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Table des matières
Projet de loi de finances pour 2015
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Financement des transports collectifs (Questions cribles)
Mise au point au sujet d'un vote
Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Ordre du jour du vendredi 21 novembre 2014
SÉANCE
du jeudi 20 novembre 2014
22e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire : M. Jean Desessard.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappel au Règlement
Mme Éliane Assassi . - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 36. Je profite de l'ouverture du débat budgétaire pour m'exprimer sur la publication dans un fameux journal du soir des propos de M. Sapin. Qui aurait pu imaginer que le ministre des finances se réjouirait que la majorité sénatoriale soit revenue à droite ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quelle lucidité !
Mme Éliane Assassi. - Il déplorait un Sénat de gauche ingouvernable (on le confirme à droite), et se réjouit que l'on parle désormais des textes votés plutôt que de ceux qui sont rejetés. En novembre 2011, pourtant, M. François Marc vantait le travail commun de la majorité sénatoriale de gauche, notamment pour redonner des moyens aux collectivités territoriales.
M. Philippe Dallier. - Les temps ont changé !
Mme Éliane Assassi. - C'était avant l'élection de François Hollande, avant l'oubli des promesses de campagne et la capitulation devant les marchés.
Quand le Gouvernement va-t-il admettre que ce qui révolte nos compatriotes est ce renoncement d'un gouvernement de gauche à ses valeurs ? Entre le social libéralisme et le libéralisme social d'une certaine droite, le jour viendra bientôt où vous admettrez qu'il n'y a plus de différence. Les sénateurs du groupe CRC sont fiers d'avoir porté haut pendant trois ans l'étendard d'une politique de gauche. Alors que votre seule légitimité provient du rassemblement à gauche, vous vous félicitez aujourd'hui du retour de la droite au Sénat : quel cynisme !
M. Éric Doligé. - Quel réalisme !
Mme Éliane Assassi. - Quel mépris pour votre propre engagement ! Allez-vous demander une deuxième délibération pour imposer vos vues par un vote bloqué, comme vous l'avez fait en 2012 et 2013, écartant au passage des amendements de progrès adoptés par la gauche réunie, ou allez-vous accepter le texte de la droite sénatoriale ? En tout cas, les masques tombent ! Vous nous avez accusés pendant deux ans de « pactiser » avec la droite, alors que nous menions le débat à gauche. Aujourd'hui, les choses sont claires : vous préférez discuter avec le centre et la droite plutôt qu'avec ceux qui ont cru à la gauche et qui y croient encore, contrairement à vous ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Philippe Dallier. - Ça promet !
Projet de loi de finances pour 2015
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Veuillez excuser l'absence momentanée de Michel Sapin, due à la réunion ce matin du conseil des ministres. J'ai cru comprendre qu'il était interpellé. Madame Assassi, le Parlement est libre et maître de ses décisions. Quand le Sénat rejette des textes importants, le Gouvernement le respecte.
Mme Éliane Assassi. - Il ne l'a pas fait l'année dernière !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il peut, pour autant, demander une deuxième délibération. Qu'on respecte également les décisions du Gouvernement.
Le Gouvernement tient le cap fixé en avril dernier. Pourtant, la situation ne nous y aide pas. Dans la zone euro la croissance est encore très faible ; l'inflation a atteint un plancher historique, elle ne retrouvera sa cible de 2 % qu'à l'horizon 2017.La Banque centrale européenne a pris des décisions utiles mais M. Draghi reconnaît que la politique monétaire ne peut pas tout.
La question qui se pose à nous est celle du rythme approprié de la consolidation budgétaire. Nous avons ajusté la réduction du déficit au taux de croissance.
Nous avons retenu 4,4 % de déficit en 2014, 4,3 % en 2015 pour passer sous le seuil de 3 % en 2017.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous reportez toujours l'objectif !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Comme vous le savez, nous avons pris en compte les observations de la Commission européenne en réalisant 3,6 milliards d'économies supplémentaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Sortis du chapeau.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Non, des informations nouvelles nous sont parvenues depuis le dépôt du projet de loi de finances, notamment sur l'évolution de la charge de la dette. La sincérité budgétaire imposait de les prendre en compte.
Nous en tiendrons compte par un amendement à l'article d'équilibre et par des mesures qui seront inscrites dans le projet de loi de finances rectificative, déposé le 12 novembre. Ces mesures, qui amélioreront le solde en 2015, ne doivent pas faire oublier l'importance des 21 milliards d'économies déjà prévues. Nous avons examiné celles relatives à la protection sociale dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans ce projet de loi de finances, les ministères font des économies de 2 milliards en valeur. Au total, avec les opérateurs de l'État, ce seront 8 milliards d'économies par rapport à la baisse tendancielle des dépenses.
Les économies portent d'abord sur les charges de personnel. Elles reposent sur le maintien du gel du point d'indice, et la stabilité des effectifs, avec même une très légère diminution de 1 278 équivalent temps plein, et la réduction des enveloppes catégorielles. À cela s'ajoute la baisse des dépenses de fonctionnement de certaines dépenses d'investissement : mutualisation des fonctions support, maîtrise des dépenses immobilières de l'État et développement de l'administration numérique. Nous souhaitons préserver l'investissement dans les secteurs prioritaires. Par exemple, l'Afitf bénéficiera d'une fraction de TICPE ; le programme des investissements d'avenir se poursuit ; la nouvelle génération des contrats de plan État-région mobilisera 1,8 milliard d'euros.
Au titre des interventions, le Gouvernement souhaite mieux articuler les aides à l'agriculture et la PAC, rationaliser les dépenses en faveur de l'outre-mer, réformer les aides aux entreprises et stabiliser en valeur les concours à l'audiovisuel public. Les agences et opérateurs de l'État devront réaliser des économies de 1,9 milliard d'euros, grâce en particulier à une diminution de 1,1 milliard de leurs taxes affectées parce que certaines agences ont accumulé des excédents. Certains opérateurs - Cci, Agences de l'eau, CNDS ,etc - seront mis à contribution. Au total, 2 milliards d'euros d'économies en valeur par rapport au budget de 2014 - 1,2 milliard si l'on en tient pas compte de la contribution au budget de l'Union européenne, au lieu de 6 milliards de progression spontanée.
Quant aux dotations aux collectivités territoriales, elles seront réduites de 3,5 milliards d'euros après le passage à l'Assemblée nationale, contre 3,7 milliards prévus. Sur trois ans, 11 milliards d'économies seront réalisés. Les collectivités territoriales auraient souhaité un autre rythme.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous les mettez en difficulté ! Il ne fallait pas leur transférer de nouvelles charges !
M. Michel Vergoz. - C'est vous qui les avez mises en difficulté ! (Protestations à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Si la baisse était proportionnelle au poids des collectivités territoriales dans la dépense publique, il faudrait y ajouter un milliard d'euros. (Protestations à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il faut donc vous dire merci !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je rappelle que les dotations représentent 28 % des budgets des collectivités territoriales - les régions dépendent davantage de l'État. L'effort représente 1,8 % de leurs dépenses de fonctionnement et 1,6 % de leurs recettes totales.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Et l'investissement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le traitement réservé aux collectivités n'est pas plus sévère que celui que s'applique l'Etat. Nous vous invitons à participer à la réforme de la DGF, jugée injuste et illisible. Personne n'a eu le courage de la faire auparavant.
Grâce à ces économies, nous finançons nos priorités : 700 millions de plus pour la transition énergétique, l'allègement d'impôt de 3,2 milliards d'euros pour les ménages modestes et moyens. En outre, le barème de l'impôt sur le revenu sera revalorisé comme l'an passé. Ainsi, un couple avec deux enfants gagnant 3 160 euros par mois verra son impôt passer de 744 euros en 2014 à zéro en 2015.
M. Éric Doligé. - Après quelle augmentation subie avant ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le déficit de 75,7 milliards d'euros en 2015, en diminution de 12,5 milliards d'euros, a été dégradé de 800 millions d'euros après le passage du texte à l'Assemblée nationale.
Ces dépenses supplémentaires seront compensées par de nouvelles recettes qu'il nous faudra inscrire ultérieurement pour des raisons de procédure. Par avance, je me réjouis des débats qui nous occuperont dans les jours, les nuits et les semaines à venir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - J'ignore s'il est plus facile pour le Gouvernement de discuter avec un Sénat de droite, si la commission des finances est victime du syndrome de Stockholm ; je sais, en revanche, que le Sénat se réjouit de pouvoir discuter de la deuxième partie du budget pour la première fois depuis trois ans. Cela permettra d'exprimer quelques différences.
M. Vincent Capo-Canellas et Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement peut se targuer d'une belle mise en scène devant la Commission de Bruxelles. Toutefois, la question des moyens se posera de nouveau dans quelques jours quand la Commission européenne délivrera son avis sur le budget de la France, et qui sera sûrement sévère.
Le Gouvernement a renoncé à tous ses engagements pris devant l'Europe : l'objectif de retour du déficit sous le seuil de 3 % est sans cesse repoussé, de même que l'effort structurel. De ce point de vue, ce budget marque une inflexion nette. En dépit d'une prévision de croissance de 1 % - optimiste selon le Haut conseil des finances publiques - le déficit de l'État reste identique à celui de 2013. C'est dire le peu d'efforts accomplis par rapport à un pays comme l'Espagne qui partait, en 2011, d'un déficit de 9 %...
Renoncement aux engagements européens, renoncement à la fiscalité écologique aussi. La montagne a accouché d'une souris. Le Gouvernement se montre incapable de revoir la fiscalité des ménages, considérablement alourdie en début de législature. Que d'errements ! Un exemple : la fiscalité immobilière avec la révision de la loi Alur et du dispositif Duflot à peine votés... Avec des conséquences sur la construction, le logement, l'emploi et la croissance... La commission des finances devra se pencher sur cette politique dépourvue de cap. Au lieu d'une grande réforme fiscale, passant par une fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, ou un prélèvement à la source, nous assistons à du bricolage qui ajoute à la complexité actuelle du système. Autre exemple, l'écotaxe, devenue péage de transit, puis reportée sine die sur l'initiative personnelle de Mme Royal. (M. Alain Richard applaudit)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Cela va nous coûter cher !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cette méthode entame la sincérité budgétaire. Résultat, la seule évolution tient à la baisse de la taxe sur le gazole - que les poids lourds en transit ne paieront pas puisqu'ils feront le plein à l'étranger. La recette est affectée pour un an seulement à l'Afitf. L'indemnisation d'Ecomouv n'est toujours pas budgétée.
M. Éric Doligé. - Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Un signal négatif de plus : cette instabilité fiscale décourage les investisseurs étrangers. (On le conteste sur les bancs socialistes) Si, si, des études le démontrent.
Où en sommes-nous ? Le premier temps a été celui du matraquage fiscal désordonné : le produit de l'impôt sur le revenu a augmenté de 35 % depuis 2011...
M. Henri de Raincourt. - Oh la la !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - 2011, monsieur le rapporteur général !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - ... sans aucune réforme structurelle. Les Français savent très bien que l'engagement de stabilité fiscale pris par le président de la République ne sera pas tenu. Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a résumé les choses ainsi : pas d'impôt supplémentaire en 2015, mais tout reste possible d'ici le 31 décembre 2014...
Dans ce budget, on note la hausse de la contribution audiovisuelle et de la taxe sur le gazole. Dans le projet de loi de finances rectificative, nous avons un florilège de dispositions : possibilité d'une taxe sur les résidences secondaires, entre autres. Sans compter que la baisse des dotations aux collectivités territoriales se traduira automatiquement par une hausse de la fiscalité locale. Les collectivités territoriales devront porter l'impopularité de cette politique.
Cette situation entame le moral des ménages et des entreprises, comme en témoigne la hausse du taux d'épargne, de 15,1 % en 2013 à 15,9 % en 2014. Les Français n'ont plus confiance, ils ont une conscience aiguë de la dette. L'État devra emprunter cette année 190 milliards d'euros sur les marchés.
Concernant les économies, la dépense de l'État est, en apparence, bien maîtrisée. Mais à quel prix ? Celui de petits arrangements : prélèvement sur les fonds de roulement des agences de l'État, missions insuffisamment dotées. Le Gouvernement parle d'optimisation, de rationalisation. La réalité est qu'il reporte l'indexation de prestations, ponctionne les opérateurs de l'État. Fusil à un coup ! Le Gouvernement se contente d'habiller une pénurie de moyens. Je ne doute pas, monsieur le ministre, de l'effort de simplification de l'administration ; cependant, il ne permet pas de documenter, à lui seul, les économies prévues. À preuve, une réserve de précaution de 8 % est inscrite dans ce budget.
Enfin, je souligne l'absence de réformes structurelles. (M. Michel Bouvard applaudit) La réserve des dépenses paraît utile mais aboutira-t-elle à des réductions ? Pour nous, 2 milliards manquent aux 21 milliards d'économies envisagées pour 2015.
La France, avec le troisième déficit d'Europe, sera en 2016 la lanterne rouge du continent, avec un déficit de 4,7 %. Les prévisions de la Commission européenne le montrent. Quand d'autres pays ont engagé des plans forts de maîtrise budgétaire, notre Gouvernement se limite à des économies d'une année sur l'autre et des manipulations budgétaires contestables. On le verra lors de la présentation de la mission « défense » qu'il importe d'autant plus de préserver que les menaces pour la stabilité internationale se multiplient, et que nous sommes engagés sur trois fronts. Nous constaterons le détournement de certains pans du programme d'investissements d'avenir, des manipulations budgétaires.
Le Gouvernement s'engage à un plan de 50 milliards d'économies, ni plus, ni moins ; il s'engage aussi à ne pas augmenter les impôts et à revenir à 3 % de déficit en 2017. Pour tenir ce pari, il faudrait un rebond de la croissance - on n'y croit guère, à entendre le Haut conseil des finances publiques ; ou alors, consentir à des économies structurelles. Quoi qu'il en soit, l'Europe ne croit pas au projet de la France ; pas plus que nos concitoyens. Le nouveau commissaire européen, Pierre Moscovici, notant qu'il n'y a pas de réponse simple et unique à la crise, demande de jouer sur trois leviers : la politique budgétaire, des économies structurelles et l'investissement public et privé. Il n'y a rien dans ce budget qui aille en ce sens. La crédibilité budgétaire n'y est pas ; aucune réforme structurelle n'est engagée. L'investissement privé baissera encore en 2015 et il faudra s'interroger sur les effets du CICE. La baisse des dotations aux collectivités territoriales pèsera sur l'investissement public.
Il faut revoir le périmètre d'intervention de l'État, assouplir le marché du travail, réformer notre système scolaire et la formation professionnelle, revoir la politique du logement. Bref, faire des réformes structurelles.
M. Claude Raynal. - Que vous n'avez jamais faites !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce débat sera, pour la majorité sénatoriale, l'occasion de les exposer et de proposer des économies nouvelles. Nous défendrons des mesures en faveur des familles et des PME. S'agissant des collectivités locales, nous ne sommes pas opposés à une diminution de leur concours mais à condition de tenir compte des charges qui leur sont imposées.
Nous nous engageons dans cette discussion avec le souci de tenir un vrai débat après trois années de frustration. J'espère que le Sénat pourra ainsi affirmer sa spécificité et participer au redressement de nos finances publiques. La commission des finances vous invite à adopter le budget pour 2015 (sourires), tel qu'elle l'a modifié. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Voici venu le premier des vingt jours que la Constitution attribue au Sénat pour l'examen du budget. J'espère que, cette année, nous irons au bout.
M. Philippe Dallier. - Tout va bien se passer !
Mme Michèle André, présidente de la commission. - Si nous appartenons à une zone monétaire, la monnaie commune ne s'accompagne pas d'une politique budgétaire commune. Cependant notre trajectoire budgétaire est soumise pour avis à la Commission européenne.
Le Gouvernement a annoncé 3,6 milliards d'économies nouvelles : je me réjouis que M. le ministre se soit engagé à les faire inscrire dans le texte lors de son examen au Sénat.
Depuis l'an dernier, un article liminaire fait le lien avec nos engagements européens. Cette année, le Gouvernement a choisi d'adapter le rythme de réduction des déficits à la conjoncture, car toute politique doit avoir pour but d'améliorer la condition de vie des Français par la création de richesses et la diminution du chômage.
Plusieurs mesures - CICE, baisse des charges dans le pacte de responsabilité et de solidarité, suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés - soutiennent la création d'emplois marchands. Le Gouvernement agit aussi pour ceux qui sont éloignés de l'emploi avec les contrats aidés, le développement du service civique, la réforme de la prime pour l'emploi, les mesures en faveur de l'apprentissage.
Depuis 2012, le président de la République défend une politique de relance en Europe. Chacun y va de ses idées pour donner corps au plan d'investissement de 300 milliards d'euros de M. Juncker. Attention à ne pas s'arrêter aux annonces. Je m'inquiète d'échos faisant état de 30 milliards d'euros de crédits européens sachant qu'on escompterait un effet de levier de 1 à 10...
Le Commissariat général à l'investissement évalue désormais l'efficacité socio-économique des grands projets d'investissements. La puissance publique doit soutenir les investisseurs privés, parfois frileux : c'est le sens de l'action de la Banque publique d'investissement (BPI).
Ce projet de loi tient le cap de la réduction des dépenses : celles des ministères passent de 204,3 milliards d'euros à 203,5 milliards. De même, les créations de postes dans les domaines prioritaires sont compensées par des diminutions ailleurs. Les dépenses de l'État stricto sensu baissent. L'État prend donc toute sa part de l'effort collectif, et le choix de répartir cet effort en fonction du poids de chaque catégorie d'autorités publiques dans la dépense totale est équitable.
La baisse de 3,2 milliards de l'impôt sur le revenu concernera 6,1 millions de foyers fiscaux ; un million d'entre eux ne seront plus imposables. J'entends dire qu'il ne serait pas possible de réformer en période de consolidation budgétaire ; ce projet de loi de finances prouve le contraire. Outre le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, des mesures sont prises pour mieux attirer les investisseurs internationaux, y compris, bientôt, une charte de non-rétroactivité fiscale.
Évoquons aussi le vaste chantier de la simplification et de la dématérialisation des actes administratifs : mesures parfois techniques, qui dissimulent une profonde transformation de notre paysage administratif.
Le logement est une priorité absolue. Le Gouvernement en tire les conséquences avec un plan de réforme de la construction.
M. Philippe Dallier. - Nous en reparlerons
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - De nombreux articles de ce texte y sont construits avec des crédits supplémentaires pour la rénovation et l'accession sociale à la propriété. Quant aux transports, le maintien du budget de l'Afitf permettra de financer la troisième génération de contrat de plan État-région. La réforme ferroviaire aidera au retour à l'équilibre financier ce qui diminue le risque d'un appel à la garantie de l'État.
Toujours pour préparer l'avenir, ce projet de loi de finances dégage des moyens en faveur de la jeunesse, de l'enseignement, de la recherche. L'école est le premier budget, qui augmente de 2 %. Les postes annoncés seront créés, dont la moitié dans le premier degré. Mille postes sont créés dans l'Université. L'accompagnement des élèves handicapés se professionnalise et voit ses effectifs renforcés. La réforme des bourses dans l'enseignement supérieur permettra à 77 500 étudiants de recevoir une aide de 1 000 euros en plus de l'exonération des frais de scolarité.
Le Gouvernement fait des choix, avance concrètement pour mettre en oeuvre ses priorités. Malgré le bon climat qui règne à la commission des finances, je m'opposerai aux amendements de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et quelques bancs au centre)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Pas tous !
M. le président. - La présidence veillera tout particulièrement, au cours de ce débat, au respect des temps de parole.
M. Vincent Delahaye . - J'ai comme une impression de déjà-vu. Arrêt sur image : notre déficit en 2015 s'élèvera au même montant qu'en 2014, presque au même qu'en 2013.
Notre croissance stagne. La prudence voudrait que l'on retranche 0,5 point à la croissance prévisible. Les recettes, une nouvelle fois, sont surévaluées. Comment la TVA progresserait-elle de 5 milliards d'euros ? Vos efforts pour enrayer le déficit déçoivent. Où sont les réformes structurelles ? Sauf à dire que le choc de simplification a déjà produit 2,1 milliards d'euros, chiffre invérifiable.
Vous cherchez à épater la galerie, parlant d'1,8 milliard d'économies sur les ministères quand une bonne part ne sont des économies que par rapport à la hausse tendancielle. Vous annoncez 1,4 milliard d'économies sur des dépenses de personnel qui augmentent, en réalité, de 100 millions d'euros. Comment les Français peuvent-ils comprendre ce tour de passe-passe ?
Affichage encore, quand vous vous gargarisez de la baisse du déficit structurel, oubliant le déficit effectif... La théorie de la correction par les effets du cycle économique est inadaptée. Vous continuez de vendre du virtuel !
Affichage, quand vous accusez de mauvaise gestion les collectivités territoriales pour les ponctionner de 3,7 milliards. De vrais euros, ceux-là. L'État reporte sur les collectivités territoriales le sale boulot des hausses d'impôts.
Les Français ne sont plus dupes. En 2012, le Premier ministre Ayrault jurait que seuls les riches paieraient. Puis on parle de « remise à plat fiscale ». Puis ce fut la prétendue « pause » et le « grand soir fiscal ». On ne vit rien venir. Cette année encore, la redevance audiovisuelle, la taxe sur le gazole, les cotisations retraite augmenteront. Soit vos chiffres sur les recettes de l'impôt sur le revenu sont faux - 600 millions de plus pour 2015 - soit le président de la République ment. C'est un peu des deux. Il faut entendre « plus » au sens de « davantage » dans la phrase « plus d'impôts pour tout le monde en 2015 » !
M. Éric Doligé. - Bravo !
M. Vincent Delahaye. - Vous trompez les Français lorsque vous faites semblant de trouver 3,6 milliards sous le tapis. Vous trompez les entreprises lorsque vous leur annoncez 20 milliards de crédits d'impôt après avoir augmenté leurs prélèvements de 30 à 40 milliards d'euros. Vous trompez les Français lorsque vous faites passer trois quarts de l'effort de réduction des effectifs dans la fonction publique sur l'armée, sous prétexte qu'elle est la grande muette.
Mme Nathalie Goulet. - Pas pour longtemps !
M. Vincent Delahaye. - La prochaine génération héritera d'une France abaissée, surendettée, où l'investissement aura été sacrifié. Nous courons vers une dette de 100 % du PIB, qui nous mettra en danger à la première remontée des taux. S'il vous plaît, engagez de vraies réformes structurelles ! Arrêtez les usines à gaz comme le CICE. Augmentez la TVA pour peser sur les importations ! Faites enfin preuve de sincérité budgétaire !
M. le président. - Concluez !
M. Vincent Delahaye. - Raymond Aron, dont j'ai toujours admiré la sincérité, disait : « Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux ! ». Reprenons en mains notre destin ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. André Gattolin . - Ce projet de loi ne comporte pas de mesure phare. La suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu n'est qu'une nouvelle mouture d'une disposition censurée. Il faut reconnaître au Gouvernement le mérite d'une ligne politique claire et cohérente : augmenter les marges des entreprises et tenter de réduire le déficit pour réduire les dépenses publiques. Celle-ci a des conséquences inquiétantes pour les prestations sociales et l'indemnisation des chômeurs, et aussi pour l'économie elle-même puisque la croissance est principalement tirée par l'investissement public. Malgré le CICE, l'investissement privé est en recul et vous imposez une cure d'austérité aux collectivités territoriales, le premier investisseur de France. Les effets récessifs de cette politique nous éloignent de nos objectifs d'équilibre budgétaire. Pour donner des gages à Bruxelles, le Gouvernement promet de libéraliser le marché du travail, fragilisant encore plus les salariés, alors que l'endémisme du chômage les met déjà dans un rapport de force extrêmement défavorable avec les employeurs.
Tous ces sacrifices servent à financer le pacte dit de responsabilité et de solidarité. En effet, si l'on additionne les 41 milliards attribués aux entreprises et les 5 milliards consentis aux ménages en compensation, on n'est plus très loin des fameux 50 milliards d'économies que le Gouvernement impose à nos finances publiques.
Le CICE, la baisse des charges devaient créer des millions d'emplois. Aujourd'hui, on nous explique que la relation de cause à effet n'est pas si simple. Et pour cause, une entreprise n'embauche que si elle a un carnet de commandes rempli. Belle découverte que M. Gattaz reconnaît enfin. Des secteurs non délocalisables comme la grande distribution bénéficient d'un effet d'aubaine. J'attends encore une ventilation de ces mesures par secteur.
L'Allemagne elle-même voit sa situation se dégrader. La stratégie suivie fait l'impasse sur la compétitivité hors coût.
Prenons enfin conscience de notre solidarité, avec les peuples européens et avec l'ensemble des peuples : Lampedusa, Calais, l'épidémie d'Ébola nous rappellent que nous ne saurions avoir une prospérité isolée de la misère du monde. Nous ne sortirons pas de la crise avec une compétition sociale avec l'Allemagne ou une compétition fiscale avec le Luxembourg. Les propos du Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, expliquant, en plein scandale LuxLeaks, qu'il s'opposera à toute harmonisation fiscale au sein de l'Europe et demandant aux services fiscaux des pays voisins d'arrêter la « chasse aux sorcières » à propos des travailleurs frontaliers, sont scandaleux.
L'économie politique doit être respectueuse de l'environnement. Certes, le processus est amorcé, avec la contribution climat-énergie et le projet de loi de transition énergétique. Mais notre retard reste considérable... Le budget de l'écologie recule une nouvelle fois. La taxe poids lourds est enterrée, le dédit coûtera des milliards.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Non financés !
M. André Gattolin. - Les activités écologistes sont partout plus intensives en emploi et dégageraient des économies considérables. L'importation de sources d'énergie fossiles représente 70 milliards d'euros par an, pour un coût sanitaire évalué à 20-30 milliards.
M. le président. - Concluez !
M. André Gattolin. - À court terme, on pourrait réaliser des milliards d'économies en supprimant la composante aérienne de la dimension nucléaire et la déductibilité bancaire au fonds de régulation européen. Le groupe écologiste ne pourra pas voter ce budget.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Même amendé ?
M. Thierry Foucaud . - Le projet de loi est au milieu du gué. Réformes de la fiscalité et des politiques publiques sont remises à plus tard. Bruxelles demande encore à la France de faire plus d'économies. À force de vouloir complaire à Mme Merkel et à ses électeurs démocrates-chrétiens, les pays européens se sont enfoncés dans des politiques d'austérité contre-productives.
Près de 34 milliards d'euros d'exonérations sociales ; 10 milliards de CICE ; près de 18 milliards de baisses d'impôt sur les sociétés ; près d'un milliard de niches sur l'impôt sur la fortune... D'autres pertes de recettes considérables résultent de « modalités de calcul de l'impôt », comme on dit en langue technocratique. Abattement sur les dividendes : 1,8 milliard de perdu pour l'État et les collectivités territoriales. La taxation à taux zéro des plus-values de cession de participation : 4,3 milliards d'euros en moins. Le régime des sociétés mères et filiales : 24 milliards évaporés. Le régime d'intégration des groupes : 16,4 milliards. Le remboursement de la TVA : 48,5 milliards. Les exemples pourraient être multipliés... Qu'on se le dise : la France est un paradis fiscal pour les entreprises !
En même temps, les retraités modestes paieront plus de CSG... Décidément, le Gouvernement Valls « aime les entreprises » ! Cette passion existe bien.
M. Jean Germain. - La passion est l'ennemi de l'amour !
M. Thierry Foucaud. - L'objectif principal est de réduire le déficit et la dette. Depuis 2002, notre dette a doublé. Dans la comédie de Christian-Jaque, François 1er, on voyait comment le personnage joué par Fernandel inventait la dette perpétuelle !
Parler de la dette comme on le fait aujourd'hui, c'est de l'enfumage idéologique. On oublie de rappeler que face à ce passif, il y a un actif. À la grande époque gaullo-pompidoulienne, de plein-emploi et d'ordre moral, la France émettait des bons du Trésor pour s'équiper.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Thierry Foucaud. - Les équipements sont bien là. Tant que la croissance stagnera, nous n'aurons aucune chance de rembourser cette dette. L'endettement, ce sont les multiples cadeaux fiscaux consentis aux entreprises. Avec une population prolétarisée, il n'y a pas de « concurrence libre et non faussée » qui vaille.
Monsieur le ministre, de l'audace, enfin ! Tournez le dos aux augures de l'austérité et de la rigueur ! Il y va de la France et de l'Europe que d'abandonner enfin ces visions budgétaires et économiques étriquées. Sinon, outre le fait que l'idée même de l'Europe deviendra insupportable à beaucoup de gens, c'est la France elle-même qui se mettra en danger. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yvon Collin . - Je me réjouis que nous puissions examiner cette année le budget jusqu'à son terme.
La croissance est très faible. Vous retenez le chiffre, optimiste, de 1 %, monsieur le ministre. La déflation qui guette mène tout droit à la récession. Je veux cependant rester optimiste : la BCE a pris des mesures positives, et je veux croire aux effets de la politique menée depuis deux ans par le Gouvernement. Les résultats se font attendre, mais le CICE, malgré quelques imperfections, a été bien accueilli par les entreprises.
Chacun reconnaît que la dette freine le retour à une croissance durable. En 2015, 21 milliards d'euros d'économies seront réalisés, le solde étant ainsi ramené à 4,3 %. Nous avons fait le deuil des 3 %... Vous avez cependant donné les gages nécessaires à la Commission européenne, monsieur le ministre.
Le déficit a été réduit de moitié depuis 2010. La commission des finances veut aller encore plus loin, au risque d'handicaper la reprise. Rendons hommage au doigté de M. le ministre.
Les mesures prévues en faveur du logement sont bienvenues : la construction est essentielle à la croissance. Nous proposerons des amendements pour aller encore plus loin. Attention cependant aux efforts demandés aux collectivités territoriales, qui jouent un rôle majeur dans la construction. Avec d'autres, nous demanderons à desserrer l'étau des 3,7 milliards qui leur sont demandés. Les chambres de commerce et d'industrie et les chambres d'agriculture sont durement ponctionnées, ce qui met en péril le maintien des emplois et le soutien aux entreprises.
Le RDSE, comme toujours, prendra ses responsabilités au cours de ce débat.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - La commission des finances se réunira à 14 h 45 pour étudier la motion tendant à opposer la question préalable.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Financement des transports collectifs (Questions cribles)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le thème « Quel financement pour les transports collectifs en France ? » à la demande du groupe écologiste.
M. Philippe Dallier . - Pour financer le Grand Paris Express, l'État s'était initialement engagé à apporter un milliard à la société du Grand Paris (SGP). De nouvelles taxes sur les entreprises et les particuliers ont été votées en 2011 et une partie des Ifer de la RATP a été affectée à la SGP. Au total, 500 millions par an, ce qui devait être largement suffisant. Le Gouvernement a estimé pouvoir ponctionner cette cagnotte de 2 milliards d'euros pour moderniser le réseau existant. Et voici que le Gouvernement a décidé d'affecter 140 millions de nouvelles recettes à la région Ile-de-France - augmentation de la taxe sur les bureaux et de la taxe d'équipement. La région Ile-de-France pourra-t-elle financer la totalité des projets de modernisation et d'extension du réseau actuel ?
M. Roger Karoutchi. - Bien sûr que non !
M. Philippe Dallier. - On annonce beaucoup de projets en Seine-Saint-Denis, les études et les enquêtes publiques avancent - sans savoir s'ils seront financés. Quand aurons-nous un plan de financement précis, et pour le Grand Paris Express et pour la modernisation et l'extension du réseau existant ?
M. Charles Revet. - Très bonne question !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Projet majeur qui mobilisera au total 32 milliards d'euros, le Grand Paris doit rassembler les élus d'Ile-de-France et au-delà. Quelque 200 kilomètres de lignes de métro supplémentaires, 70 gares, c'est dire son ambition. Les objectifs font largement consensus. Le 13 octobre dernier, pour répondre aux interrogations, le Premier ministre a confirmé l'octroi de 2 milliards d'euros à la SGP ; les premières conventions seront signées avant la fin de l'année, notamment pour l'extension d'Éole à l'ouest, et de la ligne 11 du métro à l'est. Dans le CPER pour 2015-2020, l'État apportera 1,4 milliard d'euros ; 140 millions d'euros de recettes supplémentaires ont été versées pour la région Ile-de-France. Il n'y a plus d'ambiguïté.
M. Philippe Dallier. - Les chiffres cités sont exacts. Mais je ne suis pas convaincu que les crédits seront suffisants pour financer la modernisation du réseau et la ligne Grand Paris Express. Je regrette que ne soit pas organisé un grand rendez-vous entre l'État, la SGP et la région pour s'assurer que les crédits seront bien là, et pas seulement jusqu'en 2020. La solution ne peut venir d'augmentations successives des taxes pesant sur les entreprises et les particuliers.
M. Yvon Collin . - La fin de l'écotaxe avant même le lancement de l'expérimentation est un très mauvais signal. Certes, le manque à gagner en 2015 pour l'Afitf est compensé par l'aggravation de la fiscalité sur le gazole ; mais les 1,9 milliard d'euros prévus ne suffiront pas à financer les infrastructures identifiées dans le rapport Duron.
Après la suppression par l'Assemblée nationale du versement transport interstitiel et alors que les dotations des collectivités territoriales diminuent, comment le Gouvernement va-t-il financer la compensation due à Ecomouv' et assurer le financement de l'Afitf ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Je vous invite à réfléchir collectivement aux raisons qui ont conduit à suspendre le contrat avec Ecomouv'. L'Afitf devait bénéficier en 2015 de 1,9 milliard d'euros ; ce sera le cas l'an prochain, mais aussi en 2016 et 2017.
Les recettes sont sécurisées : redevance domaniale augmentée de 50 %, d'amendes provenant des radars, augmentation de la taxe sur le gazole de deux centimes pour les particuliers et de quatre centimes pour les poids lourds.
M. Yvon Collin. - Je ne suis pas complètement rassuré. (On renchérit à droite) J'aurais aimé avoir des assurances sur la ligne TGV Toulouse-Bordeaux, retardée sinon menacée.
M. Ronan Dantec . - Le financement des transports collectifs est crucial. Or les signaux négatifs s'accumulent, dans un contexte de baisse des dotations : abandon de la taxe poids lourds, hausse de la TVA sur les transports collectifs, difficultés de bouclage des contrats de plan. Renforcer la capacité financière autonome des régions est une nécessité.
C'est donc avec surprise que nous avons appris la suppression du versement transport interstitiel dans le projet de loi de finances pour 2015, que le Sénat avait voté dans la loi ferroviaire. Le Gouvernement dit ne pas vouloir taxer davantage les entreprises ; c'est oublier que la qualité des infrastructures et la qualité des services servent leur compétitivité. Quand les régions seront demain chargées de coordonner les politiques de mobilité, de quels outils financiers les doter ? Versement transport interstitiel, hausse de la part régionale de la contribution transport, péage poids lourds régionalisé ? Les propositions ne manquent pas.
M. Roger Karoutchi. - C'est sûr !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Monsieur Collin, difficile de répondre à une question que vous n'aviez pas posée sur la LGV Toulouse-Bordeaux.
Concernant le versement transport interstitiel, il manquait sa cible : il ne visait que les villes de plus de 10 000 habitants hors du périmètre des transports urbains. Il a été supprimé mais le débat n'est pas clos, il est lié à la question des compétences des régions. Il se poursuivra lors de l'examen de la loi NOTRe.
M. Ronan Dantec. - J'entends que vous n'êtes pas opposé par principe au versement transport interstitiel ; j'espère que le dispositif pourra être amélioré. Quelle sera, demain, l'autonomie fiscale des régions ? Toute la question est là. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Évelyne Didier . - Depuis 2004, les régions sont devenues autorités organisatrices de transport. Ce mouvement sera renforcé par le projet de loi NOTRe, sans moyens supplémentaires identifiables pour le moment.
Parallèlement, le Gouvernement s'oriente davantage vers le transport routier et veut favoriser le bus sur le fondement d'un raisonnement tronqué, pour l'environnement comme pour la sécurité, et à courte vue - il faudra bien rénover le réseau.
Les infrastructures sont un atout compétitif pour notre pays - pour reprendre votre vocabulaire. Le groupe CRC a proposé des pistes : livret d'épargne pour financer les transports, généralisation de la taxe poids lourd, augmentation du versement transport, nationalisation des autoroutes. Le Gouvernement a fait d'autres choix mais vous venez d'affirmer que la porte n'était pas fermée. Nous verrons... Quels moyens pour les transports collectifs ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Vous contestez le développement du transport par autocar. Soyons clairs : il ne s'agit pas de concurrencer les TER. Nous constatons qu'en France, et en Europe surtout, se développe un modèle de transport par autocar sur longue distance. Il correspond à un besoin des gens qui doivent eux aussi avoir la possibilité de voyager. On a entendu les mêmes critiques sur les compagnies aériennes low cost. Ce n'est pas réactionnaire, c'est même progressiste... Nous devons regarder le développement de ce mode de transport, gisement d'emplois par ailleurs, avec lucidité et en prenant toutes les précautions nécessaires.
