Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous revenons au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°737, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 4131-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-1. - Les régions sont administrées par un conseil régional composé d'une assemblée élue au suffrage universel et d'un conseil exécutif élu en son sein.
« L'assemblée régionale désigne en son sein un président pour la durée du mandat. La commission permanente est présidée par le président de l'assemblée qui est membre de droit. L'assemblée régionale procède parmi ses membres à l'élection du conseil exécutif.
« L'assemblée régionale règle par ses délibérations les affaires régionales. Elle contrôle le conseil exécutif.
« Les conseillers exécutifs et le président du conseil exécutif sont élus au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Si aucune liste n'a recueilli au premier et au deuxième tour la majorité absolue des membres de l'assemblée, il est procédé à un troisième tour. Dans ce dernier cas, la totalité des sièges est attribuée à la liste qui a obtenu le plus de suffrages. Le président du conseil exécutif est le candidat figurant en tête de la liste élue. Le mandat de conseiller à l'assemblée régionale est incompatible avec la fonction de conseiller exécutif.
« Le président du conseil exécutif prépare et exécute les délibérations de l'assemblée. Il est l'ordonnateur des dépenses et prescrit l'exécution des recettes du conseil régional. Il est le chef des services du conseil régional et gère ses personnels. Il délègue par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses attributions aux conseillers exécutifs. Ces délégations ne peuvent être rapportées sans un vote d'approbation du conseil exécutif. En cas d'empêchement pour quelque cause que ce soit, le président du conseil exécutif est provisoirement remplacé par un conseiller exécutif dans l'ordre de la liste élue.
« Les dates et l'ordre du jour des séances sont arrêtés par le président de l'assemblée après consultation des membres de la commission permanente et la conférence des présidents de groupe. Douze jours au moins avant la réunion de l'assemblée, le président du conseil exécutif transmet au président de l'assemblée un rapport sur chacune des affaires qui doivent être examinées par l'assemblée, ainsi que, le cas échéant, les projets de délibération correspondants. L'ordre du jour de l'assemblée comporte par priorité et dans l'ordre que le président du conseil exécutif a fixé les affaires désignées par celui-ci.
« Le président et les conseillers exécutifs ont accès aux séances de l'assemblée. Ils sont entendus, sur leur demande, sur les questions inscrites à l'ordre du jour. Les commissions établies au sein de l'assemblée sur le fondement de l'article L. 4132-21 peuvent convoquer pour une audition tout membre du conseil exécutif ou tout membre de l'administration du conseil régional.
« L'assemblée peut mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par le vote d'une motion de défiance. La motion de défiance mentionne la liste des noms des candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs en cas d'adoption de la motion de défiance. Il n'est délibéré sur cette motion que lorsqu'elle est signée du tiers des conseillers à l'assemblée. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion. Sont seuls recensés les votes favorables à la motion, qui n'est considérée comme adoptée que lorsqu'elle a recueilli le vote de la majorité absolue des membres composant l'assemblée. Lorsque la motion de défiance est adoptée, les conseillers exécutifs retrouvent leur siège de conseiller à l'assemblée régionale et les candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs entrent immédiatement en fonction. » ;
...° L'article L. 4131-2 est abrogé ;
M. Ronan Dantec. - J'espère que le Sénat ne considérera pas que le groupe écologiste est encore en avance sur son temps. (Sourires) Il s'agit ici de la parlementarisation des assemblées régionales.
Le renforcement du rôle des régions plaide pour une réforme de leur gouvernance, en distinguant, comme c'est déjà le cas pour l'assemblée de Corse, l'assemblée du Conseil exécutif. La séparation des pouvoirs entre l'assemblée délibérante et le pouvoir exécutif et la responsabilité de l'exécutif devant le pouvoir délibératif est une avancée démocratique indispensable.
La Guyane et la Martinique se dirigent dans ce sens, c'est l'avenir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le modèle corse est un formidable exemple de stabilité politique, en effet. (Sourires)
N'alourdissons pas encore les structures, et les dépenses. Avis défavorable, comme lors des précédentes défenses de cet amendement. (Sourires)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - La question est complexe ; elle a été examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Cela demande beaucoup de concertation. L'assemblée de Corse a un statut particulier.
Il y a une vraie question de démocratie, en effet, et aussi un coût... La question est posée, je ne saurais vous répondre aujourd'hui.
L'amendement n°737 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°738, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 4132-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4132-6. - L'assemblée régionale établit son règlement intérieur dans le mois qui suit son renouvellement. Ce règlement intérieur détermine notamment les droits des groupes constitués en son sein en vertu de l'article L. 4133-23. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition, s'agissant en particulier de la fixation de l'ordre du jour de ses délibérations. » ;
Mme Cécile Cukierman. - Il y en a qui préparent l'avenir !
M. Ronan Dantec. - Cet amendement est moins complexe : il propose d'avancer sur les droits de l'opposition dans les assemblées régionales. Après tout, chacun peut se retrouver dans l'opposition : nous devrions arriver à un consensus. (Sourires)
La reconnaissance des droits des élus d'opposition est un moyen d'améliorer le fonctionnement démocratique des conseils régionaux.
C'est un amendement de bon sens !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela relève du règlement intérieur. À force de légiférer, sur des détails, les lois deviennent illisibles... Avis défavorable.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Beaucoup de ces dispositions relèvent, en effet, du règlement intérieur. Toutes ne traitent pas de cette question précise, toutefois. M. Dantec soulève un vrai sujet : sagesse.
M. Alain Fouché. - Il est vrai que dans certaines régions, l'opposition n'est pas toujours très bien traitée (On ironise à droite). Je n'ai rien contre Mme Royal - pas de mauvais esprit ! (Sourires) Il convient d'améliorer la situation.
M. Philippe Kaltenbach. - Renforcer les droits de l'opposition, c'est toujours un progrès pour la démocratie. En l'occurrence, mieux vaudrait une proposition de loi spécifique, prévoir un droit de « niche » pour l'opposition.
Les exécutifs locaux ne respectent pas toujours la loi - notamment dans les Hauts-de-Seine... (Exclamations)
L'amendement n°738 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1012, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le premier alinéa de l'article L. 4132-21 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le président de la commission des finances de l'assemblée régionale est un conseiller d'opposition. » ;
M. Ronan Dantec. - C'est à la représentation nationale de garantir la démocratie dans la gestion des collectivités, de protéger les droits de l'opposition. Cet amendement propose de confier la présidence de la commission des finances à un conseiller régional d'opposition. C'est ce qu'a fait la ville de Nantes, avec succès.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est hors sujet. (On renchérit à droite) On ne peut comparer le rôle du président de la commission des finances au Parlement et dans une collectivité locale ! D'ailleurs, il n'est même pas obligatoire d'avoir une commission des finances... Avis défavorable.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Sagesse. (On s'amuse)
M. Philippe Kaltenbach. - La région Île-de-France a mis en place ce système : c'est M. Karoutchi qui préside la commission des finances.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas n'importe qui !
M. Philippe Kaltenbach. - C'est un usage positif. Je voterai cet amendement, à titre personnel.
M. Alain Fouché. - On interdit à un parlementaire d'être maire d'une commune de 30 habitants, mais il peut être président d'une commission des finances ? Preuve qu'il y a quelques lacunes dans la loi sur le cumul des mandats... (On approuve à droite ; Mme Cécile Cukierman s'exclame)
L'amendement n°1012 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1002, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le premier alinéa de l'article L. 4132-21-1 est ainsi rédigé :
« À la demande d'un cinquième de ses membres, l'assemblée régionale établit en son sein une mission d'information et d'évaluation, chargée de recueillir des éléments d'information sur une question d'intérêt régional ou de procéder à l'évaluation d'un service public régional. Un même conseiller régional ne peut s'associer à une telle demande plus d'une fois par an. » ;
M. Ronan Dantec. - Cet amendement, extrêmement modeste, autorise la création de missions d'information au sein de l'assemblée régionale. Les missions communes d'information du Sénat font la preuve de leur intérêt. L'opposition aurait ainsi une capacité d'intervention. Cet amendement devrait faire consensus.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela relève du règlement. Ne mettons pas tout dans la loi ! (M. Gérard Longuet approuve) Je note que vous n'avez pas prévu les mêmes dispositions pour les départements... Curieux ! (Sourires)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Sagesse, sous réserve que cela concerne aussi les départements.
M. Yves Détraigne. - On ne va tout de même pas inscrire dans la loi que le conseil régional peut examiner telle ou telle politique, tel ou tel service ? La région le fait en interne. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre)
M. Philippe Kaltenbach. - Bien sûr, une collectivité peut créer une telle mission si elle veut majoritairement le faire. Mais le présent amendement donne le droit à l'opposition d'obtenir cette création. Le renforcement des droits de l'opposition passe par la loi, comme cela s'est fait pour les communes.
M. Ronan Dantec. - Nous avons tous intérêt à ce que l'opposition participe davantage à la démocratie régionale, certes. Mais il y a un autre argument : dans les très grandes régions, il y aura des sous-territoires, qui auront des problématiques spécifiques. Cet amendement permettra à leurs élus de se faire entendre.
Mme Cécile Cukierman. - Il ne fallait pas faire de très grandes régions, alors ! Il fallait conserver la proximité !
M. Jacques Mézard. - Très bien !
M. Ronan Dantec. - Il me semble que cette proposition devrait pouvoir faire consensus.
Mme Cécile Cukierman. - L'argument me laisse pantoise, sinon sans voix... (Sourires) Nous vous avons alertés sur les problèmes créés par de grandes régions, qui gommeront les spécificités !
D'ailleurs, même sans compétence générale, les collectivités territoriales conservent la liberté de s'organiser dans leur règlement intérieur. Dire que ce règlement doit garantir les droits de l'opposition, soit, mais écrire ce règlement dans la loi, non !
L'amendement n°1002 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°739, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 4134-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il a pour mission d'éclairer le conseil régional sur les enjeux et les conséquences économiques, sociales et environnementales des politiques régionales. Il porte une attention particulière à leur impact sur le long terme et à leur inscription sur une trajectoire de transition écologique de l'économie. Il peut être saisi de toute question relevant des compétences du conseil régional par le président de l'assemblée régionale, par tout groupe politique constitué en son sein en vertu de l'article L. 4133-23. Il peut également demander l'inscription d'une communication à l'ordre du jour de l'assemblée régionale, qui donne lieu à un débat sans vote. » ;
M. Ronan Dantec. - Je suis surpris des critiques faites aux Ceser. Il est nécessaire que tous les acteurs sociaux puissent s'exprimer sur les enjeux régionaux, notamment écologiques, sans s'immiscer dans les décisions du conseil régional. Je pense aux conseils de développement : il y a eu de vraies frustrations. Les élus ont donné le sentiment de rester entre eux. Les Ceser sont là pour réfléchir au moyen et au long terme.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certains émettent des doutes sur l'utilité des Ceser... C'est, incontestablement, une enceinte de dialogue. Mais de grâce, cessez de vouloir tout réglementer ! Vous êtes un réglementationniste absolu ! Laissons les structures s'organiser, et tant pis pour celles qui fonctionneront mal.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Même avis défavorable. Les Ceser fonctionnent bien, laissons les nouvelles régions se mettre en place. Nous verrons plus tard s'il convient de modifier le rôle des Ceser.
M. Jacques Mézard. - Selon l'exposé des motifs, cet amendement vise à renforcer les pouvoirs des Ceser. Nous savons tous de quoi il est question, quel est le mode de désignation des conseillers : c'est un moyen de faire plaisir ! Et cela donne des rapports... lus par tous les Français, sans doute ! Et les Ceser ont un coût... Si c'est cela, la représentation de la « société civile », moi qui ne suis pas de la société militaire, je vote avec conviction contre un tel amendement.
Vous proposez ailleurs de créer des sénats régionaux. C'est curieux, quand on sait la considération que vous avez pour la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du RDSE, au centre et à droite)
Mme Jacqueline Gourault. - A-t-on prévu de reconfigurer les Ceser à l'échelle des nouvelles régions ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Oui. (Rires à droite)
L'amendement n°739 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°403, présenté par MM. Husson, Calvet, Houpert, Danesi, Gremillet, D. Laurent, Houel et Cardoux.
Alinéa 6
Après le mot :
habitat
insérer les mots :
, la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant
M. Jean-François Husson. - La loi Maptam crée une nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, avec le doux sigle de Gemapi, affectée aux communes et EPCI à fiscalité propre. Néanmoins une grande partie des actions de gestion de l'eau et de prévention des inondations ne sont pas incluses dans ce bloc de compétence et nécessitent une maîtrise d'ouvrage appropriée supra-locale. Ces actions de bassin nécessitent l'implication de tous les niveaux de collectivités par leur caractère transversal et leur échelle. Une gestion équilibrée et durable en matière d'eau et d'inondations nécessite une complémentarité entre les actions menées par les communes et les EPCI à fiscalité propre au titre de leurs compétences propres et celles menées à l'échelle du bassin versant.
C'est pourquoi, nous proposons que les régions soient compétentes pour promouvoir la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - « Gemapi »... Avant, on parlait de lutte contre les inondations, tout le monde comprenait.
La loi du 27 janvier 2014 vient d'être votée. J'ai participé à la création de l'entente Marne, qui couvre cinq départements jusqu'à la Meuse. Nous avons fait un travail formidable, y compris sur les rivières adjacentes. Nul besoin de légiférer encore ! S'il s'agit d'aménagement du territoire, la région pourra intervenir. Mais on ne va pas commencer à confier à certaines collectivités des compétences qui appartiennent à d'autres ! Cela poserait en outre des problèmes de ressources. Avis défavorable, pour l'heure. Différons l'examen de la compétence « Gemapi ».
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce point, à l'initiative du Sénat. La Gemapi est devenue une compétence exclusive du bloc communal, à l'issue d'un riche débat. Une région demande à être compétente pour pouvoir intervenir efficacement. Je suis gênée. Laissons cette nouvelle compétence s'établir. Retrait ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a une confusion. La compétence Gemapi appartient au bloc communal. Ici, nous parlons de l'approvisionnement en eau, c'est tout autre chose que les inondations. La région est le bon niveau pour veiller à la gestion équilibrée des ressources en eau.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce sont les agences de l'eau qui s'en occupent !
M. Pierre-Yves Collombat. - Elles interviennent concurremment avec d'autres collectivités. Certains établissements publics de bassin s'occupent à la fois d'approvisionnement et de prévention des inondations. Ils commencent à avoir des problèmes. Disons qui peut faire quoi, pour ne pas les paralyser.
En Provence, nous avions de graves problèmes d'approvisionnement jusqu'à ce que Gaston Defferre fasse construire le canal de Provence.
Mme Marie-France Beaufils. - Je ne suis pas toujours d'accord avec M. Collombat, mais l'amendement concerne bien la gestion des ressources alors que l'objet vise, lui, la prévention des inondations. De quoi est-il question au juste ?
S'agissant de la prévention des inondations, l'absence de compétence générale des départements et des régions va poser de véritables problèmes. Dans le bassin de la Loire, c'est grâce au conseil régional et au conseil général que les digues, de la compétence de l'État, ont pu être renforcées.
Je m'abstiendrai, faute de voir où vous voulez allez.
M. Daniel Gremillet. - Comment dissocier la gestion des ressources de l'enjeu économique ? Il manque un outil.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir avec le développement économique !
M. Daniel Gremillet. - Si !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Si l'on va par-là, tout est dans tout...
M. Marc Laménie. - Gestion des ressources et lutte contre les inondations sont deux sujets de préoccupation. Les crues font des dégâts chaque année. Dans la Meuse, il y a eu des inondations dramatiques en 1993 et 1995. La région a alors créé un établissement public d'aménagement pour anticiper (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, confirme), éviter de tels coûts humains mais aussi économiques. L'échelon régional est intéressant en la matière.
M. Ronan Dantec. - On aurait gagné du temps en laissant aux régions la compétence générale... L'amendement, tel qu'il est rédigé, pose problème : on revient au point de départ. Mieux vaudrait créer une compétence partagée « eau », car cette dernière a la fâcheuse manie d'ignorer les limites administratives...
M. Gérard Longuet. - Pour une fois, j'approuve M. Dantec : il parle d'or. Je suis favorable à la suppression de la clause de compétence générale, car cela préserve les élus de la tentation d'intervenir partout et d'accroître ainsi la dépense publique. Mais il y a des domaines qui supposent des actions conjointes des différents niveaux sur un même projet. J'ai participé à la création de l'Epama : il est apparu clairement que les inondations avaient pour origine la façon de traiter les sols en amont. Il y a donc un devoir de solidarité entre territoires.
L'eau est au coeur de la compétence économique des régions, car c'est une ressource rare, indispensable au développement de beaucoup d'activités. Certes, il existe des établissements publics, les EPTB, mais leurs interlocuteurs pourront s'abriter derrière la suppression de la clause de compétence générale...
Ce ne sont pas les territoires où l'eau est la plus abondante qui en consomment le plus. Ce ne sont pas non plus les territoires où l'on malmène les sols qui subissent les inondations. La solidarité est indispensable. L'État ne doit pas s'exonérer de ses responsabilités, non plus que les riverains.
M. Jean-Pierre Grand. - Comment construirait-on aujourd'hui le magnifique équipement qu'est notre canal Philippe-Lamour ? Les communes n'en ont évidemment pas les moyens. Nous nous lions les mains. La fin de la clause de compétence générale crée d'ailleurs une tutelle de certaines collectivités sur d'autres. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'exclame) L'eau, il faut la transporter ! Une compétence globale est nécessaire.
Soutenons cet amendement de bon sens.
M. Éric Doligé. - Nous jouons aux apprentis sorciers, en votant texte sur texte sans savoir ce que nous faisons. Après le vote de la loi Maptam, j'ai écrit au préfet pour dire que le département ne pouvait plus apporter des financements. Il m'a répondu qu'il fallait trouver un arrangement...
On a créé des établissements publics territoriaux de bassin, qui fonctionnent bien - j'en ai été précurseur, pour la Loire. Revoyons cela dans un autre texte, au lieu de prendre des risques considérables en ajoutant, à chaque projet de loi, une couche supplémentaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Absolument.
M. Jean-François Husson. - Merci à M. Longuet de sa plaidoirie. C'est du vécu ! Si les régions ne sont plus autour de la table, les établissements publics de bassin n'auront plus les moyens nécessaires. On parle toujours de mutualisation, de coopération : c'est notre état d'esprit !
Supprimer la clause de compétence générale, soit. Mais les communes et les EPCI n'ont pas les moyens d'assumer seuls cette compétence. Mettons le pied dans la porte, pour trouver une solution au cours de la navette.
M. Philippe Mouiller. - Un argument géographique : le niveau régional est pertinent, quand on regarde la carte des bassins versants.
M. Charles Guené. - l'amendement de M. Husson est très intéressant... comme amendement d?appel. Il y a trois questions : la compétence, le niveau de gestion, les financements. Les régions peuvent déléguer à des agences mais leur transmettre le bébé n'est pas forcément la bonne solution.
M. Bruno Retailleau. - La compétence de l'eau est une des plus éclatées. La tempête Xynthia n'est pas si loin. Il y a des réserves en Vendée pour assurer l'équilibre entre agriculture et biotope.
Le niveau régional est trop éloigné. Pour gérer des digues, il faut être près des techniciens et des élus. Mais sans financement régional, rien ne peut être fait. Transférer cette compétence à la région reviendrait à dessaisir les acteurs locaux.
Soit Mme la ministre nous assure que les régions pourront apporter leur financement, soit il faut sous-amender.
M. Bruno Sido. - Tout cela démontre qu'on légifère trop. La loi sur l'eau a traité des EPTB. Hormis la Meuse, nos grands fleuves traversent plusieurs régions.
Beaucoup d'amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Pourquoi pas celui-ci ?
M. Christian Manable. - En 2001, le département de la Somme a connu des inondations très importantes. Des rumeurs ont couru selon lesquelles Paris aurait inondé la Somme pour sauver sa candidature à l'organisation des jeux Olympiques. C'était évidemment absurde : l'eau ne remonte pas les pentes. Un syndicat mixte a été créé, qui s'est révélé si efficace que ses compétences ont été élargies. Un autre s'est occupé de la gestion de nos 65 kilomètres de littoral - soit l'équivalent du littoral belge - et de toutes nos zones qui sont sous le niveau de la mer et qui ont subi de terribles submersions.
M. Retailleau a raison, ces problèmes doivent être traités dans la proximité, ce qui n'empêche pas les régions d'intervenir. Je ne voterai pas l'amendement.
M. Bernard Cazeau. - La ressource en eau est aujourd'hui gérée par les établissements publics territoriaux de bassin avec souvent le concours des départements et des agences de l'eau. Cela fonctionne assez bien - j'en suis le président national. Certes, il faudra trouver des financements. Mais on ne peut pas, au travers d'un amendement, bouleverser ainsi la répartition des compétences.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement de M. Husson est utile à défaut d'être excellent. Mais si l'on rend les régions compétentes, les départements ne pourront plus intervenir, non plus que les syndicats intercommunaux.
La gestion des ressources et la prévention des inondations sont deux sujets distincts.
Les limites des bassins versants ne recoupent pas les frontières administratives. Voyez la nappe de Beauce, qui va du sud de la forêt de Fontainebleau jusqu'à Chartres : est-ce en Île-de-France ? En région Val de Loire ? En région Centre ?
La question des inondations est réglée par les établissements publics. Rien n'interdit aux régions et aux départements de faire des syndicats mixtes.
M. Jean-François Husson. - Cela ne fonctionne pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Croyez-vous que les choses iront mieux si l'on donne la compétence aux régions ? Certainement pas. Elles n'ont pas l'expertise pour conduire les travaux.
Ce sont les agences de l'eau qui devraient être les principaux acteurs. Elles disposent de ressources considérables. Celle de Seine-Normandie a tout de même un budget de 6 milliards d'euros par an !
Grâce à la formidable loi sur l'eau, on a mieux protégé la ressource, mieux lutté contre les inondations.
Si vous approuvez cet amendement...
M. Bruno Sido. - Article 40 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Où sont les représentants de la commission des finances ?
Mme la présidente. - Si l'article 40 est invoqué, le vote sera réservé jusqu'à ce que la commission des finances se soit prononcée.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - La compétence régionale en la matière a été décidée en région Bretagne après un rapport du Ceser intitulé « L'eau, enjeu économique majeur »... C'est en effet un enjeu économique, de tourisme, de développement durable - le trait de côte n'est pas oublié. Et d'aménagement du territoire : peut-on ne pas y inclure l'eau, la lutte contre les inondations, les PPR ? Comment la région pourrait-elle ne pas y être associée ?
M. Bruno Sido. - Je maintiens mon invocation de l'article 40 ; cela me semble être la façon la plus élégante de régler le problème...
La séance, suspendue à 17 h 35, reprend à 17 h 40.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - La commission des finances a été, comme vous vous en doutez, très attentive au respect de l'article 40 qu'il s'agisse de transferts de l'État ou entre collectivités, prises bloc par bloc. Elle a pris en compte l'intention du gouvernement de renforcer les compétences des régions. L'amendement n°403 a été déclaré recevable.
Mme la présidente. - La recevabilité est de droit quand elle est affirmée par la commission des finances ou la commission des affaires sociales. Le débat est clos.
M. Bruno Retailleau. - C'est la première fois que j'entends une telle interprétation de l'article 40. Je souhaiterais que les présidents de groupe puissent en discuter. Le régime des irrecevabilités - article 40, entonnoir, article 41... - est pourtant clair.
La ministre a assuré que les régions pourraient apporter leur écot aux travaux de protection, digues fluviales ou digues maritimes, stockage de l'eau ; il n'est dès lors pas utile de sous-amender puisque nous avons cette garantie.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - La jurisprudence de la commission des finances relative à l'article 40 est récapitulée dans un document établi sous la précédente présidence. Il serait utile que chacun s'en imprègne.
M. Bruno Sido. - Il n'a aucune valeur !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Les services de la commission des finances sont d'une précision absolue.
Mme la présidente. - Une fois l'avis de la commission des finances rendu, le débat est clos.
M. Jean-François Husson. - Compte tenu des garanties données par la ministre, je vais retirer cet amendement (Mme Jacqueline Gourault s'en réjouit). Nous resterons toutefois d'une extrême vigilance.
L'amendement n°403 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°346 rectifié, présenté par MM. Doligé, Cardoux, Magras, Milon, Laménie et Houel, Mme Deroche, M. Calvet et Mme Giudicelli.
Alinéa 6
Supprimer les mots :
, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine
M. Jean-Noël Cardoux. - Cet amendement supprime le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine des compétences de la région. Ces deux compétences, confiées par la loi du 13 août 2004 aux communautés d'agglomération et aux départements, sont de fait souvent exercées par les départements - c'est le cas du Loiret, hors le cas de l'agglomération d'Orléans. Ce sont en toute hypothèse des politiques de proximité auxquelles on voit mal de super-régions participer.
Mme la présidente. - Amendement n°613 rectifié, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et le soutien aux politiques d'éducation
Mme Marie-Christine Blandin. - Lorsqu'une politique est confiée à une collectivité territoriale, les autres n'ont plus le droit d'intervenir, dit M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. - Notre amendement maintient le soutien aux politiques éducatives menées par les régions. De nombreuses régions apportent un soutien important aux familles : financement des manuels scolaires, équipement des élèves en filière technique et professionnelle - en Poitou-Charentes, par exemple, l'aide aux lycéens est de 70 euros. La suppression de la clause de compétence générale entraînerait la fin de ces dispositifs, ce qui aurait pour conséquence d'augmenter les coûts à la charge des familles.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°346 rectifié, qui supprime une possibilité utile. L'amendement n°613 me parait superflu. Mme la ministre nous donnera certainement des éclaircissements.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°346 rectifié également. Quant à l'amendement n°613, je suis favorable à la sécurisation de ce soutien des régions aux politiques éducatives.
M. Georges Labazée. - Je suis défavorable à l'amendement n°346 rectifié. Que devient par ailleurs la compétence en matière de logement dans le dispositif de rénovation urbaine ?
Mme Valérie Létard. - La politique de la ville et la rénovation urbaine ont été refondées par un texte récent. Ces politiques sont portées par les collectivités et coordonnées, animées par les intercommunalités. Ici, nous prévoyons qu'elle relèverait aussi de la région.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En soutien, simplement.
Mme Valérie Létard. - Dans ma région, le conseil régional a contribué à hauteur de 450 millions d'euros à l'effort de l'Anru, ce qui lui a permis d'intervenir sur un important territoire de référence et a eu un effet levier sur les fonds européens et les autres collectivités. Il faut absolument préserver cette possibilité tout en laissant le pilotage aux territoires de proximité.
M. Michel Delebarre. - Je rejoins Mme Létard, bien sûr. Mais on me dit que le texte de la commission nous donne satisfaction.
Quant aux politiques éducatives, elles doivent également bénéficier du soutien des régions, surtout en ces temps troublés.
M. Franck Montaugé. - Je suis maire d'une commune dont certains quartiers vont bénéficier de l'aide de l'Anru. Dans les territoires pauvres, sans moyens, il est fondamental que les conseils régionaux puissent continuer à intervenir, faute de quoi les aménagements ne seront pas à la hauteur des besoins.
M. Jean-Noël Cardoux. - N'étant que cosignataire de l'amendement, je ne me sens pas le droit de le retirer.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il faut toujours lire le texte de la commission... Politique de la ville et rénovation urbaine n'étaient pas dans le texte initial, nous les y avons introduites - René Vandierendonck y tenait beaucoup. Vous avez satisfaction, madame Létard !
D'autre part, avis favorable à l'amendement n°613.
Mme Marie-Christine Blandin. - Pour parer au risque de voir mon amendement n°613 tomber si celui de M. Doligé était adopté, je le rectifie afin qu'il ne soit plus en discussion commune.
Mme la présidente. - Amendement n°613 rectifié, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et le soutien aux politiques d'éducation
L'amendement n°346 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°613 rectifié est adopté.
Rappels au Règlement
M. Bruno Retailleau . - Un mot sur l'interprétation que fait la commission des finances de l'article 40 : j'y vois une atteinte au droit d'amendement des parlementaires. Son jugement est en effet asymétrique, puisque tous les amendements qui iraient contre le renforcement des compétences des régions seraient déclarés irrecevables... Ce que je conteste. J'invite la prochaine Conférence des présidents à en débattre. C'est notre droit constitutionnel d'amendement qui est en cause. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà en effet un magnifique exemple de la façon dont on traite l'article 40 depuis des années dans cette assemblée. La jurisprudence Marini est à mourir de rire - ou à pleurer. La commission des finances anticipe sur ce que le gouvernement pourrait faire !
Je veux aussi parler d'incohérence. L'amendement n°403 qui prévoit une compétence régionale en matière de gestion de l'eau n'a pas été déclaré irrecevable ; en revanche, le mien l'a été à l'article 28, qui prévoyait une compétence partagée. Où est la cohérence ? Si l'on peut invoquer l'article 40 ainsi, à tout propos, n'importe quand, ce n'est plus la peine de discuter ! Il me semble que nous pourrions régler élégamment ce point lors de l'examen de l'article 28 ; la loi Maptam confie la compétence aux intercommunalités, qu'elles exercent au niveau des bassins versants dans des syndicats mixtes - où région et département peuvent intervenir...