Formation professionnelle des demandeurs d'emploi (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Jean Desessard à M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi.
M. Jean Desessard, auteur de la question . - Par ce débat, je souhaite interpeller le Sénat et le ministre sur la formation des chômeurs. En septembre 2013, le Conseil d'orientation pour l'emploi estimait à 400 000 le nombre d'emplois non pourvus. Rendez-vous compte ! Mon sang n'a fait qu'un tour et beaucoup d'encre a coulé.
On a fustigé, à droite, le coût du travail, qui serait trop élevé, ou la rigidité du marché du travail ; à gauche, l'inadéquation de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Pour comprendre, j'ai reçu les associations de chômeurs, les syndicats, le patronat ; je suis allé à Pôle emploi. Il en ressort que ce phénomène tient à plusieurs causes. D'abord, la situation économique qui conduit des entreprises à interrompre un processus d'embauche : ce serait le cas pour un tiers d'entre elles, selon une enquête auprès de 772 TPE et PME. Ce ne sont pas des emplois non pourvus mais des postes qui n'existent plus ou n'ont pas été créés.
Ensuite, l'attractivité subjective d'un emploi qui tient aux représentations sociales qui s'y attachent. Le maçon est vu comme exerçant une tâche éreintante, à manier des parpaings dans un environnement dangereux. Cette image est datée, le métier a beaucoup évolué ; il s'est beaucoup mécanisé ; il a développé des compétences connexes avec d'autres corps d'État comme les couvreurs ; il prend en compte les enjeux les plus modernes, comme le développement durable. Ce serait, paraît-il, un métier sous tension ? Je suis allé chercher dans la base de données de Pôle emploi qui a 3 millions de CV de demandeurs. En cinq minutes et quelques clics - ce que chacun peut faire - j'ai trouvé 1 045 CV de maçons proposés pour la seule Côte-d'Or, chère au ministre, et 19 000 au niveau national. Faut-il comprendre que la base de données n'est pas actualisée ou mettre en cause l'affirmation selon laquelle le métier de maçon serait sous tension ? Personne ne le sait. Reste que les images attachées à certains métiers évoluent : Pôle emploi réhabilite auprès des chômeurs ces emplois mal considérés, le Medef aussi qui va lancer la série « Beau métier » en 115 épisodes d'une minute en décembre.
L'attractivité est aussi une notion objective, liée aux conditions de travail, à la stabilité de l'emploi, à la rémunération proposée. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que les 400 000 emplois non pourvus sont loin d'être tous des CDI de 35 heures. C'est clairement le cas dans l'hôtellerie, la restauration ou les BTP.
Autre cause possible des emplois non pourvus : une inadéquation des compétences des demandeurs d'emploi aux postes. Nous touchons là à notre sujet : la formation initiale délivrée par l'éducation nationale et la formation continue.
La première est primordiale : le programme Compétences clés, pour rehausser la maîtrise de l'informatique par exemple, connaît un tel succès qu'il faut refuser des candidats.
La formation professionnelle intéresse notre ministre au plus près. Le système est compliqué, il y a beaucoup à dire et c'est là que les difficultés commencent. L'Inspection générale des affaires sociales a regretté de ne pouvoir évaluer l'efficacité du dispositif dénoncé en août 2013, mais n'a pu avancer le moindre chiffre. Les conseillers de Pôle emploi ne s'y retrouvent pas, si bien que les informations données aux chômeurs sont insuffisantes.
J'ai eu beau chercher, je suis incapable de dire quel est réellement le nombre de postes non pourvus et le poids respectif de chaque facteur explicatif. Peut-être le ministre nous le dira-t-il ?
Cette ignorance nous empêche de mesurer l'efficacité des moyens consacrés à la formation professionnelle, ce qui serait pourtant indispensable pour orienter les demandeurs d'emploi vers les emplois d'avenir dans la transition énergétique. On navigue à vue.
Le Gouvernement a lancé un plan de formation prioritaire pour l'emploi, doté de 200 millions. Nous avons atteint 35 000 stagiaires en décembre 2013, si bien que le Gouvernement s'est fixé pour nouvel objectif 100 000 stagiaires. C'est louable, manque pourtant toujours un tableau de bord grâce auquel faire correspondre formation professionnelle et besoins des demandeurs d'emploi. Monsieur le ministre, comptez-vous vous doter de cet indispensable tableau de bord ? (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Aline Archimbaud . - M. Desessard a interpellé avec conviction le ministre. Pour ma part, je profiterai de ce débat pour souligner l'importance de la formation des personnes en situation de handicap.
La plupart des établissements d'enseignement supérieur, malgré la loi de 2005, leur sont physiquement inaccessibles. Résultat, 51 % d'entre elles n'ont aucun diplôme supérieur au BEPC, contre 31 % dans la population générale.
Elles connaissent le chômage à 21 %, plus du double que dans la population totale. Selon l'Association des Paralysés de France, le nombre de personnes en situation de handicap qui se trouvent sans emploi a bondi de 75 % en cinq ans. La représentation que les entreprises se font du handicap est encore trop négative. Le recours aux Esat et aux entreprises adaptées pourrait s'inscrire dans la durée à condition de mieux informer les entreprises sur la possibilité de sous-traitance. La condition est, naturellement, le maintien du soutien public. Or j'avais déjà alerté sur ce sujet : 30 à 40 % des Esat étaient déficitaires en 2013.
Concernant la formation individuelle, la loi du 14 mars 2014 a apporté des avancées : le bénéfice pour les travailleurs handicapés du compte individuel de formation et la possibilité de bénéficier d'un congé maladie. Ces deux mesures doivent maintenant devenir opérationnelles. Insistons, enfin, sur l'apprentissage dont l'Agefiph documente le succès : plus de 50 % d'embauche à la clé.
L'emploi des personnes en situation de handicap sera l'un des thèmes majeurs de la prochaine conférence sociale, nous espérons que le Gouvernement prendra des mesures pour rehausser le niveau de leur qualification. (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Noël Cardoux . - Les ministres changent, les discours optimistes sur la courbe du chômage demeurent. M. Sapin donnait une date pour l'inflexion de cette courbe ; vous vous contentez de l'annoncer « prochaine ». Je vois dans cette prudence une marque de la sagesse sénatoriale. (Sourires)
Devant un tel optimisme, la question de M. Desessard semblait superflue, voire quelque peu décalée après l'adoption de la loi sur la formation professionnelle. En réalité, elle est parfaitement fondée et d'actualité malgré le projet de loi de M. Sapin, qui, comme ceux sur les emplois d'avenir ou les contrats de génération, a été adopté selon la procédure accélérée, sans concertation ni évaluation. Résultat, une insuffisance de moyens dédiés à la formation professionnelle : le fonds de sécurisation des parcours professionnels passe de 600 millions à 900 millions, une hausse qui n'est qu'apparente car les cotisations baissent simultanément.
Ensuite, nous demandions un abondement du compte individuel de formation à partir de 250 heures, et non de 150 heures. Les régions n'ont pas le budget... M. Sapin avait écarté cette réserve en déclarant que cette mesure se fondait sur un « pari ». Un pari dans une loi ? C'est pour le moins gênant. Notre amendement sur les deux listes de formations qualifiantes plutôt que trois ? Rejeté ! Notre proposition de jumeler une offre de formation qualifiante à celles de formation « connaissances de base », de bon sens, n'a pas plus été retenue.
L'apprentissage est marqué par le désengagement de l'État, nous vous l'avions dit. Cela fait beaucoup ; si vous nous aviez écoutés, on aurait peut-être pu apporter un petit plus à la situation actuelle.
L'actualité, c'est le bras de fer entre l'État et les chambres de commerce et d'industrie ; la réduction de leurs moyens entraînerait la suppression de 100 000 à 70 000 postes d'apprentis, sans parler des formations pour la reconversion des chômeurs.
L'actualité, c'est aussi la réforme territoriale. Avec des super-régions, de véritables usines à gaz, nous perdrons la proximité, si importante pour les chômeurs.
La responsabilité est partagée car l'actualité, c'est enfin l'échec du RSA activité : 70 % des personnes éligibles au dispositif ne le demandent pas. Quant au RSA socle, un très faible pourcentage de bénéficiaires ont trouvé un emploi en passant par le RSA activité. Idem pour la prime pour l'emploi, très peu incitative à la recherche d'emploi, car versée sans véritable contrepartie. Le calcul est vite fait : quand on compare les plus et les moins, mieux vaut rester chez soi. Si l'on récupérait les sommes consacrées à ces deux dispositifs, on pourrait bâtir une politique cohérente pour la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. Beaucoup le disent tout bas, avançons désormais !
Puisse M. le ministre, dans sa sagesse sénatoriale, retenir quelques-unes des modestes propositions que je lui ai faites à l'occasion de ce débat !
M. Hervé Marseille . - En février dernier, le Gouvernement nous proposait d'examiner un projet de loi sur la formation professionnelle. L'objectif affiché était de cibler les efforts sur ceux qui ont le plus besoin. Le simple fait que M. Desessard pose une question sur l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi suffit à montrer que le but n'est pas atteint. Alors que 32 milliards d'euros sont investis chaque année, et malgré le fait que les grandes entreprises consacrent le double de leurs obligations légales à la formation professionnelle, les résultats sont très faibles pour les moins qualifiés.
On a traité le problème sous le seul angle financier, sans prendre en compte le contrôle et la certification des organismes de formation. Vous vous souvenez du reportage réalisé par le magazine Cash Investigation qui montrait à juste titre l'absence totale de contrôle.
Pourquoi 400 000 postes non pourvus ? La disparité de l'offre selon les régions, la dérive de la formation professionnelle en raison d'un encadrement juridique approximatif, l'absence d'accréditation des organismes - notre amendement a été malheureusement supprimé en CMP.
Cette déficience du système de la formation professionnelle est corroborée par l'Igas, qui révèle qu'il ne bénéficie que très partiellement aux personnes qui en ont le plus besoin. Hélas, nous n'avons pas été entendus quand nous avons défendu des amendements pour abonder le Compte personnel de formation de manière inversement proportionnelle au niveau de qualification. Nous voyons la formation professionnelle comme une seconde chance. Le législateur aurait dû aller plus loin. Surtout, la formation a été transférée à la région. Comment celle-ci pourra-t-elle, avec la réforme territoriale, bâtir une politique de formation cohérente ? Il faudra absolument, à l'occasion de la nouvelle carte, compléter le système de formation professionnelle.
M. Dominique Watrin . - L'échec est patent, la courbe du chômage ne s'est pas inversée : la France métropolitaine compte 5 millions de chômeurs, 9,7 % de la population active ; les plus jeunes et les plus âgés sont les plus touchés : le taux de chômage des moins de 25 ans est de 23 %. D'une manière générale, les précaires sont les plus soumis aux aléas économiques. Pourquoi les contrats qui leur sont destinés ne fonctionnent-ils pas ? Il faudra bien, un jour, poser la question.
Si le meilleur rempart contre le chômage est la formation initiale, la formation professionnelle joue un rôle essentiel. La proratisation du Congé individuel de formation en éloigne les précaires : 66 % des diplômés à bac+2 ont effectué une formation en 2012, contre 25 % des personnes sans diplôme. La formation professionnelle profite essentiellement aux cadres, alors qu'elle devrait s'adresser d'abord aux demandeurs d'emploi.
En réalité, les fonds dédiés à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi sont très faibles : 900 millions, avec la hausse récente de 300 millions. Cela ne représente que 12 % des sommes totales consacrées à la formation professionnelle. Autre barrière que le coût de la formation, celui des prérequis exigés des demandeurs d'emploi pour accéder à la formation professionnelle. Le rapport de l'Igas l'explique très bien.
Se pose le problème de l'accompagnement et du suivi de ces chômeurs.
Dans un rapport de 2013, la Cour des comptes déplore le manque de ciblage des contrats aidés et dispositifs de reclassement vers les plus précaires. Les sages de la rue Cambon constatent que le statut juridique demeure le principal critère d'accès au contrat de sécurisation professionnelle.
Nous appelons de nos voeux une transférabilité totale des droits de formation, y compris en cas de démission et une réelle sécurité sociale professionnelle, fondée sur les deux leviers : un renforcement inédit des fonds dédiés à la formation initiale et à la formation professionnelle, la sécurisation effective de l'emploi.
Bref, nous attendons une politique plus volontariste. Puisse ce débat convaincre le Gouvernement de s'y engager. (M. Jean Desessard applaudit)
Mme Karine Claireaux . - La formation professionnelle est un des principes particulièrement nécessaires à notre temps, selon les propres termes du Préambule de 1946. Notre économie s'est métamorphosée depuis vingt ans. Chacun doit y faire face, la formation professionnelle est devenue essentielle, sinon stratégique, faute de quoi l'obsolescence des connaissances et du savoir-faire pénalisera entreprises et salariés.
De là, l'élévation de la formation professionnelle au rang d'obligation nationale à l'article L. 171-1 du code du travail. Dans son rapport du 5 avril 2014, M. Jeannerot insistait aussi sur son importance pour les demandeurs d'emploi. Certes, la formation professionnelle n'est pas la panacée, mais il est établi que les chômeurs formés dans des domaines précis retrouvent plus vite un emploi.
Et pourtant, les moyens sont restés insuffisants : 13 % des dépenses de formation professionnelle pour les chômeurs, selon la Cour des comptes, une part en baisse depuis 2000. L'Igas a fait le même constat en septembre 2013 : une hausse du chômage de 19,7 % entre 2005 et 2011 et une entrée des chômeurs en formation diminuant de 8,67 %.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a réagi, par la loi de sécurisation de l'emploi. Création du compte personnel de formation, renforcement du rôle des régions : autant d'avancées remarquables. Un Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelle vient remplacer des dispositifs épars.
Reste la question des moyens et celle de la nature de l'offre. Le président de la République l'a dit : tous les chômeurs doivent se voir offrir une formation avant deux mois. Il a aussi annoncé un effort exceptionnel pour pourvoir 30 000 emplois : 185 millions d'euros y ont été consacrés, grâce à l'apport de l'Union européenne. En même temps les moyens en personnel de Pôle emploi ont été renforcés.
L'effort doit aussi être qualitatif, les formations dispensées adaptées aux besoins. Les plus éloignés de l'emploi doivent d'abord se voir offrir des formations à des compétences « transverses » générales. L'Igas préconise un support électronique rénové, et le développement de la formation à distance, la modularité des formations tout au long de l'année, le travail en réseau des organismes de formation - le champ des innovations est vaste.
Dans une société en pleine mutation, frappée par le chômage de masse, la formation professionnelle doit devenir un levier puissant pour les emplois de demain, liés aux transitions énergétique et démographique. Elle doit s'inscrire dans une logique d'anticipation.
Je sais, monsieur le ministre, votre détermination à lutter contre le chômage et à améliorer l'offre de formation à destination des chômeurs. Cette volonté se traduira-t-elle dans la nouvelle convention tripartite État-Unedic-Pôle Emploi ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Françoise Laborde . - Qu'une réforme de la formation professionnelle fût devenue urgente, chacun le constatait : l'un de nos anciens collègues du RDSE, le sénateur Bernard Seillier, avait dénoncé dès 2007 les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnement et corporatisme. Comment ne pas citer aussi le rapport de Gérard Larcher ou encore le constat sévère dressé par l'Igas en 2013.
Malgré des moyens considérables, le système bénéficie d'abord à ceux qui en ont le moins besoin, délaissant les demandeurs d'emploi : le retour à l'emploi, autant que la compétitivité des entreprises, passent pourtant par l'élévation de la qualification. Accéder à la formation, pour un chômeur, relève du parcours du combattant. Vingt pour cent seulement en bénéficient, contre 50 % des salariés. Je me félicite donc de la réforme votée il y a quelques mois, qui a créé un compte personnel de formation attaché à la personne et non au poste et porté les moyens de 600 à 900 millions d'euros.
La France n'en souffre pas moins de l'inadéquation de l'offre de formation et des besoins de l'économie : 500 000 emplois resteraient non pourvus, au risque de la délocalisation de ces activités. Pourtant, Pôle emploi adresse désormais un questionnaire à plus de 1,5 million d'employeurs pour connaître leurs besoins.
Ce décalage doit être comblé. C'est l'esprit du plan de formation prioritaire lancé par Michel Sapin. Le bilan est positif, puisqu'il y a eu plus de 35 000 entrées en formation. Le Premier ministre a annoncé 100 000 entrées supplémentaires en 2014. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social . - Merci à M. Desessard d'avoir lancé ce débat. J'essaierai de ne pas vous faire une réponse formelle.
Vous avez cité des exemples éloquents, y compris puisés dans mon département de Côte-d'Or. La difficulté de pourvoir certains postes n'a pas qu'une seule cause. L'estimation la plus communément admise chiffre ces postes non pourvus à 400 000 : 150 000 offres d'emploi échouent faute de compétences adéquates.
Les partenaires sociaux ont élaboré un socle de formation professionnelle, pour les salariés comme pour les demandeurs d'emplois. Des efforts seront faits pour l'orientation. Pour les personnes handicapées aussi, madame Archimbaud, auxquelles sont réservés 6 % des emplois - mais certaines entreprises préfèrent verser une contribution financière plutôt que de s'acquitter de cette obligation. Rappelons aussi qu'un stagiaire handicapé perçoit une rémunération deux fois et demie supérieure à la normale, presque le smic. C'est signe de notre engagement. L'Agefiph et la Fiph participent au plan « Formation prioritaire ».
Brocarder est facile, monsieur Cardoux, et vous l'avez fait avec modération. Reste que la courbe du chômage s'est effectivement inversée en 2013, avec un taux de chômage réduit de 0,2 point. C'est insuffisant, sans doute. Mais c'est la réalité ! Il nous faut maintenant faire baisser le nombre de chômeurs.
Une succession de textes préparés dans la précipitation, dites-vous ? Tous les projets de loi présentés n'ont fait que transposer des accords passés entre partenaires sociaux.
Un effort particulier est fait pour l'apprentissage, la relance est là. En 2015, les régions toucheront une part de la taxe d'apprentissage, pour laquelle on constatait beaucoup d'évasion en raison du prélèvement sur la collecte par certains collecteurs : 50 millions d'euros de plus seront consacrés à l'apprentissage en 2015, 150 millions d'euros en 2016.
Pour les demandeurs d'emploi, l'État, et c'est la première fois, a dégagé 50 millions d'euros en 2013 avec le plan « 30 000 formations prioritaires », et 50 millions de plus en 2014 avec le plan « 100 000 formations prioritaires ».
Le CPF, nous y croyons. Ne le condamnons pas avant qu'il ait vu le jour. Un amendement de Mme Jouanno a été adopté pour mieux contrôler les organismes de formation - 150 agents de la Direccte s'y consacrent déjà.
Grâce au CPF, les chômeurs conserveront enfin leurs droits acquis !
Oui, la formation doit s'adresser aussi aux demandeurs d'emploi.
M. Watrin a raison : sans chômage, ce serait mieux... (M. Jean Desessard s'amuse) Vous voyez dans les emplois aidés des emplois précaires, mais ils sont indispensables en temps de crise. Ces emplois d'avenir, assortis pour la première fois d'une obligation de formation, mettent le pied à l'étrier des jeunes.
Merci à Mme Claireaux pour la justesse de son analyse. J'ai demandé ce matin même aux directeurs régionaux de Pôle emploi d'accroître encore la personnalisation de l'accompagnement.
La formation professionnelle, comme l'a dit M. Desessard, obéit à une logique utilitariste, mais aussi adéquationniste : elle est d'abord, n'ayons pas peur de le dire, au service de l'emploi. Cela n'enlève rien au fait que la formation professionnelle est un outil d'émancipation, un droit à la deuxième ou à la troisième chance. D'autant que l'école ne gomme plus toutes les inégalités et que l'ascenseur social peine parfois à redémarrer.
Lors de la deuxième conférence sociale, a été annoncé un plan « 30 000 formations prioritaires » qui repose sur la conjugaison des forces de l'État, des régions, de Pôle emploi et des partenaires sociaux. C'est une réussite : 36 000 entrées en formation de plus, dans les transports, la manutention, l'action sanitaire et sociale, l'hôtellerie, le commerce, la restauration... Un plan de 100 000 formations a été lancé pour 2014 : les derniers chiffres font état de 38 000 entrées supplémentaires, ce qui nous donne bon espoir.
La formation professionnelle est nécessaire, mais pas toujours suffisante. Souvent, c'est en exerçant un métier qu'il connaît qu'un chômeur est susceptible de retrouver un emploi. Des difficultés sont liées aux problèmes de mobilité, de logement, de conditions de travail, à l'image de certains métiers, aux discriminations liées à l'âge ou à la géographie...
La campagne « Beau travail » vient d'être lancée par le Medef. Les clips essaient d'améliorer l'image de certains métiers du bâtiment, par exemple. La prise en compte de la pénibilité, nécessaire, ne facilitera pas les choses...
La loi du 5 mars 2014 prévoit un service public régional de l'orientation pour faire connaître les besoins propres à chaque territoire. Parfois, il vaut mieux parler de métier que d'emploi : un métier est une source de fierté.
Un service de conseil en évolution professionnelle va s'adresser aux salariés comme aux chômeurs. Les demandeurs d'emploi doivent avoir les moyens de mûrir leur projet. L'employeur a aussi son rôle à jouer dans l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins : calibrer la fiche de poste, mieux définir les tâches et compétences exigées, anticiper ses besoins... Les petites entreprises y seront aidées par Pôle emploi.
Tournons-nous vers l'avenir aussi, en anticipant les emplois qui émergeront demain : c'est le sens de la reconstruction du Conseil national de l'industrie et des comités de filière. Un partenariat associant entreprises et organismes de formation doit apparaître, dans l'éolien offshore, la silver economy, la reconversion numérique...
Alors, quels moyens ? Fin mars 2013, à Blois, le président de la République demandait que les moyens de la formation professionnelle soient mieux orientés à destination de ceux qui en ont le plus besoin : les jeunes, les demandeurs d'emploi, les salariés en situation de précarité. La promesse a été tenue dans la loi réformant la formation professionnelle. Les fonds destinés aux demandeurs d'emploi passent de 600 à 900 millions d'euros, dont 300 millions par le biais du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les régions pourront y prendre leur part. Avec le contrat de professionnalisation, les demandeurs d'emplois pourront se former en alternance, un de nos chantiers prioritaires. Trop peu d'entreprises françaises - à peine 4 % - embauchent des apprentis, qui ont trois chances sur quatre de trouver, à l'issue de leur formation, un emploi.
Le compte personnel de formation ne dépend plus du statut, puisqu'il est attaché à la personne. C'est l'une de nos armes contre le chômage, inacceptable. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi notre société a choisi le chômage de masse... (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du groupe RDSE)
M. Jean Desessard, auteur de la question . - Merci à tous d'avoir complété ma question, et à M. le ministre d'y avoir répondu.
Il ne s'agissait pas pour moi de traiter de tous les aspects de la formation. Ma question était celle-ci : comment se fait-il, alors que chacun prétend donner priorité à l'emploi, qu'il y ait 400 000 emplois non pourvus ? Et d'abord, est-ce vrai ? On ne sait pas. Il nous faut un GPS, un tableau de bord. On est bien capable d'en avoir un pour conduire !
Certains emplois sont-ils assortis de conditions de travail trop pénibles ? Si c'est le cas, menons des recherches sur les robots pour alléger la tâche des aides-soignantes ! Le salaire est-il trop faible par rapport aux compétences exigées ? Réunissons les partenaires sociaux pour discuter d'une hausse des salaires ! La formation est-elle insuffisante ? Améliorons sa qualité ! Avec un tableau de bord, on pourrait agir. Vous êtes aux manettes, monsieur le ministre, mais il faut savoir quel levier actionner !
Il faut aussi un GPS prospectif, qui nous dise quels seront les métiers de demain. Qui le mettra en place ? Le ministère ? Pôle emploi ? Les partenaires sociaux ? On ne manque pas de gens très compétents en France - des sociologues, des économistes, que sais-je encore ! Encore faut-il les faire travailler ensemble, sous la direction d'un chef de bord. Il est invraisemblable qu'un pays comme le nôtre ne soit pas capable de pourvoir les emplois disponibles !
Prochaine séance lundi 16 juin 2014, à 15 heures.
La séance est levée à 18 heures.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques