Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

Discussion générale

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Cette proposition de loi, déposée par Claude de Ganay, a été adoptée à l'Assemblée nationale le 5 février dernier. La France accorde une grande importance à la sécurité de ses installations nucléaires. Elle est vigilante, face à tous les types de menaces, et adapte en conséquence son corpus réglementaire et législatif. Le décret de 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport, en est un exemple.

Depuis décembre 2011, plusieurs actions d'intrusions illégales ont été menées dans des complexes civils pour exprimer un désaccord avec les choix énergétiques de la France. Ces installations sont protégées contre de multiples menaces de haute intensité, par un dispositif qui ne doit pas être détourné de sa vocation, qui est la protection des matières nucléaires. Ce serait d'autant plus inacceptable que nous faisons face à une menace terroriste.

La liberté de manifester et de s'exprimer doit être préservée, et peut s'exercer à l'extérieur, mais ces actions laissent croire que nos installations sont mal protégées. L'État doit assurer la protection des sites sensibles tout en respectant les expressions démocratiques ; celles-ci doivent toutefois s'exercer dans le cadre de la légalité. Tous les moyens d'expression ne sont pas acceptables.

C'est pourquoi le gouvernement soutient les mesures de protection des installations civiles nucléaires adoptées à l'Assemblée nationale. De même les survols de drones ont créé une confusion. Il importe d'anticiper les menaces et tel est l'objet de l'article 2.

Au nom du gouvernement, et plus particulièrement des responsabilités de l'État en matière de sécurité nucléaire assumées par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, je souhaite que la représentation nationale adopte ce texte, afin que les mesures qu'il contient soient mises en oeuvre rapidement. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Depuis 1996, nos installations nucléaires ont fait l'objet d'une quinzaine d'intrusions ou tentatives de militants antinucléaires. À aucun moment elles n'ont remis en cause la sécurité de nos installations.

Le 18 mars 2014, une soixantaine de militants se sont introduits de manière violente jusqu'au sommet du dôme et sur le toit de la piscine de stockage de la centrale de Fessenheim. En septembre dernier, 55 militants ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Colmar à deux mois de prison avec sursis pour violation de domicile. Trois d'entre eux seulement étaient présents à l'audience. Ces sanctions ne sont pas assez dissuasives pour éviter les intrusions spectaculaires qui se sont récemment multipliées.

Même si ces actions ne visent pas à menacer directement notre sécurité, elles illustrent la vulnérabilité de nos institutions. La protection des sites d'EDF est assurée par 882 policiers et fonctionnaires du GIGN et ceux du CEA et d'Areva par les Formations locales de sécurité, services internes qui comptent 1 300 agents. Le dernier maillon d'intervention, pour les sites non militaires du CEA et d'Areva, est le Raid, unité de la police nationale. Pour les autres, c'est le GIGN.

Pour réprimer les intrusions militantes, notre droit est insuffisant. Certes, il existe des délits spécifiques réprimant les destructions et dégradations. Mais la jurisprudence repose sur des qualifications inadaptées, validées par la Cour de cassation en mars 2014, comme la violation de domicile, d'où des peines limitées, de deux à six mois de prison avec sursis et de faibles amendes ou frais de procédures, de l'ordre de 1 000 à 3 000 euros.

L'article 55 de la loi de programmation militaire a autorisé le gouvernement à insérer dans le code de la défense et dans le code des collectivités territoriales, des dispositions pour renforcer la sécurité des installations nucléaires. Ainsi les préfets ont été autorisés à mieux réglementer la circulation et le stationnement alentour.

Mais mieux valait emprunter la voie parlementaire, pour établir un dispositif pénal caractérisant de nouvelles infractions. Ce texte prévoit une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine accrue en cas de circonstances aggravantes, comme les destructions, ou lorsqu'elle est commise en réunion ou en bande organisée, peine applicable tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales, avec des amendes pouvant être très élevées pour ces dernières (jusqu'au quintuple de celles qui seront infligées aux premières).

Ces peines dissuasives permettront à nos forces de sécurité de se concentrer sur le risque terroriste, qui est réel. Ce texte ne porte aucunement atteinte au droit de manifestation, qui pourra s'exprimer autrement.

Une quarantaine de survols illégaux de 19 sites par des drones ont été recensés depuis septembre 2014. Six centrales nucléaires ont été survolées simultanément le 31 octobre 2014. La base militaire de l'Île Longue a été survolée les 26 et 27 janvier derniers.

Même si ces vols ne présentent aucun danger, il est opportun de légiférer ; c'est l'objet de l'article 2. Il est difficile d'identifier et de neutraliser les drones, particulièrement ceux de petite taille volant à basse altitude. Un rapport sur le sujet sera déposé devant le Parlement avant le 30 septembre 2015. Des recherches sont lancées, dont certains en coopération avec nos partenaires étrangers, confrontés aux mêmes problèmes.

Cette proposition de loi ne prétend pas apporter une réponse à tous les problèmes - il faudra notamment préciser le statut et la formation des pilotes de drones - mais c'est une avancée.

Nous devons aussi renforcer la sécurité des systèmes d'information, c'était l'objet de l'article 22 de la loi de programmation militaire de 2013.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification afin qu'elle puisse entrer en vigueur rapidement. (Applaudissements à droite)

M. Joël Guerriau .  - L'industrie nucléaire résulte des choix courageux faits dans les années cinquante par l'État dans le domaine militaire, puis dans les années soixante dans le domaine civil. Notre réseau de centrales est réparti sur l'ensemble de notre territoire. Le nucléaire fait désormais partie de notre quotidien. Cette technologie qui contribue à notre indépendance énergétique n'est toutefois pas sans risque, comme l'a montré la catastrophe de Fukushima. Ces risques sont imprévisibles et multiples : défaillance technique, malveillance, catastrophe naturelle... L'Autorité de sureté nucléaire applique de nouvelles normes, afin de renforcer la sécurité de nos centrales. Toutefois, la France est très exposée. Une nouvelle menace apparaît : l'activisme et le terrorisme.

Une intrusion dans une centrale nucléaire pourrait provoquer des dégâts immenses. Tout doit être mis en oeuvre pour éviter le pire. Cette proposition de loi vise à sanctionner les malveillances intentionnelles et les intrusions. 67 survols de drones ont été constatés, sans que l'on en connaisse les auteurs : plaisantins ? Espions ? Terroristes ? Industriels testant leur matériel ? Les cas d'intrusion de militants antinucléaires se sont multipliés.

Le Livre blanc a montré que le nucléaire était à la fois un secteur vital et sensible. Nous devons adapter notre droit pénal aux nouvelles menaces, afin que le juge dispose d'un arsenal répressif adapté, au-delà des qualifications sous-dimensionnées, comme la violation de domicile, prévue par l'article 226-40 du code pénal.

C'est pourquoi, conformément aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ce texte crée une infraction spécifique pour les intrusions. Initialement il classait les installations parmi les « zones de défense hautement sensibles ».

L'Assemblée nationale en a clarifié le champ d'application. L'article premier crée un dispositif pénal spécifique pour les intrusions dans les installations nucléaires, avec une gradation en trois niveaux des circonstances aggravantes, jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende en cas de violence ou d'intrusion commise en bande organisée. Ce dispositif gradué nous semble plus adapté. Je tiens à souligner la qualité du travail réalisé par Xavier Pintat.

Nous suivons les indications du rapporteur et voterons le texte de la commission en toute confiance. (Applaudissements des bancs du RDSE à la droite)

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Une fois n'est pas coutume, ce texte fait l'objet d'un large consensus. Il s'agit de renforcer la sécurité des sites nucléaires. L'État aurait dû légiférer depuis longtemps. Depuis 1996, les intrusions se sont multipliées. Certes, il s'agissait d'actions militantes pacifistes, mais cela signifie que le risque terroriste est bien présent.

D'ailleurs, des attaques à l'étranger ont visé des installations énergétiques : en 2010 dans le Caucase russe, en 2013 en Algérie, mais aussi au Pakistan ou au Niger. La France, avec 58 réacteurs et 50 % de sa population vivant à moins de 80 km d'une centrale, est très vulnérable et il est étonnant que nous soyons les derniers, parmi les pays occidentaux, à nous protéger.

Notre droit pénal était inadapté, ne contenant aucune incrimination spécifique, et les sanctions encourues pour violation de domicile, qualification retenue par le tribunal correctionnel de Colmar, à l'encontre des militants qui avaient escaladé le dôme de la centrale de Fessenheim, peu dissuasives.

