Nouveaux indicateurs de richesse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Ce texte, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vise à mieux mesurer le quotidien des Français afin de mieux orienter les politiques publiques. On critique le PIB, devenu l'étalon de la vie économique ; il serait toutefois vain de prétendre le remplacer par un nouvel indice synthétique. En revanche, comme le propose cette proposition de loi, il est utile de le compléter pour éclairer tel ou tel aspect de la vie sociale. Un exemple : la création d'un indicateur sur les jeunes qui ne sont ni en formation, ni en emploi. La garantie jeune a été mise en place en France à la suite de ces mesures.

Encore faut-il donner suffisant de poids à ces indicateurs. En débattre une fois par an au Parlement me semble raisonnable. Prenons le temps de la concertation pour être à la fois complet et concis dans le choix des mesures à mettre en avant, pour leur donner du sens.

Deuxième objectif du texte : remettre le long terme au coeur des politiques publiques, pour retrouver une croissance solide et durable. C'est ce que fait le Gouvernement : il travaille pour le présent et pour l'avenir, en misant sur l'éducation et la formation, en créant 60 000 postes dans l'Éducation nationale, en instaurant le compte personnel de formation, en portant la loi de transition énergétique, en oeuvrant pour la réussite de la conférence sur le climat, en réduisant les déficits à un rythme compatible avec la croissance.

Le Gouvernement s'associe donc pleinement à la démarche représentée par ce texte. J'espère que nous saurons nous rassembler autour de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale le 29 janvier, fait suite à une proposition de loi écologiste, retirée in fine.

Cette proposition de loi prévoit la remise d'un rapport annuel sur les nouveaux indicateurs de richesse, qui peut être suivie d'un débat. Si le PIB est un indicateur utile, il ne permet pas d'appréhender la qualité de la croissance ou sa soutenabilité. Il ne prend pas en compte l'effet des activités sur le bien-être : ainsi, le trafic de stupéfiants est comptabilisé comme toute autre activité commerciale dans le PIB... (M. Roger Karoutchi souligne cette incongruité)

Les limites du PIB ont été perçues dès l'origine, par Simon Kuznets, par exemple, considéré comme le père de la comptabilité nationale. Plusieurs économistes ont élaboré d'autres indicateurs dans la seconde moitié du XXe siècle : l'indice de développement humain au début des années 1990 ; la mesure du bien-être économique, conçue par William Mordhans et James Tobin, au cours des années 1970, l'indicateur de santé sociale ou encore l'empreinte écologique. Ils n'ont pas connu un grand succès.

Mais la crise a relancé la réflexion sur la qualité de la croissance. L'OCDE organisait, en juin 2007, un forum mondial aboutissant à la déclaration d'Istanbul sur la nécessité d'élaborer une mesure du progrès social. Nicolas Sarkozy a confié à Joseph Stiglitz la réflexion sur le thème « Vivre mieux ». En 2009, la Commission européenne a également publié une communication intitulée « Le PIB et au-delà - Mesurer le progrès dans un monde en mutation ».

À ces initiatives internationales s'ajoutent des mesures nationales. Le Royaume-Uni a lancé un programme de mesure du bien-être national début 2010. En France, de nombreux travaux ont été menés sur ces sujets par le Conseil national de l'information statistiques (Cnis) ou par le Cese (Conseil économique, social et environnemental), avec un avis rendu en 2009. Ajoutons le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, commandé par Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social qu'il a mise en place, et les travaux de l'Association des régions de France sur la déclinaison régional de l'indice de développement humain, l'indicateur de santé sociale et l'empreinte écologique.

En outre, dans un rapport de juin 2014, intitulé Quelle France dans dix ans ?, France Stratégie a proposé sept indicateurs « de la qualité de la croissance pouvant faire l'objet d'un suivi annuel », susceptibles d'accompagner le PIB. Des travaux sont en cours sous l'égide du Cese pour développer un tableau de bord d'indicateurs.

Les nouveaux indicateurs de richesse ne manquent donc pas, mais manquent de visibilité. D'où l'intérêt de cette proposition de loi, qui vise à renforcer la pertinence et à prévoir leur actualisation et leur suivi.

Je vous invite à voter ce texte sans modification, comme l'a fait la commission des finances, sur ma recommandation, afin d'obtenir son adoption rapide. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Claude Requier .  - Depuis des décennies, le PIB est le principal repère du pilotage de nos politiques publiques. C'est sur cette base que sont calculés, entre autres, le déficit et la dette. La crise interroge toutefois l'indicateur, qui n'a pas permis d'alerter sur les dangers sociaux et écologiques... Le développement d'une société ne peut plus se résumer au seul développement économique.

Le PIB ne permet pas de mesurer les inégalités ou les externalités négatives des activités économiques. Il comptabilise même positivement les catastrophes naturelles - au titre des travaux de réparation qu'elles entraînent...

L'indice de développement humain est le plus connu des indicateurs alternatifs ; la commission Stiglitz, mise en place par Nicolas Sarkozy, conforte cette approche. L'indice de santé sociale et l'empreinte écologique vont dans le même sens - mais restent trop confidentiels.

C'est pourquoi le groupe RDSE soutient cette proposition de loi...

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

M. Jean-Claude Requier.  - ...qui prévoit la remise d'un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse - malgré notre réserve sur la multiplication des rapports. Il est urgent d'appréhender nos politiques publiques au regard de véritables objectifs qualitatifs, pour améliorer l'action publique.

Poursuivons la démarche lancée par la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) : ces indicateurs doivent témoigner de notre capacité collective à passer de la société du « beaucoup d'avoirs pour quelques-uns » à une société du « bien vivre pour tous, ensemble, dans un environnement préservé et partagé ».

Ne cédons pas pour autant aux sirènes de la décroissance : sans croissance, c'est le déclin assuré.

Initialement, je craignais que la proposition rajoute au PIB des indicateurs de croissance inspirés par la philosophie bobo et les petits oiseaux... (M. Roger Karoutchi apprécie) Néanmoins, la lecture du rapport de la commission des finances nous a convaincus...

MM. Jean Desessard et André Gattolin.  - Tout de même !

M. Roger Karoutchi.  - À tort !

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. David Rachline .  - Face à la financiarisation croissante de notre économie, cette proposition de loi est bienvenue. On privilégie le jetable sur le durable, au mépris de l'écologie. (Marques de surprise sur les bancs écologistes) Se doter de nouveaux indicateurs économiques, comme l'ont fait les régions en 2012, est de bon aloi. Une vision purement quantitative de l'économie est incapable de mesurer les inégalités, comptabilise positivement ces catastrophes naturelles, ne tient pas compte de la qualité de la richesse produite, de l'environnement, de l'économie informelle. Je pense au bénévolat et au travail des mères au foyer.

Attention toutefois à ce que les nouveaux indicateurs ne soient pas biaisés. Il faudrait des indicateurs d'inflation différents par tranche de revenus pour montrer que les petits revenus sont plus affectés que les plus aisés. Cela permettrait de faire la lumière sur les politiques catastrophiques menées par les différents gouvernements, à commencer par le parti socialiste, pourtant censé se soucier des plus fragiles...

M. Claude Kern .  - Le PIB exerce une forme d'hégémonie parmi nos indicateurs économiques : du carré magique, c'est le seul à permettre de construire des prévisions budgétées. Nous connaissons pourtant ses limites : il repose sur des éléments de production périlleux pour le bien-être de la population à long terme.

Un exemple : les récents pics de pollution dans les grandes villes peuvent se traduire par de lourdes dépenses de santé à long terme. À court terme, toutefois, ils traduisent une consommation de carburant, et donc une activité.

La vision purement comptable de la dépense publique ignore les externalités positives -comme l'effet positif de l'éducation.

Même imparfait, le PIB reste pourtant la donnée la plus partagée par l'ensemble de la communauté économique et des gouvernements. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait institué une commission présidée par le prix Nobel Joseph Stiglitz afin de réfléchir aux nouveaux indicateurs économiques. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette filiation. Elle a le mérite de trancher entre une réforme du PIB que nous serions les seuls à mener et une vision plus globale à trouver un faisceau d'indicateur.

Fallait-il pour autant passer par la voie législative pour demander un rapport ?

Le Gouvernement présente déjà de nombreux rapports annexés au projet de loi de finances.

Enfin, quelle sera l'utilité de ce tableau de bord ? Observer d'éventuelles corrélations entre les indicateurs suffirait-il à faire évoluer les politiques publiques définies par le projet de loi de finances ? Sans doute pas. Pourquoi ne pas plutôt réformer les modalités de calcul du PIB afin de l'enrichir ? L'Insee pourrait s'en charger, sans qu'il soit besoin d'un texte de loi...

Je doute de la portée réelle du dispositif proposé par le groupe écologiste, qui est bien loin d'épuiser le sujet. C'est pourquoi le groupe UDI-UC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Maurice Vincent .  - L'élaboration de nouveaux indicateurs de richesse suscite parfois des sourires ironiques : elle serait le fait de rêveurs, de soixante-huitards attardés qui voudraient remplacer le PIB par un indicateur de bonheur national brut, voire confier à l'État le soin de définir de manière autoritaire le bonheur des individus...

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Maurice Vincent.  - La caricature, si elle a le mérite de faire sourire, ne doit pas éclipser le débat économique et politique. Je tiens à saluer, à ce propos, la mémoire de Bernard Maris qui, rejoignant à vélo les locaux de France Inter et de Charlie Hebdo pour y présenter ses chroniques, rappelait qu'à ce titre, il ne contribuait pas au PIB comme les automobilistes, consommateurs de carburant coincés dans les bouchons, mais ne produisait pas de pollution...

Les universitaires français ont légitimement abordé la question des indicateurs de richesse : citons Dominique Méda, Jean Gabrey ou Jean-Paul Fitoussi...

Combien d'indicateurs et lesquels retenir ? Le projet de loi opère un premier tri louable ; il faudra limiter à une dizaine le nombre de ces indicateurs et les actualiser régulièrement. Le débat démocratique ne peut être conduit sans organisation : France Stratégie comme le Cese devront y veiller. La liste des indicateurs doit en outre être confiée au Parlement et non à je ne sais quel organisme de démocratie participative.

Quant au calendrier, la date de remise du rapport en octobre est adaptée au temps parlementaire : le débat budgétaire et les études d'impact pourront utilement s'en inspirer.

M. André Gattolin.  - Très bien !

M. Maurice Vincent.  - Sur le fond, la proposition de loi a le mérite d'aborder un problème fondamental : on ne pourra plus, à l'avenir, élaborer des politiques publiques sans tenir compte de leur soutenabilité à long terme. C'est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi conforme. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. André Gattolin .  - Oui, cette proposition de loi consiste en une demande de rapport. Cela peut faire sourire et sembler bien anecdotique mais, en réalité, ce sont les moyens des parlementaires qui le sont (M. Roger Karoutchi s'amuse) et qui ne nous permettent pas d'être plus normatifs.

Pris seul, le PIB est un bien mauvais indicateur de la croissance, qui est aussi sociale, environnementale et sanitaire. L'écrasante omniprésence du PIB dans les discours économiques ne permet pas de penser un monde où la croissance semble, notamment dans nos sociétés les plus développées, atteindre des limites structurelles.

L'indicateur n'est pas qu'un outil : il oriente les analyses et préfigure les décisions. Quand vous ne disposez que d'un marteau, vous vous apercevez vite que votre seul problème, c'est le clou !

D'autres indicateurs de richesse existent, abondent même, jusque dans les annexes du projet de loi de finances, mais sont peu exploités dans les analyses économiques et inaudibles dans le débat public. Lors de la discussion du budget, combien d'interventions évoquant, par exemple, les inégalités territoriales ou l'empreinte carbone ? Depuis le rapport Stern, même les économistes les plus orthodoxes admettent que le changement climatique se traduira par un coût social et économique d'autant plus considérable qu'il sera différé et que l'action pour en limiter les effets sera tardive.

Plusieurs travaux récents montrent une corrélation entre, d'une part, le vote Front national et, d'autre part, la montée des inégalités et de la précarité dans certains territoires.

Pour agir, il faut dépasser la seule notion de PIB. C'est l'intérêt de la proposition de loi de notre collègue députée Eva Sas, présente dans nos tribunes, que je salue. Il ne s'agit pas, n'en déplaise à certains, de mettre la France à l'avant-garde « hippie », guidée par la quête du bonheur national brut, cher au royaume du Bhoutan (M. Roger Karoutchi s'exclame), mais simplement d'emboîter le pas au Royaume-Uni et à la Belgique.

Monsieur le ministre, même si ce texte a connu, du temps de vos prédécesseurs, quelques péripéties inattendues à l'Assemblée nationale, je me réjouis que vous nous apportiez aujourd'hui le soutien très clair du Gouvernement et je ne doute pas que les auteurs pourront compter sur vous, si le texte était adopté, pour accompagner son ambition dans la durée.

Merci aussi au rapporteur Antoine Lefèvre d'avoir examiné ce texte sans esprit partisan. À mon tour de vous inviter à le soutenir. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Éric Bocquet .  - La richesse d'un pays se mesure-t-elle à l'usage plus ou moins dispendieux qu'il fait de ses propres ressources ? Depuis le fameux rapport du club de Rome, de 1972, Les limites de la croissance, les travaux sur le sujet sont nombreux. Le débat n'est pas pour ou contre la décroissance. On ne peut réduire l'évaluation de la richesse à la seule qualité de l'appareil statistique -excellent en France- qui n'appréhende que le marchand.

Après des décennies de déclin de la dépense directe et de creusement des inégalités sociales et, singulièrement, patrimoniales, cette proposition de loi nous invite à mener la réflexion. France Stratégie, qui a remplacé l'ancien commissariat général au plan, y a contribué, sous l'égide de Jean Pisani-Ferri, en élaborant de nouveaux indicateurs. La dimension incorporelle y est importante -avec la mesure notamment de la qualité de la main-d'oeuvre. Les paramètres retenus ne font pas le compte : il y manque bien des éléments clé. Que voulons-nous pour notre pays et son peuple ? Pour lancer un tel débat, qui atténuera les discours déclinistes en vogue, je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes et socialistes)

M. Francis Delattre .  - Les nouveaux indicateurs sont une question récurrente, mais qui cache des enjeux majeurs : il s'agit de tenir compte de la qualité de vie, et surtout des inégalités. Celles-ci se creusent : regardez nos écoles, nos territoires... L'égalité des chances devient un slogan sans contenu. Difficile pour nos jeunes d'accéder au logement - la faute, nous le savons, aux aides à la pierre, qui font monter les prix.

Inégalité aussi en matière de sécurité : il y a aujourd'hui plus d'agents de sécurité privés que de policiers dans nos commissariats. Certaines résidences sont gardiennées 24 heures sur 24, quand les habitants de certaines cités HLM doivent attendre des heures l'intervention de la BAC après avoir subi des incidents graves... Inégalités entre les territoires : voyez en région parisienne, celles entre la métropole et les départements de grande couronne.

M. Roger Karoutchi.  - La faute au Gouvernement !

M. Francis Delattre.  - Dans le Val-d'Oise, pas une seule classe préparatoire aux grandes écoles... Il faut pouvoir louer une chambre à Paris pour y étudier...

Ces questions ne peuvent être balayées d'un revers de main. Un rapport, vu l'objectif, c'est bien insuffisant.

Le PIB apparaît, en effet, déconnecté des réalités : il a continué de croître alors que les Français voient leur pouvoir d'achat baisser... D'où un décalage entre le discours politique et la réalité ressentie.

Disposer d'autres indicateurs, axés sur le logement, la santé, l'emploi, la formation, serait donc bienvenu, alors que beaucoup de Français ruraux ou rurbains se sentent abandonnés.

En région parisienne, le critère du logement est essentiel : les Parisiens consacrent 50 % de plus à se loger que les Allemands... Or l'impact sur la croissance est faible.

Ce texte nous amène à réfléchir mais le dispositif proposé est bien modeste. Que dire des inégalités en matière de transport, qui devraient avoir un effet sur la péréquation ? En région parisienne, nous sommes dépendants des transports...

La commission Stiglitz a travaillé sur la mesure de la performance collective dès 2008 -sur la proposition de Nicolas Sarkozy. Composée de cinq prix Nobel d'économie, dont M. Stiglitz et le professeur d'Harvard, M. Sen, de grands économistes français comme Jean-Paul Fitoussi... Le Cese s'est aussi penché sur la question des nouveaux indicateurs de richesse. Tout le monde y travaille -mais sans grande visibilité...

En Allemagne, une commission transpartisane est à l'oeuvre. Qu'attendons-nous ?

La proposition de loi est intéressante mais limitée. Il convient en effet de mesurer l'impact de ces indicateurs sur les lois de finances ; une discussion au moment de la loi de règlement ou de la transmission de notre trajectoire budgétaire à Bruxelles serait un moment plus approprié.

Une mise à jour de ces indicateurs permettrait peut-être de lever bien des injustices en matière de péréquation horizontale...

Bref, le groupe UMP n'est pas hostile à ce texte, mais plus qu'un énième rapport, nous attendons de l'action ! Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Franck Montaugé .  - Cette proposition de loi amène à réfléchir à la quantification du politique. Une représentation chiffrée, aussi sophistiquée soit-elle, mesure d'un côté la performance, de l'autre la démocratie. C'est entre ces deux approches que se situe la façon dont les gouvernements utilisent le système du chiffre, sous l'emprise du principe d'efficacité.

La question de la performance des politiques est centrale et doit faire l'objet d'un débat démocratique. La performance, mal orientée et mal choisie, peut desservir la démocratie et l'intérêt général. Le PIB ne dit rien du développement des inégalités, ce qui explique le décalage entre ce que mesurent les experts et ce que perçoivent les citoyens. Cela explique également les résultats des dernières élections. Comment re-intéresser les Français à la chose publique, au Politique ?

Je souscris au discours de Jean-Paul Fitoussi : les inégalités nourrissent l'exclusion et les violences sociales, sapant la confiance et la démocratie qui constituent aussi les fondements de notre développement. Il faut mieux associer les Français à la décision politique. Dans L'Humanitude au pouvoir - Comment les citoyens peuvent décider du bien commun ?, le professeur Jacques Testard expose l'étonnante capacité des citoyens à comprendre les enjeux, à réfléchir, à délibérer et à prendre des décisions au nom de l'intérêt commun. À preuve les jurys citoyens, constitués pour traiter des controverses socio-techniques.

Je propose donc de créer des conférences citoyennes du bien commun chargées de proposer des indicateurs qui fassent le lien entre la politique et le quotidien des Français.

Cette proposition de loi constitue un premier pas sur ce chemin démocratique et républicain, je la voterai et continuerai à formuler de nouvelles propositions (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Éric Bocquet .  - L'économie n'est pas seulement affaire de chiffres, elle est aussi affaire de ressenti.

À notre sens, nous pourrions tout aussi bien mesurer les inégalités de patrimoine ou celles devant l'allongement de la durée de vie. Il faut revoir nos indicateurs de mesure quand la crise se traduit par un désengagement citoyen, un désinvestissement lors des élections.

Dans le même ordre d'idées, le service public, la protection sociale, les actifs nets publics méritent une évaluation. Sans eux, que serait devenue la France ? Le débat est ouvert et doit se poursuivre sans masquer les forts antagonismes qu'il sous-tend.

Mme la présidente.  - L'adoption de l'article unique vaudra celle de la proposition de loi.

L'article unique est adopté.

Mme la présidente.  - En conséquence, la proposition de loi est adoptée définitivement. (Applaudissements sur les bancs écologistes ; quelques sénateurs socialistes et M. Antoine Lefèvre, rapporteur, applaudissent aussi)