Mme Évelyne Didier. - Pour le rail, les transporteurs paient la location des sillons à RFF. Il y a distorsion de concurrence avec la route - qui est entretenue par les collectivités locales. Un rééquilibrage s'impose.
M. Jean-Jacques Filleul . - Les transports collectifs sont financés davantage par les impôts que par la contribution des usagers. Un rééquilibrage me paraît nécessaire. Les collectivités territoriales font face à des dépenses croissantes en ce domaine - sans accroissement des recettes. Les usagers ne financent qu'un cinquième du coût d'exploitation des réseaux de transport en commun.
Le versement transport interstitiel, voté ici puis à l'Assemblée nationale, a été rejeté, hélas, dans le projet de loi de finances pour 2015. Nous comptions sur ces 400 à 450 millions d'euros. Je ne suis pas conseiller régional, mais je m'interroge : comment le Gouvernement compte-t-il aider les régions à financer les TER ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - J'ai déjà répondu sur le versement transport interstitiel.
Globalement, le transport collectif est financé à 70 % par les contribuables et à 30 % par les voyageurs. Cela n'a pas toujours été le cas. Nos prix sont très bas. Si quelqu'un en doute, qu'il compare le prix du ticket de métro à Paris et à Londres, on passe du simple au double... C'est encore plus vrai pour les trains. C'est une question de choix de société, les gens ont besoin de se déplacer, ne serait-ce que pour se rendre à leur travail ; la mobilité ne peut être punitive.
Un réajustement doit intervenir, même si ce n'est pas la seule réponse politique à apporter. Une trop forte augmentation des prix pour les usagers ne serait pas socialement acceptable. Mais il y a des marges de manoeuvre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Filleul. - Monsieur le ministre, je ne doutais pas de votre lucidité. Il faudra travailler sur le financement des transports. Nous pensions avoir trouvé une solution avec le versement transport interstitiel ; le débat est lancé.
M. Jean-François Longeot . - Le financement des transports collectifs intéresse directement les élus des territoires que nous sommes. Nous en parlions encore mardi dans le cadre du débat sur l'hyper-ruralité, l'État se désengage dans les territoires les plus éloignés des centres urbains et des métropoles.
Investir dans les infrastructures ou le numérique, c'est investir dans l'avenir, c'est améliorer le quotidien des Français, c'est remettre un peu d'égalité entre les territoires. En octobre, l'écotaxe a été purement et simplement supprimée ; la semaine dernière, c'était au tour du versement transport interstitiel. Un coup d'arrêt est donné à l'investissement. En renonçant à ces sources de financement, comment le Gouvernement entend-il lutter contre l'enclavement ? (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Les crédits de l'Afitf sont garantis pour 2015, 2016 et 2017 à leur niveau prévu, 1,9 milliard d'euros. Un groupe de travail a été mis en place avec les transporteurs pour réfléchir à de nouvelles voies de financement. Ils ne contestent pas le principe. Certains pensent à une vignette qui, à l'inverse de la taxe sur le gazole, permettrait de faire payer les poids lourds étrangers. En tout cas, à partir du 1er janvier 2016, nous aurons probablement un système alternatif.
L'Afitf sera abondée comme prévu. Il ne faut pas oublier qu'elle finance le report modal ; elle tire principalement ses ressources de la sorte, mais s'attache à développer le rail et le fluvial.
M. Jean-François Longeot. - Une vignette, pourquoi pas, mais l'écotaxe, elle aussi, permettrait de faire contribuer les poids lourds étrangers.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Eh oui !
M. Jean-François Longeot. - L'écotaxe est simplement suspendue, quel sera son sort ?
M. Louis Nègre . - Je sonne le tocsin de notre politique des transports en espérant ne pas devoir bientôt en sonner le glas...
Le déficit annuel de financement du ferroviaire est de 2,5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard de déficit structurel ; la dette cumulée de la nouvelle SNCF dépasse les 40 milliards d'euros et ne cesse de croître. Les infrastructures ferroviaires vieillissent et le fret s'effondre.
M. Charles Revet. - Il y a beaucoup à faire !
M. Louis Nègre. - L'industrie ferroviaire française, la troisième au monde, annonce des fermetures de sites alors que l'emploi doit être notre priorité à tous. Le réseau routier non concédé se dégrade, les transports collectifs sont les seuls services publics dont le prix en euros constants baisse année après année. La suppression de l'écotaxe est une mauvaise nouvelle. Comment sera financée l'indemnité de résiliation du contrat ?
Ainsi, monsieur le ministre, je vous propose un Grenelle III. Des pistes existent : l'ouverture à la concurrence, la lutte contre la fraude et la hausse de la productivité. Quelles sont les vôtres ? (Applaudissements à droite)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Ne vous en déplaise, monsieur le président du Gart, la libéralisation, l'ouverture à la concurrence ne sont pas des solutions miracle. Il y a d'autres pistes. La répartition entre le contribuable et l'usager ne doit pas être taboue. Il faut remettre bon ordre dans notre système : des TET qui ressemblent à des TER ou à des TGV ratés... Autre question, celle du fret capillaire.
Il faut préciser les compétences, maîtriser les coûts, revoir les ressources. Autant de chantiers que le Gouvernement a ouverts.
M. Louis Nègre. - Vous m'avez presque répondu - quid de l'indemnité de résiliation du contrat Ecomouv' ?
L'ouverture à la concurrence ? Qu'importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape la souris ! Passant le Rhin, je constate que l'ouverture à la concurrence a entraîné une baisse de 20 % du coût pour le contribuable et la collectivité. Merci de considérer la lutte contre la fraude et la hausse de la productivité.
M. François Aubey . - Je parlerai d'une ligne que je connais bien : Paris-Caen-Cherbourg. Trains bondés, conditions de voyage déplorables, retards, annulations... Elle est classée parmi les douze lignes malades.
M. Charles Revet. - Toute la Normandie est comme ça !
M. François Aubey. - Malgré le lancement d'un plan d'urgence, il y a quatre ans, la vie des usagers n'a pas beaucoup changé. Les abonnés ont entamé une grève symbolique de présentation du titre de transport. Personne ne comprend pourquoi les perspectives de développement de la Normandie sont ainsi entravées. Dans les années 1970, le turbo-train reliait Paris à Lisieux en 1 heure 20, il faut 1 h 40 aujourd'hui. Où en est le projet de ligne nouvelle qui doit relier le Grand Paris à sa façade maritime ? Que fait le Gouvernement pour la Normandie ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Le travail sur les TET, mené par la mission conduite par Philippe Duron, répondra à cette question, de même que le plan de modernisation lancé par RFF. Concernant la ligne nouvelle Grand-Paris-Normandie, M. Huchon, assuré de recevoir les 140 millions d'euros prévus, soumettra la nouvelle convention en janvier 2015. Nous serons donc opérationnels.
M. François Aubey. - Merci. Nous aimerions que nos trains démarrent... Il faut travailler sur le matériel et la ponctualité.
Mme Odette Herviaux . - En France, nous savons défendre les spécificités de la montagne, mais pas celles de la façade maritime et de la France insulaire, comme si ces îles représentaient uniquement un espace naturel protégé pour touristes privilégiés. Les insulaires n'ont pas le choix de leur mode de transport. Gouvernement et Parlement doivent assumer leurs responsabilités, et se donner les moyens de faire vivre les principes républicains de continuité territoriale et d'égal accès aux services publics à un tarif raisonnable. La desserte des îles métropolitaines doit bénéficier de mesures de soutien rapides et fortes dans le cadre de la loi NOTRe. Il y a urgence. Nos îliens le méritent bien.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Le conseil général du Morbihan a décidé de modifier les conditions de desserte des îles de Groix, Belle-Île et autres de son ressort. Il est souverain, je vous renvoie à l'article L.5431-1 du code général des collectivités territoriales. Saisi par les élus et les usagers, l'État jouera son rôle de médiation. Au-delà se pose la question de la mobilité des insulaires ; la réponse passe aussi par l'Europe.
Mme Odette Herviaux. - Merci mais je continue de penser que l'avenir de nos îles sera assuré par une contractualisation entre l'Europe, l'État et la région. Le droit à l'expérimentation, à la différenciation doit s'appliquer. Aux Pays-Bas, une île a imaginé un système d'écopartage de véhicules électriques, pour faire baisser le coût de la mobilité sur son territoire comme avec le continent. Soyons créatifs, responsables, solidaires.
La séance est suspendue à 15 h 45.
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
La séance reprend à 16 heures.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Vincent Capo-Canellas. - Sur le scrutin n°30 sur la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus des émissions de particules fines, M. Pozzo di Borgo souhaitait voter pour.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné.
CMP (Candidatures)
Mme la présidente. - La commission des finances a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ; et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Ces listes ont été publiées et les nominations des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale (Suite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Ce projet de loi de finances peut être résumé par les petites phrases prononcées par quelques personnalités. Pour Didier Migaud, la prévision de croissance est « optimiste », l'effort de réduction de dépenses « relativement modéré ». Pour Pierre Moscovici, les circonstances économiques exceptionnelles n'ont pas été prises en compte. Pour Jean-Marc Ayrault, la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu n'est pas une erreur pour ceux qui en bénéficient, mais « par petits bouts on ne fait pas une politique globale, cohérente » et d'ajouter, « il faut faire attention, l'impôt sur le revenu est payé par de moins en moins de Français, 48 % des contribuables ». Pour François Rebsamen, nous sommes en échec sur le chômage. Pour le président de la République lui-même, la classe moyenne supérieure ne peut plus supporter de hausse d'impôt. Je ne saurais mieux dire, car ainsi tout est dit !
Nous battons des records d'endettement, de dépense publique, de faillite de PME et TPE, de chômage, d'expatriation - d'impopularité du chef de l'État aussi.
Les mesures proposées ne vont réduire le déficit que de 0,1 point. François Hollande avait pourtant promis un retour à l'équilibre en 2015. On en sera à un déficit de 4,15 % du PIB - grâce aux 3 milliards d'euros sortis du chapeau in extremis pour répondre aux objections de Bruxelles. Ces 3 milliards, ce ne sont que des effets d'aubaine, des hausses d'impôt sur les entreprises. En tout cas, aucune baisse des dépenses.
Pour Pierre Moscovici, les circonstances exceptionnelles doivent être appréciées pour l'ensemble de la zone euro : il réfute donc votre argument.
Le CICE ne compensera guère le matraquage fiscal des entreprises depuis 2012. Leurs marges n'ont jamais été aussi faibles, les recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés n'ont jamais été aussi mauvaises.
On voit bien que ça ne fait pas une politique globale, une politique cohérente, dit Jean-Marc Ayrault, quand l'impôt sur le revenu n'est payé que par 48 % de Français. 10 % des foyers fiscaux paient 70 % de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi de finances fait peser l'effort encore davantage sur les classes moyennes supérieures, les grandes sacrifiées de ce quinquennat, avec les familles. Notre rapporteur général propose de leur redonner du pouvoir d'achat à travers le relèvement du plafonnement du quotient familial. Si vous baissez les impôts pour quelques-uns en 2015, vous alourdissez dans le même temps la fiscalité pour de très nombreux Français : renchérissement du gazole, de l'électricité, taxe sur les résidences secondaires, sans parler de la fiscalité locale, la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales étant estimée à 5 milliards d'euros par le Gouvernement lui-même. Quant aux entreprises, parce qu'elles seront impactées en 2015 par nombre de mesures prises antérieurement, alors que le CICE ne sera pas entré pleinement en vigueur, il est faux de prétendre qu'elles ne subiront pas de hausse d'impôt en 2015. Là encore, le groupe UMP soutiendra la mesure proposée par le rapporteur général en faveur de l'investissement productif des entreprises ; nous proposerons de défalquer pour les collectivités territoriales le coût de la réforme des rythmes scolaires. Nous dénoncerons l'insincérité du budget de la défense ou des transports, nous voterons les propositions de la commission des finances sur les dépenses.
Bruxelles, les marchés financiers et surtout les Français attendent de vous des réformes structurelles ! (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)
M. Jean Germain . - Dans un contexte de sortie de crise difficile dans toute l'Union européenne, avec une croissance faible et un endettement élevé, notre pays, qui n'est pas en récession, doit à la fois soutenir l'activité, assurer un haut niveau de service public, limiter la dépense publique pour limiter l'endettement. Je salue, au nom du groupe socialiste, le travail du Gouvernement qui propose un rythme adapté de baisse de la dépense. C'est un juste milieu, certes peu spectaculaire. Sortir de l'euro, de l'Europe, de la mondialisation, prônent certains. Et pourquoi pas du système solaire ? (Sourires)
Le projet de loi de finances n'est guère sexy, c'est vrai. Il fait des propositions fiscales, sur l'impôt sur le revenu; il fait des propositions en matière de logement, de transition énergétique. Enfin, il tient bon sur le CICE, qui a besoin de durer pour atteindre ses résultats. Notre position est guidée par le souci d'une répartition équitable de l'effort, avec toutefois des priorités : éducation nationale, sécurité, justice, investissements, au plus près du terrain.
Les appels des élus locaux doivent être entendus. Il en va de la crédibilité du pacte républicain. Entre 2002 et 2012, la dette a doublé. Aujourd'hui, un effort historique est demandé à l'ensemble des administrations. Les collectivités locales ne souhaitent pas s'en exonérer. Mais leur rôle est important pour la reprise économique, encore trop modérée. Dans cette optique, le groupe socialiste espère vous convaincre d'atténuer la contribution demandée aux collectivités territoriales pour 2015, en lissant leur contribution de 11 milliards d'euros sur quatre ans, soit 2,75 milliards d'euros par an, de 2015 à 2018, et non sur trois ans, soit 3,64 milliards d'euros par an de 2015 à 2017, comme actuellement prévu. Cette souplesse sera gagée, bien sûr, et n'entraînera ni suppression de dépenses, ni hausse de la fiscalité. C'est un ballon d'oxygène : plus de péréquation, moins d'inégalités territoriales, pour plus d'investissements. Nous plaidons pour une juste répartition entre l'État et les collectivités locales, avec pour maître-mot la subsidiarité. Mais la spécificité des collectivités locales doit être prise en compte ; les rigidités qui les caractérisent imposent de laisser du temps au temps. Globalement bien gérées et peu endettées, elles méritent qu'on les aide. Certains réclament, dans leurs meetings, une réduction des dépenses non de 50 milliards mais de 100 milliards - voire plus. On imagine l'effet sur la croissance... Le Sénat d'opposition constructive avance masqué : la majorité sénatoriale fait si peu de propositions concrètes qu'on se demande si elle ne partage pas, au fond la position du Gouvernement.
M. Philippe Dallier. - Comme vous y allez !
M. Jean Germain. - Les mesures proposées par le rapporteur général dégageront au total 2 milliards à 3 milliards d'euros, maximum !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cela vous fait déjà hurler...
M. Jean Germain. - Nous ferons les comptes. En tout cas, nous sommes loin des 100 milliards annoncés... Le problème n'est pas qu'il y a trop d'Europe, mais pas assez d'Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations sur les bancs CRC) L'harmonisation fiscale doit être poursuivie. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. André Gattolin applaudit aussi)
M. Vincent Capo-Canellas . - M. le ministre nous a dit que le projet de loi de finances s'adaptait à la conjoncture - à l'inflation et à la croissance. Fixer le bon dosage entre réduction des déficits, soutien à l'activité et réformes structurelles n'est pas aisé. Votre gouvernement pêche par excès d'optimisme. Ce budget comporte trop de non-choix, de mauvais réglages, qui donneront demain de mauvais résultats. Les dépenses baissent, mais le déficit augmente. La dette poursuivra son inexorable progression : à 90 %, elle met en péril notre souveraineté. Plus de marge fiscale, comme le président de la République l'a reconnu lui-même, surveillance de Bruxelles, tutelle des marchés financiers, absence de croissance : un scénario de stagnation, celui d'une décennie perdue se dessine.
La France se distingue du reste de l'Europe, non par sa croissance mais par son déficit et sa dette. « En France, le rythme des réformes est insuffisant, pourtant il y a tant de choses à faire », dit, justement, le gouverneur de la Banque de France. On peut polémiquer sur le mot de « rabot » - bel hommage au travail du menuisier - mais vous ne faites pas assez. Avec 1 % de la population mondiale, nous concentrons 15 % des transferts sociaux. La vérité est simple : la France dépense trop. Le poids du secteur public est excessif. Il faut aller plus vite et plus loin, repenser le périmètre de l'État. Il ne suffit pas de supprimer 1 200 ETP pour réformer l'État ; il faut une politique plus offensive en matière de ressources humaines, savoir attirer les talents pour penser la réforme.
Notre groupe prône la TVA compétitivité sur les produits importés, vous le savez. Vous avez augmenté la TVA - après avoir juré le contraire ; le gouvernement précédent, il est vrai, avait escamoté la TVA sociale. Nos coûts salariaux augmentent plus que la productivité : nos produits deviennent plus chers, ce qui handicape nos entreprises. Plus largement, nous devons réformer le marché du travail, l'assurance chômage, la protection sociale. Nos voisins l'ont fait.
La majorité du Sénat n'a pas voulu réécrire entièrement votre budget ; nous avons préféré le dialogue avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale et proposerons donc des améliorations à ce projet de loi de finances. Le Sénat joue pleinement son rôle. La commission des finances a adopté une série d'amendements réalistes : l'amélioration du solde budgétaire ; l'effort de justice en matière de fiscalité avec le relèvement du plafond du quotient familial et la réforme de la décote du barème de l'impôt sur le revenu ; l'effort d'équité avec le rétablissement de la journée de carence ; l'effort de compétitivité en favorisant l'investissement dans les PME ; un effort plus réaliste demandé aux collectivités locales, avec une meilleure prise en compte des charges collectives. Sur le budget de la défense, manifestement insincère, nous disons : toute la loi de programmation militaire (LPM), rien que la LPM. Or il semble que la LPM ait vécu, ce qui ne laisse de nous préoccuper. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Dallier . - Le moins que nous pourrions attendre de ce budget, c'est qu'il soit sincère et que ses recettes ne soient pas surestimées. Il sera regardé à la loupe par les instances européennes.
Deux exemples : la défense, et les dépenses d'aide personnalisée au logement.
Alors que le Gouvernement et le Parlement s'étaient engagés à respecter la loi de programmation, vous inscrivez 2 milliards d'euros de recettes qui ne reposent sur rien de sérieux. Et on nous explique, sans rire, que ces crédits fantômes seront remplacés au cours de l'année par d'autres. Nous n'y croyons pas - c'est pourquoi nous avons décidé de repousser les crédits de la mission défense. Nous n'avions jamais voté contre, tout au plus nous étions nous abstenus, ce n'est pas possible cette fois car vous ne respectez pas les engagements pris. Les crédits de la défense ne peuvent servir de variable d'ajustement.
Notre sécurité collective a un coût, il faut l'assumer. Avec la crise, les dépenses liées à la politique du logement et de l'hébergement d'urgence ne diminueront pas en 2015, on le sait. Or votre budget anticipe une stagnation de ces dépenses de guichet. En 2014, il a fallu ouvrir des crédits ; en 2015, il manquera encore plusieurs dizaines de millions d'euros. Que dire des recettes de l'Anah ? Les crédits n'y sont pas. Au total, ce sont plusieurs milliards qui manqueront. (M. Christian Eckert, ministre, maugrée) On trouve certes des recettes - prélèvements sur les opérateurs de l'État, CCI, etc - mais à un coup seulement. Comment fera-t-on l'année prochaine ?
Le Sénat porte une attention particulière aux collectivités territoriales. Nous sommes d'accord ici pour demander aux collectivités territoriales un effort pour contribuer au redressement de nos comptes publics. La question est celle de l'ampleur de l'effort et du calendrier. Cet effort serait de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 comme annoncé par le Gouvernement - au lendemain des municipales, comme par hasard... Le Gouvernement estime qu'il suffirait que les collectivités limitent l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement à l'inflation pour faire face et continuer à investir, sans majorer leurs impôts.
Notre délégation aux collectivités territoriales...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - A fait du très bon travail !
M. Philippe Dallier. - ... a commandé une étude qui montre que la situation des collectivités territoriales se dégrade déjà depuis des années, à cause de l'effet ciseau - hausse des dépenses, notamment sociales, et baisse des recettes. Si l'on ajoute la baisse de 11 milliards d'euros, dans trois ans, les deux tiers des collectivités territoriales - communes et départements - seront dans le rouge, contre 10 à 15 % actuellement. Même en réduisant les investissements de 45 %, 30 % des communes de plus de 10 000 habitants et la majorité des départements seront encore dans le rouge : il faudra donc augmenter la fiscalité ou réduire encore les investissements, avec un effet récessif majeur. Voilà pourquoi il faut lisser l'effort demandé aux collectivités locales. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est le bon sens !
M. Jacques Chiron . - Même si l'éducation est redevenue le premier poste de dépenses devant la dette, nous devons poursuivre l'effort d'économies, car la croissance sera faible, comme l'inflation. Il n'est pas toujours possible de faire autant avec moins. Un coup de rabot généralisé risquerait de menacer la cohésion sociale. Il faut analyser tous nos dispositifs, avec pragmatisme, favoriser ceux qui ont un effet levier, avec comme mot d'ordre la solidarité et l'efficacité comme fins, le sérieux et la rigueur comme moyens.
La lutte contre la fraude est un impératif de justice sociale - et je salue votre engagement, monsieur le ministre, et celui de vos prédécesseurs. Les plus vulnérables ne devront pas payer le prix de la crise. L'an prochain 9 millions de ménages verront leurs impôts baisser - preuve qu'en prenant aux fraudeurs, on peut redistribuer aux plus pauvres.
Les situations grecque est espagnole nous invitent à investir dans la modernisation du pays et à refuser l'austérité. Le diagnostic de notre manque de compétitivité est implacable. Loin de la caricature d'une politique dogmatique de l'offre, opposée à une valorisation keynésienne de la demande, c'est une politique équilibrée qui est mise en oeuvre depuis deux ans par un État redevenu stratège.
L'équilibre des comptes publics est un objectif commun ; l'effort sera partagé ; les CCI voient leur plafond de ressources baisser, au profit des entreprises. Leur réseau doit être rationalisé.
Le CICE est une formidable opportunité pour nos entreprises. Allons plus loin, complétons-le par des mesures plus ciblées sur les PME et PMI. Leur appareil de production souffre d'un retard important : l'âge moyen des machines est de 19 ans. L'amortissement exceptionnel que nous proposons avec mon collègue Laland serait réservé aux seules entreprises qui n'ont pas reversé plus de 30 % de leurs résultats en dividendes.
L'investissement dans la fibre optique de 20 milliards pour le plan France très haut débit traduit un engagement fort et ciblé. Le rapport Lemoine nous permettra de ne pas prendre de retard sur nos voisins européens. Ces investissements ce sont nos atouts de demain, et pas uniquement dans les villes ! Il en va de l'accès aux services publics, à la santé, à la culture. Ce plan sera un frein au mouvement d'urbanisation et un moteur pour le développement durable de nos territoires. Nous soutiendrons ce texte qui prépare l'avenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-France Beaufils . - Cela fait un certain temps que l'État joue à cache-tampon avec les collectivités territoriales, opposant péréquation et individualisation des concours, rognant une recette fiscale par-ci, accordant une dotation par-là, supprimant un impôt sans compensation. Quand j'ai été élue maire pour la première fois, la DGF se composait de recettes de TVA et de taxe professionnelle ; le concept d'enveloppe normée n'existait pas. Au début de la décentralisation, personne n'imaginait l'ampleur du désengagement de l'État qui allait suivre. Les collectivités locales ont démontré leur efficacité pour répondre aux besoins. Aujourd'hui, la taxe professionnelle s'est dissoute dans la DGF et la contribution économique territoriale, libérant 8 milliards d'euros pour les entreprises - sans traduction notable pour l'économie. La DGF, qui avait presque doublé en 2004 en compensation, baisse aujourd'hui. Une réforme territoriale s'engage en revenant sur l'acquis de la décentralisation, tout en voulant mettre les collectivités à la diète financière.
On leur reproche des effectifs en trop grand nombre. De 1998 à 2012, le nombre de fonctionnaires territoriaux a augmenté de 529 200 postes - c'est autant de chômeurs en moins. Mais nombre de nouveaux agents régionaux sont d'anciens agents de l'État ; de même dans les départements. Près de 300 000 emplois ont été créés par les communes et intercommunalités depuis 1998. L'intercommunalité de projet a apporté une réelle valeur ajoutée pour la population.
Les administrations locales ont créé des emplois mais pour apporter une réponse aux populations. La réforme des rythmes scolaires les contraint à recruter encore. Notons que la fonction publique territoriale est largement féminisée, et composée majoritairement d'agents d'exécution - les catégories les plus touchées par le chômage.
Les collectivités territoriales ont permis aux familles modestes d'accéder à des services publics facteurs de cohésion sociale et de pouvoir d'achat. L'effet du cycle électoral pèse sur notre économie, reste que l'investissement des collectivités locales s'est fait au prix d'un endettement qui ne cesse de croître. Ne faudrait-il pas décider un moratoire sur les intérêts des dettes des collectivités plutôt que de réduire leurs moyens ? La faillite de Dexia les a laissées aux prises avec leurs créanciers, leurs avocats et leurs difficultés.
L'orientation du projet de loi de finances 2015 en matière de collectivités est malheureuse et contre-productive. Qui écouter ? Pierre Gattaz ou les patrons du BTP, qui soulignent le caractère vital pour l'économie des investissements des collectivités locales.
Selon le Gouvernement, la DGF était globale et libre d'emploi, les conséquences de sa réduction de 3,67 milliards en 2015 dépendent des choix individuels des collectivités territoriales. Aux élus, donc, de s'en accommoder comme ils le désirent ! Une réforme plus profonde de la DGF devait être engagée en 2015, qui d'après les échos, comprendrait une démarche qualité, sanctionnant les « mauvais élèves » trop dépensiers. En vérité, et le rapporteur spécial Jean Germain le dit, la diminution des concours de l'État aux collectivités territoriales a un effet potentiellement récessif d'autant qu'elle se poursuivra en 2016 et 2017.
Les choix du Gouvernement pour les collectivités ne sont pas plus pertinents que ses choix économiques et sociaux généraux.
Ou les collectivités territoriales constituent des interlocuteurs majeurs de l'État et l'on fait confiance aux élus locaux ou on les enrôle de force dans une recentralisation destinée à réduire une dette et des déficits dont ils sont bien peu responsables. N'est-ce pas le plus sûr moyen de dévitaliser l'attachement de nos concitoyens à la démocratie locale ? Ce terreau démocratique fait de l'engagement de chaque élu, il faut le nourrir et non le laisser mourir. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le ministre, nous connaissons la complexité de la tâche qui vous échoit, dans un contexte international bien incertain. On le voit d'abord avec les prévisions de croissance, ainsi qu'au regard du marasme de l'économie mondiale, qui n'épargne personne, pas même l'Allemagne. Cette atonie de la croissance mondiale était au coeur des travaux du G20 de Brisbane.
Vous citez Paul Krugmann, qui parle de « japonification » de l'Europe. Nous ne voulons pas traverser nous aussi une décennie perdue, comme le Japon.
La lutte contre le déficit est indispensable, pour tenir nos engagements européens et réduire nos déficits. Mais veillons à ce que le remède ne soit pire que le mal, en tout cas faisons en sorte qu'il ne tue pas le patient... (Sourires)
« Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il change, le réaliste ajuste ses voiles » disait le fameux poète américain William Arthur Ward.
Vous procédez monsieur le ministre, à des coups de rabot et prélèvements exceptionnels qui touchent les opérateurs d'État. Nous déposerons des amendements sur ce point. Vous gardez le cap du CICE. Sur la fiscalité, le RDSE aurait préféré plus d'ambition, un an après l'annonce, par le gouvernement de l'époque, d'une grande réforme. Depuis, ce serpent de mer a regagné les abysses.
Les parlementaires radicaux, héritiers de Joseph Caillaux, sont attachés à la progressivité de l'impôt et à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Notre groupe proposera donc un amendement, à contre-courant de la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu. C'est courageux.
MM. Michel Sapin, ministre des finances et Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est vrai !
M. Jean-Claude Requier. - Les finances locales sont un enjeu sensible. Le temps me manque pour évoquer les inquiétudes des élus des villes et des campagnes face aux baisses de dotations que vous proposez. Nous ne nions pas que les collectivités territoriales doivent participer à la maîtrise des dépenses publiques, mais l'atonie de l'investissement nous conduit à nous interroger sur l'ampleur des efforts qui leur sont proposés.
La quasi-totalité des membres du RDSE s'accordent sur l'économie générale de ce projet de loi, que nous proposons d'améliorer. Sur les modifications qui seront apportées par le Sénat, nous nous prononcerons en responsabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Michel Bouvard . - Ce budget s'inscrit dans un environnement économique difficile, qui doit conduire chacun à une attitude responsable et humble. J'espère, monsieur le ministre, que l'exercice 2014 confirmera la tendance à l'assainissement de nos finances publiques ; nous ne pouvons plus différer les réformes structurelles sans lesquelles la dette ne saurait stopper son essor inexorable. Malgré la réduction des déficits, l'État détient 79,1 % de la dette en comptabilité nationale. Depuis 1999, l'encours des emprunts de l'État a été multiplié par 2,5. Si la structure des taux n'avait pas évolué depuis quinze ans, le montant de la dette serait insupportable. La faiblesse des taux en 2013 a entraîné une économie de 2 milliards qui devrait se reproduire cette année mais n'a pas vocation à être définitive. La part de la dette détenue par les non-résidents est des deux tiers, ce qui rend encore plus sensible notre signature. Les années 2015 à 2017 risquent de constituer des années record en termes de besoins, malgré les anticipations de l'Agence France Trésor. La solidarité européenne nous conduit à soumettre notre budget au jugement des autres. Philippe Séguin avait averti justement en son temps que « la persistance des déficits n'est pas compatible avec la souveraineté nationale ».
Comme la CMP sur ce projet de loi n'aboutira probablement pas à un accord, notre responsabilité de parlementaires d'opposition est d'affirmer nos orientations budgétaires sur les recettes, la fiscalité et les dépenses. Je suis solidaire des amendements portés par notre rapporteur général.
Après les législatures passées à scruter les budgets de la Nation, j'appelle l'attention du Gouvernement sur les limites de la technique du rabot, voire de la varlope (sourires) et sur la nécessité de réformes structurelles que le Premier président de la Cour des comptes vous invite, monsieur le ministre, à mettre sur l'établi.
Il est urgent de remettre le Parlement au coeur des arbitrages, d'autant que le produit de la fiscalité s'est accru de près de 27 % entre 2007 et 2011. Ces recettes sont plus dynamiques que les autres. Aussi devons-nous tenir bon, faire preuve de discernement face aux sollicitations dont nous sommes l'objet.
M. Michel Sapin, ministre. - Tout à fait.
M. Michel Bouvard. - Revisitons, à l'occasion de la loi NOTRe, le périmètre de l'intervention de l'État.
M. Vincent Capo-Canellas. - Oui.
M. Michel Bouvard. - Doit-il conserver des kilomètres de routes dans les départements, des survivances de certaines administrations locales comme celles de la jeunesse et des sports, produire des normes qui sont coûteuses pour les collectivités territoriales et bloquent les projets des entreprises ? Oui, nous attendons le choc de simplification promis par le président de la République.
Des marges de progrès, en raison de l'évolution technologique, sont considérables. A-t-on pris le temps de nous interroger sur le rôle des trente chancelleries des universités quand ces dernières ont accédé à l'autonomie ? Nous sommes-nous interrogés sur le budget de l'enseignement scolaire, sur le niveau du Scérén, d'un budget de plus de 130 millions d'euros alors qu'il existe un CNDP dont les publications sont accessibles en ligne ? Aucun ministère ne peut ignorer le besoin de réformes structurelles. Quid du régime de retraites des marins, par exemple ?
En l'absence de mutualisation, de clarification des compétences, c'est l'investissement public qui sert de variable d'ajustement, alors qu'il est pourtant nécessaire à la croissance. C'est le capital durable de la collectivité. Nous ne pouvons pas ne pas investir, au moment où la dette laissée aux générations futures s'accroît. Qu'en adviendra-t-il, au moment de la loi de règlement, alors que 8 % des crédits sont mis en réserve ?
Et quid du contrat de plan État-région ? Accepterez-vous des expérimentations des collectivités territoriales, alors que le financement de certaines infrastructures n'est pas assuré à la suite de la disparition de l'écotaxe, énième avatar d'une longue suite de renoncements des gouvernements Jospin, Raffarin, Villepin et d'autres. Notre réseau autoroutier en a fait les frais depuis vingt ans. Il y aurait aussi beaucoup à dire des dépenses fiscales. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Claude Raynal . - Ce débat mérite, sur tous les bancs, une certaine modestie et une grande prudence. La loi de programmation des finances publiques de MM. Fillon et Woerth prévoyait un déficit de 0,5 % du PIB.
MM. Jacques Chiron et Richard Yung. - Eh oui !
M. Philippe Dallier. - Avant la crise !
M. Claude Raynal. - Oui, voyez les résultats obtenus, alors que vous réclamez des baisses de dépenses que vous n'avez jamais réalisées lorsque vous étiez aux responsabilités.
Nous soutenons la stratégie du Gouvernement de redressement des comptes publics. Nous adhérons à la répartition équitable des économies à réaliser entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales. Celles-ci doivent aussi continuer à jouer leur rôle central dans la cohésion territoriale et l'investissement public.
Le groupe socialiste a déposé un amendement, évoqué par Jean Germain, visant à lisser l'effet global de 11 milliards d'euros demandé par le Gouvernement aux collectivités locales sur quatre ans, afin non de le réduire mais de le rendre supportable. La rigidité des dépenses de gestion des collectivités locales, comme les réformes en cours, exigent de leur laisser du temps, afin que les élus locaux disposent d'une marge de manoeuvre pour adapter au mieux leur collectivité locale à cette période. (M. Philippe Dallier s'esclaffe)
Le redressement dans la justice, voulu par le président de la République, justifie que le système bancaire soit mis à contribution pour financer le fonds de résolution européen, lequel n'a pas vocation à être assumé par le contribuable. Or les contributions des banques françaises sont déductibles de l'impôt sur les sociétés, ce qui représente une perte de recettes de 5 milliards d'euros pour huit ans sur l'État, à l'heure où une banque soumise à 9 milliards d'amende indique que cela sera sans conséquence sur elle. Comment les grands groupes bancaires s'autoréguleront-ils si la puissance publique les finance en permanence ? Certes, le système bancaire a fait part de son mécontentement. Mais vous avez obtenu, monsieur le ministre, une participation équitable des banques allemandes au mécanisme européen de résolution et obtenu un rabais de 2 milliards d'euros pour les banques françaises. Évitons que nos concitoyens contribuent à une restructuration qui relève des seuls actionnaires des banques, qui en seront désormais les seuls bénéficiaires. Donnons de la consistance à cette idée de redressement dans la justice.
Le groupe socialiste est sensible à l'équilibre que vous avez su trouver, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Daniel Raoul. - Et vous, à droite, combien de milliards d'économies allez-vous proposer ?
M. Serge Dassault . - Ce projet de loi de finances pour 2015 est trop optimiste. Une croissance de seulement 0,4 % entraînerait une réduction des recettes de 4 milliards pour l'État. Adossé à des économies hypothétiques, le déficit pour 2015 sera certainement plus élevé que prévu. Il serait catastrophique qu'il franchisse le seuil de 5 % du PIB. Le déficit dépend de la croissance ; il serait plus judicieux de la prévoir faible quitte à avoir une bonne surprise. Pour la stimuler, il faut agir sur plusieurs leviers à la fois.
Vous avez imposé des dépenses importantes supplémentaires aux collectivités locales, avec la réforme des rythmes scolaires. La réduction espérée des dépenses des hôpitaux ou de médicaments est loin d'être solidement documentée. Il y a 41 ans que les gouvernements de gauche comme de droite n'ont pas présenté un budget en équilibre. La France vit donc au-dessus de ses moyens pour avoir considéré l'emprunt comme une ressource illimitée de financement. Vous n'êtes pas le premier, monsieur le ministre ! Avec 2 000 milliards en 2015, contre 110 milliards en 1980, nous entrons dans un cercle infernal de la dette, due à l'accumulation de ces déficits, ceux de vos prédécesseurs et les vôtres. Que ferons-nous si les taux d'intérêt remontent ?
Le Gouvernement fait croire que cela s'arrangera. Vous dites voir des frémissements avec le pacte de responsabilité et de solidarité, le CICE et les emplois d'avenir, qui coûtent très cher. Cessez de bercer l'opinion d'illusions, montrez-lui la réalité telle qu'elle est, comme l'ont fait les Canadiens qui étaient dans la même situation que nous il y a quinze ans.
Le chômage continuera d'augmenter tant que les carnets de commandes, surtout à l'étranger, resteront vides ou incertains. Il n'y a que les fonctionnaires qui jouissent d'emplois à vie. Il n'y aura bientôt plus en France que des fonctionnaires, des chômeurs et des retraités...
M. Richard Yung. - Et des sénateurs ! (Sourires)
M. Serge Dassault. - Une réforme fiscale s'impose pour transformer un impôt progressif en impôt égalitaire, cela devrait vous plaire, monsieur le ministre. C'est la flat tax, qui augmentera le pouvoir d'achat, stoppera l'hémorragie des entrepreneurs et fera repartir la croissance.
Pour les artisans, les commerçants à la retraite, j'ai déposé un amendement, afin de rétablir une indemnité que vous avez supprimée. Je voterai aussi les amendements supprimant les prélèvements irresponsables sur les CCI et sur les chambres d'agriculture. Le gain est minime pour les finances publiques.
Il vaudrait mieux supprimer l'AME ou le RSA accordés aux étrangers, ou au moins les conditionner au fait que ces étrangers travaillent en France.
Les Allemands ont voté cette année un budget en équilibre. Ils ont fait des réformes courageuses, inspirez-vous de celles de M. Schröder, social-démocrate.
M. Michel Sapin, ministre. - Ils ont mis dix ans. Donnez-nous du temps !
M. Serge Dassault. - Il faut réinvestir les dividendes dans l'entreprise, accorder aux salariés une participation comme je le fais depuis des dizaines d'années dans mon entreprise, cela arrêtera la lutte des classes dans l'entreprise. Arrêtez de croire au Père Noël ! Puissiez-vous suivre mes conseils ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Sapin, ministre. - En tout cas, je les ai écoutés.
M. Michel Berson . - Je ne crois pas utile de rappeler une fois encore la situation économique particulièrement difficile et les mesures budgétaires particulièrement contraignantes prises par le Gouvernement pour y faire face.
Ce budget n'appelle pas un seul examen comptable. La France doit surmonter dix ans de laxisme en matière d'endettement public et d'immobilisme en matière industrielle. Le projet de loi de finances pour 2015 est volontariste, rigoureux, courageux, propre à générer la croissance, tout en maintenant le cap de la réduction des déficits publics.
Le pacte de responsabilité aidera les entreprises à embaucher. Le budget donne le cap sur l'innovation et la recherche, clés des emplois de demain. Je salue la décision du Gouvernement de préserver le budget de la recherche, qui a augmenté de 5 % depuis 2012 pour se stabiliser à 10 milliards d'euros, même après le dernier coup de rabot donné par l'Assemblée nationale.
M. Michel Sapin, ministre. - C'est Christian Eckert ! (M. le secrétaire d'État au budget sourit)
M. Michel Berson. - Il a été sanctuarisé.
M. Michel Sapin, ministre. - Il y a beaucoup de sanctuaires.
M. Michel Berson. - Le CIR aussi, même s'il peut apparaître coûteux, plus de 5 milliards d'euros en 2015, même s'il est perfectible, constitue un levier puissant et collectif au service des PME et des ETI. Un euro de CIR génère 1,5 euro de dépenses de recherche et développement supplémentaires.
Malgré les critiques, ce dispositif bénéficie plus aux PME et ETI indépendantes qu'aux grands groupes, si bien que le taux de financement public de leurs dépenses de recherche est l'un des plus élevés des pays industrialisés : 46 %. L'augmentation des dépenses de recherche s'accompagne d'un accroissement de l'emploi des chercheurs dans les entreprises. En 2012, celles-ci ont salarié 155 000 chercheurs.
La pérennisation et l'amplification des investissements d'avenir méritent d'être saluées. À hauteur de 22 milliards d'euros, ils financent des politiques de développement et de transfert de technologies dans les secteurs prioritaires de la NTIC, de la santé, des biotechnologies, des centres de recherche comme ceux du plateau de Saclay.
Je salue la volonté du Gouvernement de renforcer la part de nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans les technologies de pointe, ainsi que son action en faveur de la transition énergétique. Les mesures en faveur de la croissance verte et de lutte contre le dérèglement climatique, contenus dans le récent projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, prolongent les efforts fournis depuis 2012 dans ces domaines. Je salue le nouveau crédit d'impôt pour la transition énergétique, à hauteur de 30 %, qui représente un effort important de 700 millions.
La France est l'un des État membres de l'Union européenne les plus engagés dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. L'enjeu est économique, bien sûr, mais aussi et surtout de société.
M. Michel Sapin, ministre. - Très bien !
M. Michel Berson. - Ce projet de loi de finances fait le choix de soutenir clairement les dépenses d'investissements qui préparent l'avenir. Je soutiens ce budget qui préserve nos comptes publics, les intérêts de notre pays et prépare la croissance de demain.
M. le président. - Nos collègues Georges Patient et François Marc ayant subi un retard d'avion, je vais donner tout de suite la parole au ministre.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Je vous prie d'excuser mon absence ce matin, le conseil des ministres ayant eu lieu exceptionnellement aujourd'hui jeudi, au retour du président de la République.
Ce débat est utile, aujourd'hui comme hier ; quelle que soit la majorité, le Sénat fait preuve d'un sens critique, comme il sied en démocratie, mais aussi d'un sens des propositions raisonnables, dans un contexte tout sauf simple. En effet, la question de la réduction des déficits, des prélèvements obligatoires, ne date pas de mai 2012, même si elle s'est posée avec une acuité particulière depuis la crise de 2008. M. Bouvard qui a suivi ces questions à l'Assemblée nationale, l'a évoqué.
Les emprunts contractés en 2008-2009 arrivent à échéance en 2015-2016, vous le savez. Nous devons éviter qu'ils ne pèsent trop sur la croissance.
Ce budget est d'abord un budget de vérité. Nous avons mené une opération vérité au coeur de l'été, en révisant dès le mois d'août la prévision de déficit plutôt que courir après, décimale après décimale. Le chiffre de 4,4 % est encore élevé mais il n'est pas contesté. Dans ce chiffre, il y a l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Oui, cette année, nous tiendrons notre déficit et la croissance, comme je l'ai dit en août, sera de 0,4 %. Nous faisons d'ailleurs plutôt mieux que l'Allemagne, cela fait plaisir : 0,3 %, contre 0,1 % au troisième trimestre. Un budget de vérité, donc.
Au-delà du financement de telle ou telle action, un budget est aussi une arme économique au service de l'économie, d'une meilleure croissance. En quoi, me direz-vous ? Pour parler de la France, il faut évoquer l'Europe. Notre pays se situe exactement dans la moyenne européenne : une trop faible croissance, une inflation très basse et un chômage trop fort. Après la crise financière et bancaire de 2008, qui a d'ailleurs davantage frappé l'Europe que les États-Unis, nous avons dû faire face à la crise de la dette publique dans certains États de la zone euro. Allions-nous accepter que celle-ci régresse ? En 2011, 2012 et 2013, la réaction a été de serrer partout les boulons pour éviter la catastrophe : le dévissage de l'Islande, de la Grèce et de l'Espagne auraient emporté la zone euro. Nous vivons aujourd'hui une situation qu'on qualifie, peut-être un peu vite, de japonaise : faible croissance, inflation basse et chômage fort qui s'installent dans la durée. Nous ne pouvons pas nous y enliser d'autant que le tissu économique et le tissu social sont déjà meurtris.
C'est à cela que nous devons nous attaquer. Comment le faisons-nous ? Les 41 milliards de diminution de cotisations des entreprises en l'espace de quatre ans n'ont pas été calculés au doigt mouillé, ce sont les marges qu'elles ont perdues entre 2007 et 2013. Cette politique, nous la menons dans la continuité : 12 milliards de baisse en 2015, nous continuerons. Ce n'est pas si simple que cela à financer... J'aimerais que cela soit plus souligné, plus commenté, plus remarqué, j'aimerais des contreparties plus visibles de la part des entreprises, qui ont désormais la visibilité, la sécurité politique nécessaires.
Autre continuité, le pacte de responsabilité et de solidarité, avec une baisse de l'impôt sur le revenu de plus de 3 milliards pour 9 millions de ménages modestes et moyens.
Après le principe de la continuité, autre principe conducteur, tout aussi essentiel : ne pas financer les priorités - la défense, par exemple, car la LPM est respectée - ni réduire les déficits en augmentant les prélèvements obligatoires. Vous allez me dire « Enfin ! »...
M. Philippe Dallier. - Plutôt « heureusement ! ».
M. Michel Sapin, ministre. - Les responsabilités sont partagées : 30 milliards pour les uns, 30 pour les autres... Il fallait s'arrêter là. Si la conjugaison de prélèvements obligatoires élevés et de dépenses publiques élevées produisait une croissance élevée, cela se saurait... Pour la première fois, des réductions de dépenses en vrais euros, ceux de ma grand-mère, ceux qui tintent dans la poche. Des économies sont possibles partout, y compris dans les collectivités territoriales - nous le savons, en tant qu'élus locaux - pourvu que le rythme soit adapté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Et que l'on n'en demande pas tous les jours !
M. Michel Sapin, ministre. - Donc 50 milliards d'euros d'économies en trois ans, dont 21 milliards d'euros dès l'année prochaine. La majorité sénatoriale propose moins de faire des économies que de dépenser autrement... (Exclamations sur les bancs UMP)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Rétablissement du jour de carence, GVT, AME...
M. Philippe Dallier. - Regardez le solde !
M. Michel Sapin, ministre. - J'attends toujours le détail des 100 à 120 milliards d'économies que vous proposez tout en épargnant les collectivités locales... Chacun doit prendre ses responsabilités : réaliser des économies adaptées pour ne pas casser la croissance mais aussi porter des réformes de structure.
Sur l'Europe aussi, nous devons prendre nos responsabilités. Face au risque de déflation, il faut une politique économique coordonnée. On ne peut faire sans quand notre monnaie est commune. Nous sommes la première zone économique au monde. Je reviens de Brisbane - c'est loin, ça fait chic... Tous les pays du G20 parlent de la croissance faible de la zone euro ; ils nous demandent d'agir.
Quel rythme de consolidation budgétaire adopter ? Toute la question est là. Le logiciel d'hier qui consistait à resserrer les budgets doit être adapté, il ne s'agit pas d'en changer. Il faut défendre l'investissement, public mais pas seulement. Nous le faisons avec le CICE - n'entrons pas dans une guerre entre investissement public et investissement privé. Aujourd'hui, tous les pays font un peu du premier pour provoquer beaucoup du second. La transition énergétique est un des domaines où l'investissement est le plus décisif. La transition énergétique, c'est favoriser le transport local, améliorer l'efficacité énergétique des logements - c'est une stimulation immédiate de l'activité. D'où le crédit d'impôt pour la transition énergétique. Bref, de l'investissement, encore et toujours.
On ne peut plus dire, comme en 2007 : « on ne savait pas ». Nous connaissons la situation, nous mesurons le risque - faible croissance, faible inflation et trop longtemps. Il n'y a plus qu'une chose à faire : passer à la décision avec ce budget et comme au niveau européen. À vous, à nous d'agir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Lors de l'examen au Sénat de la loi de programmation des finances publiques, le rapporteur général avait curieusement supprimé les tableaux de trajectoire en me donnant rendez-vous en loi de finances. Je dois dire que je reste sur ma faim... Je ne vois toujours ni trajectoire ni solde... peut-être les verrons-nous avant Noël... J'ai davantage lu dans la presse ou entendu ici un réquisitoire sur le passé qu'un projet pour l'avenir. La suspension de l'écotaxe est une catastrophe, dites-vous ? Proposez donc d'y revenir sous la forme qui vous conviendra ! Je n'ai pas vu beaucoup de sénateurs UMP se dresser devant les manifestants ; les députés UMP étaient plutôt en tête des cortèges...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous sommes au Sénat !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il faut être cohérent. Pourquoi ne pas inscrire dans la loi vos propositions ?
Les dotations des collectivités territoriales seront sans doute au coeur de nos échanges. J'ai déjà souligné les disparités de situation entre le Nord et les Alpes-Maritimes...
M. Michel Bouvard. - C'est indéniable...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il en existe également entre les strates de collectivités territoriales. Les régions, disposant de peu d'autonomie fiscale, sont plus dépendantes des dotations d'État. Ces dotations représentent 28 % des recettes des collectivités territoriales, la fiscalité en représente 60 %. À taux constant, elle progresse tous les ans. L'assiette des impôts locaux s'élargit, et les bases sont réévaluées...
M. Philippe Dallier. - Ce n'est pas ce que nous voulons !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce que nous voulons, c'est moins de contraintes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ces bases vont augmenter de 0,9 %.
M. Michel Bouvard. - Les charges aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Donc, la réduction de 3,67 milliards des concours - moindre puisque le FCTVA a été sorti de l'enveloppe par l'Assemblée nationale, 166 millions, ce n'est pas peu par les temps qui courent - se traduira par une relative stabilité des recettes des collectivités.
M. Philippe Dallier. - Mais non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Avec des disparités importantes, je vous le concède... Le Premier ministre s'est engagé dans le dialogue avec les régions pour trouver des recettes dynamiques, la loi NOTRe sera l'occasion d'en débattre. Pour les départements, nous pérennisons les transferts de recettes de l'an dernier : 1,5 milliard d'euros, tout de même...
M. Michel Bouvard. - Repris avec la péréquation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je retrouve vos interventions avec plaisir, monsieur Bouvard... Le Premier ministre s'est engagé devant l'ADF à Pau à créer un groupe de travail pour réfléchir à la recentralisation des allocations individuelles - le rêve sans doute des présidents de conseil généraux. Pour le bloc communal, des mesures ont été prises à l'Assemblée nationale.
Certains orateurs ont parlé de « rabot », voire de « varlope »... Bercy ne s'est pas contenté d'appliquer uniformément un coefficient inférieur à 1 à toutes les cellules d'un tableau Excel, loin de là. Nous avons regardé les crédits ministère par ministère, mission par mission, en examinant dépenses de personnel, prestations, dépenses d'intervention, effectifs, environnement économico-social... Croyez-moi, ce fut un travail de fond.
Ces économies seraient de fausses économies parce qu'elles seraient réalisées par rapport au tendanciel... C'est ainsi qu'elles sont évaluées dans le monde entier - le tout est de mesurer le tendanciel... Je donne souvent cet exemple : quand on est de plus en plus nombreux, qu'on vit plus longtemps, que les soins sont de plus en plus coûteux, n'est-il pas logique que les dépenses de santé augmentent naturellement de 3,9 % ? Nous avons fixé un Ondam de 2,2 %, ce sont des économies réelles - et tous les gouvernements avant nous ont adopté la même démarche.
Personne n'a souligné nos efforts pour le logement, la transition énergétique...
Des réformes structurelles ? Nous avons rétabli l'impôt sur la fortune, nous avons réformé la fiscalité du capital, celle des plus-values mobilières, qui n'a jamais été aussi favorable, créé une tranche de 45 % sur l'impôt sur le revenu, supprimé la tranche à 5 % pour les ménages modestes. On peut toujours dire que ce ne sont que des réformettes, mais peu ont fait autant en deux ans dans notre histoire fiscale.
Mme Des Esgaulx a déploré une trop forte concentration de l'impôt sur le revenu sur les hauts revenus. Excellent débat... La concentration de l'impôt sur le revenu en France est forte, certes, mais les inégalités de revenus sont aussi fortes. Cette concentration est à peine plus forte que celle des revenus.
Un mot sur les crédits de la défense. Tous les ans, toutes majorités confondues, nous devons régulariser les dépenses liées aux Opex.
M. Michel Bouvard. - Ce n'est pas glorieux, mais c'est un fait.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce n'est pas le sujet ; le sujet, c'est le compte d'affectation spéciale « Fréquences ».
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La LPM est respectée, les crédits s'élèveront bien à 31,4 milliards d'euros. Regardez la façon dont ont été respectées toutes les lois de programmation militaire depuis vingt ans... Nos statisticiens de Bercy parlent de courbes « en Iroquois », parce que l'exécution est toujours, à chaque LPM, très inférieure à la prévision...
On s'interroge sur les ressources exceptionnelles. Vos commissaires de défense sont venus à Bercy, la chose est normale. Je suis prêt à la coopération. Personne ne peut dire quand les fréquences seront vendues...
M. Philippe Dallier. - C'est bien le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - ... ni vous, ni nous. Mais vous ne pouvez pas affirmer qu'elles ne le seront pas en 2015. Nous avons réalisé des études fines, elles sont couvertes par le secret des affaires. Nous mettrons les fréquences en vente au moment que nous estimerons opportun. Si ces recettes n'étaient pas réalisées, nous recourrions au programme des investissements d'avenir.
Voilà les précisions que je voulais apporter avant le débat qui nous occupera pendant les jours et les nuits à venir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°I-414, présentée par M. Favier et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 107, 2014-2015).
M. Christian Favier . - Ce texte a été adopté par une majorité particulièrement étriquée à l'Assemblée nationale : 266 députés seulement sur 577. Tout laisse penser que les choix politiques du Gouvernement ne permettront pas de sortir le pays de la situation préoccupante qu'il connaît. Que la date où sera atteint l'équilibre budgétaire soit repoussée résulte du principe de réalité : la politique menée depuis 2012 ne fonctionne pas. Henri Guaino, qui n'est pas de mes amis, l'a bien dit : « la réduction des déficits ne se décrète pas ».
Cette loi de finances ressasse des recettes éculées, recycle de vieilles lunes libérales imposées par l'Europe. Elle n'est pas l'outil de transformation radicale que nous appelons de nos voeux. Pendant ce temps, les entreprises captent l'essentiel des 82 milliards de dépenses fiscales, des 100 milliards des remboursements et dégrèvements, des 62 milliards des dépenses fiscales, des 33 milliards d'allégements de cotisations, sans parler de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés. Avec le CICE, la France est devenue une sorte de paradis fiscal pour M. Gattaz et ses amis. Dans le Val-de-Marne, 65 millions d'euros ont été distribués à plus de 2 000 entreprises, le chômage a crû de 10 % : beau résultat de ces cadeaux sans contrepartie... Il est indispensable d'installer dans chaque département un observatoire chargé d'évaluer l'utilisation de ces sommes.
Pour remercier les collectivités territoriales d'avoir pris à leur charge le réseau routier et le transport des voyageurs, de rénover les établissements scolaires, d'assumer des missions sociales décisives pour lutter contre l'exclusion sociale, l'État réduit ses concours de 20 %. Il faut qu'elles participent à l'effort ? Cela fait des années qu'elles le font. Les départements financent les 48 milliards d'euros du RSA bien au-delà des maigres compensations de l'État. La norme zéro valeur s'impose aux collectivités territoriales depuis longtemps.
L'effort demandé en 2015 ne serait pas si considérable puisque les 11 milliards ne représentent que 2 % des ressources des collectivités territoriales... Cette affirmation ne résiste même pas une minute à la réalité. Le rapport sénatorial déposé le 12 novembre par MM. Dallier et Guené prouve le contraire : les collectivités territoriales seront victimes d'un effet ciseau entre hausses contraintes des dépenses et baisses des recettes. Les élus locaux, malheureusement, rogneront sur l'emploi et la commande publics, ce qui pèsera sur l'emploi local, ou encore augmenteront les impôts locaux. Au bout du compte, les ménages paieront la facture.
Certes, la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu est supprimée mais cela ne préservera pas les Français d'une hausse de la TVA, de la CSG et des impôts locaux. En réalité, avec la baisse des dotations, vous créez en 2015 une forme d'impôt supplémentaire de 100 euros par an et par foyer fiscal, pour moins de services publics, moins de proximité, moins de réponse aux besoins ; en 2016, ce seront 200 euros et en 2017, 300...
Il est plus que temps de mettre en oeuvre la grande réforme fiscale attendue depuis si longtemps : en sus des 69 milliards de l'impôt sur le revenu - on sait que CSG et RDS pour 100 milliards, la TICPE pour 27 milliards et la TVA pour 143 milliards sont acquittées par tous les ménages, sur tous leurs revenus - mais l'impôt sur les sociétés ne rapporte que 33 milliards. On sait que les impositions indirectes frappent plus lourdement les plus modestes. Ce projet de loi de finances aggrave les inégalités de traitement fiscal entre les revenus et les patrimoines.
Sur l'ensemble des politiques sociales, il faut changer de logiciel : on ne peut se contenter de 171 millions pour le logement quand on accorde 1,8 milliard pour assurer la rentabilité financière des investissements immobiliers privés. L'État compense à la sécurité sociale 20 milliards d'exonération de cotisations sociales générales, génératrices de bas salaires.
Je pourrais continuer longtemps, mission après mission. Nous sommes pris dans un étau. La politique du logement, c'est d'abord le soutien à la spéculation immobilière. La politique de l'emploi, ce sont les exonérations de cotisations sociales et la prise en charge publique des licenciements de masse. La politique industrielle, ce sont les réductions d'impôts qui confortent la position dominante des grands groupes. Que sont les 200 ou 300 euros d'exonérations accordés aux patrons de PME par rapport aux millions que récupèrent les grands groupes pour faire des placements financiers juteux ? Les chefs d'entreprises ne demandent pas des exonérations de charges, mais des commandes publiques !
Il est temps que l'intérêt général prime sur toute autre considération. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Nous avons un désaccord fondamental. C'est dommage : nous étions d'accord avec vous pour dire que l'effort demandé aux collectivités locales est indu... L'adoption de cette motion aurait pour conséquence de mettre fin au débat. Après deux années de frustration...
M. Daniel Raoul. - C'est vous qui bloquiez !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous aviez la majorité, en théorie ! La majorité actuelle souhaite aller au bout du débat, sur la première comme sur la deuxième partie. Nous souhaitons faire des propositions. Le groupe CRC aussi, sans doute ! C'est pourquoi nous proposons le rejet de cette motion.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le Gouvernement est impatient d'entendre quelles sont les réformes structurelles et les économies substantielles que proposera la nouvelle majorité. Avis défavorable.
M. Richard Yung . - « Les libéraux dogmatiques » ? Qui était visé ? Un autre groupe que le nôtre sans doute. Vous avez critiqué le CICE, mais que proposez-vous ? La réforme fiscale, c'est bien, mais ce n'est pas cela qui créera de la croissance. Nous voulons poursuivre le débat, et voterons contre cette motion.
M. André Gattolin . - Le groupe écologiste, par tradition, n'a jamais essayé de raccourcir le débat. Nous voulons entamer le débat de fond, politique, sur les recettes et les dépenses autour du projet du Gouvernement. Nous ne voterons pas cette motion.
M. Jean-Claude Requier . - Notre groupe non plus. Nous avons été frustrés du débat sur le budget ces dernières années. Il faut que le Sénat cesse de rendre copie blanche. Et quel plaisir de passer le week-end à Paris pour travailler sur le budget ! (Sourires)
M. Vincent Capo-Canellas . - Si nous ne partageons pas la vision du groupe communiste, nous partageons certaines de ses critiques... Le débat doit avoir lieu, il sera exigeant, et permettra de confronter les positions. Nous y sommes prêts et nous le souhaitons.
M. Dominique de Legge . - Nous voulons débattre, et surtout ne pas décevoir le ministre, qui a hâte de nous entendre. Nous avons hâte, nous, de montrer combien ce budget doit être amendé. Nous voterons contre la motion.
La motion n°I-414 est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n° 31 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 18 |
Contre | 325 |
Le Sénat n'a pas adopté.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, Mme Michèle André, MM. Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Francis Delattre, Vincent Delahaye, Jean Germain, Thierry Foucaud ; suppléants, MM. Michel Bouvard, Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Jacques Genest, Roger Karoutchi, Claude Raynal, Richard Yung.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière .
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires : Mme Michèle André, MM. Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Francis Delattre, Vincent Delahaye, Richard Yung, Thierry Foucaud ; suppléants, MM. Michel Bouvard, Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Jacques Genest, Jean Germain, Roger Karoutchi, Claude Raynal.
Prochaine séance demain, vendredi 21 novembre 2014, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 20.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du vendredi 21 novembre 2014
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : M. Christian Cambon - M. Bruno Gilles
- Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015)
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015)
Examen de l'article liminaire et des articles de la première partie
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 31 sur la motion n°I-414, présentée par M. Christian Favier et les membres du groupe CRC, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :343
Pour :18
Contre :325
Le Sénat n'a pas adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe UMP (143)
Contre : 142
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher
Groupe socialiste (112)
Contre : 112
Groupe UDI-UC (42)
Contre : 41
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault
Groupe CRC (18)
Pour : 18
Groupe du RDSE (13)
Contre : 13
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non inscrits (9)
Contre : 7
N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. David Rachline, Stéphane Ravier