Cette proposition de loi comble donc un vide juridique. Elle crée une échelle de peines graduées, en fonction de trois niveaux de gravité. Je rassure les défenseurs des droits fondamentaux et des libertés publiques, qui ne sont nullement remis en cause : le droit de manifestation, en particulier, pourra toujours s'exprimer à l'extérieur des sites sensibles.

Toutefois, cette proposition de loi, qui ne fait que renforcer les sanctions, ce qui constitue une avancée, n'est pas suffisante. Certes les centrales d'EDF sont protégées par des pelotons spécialisés de la gendarmerie et les sites d'Areva ou du CEA par des forces civiles spécifiques.

Je salue l'initiative du gouvernement qui a lancé une démarche interministérielle coordonnée, avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour contrer les survols des centrales par des drones. La réflexion sur les adaptations juridiques, techniques et capacitaires requises serait déjà bien avancée et je m'en félicite.

L'article 2, enrichi par les députés, prévoit que le gouvernement associera le Parlement à la réflexion en lui remettant un rapport avant septembre.

Le groupe socialiste votera ce texte conforme, malgré ses limites, pour qu'il entre en vigueur le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Leila Aïchi .  - Cette proposition de loi a le mérite de permettre au Parlement de s'exprimer sur la sécurité des installations nucléaires. Il était temps ! Mais le groupe écologiste considère que ce sujet méritait plus de sérieux et d'ambition.

Depuis longtemps, nous vous alertons sur l'insuffisante sécurité de nos installations. Il a fallu des survols de drones et des intrusions pour que le gouvernement agisse.

Or cette proposition de loi, à l'intitulé inapproprié ou fallacieux, puisque vous avez reconnu que les peines prévues ne dissuaderaient pas les terroristes, ne renforce pas la sécurité des installations mais vise les manifestants, et les activistes et les lanceurs d'alerte, alors même que le rapporteur lui-même convient que ces actions militantes ne sont pas dangereuses. C'est un texte anti-militant, anti-Greenpeace.

Qui faut-il pénaliser le plus ? Des activistes voulant alerter l'opinion, passibles d'une amende de 100 000 euros ou EDF, qui a écopé d'une amende de 7 500 euros pour une fuite de matières radioactives dans l'environnement ? Des lanceurs d'alerte qui avertissent les citoyens des dangers du nucléaire et qui risquent sept ans d'emprisonnement ? Ou le déchargement illégal de gravats radioactifs pour lequel EDF a dû payer 3 750 euros d'amende ?

Où est la justice ? Où est la logique ? Nous sommes bien loin du simple effet dissuasif !

Plutôt que renforcer la sécurité, vous vous attaquez à ceux qui révèlent les failles de la sécurité.

M. François Bonhomme.  - Il faudrait dire merci !

M. David Rachline.  - C'est incroyable !

Mme Leila Aïchi.  - Les protocoles de sécurité des centrales mériteraient d'être revus. Et si nous avons ce débat, c'est grâce à ces militants.

M. David Rachline.  - C'est incroyable !

Mme Leila Aïchi.  - Ne cédons pas à cette approche simpliste et d'affichage. Ce texte contribue à pérenniser le mythe de la sûreté de nos centrales nucléaires. Tout est affaire de moyens. Derrière cette proposition de loi se pose la question de notre filière nucléaire, qu'il faudrait aborder sans tabou. Or, lorsque le gouvernement estime qu'elle a un avenir, qu'elle constitue une force pour notre pays et qu'Areva, avec un déficit de 8 milliards d'euros, pâtit simplement de la conjoncture du marché mondial, l'inconséquence, le dogmatisme et l'irrationalité règnent. C'est ce même aveuglement irresponsable que nous retrouvons dans ce texte.

Mme Michelle Demessine .  - Cette proposition de loi avait été déposée en septembre 2013 à la suite de la catastrophe de Fukushima. L'AIEA avait invité les opérateurs nucléaires à revoir la sûreté de leurs installations.

Le débat sur l'énergie nucléaire s'est élargi à celui de la sécurité des installations et à sa protection contre les terroristes.

Depuis une dizaine d'années, les intrusions des militants antinucléaires ont mis en lumière les failles de notre dispositif de sécurité. Ces intrusions mettent en péril la sécurité des personnels, des forces de l'ordre et des militants, aussi bien que celle des installations.

Même si aucun n'a jamais eu lieu sur notre sol, nous ne pouvons écarter la menace d'un attentat sur un réacteur nucléaire. On ne saurait y répondre sur le seul terrain juridique.

Cette proposition modifie en effet notre code pénal en créant à bon escient un délit spécifique d'intrusion, distinct de la violation de domicile, et prévoit des sanctions graduées.

Ce texte n'entrave pas la liberté d'expression des opposants au nucléaire, libres de manifester partout ailleurs. Toutefois la sécurité des installations ne dépend pas que de la loi. Elle relève avant tout de la légitimité reconnue à cette énergie. Il nous faudra aussi sans doute légiférer sur les survols de drones. Le rapport prévu à l'article 2 est la bonne méthode.

Le groupe CRC votera ce texte.

M. Gilbert Barbier .  - Comme la France possède le deuxième parc nucléaire, il est important d'en assurer la sécurité. Selon un sondage BVA, 67 % des Français sont favorables à l'énergie nucléaire - qui représente 75 % de notre électricité. En attendant que la transition énergétique produise ses effets, nous devons assurer la sécurité de nos installations. Celle-ci est globalement satisfaisante.

La loi de programmation militaire de 2013 a renforcé la sécurité des opérations d'importance. Mais il arrive que des événements médiatisés mettent en lumière des failles. Si elles ne présentent pas une menace directe, les intrusions par des militants antinucléaires ne sauraient être traitées comme de simples violations de domicile.

La liberté de manifester n'autorise pas à commettre des délits. En cas de violation de la loi, il doit y avoir sanction. Des personnes malveillantes pourraient se mêler aux activistes.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'OPECST ont recommandé un régime de sanctions adapté aux installations nucléaires.

L'article 2 prévoit la remise d'un rapport sur les survols de drones. Il est temps de traiter ce sujet. Si, d'après le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, les drones civils n'ont pas encore la capacité de causer des dommages aux installations, ils peuvent servir à réaliser un repérage. Nous devons légiférer.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. David Rachline .  - Merveilleuse après-midi : les communistes ont voulu désarmer nos policiers et les Verts nous expliquent que l'on doit pouvoir entrer dans nos centrales nucléaires comme dans des moulins. Cela en dit long sur l'état de nos institutions et de notre République...

Notre code pénal est inadapté. Les militants qui se sont introduits à Fessenheim en 2014, provoquant la mobilisation de 290 gendarmes, ceux qui ont pénétré à Nogent-sur-Seine en 2011 ou au Tricastin en 2013 n'ont écopé que de quelques mois de prison avec sursis.

Nous devons adopter des dispositions juridiques adéquates. Cette proposition de loi va dans le bon sens : elle dissuadera les activistes - et non les « lanceurs d'alerte » - terme grotesque, issu de cette insupportable novlangue contemporaine.

Toutefois ce texte ne règle pas le cas du terroriste.

Nous devons agir pour lutter contre les survols par drones. Cette technologie nouvelle bat en brèche nos dispositifs de sécurité. L'article 2 en tient compte. J'espère que nous irons assez vite pour ne pas avoir à le regretter.

M. Jacques Gautier .  - Les centrales nucléaires sont évidemment des cibles pour les terroristes, car elles sont vitales pour notre indépendance. Ces sites stratégiques doivent être protégés. La moitié de la population vit à moins de 80 km d'un site nucléaire. Leur sécurité est essentielle.

Cette proposition de loi adapte notre dispositif pénal et juridique à la multiplication des intrusions. Le rapporteur a bien souligné le décalage entre la gravité des intrusions et la clémence des peines prononcées contre les militants. Il ne s'agit pas de laxisme, mais d'inadéquation de notre droit. L'enjeu, crucial, est la sécurité des installations, Centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) comme Installations nucléaires de base (INB), non un débat sur l'énergie nucléaire.

Depuis 2009, les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie nationale assurent la sécurité des CNPE. La loi de programmation militaire de 2013 a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance. Les préfets peuvent réglementer la circulation et le stationnement autour des centrales.

Les intrusions sont illégales et doivent faire l'objet de sanctions adaptées. Le groupe UMP se félicite des dispositions du texte. Ainsi, les forces de sécurité pourront se concentrer sur la prévention du risque terroriste. Nous reviendrons sans doute à l'automne sur le statut des forces de sécurité.

Un mot sur la menace dronistique. Nous sommes incapables de détecter les drones et d'identifier ceux qui les pilotent. Toutefois, ces vols ne présentent pas, pour le moment, de danger. En cas de recours à des drones tactiques ou MALE, il n'en sera pas de même... Mais l'armée de l'air a prévu des réponses spécifiques dans cette hypothèse.

Nous attendrons avec impatience le rapport prévu à l'article 2, qui complètera celui de l'Opecst, présidé par Bruno Sido.

Entre le rapport de novembre dernier et l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour, les délais étaient courts ; cela montre votre souci d'avancer avec nous, monsieur le ministre, ce que le rapporteur continuera à faire.

Notre groupe votera le texte de la commission.

M. André Reichardt .  - Je remercie mes collègues de la commission des affaires étrangères et je salue le travail réalisé par M. Pintat. Je me réjouis de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour réservé au groupe UMP. Le phénomène des survols de sites sensibles par des drones est spectaculaire, mais ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel.

L'objectif du texte est de pallier le vide juridique relatif aux intrusions physiques illégales dans les sites abritant des matières nucléaires, alors que notre pays doit prendre toutes les mesures utiles de lutte contre la menace terroriste - une menace dont j'ai pu prendre la mesure en coprésidant la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes.

Les responsables de la sécurité des sites ont aujourd'hui une tâche ardue ; nous devons la leur faciliter. Les militants antinucléaires eux-mêmes disent vouloir y contribuer en dénonçant les failles de sécurité des centrales...

Membre de la commission des lois, je me placerai sur le seul plan juridique. Avec 58 réacteurs et 19 centres nucléaires de production d'électricité, la France est un leader mondial mais son infrastructure stratégique est mal protégée ; et les sanctions prononcées contre les intrus restent très peu dissuasives.

Qui peut dire que l'intrusion de 200 militants sur le site de Gravelines en 2012 ne perturbe pas le fonctionnement des installations et est sans impact sur les collectivités territoriales et leurs habitants ; élu alsacien, je pense aussi à l'intrusion de 55 militants à Fessenheim qui s'est davantage apparentée à un coup de force qu'à une manifestation pacifique. La liberté d'expression et de manifestation est un droit inaliénable, mais ce droit n'autorise pas à pénétrer illégalement dans un établissement. Et la liberté de manifester doit s'exercer dans le cadre de la loi.

Au Canada, le droit pénal prévoit des amendes d'un million de dollars et cinq ans de prison. Aux USA, les forces de sécurité peuvent utiliser leurs armes à feu, ce qui est dissuasif... La création d'un régime spécifique de sanctions, assorti de peines complémentaires, traduit bien la nécessité d'une réponse adaptée et proportionnée.

Je vous propose de voter avec nous cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Leila Aïchi.  - Cette proposition de loi visait initialement à renforcer les conditions de sécurité des centrales. Sa réécriture complète lors de son examen à l'Assemblée nationale en a profondément modifié l'objet ; il n'est plus désormais question que de réprimer sévèrement les intrusions et de criminaliser un certain type de militantisme, celui-là même qui entend dénoncer les failles de sécurité des installations nucléaires. Évidemment sans dissuader les terroristes qui n'ont que faire des peines encourues. Supprimons cet article, par conséquent.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Cet amendement prive de contenu la proposition de loi... Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, cet amendement touche au coeur du texte. Regardons celui-ci pour ce qu'il est : il n'a pas pour objectif de sanctionner les militants ou les lanceurs d'alerte. Et il ne dissuadera pas - qui a dit le contraire ? - les terroristes. Le raisonnement est faux. C'est précisément ces circonstances difficiles à gérer qu'il faut écarter pour mieux lutter contre le terrorisme. Il s'agit de sanctionner l'occupation illégale des lieux de production d'énergie. Ceux qui fustigent le recours au droit pénal de ce texte sont aussi ceux qui en défendent l'intérêt pour sanctionner les auteurs d'infractions dans les parcs naturels...

M. André Trillard.  - Le débat a été dévoyé il y a trente ans lorsqu'un bateau de Greenpeace a été coulé par des manoeuvres discutables... Depuis, on a tenté de faire croire que la légalité était systématiquement du côté des militants et l'illégalité de celui de l'État...

