation nous a fournis les informations nécessaires.
Je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements)
Mme Catherine Tasca . - Ce projet de loi organique n'est pas seulement technique, il permettra aux Calédoniens d'appréhender sereinement leur avenir institutionnel, afin de faire un pas supplémentaire vers leur destin commun.
Il conclura, en 2018, sous l'actuel congrès de Nouvelle-Calédonie, un long processus enclenché par les accords de Matignon de 1988, signés par Michel Rocard et prolongé par les accords de 1998, sous l'égide du Premier ministre Jospin.
Nous rendant sur place avec la commission des lois, nous avons constaté l'état d'avancement du processus. Le Parlement, en particulier notre Haute Assemblée qui représente les collectivités territoriales, se doit d'y porter une attention particulière. Le destin de la Nouvelle-Calédonie intéresse la Nation tout entière.
La question posée avant 2019 sera claire : pour l'indépendance ou pour le maintien dans la République ?
Le Conseil d'État ayant émis de nombreuses réserves au texte proposé initialement le 26 mars dernier, un comité de signataires des accords de Nouméa s'est tenu début juin. Je veux ici saluer le travail de Pierre Frogier, l'engagement de M. Valls et l'implication de Mme le ministre Pau-Langevin. L'État a joué son rôle de tiers impartial.
Je veux aussi saluer le rôle joué par les interlocuteurs calédoniens du Gouvernement., notamment M. Paul Neaoutyine, président de l'association de la province du nord, du président du congrès, ainsi que du député Philippe Gomès. La volonté de conciliation a été extraordinaire.
L'issue qui se dessine émane ainsi des principaux intéressés, non d'en haut. Le projet de loi organique traite des formalités d'inscription sur les listes électorales spéciales. Le texte initial ne prévoyait que deux catégories d'électeurs d'office ; le Gouvernement a proposé par amendement d'élargir le corps électoral sur la base d'une double condition de naissance et d'inscription sur les listes régionales.
Ce texte comporte d'autres avancées : une personnalité qualifiée indépendante remplace le second magistrat au sein des commissions administratives spéciales. Le rôle des commissions administratives spéciales a également été précisé. Un comité d'experts sera chargé d'apprécier la notion d'intérêt matériel et moral. Si ce texte ne prévoit pas explicitement la parité entre indépendantistes et non-indépendantistes, le décret d'application de la loi en Conseil d'État devra y pourvoir.
Nous partageons le point de vue du président Bas. Nous avons néanmoins déposé un amendement restaurant la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes ; la vie chère est un problème majeur, une autorité de la concurrence est indispensable.
Il est temps de faire aboutir le dialogue. Donnons aux Calédoniens la possibilité de choisir leur avenir. Comme l'a dit le président de la République, personne ne le connait encore : aux Calédoniens de l'écrire. La République restera à leurs côtés pour trouver la voie la plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Aline Archimbaud . - Je salue à mon tour le président du congrès de Nouvelle-Calédonie, Gaël Yanno, et le grand chef coutumier Roch Wamytan.
J'ai regretté récemment le retard pris par les négociations, et fait savoir que le groupe écologiste serait attentif au respect de l'esprit des accords de Nouméa. C'est donc avec un soulagement que j'accueille le dépôt de ce projet de loi organique. Chaque acteur a eu la responsabilité de permettre le compromis.
Les amendements ont été adoptés, relatifs au rôle des commissions spéciales, en remplacement d'un magistrat par une personnalité qualifié sans voix délibérative et sur les nouvelles catégories d'électeurs. Tous les groupes politiques locaux ont été consultés.
La mise en oeuvre de ces mesures se fera, nous l'espérons dans un esprit d'apaisement.
À la représentation nationale de réfléchir dès à présent aux issues possibles d'une telle consultation et au futur modèle de développement.
Le groupe écologiste est soucieux de l'application des accords de 1998 car il sait à quel prix ils ont été obtenus. Nous voterons ce texte.
Mme Éliane Assassi . - Le projet de loi organique est une étape très importante dans le processus d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie : effectivement, ce n'est pas un texte technique.
Il constitue l'aboutissement d'un très long cheminement. Les accords de Matignon de 1988 ont mis fin à une situation quasi insurrectionnelle ; les accords de 1998 ont précisé le cadre du processus. Réuni en octobre 2013, le comité de signataires avait pour tâche de réformer les modalités du futur référendum, pour faciliter l'inscription sur les listes électorales et préciser le fonctionnement des commissions administratives chargées d'établir ces listes.
Le projet de loi organique adopté en Conseil des ministres a suscité le mécontentement, voire la colère des différentes parties. C'était prévisible, dès lors que, selon ce texte, seules les personnes de statut civil coutumier devaient être inscrites d'office sur les listes. Les ingrédients d'une nouvelle crise étaient dès lors réunis, dans un contexte de blocage politique local et de crispation identitaire. La question de la composition du corps électoral, en soulève une autre, de nature identitaire et fondamentale : celle d'une conception de la citoyenneté française qui n'est pas partagée par toute la population.
Il était donc décisif de rétablir un cap et le respect de certaines règles. Je tiens à saluer la méthode utilisée : une large concertation, qui a permis, le 5 juin, de préserver une paix civile fortement menacée. Élargissement du champ des inscrits d'office sur les listes électorales, adjonction d'une personnalité qualifiée indépendante aux commissions spéciales, pouvoir d'investigation du magistrat qui les préside... Tout cela allait dans le bon sens, et a satisfait tous les acteurs locaux, aussi bien l'UC-FLNKS, que le Palika, le Front pour l'unité, Calédonie Ensemble et tous leurs élus, qui représentent la population calédonienne dans sa diversité. Cet accord est devenu un bien commun. En voici donc la traduction législative.
Donnons la chance à tous les Calédoniens de se prononcer sur l'avenir de leur territoire en toute connaissance de cause. Quelques réserves que l'on puisse émettre, nous voterons ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements)
M. Guillaume Arnell . - Je salue à mon tour la présence du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Gaël Yanno, et du grand chef coutumier Rock Wamytan.
Le 5 mai 1998 était signé l'accord de Nouméa, qui ouvrait la voie à une paix durable, tout en reconnaissant les ombres de la période coloniale, « même si elle n'a pas été dépourvue de lumière », selon ses propres termes. Il permettait ainsi de réconcilier et de construire une société civile, préalable nécessaire à la fondation d'un État-Nation.
Prévoyant un référendum d'auto-détermination à l'horizon 2018, ce texte rappelait que « la décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d'établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps... ».
Nous voici à l'orée de ce référendum tant attendu, d'une importance cardinale, mais dont la simplicité peut être trompeuse. La France a reconnu le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette consultation s'inscrit précisément dans ce cadre. L'État doit accompagner ce processus, à la lumière des expériences historiques de décolonisations plus ou moins réussies, pour permettre aux Calédoniens de se prononcer, sans ingérence, dans le respect de l'esprit d'apaisement qui a prévalu depuis vingt-sept ans. Comme l'a souligné la présidente du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Cynthia Ligeard, devant l'Assemblée des Nations Unies le 8 octobre dernier, l'avenir de ce territoire ne se fera « ni les uns sans les autres, ni les uns contre les autres ».
Je salue la démarche du Gouvernement qui a permis à chacun d'exprimer son point de vue et de parvenir à l'accord.
La constitution du corps électoral fait débat depuis longtemps. Ce texte étend l'inscription d'office aux électeurs ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 et aux personnes relevant du statut coutumier : cela renforcera la fonction démocratique du processus, sans lequel il ne serait qu'un trompe-l'oeil.
La composition des commissions spéciales a été améliorée par l'adjonction d'une personnalité qualifiée sans voix délibérative - que le Gouvernement a accepté de substituer au second magistrat qu'il envisageait initialement - et les prérogatives de leur président ont été renforcées. De même, les missions de la commission consultative d'experts ont été précisées.
La Nouvelle-Calédonie va entrer à présent dans une phase politique difficile. « Les Néo-Calédoniens auront le dernier mot » a déclaré le président de la République. C'est la condition de la réussite.
Le groupe RDSE votera ce texte, dans l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements)
M. Joël Guerriau . - Je salue à mon tour MM. Gaël Yanno et Rock Wamytan. Ce projet de loi organique s'inscrit dans la continuité de la dernière réunion du comité des signataires du 5 juin 2015, qui a apaisé les tensions et répondu aux attentes des Calédoniens. Je salue l'action de M. Pierre Frogier qui a été déterminante pour l'organisation et le succès de cette réunion.
Il était nécessaire de préciser le corps électoral, de clarifier la notion ambiguë d'intérêts matériels et moraux, dont le centre doit être situé en Nouvelle-Calédonie pour décider de la première catégorie d'inscription d'office sur les listes électorales.
Depuis les tensions se sont estompées. L'inscription d'office sur les listes a été élargie à une nouvelle catégorie d'électeurs : les citoyens nés à compter du 1er janvier 1989 dont l'un de leurs parents répondait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.
Nous approuvons le fait qu'un plus grand nombre de Calédoniens puisse être dispensé de formalités d'inscription sur la liste électorale référendaire. Mais je suis conscient que la question des critères d'inscription d'office sur cette liste électorale spéciale risque de resurgir à mesure qu'on se rapproche de l'échéance de 2018.
Je salue la participation de l'Union Calédonienne, indépendantiste, jusque-là restée à l'écart du processus.
Je me félicite aussi du remplacement d'un second magistrat par une personnalité qualifiée indépendante. Il est bon aussi que le président des commissions administratives spéciales ne puisse plus exclure d'office certains dossiers. Le groupe d'experts devra être pluraliste.
Ce projet de loi organique encadre le processus électoral et en garantit le caractère incontestable. Nous veillerons à ce que le caractère consensuel de cette loi organique soit conservé et appliqué en Nouvelle-Calédonie.
Le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC, écologistes et du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre Frogier . - Je salue le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, Rock Wamytan, qui en 1998, président du FLNKS, a signé l'accord de Nouméa aux côtés de Jean-Marie Tjibaou avec Jacques Lafleur.
Je salue aussi le travail du comité des signataires du 5 juin 2015. Un compromis a été trouvé sur la nature du corps électoral et sur le contentieux lancinant des élections provinciales. L'État a aussi précisé sa feuille de route.
Le Gouvernement, avec ses amendements, a amélioré la version initiale de son texte. Mais que de temps perdu, que d'énergie dépensée en vain ! Depuis 2014, je demandais la réunion du comité des signataires. Il a fallu que des milliers de manifestants descendent dans les rues de Nouméa pour que le Gouvernement prenne conscience de cette situation délétère et je remercie le président de l'Assemblée nationale pour le rôle qu'il a joué.
Le Gouvernement s'est trop longtemps contenté de prendre acte des décisions de la Cour de cassation ou des avis du Conseil d'État, oubliant que les accords exprimaient une volonté politique. Les protagonistes se sont enfermés dans des débats techniques devenus dangereux.
Heureusement, le Gouvernement a changé de méthode et le comité des signataires a abouti à un accord satisfaisant. En même temps, le Premier ministre a précisé la feuille de route de l'État : un référendum aura lieu avant novembre 2018 à moins qu'un consensus ne se dégage. La question posée sera clairement celle de l'accès à la pleine souveraineté, c'est-à-dire à l'indépendance.
Il est temps que chacun prenne ses responsabilités. Certains privilégient le laisser faire et attendent le référendum. Parmi eux, les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République française escomptent une victoire en 2018 et pensent que les indépendantistes n'auront alors d'autres choix que de s'asseoir autour de la table. Ils se trompent : la sanction sera tombée, et le temps de la négociation sera passé. Le camp des laisser-faire réunit aussi les indépendantistes attachés à la lettre des accords plutôt que d'en faire vivre l'esprit. Ils prennent ainsi le risque de susciter de faux espoirs et de nouvelles frustrations.
À l'inverse, je suis de ceux qui croient au destin commun en devenir, et qui recherchent un nouveau consensus, démarche la plus sage, conforme à l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Le Premier ministre nous a placés devant nos responsabilités. Nous ne pouvons y échapper. Le référendum ne suffira pas. Le débat est nécessaire. Chacun doit faire un pas vers l'autre.
Nous devons déterminer notre propre voie, inventer notre avenir. Pour la renommée de la France dans le Pacifique. Pour être au rendez-vous des espoirs nés de la signature des accords par Michel Rocard, Jacques Lafeur et Jean-Marie Tjibaou. Pour saluer la détermination de Lionel Jospin à imposer la solution consensuelle de l'Accord de Nouméa. Pour honorer le discours du président Sarkozy en 2011. Pour que l'esprit du dernier comité des signataires, présidé par Manuel Valls, ne soit pas un espoir sans lendemain. Je vous appelle à oeuvrer aux conditions du consensus entre les forces politiques, afin de rendre possible ce qui est nécessaire. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Jean-Pierre Sueur . - En Nouvelle-Calédonie l'an passé, avec Mmes Tosca et Joissains, nous avons été frappés par la capacité des hommes et des femmes de l'archipel, à trouver des accords, malgré les tensions. En dépit de cette bonne volonté, nous étions toutefois sceptiques sur la possibilité de parvenir à un accord sur le corps électoral. Dans notre rapport pour la commission des lois, nous appelions à ne pas nous résigner. Le comité des signataires du 5 juin a débloqué la situation. Je salue les partenaires qui l'ont signé, et votre action madame la Ministre. Nous examinerons avec respect ce texte qui reprend les termes de cet accord.
L'amendement du groupe socialiste sur l'autorité de la concurrence vise à lutter contre la vie chère. Nous avons rencontré les organisations syndicales locales. Elles nous ont dit que les prochains affrontements ne porteraient plus sur la question institutionnelle, mais sur la question sociale. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Hyest . - Restons humbles. N'oublions pas la dureté des conflits. Certains les ont payés de leur vie ! Je ne rappellerai pas les vicissitudes de notre législation : la loi de 1999, la censure du Conseil constitutionnel, le recours au Congrès pour définir la citoyenneté électorale... Nous avons créé en Nouvelle-Calédonie une collectivité très spécifique.
Il faut se méfier de la jurisprudence. Il était nécessaire d'ouvrir le corps électoral. Les ouvertures apportées par le comité des signataires sont bienvenues. Ce texte est équilibré, cet accord apporte une solution, nous le voterons.
Au-delà des aspects techniques, il importe de prendre de la hauteur, pour appréhender l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il ne faudrait pas que celui-ci soit fondé sur l'échec de uns ou des autres. Je remercie Pierre Frogier de sa hauteur de vues. (Applaudissements)
M. Robert Laufoaulu . - Je suis très attaché à la Nouvelle-Calédonie où vit une forte communauté de Wallisiens et Futunasiens et où j'ai passé trente ans de ma vie. J'adresse aux habitants de Nouvelle-Calédonie mon salut fraternel et l'expression de mon admiration pour le chemin parcouru.
Impossible n'est pas français, disait Napoléon. Impossible n'est pas non plus calédonien. Qui aurait parié après les événements sanglants de 1984 sur la poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ? Qui aurait parié sur une définition consensuelle du corps électoral le 5 juin ? Un accord a été trouvé car nul ne souhaite que le sang coule à nouveau. Je soutiens pleinement ce texte qui apporte sa pierre à la construction de l'avenir partagé de la Nouvelle-Calédonie.
Certes des tensions perdurent qui m'angoissent quelquefois mais il y a assez d'hommes et de femmes de bonne volonté en Nouvelle-Calédonie pour trouver la voie de l'apaisement. L'État doit accompagner les Néo-Calédoniens avec impartialité. Je leur fais confiance pour construire leur avenir, résoudre les questions fondamentales.
Ce texte est une étape qui montre l'attachement de la Nouvelle-Calédonie à la France, laquelle montre qu'elle est une grande nation démocratique. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
M. le président. - Après cette discussion générale de haute tenue, je dois céder la présidence à M. Claude Bérit-Débat car je suis attendu avec M. Sueur à l'ambassade de Tunisie où j'exprimerai notre solidarité à l'égard du peuple tunisien, frappé une nouvelle fois par le terrorisme. Ayons aussi une pensée, en cet instant, pour les victimes de l'attentat perpétré en Isère.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Discussion des articles
Les articles 1 et 2 sont successivement adoptés.
ARTICLE 3
Mme Catherine Tasca . - L'article 3 crée une commission administrative d'experts pour apprécier les centres d'intérêts matériels et moraux. La nouvelle rédaction traduit fidèlement le contenu de l'accord du 5 juin. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie aura à se prononcer sur sa consultation. Les partenaires ont émis le souhait que sa composition soit paritaire, entre partisans de l'indépendance et ceux qui n'y sont pas favorables. Pourtant l'alinéa 4 ne le prévoit pas explicitement. Nous espérons que l'esprit de l'accord sera respecté.
L'article 3 est adopté ainsi que les articles 4 et 5.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 27-1 de la même loi, les mots : « tout autre emploi public » sont supprimés.
Mme Catherine Tasca. - La loi organique du 15 novembre 2013 autorise la Nouvelle-Calédonie à créer, dans les domaines relevant de la compétence de la loi du pays, des autorités administratives indépendantes. Or l'installation de l'autorité de la concurrence - réclamée sur le territoire et votée unanimement par le Parlement - n'a pu se réaliser car l'article premier de la loi organique du 15 novembre 2013 rend incompatible la fonction de membre d'une autorité administrative indépendante néo-calédonienne avec un emploi public. Cet état de fait va à contre-courant de la volonté qui était celle des partenaires calédoniens et du législateur en 2013.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La question de la vie chère est cruciale. Il est regrettable que la possibilité de créer une autorité de la concurrence ait été rendue impossible dans les faits. Il est temps d'agir. Quelles sont les intentions du Gouvernement à brève échéance ? Un projet de loi organique ? Une proposition de loi organique ? Pour une fois qui ne doit pas être coutume, la commission des lois serait favorable à la procédure accélérée.
Mme George Pau-Langevin, ministre. - Le Gouvernement est très attentif à cette question qui pourrait être traitée à l'occasion du texte à venir sur la Polynésie. Mais le Gouvernement souhaite que le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui traite seulement de la question institutionnelle.
Mme Catherine Tasca. - Je partage les arguments de M. Sueur et me félicite de l'avis du rapporteur. J'insiste sur l'urgence à agir. La Nouvelle-Calédonie ne peut plus attendre. Elle a besoin d'une autorité de la concurrence. Pouvez-vous m'assurer qu'un texte interviendra très prochainement ? Je veux un engagement de délai. Le renvoi de cette question à un texte sur la Polynésie m'inquiète.
Mme George Pau-Langevin, ministre. - Nous avons des projets importants pour janvier 2016 mais le Gouvernement soutiendrait une proposition de loi organique contenant la disposition que vous souhaitez.
L'amendement n°1 est retiré.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Tasca . - Cette question ne concerne pas que les Néo-Calédoniens mais toute la nation. La Nouvelle-Calédonie est petite, isolée, éloignée mais proche de nos coeurs. Je partage le souci de M. Frogier concernant son avenir mais je ne crois pas que le référendum de 2018 sera un obstacle. Le groupe socialiste et républicain votera ce texte avec enthousiasme et confiance
Mme Lana Tetuanui . - Quel heureux hasard que nous discutions de ce texte un 29 juin, jour de la fête de la Polynésie française ! Nos destins se rejoignent. L'outre-mer est une partie de la France. J'espère que ce projet de loi organique donnera des idées à certains de mes collègues polynésiens, notamment ceux qui vont à New-York. (Applaudissements)
Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°220 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 343 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements)
Mme George Pau-Langevin, ministre . - Merci à tous ceux qui ont participé à ce débat. Ce moment est important pour la Nouvelle-Calédonie. Merci aussi à MM. Frogier et Bas de s'être personnellement impliqués dans le récent accord, dont l'esprit, j'en suis sûre, continuera à souffler. Il reste beaucoup de travail pour parvenir à un accord global, mais le Gouvernement est aux côtés des partenaires pour que ce territoire soit assuré d'un avenir pacifié. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, mardi 30 juin 2015, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 heures 10.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques