SÉANCE
du lundi 7 juillet 2014
5e séance de la session extraordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président
Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean-François Humbert.
La séance est ouverte à 16 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site Internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Loi de finances rectificative pour 2014
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Depuis 2012, toutes les lois de finances ont eu trois objets : assainir les finances publiques, rétablir la progressivité de l'impôt, mobiliser la fiscalité au service de l'emploi. Ce projet de loi de finances rectificative ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne dérogent pas à cette règle. Ces deux textes déclinent les premiers éléments du pacte de responsabilité et de solidarité.
Le déficit public est passé de 5,2 % en 2011 à 4,3 % en 2013. Notre politique porte ses fruits. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif d'assurer la soutenabilité à long terme de nos services publics et de notre modèle social. Les efforts demandés aux Français paient.
Hors investissements d'avenir, le déficit s'établira à 71,9 milliards d'euros en 2014, soit 2,9 milliards de moins que l'exécution 2013 - 3,8% du PIB. Le déficit structurel est fixé à 2,5 %, soit son niveau le plus bas depuis 2001.
Conformément au programme de stabilité, 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires seront réalisés en 2014, première réponse à la procédure de correction des écarts constatés suite au projet de loi de règlement pour 2013. Nous aurions pu attendre le projet de loi de finances pour 2015, comme la loi organique du 17 décembre 2012 nous y autorise. Nous avons choisi au contraire de corriger les écarts immédiatement. Toutes les administrations sont concernées sauf les collectivités territoriales, qui prendront leur part des économies dans les trois ans à venir. Il faut noter également 1,6 milliard d'annulations de crédit sur le budget de l'État et 1,1 milliard sur les régimes obligatoires de base, dont le gel des retraites supérieures à 1 200 euros par mois.
Un autre ensemble d'économies ne nécessite pas de traduction législative, consistant en de moindres dépenses du Fonds d'action sociale et de l'Unedic, 900 millions d'euros au total. Les décaissements relatifs au Programme des investissements d'avenir (PIA) sont inférieurs de 400 millions d'euros aux prévisions. Le Commissariat général à l'investissement (CGI) prend le temps nécessaire à la sélection des projets : c'est de bonne gestion.
À cela s'ajoutent les annulations de 1,6 milliard de crédits frais, dont 1 milliard au-delà de la réserve de précaution : c'est peut-être sans précédent dans notre pays. En mars 2012, les annulations n'étaient que de 1,2 milliard, et ne portaient que sur des crédits gelés. Les annulations décidées dans ce projet de loi de finances rectificative maintiennent la réserve de précaution à un niveau élevé, à 6,8 milliards, ce qui garantit une bonne exécution en fin d'année.
Le texte anticipe en outre une charge de la dette inférieure de 1,8 milliard aux prévisions, en raison de taux plus bas qu'attendu : c'est le signe de la confiance que nous font les investisseurs. Cette économie n'est toutefois pas forcément pérenne...
M. Philippe Dallier. - C'est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Nous nous contentons de constater une moindre dépense sans en tirer de conséquences pour l'avenir.
Le projet de loi révise à la baisse les recettes fiscales nettes de l'État de 5,3 milliards d'euros. L'effet base - les moindres recettes constatées fin 2013 - vient minorer la prévision pour 2014 de 4 milliards d'euros tandis qu'est revue en baisse de 2 milliards la croissance spontanée des recettes fiscales. Il faut faire preuve d'une certaine humilité quand on parle de prévisions, l'exercice est difficile. Nous veillerons à affiner les estimations jusqu'au dépôt du projet de loi de finances pour 2015 puis du collectif de fin d'année.
Au total, le solde de l'État est revu à la baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
Les mesures adoptées dans toutes les lois de finances depuis le début de la législature ont permis de rétablir la progressivité de l'impôt. Nous avons rétabli l'ISF, vidé de sa substance par la funeste loi de 2011 ; rétabli les droits de succession et de donation exagérément abaissés par la loi Tepa ; porté à 45 % la dernière tranche de l'impôt sur le revenu ; abaissé le plafond du quotient familial ; limité les effets pervers du gel du barème... Pour que personne n'échappe aux efforts, nous avons également renforcé les moyens de la lutte contre la fraude fiscale. L'impôt est payé par tous : nous en répartissons plus équitablement la charge. Les augmentations d'impôt ont servi à renforcer la progressivité. Les plus aisés paient davantage, les plus modestes moins. L'allègement fiscal de 1,1 milliard ajouté à l'allégement de cotisation salariale de 2,5 milliards : c'est un gain de 500 euros pour les salariés au smic.
Le Gouvernement s'est enfin fixé comme priorité le retour à l'emploi des chômeurs. Le coût du travail sera allégé de 30 milliards sur la durée de la législature, 20 milliards au titre du CICE, qui profite à toutes les entreprises ; 10 milliards au titre des allégements de cotisations sociales patronales. Seules sont dans ce texte les mesures qui entreront en vigueur en 2015. La C3S sera supprimée progressivement - nous en parlerons la semaine prochaine. Nous avons donc de beaux débats devant nous. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Le projet de loi de finances rectificative constitue, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la première traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité... Ces deux textes ne comprennent pas toutes les mesures du pacte, mais dessinent une perspective ; les acteurs économiques ont besoin de lisibilité, surtout en période de crise. Avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, le coût du travail sera allégé de 30 milliards en 2017.
La baisse des impôts assis sur les facteurs de production est privilégiée. Ainsi, de la C3S, supprimée progressivement, de la surtaxe exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, dont la disparition est actée pour 2016, de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés à 28 % d'ici 2020, avec une première étape en 2017. Des mesures de solidarité sont prises en faveur des ménages modestes, à hauteur de plus de 6 milliards.
Les prévisions de recettes fiscales nettes pour 2014 sont revues à la baisse pour 5,3 milliards, à cause d'un moindre rendement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, et s'établissent à 279 milliards.
S'agissant des dépenses de l'État, des annulations de crédits sont prévues à hauteur de 1,6 milliard d'euros sur le périmètre « zéro valeur » ; les dépenses totales relevant du périmètre « zéro volume » seraient, elles, inférieures de 3,4 milliards d'euros à la prévision initiale en raison de la révision à la baisse de la charge de la dette - moins 1,8 milliard d'euros. Le niveau des taux témoigne de la crédibilité de notre politique. Le spread avec l'Allemagne est aujourd'hui de 40 points de base.
Seules les dépenses pleinement maîtrisables sont concernées par les annulations, qui n'amputent pas la réserve de précaution, nécessaire notamment pour anticiper d'éventuels contentieux agricoles avec l'Union européenne.
Au total, le déficit de l'État s'établit à 83,9 milliards, investissements d'avenir compris, en baisse de 1,4 milliard par rapport à la loi de finances initiale et de 3 milliards par rapport à l'exécution 2013.
Le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale poursuivent l'effort de consolidation des comptes publics. Celui-ci a été considérable mais, compte tenu de la morosité économique, n'a pas produit tous les effets escomptés. D'où le déclenchement du mécanisme de correction budgétaire, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ayant relevé dans son avis du 23 mai un écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation.
L'Assemblée nationale a modifié l'article liminaire pour dégrader la prévision de solde conjoncturel et améliorer celle de solde structurel, ce qui revient à modifier la croissance potentielle et à nous rapprocher du retour à l'équilibre structurel. La permanence des méthodes et des hypothèses utilisées pour le calcul du solde structurel est pourtant indispensable ; c'est bien pourquoi nous avons défini une trajectoire de PIB potentiel dans la loi de programmation des finances publiques - trajectoire retenue par le Haut Conseil des finances publiques. A défaut, la crédibilité de la France pourrait être atteinte. Ne donnons pas le sentiment que la France s'arroge le droit de modifier les règles à sa guise.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général. - C'est la raison pour laquelle la commission des finances, de manière assez unanime, a adopté un amendement pour revenir au texte initial.
Je veux évoquer deux articles importants pour la vie de nos territoires : le mécanisme retenu en remplacement de l'écotaxe, équilibré, et le maintien du dispositif de la proposition de loi Mézard relatif à la taxe locale sur la consommation d'électricité.
La poursuite du redressement de nos finances publiques est impérative ; 21 milliards d'économies devront être réalisés en 2015. Cet effort est inédit, et repose sur des réformes pérennes. Nous devons faire preuve de courage, de cohésion et de constance. Nous n'y parviendrons pas seulement en réduisant le train de vie de l'État mais en menant une révision profonde de la mise en oeuvre des politiques publiques, la modernisation de nos services publics, la simplification des normes et des procédures tout en assurant une plus grande équité. La méthode sera déterminante : transparence sur les objectifs, concertation sur les moyens et fermeté dans la mise en oeuvre.
Cette politique doit avoir deux piliers : l'investissement et la lutte contre les inégalités. Les politiques d'ajustement ont des conséquences négatives dans toute l'Europe ; cette préoccupation doit être prise en compte, ce qui suppose des politiques redistributives efficaces ; ce qui exige que les dépenses d'investissement ou d'avenir ne soient pas sacrifiées sur l'autel de la contrainte budgétaire.
Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales doivent conjuguer ces deux dimensions : préserver l'investissement, renforcer la péréquation.
Le CICE et les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité, la BPI, la lisibilité donnée par le Gouvernement sur l'évolution des prélèvements obligatoires ont vocation à dynamiser l'investissement.
Je salue la convergence de vues entre le Gouvernement français et le président du Conseil italien M. Renzi sur le rythme des ajustements au sein de l'UE, comme sur la politique monétaire commune. Assouplissement des conditions d'application du pacte de stabilité, création d'une capacité budgétaire propre au sein de la zone euro, mise en place d'un salaire minimum différencié, mutualisation d'une partie des dettes pour financer infrastructures et développement du numérique... Les sujets ne manquent pas.
M. Gaëtan Gorce. - Qu'attend-on pour agir ?
M. François Marc, rapporteur général. - Une meilleure coordination des politiques budgétaires nationales est nécessaire. L'ajustement conduit par l'Allemagne pose question, dont l'excédent commercial est jugé « excessif » par la Commission européenne ; elle n'en continue pas moins de pratiquer la modération salariale et équilibre son budget au détriment, pour partie, de ses dépenses d'investissement public. Cet ajustement déprime la demande, réduit la capacité de la plupart des autres pays de la zone euro à rattraper leur déficit de compétitivité et accroît les risques de déflation.
M. Gaëtan Gorce. - Quelles conséquences en tire-t-on ?
M. François Marc, rapporteur général. - Si ces questions méritent d'être débattues, elles ne justifient pas que nous ne tenions pas nos engagements ni que nous renoncions aux réformes susceptibles d'alléger la charge des générations futures et de dégager des marges de manoeuvre.
La commission des finances a décidé de demander au Sénat l'adoption de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Je commencerai par un paradoxe : vous nous présentez ce texte comme un jalon sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes publics. À bien y regarder, ce chemin est de moins en moins ambitieux et de plus en plus sinueux...
Nos ambitions sont sans cesse révisées à la baisse : les recettes baissent de 4,8 milliards, les dépenses de 3,4 milliards, le solde se dégrade...
Deuxième constat : l'objectif de solde des administrations publiques était de -3,6 % ; il est désormais de -3,8 %.
Vous annoncez 4 milliards d'économies supplémentaires : elles compensent en fait des dépenses plus dynamiques que prévu. L'objectif d'effort structurel était fixé en loi de finances initiale à 0,9 point de PIB ; il n'est plus que de 0,8 point. C'est encore une ambition réduite. Et ces économies ne corrigent pas intégralement l'écart de trajectoire relevé par le HCFP.
Quatrième exemple : l'effort se relâche après 2014, puisqu'il n'est plus question de revenir en 2017 à l'équilibre effectif, mais seulement à l'équilibre structurel.
Dernier exemple : la loi de programmation a fixé il y a moins de deux ans pour 2014 un objectif d'endettement de 90,5 % de PIB. C'était certes un gouvernement différent, celui de M. Ayrault, mais vous étiez rapporteur général, monsieur le ministre. Cet objectif a été revu à la hausse à trois reprises, jusqu'à 95,6 % en avril dernier.
On nous dit que l'austérité est insupportable ; ce que je vois, ce sont des objectifs qui se dégradent, celui de l'endettement au premier chef.
Le chemin est également flou. Nous aimerions connaître, outre les objectifs de solde, les mesures susceptibles d'être prises en dépenses et en recettes, année par année. Cela sonne comme une évidence, mais ne figure pas dans le collectif, ni même au programme du débat d'orientation des finances publiques à venir... Le Gouvernement répète qu'avec 50 milliards d'économies et 25 milliards d'allègement des prélèvements obligatoires, l'effort de réduction du déficit sera de 25 milliards d'ici 2017. Atteindrons-nous ainsi les objectifs prévus ? Nul ne le sait...
Je laisserai aux membres de mon groupe le soin de disséquer ce texte et n'exprimerai que mes doutes profonds sur la gouvernance des finances publiques.
Nos débats financiers sont trop fractionnés. Chacun sait qu'entre lois de finances et de financement de la sécurité sociale, il existe une tuyauterie d'une incroyable complexité à l'origine d'une totale illisibilité politique. La seule bonne solution réside dans la proposition de la commission Camdessus de 2010 : fusionner les volets « recettes » de ces deux textes. Le HCFP ne s'y est pas trompé : ses avis sont globaux.
Deuxième problème : le recours à des règles exprimées en solde structurel, à des notions abstraites telles que le PIB potentiel. Raisonner ainsi peut certes produire le meilleur - contraindre les décideurs à prendre leurs responsabilités et à expliquer leurs choix - mais aussi le pire, en désincarnant la politique budgétaire. Le Gouvernement a ainsi annoncé des mesures d'économies supplémentaires pour compenser le dérapage constaté, sans préciser lesquelles. On nous demande d'avoir la foi ; on crée un rideau de fumée. Certes, les gouvernements ont toujours cherché à embellir la mariée, à paraître économe. Ainsi, de certains crédits des PIA à destination de la défense. En réalité, l'usage excessif de la notion de « tendanciel » masque les réalités et dispense de documenter les économies annoncées. Le Gouvernement, raisonnant à partir de tendances d'évolution, peut annoncer des réductions de dépenses supérieures à la réalité si les tendances ne sont pas observées... Le changement de thermomètre ne saurait avoir d'effet sur la température. Le résultat ne peut être que de miner la confiance de nos concitoyens. Le consentement à l'impôt ne peut qu'être affaibli si le débat démocratique est dévoyé.
Redéfinissons nos règles de procédures ; rendons nos débats budgétaires plus concrets de manière à mieux y associer nos concitoyens.
Notre commission a rejeté les articles premier et second. Cela ne préjuge en rien de la suite des débats. (Applaudissements à droite)
M. André Gattolin . - Les gouvernements précédents avaient tant usé des projets de loi de finances rectificative que nous nous sommes étonnés l'an passé de n'en avoir pas examiné...
Ce texte constitue la traduction législative du pacte de responsabilité, tardivement assorti de la solidarité. S'il marque une inflexion de la politique, c'est plus en vitesse qu'en direction. Il a vocation à amplifier le CICE ; les écologistes ayant toujours critiqué ce dispositif, nous ne pouvons accueillir favorablement cette décision. Nous ne considérons pas que toutes les entreprises doivent être aidées, exposées ou protégées, en difficulté ou bien portantes, économes en ressources ou très polluantes, a fortiori quand les aides sont financées par des coupes dans les budgets publics.
Nous ne nous reconnaissons pas non plus dans le postulat selon lequel l'offre crée la demande. Si l'objectif reste l'emploi, pouvez-vous nous fournir les éléments concrets justifiant le prolongement du dispositif par le pacte de responsabilité et de solidarité ?
Mme Rabault a révélé que le Gouvernement gardait par-devers lui une simulation des effets des mesures de soutien aux entreprises : elles devraient générer 190 000 emplois et 0,6 point de croissance à l'horizon 2017, tandis que les 50 milliards d'économies annoncés devraient conduire à la suppression de 250 000 emplois et une baisse de la croissance de 1,4 point.
Ne faut-il donc pas rendre les aides aux entreprises plus efficaces, en les concentrant sur les PME et les secteurs exportateurs ?
La baisse de l'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros environ pour les ménages les plus modestes - soit de 350 à 750 euros par couple - conjuguée à la baisse des cotisations salariales dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, représente une inflexion positive ; elle n'est toutefois financée que pour cette année, par les pénalités pour fraude fiscale. Il faudra trouver des recettes pérennes.
Le nouveau dispositif qui a remplacé l'écotaxe, baptisé « péage transit poids lourds » (PTPL), portera sur un réseau routier quatre fois moins grand. Sans m'appesantir sur la nasse où était tombée cette mesure, je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu la franchise au premier kilomètre proposée par la mission parlementaire. Où trouver les 650 millions d'euros manquants pour financer les infrastructures?
M. François Marc, rapporteur général. - Nous les avons trouvés !
M. André Gattolin. - Ce projet de loi de finances rectificative tient aussi compte du début de l'exécution. Bonne nouvelle, d'abord : la baisse d'1,8 milliard d'euros de la charge de la dette, en raison de la politique de baisse des taux menée par la BCE - et de la tendance européenne à la déflation... Mais ne boudons pas notre plaisir !
Quant aux prévisions de croissance, qui correspondaient en loi de finances initiale au consensus des économistes, elles sont maintenues alors que l'Insee ne table plus que sur 0,7 %. Le Gouvernement ne veut pas admettre les efforts récessifs de la baisse des déficits... Les 4 milliards d'économies viennent-ils s'ajouter aux 50 milliards déjà annoncés ? Les objectifs fixés par le Gouvernement ne sont pas raisonnables. Où trouver les 21 milliards prévus pour l'an prochain ? La divergence permanente entre les annonces et l'exécution s'apparente à de la cavalerie. La Cour des comptes l'a mis en évidence sur le budget de la défense...
Mme Nathalie Goulet. - Hélas !
M. André Gattolin. - ... amputé de 400 millions d'euros pour abonder le PIA, lequel s'élèvera donc à 1,1 milliard d'euros et non à 1,5 milliard comme annoncé en loi de finances initiale. Il en résultera, ajoute-t-elle, des difficultés budgétaires pour la direction des applications militaires du CEA. D'où le transfert, que vous avez décidé en urgence, via ce projet de loi de finances rectificative, de 250 millions d'euros de crédits non consommés du PIA pour financer la recherche nucléaire du CEA... Pourquoi un écologiste s'intéresse-t-il à ce point au budget de la défense ? Parce que pour 220 millions d'entre eux, ils étaient pris sur des programmes destinés à « l'innovation pour la transition énergétique », ainsi qu'à la ville et aux territoires durables. Non seulement les investissements dits d'avenir servent à débudgétiser des dépenses auxquelles on ne fait plus face, non seulement les crédits extrabudgétaires promis à la défense n'arrivent pas, mais en plus cet épisode révèle que des centaines de millions d'euros dédiés à l'écologie au sein du PIA ne sont pas utilisés...
M. Jean-Vincent Placé. - Eh oui !
M. André Gattolin. - N'y a-t-il aucun besoin d'investissement d'avenir dans ce domaine ? Ce transfert douteux illustre le faible attachement du Gouvernement à la transition écologique, sacrifiée au nucléaire militaire.
Nous défendrons un amendement visant à rétablir l'ambition écologique de la majorité. Nous serons extrêmement attentifs aux réponses du Gouvernement.
Mme Catherine Procaccia. - Des menaces ?
M. André Gattolin. - Vous l'aurez compris, les écologistes ne sont pas convaincus. Nous réservons en conséquence notre position sur ce collectif. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Aymeri de Montesquiou . - Je l'ai souvent répété depuis le début de ce quinquennat : l'héritage reçu en mai 2012 était lourd, dû en grande partie à la crise de 2008 que vous reconnaissez enfin. En mai 2014, cet héritage a dramatiquement fructifié : chômage massif, dette inédite, chute des permis de construire, dérapage de la trajectoire budgétaire, le déficit public s'établissant à 3,8 % du PIB au lieu des 3,6 % prévus, le mécanisme de correction est enclenché.
Où sont la cohérence, la continuité revendiquées ? Le Gouvernement avait augmenté les impôts de 15 à 17 milliards d'euros, s'adonnant à une taxation compulsive ; une stratégie dont la Cour des comptes a souligné les limites, et qui a fait fondre l'assiette des impôts : 8 milliards d'euros de recettes en moins en 2013, 7,8 milliards d'euros, voire plus en 2014. Faut-il encore rappeler que trop d'impôt tue l'impôt ?
Le Gouvernement Valls exclut du paiement de l'impôt 1,7 million de foyers fiscaux que son prédécesseur y avait réintroduit. Avec ce texte, on ne fait qu'appliquer un pansement, non financé pour l'avenir, ce que fait apparaître clairement le rapport de Mme Rabault à l'Assemblée nationale. Vous comprenez enfin que ce sont les entreprises qui créent les emplois. Mais quel sort réservez-vous aux conclusions des quatre groupes de travail des Assises de la fiscalité pertinemment créées par Jean-Marc Ayrault ? Nulle trace dans ce projet de loi !
M. François Marc, rapporteur général. - Mais si !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce n'est pas vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. - Je serais heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez me corriger sur ce point... Le pacte de responsabilité et de solidarité aurait pu être un signal fort, mais notre déception est à la mesure de nos attentes. Pourquoi vous contenter d'une demi-mesure sur l'impôt sur le revenu ? Le texte de l'Assemblée nationale est un inventaire de cadeaux électoralistes, sans vision d'ensemble.
Les prévisions de croissance et d'emplois sont traditionnellement trop optimistes. Je préconise depuis longtemps une prévision de croissance nulle.
Vous prétendez désormais privilégier la baisse des dépenses. Où trouverez-vous les 50 milliards d'économies annoncées ? Mystère... Les dépenses publiques ont encore augmenté en France en 2013, quand elles baissaient ailleurs en Europe. Quand suivrez-vous les recommandations de la Cour des comptes, de la Commission européenne, les conclusions de nombreux rapporteurs ? Quand prendrez-vous exemple sur le Royaume-Uni et l'Italie ? Vox clamantis in deserto... (Applaudissements au centre et à droite)
M. Éric Bocquet . - Un doute profond s'est emparé de nos concitoyens. Il y a quelques semaines, la Cour des comptes et le HCFP ont publié deux rapports auxquels s'ajoute celui de la Commission européenne, tous constatant que sur les recettes escomptées, plusieurs milliards d'euros, manquent à l'appel... « Le désendettement sans croissance, cela ne marche plus » disait M. Moscovici lui-même sur un plateau de télévision au lendemain du séisme des élections européennes : propos qu'il n'a jamais tenus dans cet hémicycle quand il était ministre, qui participent peut-être de sa campagne pour le poste de commissaire européen, et nous interpellent.
Les mots de la rapporteure générale de l'Assemblée nationale, Mme Rabault, sonnent aussi comme une mise en cause radicale de la politique économique du Gouvernement : « Le plan d'économie de 50 milliards aurait un impact négatif de deux points de PIB entre 2015 et 2017, ainsi que de 0,7 % sur la croissance annuelle en moyenne entre 2015 et 2017, et pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à l'horizon 2017 ».
Le constat n'est pas nouveau. De nombreux économistes dénoncent l'austérité, qui ne fait que creuser les déficits, tout en renforçant les inégalités : selon la dernière enquête de l'Insee, les inégalités ont atteint leur plus haut niveau depuis 1996, l'année 2011 fut particulièrement faste pour les hauts revenus, la pauvreté touche aujourd'hui 8,8 millions de personnes, record historique. Dans mon département du Nord, le conseil général dépense chaque minute 1 100 euros pour financer le RSA socle. Oui, chaque minute ! Conséquence : la réduction de l'investissement de 400 millions à 200 millions d'euros...
Or, comme le docteur Diafoirus de Molière, qui préconisait des saignées à un malade déjà anémié, vous réduisez encore les dotations aux collectivités, dont on sait l'importance pour le soutien à la croissance dans les territoires...
Une réorientation est urgente. Sur la prévision de croissance du Gouvernement, notre rapporteur général conserve une once d'optimisme que nous ne partageons pas. Oui, les dépenses publiques pèsent lourd en France. De nombreux économistes ne plaident-ils pas pour qu'il y ait plus de biens publics, dans des sociétés devenues plus complexes ?
Nos déficits sont liés aux cadeaux fiscaux consentis, année après année, aux plus aisés : la part des recettes de l'État dans le PIB a baissé de 5 points en trente ans !
On annonce une baisse du « coût du travail ». Pour nous, le travail n'est pas un coût, mais un facteur de richesse. Nous étouffons sous le carcan de la « règle d'or » et de la rigueur budgétaire. D'ailleurs, le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre : que pèse la réduction d'1,16 milliard de l'impôt sur le revenu, face aux 6 milliards d'augmentation de la TVA depuis le 1er janvier 2014 ?
Si nous nous félicitons du renforcement du contrôle des prix de transferts, Jersey et les Bermudes rejoindront-ils bientôt la liste des paradis fiscaux, dont ils ont été retirés inexplicablement le 1er janvier ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances, et Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Éric Bocquet. - Depuis 2002, des dizaines de milliards d'euros d'exonérations de tout genre ont été accordés aux entreprises. Avec quels résultats ?
M. Guené, Mme Demessine et moi-même rendront bientôt un rapport très circonspect à ce sujet : sans le déflorer, je précise d'ores et déjà qu'il est impossible de savoir si ces avantages ont créé 70 000 ou 800 000 emplois... Ce rapport sera sans doute une mine d'informations pour l'observatoire des contreparties. Cependant, et c'est un signe, deux grandes organisations syndicales refusent de participer à la Conférence sociale. « Un million d'emplois », lisait-on sur les pin's du Medef : chiche monsieur Gattaz ! Ce collectif ne peut recueillir le soutien du groupe CRC (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yvon Collin . - Avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce projet de loi de finances rectificative est la première traduction du pacte de responsabilité et de solidarité. L'allègement de l'impôt sur le revenu sur les ménages modestes est une mesure de justice fiscale. Quant aux entreprises, le texte ne leur est à première vue guère favorable, parce qu'il prolonge la surtaxe d'impôt sur les sociétés ; mais au CICE viennent s'ajouter des allègements de cotisations sociales prévues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Une diminution du taux d'impôt sur les sociétés, particulièrement élevé en France, doit être engagée pour atteindre 28 % en 2020.
On ne saurait toutefois fonder notre stratégie sur la seule baisse du coût du travail : nos entreprises doivent aussi renforcer leur compétitivité hors coût.
Ce texte a été considérablement allongé par l'Assemblée nationale, qui y a rajouté trente articles. Il a perdu de sa cohérence au passage. Certaines mesures ont même créé des dissensions au sein du Gouvernement : ainsi de la hausse de la taxe de séjour. Attendons donc les conclusions de la mission sénatoriale à ce sujet : il n'est jamais bon d'agir dans la précipitation, au bout de la nuit, comme l'illustre le cas de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Après une véritable levée de bouclier au sein des collectivités territoriales, le Sénat a adopté une proposition de loi en avril à notre initiative. Heureusement, les députés ont enfin corrigé le tir ; nous proposerons de lever quelques difficultés résiduelles, à l'article 5 sexies.
Sous ces réserves, le RDSE, responsable et sachant que le vote des textes budgétaires détermine l'appartenance à la majorité, approuvera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)
M. Francis Delattre . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Dans un grand quotidien du matin, un article intitulé : « Michel Sapin, le ministre qui repeint la vie en rose ». Il a trouvé en vous un diacre zélé, monsieur le ministre, à défaut d'un disciple.
Votre optimisme à tous crins, assumé jusqu'au sein des documents officiels, est-il à la hauteur des enjeux, dans un pays qui compte 34 000 chômeurs de plus chaque mois ? Problème de verres correcteurs plutôt que de montures de lunettes de celui qui se veut le gardien de la courbe des déficits. Le seul exploit ministériel de M. Sapin est d'avoir fait admettre à Bruxelles un objectif de déficit de 3,8 % au lieu de 3,6 %, sachant qu'il sera probablement de 4 %... Et le tout, allegretto ! Idem pour la prévision de croissance : le Gouvernement table sur 1 % quand l'Insee et tous les organismes sérieux avancent le chiffre de 0,7 % grand maximum. La méthode Coué ne sert qu'à alimenter la communication du Gouvernement, on la retrouve jusque dans nos documents budgétaires. Ainsi le projet de loi de règlement pour 2013 qui détermine en grande partie ce projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement prétend que la situation de nos finances publiques s'améliore, quand la dette franchit des paliers dangereux : 2 000 milliards d'euros de dettes cumulées et 100 % du PIB. L'État ne peut financer qu'à crédit ses dépenses de fonctionnement, à partir du 1er octobre, comme le souligne la Cour des comptes. Celle-ci ramène vos comparaisons triomphalistes à de plus justes proportions, en montrant que le déficit reste bien supérieur à ce qu'il était avant la crise. Quelle peut être la crédibilité du discours présidentiel condescendant envers la jeunesse, alors que nos enfants devront payer les dépenses courantes pour un quart de l'année ?
Le Gouvernement bénéficie certes de la baisse des taux d'intérêt et de la charge de la dette. Il aurait néanmoins tort d'y compter à l'infini !
L'exposé des motifs de ce collectif exalte la gestion budgétaire du Gouvernement : on n'est jamais mieux servi que par soi-même, certes. Et pourtant les recettes fondent !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vous parliez des dépenses et à présent vous parlez des recettes... Il faudrait savoir !
M. Francis Delattre. - Quant aux prévisions économiques, la Cour des comptes, monsieur le ministre, et non pas l'opposition, considère qu'elles sont « aux frontières de l'insincérité ». Une réserve aussi rare que grave... Alors, un peu de modestie permettrait peut-être de progresser, d'autant que les minces résultats obtenus l'ont été au prix d'un véritable matraquage fiscal, que le Gouvernement poursuit, méconnaissant le principe d'élasticité des assiettes, bien connu des économistes : « trop d'impôt tue l'impôt » n'est plus un slogan, mais l'interprétation désormais populaire de ce principe.
La loi de finances initiale pour 2013 prévoyait 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires, dont la moitié seulement étaient au rendez-vous, soit 6,3 milliards de recettes en moins qu'escompté pour l'impôt sur les sociétés, 4,9 milliards pour l'impôt sur le revenu et autant pour la TVA ! Vous invoquez sans cesse l'héritage : la loi de finances initiale pour 2011, qui prévoyait 14 milliards d'économies, fut conforme aux prévisions !
Les engagements financiers hors bilan de l'État, de 2 838 milliards d'euros, dont 1 460 milliards pour les retraites, réduisent encore nos marges de manoeuvre. J'ajoute que l'encours des collectivités territoriales au Trésor a diminué de 2,7 milliards d'euros. Qu'il faille revoir nos relations avec les dirigeants européens, nous en sommes tous d'accord, monsieur le rapporteur général.
La France s'asphyxie lentement sous le poids de la dette et d'une gouvernance inapte à entreprendre un véritable redressement. Des secteurs sont surprotégés, qui se mettent en grève, au détriment du secteur privé qui souffre, pour l'instant, en silence. L'esprit d'entreprise s'assèche, les jeunes s'expatrient... L'économie française est de nouveau à l'arrêt. Le HCFP, avec un sens de la mesure inégalable, estime que la prévision de croissance de 1 %, peu probable, n'est pas entièrement hors d'atteinte...
M. François Marc, rapporteur général. - Vous avez tout dit !
M. Francis Delattre. - La croissance serait stimulée par le CICE, qui arrive tout juste dans les caisses des entreprises : grave erreur que d'avoir supprimé la TVA sociale !
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Francis Delattre. - Dans un article publié dans L'Opinion le 26 mai dernier, l'auteure critiquait l'absence de politique économique, à court et à long terme, et de projet de réforme. Elle soulignait les effets désastreux de certaines mesures, en particulier dans le secteur du logement. Elle est désormais conseillère économique à l'Élysée. Aurions-nous perdu deux ans ? Le groupe UMP le pense, d'où son vote contre. (Applaudissements sur les bancs UMP, ainsi que sur quelques bancs au centre)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Jean Germain . - La politique budgétaire dit être envisagée désormais, non seulement à l'échelle de la France, mais aussi à celle de l'Europe. Tout notre débat confirme que la construction européenne n'avance pas assez vite. Le projet de loi de finances rectificative est une étape importante de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. La France a besoin de retrouver sa compétitivité, d'alléger sa pression fiscale et sociale, et de poursuivre son assainissement budgétaire.
Sur le premier point, nos entreprises ont besoin de visibilité. L'horizon du Gouvernement s'étend jusqu'en 2017, pour assurer la cohérence de la politique suivie. Les allégements de cotisations permettront aux entreprises de reconstituer des marges pour embaucher et investir ; les travailleurs indépendants ne sont pas oubliés. La réduction progressive de la C3S jusqu'à sa suppression en 2013, la fin de la contribution exceptionnelle en 2016 et la baisse du taux d'impôt sur les sociétés jusqu'à 28 % en 2020 vont dans le même sens.
Le Gouvernement propose de mettre en oeuvre dès 2015 les mesures les plus créatives d'emplois, les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.
Le texte issu de l'Assemblée nationale renforce le suivi parlementaire des contreparties demandées aux entreprises : c'est une stratégie cohérente. Le montant du CICE atteindra 12 milliards d'euros à la fin de l'année : signe de l'engagement du Gouvernement au service des entreprises, qui créent la richesse et déterminent notre niveau de vie, mais aussi des salariés, qui y travaillent : n'opposons pas les unes aux autres !
Autre volet du pacte : la baisse de l'impôt sur les ménages, afin d'atténuer l'effort qui leur est demandé depuis des années. Un allégement d'impôt sur le revenu interviendra dès cet automne pour 3,7 millions de foyers modestes.
Des craintes existent quant à l'impact de ces économies sur la croissance ; elles se sont exprimées à l'Assemblée nationale comme elles s'expriment au Sénat et chez les experts. Avec des réductions de dépenses maîtrisées, ces craintes paraissent toutefois théoriques. La priorité doit être le retour à une croissance créatrice d'emplois. La dépense publique permet-elle à elle seule la reprise ? Je ne le crois pas. Cela étant, nous pouvons faire des économies sans remettre en cause nos services publics. Je regrette la mesure prise à la va-vite et dans la nuit sur la taxe de séjour par les députés. Nous savons tous ce qu'il advient de ces décisions prises sans concertation avec les acteurs concernés.
À M. Delattre qui reproche à M. Sapin de peindre la réalité en rose je rappellerai ce qu'avait un jour dit François Mitterrand à un contradicteur : certains cultivent le cannabis comme d'autres le vague à l'âme, drogue douce et délétère. Il faut croire que certains cultivent du cannabis dans notre enceinte... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Éric Doligé . - Contrairement à mon prédécesseur, je ne ferai pas preuve d'un optimisme béat...
Les résultats annoncés n'étant pas au rendez-vous, ce collectif budgétaire est censé traduire le tournant de la politique de l'offre. Comme en 1981, nous voyons le résultat de décisions erronées : exaspération fiscale, croissance en berne, dette qui avoisine les 2 000 milliards d'euros, baisse du rendement de l'impôt de 5 milliards d'euros, sans parler de l'imprudence des prévisions initiales.
Où est la cohérence ? Vous avez augmenté les impôts des entreprises de 20 milliards pour annoncer maintenant une réduction qui vaudra pour les années prochaines seulement, au risque de déstabiliser le monde économique. La même démonstration vaut pour les ménages. Vous annoncez un plan d'économies de 50 milliards d'euros sans le documenter en maniant des outils dont on sait le peu d'efficacité : le gel et le rabot. Vous feriez bien d'aller chercher des économies du côté des opérateurs de l'État et d'abandonner des réformes coûteuses telles que celle des rythmes scolaires.
Au total, le Gouvernement reste au milieu du gué dans un pays miné par une crise qui n'est plus seulement économique mais aussi une crise de confiance. Cela impose des choix clairs et résolus, et non des mesures a minima, et sans doute insuffisantes comme l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques.
Le groupe UMP ne pourra pas vous suivre ; il ne peut pas avoir foi en de simples annonces. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Vincent Delahaye . - Pourquoi un collectif budgétaire ? L'an dernier, le Gouvernement s'y était refusé. Fait-il aujourd'hui preuve de plus de sincérité ? Non, le Gouvernement, et c'est dommage, choisit de présenter un déficit de 3,8 % au lieu de 3,6 % et une prévision de croissance de 1 % quand tous les organismes sérieux - FMI, Insee - tablent sur 0,7 % de croissance et la Cour des comptes sur un déficit supérieur à 4 %. Le déficit atteint 84 milliards d'euros, soit 10 de plus qu'en 2013. Alors pourquoi ce collectif ? C'est un peu panique à bord. Le Gouvernement veut s'éviter un été comme l'an dernier où les Français découvraient sur leur feuille d'impôt des hausses sans précédent, les classes modestes et moyennes étant les plus affectées.
Le compte n'y est pas cependant : vous avez augmenté les impôts sur les ménages de 20 milliards en deux ans ; vous accordez une réduction de quelque un milliard d'euros financés par le produit de la lutte contre la fraude, recette non pérenne. Tout le contraire d'une bonne gestion... Pourquoi ne pas ponctionner davantage la réserve de précaution de 7 milliards d'euros ? On sait déjà que les Opex coûteront près d'un milliard d'euros : où sont-ils inscrits ? Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser les principes qui régissent votre gestion de la réserve de précaution ? Au vrai, nous sommes drogués à la dépense publique.
M. Richard Yung. - Ça, c'est le cannabis.
M. Vincent Delahaye. - Faisons de vraies économies. Allez, au hasard : la suppression de la réforme des rythmes scolaires - 500 millions -, la maîtrise de l'AME - 200 millions - ou encore le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique - 300 millions. Au total, un milliard de gagné par de simples mesures de bon sens !
Plus de deux ans après l'arrivée de la gauche, l'échec est patent. M. Cahuzac vantait les mérites d'une politique de hausse des prélèvements obligatoires, vous proposez désormais des baisses à la petite semaine. Mettez en accord vos actes et vos discours. Aristote disait : « La meilleure façon de promouvoir l'économie, c'est de se concentrer sur le long terme ». (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Bricq . - À l'occasion de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a choisi de ne pas réviser son hypothèse de croissance de 1 % à rebours des prévisions de l'Insee et du FMI. Le rapporteur général la dit crédible tout en montrant que sa réalisation repose sur des facteurs exogènes : bonne reprise mondiale, meilleure reprise européenne et des retombées positives des mesures prises par la BCE, sans parler de l'inflation.
L'essentiel n'est pas là ; il est le retour de la confiance, véritable carburant de la croissance. Et la confiance, c'est également le respect de nos engagements européens. La notion de déficit structurel, monsieur Marini, est effectivement une construction intellectuelle - nous aimons les idées en France : acceptons là comme telle. Les députés ont confondu thermomètre et température. Pour autant, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Il faut appuyer sur la pompe à oxygène pour les entreprises. Le Gouvernement le fait avec le CICE, la suppression de la C3S et la réduction de l'impôt sur les sociétés ; les entreprises y seront sensibles au moment où se tient la Conférence sociale.
Le Gouvernement propose un plan de 50 milliards d'économies, réparties entre l'État - qui a déjà beaucoup donné - les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. Le précédent gouvernement prévoyait 80 % d'efforts en dépenses et 20 % en recettes. François Hollande, lui, proposait des économies reposant à 50 %-50 %. (M. Francis Delattre s'exclame) L'un des candidats à la présidence de l'UMP...
M. François Marc, rapporteur général. - Il y en a beaucoup !
Mme Nicole Bricq. - ... M. Fillon, propose un plan d'économies de 100 milliards ; M. Copé, lui, a évoqué 130 milliards ! Croyez-vous que cela n'impactera pas les collectivités territoriales ? Chacun prendra ses responsabilités et expliquera sa ligne lors des élections sénatoriales en septembre, n'est-ce pas ?
Le CICE représente un véritable effort en direction des entreprises. Il faudra vérifier que leurs dirigeants tiennent leurs engagements en matière d'embauche et d'investissements matériels et immatériels en France. L'impôt sur les sociétés a connu la même dérive que l'impôt sur le revenu - taux élevé, assiette étroite -, dont le Gouvernement a rétabli - il faut le connaître - la progressivité. Je regrette que la réduction de l'impôt sur les sociétés soit reportée, il nous faut une harmonisation européenne. Les États-Unis ont compris depuis longtemps que la fiscalité comme le droit doit être au service des entreprises. C'est bien plus efficace que les lamentations !
La taxe de séjour a beaucoup occupé notre commission des finances. Une hausse de deux euros avait déjà été envisagée au sein de la mission Carrez, à laquelle certains ont participé. Au Gouvernement de clarifier la situation.
Tout est affaire de calibrage, n'empêche que ce texte donne corps au projet du Gouvernement : réduction du chômage structurel, retour de la croissance. Certains diront : ce n'est pas assez ; d'autres « c'est trop ». Personne ne pourra toutefois contester que le chemin est tracé. Pour l'instant, je n'en ai pas vu d'autre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Fortassin . - L'époque est incertaine... Hier, M. Ayrault annonçait une grande réforme fiscale...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La fameuse remise à plat !
M. François Fortassin. - Aujourd'hui, M. Valls veut conclure un pacte de responsabilité et de solidarité assorti de 50 milliards d'économies ; les collectivités locales ne savent pas exactement ce qui les attend.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Voilà !
M. François Fortassin. - La réduction de l'impôt sur le revenu de 350 euros par foyer pour les ménages modestes, mesure de justice et d'équité, est financée par des ressources qui, nécessairement, ne sont pas pérennes : les amendes recouvertes dans la lutte contre la fraude fiscale. Une véritable refonte fiscale, à mon sens, est indispensable : notre système est devenu illisible, trop complexe. Or la lisibilité et l'équité déterminent le consentement à l'impôt, fondement de la citoyenneté. Je rappelle que les radicaux sont les pères de la progressivité de l'impôt. Créons un impôt personnel et progressif unique sur le revenu et un impôt progressif sur les sociétés ; nos concitoyens ne se perdront plus dans les arcanes d'un système fiscal totalement ésotérique.
Ce qui fait la différence entre une économie qui bat de l'aile et celle qui marche bien, c'est la confiance. Nous ne pouvons pas la rétablir avec le galimatias technocratique et financier qui a cours aujourd'hui.
L'article 6 gelait certaines prestations : attention à ne pas pénaliser les ménages, dans un contexte économique difficile.
Malgré ces réserves, la majorité du RDSE votera ce collectif car être de la majorité signifie voter le budget.
Mais si le Gouvernement commet des erreurs, nous ne nous faisons pas faute de le dire car nous ne sommes pas des suiveurs impénitents. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Jean-Pierre Caffet. - On l'avait remarqué.
M. Philippe Dominati . - Bienvenue, monsieur Eckert, puisque c'est la première fois, que vous pratiquez l'exercice du collectif devant le Sénat. J'observe que vous êtes seul au banc du Gouvernement : le ministre de l'économie et des finances aurait pu vous accompagner.
Non seulement la croissance n'est pas au rendez-vous, mais en plus vous persistez à maintenir une hypothèse de 1 % quand le consensus est de 0,7 %. L'emploi n'est pas plus au rendez-vous, avec une croissance de 5 % du nombre de chômeurs en un an ; la situation industrielle est inquiétante : des pépites comme Alstom ou Lafarge sont en difficulté ; des grandes entreprises deviennent européennes ; le BTP souffre et le logement s'effondre, après la loi Duflot ; le tourisme et les transports connaissent aussi des difficultés. Le collectif va accroître le déficit.
Vous dépensez immédiatement les deux recettes exceptionnelles et inespérées que sont le produit de la lutte contre la fraude et la baisse des taux d'intérêt parce qu'il vous manque 4 milliards. Vous abordez ce collectif en oubliant l'essentiel : les effectifs. La Cour des comptes l'a pourtant pointé. La France compte 90 agents pour 1 000 habitants, contre 50 agents en Allemagne. Cela devrait vous faire réfléchir. Le jour de carence, cela a été dit, rapporterait 200 millions. Et puis, où est donc passée la grande réforme fiscale annoncée par le Premier ministre Ayrault ? À quoi sert ce collectif ? Je note que des mots comme entreprises ou compétitivité sont enfin employés dans le discours gouvernemental. Il va falloir accélérer mais au Gouvernement, certains ont le pied sur le frein, d'autres sur l'accélérateur : le tête-à-queue est inévitable... Monsieur Eckert, vous êtes le troisième ministre du budget. Je vous souhaite de poursuivre le virage libéral et de le dire clairement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Richard Yung . - Alors ? À quoi sert ce collectif ? Quand le Gouvernement n'en présente pas, vous lui reprochez d'avancer masqué. Quand il en présente, ce ne serait qu'un rideau de fumée ! Ma parole, c'est Othello !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La saison des festivals a commencé !
M. Richard Yung. - Les résultats espérés ne sont malheureusement pas au rendez-vous et l'on vous propose quelques correctifs : c'est bien de la transparence. Un plan de 50 milliards d'économies seulement ? Vous proposez 100 milliards d'économies, M. Dassault 250 milliards ! Comment ferez-vous ? L'un de vos mentors, M. Fillon, il y a quelques années, parlait de réduire les effectifs de la fonction publique, de fusionner départements et régions, communes et communautés de communes : plus un mot maintenant...
Vous voulez des réformes ? Voyez comment cela fonctionne : on en propose une et le Medef monte au front !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est le mur d'argent !
M. Richard Yung. - En France, compromis est égal à trahison. Apprenons à dialoguer.
M. Francis Delattre. - C'est Bad Godesberg !
M. Richard Yung. - Monsieur le ministre, nous, Français de l'étranger, serions ravis de participer à un groupe de travail sur les questions de fiscalité qui nous concernent. L'impôt sur les sociétés est devenu incompréhensible avec cinq ou six taux différents. C'est l'occasion de travailler à une convergence européenne. Soit, l'invoquer ressort des vaches sacrées. Il n'empêche, c'est une idée de bon sens. Peut-être pourrait-on commencer par les banques puisqu'il existe une union bancaire...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Parlez-en à M. Juncker !
M. Richard Yung. - Nous le convaincrons. Il y a de grands pays européens, proches, qui partagent nos vues. Attendons le rapport pour décider quoi que ce soit sur la taxe de séjour, dont l'augmentation n'est pas une bonne idée. Quelques secondes encore pour dire que le groupe socialiste votera le collectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Francis Delattre. - Nous voilà rassurés !
M. Dominique de Legge . - La défense ne devrait pas être l'éternelle variable d'ajustement budgétaire en France. Pourtant, elle concentre 60 % des suppressions d'effectifs dans la fonction publique.
Le 8 janvier dernier, le président de la République s'engageait à respecter la loi de programmation militaire. M. Le Drian, dans des termes militaires, disait le 22 novembre 2013, cette loi « blindée ». Et pourtant, 350 millions d'euros de gel iront à la réserve de précaution.
Le ministère financera en partie les Opex, ce qui est totalement contraire aux engagements pris. Encore faudrait-il que le chiffrage soit sincère, je salue le contrôle sur place et sur pièces décidé par notre commission de la défense. Déjà, l'an dernier, 650 millions avaient été annulés. Certes, 250 millions d'euros ont été prélevés sur le PIA pour financer la recherche du CEA. Reste que c'est une entourloupe parce que le compte n'y est pas : 650 millions et 350 millions en moins, contre 250 millions en plus. D'ailleurs, comme le disait devant nous le commissaire aux investissements d'avenir, ceux-ci sont destinés à financer l'avenir, pas le présent, et encore moins le passé ! C'est de la cavalerie budgétaire ! (M. Christian Eckert, ministre, le conteste) Le groupe UMP ne votera pas ce budget insincère. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Berson . - L'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 intervient alors que le monde de la recherche exprime une grave inquiétude. Le 11 juin 2014, le Comité national de la recherche scientifique a lancé un cri d'alarme. L'emploi scientifique se dégrade dans les laboratoires et les universités. Au CNRS, 400 postes d'enseignants-chercheurs étaient ouverts en 2010, 300 en 2013 - 200 le seront sans doute en 2017. La situation est encore plus grave pour les ingénieurs de recherche et les techniciens. Tous les organismes sont touchés, de même que l'université où les recrutements de maîtres de conférences et de professeurs ont diminué de 25 % entre 2010 et 2013.
À budget constant, la pyramide des âges raréfie naturellement le nombre de départs à la retraite et l'embauche de remplaçants ; les politiques menées sous le président Giscard d'Estaing et le gouvernement Barre expliquent également ces évolutions, de même que les départs hors retraite non remplacés. Entre 2012 et 2017, le nombre de départs à la retraite à l'Inserm va baisser de 50 %. Le CNRS a perdu 653 postes entre 2007 et 2012. Ces perspectives risquent de dissuader toute une classe d'âge de s'engager dans la voie de la recherche et d'hypothéquer l'avenir. Qualité et dynamisme des équipes risquent d'en pâtir. Cette situation ne peut qu'interpeller le Gouvernement.
Le président de la République a déclaré la sanctuarisation du budget de la recherche. Mais maintenir les dépenses à leur niveau actuel, au vu du dynamisme de certaines d'entre elles, impose de faire 1,6 milliard d'économies par an.
Un plan d'action s'impose. Il est possible de financer la création d'emplois publics par un plafonnement du crédit d'impôt recherche (CIR), qui coûte en 2014 à l'État 5,8 milliards d'euros - son montant devrait dépasser, comme chaque année, les prévisions et devrait atteindre 7 milliards en 2015-2016. Depuis 2008, son coût a triplé, ce qui est peu compatible avec la situation des finances publiques, d'autant que les dépenses de recherche des entreprises progressent nettement moins vite que lui...
Le président de la République a sanctuarisé le CIR. Mais le déséquilibre s'accroît entre financement public de la recherche privée et financement public de la recherche publique. Un plafonnement du CIR à 5 ou 5,5 milliards permettrait de financer un plan de soutien et la création chaque année pendant cinq ans de 2 000 postes. Alors que nous nous apprêtons à adopter une stratégie nationale de recherche un plan national pour l'emploi scientifique public est devenu une ardente obligation.
En dépit de ces remarques, je voterai le projet de loi de finances rectificative pour 2014, et forme le voeu que le projet de loi de finances pour 2015 aille dans le sens que j'ai indiqué. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Dassault . - Je lance un cri d'alarme. Notre France est en faillite, sa dette atteint 2 000 milliards cette année. Jusqu'où ira-t-elle ? Son plafonnement serait utile. Ses intérêts mobilisent 45 milliards, ce qui est considérable. Et elle ne pourra jamais être remboursée. Il faudrait, en effet, à l'équilibre, 200 ans pour la résorber !
La Cour des comptes formule des avertissements, mais vous n'en tenez jamais compte ! Vous embauchez des fonctionnaires au lieu d'en diminuer le nombre. Vous auriez dû prévoir une croissance de 0 %, vous n'auriez eu que de bonnes surprises...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très juste !
M. Aymeri de Montesquiou. - Très bien !
M. Serge Dassault. - Et la situation va empirer ! Les agences de notation se lasseront bientôt de notre passivité. Notre note va baisser, les taux vont augmenter et ce sera la cessation de paiement.
Il existe des solutions : porter temporairement la TVA à 23 % - 20 milliards économisés par an -, revenir à une durée légale du travail de 39 heures - 21 milliards économisés par an -, ou encore, je vais vous surprendre, instaurer une flat tax...
M. Jean-Pierre Caffet. - À la Thatcher !
M. Serge Dassault. - ... comme en Russie, où s'applique un taux unique de 13 % ! Au taux de 15 %, elle rapporterait 200 milliards, plus que la CSG et l'impôt sur le revenu cumulés. La CSG d'ailleurs, n'est-elle pas une sorte de flat tax ?
Une telle mesure restaurerait le consentement à l'impôt, réduirait la fraude à néant et attirerait les investisseurs. Je vous propose, monsieur le ministre, de constituer pour y réfléchir une mission parlementaire ou un groupe de travail. C'est nécessaire pour la France, son économie, ses emplois et pour tous les Français. (Applaudissements à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je vous remercie pour la qualité de vos interventions. M. Sapin et moi-même étions à la grande Conférence sociale : je l'ai quittée pour le plaisir de vous retrouver... Je serai au côté de Mme Touraine la semaine prochaine pour la première partie du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Je remercie M. le rapporteur général de son soutien et de son rapport de qualité. Oui, courage, cohésion, constance. J'ai bien noté son encouragement à préserver les investissements, notamment d'avenir et à réduire les inégalités. Il a raison.
S'agissant de l'article liminaire, d'aucuns ont parlé de discours abscons...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - De galimatias !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - ... de bavardage d'économiste... L'essentiel est de nous en tenir à notre trajectoire pluriannuelle, il serait fautif de s'en écarter. Le Gouvernement sera favorable aux amendements qui rétablissent la rédaction originelle, qui sera ainsi la même dans le projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ne fragilisons pas la construction de nos textes financiers.
Monsieur Marini, vous avez évoqué de nombreux sujets, comme d'habitude... Vous nous reprochez de calibrer nos économies d'après l'évolution tendancielle des dépenses. M. Doligé nous le reproche également. Mais cela s'est toujours fait ! Les standards européens et internationaux comptabilisent de même. Comment pourrions-nous faire autrement ? Il ne serait pas de bonne gestion de ne pas prévoir en temps de crise - ou de chercher à prévoir - l'évolution de certaines dépenses sociales comme le coût du chômage partiel. Si nous ne le faisions pas, vous nous le reprocheriez.
Certes, la croissance potentielle est difficile à estimer et peut dépendre de facteurs subjectifs ; mais à nouveau, tout le monde s'y réfère, et depuis longtemps.
La fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale est une proposition ambitieuse. Le débat d'orientation des finances publiques permet déjà de prendre en compte les enjeux qui leur sont communs ; de même à l'automne le projet de loi de programmation des finances publiques.
M. Gattolin craint l'impact des économies. D'autres fustigent, plus généralement la puissance des financiers de Bercy et évoquent des documents cachés, jusqu'aux visites de la commission des finances de l'Assemblée nationale ou de la commission de la défense du Sénat au ministère. Je ne commenterai pas les commentaires de ceux qui croient avoir récupéré des chiffres secrets... J'ai accueilli les parlementaires, souhaite votre collaboration et suis favorable à la transparence. J'ai moi-même été parlementaire et rapporteur général, j'ai toujours obtenu les documents réclamés. J'ai même prévu avec une de vos délégations de renouveler l'expérience à un rythme raisonnable. Les visites faites dans les formes se passent toujours bien.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce n'est pas toujours le cas ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je ne faisais référence à aucune visite en particulier...
Sur l'écotaxe, le Gouvernement a fait un choix et l'assume. S'il y a besoin de financements complémentaires, ils seront proposés au Parlement dans le projet de loi de finances 2015.
S'agissant de la taxe de séjour, j'ai dit devant l'Assemblée nationale que le Gouvernement aurait préféré attendre le projet de loi de finances 2015 ; mais, la demande étant assez partagée, je m'en suis remis à la sagesse. Le Gouvernement aura la même position au Sénat. La question mérite d'être approfondie pour trouver une solution équilibrée, sinon pendant la navette, du moins d'ici la loi de finances initiale pour 2015.
M. de Montesquiou a prononcé un réquisitoire...
M. Aymeri de Montesquiou. - Indulgent !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Un réquisitoire tout de même !
Certains se sont demandé à quoi sert un projet de loi de finances rectificative... À prendre des décisions ! S'il s'agit seulement de constater et de ne rien changer, ce n'est pas la peine. Nous n'en avons pas présenté l'année dernière parce que n'avions pas l'intention de prendre des mesures fiscales ou budgétaires.
Nous ne finançons pas les baisses d'impôts par des mesures one shot, comme disent certains. L'assiette de l'ISF s'accroîtra du fait de la lutte contre la fraude - certes pas à hauteur des dépenses fiscales à financer mais on peut en attendre 250 millions de recettes pérennes. Pour les ménages modestes, la baisse d'impôt proposée ici pourra céder la place, par exemple, à une refonte du bas du barème, inspiré du rapport Lefebvre-Auvigne. Les relations fiscales entre la France et Jersey et Guernesey se sont nettement améliorées, peut-être les échos dans la presse de certaines y sont-elles pour quelque chose... Vous comprendrez que je ne puisse en dire davantage.
Je remercie M. Collin de son soutien.
M. Delattre n'a pas fait dans la dentelle !
M. Francis Delattre. - Je peux faire pire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le HCFP a trouvé nos hypothèses globalement réalistes, aléas budgétaires mis à part.
Sans tomber dans l'angélisme, la situation des finances publiques est moins mauvaise qu'il y a deux ans. À l'époque, on craignait que les marchés nous lâchent, le déficit du budget de l'État était deux fois plus important...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Et le ratio de la dette sur PIB ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Réduire le déficit de moitié, on peut difficilement appeler ça un dérapage ! Reconnaissez, avec honnêteté, qu'un pas a été fait, que la réduction des déficits s'est amorcée. Je ne vous demande pas votre soutien politique, mais n'entretenez pas une défiance infondée chez les acteurs économiques et sociaux de notre pays. Il serait bon de temps en temps de valoriser ce qui a été fait.
Monsieur Germain, j'ignore si le cannabis prospère dans cette maison... (Sourires) J'ai en revanche entendu votre message sur le vague à l'âme.
Monsieur Delahaye, les collectivités territoriales ne sont pas concernées par ce projet de loi de finances rectificative.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Et la baisse des dotations ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Les lois de finances à venir préciseront le détail des mesures d'économies que nous serons amenés à prendre.
Madame Bricq, c'est vrai, nous n'avons pas modifié les indicateurs macroéconomiques. Le FMI s'est prononcé sur la croissance il y a quelques jours seulement : nous remettrons les choses en ordre si nécessaire en collectif de fin d'année.
Je remercie M. Fortassin de son soutien ; j'ai répondu sur l'article liminaire.
Monsieur Dominati, l'absence du ministre des finances n'est que temporaire, je l'ai dit. Je reviendrai sur les questions de défense. Monsieur Yung, je suis favorable à la création des groupes de travail parlementaires sur les questions relatives aux Français établis hors de France.
Les propos de M. de Legge sont excessifs. La loi de programmation militaire sera respectée comme le volume des investissements de défense. Mais cela n'exonère pas le ministère de la défense de rechercher des économies de fonctionnement. Le ministère de l'éducation nationale, considéré comme prioritaire, n'en réfléchit pas moins sur les économies à réaliser. Mais nous reparlerons de la défense en loi de finances initiale pour 2015.
Monsieur Berson, la recherche et l'investissement sont les conditions de la prospérité de notre pays, nous sommes attentifs à l'évolution des crédits qui leur sont consacrés. Vous verrez dans les jours qui viennent que les lettres-plafond permettront de respecter les engagements du président de la République.
Monsieur Dassault, je connais vos propositions révolutionnaires... Le Gouvernement s'inscrit dans une démarche différente.
L'intention du Gouvernement est d'engager avec le Sénat un débat de fond.
La discussion générale est close.
Candidatures à une éventuelle CMP
M. le président. - La commission des finances a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 actuellement en cours d'examen. Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4 du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Les membres de la commission des finances sont impatiemment attendus dans notre salle de travail pour examiner les 140 amendements restants...