Agriculture, alimentation et forêt
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.
Discussion générale
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - C'est avec plaisir que je prends la parole pour cette première lecture du projet de loi d'avenir pour l'agriculture devant le Sénat. Je connais l'assiduité, la pertinence, parfois l'impertinence, des sénateurs, leur connaissance de la ruralité.
L'agriculture participe pleinement au redressement productif de notre pays, tant au niveau national que régional. Cette loi ignorerait les dimensions économiques de l'agriculture, dit-on parfois. Comme si celle-ci échappait aux grands enjeux qui sont ceux de l'ensemble de notre économie ! Notre économie a reculé sur les marchés mondiaux. Ce constat est indiscutable ; il vaut aussi pour l'agriculture. Ce secteur sera donc pleinement concerné par le pacte de responsabilité. Le CICE, les baisses de charges, profiteront bien sûr au secteur agricole aussi. L'agriculture est donc partie prenante du redressement de la production en France. Elle a néanmoins une spécificité. L'agriculture n'est pas l'automobile : il n'y a pas que deux grands producteurs. L'agriculture, ce sont des paysages, des circuits plus ou moins courts, des exportations, différents niveaux de gamme, du luxe avec le champagne...
M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Et la clairette de Die !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - ... aux grandes quantités avec les céréales.
Dans le cadre de la réforme de la PAC, qui sera mise en oeuvre en 2015, nous devons redéfinir le cadre d'exercice de nos producteurs pour préparer l'avenir. Il fallait rationaliser les aides, compenser efficacement les handicaps, engager la mutation environnementale nécessaire. Nous aurons ce débat sur l'agro-écologie. La dimension environnementale doit se combiner avec les dimensions sociale et de compétitivité. Pour réunir cette triple mutation, il faut lancer la dynamique depuis les territoires eux-mêmes.
Les agriculteurs déplorent la quantité de normes à appliquer : nous devons les entendre. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit avec la préoccupation environnementale : baisser les consommations intermédiaires, consommer moins d'énergies fossiles, de phytosanitaires, d'antibiotiques, c'est bon pour l'environnement mais aussi pour l'équilibre économique des exploitations. Les Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) doivent porter cette dynamique, lui donner sens et réalité.
J'ai regardé le documentaire diffusé récemment sur l'histoire de l'agriculture française. J'ai été frappé par la magnifique diversité des terroirs, des hommes, des accents. La mutation de l'Agriculture a connu deux évolutions notables : le machinisme et la création des coopératives d'utilisation de matériel agricole, les Cuma. Il y a eu le remembrement. Habitant une commune de 256 habitants dans la Sarthe, je me souviens du traumatisme que cela fut pour les agriculteurs contraints d'abandonner des terres dont ils étaient propriétaires de longue date. À chaque époque sa responsabilité. La nôtre, c'est la triple mutation économique, environnementale et sociale.
Cette loi porte sur ce sujet. Nous devons aussi penser le développement agricole, favoriser les innovations techniques au moyen de l'enseignement agricole, dont il faut développer toutes les capacités. Nous avons eu des débats sur les OGM ; la recherche est un autre pilier de ce texte. Des changements ont déjà eu lieu à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), avec la création d'une chaire d'agro-écologie. Les services vétérinaires, la forêt, l'agronomie seront repensés pour donner tout son sens au ministère.
Je sais que le Sénat compte de nombreux spécialistes de la forêt. Assurer sa mutation, l'adapter aux évolutions actuelles, voilà notre objectif. Nous devons soutenir les producteurs, mettre en place des GIEE forestiers, pour organiser la production ainsi que la transformation. La forêt est une source d'emplois essentielle.
Je n'oublie pas les outre-mer. Chacun a ses spécificités régionales. Les productions ultramarines doivent également s'adapter aux contraintes environnementales et aux marchés mondiaux.
Ce texte ne néglige pas l'accès au foncier dans la perspective de l'installation des jeunes. Comment renouveler les générations ? D'abord, par la formation. Demain, des gens issus d'autres milieux viendront s'installer à la campagne pour devenir agriculteurs. Nous développerons le hors cadre familial, en favorisant l'installation.
M. Charles Revet. - Cela s'est toujours fait...
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Pas à ce point. La surface ne sera plus seule prise en compte pour aider à l'installation, car l'important, c'est la capacité de dégager un revenu. L'accès au foncier est un enjeu majeur. Le renforcement des Safer sera l'outil principal pour que nos jeunes puissent s'installer dans les meilleures conditions.
Cette loi donne un cadre, des perspectives ; elle adapte notre agriculture au nouveau système européen, bref elle prépare l'avenir. Elle donnera foi à nos jeunes en notre agriculture, comme nous avons confiance en elle. (Applaudissements sur tous les bancs de gauche)
M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Je félicite d'abord Stéphane Le Foll pour sa reconduite à ce poste, sa connaissance du terrain et de ses dossiers. Je souhaite la plus grande réussite au ministre de combat qu'il est. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
Les négociations relatives à la nouvelle PAC n'étaient pas gagnées d'avance. Aujourd'hui, le verre est plus qu'à moitié plein. On ne peut plus évoquer le budget agricole français sans évoquer le budget européen. Le ministère disposera de nouvelles marges de manoeuvre pour le couplage des aides directes et la modulation des aides en fonction de la surface.
Comment parler d'agriculture sans évoquer ceux qui en vivent ? Agriculture et agroalimentaire sont désormais regroupés au sein du ministère de Stéphane Le Foll, car ce sont deux piliers de notre économie.
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qu'avait défendue M. Le Maire comptait nombre d'aspects positifs ; il fallait seulement aller encore plus loin. Celle-ci ne la remet pas en cause, elle franchit un pas supplémentaire.
Fils et filles d'agriculteurs pour la plupart, nous connaissons l'histoire de nos campagnes, les difficultés rencontrées par les producteurs. N'opposons pas les cultures entre elles, le bio au conventionnel, la plaine à la montagne, les circuits courts et les longs, l'enseignement agricole public et le privé... Cette loi cherche à gagner sur deux tableaux : production et respect de l'environnement. Personne ne pourra s'abstraire de l'agro-écologie. Nous devons continuer à produire plus, mais il faut aussi produire mieux : c'est une demande de l'Europe et de nos concitoyens.
Cette loi ne tourne pas le dos à la compétitivité, qui fait l'objet de ses premiers articles. L'agriculture de demain doit être productrice, rémunératrice, nourrir nos concitoyens et continuer de contribuer au rééquilibrage de notre commerce extérieur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Si nous partageons ce constat, nous irons dans le bon sens. La jeunesse est l'avenir de notre agriculture. Les moins de 40 ans représentent moins d'un quart de nos agriculteurs. La moyenne d'âge des agriculteurs est supérieure à 50 ans. Si nous ne faisons rien, nous allons vers la fin de notre agriculture. Quatre cinquièmes des installations se font hors cadre familial. Des mesures fortes pour le renouvellement des générations et l'accès au foncier sont indispensables : elles figurent dans ce texte. L'enseignement agricole tient dans ce cadre une place centrale. Notre enseignement agricole, public comme privé, est un joyau qui garantit presque systématiquement un emploi. Ce texte promeut un enseignement dynamique, celui dont nous avons besoin.
L'innovation ne se décrète pas. Elle peut prendre des formes diverses : amélioration variétale, gestion des intrants, biocontrôle, semis, autonomie fourragère... Les initiatives foisonnent. Les GIEE sont les outils adéquats pour les soutenir. L'innovation passe par la recherche autant que par les territoires. Nous devons avancer de concert avec les autres pays d'Europe en la matière.
Le Premier ministre, cet après-midi, nous a invités à éviter les exclusives et à avoir de vrais débats. Sur les OGM, par exemple, nous devons aller de l'avant. N'ayons pas peur du dialogue.
Nous avons abordé ce texte sans dogmatisme, avec pragmatisme. « Est-ce bon pour les agriculteurs ? » est la seule question qui nous a guidés. La commission a assigné aux GIEE un triple objectif, économique, environnemental et aussi social. Le bail environnemental a été modifié pour ne pas handicaper les jeunes agriculteurs.
Sur la compensation agricole, il faudra sans doute aller plus loin : les agriculteurs devront pouvoir récupérer et vendre les terres à des fins d'intérêt général. Le registre des agriculteurs actifs a été opportunément modifié.
Sur la clause miroir pour les coopératives agricoles, nous avons fait un pas en avant. La procédure de reconnaissance des Groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) a été simplifiée.
La place essentielle du vin dans le patrimoine national est réaffirmée. Le rôle des commissions de consommation des espaces agricoles, rebaptisées CDPENAF, est maintenu ; les fédérations de chasseurs y ont été admises. Les agriculteurs doivent pouvoir se loger à côté de leurs terres ; ce n'est pas du mitage que dire qu'ils ne doivent pas faire 25 kilomètres pour aller travailler.
Le rôle des laboratoires départementaux d'analyse est enfin reconnu. Les outre-mer ne sont pas oubliés. Le comité stratégique du développement agricole aura un rôle essentiel.
Le loup doit cesser d'être un sujet d'inquiétude. (Applaudissements sur divers bancs) En tant que fils d'éleveur d'ovins, je connais bien la question. L'élevage de montagne sèche et la présence du loup sont incompatibles, il faut l'affirmer clairement. Renégocions la convention de Berne : le loup n'est plus une espèce en voie de disparition. Nous ne voulons pas son éradication ; pas non plus celle des éleveurs.
Cette loi n'est sans doute pas la dernière dans le domaine agricole. Elle est néanmoins fondatrice et sera le phare de l'agriculture de demain. Tous les groupes ont apporté leur pierre à l'édifice. Le monde agricole n'attend pas que les politiques s'écharpent en leur proposant des dispositifs clés en main, ils veulent les moyens de relever les défis.
Cette loi permettra à l'agriculture française d'être encore une agriculture d'avenir. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques . - J'évoquerai essentiellement les questions forestières. Je veux dire en préambule le plaisir qui a été le mien à travailler avec Didier Guillaume, qui a démontré une grande compétence, celle d'un futur ministre de l'agriculture après une alternance.
M. Jean-Marc Todeschini. - En 2017 ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. - J'ai dit après une alternance ! (Sourires)
Monsieur le ministre, vous avez compris ce qui était dans le rapport Caullet concernant la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - C'est que je l'ai lu !
M. Philippe Leroy, rapporteur. - On pourrait presque vous croire. (Sourires) À votre crédit, la loi de finances pour 2014 a notamment créé une action n°13 au sein du programme 149, intitulée Fonds stratégique de la forêt et du bois, excellente mesure appréciée par tous les acteurs. Quinze ans après la suppression scélérate du fonds forestier national, ce nouveau fonds devrait permettre le renouvellement du foncier. Doté de 25 millions, il sera officialisé par le projet de loi que nous discutons ce soir.
Nous avons souhaité aller plus loin, en créant un Compte d'affectation spéciale (CAS) à même de pérenniser son existence. « Compte d'affectation spéciale » est un bien gros mot, qui fait pâlir les technocrates de Bercy, lesquels y voient une atteinte au principe de non-affectation. Un tel compte d'affectation spéciale est pourtant nécessaire, compte tenu des délais de production des cultures sylvicoles. Ce fonds sera doté des produits de la vente en Europe de quotas carbone.
La forêt représente une richesse patrimoniale irremplaçable pour la France, un fort potentiel économique, environnemental et social. Elle s'autofinance à près de 100 %, et ne coûte guère au contribuable.
Les premiers écologistes d'Europe, au XVe et XVIe siècle, étaient les forestiers. Ils parlaient de « rendement soutenu » et les Anglais de sustainable development. On voit d'où vient le protocole de Kyoto !
Le texte aborde aussi le développement de la propriété forestière. La forêt française est essentiellement privée, et atomisée dans les mains d'une myriade de petits producteurs. Ces petites forêts constituent un remarquable réservoir de biodiversité. De nombreuses années seront nécessaires pour traiter la question des petites propriétés ; fruit de différentes vagues d'exode rural. Nous avons besoin de solutions diversifiées, de nature à porter remède au morcellement forestier. Il faudra nous entendre avec les différentes catégories professionnelles : experts forestiers, gestionnaires, coopératives professionnelles... Je les connais bien, et les appelle à la patience.
La forêt française se porte bien ; elle gagne de nombreux hectares chaque année. Les agriculteurs ont tort de s'en plaindre : elle progresse essentiellement sur des terres délaissées par l'agriculture.
La filière bois regroupe plus de 450 000 personnes ; on ne récolte que 60 à 70 % des 100 millions de mètres cubes produits chaque année. Mais elle produit essentiellement du bois feuillu, qui n'intéresse guère le marché européen. Elle n'est plus adaptée aux nouveaux usages - panneaux, pâte à papier. Riche en feuillus, peu en résineux, notre pays doit importer ces derniers. Cela nous coûte cher.
Notre déficit est grand en matière de formation, d'enseignement et de recherche. Innovons dans l'utilisation des feuillus. Nous importons même des ingénieurs forestiers, de Belgique ou de Suisse, car la France ne fabrique plus de bons ingénieurs sylvicoles.
La France peut rester un grand pays forestier, s'appuyer sur sa recherche, prendre exemple sur la gestion de la forêt guyanaise qui n'est pas encore entièrement pillée par les orpailleurs.
Ce projet de loi va dans le bon sens, même s'il faudra l'améliorer, notamment en ce qui concerne les amours compliquées entre sylviculteurs et chasseurs... Ils se détestent ou s'adorent, sont souvent de la même famille. En province, pour éviter qu'un dîner tourne mal, on dit qu'il faut éviter de parler de politique et de chasse ! Le sujet est souvent abordé avec mauvaise foi - des deux côtés. J'ai proposé deux amendements après en avoir discuté avec les fédérations nationales de chasseurs et de propriétaires.
Monsieur le ministre, vous n'accepterez pas le principe du CAS, je ne vous en veux pas car c'est sans doute impossible pour l'instant. Mais il faudra avancer : il faut cent millions pour relancer la machine forestière.
Reste une question qui fait peur à tout le monde, celle du défrichement dans les zones surboisées. Le projet de loi entend protéger les forêts contre le défrichement. Mais dans certains villages de montagne, le taux de boisement est si élevé qu'il rend la vie impossible : d'où mes amendements qui font frémir les orthodoxes de l'administration forestière... (Applaudissements)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis de la commission de la culture . - La commission de la culture s'est saisie pour avis du titre IV sur l'enseignement agricole. Une grande majorité de nos amendements ont été intégrés au texte, grâce à un travail constructif avec la commission des affaires économiques.
L'enseignement agricole est un levier essentiel pour transformer nos systèmes de production. Plus que la course à la performance économique, le souci de la performance sociale et écologique doit être au coeur de cet enseignement. La promotion de l'agro-écologie et de l'agriculture biologique fera désormais partie de ses missions. L'article 26 précise sa participation au développement durable ; une stratégie nationale pour l'enseignement agricole sera en outre élaborée.
La commission approuve aussi la lutte contre les inégalités entre jeunes urbains et ruraux, avec la création d'une voie d'accès spécifique, des classes préparatoires professionnelles, à la formation d'ingénieur agricole. Le ministre de l'agriculture pourra désormais fixer un taux minimal de bacheliers professionnels agricoles dans les sections préparant au BTSA ; un accompagnement spécifique leur sera proposé, pendant agricole de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013.
Sur l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier (IAVF), notre déplacement à Maisons-Alfort a confirmé nos doutes. La commission a d'abord proposé la suppression de cet institut, la réflexion devant être approfondie ; dans un deuxième temps, elle a proposé des amendements pour en préciser le statut et les missions, qui ont été retenus par la commission des affaires économiques. L'IAVF serait un EPNA, les organismes de recherche y seront intégrés, les fondations tel que l'Institut Pasteur pourraient y adhérer, des partenariats pourraient être conclus avec les écoles supérieures de l'enseignement et du professorat. Sous réserve de l'adoption de nos trois nouveaux amendements en séance, la commission a donné un avis favorable au projet de loi. Je reste cependant convaincue de la nécessité de reporter la création de l'IAVF. Les inquiétudes de l'intersyndicale font écho à mes interrogations. Je souhaite que le débat se poursuive. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Camani, rapporteur pour avis de la commission du développement durable . - L'agriculture française est en difficulté, mais la ferme France demeure l'une des plus performantes du monde. Ce projet de loi vise à donner un nouvel élan à notre agriculture, en promouvant conjointement la performance économique et la performance environnementale. L'ancienne présidente de l'Inra, Marion Guillou, a recensé les innovations visant à diversifier les productions et à réduire la consommation d'intrants.
La commission du développement durable s'est particulièrement intéressée aux grands principes énoncés par les premiers articles, ainsi qu'à la lutte contre la consommation des espaces agricoles, aux encouragements à réduire l'usage de produits phytosanitaires et d'intrants, et aux questions forestières.
La création des GIEE marque un tournant historique et la modernisation des outils fonciers est bienvenue. La commission du développement durable a discuté de la nécessité d'intégrer dans les Scot le potentiel agronomique des territoires, afin d'éviter la déperdition des terres agricoles les plus productives. Malgré le coût et les difficultés opérationnelles, je suis persuadé que ce serait utile.
La commission a souhaité sécuriser le transfert bienvenu à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) des délivrances d'autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires. Les cultures maraîchères comme les fraises, dont la saison commence, requièrent des décisions rapides, ce que ne permettait pas la double distinction des dossiers par le ministère et l'Anses. Le transfert devrait avoir lieu dans le strict respect de la séparation entre évaluation et gestion des risques. La commission a souhaité doter les inspecteurs de l'Anses de pouvoirs d'inspection et de contrôle, modifier la composition du conseil de suivi créé par les députés et en rendre publics les avis, enfin autoriser le ministre à prendre en cas d'urgence une mesure de retrait ou d'interdiction. Ainsi, le pouvoir politique restera responsable. Reste la question des moyens de l'Anses, aujourd'hui insuffisants.
La commission se félicite que le projet de loi encourage la réduction de la consommation d'intrants. L'innovation au sein des GIEE y concourra. Dans mon département, une charte a été conclue afin de maîtriser les flux de pollen et de protéger les abeilles comme l'agriculture biologique de la dispersion des pesticides. Les résultats sont au rendez-vous. Pareilles expériences volontaires et innovantes sont encouragées par le texte.
Un mot enfin sur la forêt. La commission a supprimé le schéma d'accès à la ressource forestière, qui pèserait lourdement sur les communes. L'obligation d'introduire du bois dans les constructions neuves, introduite par les députés, serait inconstitutionnelle... ou augmenterait les importations. (M. Roland Courteau : « c'est vrai ! »)
Cette loi ouvre l'agriculture vers la modernité économique et environnementale. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Joël Labbé . - Monsieur le ministre, je salue votre capacité d'écoute, ainsi que celle des rapporteurs, même si pour nous le compte n'y est pas tout à fait...
Ce projet de loi a pour projet affiché de faire de la France le leader européen de l'agro-écologie, un an après le colloque que j'ai organisé au Sénat. L'agro-écologie, science, mouvement social et pratique agricole, ne se résume pas à une vision techniciste de l'agriculture. Elle suppose de rompre avec les modèles existants pour aller vers une agriculture plus locale, moins standardisée, qui apporte un revenu équitable aux agriculteurs en développant les filières courtes. Cela suppose la souveraineté alimentaire de chaque grande région du monde. Cela suppose aussi des politiques publiques plus territorialisées, mieux adaptées aux agrosystèmes locaux. Cela n'est pas simple, car il faut mobiliser la société. La responsabilité est collective : elle est politique.
Le politique, les politiques doivent imposer leurs vues aux lobbies de l'agrochimie, de l'agro-industrie, de l'agro-business. C'est indispensable pour répondre à la désespérance sociale du monde rural et au décrochage des territoires périphériques.
Le modèle agricole breton a atteint et même dépassé ses limites, on le voit tous les jours. Continuer sur cette voie, c'est s'interdire le développement d'une économie territoriale qui ne soit ni prédatrice ni destructrice mais créatrice de valeur ajoutée et de qualité de vie. La multiplication des dérogations sur l'élevage de porc par exemple, le renflouement permanent d'un système à bout de souffle, les solutions court-termistes comme le développement massif de la méthanisation ne vont pas dans le bon sens. Quant à la prétendue vocation agro-exportatrice de la France... Avec des produits bas de gamme, comment rester compétitifs ? Plus de 40 % de la viande de poulet consommée en France est importée - notamment du Brésil. Grandiose ! Ou triste, plutôt. Nous restons également dépendants des protéines végétales importées, alors que le soja OGM concerne un million d'hectares en Amérique latine, au détriment des cultures vivrières et de la forêt... Le modèle productiviste, sous couvert de nourrir la planète, l'affame.