Les militants peuvent militer ailleurs que dans les centrales... Je conteste enfin la notion de lanceur d'alerte. Par définition, tous les Français naissent libres et égaux...

M. Joël Guerriau.  - Il convient de laisser l'article premier en l'état.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Avant les mots :

Est puni

insérer les mots :

À l'exception des manifestations pacifiques,

Mme Leila Aïchi.  - Distinguons les manifestants pacifiques de ceux qui ne le sont pas. La sanction prévue ne devrait viser que les seconds, car les premiers attirent l'attention utilement sur les failles de sécurité.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - La liberté de manifester est un droit fondamental, constitutionnel. Mais elle ne s'exerce sur la voie publique que sous réserve d'une autorisation préalable. Le texte n'entrave en rien la possibilité de manifester à l'extérieur des sites. Cet amendement légitimerait certaines intrusions.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Il n'existe que des manifestations pacifiques, par définition. Avis défavorable.

M. André Trillard.  - Encore une fois, tous les citoyens sont égaux.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Je fais le lien avec ce qu'on appelle les zadistes : j'y vois une atteinte à l'État de droit. Les militants antinucléaires ont le droit de l'être ; mais Il y a bien d'autres lieux pour manifester que les centrales nucléaires.

M. Michel Vaspart.  - Très bien !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Avant les mots :

Est puni

insérer les mots :

À l'exception des actions concourant à la réalisation des objectifs visés à l'article 1er de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte,

Mme Leila Aïchi.  - Ce texte vise les lanceurs d'alerte, qui font la richesse et le dynamisme de notre société civile. Beaucoup de pays nous envient d'ailleurs la vigueur de notre société civile. Voyez l'intérêt qu'ils ont eu dans certains scandales sanitaires... Les lanceurs d'alerte ne devraient pas être concernés par les sanctions proposées.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Le statut de lanceur d'alerte est légitime, mais il ne saurait en aucun cas légitimer des dégradations ou des intrusions : avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Après le mot :

compétente

insérer les mots :

et avec une volonté manifeste de porter atteinte au bon fonctionnement des installations ainsi qu'à leur sécurité

Mme Leila Aïchi.  - Ajoutons à la définition de l'infraction créée un élément moral.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Avis défavorable, cela viderait le texte de son intérêt.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Après le mot :

compétente,

rédiger ainsi la fin cet alinéa :

dans l'enceinte des bâtiments réacteurs ou dans les locaux de stockage de matières radioactives des installations nucléaires de base définies à l'article L. 593-2 du code de l'environnement.

II.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Leila Aïchi.  - EDF distingue les zones à l'intérieur des centrales selon le degré de dangerosité, l'ASN fait de même. L'infraction pourrait être limitée aux intrusions dans des secteurs critiques, témoignant d'intentions véritablement hostiles.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Les périmètres de sécurité auxquels vous faites allusion ont leur utilité pour permettre une défense en profondeur et ralentir les intrusions. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - La proposition de loi est cohérente avec les dispositions du code de la défense qui prohibent l'accès à un périmètre particulier. Il serait déraisonnable d'attendre que les manifestants parviennent au coeur du réacteur pour constater le danger...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 4

Remplacer la référence :

à l'article 413-5

par les références :

aux articles 413-5 et 413-7

Mme Leila Aïchi.  - L'article 413-5 du code pénal protège les terrains ou engins affectés à l'autorité militaire ; l'article 413-7 du code pénal a un spectre plus large puisqu'il protège également les services ou établissements publics ou privés intéressant la défense nationale. C'est ce dernier article qui protège aujourd'hui les centrales nucléaires civiles.

Le principe d'une infraction anti-Greenpeace va créer une différenciation inexplicable entre certains agissements selon le site concerné. Cet amendement évite un conflit entre deux incriminations concurrentes.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Avis défavorable, la proposition de loi crée un nouveau type de zone à accès réglementé ; il n'y aura pas double incrimination.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIIONNELS

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l'article L. 125-10 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le responsable de tout transport terrestre est tenu d'informer les élus d'un convoi terrestre dans un rayon de dix kilomètres autour de l'itinéraire prévu du convoi. »

Mme Leila Aïchi.  - Nous élargissons le problème au transport de matières nucléaires. L'opacité qui entoure actuellement les transports routiers et ferroviaires de combustibles nucléaires constitue une mise en danger des riverains. Chaque année, de très nombreux convois empruntent le réseau ferré et routier français.

Cet amendement rend plus transparents ces convois, et oblige le responsable d'un tel transport terrestre à délivrer une information claire aux élus des territoires traversés.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - La confidentialité est essentielle pour garantir la sécurité de ces convois : avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Joël Guerriau.  - Quel intérêt auraient les élus locaux à en savoir davantage ? Je préfère ne pas être au courant du passage de ces convois...

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 593-6 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Après le mot : « responsable », sont insérés les mots : « de la sécurité et » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros le non-respect des avis de l'Autorité de sûreté nucléaire par le responsable d'une installation nucléaire au sens de l'article L. 593-2.

« Les personnes morales coupables de cette infraction encourent, outre une amende calculée en application de l'article 131-38 du code pénal, les peines mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du même code. »

Mme Leila Aïchi.  - La menace la plus prégnante pour les installations nucléaires est le non-respect des règles de sûreté édictées par l'ASN. Nous proposons, par parallélisme avec les peines encourues pour les infractions mentionnées à l'article premier, de sanctionner pénalement le non-respect de ses injonctions. Les centrales présentent un caractère exceptionnel de dangerosité.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - Cet amendement est recevable dans son intention. Mais ces sanctions existent déjà, et la loi sur la transition énergétique a renforcé le pouvoir qu'a l'ASN de prononcer des astreintes et des sanctions pécuniaires. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Je vais rejoindre Mme Royal dans quelques instants pour examiner ces questions. Avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

évaluant les

par les mots :

sur les mesures complémentaires nécessaires à la sécurité des installations nucléaires de base contre les agressions extérieures. Ce rapport présente notamment les évolutions nécessaires en matière de renforcement de la sécurité des piscines de stockage de matières nucléaires, de sécurisation des transformateurs électriques et d'évaluation des

Mme Leila Aïchi.  - Ce second article de la proposition de loi demande au gouvernement un rapport sur les survols de drones. Si l'appréhension du risque que présentent ces survols est importante, il est nécessaire qu'elle s'inscrive dans un cadre plus large d'évaluation de la sécurité, comme ce qui s'est fait après Fukushima. Il convient ainsi d'élargir le rapport aux autres thématiques intéressant la sécurité des sites nucléaires, en particulier la bunkerisation des piscines et des transformateurs électriques, installations sensibles et peu protégées des sites nucléaires.

M. Xavier Pintat, rapporteur.  - L'usage croissant des drones est un problème à part entière qui appelle des solutions techniques et juridiques spécifiques. Les travaux du groupe de travail constitué par le Premier ministre avancent rapidement ; son rapport devrait être disponible à l'automne. Une nouvelle réglementation est en outre applicable depuis 2010 qui fait obligation aux opérateurs de procéder à des études de sécurité. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Leila Aïchi .  - Je trouve très regrettable que l'on s'en prenne aux militants et lanceurs d'alerte pacifiques qui font avancer nos sociétés démocratiques.

Il est également regrettable que certains nous traitent d'irresponsables alors qu'ils veulent transformer la France en Corée du Nord. Comme disait Napoléon, « en politique, une absurdité n'est pas un obstacle »...

M. Joël Guerriau .  - Les installations nucléaires ne sont pas un terrain de jeu. Le militantisme pourra toujours s'exprimer à l'extérieur des centrales.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Les inquiétudes ont été levées. Nous voterons ce texte.

M. David Rachline .  - Je m'étonne toujours du dogmatisme de la gauche et de l'extrême gauche. Elles ont conduit la France à la ruine, font entrer 200 000 étrangers dans notre pays tous les ans, affaiblissent la laïcité. Les Verts ont fait 0,07 % des voix aux cantonales...

Mme Cécile Cukierman.  - Quel rapport ?

M. David Rachline.  - ... et viennent à présent nous demander de laisser leurs petits camarades pénétrer librement dans les centrales et mettre en danger nos compatriotes. Vous serez sévèrement jugés par les Français.

Mme Cécile Cukierman.  - En place publique ?

M. David Rachline.  - ... dans les urnes, cela suffira.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Dommage de briser le consensus...

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 21 mai 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 15.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques