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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Avis sur une nomination

Moratoire sur l'utilisation des armes de quatrième catégorie

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville

Hommage à une délégation du Parlement du Ghana

Moratoire sur l'utilisation des armes de quatrième catégorie (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Cécile Cukierman

M. François Fortassin

M. David Rachline

M. Claude Kern

M. Michel Delebarre

Mme Esther Benbassa

M. Mathieu Darnaud

Mme Nicole Duranton

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Antoine Lefèvre

ARTICLE 2

Débat sur le rétablissement de l'allocation équivalent retraite

M. Dominique Watrin, au nom du groupe CRC

M. François Fortassin

M. Jean-Marc Gabouty

Mme Brigitte Micouleau

M. Martial Bourquin

M. Jean Desessard

M. Michel Le Scouarnec

Mme Nicole Duranton

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Dépôt de rapports

Engagement de la procédure accélérée

Délégation (Candidature)

Saisine du Conseil national d'évaluation des normes

Discussion générale

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Mme Françoise Gatel

M. Rémy Pointereau

M. André Gattolin

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Yves Leconte

M. François Bonhomme

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Délégation (Nomination)

Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires

Discussion générale

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Joël Guerriau

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

Mme Leila Aïchi

Mme Michelle Demessine

M. Gilbert Barbier

M. David Rachline

M. Jacques Gautier

M. André Reichardt

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIIONNELS

ARTICLE 2

Interventions sur l'ensemble

Mme Leila Aïchi

M. Joël Guerriau

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. David Rachline

Ordre du jour du jeudi 21 mai 2015




SÉANCE

du mercredi 20 mai 2015

104e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Secrétaires : M. François Fortassin, Mme Valérie Létard.

La séance est ouverte à 14 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - Conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la commission des lois, lors de sa réunion du 19 mai 2015, n'a pas émis, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, un avis conforme (22 voix pour, 15 voix contre) sur le projet de nomination, par M. le président du Sénat, de M. Jean-Michel Lemoyne de Forges aux fonctions de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Moratoire sur l'utilisation des armes de quatrième catégorie

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi .  - Les problèmes soulevés par l'utilisation du Flash-Ball et du Taser par les forces de l'ordre deviennent de plus en plus évidents. Les tirs de ces armes ont des conséquences souvent dramatiques. C'est pourquoi notre groupe a déposé cette proposition de loi afin de réduire le nombre d'incidents dus à ces armes dites non létales. Ces armes sont souvent utilisées à des fins offensives pour disperser des attroupements ou des manifestations. Leur dangerosité est dénoncée par de nombreuses structures associatives et institutionnelles.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a recommandé de n'utiliser ces armes lors de manifestations sur la voie publique que dans des cas très exceptionnels définis strictement, soulignant leur imprécision et le caractère théorique des conseils d'utilisation. Le Défenseur des droits a fait des recommandations similaires.

Pour le Taser, la CNDS a constaté, dans son rapport de 2008 sur les événements du centre de rétention de Vincennes, que le dispositif d'enregistrement vidéo ne permettait pas de vérifier posteriori les circonstances dans lesquelles l'arme avait été utilisée. Le Comité contre la torture de l'ONU a relevé que la douleur aiguë provoquée par son usage pouvait être assimilé à une forme de torture. Une note interne de la préfecture de la police de Paris témoigne des risques pour les femmes enceintes et les malades cardiaques. De même, le Conseil d'État a souligné en septembre 2009 les risques pour les personnes ayant ingéré des stupéfiants ou de l'alcool ou portant des sondes ou des implants. Le groupe qui produit le Taser reconnaît lui-même les risques pour les personnes cardiaques. Le comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe a préconisé l'abandon de ces armes en détention.

Le 2 juin dernier, le tribunal de Bobigny a condamné, pour usage disproportionné de la force hors l'état de légitime défense, un policier qui avait blessé un lycéen de 17 ans.

Le ministère de l'intérieur, dans une réponse à une question écrite, appelle à privilégier la prévention de la délinquance et la lutte contre les violences, à éviter à chaque fois que c'est possible les situations justifiant l'utilisation des armes de force intermédiaire, à améliorer le lien de confiance entre la population et les forces de l'ordre.

Mais le nombre de tirs a augmenté de 65 % en trois ans... Pourcentage à mettre en perspective avec l'insuffisance des moyens de la police de proximité, qui favorise le recours plus fréquent à la force et la radicalisation des confrontations. La responsabilité de la droite est manifeste, qui a supprimé 12 000 postes de policiers et de gendarmes depuis 2007. Le présent gouvernement a à peine inversé la tendance et se repose de plus en plus sur les collectivités territoriales et le privé en matière de sécurité. Un engrenage dangereux est enclenché, notamment avec le surarmement des polices municipales. Le décret du 26 avril les autorise même à porter des 357 Magnum avec des munitions de calibre 38 spécial - excusez du peu... Nous pensons au contraire que la sécurité doit rester une mission régalienne de l'État, qu'il faut renationaliser les polices municipales et harmoniser les statuts, les formations et les salaires. Pour l'heure, on s'en remet davantage aux CRS, aux BAC ou aux GIR qu'à la police de proximité. Une lutte efficace contre le phénomène des bandes suppose de renforcer les actions de prévention et pédagogiques. Il est temps de retisser la confiance entre la police et la population, de mettre en place la police de proximité, de rétablir les commissariats au coeur des quartiers au lieu de surpeupler les prisons qui deviennent des écoles du crime.

La commission des lois a rejeté notre proposition de loi, prônant le statu quo tout en reconnaissant l'existence d'un problème. Le rapporteur a noté que la formation des policiers n'est pas suffisante. Ceux-ci peuvent exercer leur métier vingt-six mois sans formation... De plus, cette formation, théorique, ne s'opère que sur des cibles statiques... Le rapporteur relève également que le nombre maximum d'utilisations du Taser sur une même personne est fixé sans fondement médical... Fin 2010, quand un homme de 38 ans est décédé à Colombes après avoir reçu plusieurs décharges de Taser, les associations, mais aussi le Syndicat national des policiers municipaux ont réclamé un moratoire, considérant que cette arme n'était pas appropriée à leurs missions. Comme le dit un de leurs représentants : « on nous donne beaucoup mais on fait de moins en moins ou de moins en moins bien »...

Pour toutes ces raisons nous invitons le Sénat à voter notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois .  - Selon les auteurs de cette proposition de loi, les incidents liés notamment à l'utilisation du Flash-Ball superpro rendent nécessaire un moratoire.

Cette proposition de loi se réfère à une classification des armes obsolète. Une nouvelle classification en quatre lettres a remplacé la classification en huit catégories ; les armes de quatrième catégorie ont été pour l'essentiel classées en catégorie B mais la correspondance n'est pas parfaite. De plus, l'article premier qui instaure un moratoire est contradictoire avec l'article 2 qui encadre l'utilisation de ces armes.

En France, le recours à la force est conditionné à l'absolue nécessité et à une stricte condition de proportionnalité ; une gradation des moyens est prévue. L'utilisation des armes n'est autorisée que pour disperser un attroupement à la suite d'au moins deux sommations ; par exception, l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure prévoit que les représentants de la force publique peuvent faire directement usage de la force, sans sommation ni ordre exprès des autorités habilitées, uniquement lorsque des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent.

En-dehors des situations de maintien de l'ordre, les armes de force intermédiaire peuvent être utilisées lorsque l'emploi d'une arme s'avère nécessaire pour dissuader ou neutraliser une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui. Ce sont alors les dispositions pénales de droit commun relatives à la légitime défense et à l'état de nécessité qui s'appliquent. Dans ces situations, l'usage des armes de force intermédiaire évite le recours aux armes létales.

Avec l'article premier de cette proposition de loi, les forces de l'ordre n'auront d'autre choix que de céder le terrain ou d'aller au contact des manifestants... Conservons plutôt les moyens de riposte et de dissuasion que sont les armes de catégorie B. Le ministère de l'intérieur vient d'ailleurs de lancer un appel d'offres pour équiper les lanceurs LBD 40 de munitions de courte portée et de viseurs encore plus précis.

L'article 2 précise que le Flash-Ball et le Taser ne peuvent être utilisés par les forces de l'ordre que « dans des circonstances exceptionnelles où sont commises des violences ou des voies de fait d'une particulière gravité et constituant une menace directe contre leur intégrité physique ». Voilà qui est bien imprécis et ne peut s'apprécier qu'posteriori.

Pour ces raisons, la commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi. Mieux vaut améliorer la formation des policiers ou privilégier l'utilisation de munitions de courte portée.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville .  - Ces dernières années des polémiques médiatiques sont nées à la suite d'incidents liés à l'usage de ces armes. Le gouvernement entend en ces circonstances faire preuve de responsabilité.

M. Cazeneuve partage votre souci d'encadrer avec rigueur l'usage des armes par les forces de l'ordre. Chaque jour, celles-ci risquent leur vie pour protéger nos concitoyens et faire respecter les lois de la République. Quatre policiers ont été tués en 2014, 9 000 ont été blessés. La gendarmerie a perdu, elle, 3 gendarmes en opération. Cette année, 2 policiers ont été tués, et les blessés sont au nombre de 1 750 pour la police et 360 pour la gendarmerie. Les percussions volontaires, les embuscades, les agressions contre les forces de l'ordre se multiplient.

Le ministre de l'intérieur comprend les préoccupations des auteurs de la proposition de loi. L'utilisation de certaines armes de force intermédiaire a pu provoquer des accidents, il est normal qu'on se pose des questions.

Quelle est aujourd'hui la réglementation ? L'article L. 2332-1 du code de la défense soumet les entreprises qui fabriquent ces armes au contrôle de l'État. La détention et l'acquisition de ces armes de catégorie B sont soumises à autorisation, conformément à l'article L. 311-1 du code de la sécurité intérieure. Sur ce fondement, les Flash-Ball ou les Taser ne sont pas vendus à des particuliers. La proposition de loi qui interdit leur commercialisation et leur utilisation « par toute personne » est donc déjà satisfaite.

L'article D. 211-19 du code de la sécurité intérieure encadre en outre l'utilisation des Flash-Ball ou des Taser par les forces de l'ordre. Les premiers sont autorisés dans les opérations de maintien de l'ordre, pas les seconds. Ni les CRS ni les gendarmes mobiles ne sont équipés de Flash-Ball.

Leur usage est donc rigoureusement encadré. La proposition de loi réduirait l'éventail des réponses possibles et rendrait impossible la gradation de l'usage de la force. Les forces de l'ordre seraient alors soit dans l'impossibilité de riposter, de se protéger ou de protéger les tiers, soit contraintes d'utiliser des armes à feu.

Cette proposition de loi est ainsi contraire à la doctrine française de maintien de l'ordre qui vise à refuser le contact. Interdire ces armes exposerait les forces de l'ordre à des situations de violence et les mettrait dans des situations inextricables, les obligeant à utiliser des armes moins précises ou plus dangereuses, exposant ainsi les autres manifestants.

L'usage de ces armes est encadré : le danger doit être réel, la riposte n'est possible qu'en cas d'absolue nécessité et elle doit être proportionnée à la menace. Il faut faire confiance aux femmes et aux hommes qui nous protègent au quotidien.

Les accidents restent rares. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie en 2013 de 9 faits ; en 2014, 17 procédures judiciaires ont été ouvertes, dont 7 relatives à l'usage de Taser ; en 2015, 3 affaires ont été recensées à ce jour, toutes concernant le Taser.

Même si ces armes ne sont pas létales, leurs effets ne doivent pas être sous-estimés. Les lanceurs de type Flash-Ball de 44 mm manquaient en effet de précision, ce qui pouvait parfois provoquer des accidents. C'est la raison pour laquelle le gouvernement procède au remplacement progressif des lanceurs de 44 mm par des lanceurs de 40 mm à visée laser.

Enfin le lien de confiance police-population... Le gouvernement a lancé un appel à projets à hauteur d'un million d'euros pour faire remonter des propositions ; une cellule nationale a été mise en place pour recenser les bonnes pratiques.

Hommage à une délégation du Parlement du Ghana

Mme la présidente.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je suis heureuse de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation du Parlement du Ghana conduite par son président, M. Edward Doe Adjaho, accompagné notamment des chefs de la majorité et de l'opposition de son assemblée.

La délégation a été reçue par M. le président du Sénat.

Elle a également rencontré M. Jacques Legendre, président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, et plusieurs autres membres du groupe d'amitié.

Au nom du Sénat tout entier, je me réjouis de la création par le Parlement du Ghana d'un groupe Ghana-France, qui contribuera au renforcement des relations entre nos deux assemblées, et souhaite à la délégation la plus cordiale bienvenue ! (Applaudissements)

Moratoire sur l'utilisation des armes de quatrième catégorie (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Cécile Cukierman .  - Tirant les leçons du drame de Ferguson, le président Obama vient d'interdire l'équipement des forces de l'ordre en équipements militaires. La France pourrait s'inspirer de cet exemple.

Les Flash-Ball et Taser ont officiellement pour fonction de tenir à distance les attroupements violents et de neutraliser les personnes dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui - dissuader et éviter l'usage des armes à feu. Toutefois ces armes, qui posent un risque sanitaire, sont de plus en plus employées à des fins offensives, loin des cas de légitime défense ou d'absolue nécessité. Ces armes qui équipent les forces de l'ordre et les polices municipales sont devenues une cause permanente de dérapages, voire de bavures. Il est nécessaire d'encadrer leur usage pour retisser le contrat de confiance, indispensable en République, entre la police et la population.

C'est aussi le droit imprescriptible de manifester qui est en jeu. Je regrette que la commission des lois n'ait pas auditionné les associations de défense des droits de l'homme, qui ont alerté sur les dérives dans l'usage de ces armes par les forces de l'ordre, à l'instar du Réseau d'aide et d'intervention pour les droits de l'homme (Raidh).

M. Courtois dans son rapport s'est fait le relais des syndicats de policiers et des représentants du ministère de l'intérieur... Mais quelques pages plus loin il demande communication des chiffres des incidents liés à ces armes, preuve que plus de transparence est nécessaire et que cette proposition de loi n'est pas l'oeuvre de gentils rêveurs... La classification a changé, nous en avons pris acte en déposant deux amendements sur le texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. François Fortassin .  - De l'autre côté de l'Atlantique, les forces de l'ordre avaient accès à des armes d'assaut, des véhicules blindés, des uniformes de camouflage... Ce mélange des genres entre armée et forces de l'ordre a provoqué un schisme avec la population.

Nous n'en sommes pas là mais être armé n'est pas anodin. L'utilisation de la force peut avoir des conséquences dramatiques, tant il est parfois difficile de répondre avec la bonne mesure à la violence, semble-t-il croissante, de certaines bandes ou individus.

Cette proposition de loi instaure un moratoire sur les Flash-Ball, armes certes non létales, mais qui peuvent occasionner des blessures graves. Pour autant les forces de l'ordre ne doivent pas être mises en danger. Pour la première fois, un policier a été condamné pour avoir blessé au visage au Flash-Ball un jeune de 16 ans. Le droit de manifester est une liberté fondamentale ; la liberté est la règle et sa restriction l'exception. L'action des forces de l'ordre est déjà très encadrée. Le moratoire n'est pas la solution à ce problème qui relève plus de la formation ou de la déontologie - et de la responsabilité des manifestants. Ne réduisons pas l'éventail des ripostes graduées disponibles. Ne fragilisons pas non plus notre doctrine qui vise à éviter le contact. Le monopole de la violence physique légitime, comme le disait Max Weber, doit rester à l'État. Ne transformons pas les forces de l'ordre en chair à canon. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. David Rachline .  - L'usage de la violence légitime dont peuvent faire preuve les forces de l'ordre est, selon la devise qui gravait les canons de Louis XIV, l'ultima ratio en cette période un peu de latin ne fait pas de mal - que l'État peut utiliser pour se protéger et protéger les citoyens.

Il est facile de discuter de cette proposition de loi confortablement assis dans nos fauteuils alors que, sur le terrain, les forces de l'ordre ont à faire face à des situations délicates et difficiles à apprécier.

Il est nécessaire que les forces de l'ordre disposent d'un arsenal de ripostes pour s'adapter à la violence de ceux qui les affrontent. Nous ne voulons pas de moratoire, mais rejoignons le souhait du rapporteur de renforcer la formation des policiers et des gendarmes. Mais cela demande du temps, donc de l'argent, et les gouvernements UMPS successifs ont diminué le nombre de policiers... et ceux-ci sont confrontés à de multiples tâches.

La violence légitime que les forces de l'ordre sont habilitées à exercer doit disposer de moyens appropriés, face à la grande violence illégitime qui leur est de plus en plus souvent opposée.

Je regrette aussi que l'on n'ait pas entendu les auteurs de cette proposition de loi pour dénoncer la répression contre les manifestants au mariage pour tous, où des moyens disproportionnés ont été employés face à des familles avec enfants et poussettes...

Mme Éliane Assassi.  - Je peux vous faire la liste des violences policières !

M. David Rachline.  - Je profite de cette tribune pour saluer l'action de nos forces de l'ordre en toutes circonstances.

M. Claude Kern .  - Entre souci de protection des populations et adéquation des mesures d'ordre public à mettre en oeuvre, l'équilibre est difficile à trouver.

En 2013, le Défenseur des droits avait prôné un meilleur encadrement des armes incapacitantes. Notre groupe avait interpellé le gouvernement, sans réponse.

Cette proposition de loi rouvre le débat, mais elle est malheureusement simpliste.

Sur la forme, sa rédaction est impropre. Elle fait référence à une nomenclature dépassée. Une nouvelle nomenclature fondée sur la dangerosité est apparue. Il n'existe pas de stricte correspondance entre les deux.

Sur le fond, nous trouvons que ce texte manque de pondération. Il faut un équilibre entre protection des citoyens et protection des forces de l'ordre ; or ce texte fragilise ces dernières.

La stratégie du maintien de l'ordre consiste à éviter autant que faire se peut le contact physique. Cette préoccupation, née au fil des expériences et des évènements, se heurte à des manifestants parfois très agressifs et radicalisés, tapis au sein de populations pacifiques.

Le principe qui gouverne l'action de nos forces est celui de la gradation des moyens mis en oeuvre conformément au cadre juridique, qui permet une adaptation permanente et une prise en compte différenciée des comportements au sein des attroupements.

Or, le présent texte interdit des armes de force intermédiaire de catégorie B mais maintient le recours d'armes létales de catégorie A. Où est la logique ?

La gradation des moyens permet de s'adapter aux situations ; or ce texte la restreint, alors que les LBD 40 ou le Taser ont l'avantage de cibler précisément les fauteurs de trouble.

Le risque zéro n'existe pas, et la tâche des forces de l'ordre est complexe. Il faut sans doute évoluer, d'où le groupe de travail commun à la police et à la gendarmerie lancé par le ministre de l'intérieur et l'appel d'offres pour rendre plus précis l'équipement des LBD 40. Une réflexion plus large est indispensable pour faire la lumière sur les incidents passés.

Ce texte n'offre aucune autre piste que celle du moratoire. La formation doit être encouragée. Le groupe UDI-UC ne pourra le voter. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Delebarre .  - Cette proposition de loi instaure un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie et encadre leur utilisation par les forces de l'ordre. Celles-ci peuvent faire usage de la force dans des conditions précisées par le code de la sécurité intérieure, dont l'article L. 211-9 permet à un préfet, un maire ou un Officier de Police Judiciaire (OPJ) de faire des sommations de dispersion à un rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public sous la seule condition que celui-ci leur paraisse «susceptible de troubler l'ordre public ». L'article 2 du texte restreint davantage ces conditions.

Les deux articles visent une « quatrième catégorie », ils ne tiennent ce faisant pas compte de la réforme de 2012, qui crée une nouvelle nomenclature alphabétique. Sont en réalité visés les pistolets de type Taser et les lanceurs de balles de défense, armes dites non létales ou sublétales ou encore semi-létales.

Ce texte a le mérite de soulever une question primordiale : comment assurer au mieux la protection de nos forces de l'ordre tout en garantissant le droit de manifester ?

Tout accident, sans exception, est éminemment regrettable. Mais le maintien de l'ordre n'est pas une science exacte... Chaque année, plus de 12 000 forces de l'ordre sont blessées en mission. Le modèle français de maintien de l'ordre, je le rappelle, repose sur la dissuasion et l'évitement du contact.

Les armes non létales sont utiles. Le Conseil de l'Europe a condamné la Turquie pour atteinte aux droits de l'homme, car elle n'a équipé ses policiers que d'armes à feu... Nos équipements, déjà variés, ont de plus évolué pour garantir la gradation de l'utilisation de la force.

Le gouvernement a pris la mesure du problème : à la suite des incidents de Sivens, les grenades ne pourront plus être utilisées par un unique fonctionnaire, mais par un binôme, avec un lanceur et un superviseur, pour rendre le tir plus précis. Les opérations de maintien de l'ordre à risque seront filmées. L'utilisation des armes de catégorie B doit rester encadrée, même à un niveau non constitutionnel, au maximum pour éviter les drames et préserver les libertés individuelles.

La solution réside dans la formation des policiers et gendarmes. L'écart entre deux séances est actuellement de trois ans : c'est trop. Le matériel peut en outre gagner en précision et en fiabilité.

Je remercie le rapporteur pour son travail. Le groupe socialiste s'abstiendra.

Mme Esther Benbassa .  - Depuis plusieurs années, les écologistes souhaitent encadrer, voire interdire, ces armes. Je salue le travail de Mme Dominique Voynet, ancienne sénatrice, MM. Yves Cochet, Noël Mamère et François de Rugy qui ont déjà déposé des propositions de loi en 2009 et 2010 sur ce sujet à l'Assemblée nationale. Elles sont déjà caduques.

Il est temps que la représentation nationale se saisisse d'un problème récurrent. Plus de dix personnes ont été blessées à l'oeil - au-dessus de la ligne d'épaules donc - depuis l'équipement de nos forces de l'ordre de Flash-Ball.

À Marseille, un homme touché au thorax est mort d'une crise cardiaque. Plus les tirs sont rapprochés, plus ils sont dangereux. Plus les tirs sont lointains, moins ils sont précis. Il en va de même pour le Taser.

Le Comité contre la torture des Nations unies a souligné que le Taser crée des douleurs aiguës et a assimilé le Taser à une forme de torture, ce que nos engagements internationaux réprouvent.

Selon le rapport d'Amnesty International, 334 personnes seraient mortes aux États-Unis depuis 2001 après avoir reçu des décharges de Taser.

Les formations de l'ordre sont insuffisantes, d'où la proposition de suspendre l'usage de ces armes ; le respect du droit fondamental de manifester en dépend. Le décès tragique de Rémi Fraisse - lié à une grenade offensive - témoigne de l'urgence d'agir. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Mathieu Darnaud .  - Cette proposition de loi pose la question de l'emploi de la force et de la confiance placée dans ceux qui sont en première ligne pour préserver l'ordre républicain. (Mme Éliane Assassi proteste)

Je salue le travail remarquable du rapporteur. Nous serions un pays de non-droit dans lequel les policiers agiraient comme des cow-boys ? Non, l'usage de ces armes est strictement encadré par le code de la sécurité intérieure et le code pénal.

Si des drames sont à déplorer, nous n'avons nullement à rougir de l'efficacité de nos policiers et gendarmes. Grâce à la doctrine établie par le préfet Grimaud dans les années soixante, le bilan de la gestion des menaces à l'ordre public est très positif.

Avec l'article premier, les forces de l'ordre auraient le choix entre la passivité et le contact. L'article 2 enjoint les forces de l'ordre à l'attentisme, ce n'est pas acceptable.

Le Taser X26 et le Flash-Ball superpro sont performants et utiles. Au ministère de l'intérieur de proposer des sessions de formation plus fréquentes et plus proches de la réalité.

Accompagnons les fonctionnaires qui sont en première ligne dans leur mission de protection de la République. (Applaudissements des bancs du RDSE jusqu'à la droite)

Mme Nicole Duranton .  - L'actualité démontre outre-Atlantique les conséquences d'un marché libre des armes et de leur utilisation non encadrée par les forces de l'ordre...

Cette proposition de loi se réfère à une classification obsolète des armes, qui répondent désormais à une nomenclature alphabétique.

Tous les policiers ne sont pas armés : 82 % des policiers municipaux sont armés, 32 % seulement disposent d'une arme à feu. Les conditions d'armement sont strictement encadrées par le code de la sécurité intérieure.

L'usage des armes par les forces de l'ordre n'a de plus rien d'hasardeux. Elle obéit à une logique de légitime défense. Des conditions de formation obligatoire existent selon les secteurs, et à la discrétion du maire, il peut être nécessaire d'armer les policiers et d'aider les élus à le financer, car un gilet pare-balles coûte entre 700 et 1 000 euros...

À Évreux, la protection des 50 000 habitants est assurée par 22 policiers municipaux, 7 agents de surveillance de la voie publique, 2 agents de vidéosurveillance et 4 agents administratifs. La ville dispose de 6 Flash-Ball et d'autres armes de catégorie B, qui n'ont jamais été utilisées !

Je suis défavorable au désarmement des policiers municipaux.

Mme Éliane Assassi.  - Nous demandons un moratoire, pas le désarmement !

Mme Nicole Duranton.  - La protection de la population et des hommes et des femmes qui l'assurent est indispensable. Intéressons-nous plutôt à la circulation clandestine des armes dans notre pays. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État .  - Merci pour la contribution de chacun, à ce débat serein et apaisé.

Quelques précisions : la formation des policiers à l'utilisation du Flash-Ball est obligatoire. Elle s'accomplit par une formation qualifiante de plusieurs jours et des stages d'habilitation périodique tous les deux ans. Faute d'avoir suivi le stage, les fonctionnaires perdent leur habilitation. Idem pour l'usage du Taser avec un stage tous les trois ans.

Le ministre de l'intérieur est désireux de rapprocher ces formations des conditions réelles d'utilisation de ces armes - par exemple, sur cibles mouvantes. Je tenais à vous en informer. (Mme Esther Benbassa applaudit)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Antoine Lefèvre .  - Cet article se réfère à une classification obsolète depuis plus de trois ans. En janvier 2011, en tant que rapporteur, j'avais appelé l'attention du gouvernement sur le contrôle de l'utilisation de ces armes, et notamment la traçabilité de leurs usages. Les auteurs de la proposition de loi s'inspirent des recommandations du Défenseur des droits. Ce texte aboutirait cependant à désarmer les forces de l'ordre. Renforçons plutôt la transparence sur l'utilisation des armes intermédiaires, indispensables face à certains manifestants, parfois armés d'armes de guerre.

Je ne voterai pas l'article premier, non plus que le suivant.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

quatrième catégorie

par les mots :

catégorie B

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement tient compte de l'évolution législative.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Avis défavorable, compte tenu de l'avis de la commission sur la proposition de loi ici-même...

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Alain Bertrand.  - Dans nos campagnes, nous connaissons aussi des problèmes de sécurité... Or le ministre de l'intérieur est représenté par la ministre de la ville ! (Sourires) Vous êtes donc aussi la ministre de la campagne ! (Même mouvement) Je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes de nos campagnes et aux polices municipales qui remplissent tout un tas de missions.

D'ailleurs, dans ma petite ville, il existe une police que j'appelle « de tranquillité » ! C'est elle qui accomplit notamment les opérations « tranquillité vacances ». Elle fait la ronde dans les quartiers, s'inquiète des éventuels cambriolages. Si elle découvre une fenêtre ouverte et qu'elle doit intervenir, la chemisette bleue, le treillis et les rangers ne suffisent pas, il faut des armes ! (On approuve sur certains bancs à droite)

De même, la police municipale se rend à toute heure du jour et de la nuit sur n'importe quel rond-point pour voir si tout va bien... Là, elle peut tomber sur des individus dangereux ! Comme le disent les jeunes, nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours. Exercer une mission de sécurité requiert des moyens et de la formation.

Les intentions du groupe CRC sont bonnes, mais il n'y a pas d'un côté les méchants policiers et de l'autre les gentils citoyens. Dieu sait si j'ai manifesté dans ma vie ; je l'ai toujours fait calmement, en restant citoyen à 100 %. Le droit de manifester est celui de défiler dans le calme et l'ordre. Le groupe RDSE ne votera pas cet amendement non plus que cette proposition de loi.

MM. Alain Fouché et Alain Gournac.  - Très bien !

M. Alain Fouché.  - Une police doit être armée et formée, c'est indispensable. Je ne voterai pas ce texte.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

quatrième catégorie

par les mots :

catégorie B

Mme Éliane Assassi.  - Même objet que le précédent.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Je remercie Mme la ministre pour la modération de ses propos et son souci de laisser le débat ouvert.

Outre un intervenant que je ne nommerai pas, (M. David Rachline fait un signe) je veux saluer ceux qui sont intervenus, même si je déplore le manque de rigueur intellectuelle de certains. Qu'on ne fasse pas croire que nous n'avons pas confiance dans nos forces de l'ordre. Ancienne rapporteure pour avis de la commission des lois pour le budget de la sécurité intérieure, j'ai déjà eu l'occasion de travailler avec tous les acteurs et les associations quelles qu'elles soient. Nous reviendrons sur ce sujet à l'occasion du projet de loi à venir. Encore une fois, merci à tous, sauf un !

M. David Rachline.  - Moi aussi, je vous aime !

Mme Esther Benbassa.  - C'est un texte de notre groupe écologiste qui avait ouvert le débat. Nous devons discuter de la formation des policiers et de leur doctrine d'emploi de leurs équipements - pour qu'ils ne soient pas utilisés à mauvais escient.

Mme Assassi et le groupe CRC partagent nos préoccupations. Continuons la discussion sur cette question majeure de société. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Alain Gournac.  - Alors que nos forces de l'ordre sont présentes, partout sur le territoire, pour nous protéger, je veux leur rendre hommage. Les cadences imposées par le plan Vigipirate sont très lourdes.

Moi, j'aime la police et la gendarmerie nationale ; je suis gendarme ! (Mouvements divers)

Regardez ce qui s'est passé sur ce terrain d'aviation qui se fera ou ne se fera pas et la violence phénoménale des attaques portées contre les forces de l'ordre - j'ai vu trois vidéos ! - Et quand j'aime, je soutiens !

Mme Éliane Assassi.  - Qui vous dit que je ne soutiens pas les forces de l'ordre !

M. Alain Gournac.  - Je voterai ce texte des deux mains !

M. Marc Laménie.  - D'un côté, je comprends les avis défavorables de la commission des lois et de Mme la ministre. De l'autre, cette proposition de loi a le mérite d'évoquer un problème de société.

Je rejoins aussi M. Bertrand : l'insécurité est partout, même si on parle plus souvent des quartiers urbains sensibles. M. Gournac aussi a raison : nous soutenons tous nos forces de l'ordre, gendarmes, policiers nationaux et policiers municipaux, sans oublier les sapeurs-pompiers.

Je me range aux avis du rapporteur et de la ministre.

M. Jean Desessard.  - M. Gournac aime les policiers et les gendarmes. Bien sûr ! J'aime aussi les cheminots, les postiers et les infirmières sans doute...

M. Antoine Lefèvre.  - M. Gournac a le droit d'aimer les gens !

M. Jean Desessard.  - ... Évidemment ! Attention aux dérives sécuritaires : à Montreuil, un adolescent, qui sortait de son lycée pour manifester pacifiquement a reçu une balle de Flash-Ball qui lui a détruit un oeil pour avoir remué une poubelle !

La sécurité, ce n'est pas seulement le fruit du travail des policiers, cela passe aussi par la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et le problème est réglé !

Mme Cécile Cukierman.  - Je me réjouis de la qualité des débats que nous avons eus en commission et ici-même, en dépit de l'emportement de certains - le vernis tombe dès que l'on gratte un peu... (Exclamations à droite)

Nous avons manqué une occasion d'avancer dans le bon sens pour la protection de toutes et tous.

Personne n'a le monopole de la confiance dans notre police - dont la droite a diminué drastiquement les effectifs.

Les policiers nous ont fait part de leurs conditions de travail ; elles sont difficiles, et c'est précisément la fatigue qui pousse à la bavure. Et dans un monde où l'insécurité est partout présente, dans un monde ultra sécuritaire, cela ne va pas s'arranger...

Chaque vie compte : celle d'un policier, celle d'un gendarme mais celle aussi d'un jeune ou d'un moins jeune. Une vie détruite est une vie détruite.

M. Alain Fouché.  - Les policiers aussi perdent la vie.

Mme Éliane Assassi.  - C'est ce que Mme Cukierman vient de dire.

Mme Cécile Cukierman.  - La question posée est celle de l'utilisation de ces armes, souvent malencontreuse, aux dépens des victimes.

Notre texte, qui risque fort d'être rejeté, aura au moins eu le mérite de soulever le problème. Enfin, disposerons-nous de statistiques ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Fouché.  - Dans notre pays, je veux le dire avec modération, dans les médias les policiers sont souvent pointés du doigt comme les méchants. Le groupe écologiste n'a pas le monopole du coeur.

Les manifestants sont parfois très violents, le préfet recommande aux forces de l'ordre la plus grande prudence. Elles doivent être armées.

M. David Rachline.  - Je comprends mieux pourquoi le PC obtient 3 % aux élections. (Mme Éliane Assassi proteste vigoureusement) Il est complètement déconnecté des réalités ! (On proteste derechef sur les bancs CRC) Il s'attaque de manière totalement idéologique à la police à un moment où la population a besoin d'elle. À un moment, il faut cesser d'être du côté des délinquants pour être auprès de la majorité silencieuse ; ces Français, blancs et catholiques, attaqués parce qu'ils sont Français, blancs et catholiques.

Mme Cécile Cukierman.  - Certains se font agresser parce qu'ils sont homosexuels !

M. David Rachline.  - Voilà le résultat d'années de laxisme.

Mme Éliane Assassi.  - Scandaleux !

M. Martial Bourquin.  - Dans ma ville de 15 000 habitants, la politique de sécurité repose sur le triptyque : éducation, prévention et sécurité. Il ne faut pas mettre l'accent seulement sur le sécuritaire au détriment des deux autres piliers. Cela menacerait la cohésion sociale.

M. Antoine Lefèvre.  - On n'a pas dit le contraire !

M. Martial Bourquin.  - Parfois, la nuit, il y a des problèmes aigus de violence.

M. Alain Fouché.  - Oui, pas de fausse naïveté.

M. Martial Bourquin.  - Nous devons y répondre. La police respecte déjà un règlement très strict, elle patiente avant de sortir les armes dont il est question ici.

J'ai fait le choix de ne pas armer la police municipale. En cas d'affrontement, la gendarmerie et la police nationale l'épaulent.

En cas d'accident, des recours sont toujours possibles. Nos forces de l'ordre sont mises à rude épreuve. Je suis heureux de retrouver enfin des effectifs à la hauteur dans ma ville. Ne soyons pas angéliques. Un État de droit a besoin d'une police formée qui puisse remplir ses prérogatives et ses devoirs. Le groupe socialiste ne votera pas ce texte.

M. Alain Fouché.  - D'accord.

M. Michel Forissier.  - Je suis maire d'une ville de 32 000 habitants depuis 2001. Le taux de délinquance a chuté de 74 pour 1 000 à 45 pour 1 000. Ce n'est pas si mal ! Nous avons atteint ce résultat avec une politique de prévention.

Le problème n'est pas l'armement - il est indispensable en ces temps de Vigipirate  - mais la formation et l'entraînement des forces de l'ordre.

M. Alain Bertrand.  - M. Desessard, nous sommes loin d'être insensibles au cas que vous avez cité, mais dans la vie, il y a toujours des accidents...

M. Jean Desessard.  - Le lycéen a perdu un oeil !

M. Alain Bertrand.  - Cela peut arriver avec l'utilisation d'un bâton en plastique !

J'ai été très choqué par la violence des manifestations pour défendre une zone humide dans mon département. Des casseurs s'étaient mêlés à des militants de bonne foi. Nos forces de police doivent les réprimer avec une très grande fermeté.

L'article 2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Débat sur le rétablissement de l'allocation équivalent retraite

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rétablissement de l'allocation équivalent retraite.

M. Dominique Watrin, au nom du groupe CRC .  - Le 6 novembre dernier, le président de la République a déclaré refuser qu'une personne de 60 ans vive avec moins de 500 euros par mois. Ces propos tenus devant 8 millions de téléspectateurs nous avaient donné bon espoir que soit rétablie l'Allocation équivalent retraite (AER), supprimée par Nicolas Sarkozy en 2011.

La création de l'Allocation transitoire de solidarité (ATS) et son extension en 2013 n'a pas comblé sa disparition pour tous nos concitoyens nés en 1952 ou 1953, inscrits à Pôle Emploi au 31 décembre 2010 et qui avaient cotisé 165 trimestres. Les trimestres validés au titre de l'Allocation de solidarité spécifique n'étaient en effet pas pris en compte ! Étaient donc exclus ceux qui avaient le plus besoin de l'ATS.

Le 14 octobre 2014, le ministre du travail avait estimé qu'il valait mieux étendre l'ATS que rétablir l'AER. Le rapport qu'il nous promettait pour la semaine suivante reste introuvable. En mars dernier, vous nous avez dit, monsieur le ministre, que pour les années 1954,1955 et 1956, le Premier ministre annoncerait « dans les jours à venir » l'extension de l'ATS. Il n'en est toujours rien : seules les personnes nées en 1952 et 1953 y ont droit, sous des conditions très restrictives.

Un pays aussi riche que la France, capable de dégager des dizaines de milliards d'euros pour exonérer les entreprises du CAC 40 de charges sociales, ne peut assurer une vie digne à ces seniors chômeurs en fin de droit qui ont pourtant contribué à cette richesse ? Le collectif AER-ATS dénonce leur situation de grande précarité. Florence, dont l'Humanité a dressé le portrait en mars 2015, touche 447 euros par mois ; elle doit donc retrousser ses manches pour trier des grains de maïs à la chaîne pendant huit heures. Dans le Pas-de-Calais, je rencontre des personnes qui vivent dans des conditions dramatiques alors qu'elles ont cotisé pendant trente-sept ans.

Cela devrait conduire le gouvernement à prendre les mesures nécessaires. Le ministre du travail en octobre 2014 promettait de développer les formations prioritaires pour les seniors, ainsi que les contrats de génération. Quelle est la réalité ? Malgré le doublement de l'aide aux entreprises depuis septembre, seuls 33 000 contrats de génération ont été signés depuis deux ans, loin de l'objectif de 75 000 contrats.

Selon la Dares, le nombre des contrats aidés dans le secteur marchand a augmenté dans la période récente, mais les contrats uniques d'insertion ont reculé de 8 % tandis que les contrats d'avenir ont nettement augmenté. Quant à la formation des seniors, le gouvernement ne donne aucune indication.

Le nombre de seniors inscrits à Pôle emploi a crû de 12,3 % entre décembre 2012 et décembre 2013.

Le groupe CRC refuse cette injustice, née du report de l'âge à la retraite, qu'il a combattu avec force. D'autant que le compte pénibilité ne fonctionne pas correctement. N'ayant plus de textes sur lesquels s'appuyer, les caisses sont contraintes de refuser bien des dossiers de personnes en fin de droit.

Il y a urgence à faire quelque chose pour ces salariés qui ont tant donné à la France. Nous demandons solennellement le rétablissement de l'AER et, à tout le moins, le respect des engagements publics pris par le président de la République. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. François Fortassin .  - La suppression de l'AER, survenue le 1er janvier 2011 avec une grande brutalité, a laissé des personnes dans une situation de profonde précarité. Les seniors, considérés à tort comme des poids quand ils sont des atouts, sont plus exposés aux licenciements.

L'AER couvrait la période entre inactivité et retraite. Elle coûtait 230 millions d'euros, contre 10 millions d'euros pour l'ATS. L'État a certes réalisé d'importantes économies. Cependant, la précarité des seniors persiste. Depuis 2012, le gouvernement a pris des mesures pour l'emploi des plus de 50 ans, dont le contrat de génération.

À mon sens, tant que le marché de l'emploi ne s'améliorera pas, nous devons étendre l'ATS. Cela a été le cas pour les demandeurs nés en 1954, 1955 et 1956 ; il faut aller plus loin. C'est à nous, parlementaires de gauche, de faire en sorte de ne pas laisser trop de nos concitoyens au bord du chemin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Jean-Marc Gabouty .  - Le chômage des plus de 50 ans touche 800 000 personnes. Il est, avec le chômage des jeunes, celui qui a le plus fortement augmenté. Il a crû de 8,6 % par rapport à mars 2014.

D'où la création en 2002 de l'AER, destinée aux chômeurs en fin de droits qui ont commencé à travailler jeunes sans avoir atteint l'âge de la retraite. Cette allocation a été mise en extinction à partir de la loi de finances initiale pour 2008 et elle a disparu en 2011.

M. Alain Néri.  - Sous quelle majorité ?

M. Jean-Marc Gabouty.  - À l'époque, le groupe UDI-UC avait accepté cette évolution en raison de la situation qui prévalait. Les seniors en fin d'indemnisation du chômage avant le départ en retraite n'ont pas été oubliés : a été créé en 2011 l'ATS. Si cette allocation est une bonne chose...

M. Alain Néri.  - Oui !

M. Jean-Marc Gabouty.  - ... les critères sont plus sélectifs que ceux de l'AER. Résultat, 25 % des 11 232 demandeurs, qui auraient été éligibles à l'AER, ont été déboutés de l'ATS en 2013.

Dans une politique d'emploi des seniors, ce système de perfusion paraît décalé. Cependant, il faut tenir compte du marché du travail. Je vous renvoie au film La loi du marché présenté hier soir à Cannes.

Le ministre Sapin en octobre 2012 jugeait « rageant », même si la situation de ces personnes était « effroyable », de devoir recourir à un dispositif passif de 900 millions d'euros, plutôt qu'à une politique de retour à l'emploi. Il avait renvoyé alors à la concertation sur la réforme des retraites en 2013... le président de la République a fait des annonces le 6 novembre 2014 sur TF1 : s'agit-il d'un retour de l'AER, complet ou partiel ? Selon quelles modalités et avec quel financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Brigitte Micouleau .  - Dans un monde idéal, ou du moins, dans une France sur la voie du redressement, ce débat n'aurait pas lieu d'être. Mais parlons, en effet, d'un mécanisme de protection sociale venant réparer le difficile retour à l'emploi des plus de 55 ans. Le taux de chômage des plus de 50 ans a augmenté de 8,6 % en un an, de 70 % en quatre ans...

M. Alain Néri.  - Et avant ?

Mme Brigitte Micouleau.  - La réforme des retraites, nécessaire pour sauvegarder le système, n'a certes pas été sans conséquences. Mais le principal problème est bien le chômage de longue durée. Or qu'a fait le gouvernement ? Des contrats de génération : au lieu des 75 000 prévus, 20 000 ont été signés, souvent pour profiter d'effets d'aubaine. Triste bilan.

Signe de votre impuissance sur le front de l'emploi, vous avez choisi en 2013 d'étendre l'ATS aux demandeurs de 1952 et 1953. Le président de la République, en novembre dernier, a annoncé une nouvelle extension. M. Rebsamen, le lendemain, a précisé qu'elle viserait les demandeurs de 1954 à 1956. Depuis, rien : encore une promesse non tenue... Seule une information sur RTL laissait penser en mars que l'affaire n'était pas tombée dans l'oubli. J'aimerais tant le croire, pour être élue à Toulouse en charge des seniors.

M. Alain Néri.  - Il ne fallait pas supprimer l'AER !

Mme Brigitte Micouleau.  - Les seniors comptent sur nous ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Martial Bourquin .  - Je suis malheureusement un habitué de ces débats sur l'AER. J'ai en mémoire cette soirée où le Sénat avait voté à la quasi-unanimité son rétablissement.

Depuis sept ans, depuis la suppression de l'allocation par le gouvernement Fillon, des dizaines de milliers d'ouvriers ont été plongés dans la misère et la précarité la plus absolue.

M. Alain Néri.  - C'est bien de le rappeler !

M. Martial Bourquin.  - Lors des compressions de personnel, on avait mis en avant leur éligibilité à l'AER pour les inciter à partir, certains avaient même des documents de Pôle Emploi.

M. Alain Néri.  - Trahison !

M. Alain Gournac.  - Pourquoi n'avez-vous pas rétabli l'AER ?

M. Martial Bourquin.  - Elle a été créée en 2001 par un amendement socialiste. Autre événement, l'âge de départ à la retraite a été reporté de deux ans.

Mme Brigitte Micouleau.  - Qu'avez-vous fait depuis trois ans ?

M. Alain Néri.  - Qu'avez-vous fait durant dix ans ?

M. Martial Bourquin.  - Le gouvernement Ayrault a rétabli l'AER sous la forme de l'ATS. Oui, il l'a fait. Les personnes de plus de 60 ans ne trouvant pas de travail - on sait l'exercice impossible dans certains bassins d'emploi - et ayant validé tous leurs trimestres avaient besoin d'une aide.

Restent 38 000 personnes nées en 1954, 1955 et 1956 qui demeurent dans un triangle des Bermudes juridique et social. Le 6 novembre dernier, le président de la République a pris un engagement fort : la création d'une prestation pour aller jusqu'à la retraite. Comme mes collègues communistes, nous sommes impatients. L'urgence sociale commande d'accélérer le tempo.

Avec des collègues parlementaires, nous nous sommes rendus à plusieurs reprises à Matignon. Nous avons proposé la création d'une nouvelle prestation senior, médiane entre l'ATS et l'AER, qui devrait s'approcher du minimum vieillesse. Comme le président de la République, nous nous refusons que des personnes de plus de 60 ans vivent avec moins de 500 euros par mois.

Pour ne pas opposer les bénéficiaires, nous demandons la rétroactivité pour les personnes nées en 1954 et la prise en charge de celles nées en 1956. Nous demandons aussi que la prestation soit prise en compte dans le calcul des droits à la retraite. Et que l'on se penche sur le cas de ceux qui étaient arrivés en fin de droits avant le 31 décembre 2012.

Je connais ces gens, pour avoir longtemps été syndicaliste dans des entreprises. Ils ont beaucoup donné, et ils mangent maintenant aux Restos du Coeur. Nous devons leur rendre un statut social.

La nouvelle allocation devra être équivalente au niveau du minimum vieillesse.

Dernier point, l'art et la manière. Ne nous y trompons pas : il s'agit d'assurer un revenu à 38 000 personnes et de leur rendre un statut social. Ils ne sont ni chômeurs, ni retraités. Et comme souvent lorsque l'on est « ni, ni », ils ne sont rien. Ils se sentent humiliés.

M. Alain Néri.  - Il faut leur rendre leur dignité !

M. Martial Bourquin.  - Et comme l'avait bien dit M. Delevoye, « la révolte des affamés, des humiliés peut être violente, parce qu'elle est sans espérance ». L'annonce du président de la République de novembre leur a donné un espoir.

J'ajoute qu'ils ne doivent plus être comptabilisés parmi les chômeurs, car ils ne retrouveront pas de travail. Ils doivent ensuite transmettre leur savoir-faire aux jeunes via des mécanismes de tuilage.

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Martial Bourquin.  - Tirons les leçons du décret de 2013 : il faut un texte clair, net et précis pour éviter des différences d'interprétation entre les différentes antennes de Pôle emploi. J'estime aussi qu'il faut une information à chaque bénéficiaire potentiel, avec toutes les précisions indispensables et un courrier personnalisé du ministre. Nous le devons à ces travailleurs.

Redonnons-leur dignité... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Néri.  - ... et espoir.

M. Jean Desessard .  - Le système d'assurance chômage ne protège pas suffisamment les chômeurs âgés. L'âge est la première des discriminations à l'emploi : les plus de 55 ans représentent 31,6 % des chômeurs de longue durée.

C'est pourquoi l'AER mobilisait la solidarité nationale. Or cette allocation a été supprimée le 1er janvier 2011, puis remplacée par l'ATS le 1er juillet 2011, qui ne vise que les ayants droit de l'AER avant sa suppression, soit les personnes nées en 1952 et 1953. Voilà une discrimination fondée sur l'âge peu satisfaisante. Le président de la République a assuré le 6 novembre 2014 un soutien aux chômeurs ayant validé leurs trimestres mais n'ayant pas atteint l'âge de retraite.

L'AER n'était pas sans défauts - conditions de ressources, prise en compte des ressources du conjoint - et risquait d'occulter les autres situations de chômage de longue durée. Nous sommes hostiles au morcellement des aides, au saupoudrage, au découpage en catégories.

C'est pourquoi il est préférable de privilégier un revenu universel de solidarité, fusionnant toutes les aides. Les procédures de gestion en seraient simplifiées. Le revenu de base serait un droit inaliénable, universel, individuel, sans conditions de ressources. En attendant qu'il soit mis en place, les écologistes soutiennent le rétablissement de l'AER et remercient le groupe CRC d'avoir pris l'initiative de ce débat.

M. Michel Le Scouarnec .  - L'AER avait été créée en 2002 par le gouvernement de M. Jospin pour garantir un niveau de vie décent aux chômeurs en fin de droit en attendant la retraite. Elle a été supprimée le 1er janvier 2011. Depuis, nous n'avons cessé de réclamer son rétablissement : questions au gouvernement, proposition de loi... Certaines personnes ont été victimes d'une vraie injustice : elles avaient accepté un départ anticipé avec la promesse de toucher l'AER, ce qui leur garantissait un revenu dans l'intervalle. Promesse non tenue. L'ATS, que MM. Fillon et Bertrand ont été obligés de créer était très restrictive, ne concernant que 11 000 personnes. Pour les autres, c'était la précarité assurée.

Malgré une avancée - le décret de mars 2013 qui a élargi l'ATS aux seniors nés en 1952 et 1953 - la situation restait préoccupante, puisqu'il excluait les seniors de 1954, 1955 et 1956. Le gouvernement a préféré aménager l'ATS que revenir à l'AER. En novembre 2014, le président de la République a annoncé une allocation spécifique aux chômeurs seniors, mais aucun décret n'est paru comme prévu en février 2015. Nous ignorons toujours quels seront les conditions et le montant de l'allocation.

Le taux de chômage des seniors ne cesse d'augmenter. Le rétablissement de l'AER coûterait entre 100 et 200 millions par an, bien peu par rapport aux milliards versés aux entreprises avec le CICE.

Il ne s'agit pas de faire l'aumône, mais de garantir un niveau de vie digne à ceux qui ont contribué pendant quarante ans à la richesse de notre pays.

Nous attendons du gouvernement qu'il rétablisse cette allocation.

Il est indispensable de défendre les acquis sociaux pour lutter contre la pauvreté. Le gouvernement doit respecter ses engagements. Rien ne justifiait la suppression de l'AER. Tout justifie de la rétablir !

Mme Nicole Duranton .  - Je crains que la promesse du président de la République de rétablir l'AER ne reste, une fois de plus, sans suite.

Le taux d'emploi des seniors avait augmenté de 5 % entre 2007 et 2011. La vraie question n'est-elle pas de résoudre le problème du chômage des plus de 50 ans, qui, avec 830 000 personnes, en hausse de 9 % par an, représentent le quart des inscrits à Pôle emploi ?

Le gouvernement envisage d'étendre l'ATS. Cela pèsera sur notre budget. Or on se trompe d'objectif. Ce n'est pas un problème de forme mais de fond. La durée moyenne au chômage des seniors est, avec 459 jours, beaucoup plus longue que pour les moins de 25 ans - 158 jours. Luttons plutôt pour favoriser le retour à l'emploi des seniors.

À peine 20 000 contrats de génération ont été signés, pour la plupart fruit d'effets d'aubaine, loin de l'objectif des 75 000 contrats.

Monsieur le ministre, un peu de courage : il ne suffira pas de rétablir une allocation pour la simple raison qu'elle a été supprimée par la droite. Le rétablissement de l'AER ne sera pas à la hauteur des enjeux.

Qu'en est-il du contrat aidé avec un fléchage pour les plus de 50 ans ? Il coûtera très cher à l'État, 3,2 milliards en 2015. Quelle est la cohérence de la politique du gouvernement ? Contrats de génération mal pensés, contrats aidés sans fléchage ni financement, aujourd'hui annonce de rétablissement de l'AER. Les annonces et les promesses se multiplient depuis 2012...

M. Alain Néri.  - Et avant ?

Mme Nicole Duranton.  - ... en vain ! Un bon ouvrier a de bons outils, dit le dicton. Je crains que la boîte à outils du gouvernement ne soit mal remplie !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Veuillez excuser l'absence de M. Rebsamen, retenu à l'Assemblée nationale pour la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi.

La précédente majorité a supprimé l'AER en 2011, et relevé l'âge légal de départ à la retraite. Double peine pour les bénéficiaires de l'aide... L'ATS a été créée pour compenser les effets de la réforme des retraites. Le gouvernement Ayrault a assoupli les conditions d'accès à cette allocation, l'ouvrant à ceux nés en 1952 et 1953, au chômage, avec suffisamment de trimestres pour avoir droit à la retraite à taux plein, sans avoir atteint l'âge de liquidation.

Le gouvernement cherche à favoriser la situation des seniors : la loi relative à l'avenir et la justice du système de retraite du 20 janvier 2014 améliore les critères de départ anticipé et instaure le compte personnel de pénibilité. La grande conférence sociale a également pris en compte les problèmes des seniors.

Contrairement à ce qui a été dit, un tiers des contrats aidés bénéficient aux seniors et 45 000 contrats de génération - et non 20 000 - ont été signés. Mais soyons francs. Dans une conjoncture financière contrainte, le rétablissement de l'AER est inimaginable, vu son coût : 865 millions si l'on tient compte des personnes nées en 1956 !

Aussi le gouvernement entend-il favoriser le retour vers l'emploi des seniors, tout en ciblant les personnes les plus éloignées de l'emploi : une prime mensuelle de 300 euros sera versée aux bénéficiaires du RSA-socle ou de l'ATS, pour ceux nés en 1954 et 1955, ayant validé le nombre de trimestres pour une retraite à taux plein, et ayant été indemnisables par l'assurance chômage au moins un jour entre 2011 et 2014, sans avoir atteint 62 ans. Cette prime concerne 37 000 personnes pour un coût de 185 millions d'euros. Voilà qui est conforme aux engagements du Premier ministre.

Comment accepter, en effet, que des personnes aient travaillé de longues années, validé tous les trimestres pour une retraite à taux plein, et ne perçoivent qu'une allocation de solidarité ? Un décret, actuellement soumis au Conseil national de l'emploi pour avis, sera publié dans les prochains jours. C'est une mesure de justice sociale et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Dépôt de rapports

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux véhicules de transport avec chauffeur ; la contre-expertise de l'évaluation socioéconomique du projet de modernisation et mise en sécurité du CHU de Limoges accompagnée de l'avis du Commissariat général à l'investissement.

Ces documents ont été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances ainsi qu'à la commission des affaires sociales.

La séance, suspendue à 17 h 30, reprend à 18 heures.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45-2 de la Constitution, le gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ; et du projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.

Ces deux projets de loi ont été déposés sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 20 mai 2015.

Délégation (Candidature)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le groupe UMP a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la délégation à la prospective, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire. Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Saisine du Conseil national d'évaluation des normes

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d'évaluation des normes.

Discussion générale

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de loi .  - Adoptée à l'initiative de Jacqueline Gourault et de Jean-Pierre Sueur, la loi du 17 octobre 2013 a créé le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) dans la foulée des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en octobre 2012. De nombreux élus y avaient dit leur exaspération devant la prolifération des normes. Du reste, le Sénat n'avait pas attendu cette date pour se saisir de ce problème...

Ancêtre du CNEN, la Commission consultative d'évaluation des normes ne disposait pas du pouvoir de simplifier les 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, qui nous coûtent trois points de PIB et placent la France au 121e rang sur 144 au titre de la compétitivité administrative. Le CNEN a fait depuis sa création un important travail d'analyse, mais les attentes des élus locaux restent élevées.

En 2011, notre collègue Doligé avait déposé une proposition de loi visant à simplifier les normes. Rémy Pointereau, qui travaille le sujet au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, s'en est inspiré.

Le CNEN a reçu une double mission : celui de travailler sur le stock et sur le flux - c'est une innovation majeure. Son président, Alain Lambert, ancien président de la délégation aux collectivités territoriales, fait un travail remarquable. Le gouvernement, je n'ai pas de raison de douter de sa volonté, dit s'être doté de moyens dédiés pour réduire les normes - vous nous en direz davantage, monsieur le ministre. Émerge donc une nouvelle culture de la norme. Toute la question est de savoir comment faire ? Chacun, y compris le Parlement, doit fournir un effort.

Il arrive que des décrets dénaturent la loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un euphémisme !

M. Jean-Marie Bockel.  - Nous sommes aussi, comme parlementaires, de gros prescripteurs de normes : chacun doit balayer devant sa porte tant la simplification des normes est une ambition exigeante.

Depuis novembre dernier, le Sénat, sur instruction de son Bureau, travaille en collaboration avec le CNEN. La saisine de ce dernier est un élément clé de la réussite du dispositif ; sans cela, nous en resterons aux discours académiques.

À l'heure actuelle, les collectivités territoriales, qui tout autant que le gouvernement ou nos commissions permanentes peuvent saisir le Conseil, restent à l'écart du processus en raison des conditions très restrictives de leur possibilité de saisir le CNEN. La faute non à la loi, mais au décret du 30 avril 2014 qui illustre de façon emblématique le processus d'amplification et de paralysie de la norme par les textes d'application. Le décret multiplie les obstacles : à son article 3, il dispose que la demande d'évaluation doit être présentée par au moins cent maires et présidents d'ECPI ou dix présidents de conseil général ou deux présidents de conseil régional. Étrange pesée entre les divers exécutifs, soit dit en passant... Rien de tel n'était prévu par la loi. Faciliter la saisine du CNEN par les collectivités territoriales est indispensable si nous voulons enfin simplifier les normes ! (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois .  - Je veux remercier MM. Bockel et Pointereau. Il arrive qu'un décret s'écarte de la loi, voire la trahisse. C'est le cas de celui du 30 avril 2014. Le Sénat est aux côtés des élus locaux pour lutter contre la prolifération des normes inutiles. Soyons clairs : il y a des normes utiles, dans le domaine de la santé, du travail, de l'environnement ou que sais-je. Mais il en est des normes comme des lois, celles qui sont inutiles font du tort à celles qui sont nécessaires.

Je remercie M. Doligé d'avoir élaboré son rapport, M. Bel d'avoir organisé des états généraux de la démocratie locale après lesquels Mme Gourault et moi-même avons élaboré deux propositions de loi. L'une portait sur les conditions d'exercice des mandats locaux, l'autre créant le Conseil national d'évaluation des normes. Hélas ! avec toute l'amitié et le respect que j'ai pour les auteurs du décret du 30 avril 2014, ce dernier n'est pas conforme à cette loi. Nous avions prévu que toute collectivité territoriale puisse saisir le CNEN, le décret exige la signature de cent maires et présidents d'EPCI, dix présidents de conseil général et deux présidents de conseil régional !

M. Lambert, qui préside avec courtoisie le CNEN...

M. Charles Revet.  - Et qui fait du très bon travail !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... nous a suggéré plutôt que d'adopter une proposition de loi de demander au gouvernement de modifier son décret.

M. François Bonhomme.  - Chiche !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous avons saisi l'opportunité de cette proposition de loi pour procéder à quelques ajustements supplémentaires. D'abord, il nous est apparu plus raisonnable que le Conseil ne fût saisi des textes réglementaires que dans la mesure où ils ont un impact sur les normes applicables aux collectivités territoriales.

Ensuite, les procédures d'urgence. De fait, le Conseil peut être saisi en urgence par le Premier ministre avec l'obligation de statuer dans les quinze jours, ou dans les soixante-douze heures en cas d'extrême urgence.

Or il est arrivé que le Premier ministre demande au Conseil, un vendredi soir, de statuer dans ce délai... Impossible ! D'autant que le sujet n'était pas mince : la loi sur la transition énergétique. Nous proposons, en cas d'extrême urgence, que le délai ne soit pas inférieur à quatre jours ouvrables.

Concernant la soumission des normes sportives au CNEN avant qu'elles le soient à la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres), la commission des lois s'est d'abord montrée prudente vis-à-vis de l'amendement de M. Pointereau. Cependant, notre position a évolué. Considérez cet exemple : cette fédération sportive a décidé un beau jour que les tableaux de score devaient être modifiés, sans quoi le terrain ne serait plus homologué.

M. Charles Revet.  - Les cas de figure sont nombreux !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cela a un coût non négligeable. Dans un monde idéal, les collectivités territoriales pourraient le supporter, mais à l'heure actuelle, il en est autrement.

Enfin, nous avons prévu que les services de l'État concourent à l'évaluation des demandes, car, comme Alain Lambert nous l'a rappelé, le CNEN n'a pas de services propres.

Pour conclure, j'évoquerai un autre texte : une proposition de loi organique prévoit l'annexion systématique de l'avis du CNEN au projet de loi comme l'étude d'impact. Adoptée par le Sénat, elle n'a pas encore été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je forme le voeu qu'elle le soit bientôt et compte sur le talent de conviction du ministre pour y parvenir.

Cette proposition de loi marque une étape de plus dans l'accompagnement des élus locaux par le Sénat. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Dès 2012, le président de la République le disait, 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, c'est un détournement de la décentralisation. Cette inflation normative, qui suscite incompréhension et irritation, a un coût administratif et financier pour les collectivités territoriales, ainsi que l'ont établi Éric Doligé en 2011, puis Alain Lambert et Jean-Claude Boulard en 2013. Entre 2008 et 2013, malgré les travaux de MM. Doligé et Lambert, le coût brut des normes a été de 5,8 milliards d'euros.

M. Charles Revet.  - Incroyable !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - En 2014, un dispositif efficace a été créé pour réduire ces normes, dont le CNEN installé le 3 juillet 2014.

Le gouvernement s'attache à réduire le stock, ainsi la loi NOTRe reprend quatorze des mesures de la proposition de loi de M. Doligé : assouplissement de la législation relative aux CCAS ; simplification de la mise à disposition des documents sur l'exploitation des services publics ; uniformisation des délais d'adoption des règlements intérieurs ; alignement des règles des accords-cadres sur celles des marchés publics ; fixation à neuf mois du délai relatif au rapport annuel sur les prix des services publics de fourniture d'eau et de ramassage des ordures ; suppression de la délibération préalable à la procédure pour abandon manifeste d'une parcelle, dématérialisation de la publication des actes administratifs ; délai minimum pour la transmission des documents en amont des commissions permanentes ; clarification de la procédure de dissolution d'un EPCI. Votre assemblée le constatera la semaine prochaine.

M. Éric Doligé.  - Cela fait plaisir !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Deuxième exemple, la mission confiée à de grandes inspections rendra ses conclusions en juin. Enfin, des ateliers thématiques ont été mis en place en lien avec les associations d'élus et les associations de cadres territoriaux.

Le décret du 30 avril 2014 encadre trop strictement l'accès des élus locaux au CNEN. Le gouvernement partage votre souci de le faciliter. Il faut néanmoins veiller à ne pas créer un engorgement du Conseil - c'était le but des conditions fixées par voie réglementaire qui, à l'usage, se révèlent excessives.

Je suis prêt à aller dans votre sens et je m'engage à ce qu'une modification du décret intervienne rapidement, après concertation avec le CNEN, en prenant en compte nos débats.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Notre débat aura servi à quelque chose !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sur le flux, le gouvernement a publié une circulaire le 9 octobre visant l'objectif « zéro charge supplémentaire pour les collectivités territoriales des normes applicables au 1er janvier 2015 ». Vous voulez annexer l'avis du CNEN aux projets de loi. Améliorons plutôt la coopération.

Enfin, restons prudents sur les normes sportives, la Cerfres doit jouer son rôle. Notre politique donne des résultats : les normes ont généré 1,6 milliard d'euros de coût en 2013, 800 millions en 2014 et seulement 19 millions au 22 avril 2015.

Le gouvernement veut aller plus vite, plus loin et plus fort. (Applaudissements)

Mme Françoise Gatel .  - Comme disait Portalis sous lequel nous siégeons : les lois doivent être faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois.

Or l'obligation de disposer de deux vestiaires d'arbitres de football de 8 m² a abouti à déclasser un stade du championnat CFA car si l'un des vestiaires faisait 9,5 m2, le second n'en avait que 7... Autre exemple : un décret de 2011, signé par quinze ministres sur la restauration scolaire a défini le nombre d'oeufs durs à servir aux enfants selon leur taille et leur poids...

L'incontinence législative, déjà dénoncée par le rapport Lambert-Boulard, étouffe l'initiative. Comment concilier deux normes incompatibles, comme celles requises pour les unités Alzheimer, où il faut à la fois empêcher la sortie et disposer d'issues de secours toujours disponibles.

En facilitant la saisine du Conseil, en précisant le champ de son contrôle et en inversant la charge de la preuve, cette proposition de loi donnera satisfaction aux élus locaux. Jeune sénatrice, je m'étonne cependant qu'il faille un décret pour corriger la loi. Peut-être manque-t-il, dans notre maquis législatif, une norme sur la rédaction des décrets ? (Sourires)

M. Jean-Claude Requier.  - Eh oui !

Mme Françoise Gatel.  - Enfin, les normes émanant des fédérations sportives, qui ne sont pas les financeurs, exaspèrent particulièrement les élus. Le texte de la commission des lois y met bon ordre.

Un homme averti en vaut deux, dit l'adage. Il est sage de ne pas prévoir de décret d'application !

Par cette proposition de loi, le Sénat, représentant des collectivités, fait de la chasse à l'inflation normative un combat pour l'efficacité de l'action publique. Le groupe UDI-UC votera avec enthousiasme ce texte ! (Applaudissements)

M. Rémy Pointereau .  - À l'initiative du président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales a reçu compétence, par une instruction du Bureau de novembre dernier, d'évaluer et de simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales. Vice-président de la délégation, j'ai constitué un groupe de travail qui depuis plusieurs mois s'attaque à la prolifération législative. Lors du dernier Congrès des maires, nous avons lancé un questionnaire auquel ont répondu 4 200 élus locaux. Les domaines dans lesquels la simplification est la plus ardemment souhaitée sont l'urbanisme pour 60 % des sondés, l'accessibilité pour 30 %, l'achat public et l'environnement pour 20 %.

La délégation a entendu agir sur le flux. Les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances mais la simplification des normes est désormais au coeur du débat parlementaire. Je compte poursuivre la tâche en reprenant l'excellent travail de M. Doligé et en nous attaquant au stock.

La délégation ne peut y parvenir seule, elle soit s'appuyer sur le CNEN, pourvu qu'on donne à celui-ci les moyens nécessaires. Or le décret du 30 avril 2014 a rendu dans les faits impossible sa saisine par les collectivités territoriales. Les élus sont ainsi exclus d'un instrument créé pour eux...

Pour remédier à cette situation, M. Bockel, président de la délégation, et moi-même avons déposé cette proposition de loi que la commission des lois a enrichi. Ce sera désormais à l'administration, et non au demandeur, de fournir les éléments techniques prouvant la qualité et l'utilité de la norme ; la charge de la preuve est inversée, ce qui facilitera grandement le travail du Conseil.

Les équipements sportifs sont financés à 85 % par les collectivités territoriales. C'est un organisme dédié, la Cerfres, qui est saisi des normes les concernant, non le Conseil national. Que le CNEN donne également son avis me semble appréciable.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi confiait aux associations d'élus la possibilité de saisir le CNEN sur le stock. Cela me parait indispensable : les associations nationales d'élus ont la connaissance du terrain et des moyens d'expertise. Je proposerai un amendement pour rétablir cette disposition.

S'il est bon de motiver une demande, cette motivation doit être succincte, et non un pensum, sauf à faire obstacle à la saisine. J'espère que cet amendement, aussi, sera adopté.

Je compte sur le ministre Vallini et le Sénat pour être le moteur de la simplification des normes ! (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - On reproche souvent aux écologistes leur goût immodéré pour la norme. C'est bien souvent l'outil le plus utile pour protéger notre bien commun qu'est l'environnement.

Ce n'est toutefois pas de ces normes-là que nous parlons mais de celles applicables aux collectivités territoriales, qui procèdent moins d'une logique de régulation collective que d'une mécanique administrative de plus en plus complexe. La norme n'est pas un mal à bannir ; elle peut faciliter l'exercice de droits, rationaliser, uniformiser les pratiques ou encore protéger les élus locaux. Certaines sont devenues disproportionnées, superfétatoires, et leur volume a crû de manière déraisonnable au point de nuire au principe de subsidiarité.

Le Sénat s'intéresse depuis longtemps à ce problème. En 2013, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), créée en 2008, a été transformée à son initiative en un Conseil aux pouvoirs étendus. Il est chargé de séparer le bon grain de l'ivraie dans les nouveaux projets de normes et la foison des normes existantes.

Le problème est que le décret d'application d'avril 2014 a rendu la saisine du CNEN très difficile, en contradiction avec l'esprit du législateur. Les limites respectives de la loi et du règlement définies aux articles 34 et 37 de la Constitution, sont certes floues et le Gouvernement a beau jeu d'exciper de son pouvoir réglementaire pour conserver des marges de manoeuvre... Mais le Parlement doit affirmer son pouvoir de législateur.

Prenons garde que l'assouplissement des conditions de saisine du Conseil ne conduise pas à son engorgement. Les limites apportées en commission des lois permettront d'éviter cet écueil. La clarification des délais de saisine en urgence ou en extrême urgence va également dans le bon sens -  le Parlement est lui-même habitué des délais déraisonnables, j'ai en mémoire les milliards d'euros du CICE engagés au détour d'un amendement déposé séance tenante dans un collectif...

Les écologistes voteront ce texte ; l'unanimité aidera le Gouvernement à ne pas oublier que nous sommes les législateurs... (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Depuis des années, les critiques de la prolifération normative s'accentuent. Les textes de loi comptent de plus en plus d'articles, 300 dans le cas de la loi Macron, une centaine pour la loi NOTRe... Cette prolifération n'est pas due à je ne sais quelle volonté perverse, les fonctionnaires veulent bien faire, trouver la norme la meilleure. Nous approuvons la création du CNEN, mais ce texte ne suffira pas à juguler la multiplication des normes. Vouloir remédier aux peurs sociales, répondre à l'incitation médiatique à agir conduisent aussi à accroître les normes en vigueur. Sans compter les cartes et autres schémas qui se multiplient et amoindrissent les libertés locales...

Comment simplifier les normes sans amoindrir la légitimité de l'action publique ? La norme protège aussi... Comment éluder la question des moyens financiers des collectivités territoriales depuis la RGPP ? L'État se désengage, tout en transférant sans compensation toujours plus de compétences. Les collectivités territoriales se retrouvent bien seules pour traiter des sujets parfois très techniques. Délaissées par l'État et ses services, elles se tournent vers des consultants privés, coûteux, qui leur font vivre la « réunionnite » - et leur exacerbation ne cesse de croître. Donner des moyens aux collectivités territoriales, privilégier la concertation et l'alerte restent les moyens les plus efficaces de prévenir la prolifération normative.

L'amendement relatif au double contrôle des normes des fédérations sportives est opportun, de même que les dispositions élargissant la saisine du Conseil et renversant la charge de la preuve.

Veillons à ce que les recommandations du CNEN n'aboutissent pas à une dérégulation, surtout dans les domaines écologiques, sanitaires et de la sécurité de nos concitoyens. À cette réserve près, le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Requier .  - Une proposition de loi pour simplifier la saisine du Conseil national chargé de simplifier les normes, c'est le comble du comble ! La Ve République a inventé le parlementarisme rationalisé ; il faudrait peut-être imaginer à présent l'administration rationalisée...

La majorité des 900 propositions de simplification contenues dans le programme pluriannuel est d'ordre réglementaire. Le fléau de l'inflation normative touche les collectivités territoriales. Le code général des collectivités territoriales compte 3 500 pages, et ce n'est pas le seul code applicable aux collectivités territoriales, il faut compter avec le code électoral, le code de l'urbanisme, le code de l'éducation, le code de l'environnement et celui de la fonction publique.

L'impact financier pour les collectivités territoriales est considérable. Selon le rapport Belot, « le coût des 163 projets de normes de l'État qui ont donné lieu à une évaluation en 2009 représentaient plus de 580 millions d'euros (...) ; pour 2010, le coût des 176 projets évalués représentait 577 millions. » Espérons que la future loi sur la transition énergétique n'aura pas d'effets aussi dommageables que le Grenelle II qui s'était soldé par la publication de quelque 200 circulaires et décrets. Nous sommes sans illusion sur les effets de clarification de la loi NOTRe...

Le CNEN procède de la réflexion de Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. Le décret d'application d'avril 2014 a restreint excessivement les conditions de sa saisine, vidant la loi qui l'avait créée de sa substance. Cette complexification inexpliquée est le signe d'une certaine défiance envers les élus locaux.

La navette devra être rapide car nous avons déjà débattu de ces sujets. Un peu d'humour pour finir... L'économiste Georges Elgozy définissait l'administration comme « un mot femelle qui commence par admiration et se termine par frustration ». (Applaudissements)

M. Jean-Yves Leconte .  - À côté des normes nécessaires pour la sécurité ou la santé, d'autres sont plus discutables. Ainsi, des mesures édictées par les fédérations sportives, qui ont un coût et pèse sur les collectivités territoriales.

Les travaux de Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur ont donné lieu à deux propositions de loi, sur les conditions d'exercice des mandats locaux - promulguée en janvier - et sur la création du CNEN en remplacement de la CCEN. Les normes sont à présent étudiées en amont par un organisme où sont représentés les élus locaux.

Le décret d'application a toutefois méconnu la lettre et l'esprit de la loi, en fixant des conditions très restrictives à la saisine du Conseil. C'est donc à bon droit que Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau proposent, avec ce texte, que chaque collectivité territoriale puisse saisir directement le CNEN. Le groupe socialiste approuve les autres dispositions de ce texte, la restriction de la compétence du Conseil aux normes relatives aux collectivités territoriales, la clarification des délais...

Le texte s'inscrit dans le droit fil des états généraux de la démocratie locale et des débats sénatoriaux. Avec son adoption, notre Haute Assemblée jouera pleinement son rôle. (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - Les normes, sujet rituel du Congrès des maires de France... Au nombre de 400 000, elles pèsent d'un poids désormais insupportable et sont un frein à l'initiative et à la compétitivité. On ne peut dire mieux que ce propos tenu en novembre 2012 par le président de la République devant les élus locaux. Ces derniers ont naturellement accueilli favorablement les promesses de simplification. « Nul n'est censé ignorer la loi » : l'adage est devenu une forme d'ironie car qui pourrait connaître toutes les normes en vigueur ? Qui saurait départager celles qui se contredisent manifestement ?

Le CNEN est un organisme indépendant créé en 2013. Les conditions de sa saisine ont été fixées par un décret d'avril 2014, dont les dispositions sont manifestement contraires à l''esprit de la loi. La présente proposition de loi y met bon ordre.

Le CNEN a-t-il les moyens de remplir sa mission ? Sans doute non. D'autant que l'ouverture de la saisine aux associations d'élus alourdira sa charge et allongera encore les délais de réponse...

Le mal est plus profond. Nos concitoyens voient encore trop souvent dans la norme une solution à tout. Puisque la mode est au latin avec Mme Vallaud-Belkacem, quod infernum sit in bonum intentiones constravit... Notre pays a produit un pachyderme normatif impossible à mettre à la diète. Une thérapie génique s'impose...

La décentralisation, qui est recherche d'autonomie, appelle une différenciation ; celle-ci produit des différences qui deviennent inégalités. Or l'égalité commande que la règle soit la même pour tous et partout. Pour résoudre cette équation, on imagine des solutions, on imagine des équilibres à coups de péréquation... Nous sommes au coeur de logiques contradictoires, contrariées. Aller plus avant dans la différenciation normative suppose un bouleversement jamais vu depuis la Révolution... Cela mérite à tout le moins un débat national. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé, Mouiller et Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Jarlier et Maurey, Mme Cayeux et M. Bockel.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, et les associations d'élus locaux

M. Rémy Pointereau.  - Il faut ouvrir aux associations d'élus locaux la possibilité de saisir le CNEN. Mais sans doute peut-on ouvrir cette possibilité aux seules associations nationales...

Mme la présidente.  - Ce qui en ferait un amendement n°2 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Avis défavorable. Le texte rend la saisine possible par toute commune, tout département, toute région...

M. Éric Doligé.  - Il n'y en a plus que treize !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... tous les EPCI, tous les députés, tous les sénateurs, sans compter que le CNEN peut s'autosaisir !

Il n'a pas paru nécessaire à la commission des lois d'allonger la liste. J'approuve la modification que vous venez d'apporter, mais elle ne peut changer l'avis donné par la commission des lois.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Jean-Marie Bockel.  - Pensons à la pratique. Si l'on veut que le travail se fasse, il faut impliquer les associations d'élus. C'est un amendement de simplification et de méthode.

Mme Françoise Gatel.  - Je salue la précision du rapporteur et son souci de ne pas engorger le CNEN. Toutefois, ouvrir la saisine à une association nationale qui centraliserait les demandes serait un facteur de simplification.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé et Lefèvre, Mme Troendlé, M. Mouiller, Mme Cayeux et MM. Jarlier et Bockel.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par le mot :

succinctement.

M. Rémy Pointereau.  - La commission des lois a prévu que les demandes d'évaluation seront motivées. Elles ne doivent pas, pour autant, se transformer en pensum.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La loi dispose que la saisine est motivée, cela suffit ; le texte peut ne faire que trois lignes. Imposer qu'il soit succinct empêcherait les élus voulant rédiger cinq pages de le faire... Retrait ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Claude Requier.  - Sans être du parti socialiste, je me risque à proposer une synthèse. (Sourires) Pourquoi ne pas écrire « même succinctement » ? Cela couvrirait tous les cas.

Mme Françoise Gatel.  - Nous passons notre après-midi à voter un texte pour rectifier un décret. Précisons les choses pour éviter tout écart dans l'application.

M. Rémy Pointereau.  - J'accepte la proposition de M. Requier.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°1 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Je ne peux donner un avis favorable à « même succinctement ». « Motivé » suffit !

Mme la présidente.  - Ce n'est peut-être pas fondamental, monsieur Pointereau...

M. Rémy Pointereau.  - Soit.

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 14

Remplacer le mot :

fixé

par les mots :

réduit sans être inférieur

II. - Alinéa 16

1° Remplacer les mots :

En cas d'impérieuse nécessité

par les mots :

À titre exceptionnel

2° Remplacer les mots :

sans être inférieur à quatre jours ouvrables

par les mots :

à soixante-douze heures

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le délai de quatre jours ouvrables est très contraignant et pourrait gêner le gouvernement. Mieux vaut concilier la gradation définie dans la proposition de loi avec les impératifs de délais auxquels le gouvernement ne peut se soustraire dans des circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - J'ai mentionné tout à l'heure la saisine du CNEN en extrême urgence un vendredi soir sur la loi de transition énergétique, avec avis dans les soixante-douze heures... Il faut lui laisser le temps de faire son travail. Quatre jours pour examiner un texte complexe, peut-être de plusieurs dizaines de pages, c'est déjà peu. Avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - La proposition de loi est adoptée. (Applaudissements)

Délégation (Nomination)

Mme la présidente.  - Je rappelle au Sénat que le groupe UMP a présenté une candidature pour la délégation à la prospective.

La présidence n'ayant reçu aucune opposition à l'expiration du délai prévu par l'article 8 du Règlement, je proclame M. Robert del Picchia, membre de la délégation à la prospective, en remplacement de Mme Natacha Bouchart, démissionnaire.

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 30.

Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

Discussion générale

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Cette proposition de loi, déposée par Claude de Ganay, a été adoptée à l'Assemblée nationale le 5 février dernier. La France accorde une grande importance à la sécurité de ses installations nucléaires. Elle est vigilante, face à tous les types de menaces, et adapte en conséquence son corpus réglementaire et législatif. Le décret de 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport, en est un exemple.

Depuis décembre 2011, plusieurs actions d'intrusions illégales ont été menées dans des complexes civils pour exprimer un désaccord avec les choix énergétiques de la France. Ces installations sont protégées contre de multiples menaces de haute intensité, par un dispositif qui ne doit pas être détourné de sa vocation, qui est la protection des matières nucléaires. Ce serait d'autant plus inacceptable que nous faisons face à une menace terroriste.

La liberté de manifester et de s'exprimer doit être préservée, et peut s'exercer à l'extérieur, mais ces actions laissent croire que nos installations sont mal protégées. L'État doit assurer la protection des sites sensibles tout en respectant les expressions démocratiques ; celles-ci doivent toutefois s'exercer dans le cadre de la légalité. Tous les moyens d'expression ne sont pas acceptables.

C'est pourquoi le gouvernement soutient les mesures de protection des installations civiles nucléaires adoptées à l'Assemblée nationale. De même les survols de drones ont créé une confusion. Il importe d'anticiper les menaces et tel est l'objet de l'article 2.

Au nom du gouvernement, et plus particulièrement des responsabilités de l'État en matière de sécurité nucléaire assumées par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, je souhaite que la représentation nationale adopte ce texte, afin que les mesures qu'il contient soient mises en oeuvre rapidement. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Depuis 1996, nos installations nucléaires ont fait l'objet d'une quinzaine d'intrusions ou tentatives de militants antinucléaires. À aucun moment elles n'ont remis en cause la sécurité de nos installations.

Le 18 mars 2014, une soixantaine de militants se sont introduits de manière violente jusqu'au sommet du dôme et sur le toit de la piscine de stockage de la centrale de Fessenheim. En septembre dernier, 55 militants ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Colmar à deux mois de prison avec sursis pour violation de domicile. Trois d'entre eux seulement étaient présents à l'audience. Ces sanctions ne sont pas assez dissuasives pour éviter les intrusions spectaculaires qui se sont récemment multipliées.

Même si ces actions ne visent pas à menacer directement notre sécurité, elles illustrent la vulnérabilité de nos institutions. La protection des sites d'EDF est assurée par 882 policiers et fonctionnaires du GIGN et ceux du CEA et d'Areva par les Formations locales de sécurité, services internes qui comptent 1 300 agents. Le dernier maillon d'intervention, pour les sites non militaires du CEA et d'Areva, est le Raid, unité de la police nationale. Pour les autres, c'est le GIGN.

Pour réprimer les intrusions militantes, notre droit est insuffisant. Certes, il existe des délits spécifiques réprimant les destructions et dégradations. Mais la jurisprudence repose sur des qualifications inadaptées, validées par la Cour de cassation en mars 2014, comme la violation de domicile, d'où des peines limitées, de deux à six mois de prison avec sursis et de faibles amendes ou frais de procédures, de l'ordre de 1 000 à 3 000 euros.

L'article 55 de la loi de programmation militaire a autorisé le gouvernement à insérer dans le code de la défense et dans le code des collectivités territoriales, des dispositions pour renforcer la sécurité des installations nucléaires. Ainsi les préfets ont été autorisés à mieux réglementer la circulation et le stationnement alentour.

Mais mieux valait emprunter la voie parlementaire, pour établir un dispositif pénal caractérisant de nouvelles infractions. Ce texte prévoit une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine accrue en cas de circonstances aggravantes, comme les destructions, ou lorsqu'elle est commise en réunion ou en bande organisée, peine applicable tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales, avec des amendes pouvant être très élevées pour ces dernières (jusqu'au quintuple de celles qui seront infligées aux premières).

Ces peines dissuasives permettront à nos forces de sécurité de se concentrer sur le risque terroriste, qui est réel. Ce texte ne porte aucunement atteinte au droit de manifestation, qui pourra s'exprimer autrement.

Une quarantaine de survols illégaux de 19 sites par des drones ont été recensés depuis septembre 2014. Six centrales nucléaires ont été survolées simultanément le 31 octobre 2014. La base militaire de l'Île Longue a été survolée les 26 et 27 janvier derniers.

Même si ces vols ne présentent aucun danger, il est opportun de légiférer ; c'est l'objet de l'article 2. Il est difficile d'identifier et de neutraliser les drones, particulièrement ceux de petite taille volant à basse altitude. Un rapport sur le sujet sera déposé devant le Parlement avant le 30 septembre 2015. Des recherches sont lancées, dont certains en coopération avec nos partenaires étrangers, confrontés aux mêmes problèmes.

Cette proposition de loi ne prétend pas apporter une réponse à tous les problèmes - il faudra notamment préciser le statut et la formation des pilotes de drones - mais c'est une avancée.

Nous devons aussi renforcer la sécurité des systèmes d'information, c'était l'objet de l'article 22 de la loi de programmation militaire de 2013.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification afin qu'elle puisse entrer en vigueur rapidement. (Applaudissements à droite)

M. Joël Guerriau .  - L'industrie nucléaire résulte des choix courageux faits dans les années cinquante par l'État dans le domaine militaire, puis dans les années soixante dans le domaine civil. Notre réseau de centrales est réparti sur l'ensemble de notre territoire. Le nucléaire fait désormais partie de notre quotidien. Cette technologie qui contribue à notre indépendance énergétique n'est toutefois pas sans risque, comme l'a montré la catastrophe de Fukushima. Ces risques sont imprévisibles et multiples : défaillance technique, malveillance, catastrophe naturelle... L'Autorité de sureté nucléaire applique de nouvelles normes, afin de renforcer la sécurité de nos centrales. Toutefois, la France est très exposée. Une nouvelle menace apparaît : l'activisme et le terrorisme.

Une intrusion dans une centrale nucléaire pourrait provoquer des dégâts immenses. Tout doit être mis en oeuvre pour éviter le pire. Cette proposition de loi vise à sanctionner les malveillances intentionnelles et les intrusions. 67 survols de drones ont été constatés, sans que l'on en connaisse les auteurs : plaisantins ? Espions ? Terroristes ? Industriels testant leur matériel ? Les cas d'intrusion de militants antinucléaires se sont multipliés.

Le Livre blanc a montré que le nucléaire était à la fois un secteur vital et sensible. Nous devons adapter notre droit pénal aux nouvelles menaces, afin que le juge dispose d'un arsenal répressif adapté, au-delà des qualifications sous-dimensionnées, comme la violation de domicile, prévue par l'article 226-40 du code pénal.

C'est pourquoi, conformément aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ce texte crée une infraction spécifique pour les intrusions. Initialement il classait les installations parmi les « zones de défense hautement sensibles ».

L'Assemblée nationale en a clarifié le champ d'application. L'article premier crée un dispositif pénal spécifique pour les intrusions dans les installations nucléaires, avec une gradation en trois niveaux des circonstances aggravantes, jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende en cas de violence ou d'intrusion commise en bande organisée. Ce dispositif gradué nous semble plus adapté. Je tiens à souligner la qualité du travail réalisé par Xavier Pintat.

Nous suivons les indications du rapporteur et voterons le texte de la commission en toute confiance. (Applaudissements des bancs du RDSE à la droite)

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Une fois n'est pas coutume, ce texte fait l'objet d'un large consensus. Il s'agit de renforcer la sécurité des sites nucléaires. L'État aurait dû légiférer depuis longtemps. Depuis 1996, les intrusions se sont multipliées. Certes, il s'agissait d'actions militantes pacifistes, mais cela signifie que le risque terroriste est bien présent.

D'ailleurs, des attaques à l'étranger ont visé des installations énergétiques : en 2010 dans le Caucase russe, en 2013 en Algérie, mais aussi au Pakistan ou au Niger. La France, avec 58 réacteurs et 50 % de sa population vivant à moins de 80 km d'une centrale, est très vulnérable et il est étonnant que nous soyons les derniers, parmi les pays occidentaux, à nous protéger.

Notre droit pénal était inadapté, ne contenant aucune incrimination spécifique, et les sanctions encourues pour violation de domicile, qualification retenue par le tribunal correctionnel de Colmar, à l'encontre des militants qui avaient escaladé le dôme de la centrale de Fessenheim, peu dissuasives.

Cette proposition de loi comble donc un vide juridique. Elle crée une échelle de peines graduées, en fonction de trois niveaux de gravité. Je rassure les défenseurs des droits fondamentaux et des libertés publiques, qui ne sont nullement remis en cause : le droit de manifestation, en particulier, pourra toujours s'exprimer à l'extérieur des sites sensibles.

Toutefois, cette proposition de loi, qui ne fait que renforcer les sanctions, ce qui constitue une avancée, n'est pas suffisante. Certes les centrales d'EDF sont protégées par des pelotons spécialisés de la gendarmerie et les sites d'Areva ou du CEA par des forces civiles spécifiques.

Je salue l'initiative du gouvernement qui a lancé une démarche interministérielle coordonnée, avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour contrer les survols des centrales par des drones. La réflexion sur les adaptations juridiques, techniques et capacitaires requises serait déjà bien avancée et je m'en félicite.

L'article 2, enrichi par les députés, prévoit que le gouvernement associera le Parlement à la réflexion en lui remettant un rapport avant septembre.

Le groupe socialiste votera ce texte conforme, malgré ses limites, pour qu'il entre en vigueur le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Leila Aïchi .  - Cette proposition de loi a le mérite de permettre au Parlement de s'exprimer sur la sécurité des installations nucléaires. Il était temps ! Mais le groupe écologiste considère que ce sujet méritait plus de sérieux et d'ambition.

Depuis longtemps, nous vous alertons sur l'insuffisante sécurité de nos installations. Il a fallu des survols de drones et des intrusions pour que le gouvernement agisse.

Or cette proposition de loi, à l'intitulé inapproprié ou fallacieux, puisque vous avez reconnu que les peines prévues ne dissuaderaient pas les terroristes, ne renforce pas la sécurité des installations mais vise les manifestants, et les activistes et les lanceurs d'alerte, alors même que le rapporteur lui-même convient que ces actions militantes ne sont pas dangereuses. C'est un texte anti-militant, anti-Greenpeace.

Qui faut-il pénaliser le plus ? Des activistes voulant alerter l'opinion, passibles d'une amende de 100 000 euros ou EDF, qui a écopé d'une amende de 7 500 euros pour une fuite de matières radioactives dans l'environnement ? Des lanceurs d'alerte qui avertissent les citoyens des dangers du nucléaire et qui risquent sept ans d'emprisonnement ? Ou le déchargement illégal de gravats radioactifs pour lequel EDF a dû payer 3 750 euros d'amende ?

Où est la justice ? Où est la logique ? Nous sommes bien loin du simple effet dissuasif !

Plutôt que renforcer la sécurité, vous vous attaquez à ceux qui révèlent les failles de la sécurité.

M. François Bonhomme.  - Il faudrait dire merci !

M. David Rachline.  - C'est incroyable !

Mme Leila Aïchi.  - Les protocoles de sécurité des centrales mériteraient d'être revus. Et si nous avons ce débat, c'est grâce à ces militants.

M. David Rachline.  - C'est incroyable !

Mme Leila Aïchi.  - Ne cédons pas à cette approche simpliste et d'affichage. Ce texte contribue à pérenniser le mythe de la sûreté de nos centrales nucléaires. Tout est affaire de moyens. Derrière cette proposition de loi se pose la question de notre filière nucléaire, qu'il faudrait aborder sans tabou. Or, lorsque le gouvernement estime qu'elle a un avenir, qu'elle constitue une force pour notre pays et qu'Areva, avec un déficit de 8 milliards d'euros, pâtit simplement de la conjoncture du marché mondial, l'inconséquence, le dogmatisme et l'irrationalité règnent. C'est ce même aveuglement irresponsable que nous retrouvons dans ce texte.

Mme Michelle Demessine .  - Cette proposition de loi avait été déposée en septembre 2013 à la suite de la catastrophe de Fukushima. L'AIEA avait invité les opérateurs nucléaires à revoir la sûreté de leurs installations.

Le débat sur l'énergie nucléaire s'est élargi à celui de la sécurité des installations et à sa protection contre les terroristes.

Depuis une dizaine d'années, les intrusions des militants antinucléaires ont mis en lumière les failles de notre dispositif de sécurité. Ces intrusions mettent en péril la sécurité des personnels, des forces de l'ordre et des militants, aussi bien que celle des installations.

Même si aucun n'a jamais eu lieu sur notre sol, nous ne pouvons écarter la menace d'un attentat sur un réacteur nucléaire. On ne saurait y répondre sur le seul terrain juridique.

Cette proposition modifie en effet notre code pénal en créant à bon escient un délit spécifique d'intrusion, distinct de la violation de domicile, et prévoit des sanctions graduées.

Ce texte n'entrave pas la liberté d'expression des opposants au nucléaire, libres de manifester partout ailleurs. Toutefois la sécurité des installations ne dépend pas que de la loi. Elle relève avant tout de la légitimité reconnue à cette énergie. Il nous faudra aussi sans doute légiférer sur les survols de drones. Le rapport prévu à l'article 2 est la bonne méthode.

Le groupe CRC votera ce texte.

M. Gilbert Barbier .  - Comme la France possède le deuxième parc nucléaire, il est important d'en assurer la sécurité. Selon un sondage BVA, 67 % des Français sont favorables à l'énergie nucléaire - qui représente 75 % de notre électricité. En attendant que la transition énergétique produise ses effets, nous devons assurer la sécurité de nos installations. Celle-ci est globalement satisfaisante.

La loi de programmation militaire de 2013 a renforcé la sécurité des opérations d'importance. Mais il arrive que des événements médiatisés mettent en lumière des failles. Si elles ne présentent pas une menace directe, les intrusions par des militants antinucléaires ne sauraient être traitées comme de simples violations de domicile.

La liberté de manifester n'autorise pas à commettre des délits. En cas de violation de la loi, il doit y avoir sanction. Des personnes malveillantes pourraient se mêler aux activistes.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'OPECST ont recommandé un régime de sanctions adapté aux installations nucléaires.

L'article 2 prévoit la remise d'un rapport sur les survols de drones. Il est temps de traiter ce sujet. Si, d'après le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, les drones civils n'ont pas encore la capacité de causer des dommages aux installations, ils peuvent servir à réaliser un repérage. Nous devons légiférer.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. David Rachline .  - Merveilleuse après-midi : les communistes ont voulu désarmer nos policiers et les Verts nous expliquent que l'on doit pouvoir entrer dans nos centrales nucléaires comme dans des moulins. Cela en dit long sur l'état de nos institutions et de notre République...

Notre code pénal est inadapté. Les militants qui se sont introduits à Fessenheim en 2014, provoquant la mobilisation de 290 gendarmes, ceux qui ont pénétré à Nogent-sur-Seine en 2011 ou au Tricastin en 2013 n'ont écopé que de quelques mois de prison avec sursis.

Nous devons adopter des dispositions juridiques adéquates. Cette proposition de loi va dans le bon sens : elle dissuadera les activistes - et non les « lanceurs d'alerte » - terme grotesque, issu de cette insupportable novlangue contemporaine.

Toutefois ce texte ne règle pas le cas du terroriste.

Nous devons agir pour lutter contre les survols par drones. Cette technologie nouvelle bat en brèche nos dispositifs de sécurité. L'article 2 en tient compte. J'espère que nous irons assez vite pour ne pas avoir à le regretter.

M. Jacques Gautier .  - Les centrales nucléaires sont évidemment des cibles pour les terroristes, car elles sont vitales pour notre indépendance. Ces sites stratégiques doivent être protégés. La moitié de la population vit à moins de 80 km d'un site nucléaire. Leur sécurité est essentielle.

Cette proposition de loi adapte notre dispositif pénal et juridique à la multiplication des intrusions. Le rapporteur a bien souligné le décalage entre la gravité des intrusions et la clémence des peines prononcées contre les militants. Il ne s'agit pas de laxisme, mais d'inadéquation de notre droit. L'enjeu, crucial, est la sécurité des installations, Centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) comme Installations nucléaires de base (INB), non un débat sur l'énergie nucléaire.

Depuis 2009, les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie nationale assurent la sécurité des CNPE. La loi de programmation militaire de 2013 a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance. Les préfets peuvent réglementer la circulation et le stationnement autour des centrales.

Les intrusions sont illégales et doivent faire l'objet de sanctions adaptées. Le groupe UMP se félicite des dispositions du texte. Ainsi, les forces de sécurité pourront se concentrer sur la prévention du risque terroriste. Nous reviendrons sans doute à l'automne sur le statut des forces de sécurité.

Un mot sur la menace dronistique. Nous sommes incapables de détecter les drones et d'identifier ceux qui les pilotent. Toutefois, ces vols ne présentent pas, pour le moment, de danger. En cas de recours à des drones tactiques ou MALE, il n'en sera pas de même... Mais l'armée de l'air a prévu des réponses spécifiques dans cette hypothèse.

Nous attendrons avec impatience le rapport prévu à l'article 2, qui complètera celui de l'Opecst, présidé par Bruno Sido.

Entre le rapport de novembre dernier et l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour, les délais étaient courts ; cela montre votre souci d'avancer avec nous, monsieur le ministre, ce que le rapporteur continuera à faire.

Notre groupe votera le texte de la commission.

M. André Reichardt .  - Je remercie mes collègues de la commission des affaires étrangères et je salue le travail réalisé par M. Pintat. Je me réjouis de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour réservé au groupe UMP. Le phénomène des survols de sites sensibles par des drones est spectaculaire, mais ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel.

L'objectif du texte est de pallier le vide juridique relatif aux intrusions physiques illégales dans les sites abritant des matières nucléaires, alors que notre pays doit prendre toutes les mesures utiles de lutte contre la menace terroriste - une menace dont j'ai pu prendre la mesure en coprésidant la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes.

Les responsables de la sécurité des sites ont aujourd'hui une tâche ardue ; nous devons la leur faciliter. Les militants antinucléaires eux-mêmes disent vouloir y contribuer en dénonçant les failles de sécurité des centrales...

Membre de la commission des lois, je me placerai sur le seul plan juridique. Avec 58 réacteurs et 19 centres nucléaires de production d'électricité, la France est un leader mondial mais son infrastructure stratégique est mal protégée ; et les sanctions prononcées contre les intrus restent très peu dissuasives.

Qui peut dire que l'intrusion de 200 militants sur le site de Gravelines en 2012 ne perturbe pas le fonctionnement des installations et est sans impact sur les collectivités territoriales et leurs habitants ; élu alsacien, je pense aussi à l'intrusion de 55 militants à Fessenheim qui s'est davantage apparentée à un coup de force qu'à une manifestation pacifique. La liberté d'expression et de manifestation est un droit inaliénable, mais ce droit n'autorise pas à pénétrer illégalement dans un établissement. Et la liberté de manifester doit s'exercer dans le cadre de la loi.

Au Canada, le droit pénal prévoit des amendes d'un million de dollars et cinq ans de prison. Aux USA, les forces de sécurité peuvent utiliser leurs armes à feu, ce qui est dissuasif... La création d'un régime spécifique de sanctions, assorti de peines complémentaires, traduit bien la nécessité d'une réponse adaptée et proportionnée.

Je vous propose de voter avec nous cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Leila Aïchi.  - Cette proposition de loi visait initialement à renforcer les conditions de sécurité des centrales. Sa réécriture complète lors de son examen à l'Assemblée nationale en a profondément modifié l'objet ; il n'est plus désormais question que de réprimer sévèrement les intrusions et de criminaliser un certain type de militantisme, celui-là même qui entend dénoncer les failles de sécurité des installations nucléaires. Évidemment sans dissuader les terroristes qui n'ont que faire des peines encourues. Supprimons cet article, par conséquent.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Cet amendement prive de contenu la proposition de loi... Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, cet amendement touche au coeur du texte. Regardons celui-ci pour ce qu'il est : il n'a pas pour objectif de sanctionner les militants ou les lanceurs d'alerte. Et il ne dissuadera pas - qui a dit le contraire ? - les terroristes. Le raisonnement est faux. C'est précisément ces circonstances difficiles à gérer qu'il faut écarter pour mieux lutter contre le terrorisme. Il s'agit de sanctionner l'occupation illégale des lieux de production d'énergie. Ceux qui fustigent le recours au droit pénal de ce texte sont aussi ceux qui en défendent l'intérêt pour sanctionner les auteurs d'infractions dans les parcs naturels...

M. André Trillard.  - Le débat a été dévoyé il y a trente ans lorsqu'un bateau de Greenpeace a été coulé par des manoeuvres discutables... Depuis, on a tenté de faire croire que la légalité était systématiquement du côté des militants et l'illégalité de celui de l'État...

Les militants peuvent militer ailleurs que dans les centrales... Je conteste enfin la notion de lanceur d'alerte. Par définition, tous les Français naissent libres et égaux...

M. Joël Guerriau.  - Il convient de laisser l'article premier en l'état.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Avant les mots :

Est puni

insérer les mots :

À l'exception des manifestations pacifiques,

Mme Leila Aïchi.  - Distinguons les manifestants pacifiques de ceux qui ne le sont pas. La sanction prévue ne devrait viser que les seconds, car les premiers attirent l'attention utilement sur les failles de sécurité.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - La liberté de manifester est un droit fondamental, constitutionnel. Mais elle ne s'exerce sur la voie publique que sous réserve d'une autorisation préalable. Le texte n'entrave en rien la possibilité de manifester à l'extérieur des sites. Cet amendement légitimerait certaines intrusions.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Il n'existe que des manifestations pacifiques, par définition. Avis défavorable.

M. André Trillard.  - Encore une fois, tous les citoyens sont égaux.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Je fais le lien avec ce qu'on appelle les zadistes : j'y vois une atteinte à l'État de droit. Les militants antinucléaires ont le droit de l'être ; mais Il y a bien d'autres lieux pour manifester que les centrales nucléaires.

M. Michel Vaspart.  - Très bien !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Avant les mots :

Est puni

insérer les mots :

À l'exception des actions concourant à la réalisation des objectifs visés à l'article 1er de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte,

Mme Leila Aïchi.  - Ce texte vise les lanceurs d'alerte, qui font la richesse et le dynamisme de notre société civile. Beaucoup de pays nous envient d'ailleurs la vigueur de notre société civile. Voyez l'intérêt qu'ils ont eu dans certains scandales sanitaires... Les lanceurs d'alerte ne devraient pas être concernés par les sanctions proposées.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Le statut de lanceur d'alerte est légitime, mais il ne saurait en aucun cas légitimer des dégradations ou des intrusions : avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Après le mot :

compétente

insérer les mots :

et avec une volonté manifeste de porter atteinte au bon fonctionnement des installations ainsi qu'à leur sécurité

Mme Leila Aïchi.  - Ajoutons à la définition de l'infraction créée un élément moral.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Avis défavorable, cela viderait le texte de son intérêt.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Après le mot :

compétente,

rédiger ainsi la fin cet alinéa :

dans l'enceinte des bâtiments réacteurs ou dans les locaux de stockage de matières radioactives des installations nucléaires de base définies à l'article L. 593-2 du code de l'environnement.

II.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Leila Aïchi.  - EDF distingue les zones à l'intérieur des centrales selon le degré de dangerosité, l'ASN fait de même. L'infraction pourrait être limitée aux intrusions dans des secteurs critiques, témoignant d'intentions véritablement hostiles.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Les périmètres de sécurité auxquels vous faites allusion ont leur utilité pour permettre une défense en profondeur et ralentir les intrusions. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - La proposition de loi est cohérente avec les dispositions du code de la défense qui prohibent l'accès à un périmètre particulier. Il serait déraisonnable d'attendre que les manifestants parviennent au coeur du réacteur pour constater le danger...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 4

Remplacer la référence :

à l'article 413-5

par les références :

aux articles 413-5 et 413-7

Mme Leila Aïchi.  - L'article 413-5 du code pénal protège les terrains ou engins affectés à l'autorité militaire ; l'article 413-7 du code pénal a un spectre plus large puisqu'il protège également les services ou établissements publics ou privés intéressant la défense nationale. C'est ce dernier article qui protège aujourd'hui les centrales nucléaires civiles.

Le principe d'une infraction anti-Greenpeace va créer une différenciation inexplicable entre certains agissements selon le site concerné. Cet amendement évite un conflit entre deux incriminations concurrentes.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Avis défavorable, la proposition de loi crée un nouveau type de zone à accès réglementé ; il n'y aura pas double incrimination.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIIONNELS

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l'article L. 125-10 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le responsable de tout transport terrestre est tenu d'informer les élus d'un convoi terrestre dans un rayon de dix kilomètres autour de l'itinéraire prévu du convoi. »

Mme Leila Aïchi.  - Nous élargissons le problème au transport de matières nucléaires. L'opacité qui entoure actuellement les transports routiers et ferroviaires de combustibles nucléaires constitue une mise en danger des riverains. Chaque année, de très nombreux convois empruntent le réseau ferré et routier français.

Cet amendement rend plus transparents ces convois, et oblige le responsable d'un tel transport terrestre à délivrer une information claire aux élus des territoires traversés.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - La confidentialité est essentielle pour garantir la sécurité de ces convois : avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Joël Guerriau.  - Quel intérêt auraient les élus locaux à en savoir davantage ? Je préfère ne pas être au courant du passage de ces convois...

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 593-6 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Après le mot : « responsable », sont insérés les mots : « de la sécurité et » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros le non-respect des avis de l'Autorité de sûreté nucléaire par le responsable d'une installation nucléaire au sens de l'article L. 593-2.

« Les personnes morales coupables de cette infraction encourent, outre une amende calculée en application de l'article 131-38 du code pénal, les peines mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du même code. »

Mme Leila Aïchi.  - La menace la plus prégnante pour les installations nucléaires est le non-respect des règles de sûreté édictées par l'ASN. Nous proposons, par parallélisme avec les peines encourues pour les infractions mentionnées à l'article premier, de sanctionner pénalement le non-respect de ses injonctions. Les centrales présentent un caractère exceptionnel de dangerosité.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Cet amendement est recevable dans son intention. Mais ces sanctions existent déjà, et la loi sur la transition énergétique a renforcé le pouvoir qu'a l'ASN de prononcer des astreintes et des sanctions pécuniaires. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Je vais rejoindre Mme Royal dans quelques instants pour examiner ces questions. Avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

évaluant les

par les mots :

sur les mesures complémentaires nécessaires à la sécurité des installations nucléaires de base contre les agressions extérieures. Ce rapport présente notamment les évolutions nécessaires en matière de renforcement de la sécurité des piscines de stockage de matières nucléaires, de sécurisation des transformateurs électriques et d'évaluation des

Mme Leila Aïchi.  - Ce second article de la proposition de loi demande au gouvernement un rapport sur les survols de drones. Si l'appréhension du risque que présentent ces survols est importante, il est nécessaire qu'elle s'inscrive dans un cadre plus large d'évaluation de la sécurité, comme ce qui s'est fait après Fukushima. Il convient ainsi d'élargir le rapport aux autres thématiques intéressant la sécurité des sites nucléaires, en particulier la bunkerisation des piscines et des transformateurs électriques, installations sensibles et peu protégées des sites nucléaires.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - L'usage croissant des drones est un problème à part entière qui appelle des solutions techniques et juridiques spécifiques. Les travaux du groupe de travail constitué par le Premier ministre avancent rapidement ; son rapport devrait être disponible à l'automne. Une nouvelle réglementation est en outre applicable depuis 2010 qui fait obligation aux opérateurs de procéder à des études de sécurité. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Leila Aïchi .  - Je trouve très regrettable que l'on s'en prenne aux militants et lanceurs d'alerte pacifiques qui font avancer nos sociétés démocratiques.

Il est également regrettable que certains nous traitent d'irresponsables alors qu'ils veulent transformer la France en Corée du Nord. Comme disait Napoléon, « en politique, une absurdité n'est pas un obstacle »...

M. Joël Guerriau .  - Les installations nucléaires ne sont pas un terrain de jeu. Le militantisme pourra toujours s'exprimer à l'extérieur des centrales.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Les inquiétudes ont été levées. Nous voterons ce texte.

M. David Rachline .  - Je m'étonne toujours du dogmatisme de la gauche et de l'extrême gauche. Elles ont conduit la France à la ruine, font entrer 200 000 étrangers dans notre pays tous les ans, affaiblissent la laïcité. Les Verts ont fait 0,07 % des voix aux cantonales...

Mme Cécile Cukierman.  - Quel rapport ?

M. David Rachline.  - ... et viennent à présent nous demander de laisser leurs petits camarades pénétrer librement dans les centrales et mettre en danger nos compatriotes. Vous serez sévèrement jugés par les Français.

Mme Cécile Cukierman.  - En place publique ?

M. David Rachline.  - ... dans les urnes, cela suffira.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Dommage de briser le consensus...

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 21 mai 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 15.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du jeudi 21 mai 2015

Séance publique

De 9 h 30 à 13 h 30

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. Bruno Gilles - M. Jean-Pierre Leleux

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales (n° 375, 2014-2015).

Rapport de M. Pierre-Yves Collombat, fait au nom de la commission des lois (n° 440, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 441, 2014-2015).

2. Proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 390, 2014-2015).

Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 442, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 443, 2014-2015).

À 15 heures

Présidence : M.  Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin - Mme Valérie Létard

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 h 15 et le soir

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Hervé Marseille, vice-président

4. Proposition de loi présentée par MM. Yves Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police (n° 391, 2014-2015).

Rapport de M. Alain Marc, fait au nom de la commission des lois (n° 433, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 434, 2014-2015).

5. Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon (Procédure accélérée) (n° 224, 2014-2015).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 415, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 416, 2014-2015).