Le projet de loi envoie un message positif, incite au changement, dont il reconnaît la dimension individuelle et collective. Mais nous inviterons le Sénat à aller plus loin. Les modèles agro-écologistes et agro-industriels sont en concurrence ; refuser de choisir entre eux, c'est choisir la loi du plus fort.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. Joël Labbé. - Nous prônons la reconnaissance des associations têtes de réseaux, moteurs de l'innovation ; une formation pluridisciplinaire et conforme au principe agro-écologique ; l'autonomie décisionnelle des agriculteurs et dans leur exploitation - je pense au droit inaliénable à ressemer ; la sortie des PNPP de la liste des produits phytosanitaires. Pour préserver la terre nourricière, nous plaidons pour la limitation drastique des pesticides, l'interdiction des produits phytosanitaires cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques ainsi que des épandages aériens.
Les nouveaux installés de tous âges doivent être soutenus : nous plaidons pour la progressivité des cotisations sociales, la reconnaissance des cotisants solidaires, la création de fonds de cautionnement publics.
L'agriculture doit être ouverte sur la société : nous proposons le renforcement des projets alimentaires territoriaux et la prise en compte de l'agriculture dans le diagnostic des Scot.
Enfin, en ce qui concerne la forêt, la présomption de garantie de gestion durable par la bonne pratique, sans volet social et environnemental, accroîtra encore la concentration de la filière : il faudra y revenir.
Le projet de loi pose ainsi des bases pertinentes pour demain produire et consommer autrement, vivre autrement. Quelle déconvenue cependant si nos efforts étaient anéantis par la signature en l'état du traité commercial transatlantique ! Ce serait la voie ouverte au boeuf aux hormones et au poulet javellisé... Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Jean-Jacques Lasserre . - Je salue le travail intense des rapporteurs, à l'écoute des organisations comme des sénateurs.
Les agriculteurs se désespèrent : crise de l'élevage, insuffisance des installations, déprise agricole... La situation est gravissime, dans certains cas le point de non-retour est atteint. L'intitulé de ce projet de loi nous donnait quelque espoir, mais à la lecture, on ne voit pas d'élan, pas de souffle nouveau... C'est plus un toilettage du droit en vigueur qu'une véritable loi d'avenir.
Il fallait rechercher un équilibre entre performance économique et performance environnementale ; ici, l'économie est presque absente. Or la compétitivité agricole est primordiale.
Sur la clause miroir, on revient de loin ; un compromis semble avoir été trouvé. De même, sur le foncier, le débat a été engagé sereinement. De même sur le registre des agriculteurs.
Malgré ces avancées, il y a de grands oubliés, comme les OGM. La recherche est capitale dès aujourd'hui ! Plutôt que de traiter le sujet globalement dans le cadre de ce texte, nous examinerons une proposition de loi en procédure accélérée sur une seule variété... Allons-nous examiner une nouvelle proposition de loi pour chaque OGM ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - PGM !
M. Jean-Jacques Lasserre. - Autre oubliée, la PAC, notamment sa partie « verdissement » ; les obligations d'assolement seront catastrophiques pour certaines régions en monoculture.
Les attributions du médiateur entre agriculteurs et distributeurs sont mal définies : il manque un cadre contractuel ferme.
Le texte est muet sur la couverture des risques, alors que toutes les régions du pays ont été touchées par des catastrophes. Le dispositif en vigueur a encore des lacunes.
À quand la simplification administrative en matière agricole ? Je pense à la loi sur l'eau, appliquée de manière irréfléchie dans des régions entières...
Nous restons donc un peu sur notre faim, et nous déterminerons en fonction de la suite des débats. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC ; M. Didier Guillaume, rapporteur, applaudit aussi)
M. Alain Bertrand . - À mon tour de féliciter M. Le Foll, qui est un bon ministre. Ce projet de loi apporte des réponses opportunes à beaucoup de questions, mais suscite aussi des inquiétudes. La notion d'agro-écologie choque les agriculteurs, dans les campagnes le mot ne veut rien dire : retourner le sol, utiliser des pesticides, n'est-ce pas indispensable ? Je préfère donc la notion d'agriculture raisonnée.
M. Labbé veut aller encore plus loin. J'en appelle, moi, au bon sens. La vie de milliers d'agriculteurs qui travaillent dur est en jeu ! Certains touchent moins de 10 000 euros par an de prime là où certains céréaliers en sont à 200 000 ou 300 000 euros... Le Premier ministre rappelait les savoir-faire immenses de notre pays. Notre agriculture fait partie de nos atouts, elle contribue à notre balance commerciale ; certaines filières doivent pouvoir faire mieux grâce à des stratégies industrielles - je pense au lait.
Les Safer marchent bien...
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Elles sont renforcées !
M. Alain Bertrand. - Je souhaiterais que leur droit de préemption soit encore élargi. Le défrichement... J'entends des histoires de cornecul, comme dit mon préfet... (Sourire) À Mende, ville de 14 000 habitants, la bataille avec la Direction départementale des territoires a duré un an - pour pouvoir déboiser une trentaine d'hectares sur une zone d'activité. De mauvais pins sylvestres d'un côté, des centaines d'emplois de l'autre...
Quant au loup... (Exclamations amusées)
M. Jean Desessard. - Quand il y a un loup, il y a du flou !
M. Alain Bertrand. - Le cormoran, qui pille nos rivières et fait des dégâts, est toujours classé comme espèce protégée par l'Europe, alors qu'il y en a des millions en Afrique ou en Asie ! Pour le loup, il faut faire preuve de bon sens avant que la situation ne dégénère.
Je voterai cette loi avec plaisir, mais il faut encore l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Gérard César . - La majorité et l'opposition ne défendent pas des visions antagonistes de l'agriculture. Dans ce texte, le Gouvernement redouble d'efforts sémantiques pour réconcilier sa majorité, déchirée entre promoteurs et détracteurs de l'agro-écologie... Un dénominateur commun à tous, cependant : la satisfaction de la demande intérieure. Il est incompréhensible que la France importe la moitié des fruits et légumes qu'elle consomme, 20 % de la viande bovine, la majorité de la viande ovine. Nous perdons des parts de marchés, alors que les pays émergents pénètrent les marchés européens. La France est passée du deuxième au cinquième rang mondial en termes d'exportation agroalimentaire, derrière les USA, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.
Notre potentiel est énorme, il est sous-exploité. C'est un immense gâchis. La question de savoir si la réponse doit être agrobiologique ou non est vaine. Tous les leviers de la reconquête devront être activés. Pourquoi passer tant de temps sur la notion d'agro-écologie, qui n'est pas même précisément définie ?
Le GIEE nous laisse perplexes. De quelles majorations d'aides publiques les exploitants bénéficieront-ils ?
L'article 4, relatif au bail environnemental, privilégie la coercition. Ses dispositions rendront inévitablement le foncier agricole moins accessible. Heureusement, l'amendement du rapporteur Guillaume prévoit la situation du maintien des pratiques. Mais tous les exploitants agricoles ne seront pas en mesure, lors de la conclusion du bail, d'en satisfaire toutes les clauses, même si celles-ci ont été respectées par un autre exploitant. Qu'adviendra-t-il en outre pour les agriculteurs qui s'étaient engagés au respect de clauses contraignantes et qui, faute de viabilité économique, veulent changer de production ?
Nous restons opposés à l'article 4 qui incarne une écologie punitive. Nous défendrons un amendement de suppression.
Monsieur le ministre, vous avez proposé une médiation sur la clause miroir : où en êtes-vous ? Où en est l'application du CICE aux coopératives agricoles ? Vu le refus opposé par Bruxelles, allez-vous leur appliquer par anticipation la baisse des cotisations familiales ? Où en est, enfin, la négociation relative au libre-échange transatlantique ? Il serait paradoxal de favoriser l'agro-écologie tout en acceptant un traité qui ne répond pas à ses exigences...
L'article 7 est relatif à la contractualisation et au rôle du médiateur. Sur ce terrain, nous pouvons nous retrouver. Quelle garantie que le médiateur ne sera pas simple spectateur ?
À l'article 10 bis les organismes chargés des AOP ou IGP et l'Inao pourront s'opposer à l'enregistrement d'une marque en cas de risque d'atteinte au nom ou à l'image, y compris pour les produits similaires : nous nous en réjouissons comme de l'inscription du vin au patrimoine culturel, gastronomique et paysager.
Le conseil d'administration des Safer doit inclure deux associations agréées de protection de l'environnement, pourquoi donc ?
En conclusion, au lieu d'une écologie incitative, vous promouvez une écologie punitive. Au lieu de diminuer les charges, vous les augmentez.
M. Daniel Raoul. - Allons !
M. Alain Bertrand. - Je suis agriculteur. Je sais de quoi je parle ! Vous verrez les taxes arriver... Nous réservons, pour l'heure, notre vote. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La séance, suspendue à 23 h 35, est reprise à 23 h 45.
M. Gérard Le Cam . - Ce texte traite d'un sujet passionnant, comme tout ce qui touche à l'agriculture et la ruralité. J'en traiterai en partant du local pour arriver au mondial car les solutions doivent, en la matière, partir d'en bas, non de la mondialisation destructrice à l'oeuvre.
Réélu dans ma commune costarmoricaine qui compte plus de 80 exploitations, j'ai proposé une aide à l'installation de 3 000 euros, qui s'ajoute aux 3 000 euros de l'intercommunalité, et l'exonération de taxe foncière pour les jeunes. Sans ces mesures nos bourgs se dépeupleront et nous n'aurons plus que quelques estancias à la mode bretonne. Je dénonce au passage la suppression de la clause de compétence générale et la diminution des dotations aux collectivités territoriales. Quand le gouvernement fait les poches des communes, il met en danger ses élus, perd le Sénat de gauche, menace l'emploi.
L'écotaxe a été le détonateur mais la crise en Bretagne est profonde : prix à la production insuffisamment rémunérateurs, baisse des volumes produits, gestion capitalistique à courte vue, concurrence allemande et européenne, bas salaires dans l'industrie agroalimentaire, pour des cadences élevées ; il ne faut que six secondes pour abattre et transformer un porc ! On est dans Les Temps modernes de Charlie Chaplin ! Le pacte pour la Bretagne est une première réponse mais la Bretagne est un des garde-manger de la France, et son agriculture doit être relancée. Les productions sont à la baisse, les revenus des agriculteurs également. Les inégalités ne cessent de croître : 79 000 euros en moyenne pour les céréaliers, 15 000 pour les éleveurs les moins bien lotis. Le temps de travail est inversement proportionnel au revenu, ce qui n'incite guère les jeunes à choisir la voie de l'élevage...
Le projet de loi ambitionne de traiter de nombreux aspects du problème. Nous le soutenons, bien que tout n'y soit pas.
Le verdissement prétendu de la PAC se réduit à du green washing.
Nourrir neuf milliards de bouches en 2050 reste un défi. Plus d'un milliard d'individus souffrent de la faim. Laisser faire le marché, c'est courir à la catastrophe. Nous devons infléchir les choses. Des réorientations sont possibles. L'aide alimentaire sauve des vies mais ne règle pas les problèmes au fond.
Le titre préliminaire fixe des objectifs ambitieux, mais élude la dimension internationale des changements nécessaires. La compétence exclusive de l'Union européenne en matière commerciale n'empêche pas la France de porter haut son message dans les enceintes internationales. L'agro-écologie devrait être retirée du champ de l'accord transatlantique.
La France a fait du soutien à l'élevage un axe fort de sa politique. L'accord envisagé lui nuirait pourtant également. Sans rupture avec la logique de libéralisation et de déréglementation il sera impossible d'atteindre les objectifs fixés. Il faut assurer un ancrage territorial de la production et de la transformation, sécuriser l'abattage local.
Nous saluons la création des GIEE. Pour renforcer cet outil, il faut garantir une offre de conseils gratuite et diversifiée aux agriculteurs. Le regroupement foncier doit être un des objectifs des GIEE. Enfin il faut s'assurer que l'augmentation de l'aide va aux exploitants et non aux personnes morales.
L'article 4 participe au verdissement nécessaire du secteur agricole. Attention toutefois à ne pas trop contraindre les agriculteurs.
L'article 6 garantit la transparence des contrats dans les coopératives agricoles. Nous vous proposerons de renforcer la présence des salariés dans les organes de direction et d'assurer une meilleure représentation syndicale.
L'article 7 apporte des réponses timides aux relations déséquilibrées entre producteurs et distributeurs. Cette loi d'avenir ne doit pas éluder la question des prix et revenus. On peut agir sur les prix. Il fut un temps où la gauche soutenait ici un coefficient multiplicateur sur tous les produits périssables.
Une conférence bisannuelle organisée par les interprofessions pourrait fixer des prix rémunérateurs indicatifs. Nous plaidons aussi pour le relèvement du seuil de revente à perte et l'encadrement des conditions de déréférencement, véritable épée de Damoclès sur la tête des producteurs.
Le titre II apporte des outils intéressants. Le rôle des collectivités territoriales ne doit pas être oublié : veillons à ne pas les dessaisir au profit de commissions sans légitimité démocratique.
L'article 13 conforte les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural. Cela va dans le bon sens.
L'article 15 place au niveau régional le schéma d'orientation agricole : c'est opportun.
L'article 14 prépare l'avenir. Mais nous devons aider davantage financièrement les personnes engagées dans des formations. Garantissons en outre un haut niveau de protection sociale à tous ceux qui vivent de l'agriculture.
Nous nous opposons au transfert de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché à l'Anses : l'État doit garder la main.
Nous demanderons également la suppression de l'IAVF.
Nous soutiendrons l'objectif de durabilité de la forêt publique, mais le rôle de l'ONF doit être précisé, et les missions des agents cesser d'être dénaturées par la marchandisation de la forêt.
Nous nous efforcerons de vous convaincre d'adopter des mesures plus ambitieuses. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)
Mme Renée Nicoux . - Cette loi d'avenir est l'occasion de remettre à l'honneur une population et des territoires qui se sentent oubliés. Pourtant, les terres agricoles et forestières représentent 80 % de la superficie de l'hexagone, et notre industrie agroalimentaire est l'une des premières en Europe.
Les avancées obtenues à l'issue des négociations sur la PAC n'étaient pas gagnées d'avance. Que le président de la République et le ministre en soient remerciés. La France a défendu une agriculture respectueuse de l'environnement. Le verdissement de la PAC aura un impact écologique et économique conséquent.
Une partie des aides a également été recentrée vers l'installation des jeunes.
Cette loi assure le développement économique et écologique nécessaire à la pérennité de notre filière. Une agriculture plus économe en énergie, en eau, en engrais, en produits phytosanitaires et vétérinaires répond aux attentes sociétales comme aux enjeux écologiques.
Le développement des filières sera facilité grâce à la création du GIEE et à la rationalisation des aides. Entraide, expérimentations, commercialisation des produits seront facilitées par ces nouveaux groupements, qui apportent également une solution au problème de l'isolement en milieu rural.
Les structures existantes sont aussi renforcées. La gouvernance des coopératives agricoles sera clarifiée. La contractualisation doit être étendue à d'autres secteurs que la production ovine ou des fruits et légumes.
La loi s'engage à préserver le foncier agricole et les espaces forestiers, notamment grâce aux Safer, dont l'information sera améliorée. Leur droit de préemption leur permettra de remplir efficacement leurs missions.
Le contrôle des structures permettra de lutter contre les regroupements abusifs d''exploitations.
Mise en place d'une couverture sociale adaptée, modernisation des critères d'installation, vont dans le sens d'une reconnaissance accrue du rôle des jeunes agriculteurs pour aller vers une agriculture diversifiée créant de la valeur ajoutée.
La formation était un enjeu clé. L'enseignement agricole, de bonne qualité, doit accompagner les mutations des pratiques culturales.
Cette loi pose les jalons essentiels d'un renouveau des pratiques agricoles et de l'agro-écologie. Nous voterons ce texte qui présente un modèle ambitieux d'agriculture pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ambroise Dupont . - Je commencerai en vous félicitant, monsieur le ministre, pour votre reconduction dans vos fonctions.
Malgré les lois successives, le secteur agricole continue à subir les effets de la crise et de la compétition mondiale. L'embargo russe sur le porc européen, au prétexte de la découverte de peste porcine sur des sangliers en Lituanie et sur fond de tensions politiques en Ukraine, a porté un coup rude à nos régions exportatrices, qui sont exemptes de cette maladie : que peut-on faire ?
L'un des moyens d'accroître les revenus des agriculteurs consiste à valoriser leurs produits en les attachant à leur terroir. Renforçons les politiques d'attribution de labels, en veillant à ne pas accroître la confusion des consommateurs. Merci monsieur le ministre d'avoir accepté de participer au Festival des AOC de Cambremer, que j'ai créé il y a vingt ans.
La France a choisi de soutenir en priorité l'élevage. Je m'en réjouis. Mais ce n'est pas suffisant. Comment seront réparties les aides entre filières et entre les petites exploitations et les grandes qui exportent ?
Les territoires ruraux sont vivants : assouplissons les règles relatives à l'habitat isolé sur les terres agricoles.
La filière équine est absente de ce projet de loi alors qu'avec d'autres ici je me bats pour faire reconnaître son caractère agricole. L'impact du relèvement du taux de TVA est lourd pour les centres équestres. Ramené à 10 %, il demeure fixé à 20 % pour l'enseignement et le dressage, il fragilisera un nombre croissant d'acteurs et encouragera le travail au noir. À l'heure de la sécurisation des filières et des scandales de la viande de cheval, la question de la traçabilité des chevaux se pose. Le groupe Cheval du Sénat déplore la dérégulation du commerce de chevaux. Le comité stratégique que je préside travaille sur la filière des courses en France, secteur économique et filière sportive d'excellence dans notre pays. Le nouvel établissement public des Haras du Pin est de nature à le soutenir. Mais l'installation d'une déchèterie à proximité inquiète.
La filière représente 75 000 emplois. Préservons son caractère d'excellence. (Applaudissements sur divers bancs)
M. Daniel Dubois . - Permettez-moi de vous féliciter à mon tour, monsieur le ministre, pour votre reconduction. Vous connaissez bien le secteur. Les enjeux sont de taille.
Je remercie également M. Labbé pour sa définition de l'agro-écologie, que vous aviez quelque peu idéalisée.
M. Didier Guillaume. - Il vaut mieux écouter le ministre !
M. Daniel Dubois. - Certes mais M. Labbé est un spécialiste. Reste que ce texte manque de souffle. L'agriculture est un des secteurs majeurs de notre économie, qui évolue en permanence. Accompagnons-le pour qu'il gagne en compétitivité. Nous avons de bonnes terres, un climat favorable, des personnes qualifiées... Qu'attendons-nous pour valoriser notre filière ? Elle représente 19 % de la production européenne. La demande croît au niveau mondial. Au lieu de gagner des parts de marché, nous en perdons, notamment face à l'Allemagne.
La compétitivité de l'agriculture ne se mesure pas sur un seul secteur, mais sur toute la filière. Abaissons le coût du travail, et simplifions les normes, cela profiterait à tous les acteurs. Le président de la République a annoncé un tel choc de simplification. N'en maintenons pas éloignée l'agriculture. L'administration est encore trop tatillonne, supprimons la double déclaration sur l'engrais minéral, abandonnons l'idée d'une écologie punitive. Qui peut croire que les agriculteurs sont hostiles à l'écologie, alors que la nature est leur bien le plus précieux ?
En Allemagne, le produit d'un méthaniseur représente 20 % des revenus de celui qui l'exploite. Qu'attendons-nous pour lever les obstacles à l'installation de ces équipements dans notre pays ?
Je proposerai la création d'un observatoire de la compétitivité de l'agriculture française. Nous défendrons la transparence sur les prix et les marges : le name, blame and shame est plus efficace que les amendes. L'élimination des distorsions de concurrence facilitera les négociations à Bruxelles et limitera l'inflation des normes. Donnons de l'air à notre agriculture ! Je salue le travail des rapporteurs au fond.
Nous proposerons néanmoins des amendements au texte de la commission, dont je souhaite l'adoption. (Applaudissements sur les bancs de l'UDI-UC)
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 10 avril 2014, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques