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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
Question prioritaire de constitutionnalité
Fonds de résolution unique (Procédure accélérée)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Ordre du jour du mardi 17 mars 2015
SÉANCE
du lundi 16 mars 2015
75e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Bruno Gilles, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 21 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
Mme la présidente. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Centre national du livre. La commission de la culture a été invitée à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
Dépôt de documents
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif à la mise en application de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public. Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission de la culture.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel pour la période 2015-2019. Acte est donné du dépôt de ce document, qui a été transmis aux commissions de la culture et des affaires étrangères.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l'évaluation socio-économique du projet d'achat de la tour Sequoïa dans le cadre d'un financement en crédit-bail immobilier accompagnée de l'avis du Commissariat général à l'investissement sur ce projet. Acte est donné du dépôt de ces documents, qui ont été transmis aux commissions des finances et des affaires économiques.
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 16 mars 2015, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux arrêts de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le paragraphe III de l'article L. 3120-2 du code des transports (Taxis et voitures de transport avec chauffeur) et l'article L. 3122-2 du code des transports (Taxis et voitures de transport avec chauffeur). Les textes de ces arrêts de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Fonds de résolution unique (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (Procédure accélérée).
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification de l'accord intergouvernemental relatif au Fonds de résolution unique (FRU). Je remercie Albéric de Montgolfier et les membres de la commission des finances pour leur travail sur ce texte.
Grâce à ce texte, la France prend toute sa part à l'édification de l'union bancaire, projet le plus important depuis l'union économique et monétaire.
L'objectif de l'union bancaire est de prévenir la transformation des crises bancaires en crises souveraines. Première composante : le mécanisme de supervision unique (MSU). La crise de 2008 a rendu nécessaire une mutualisation du soutien aux banques. Jusque-là, les États devaient assumer seuls les conséquences financières des faillites bancaires ; ces bailouts nationaux avaient alors fragilisé les finances publiques des États membres de la zone euro et favorisé la fragmentation des marchés financiers, puisque la solidité des systèmes financiers était appréciée en fonction de la capacité des États à renflouer leurs banques.
Mais cette mutualisation exigeait l'unification préalable des outils de surveillance et le renforcement des standards prudentiels internationaux. Ce dernier point a été acquis avec les règles de Bâle III et le paquet CRR/CRD4, désormais transposé en droit français. En outre, le mécanisme de supervision unique est entré en vigueur en novembre 2014. Depuis, les dix principaux groupes bancaires français soit plus de 90 % des actifs bancaires de notre pays, sont sous le contrôle direct de la Banque centrale européenne (BCE), les plus petits établissements relevant des autorités de résolution nationales.
Le volet résolution de l'union bancaire devient à présent possible. Le FRU représente 55 milliards d'euros, soit 1 % des dépôts couverts dans les États membres de l'union bancaire. Les mécanismes de garantie des dépôts restent nationaux.
Plusieurs textes régissent le mécanisme de résolution, la directive BRRD (Directive européenne relative au cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement) en premier lieu. Par la loi Ddadue, promulguée fin décembre 2014, vous avez habilité le gouvernement à transposer par ordonnance ses dispositions, ce qu'il fera dans les prochains mois. Deux textes distincts créent le mécanisme de règlement unique : un règlement européen MRU et un accord intergouvernemental, demandé par certains de nos partenaires, dont le présent projet de loi autorise la ratification.
L'accord prévoit l'engagement des parties à transférer les contributions des banques au FRU. Son entrée en vigueur doit permettre le versement des premières contributions au FRU avant le 31 janvier 2016.
Au Conseil Ecofin de novembre dernier, la France a réussi à faire en sorte que les banques françaises ne contribuent pas à plus de 32 %, comme c'était initialement prévu, mais plutôt à 27 % du FRU, part plus conforme à leur poids relatif dans le total des actifs bancaires de la zone euro. Elles contribueront donc à hauteur d'un peu moins de 15 milliards d'euros, dont une fraction, comprise entre 15 % et 30 %, à la discrétion de l'autorité européenne de régulation, pourra être acquittée sous la forme d'engagements de paiement qui n'auront pas d'impact sur leur résultat.
Le rythme de contribution était également en discussion : 40 % seront mobilisés dès la première année, 60 % ensuite, jusqu'à la fin de l'année 2023. La possibilité de recourir à des financements complémentaires, comme des transferts entre compartiments nationaux, ou une collecte ex post, reste ouverte.
Le conseil de résolution unique, organe pilote du FRU, se réunira le 26 mars prochain ; il comprend six membres.
Ce projet de loi répond aux demandes du Parlement et de votre Haute Assemblée en particulier : la répartition des contributions des banques est désormais connue. La ratification de l'accord intergouvernemental constitue une étape décisive de la mise en place du mécanisme de résolution unique et au-delà, de l'union bancaire. C'est pourquoi je souhaite à présent l'adoption de ce texte. (Applaudissements)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances . - Votre souhait sera sans doute exaucé !
Cet accord international semble technique. Assurément complexe, il ne peut être compris qu'au regard d'autres textes européens. Il n'en constitue pas moins une étape majeure dans la stabilisation de la zone euro et la protection des contribuables nationaux contre d'éventuelles défaillances bancaires à venir.
La crise financière de 2008 est à l'origine d'une dangereuse interdépendance entre États et banques : les États ont dû s'endetter pour renflouer les banques fragilisées, et ils placent leurs titres de dette auprès de ces mêmes banques... C'est un cercle vicieux que l'union bancaire a précisément pour objet de briser.
Celle-ci comporte deux volets, l'un relatif à la surveillance des banques, l'autre à la gestion ordonnée de leur éventuelle défaillance. Le MSU, mis en place depuis le 4 novembre dernier sous l'égide de la BCE, assure la supervision directe de 120 établissements bancaires de la zone euro. Les tests de résistance conduits dans la zone euro ont révélé la solidité des banques françaises.
Un mécanisme de résolution unique restait à mettre en place à l'échelle de la zone euro pour gérer de façon ordonnée toute défaillance bancaire, sans avoir recours au contribuable national. Ce mécanisme s'organise autour d'une autorité nouvelle, le Conseil de résolution unique, agence de l'Union européenne composée de personnalités qualifiées et de représentants des autorités nationales de résolution, comme l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
La France a en effet son propre système de résolution, depuis 2013. Mais il reste strictement national. Le mécanisme de résolution unique (MRU) est doté d'un volet préventif - l'obligation faite aux établissements de crédit de se doter d'un plan de résolution, contrôlé par le Conseil de résolution unique -, d'un volet de résolution proprement dite en cas de défaillance bancaire - avec les pouvoirs confiés à l'autorité de résolution - et d'un volet financier, comportant deux outils : le renflouement interne et le fonds de résolution proprement dit, alimenté par l'ensemble des banques, qui doit atteindre 1 % des dépôts de la zone euro, soit 55 milliards d'euros, en 2024.
Le mécanisme se fonde sur une directive, transposée via la loi Ddadue, un règlement, et un accord intergouvernemental, signé par 26 États membres sur 28. La France n'était pas, au départ, favorable à un tel accord, parallèle au règlement européen. Le contrôle démocratique en est finalement sorti renforcé, la France et son Parlement ayant pu faire pression sur les négociations. À l'initiative de Richard Yung, la commission des finances avait adopté un amendement au projet de loi Ddadue subordonnant l'habilitation donnée au gouvernement à la ratification de cet accord. En statuant sur ce projet de loi, nous votons de fait sur l'ensemble du MRU.
Notre inquiétude sur les contributions des banques avaient motivé notre amendement. Celles-ci ont été publiées en janvier 2015. Elles ne diminuent pas les ressources de l'État, car la dernière loi de finances rectificative les a rendues non déductibles de l'impôt sur les sociétés. L'Allemagne a adopté la même position.
Notre préoccupation est donc moins budgétaire qu'économique. Voilà autant de ressources en moins pour nos banques. D'autant que les règles prudentielles n'ont cessé de se multiplier : Bâle III, CRD4, « coussins systémiques »... Nous devons être très vigilants, afin que ces réglementations successives n'aboutissent pas à un secteur bancaire surprotégé, mais incapable de financer les besoins des entreprises. Le financement de l'économie pourrait en pâtir. En cas de faillite, les banques devraient d'abord faire contribuer leurs créanciers, à hauteur de 8 % de leur passif, soit 140 milliards d'euros pour BNP Paribas par exemple, avant d'en appeler au FRU, doté au total de 55 milliards d'euros.
Les banques françaises sont parmi les principales contributrices au fonds, nettement devant les banques allemandes. Or ni leurs actifs ni leurs risques ne le justifient, au regard des caractéristiques des banques italiennes ou espagnoles.
Vous avez, monsieur le ministre, obtenu trois ajustements et j'espère qu'à cet égard la position ferme adoptée par le Sénat à l'initiative de notre commission des finances a été utile : d'abord, un système de transition entre le montant qui eût été demandé aux banques dans un cadre national et celui qui résulte de l'application du mécanisme de résolution unique, réduisant de 2 milliards d'euros la participation des banques françaises ; ensuite, une modification de la valorisation des dérivés ; enfin, la neutralisation des expositions intragroupes. Ces deux derniers ajustements techniques réduisent de 700 millions d'euros la contribution demandée à nos établissements. Au total, les contributions au FRU sont à 27 % françaises, à 28 % allemandes : on peut se satisfaire des progrès accomplis.
L'accord autorise le transfert de contributions collectées par chaque État au FRU ; et leur mutualisation, avec une période transitoire de huit ans. Pendant cette phase, le conseil de résolution pourra procéder à des prêts temporaires entre contributions nationales jusqu'à la mutualisation totale en 2024, signant la disparition des fonds nationaux. C'est une protection utile pour les premières années.
La commission des finances s'est prononcée favorablement sur ce texte, pierre angulaire du fonctionnement de la zone euro de demain. Il nous faut toutefois rester vigilants sur la contribution des banques françaises. C'est pourquoi nous avons souhaité que le Parlement reste informé des modalités de paiement de ces contributions au FRU - en engagements plutôt qu'en subventions « cash » - et des contributions au fonds national. La France pourrait solliciter une dérogation pour réduire la contribution des banques françaises de 3 milliards d'euros. Le ferez-vous, monsieur le ministre ? Quelles sont vos chances de l'obtenir ?
Pour achever de briser le lien entre dette bancaire et dette souveraine, un filet européen de sécurité, commun à l'ensemble de la zone euro, pourrait être mis en place, remplaçant le mécanisme européen de stabilité (MES), trop restrictif. Quelle est sur ce point la position de la France ?
Le chantier est complexe. Un pas important a été franchi. C'est pourquoi la commission des finances a voté l'article premier et adopté un article additionnel. (Applaudissements)
M. Richard Yung . - Nous discutons de la mise en place du second pilier de l'union bancaire. La stabilité commence à deux piliers, qui valent mieux qu'un seul. Restera à en établir un troisième...
La commission des finances avait posé une condition à la ratification de l'accord intergouvernemental : connaître les modalités de calcul et surtout de répartition des contributions au fonds, de sorte que les établissements français ne payent pas plus que les banques allemandes. Ce n'est pas être hostile à l'Allemagne que de défendre ainsi nos intérêts ! Nos inquiétudes ont été prises en considération. C'est suffisamment rare pour être salué !
Autre motif de satisfaction : les banques contribueront au FRU selon une évolution en ciseau, la part mutualisée prenant progressivement le pas sur les parts nationales. Cela évitera aux banques de certains pays, à commencer par le nôtre, de payer une contribution anormalement élevée.
Les ajustements obtenus - comptabilisation des dérivés, fonds intragroupes... - vont dans le bon sens. Reste à s'assurer que les contributions se feront davantage sous forme d'engagements que de décaissements, et de la fixation du pourcentage réel de participation de nos établissements.
Les établissements dont le total des actifs est inférieur à 3 milliards d'euros s'acquitteront d'une participation forfaitaire modique, 50 000 euros.
Un mot sur l'accroissement du rythme de contribution. L'Allemagne souhaitait participer le plus tard possible. Nous avons proposé un délai de mutualisation de cinq ans, ce qui nous semblait plus européen. Le compromis trouvé, de huit ans, est bon. La part des contributions allemande et française est finalement alignée sur leur poids relatif dans la zone euro, c'est heureux. Reste une question : comment répartir ces 14,9 milliards d'euros entre les banques françaises ?
Nous regrettons que le FRU se mette en place dans un cadre intergouvernemental. Réintroduisons-le dans le droit européen dans un délai inférieur à dix ans, comme cela est prévu dans l'accord.
Autre regret : le montant de 55 milliards d'euros. Une crise bancaire moyenne exigera davantage... À défaut de filet de sécurité, qui a été évoqué, seules les petites crises seront parées. La crédibilité du système est en jeu.
L'article 5 autorise certes le fonds à contracter des emprunts. Les Allemands craignent toujours d'avoir à payer pour les cigales latines... La mise en oeuvre de la procédure de renflouement pourrait être actionnée à l'occasion de la crise que rencontre une banque autrichienne de la région de Carinthie, dont le trou serait évalué, pour l'instant, entre trois et six milliards d'euros...
Les tests de résistance nous rassurent sur l'état de nos banques, mais les choses pourraient évoluer.
La commission des finances a introduit dans le projet de loi un article additionnel demandant au gouvernement de l'informer de la mise en place du système. Il nous faudra parachever l'union bancaire et finaliser la transposition de la directive BRR ; où en sommes-nous monsieur le ministre ?
La France, contrairement à l'Allemagne, est favorable à une garantie mutualisée des dépôts bancaires, qui serait l'aboutissement logique de l'union bancaire, remarquable avancée qu'il faut saluer à l'heure où l'Europe fait office de chiffon rouge.
Le conseil d'analyse économique a récemment publié une note intéressante selon laquelle l'union bancaire ne sera complète que lorsque les régimes fiscaux seront harmonisés. Il nous faudra nous y atteler...(Applaudissements)
M. André Gattolin . - Par son ampleur systémique, la crise de 2008 a rapidement migré des banques vers les États. Les sauvetages des banques, par recapitalisation ou garanties, explicites, pour Dexia, ou implicites, pour les grandes banques universelles françaises, ont pesé très lourd sur les finances publiques. Bien loin du discours à visée auto-persuasive et propagandiste des banques, le coût de la crise a été faramineux et largement supporté par les États. Le risque qui en découle explique la dégradation de la note de la France en 2012 et le renchérissement du financement de notre dette souveraine, alors que l'endettement public a dépassé brutalement, à partir de 2008, en France 90 % du PIB.
À la suite de cette triste expérience, la démarche européenne d'union bancaire constitue une étape importante dans le règlement de la crise des dettes souveraines. Mais nous nous sommes arrêtés au milieu du gué et la France, monsieur le ministre, n'y est pas étrangère. Le fonds mis en place, de 55 milliards d'euros, à terme, sera-t-il suffisant, en cas de défaut d'un de nos grands établissements bancaires ? Parmi les 20 plus grandes banques mondiales figurent 9 banques européennes, dont 4 sont françaises. BNP Paribas, par exemple, a un bilan d'environ 1 800 milliards d'euros !
L'aléa moral et l'exposition des contribuables sont très peu réduits par les mécanismes retenus. Le gouvernement a fait ce choix, qui a privilégié, dans la loi de séparation, la protection de l'industrie financière française à la vraie régulation... Rien d'étonnant, donc, à ce que la proposition Barnier, sur la filialisation des activités de marché, actuellement discutée au niveau européen, ne recueille pas davantage l'assentiment de la France !
Les stress tests ne sont pas non plus pour nous rassurer : les banques s'évaluent elles-mêmes et les difficultés de liquidité interbancaire sont très peu prises en compte. Le gouvernement s'est battu pour que les banques françaises ne paient qu'a minima leur exposition massive aux produits dérivés et assurent une partie de leur contribution en engagements plutôt qu'en payant cash. Certes, des ajustements ont été trouvés.
Les écologistes s'étonnent que les intérêts de nos banques prévalent à ce point sur l'intérêt européen - alors même qu'elles ne rendent guère la pareille, puisqu'elles contribuent à l'évasion fiscale, tout en versant à leurs actionnaires de copieux dividendes...
M. Joël Guerriau. - Caricature !
M. André Gattolin. - ... tandis que PME et TPE peinent à accéder au crédit. Au-delà, il aurait été utile de repenser le modèle français des grands conglomérats bancaires, judicieux par exemple de fusionner les Caisses d'épargne et le réseau du Crédit agricole, pour constituer de puissantes banques régionales comme en Allemagne, où elles ne sont pas étrangères au rayonnement du fameux Mittelstand...
Nous voterons ce texte, en regrettant que le soutien du gouvernement - voir la taxe sur les transactions financières - ne soit pas totalement acquis à l'intérêt général européen. Pour le prochain combat, celui de la régulation de la finance parallèle, il est indispensable que nous soyons tous au rendez-vous.
M. Thierry Foucaud . - Pour certains, l'adoption de ce texte marque la fin de la crise de 2008, dont les citoyens européens ont payé la facture. Certes, notre PIB n'a pas baissé de 25 % comme en Grèce, notre taux de chômage n'est pas celui de l'Espagne, mais nous avons eu la loi de sécurisation de l'emploi, dont le bilan est éclairant - 74 000 emplois détruits en 2014. Sans compter l'austérité budgétaire et l'amputation des dotations aux collectivités territoriales. Tout cela pour que les banques reprennent l'habitude de se faire confiance entre elles...
La loi de séparation bancaire n'a pas changé grand-chose... Sur douze établissements français systémiques, deux seulement ont filialisé leurs activités de marché - celles-ci ne représentant d'ailleurs, selon son directeur général adjoint, que 2 % des activités de la banque de financement et d'investissement de BNP Paribas... Nous ne sommes pas au bout des mauvaises surprises...
Cet accord prévoit que les banques européennes vont mettre en commun 55 milliards d'euros pour parer collectivement aux défaillances de certaines d'entre elles. Elles ont fait grise mine... Finalement, après maintes gesticulations et génuflexions, les grandes banques françaises ne paieront que 15 milliards d'euros, pour un total de bilan de 8 155 milliards d'euros, soit quatre fois notre PIB. Elles devront affecter un ou deux millièmes de point de leur bilan au FRU... Cela risque d'être un peu juste face à une crise systémique. Pour mesurer les choses, il faut savoir que le sinistre de la banque portugaise BPN a coûté 5 Mds d'euros au gouvernement portugais, tandis que les établissements financiers du pays contribueront au FRU à hauteur de 900 millions d'euros... Que les contribuables de la zone euro se rassurent : en cas de secousse majeure, les banquiers reviendront faire la quête à la sortie des conseils européens... Et que dire du fait que le Royaume-Uni, où est située la principale place financière européenne, ne participera pas au Fonds ?
Le MRU n'est pas la panacée, d'autant que les conditions de sa mise en oeuvre sont complexes et qu'il sera sans doute plus aisé d'en appeler à la charité publique qu'au soutien du secteur financier lui-même. Nous sommes partagés entre une abstention critique et un rejet pur et simple... Deux questions pour conclure : que devient la taxe systémique ? Que fera-t-on des 55 milliards d'euros en attente d'affectation ?
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Thierry Foucaud. - Nous ne prendrons pas part au vote.
M. Jean-Claude Requier . - La crise profonde où nous sommes encore plongés est issue d'une crise bancaire. Les États ont dû apporter une aide massive à leurs établissements de crédit. C'est dans ce contexte que l'Union européenne a décidé de mettre en place le MRU, dans le cadre de l'union bancaire. Il est dommage que l'on n'ait pas anticipé...
Au MRU sera adossé un fonds de 55 milliards d'euros, les contributions des banques étant appelées à être progressivement mutualisées. Elles seront proportionnelles à la taille et au profil de risque des banques. Les banques françaises paieront 15 milliards d'euros, soit 2 milliards de moins qu'initialement prévu, grâce notamment à l'insistance de notre commission des finances. Les critères ont été revus dans le sens que nous souhaitions.
Une étape cruciale va être franchie. Il est temps que les banques paient pour leurs erreurs éventuelles, et non plus les contribuables. La grande majorité du RDSE votera ce texte assorti de l'amendement voté en commission. (M. André Gattolin applaudit)
M. Joël Guerriau . - Vous savez l'attachement du groupe UDI-UC à la construction d'une Europe proche des préoccupations des citoyens. La crise financière exceptionnelle que nous connaissons depuis 2007 appelait des réponses exceptionnelles. Elle a démontré que les banques européennes étaient elles aussi vulnérables, et pas seulement les américaines... Les pertes privées se sont transformées en dettes publiques et les États ont dû s'engager massivement, sur le plan budgétaire, pour lutter contre la récession.
Avec l'union bancaire, l'Europe démontre la nécessité de son intervention dans le quotidien des citoyens. Ce projet de loi de ratification est plus ambitieux qu'il n'en a l'air : l'accord qu'il ratifie est une étape indispensable pour restaurer le principe de responsabilité des banques à l'échelle de l'Union, alors qu'auparavant prévalait l'adage too big to fail...
Quelques interrogations cependant. Les banques françaises ont été pénalisées par la structure de leurs activités, alors que je ne saurais dire de quel côté du Rhin le risque est le plus important. Il faudra veiller à ce que l'autorité européenne de résolution impose l'équité. Les banques françaises contribueront à hauteur de 27 % au Fonds, alors qu'au regard de leur risque pondéré, leur contribution ne devrait être que de 20 %. Elles verseront ainsi 4 milliards de trop, alors que la probabilité qu'elles recourent au Fonds est faible. Comment assumeront-elles leur mission première, à savoir de relancer l'économie ? Les 15 milliards qu'elles verseront auraient pu générer 150 milliards de nouveaux crédits. Dans le même temps, elles subissent les normes de Bâle III et de nouvelles charges fiscales - 2 milliards encore en 2015.
À trop parier sur une catastrophe, à trop pousser le curseur, nous risquons d'étouffer la reprise. Comment sommes-nous parvenus à un accord si défavorable, avec un commissaire français à l'économie et aux finances ? M. Moscovici a dit être bienveillant à l'égard de la France ; cela reste à démontrer... Quid de la demande française de réduire les contributions au Fonds de garantie des dépôts à 0,5 % des dépôts garantis au lieu de 0,8 % au regard de la concentration du secteur bancaire français - l'enjeu est de l'ordre de 3 milliards ? L'Espagne aurait obtenu un traitement favorable, alors que le profil de risque de ses banques est élevé. Comment le gouvernement entend-il assurer une égalité de traitement des banques françaises avec leurs concurrents étrangers ? Tout ce qui affaiblirait notre industrie bancaire, qui emploie 400 000 personnes, serait une erreur historique.
L'union bancaire n'est pas qu'un empilement de textes, c'est une réflexion permanente. J'estime cet accord déséquilibré, qui aura un impact négatif sur notre économie.
M. Francis Delattre . - Nous vivons une étape essentielle dans l'édification d'un cadre commun de gestion des banques de la zone euro. C'est l'avènement d'une union bancaire pragmatique, protectrice des épargnants comme des économies européennes. Il s'agit ici d'éviter que les contribuables soient mis à contribution lors des crises bancaires - rappelons cependant que nos banques ont largement remboursé leurs dettes.
Un fonds de 55 milliards d'euros, cela paraît modeste au regard du total des bilans des établissements bancaires. Mais cela montre la volonté de la BCE ; après s'être longtemps contentée de surveiller l'inflation, la BCE accompagne l'économie. Elle pourra mobiliser beaucoup plus. Il faut s'en féliciter.
Les banques françaises contribueront à hauteur de 15 milliards d'euros, au lieu de 17 milliards comme c'était d'abord prévu. Nous nous étions émus du déséquilibre des contributions, alors que le PIB allemand est supérieur de 30 % au nôtre...
Désormais, nos principales banques sont soumises au contrôle de la BCE. Ce ne sont plus des inspecteurs des finances de Bercy qui contrôleront d'autres inspecteurs des finances du Crédit Lyonnais, mais des contrôleurs européens qui contrôleront des banques d'autres pays que le leur.
Reste que les montants demeurent importants, alors que nos entreprises se financent à 80 % via des prêts bancaires. L'investissement des entreprises est l'un des moteurs de la croissance que nous attendons. Mais les banques françaises, elles l'ont dit au rapporteur général, se satisfont de l'accord.
Vu les changements intervenus, il n'apparaît plus justifié de s'opposer à cet accord qui met en place le troisième pilier de l'union bancaire - nous l'appelions de nos voeux. Restons cependant vigilants, et votons l'article introduit par la commission des finances, pour que le Parlement soit régulièrement informé.
La loi de séparation bancaire a créé un fonds de garantie des dépôts, qui peut servir à une résolution bancaire - nous avions dénoncé ce mélange des genres. Grâce au FRU, le fonds de garantie sera-t-il effectivement réservé aux déposants ?
Si le groupe UMP votera ce texte, votre mission n'est pas terminée, monsieur le ministre. Le shadow banking se développe, loin du regard des superviseurs ; les hedge funds sont toujours à l'oeuvre. Plus on régule le secteur bancaire traditionnel, plus on renforce ce secteur, disons, libre... Il faudra bien un jour le réguler.
La crise bancaire née de la faillite de Lehman Brothers a eu ses effets les plus dévastateurs en zone euro. Le présent accord évitera que cela ne se reproduise.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je me félicite que ce texte recueille majoritairement votre soutien. Le gouvernement ne s'opposera évidemment pas à la disposition ajoutée en commission, l'information du Parlement sur pareil sujet est légitime.
Vous avez demandé si la France avait demandé une dérogation pour réduire de 0,8 % à 0,5 % la cible de préfinancement du Fonds national de garantie des dépôts ; c'est en effet notre intention car nous considérons que les critères de la directive sont remplis.
Sur les filets de sécurité et les capacités d'emprunt du FRU, les discussions se poursuivent ; nous souhaitons qu'elles aboutissent rapidement car il y va de la crédibilité du dispositif.
La France souhaite que le CRU fasse largement usage de la faculté d'aller jusqu'à 30 % d'engagements de paiement. Elle n'était guère désireuse de procéder par accord intergouvernemental. Son intégration dans le droit européen ne semble toutefois pas faire consensus pour l'heure.
Les 55 milliards d'euros suffiront-ils ? Rappelons que le FRU n'interviendra qu'après sollicitation des actionnaires et de certains créanciers, à hauteur de 8 % du bilan, soit 160 milliards d'euros de pertes pour BNP Paribas. On ne peut se prémunir de tout, mais le calibrage est bon.
Les stress tests, monsieur Gattolin, ont été très positifs pour les grandes banques françaises. Mais le risque lié aux activités des établissements reste étroitement surveillé.
Je regrette que le groupe CRC ne s'associe pas à ce progrès important.
Le fonds de garantie des dépôts restera en place aussi longtemps qu'un troisième pilier n'aura pas été ajouté à l'union bancaire.
Certes, les hedge funds, le shadow banking existent toujours. Le travail continue, il est de longue haleine.
Ces quelques précisions, je l'espère, auront levé vos derniers doutes. Certes, ce n'est qu'une étape, monsieur le vice-président Delattre. À l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), il n'y a pas que des inspecteurs des finances, il y a aussi des inspecteurs généraux de la Banque de France...
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Prochaine séance demain, mardi 17 mars 2015, à 14 h 30.
La séance est levée à 22 h 45.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 17 mars 2015
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Jean-Claude Gaudin, vice-président Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaire : M. Jackie Pierre
1. Désignation d'un Secrétaire du Sénat, en remplacement de Claude Dilain.
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'adaptation de la société au vieillissement (n° 804, 2013-2014).
Rapport de MM. Georges Labazée et Gérard Roche, fait au nom de la commission des affaires sociales, (n° 322, 2014-2015).
Texte de la commission (n° 323, 2014-2015).
Avis de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 305, 2014-2015).
Avis de Mme Catherine di Folco, fait au nom de la commission des lois (n° 306, 2014-2015).