Moratoire sur les fermetures de services et d'établissements de santé

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de services et d'établissements de santé ou leur regroupement, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe CRC.

Discussion générale

M. Dominique Watrin, auteur de la proposition de loi .  - Nous sommes tous attachés aux établissements publics de santé : personne ici, quelle que soit son orientation politique, ne se réjouit qu'un hôpital, une maternité de proximité ou le service phare d'un établissement ne ferme ou ne fusionne. Ainsi, Mme Procaccia s'est mobilisée avec Mme Cohen et la députée écologiste Laurence Abeille contre le démantèlement de l'hôpital de santé des armées Bégin. Ainsi, le conseil municipal de Paris s'est opposé à la fermeture des urgences de l'Hôtel-Dieu.

Les exemples de tels combats abondent : celui du député socialiste du Cantal contre la fermeture du centre de réanimation à Aurillac, celui du député socialiste de l'Orne contre la fermeture du centre de radiologie à Domfont, celui de notre collègue écologiste Aline Archimbaud contre la fermeture de la maternité des Lilas... M. Placé et Mme Lieneman ont eux aussi réclamé un moratoire. Comment croire que toutes ces luttes louables, menées par les élus, les salariés et les collectifs d'usagers, n'ont pas de lien entre elles ? Nous avons tous vécu la difficulté à se faire entendre par ceux qui ont le pouvoir de décision. Par-delà nos oppositions politiques, nous pouvons, avec ce texte, montrer que ces démarches individuelles, loin d'être des actes électoralistes ou égoïstes, sont animées par le souci légitime de proposer des soins de santé de qualité à des tarifs opposables. En votant cette proposition de loi, vous vous doterez d'un outil pour imposer un débat.

Madame la ministre, le 1er avril 2011, alors que vous étiez secrétaire nationale du parti socialiste, vous demandiez vous-même, dans un communiqué de presse, « un moratoire sur toutes les décisions de fermeture de services hospitaliers », ajoutant que l'hôpital ne pouvait être géré « comme une entreprise commerciale ». Les conséquences de telles fermetures, nous les connaissons. Le Sénat a voté l'expérimentation des maisons de naissance. Nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de financer sur fonds publics des structures libérales qui pratiquent les dépassements d'honoraires. Les fonds publics doivent être réservés aux structures qui appliquent les tarifs opposables et le tiers payant.

Nous ne sommes pas dogmatiques : le moratoire peut prendre fin si l'Agence régionale de santé (ARS) démontre que la fermeture du service est compensée par la création d'une offre équivalente.

À chaque fois qu'un établissement public ferme, cela profite aux cliniques commerciales qui pratiquent les dépassements d'honoraires.

Dans un rapport de mars 2012, l'Igas pointe les risques occasionnés par les fusions, sources de surcoûts et de dysfonctionnements. Pourtant, le rythme des fusions ne s'est pas ralenti : 90 depuis 1995, soit 9 % des établissements publics de santé. C'est la conséquence directe des politiques de rigueur budgétaire et de l'instauration de la tarification à l'activité.

Le raccourcissement des séjours conduit à une augmentation des réadmissions dans les trente jours. La convergence tarifaire masque des disparités dans la structure des coûts. Heureusement, vous y avez mis fin.

En même temps, vous avez imposé une politique de tarification très austère. N'est-ce pas une continuation de la convergence tarifaire sous une autre forme ? J'ai conscience que cette proposition de loi ne suffira pas à endiguer l'hémorragie du système hospitalier. Il faudra aller plus loin : certaines associations l'auraient souhaitée plus ambitieuse. Leurs critiques sont légitimes mais la rédaction de cette proposition de loi a été contrainte par la nécessité d'en limiter l'examen dans le cadre d'une niche parlementaire, sans s'exposer au couperet de l'article 40. Il s'agit d'une mesure urgente, et utile pour les luttes locales et pour l'égalité sociale et territoriale.

Cela ne nous dispense pas d'élargir la réflexion. Le groupe CRC est convaincu qu'il faudrait interdire l'exercice libéral au sein des établissements publics de santé. Cela crée un coupe-file insupportable, les patients modestes étant condamnés à attendre. Il faut revoir le financement des établissements, faire cesser le gel des tarifs et stopper la convergence avec les cliniques commerciales.

Les dotations qui financent les services publics doivent être pondérées en fonction des caractéristiques de chaque département. Cette péréquation positive serait particulièrement bienvenue dans mon département, où le territoire de santé de Lens-Hénin est classé 348e sur 348. L'installation d'un CHU créerait des conditions pour l'installation de nouveaux spécialistes.

Les retards de soins sont la cause principale des retards de santé. Les résorber réduirait le nombre de passages aux urgences, ce qui générerait des économies.

Les établissements publics de santé doivent pouvoir emprunter directement auprès de la Caisse des dépôts, au lieu d'avoir recours aux marchés financiers. Les hôpitaux doivent bénéficier pour tous leurs achats d'un taux de TVA à 5,5 % et être dispensés de la taxe sur les salaires, comme les deux autres fonctions publiques. Nous appelons de nos voeux de telles mesures courageuses dans la prochaine loi de santé publique.

Il serait paradoxal que ceux qui s'opposent à la fermeture d'établissements dans les départements ne votent pas cette proposition de loi. Je n'imagine pas que le Sénat ne défende pas l'accès au service public hospitalier, quel qu'ait été le vote de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Pourquoi cette proposition de loi ?

Depuis les années 1990, le nombre d'établissements publics hospitaliers a été considérablement réduit en France : 15 % des lits supprimés entre 1992 et 2003, 11 % des établissements existants en 1992 ont disparu ou ont été regroupés. Le nombre de lits a plus fortement diminué dans le secteur public que dans le secteur privé, en pourcentage comme en volume.

Les raisons financières invoquées sont doublées de préoccupations de sécurité. Ni les unes ni les autres ne sont scientifiquement étayées. Un rapport publié en 2002 par l'Igas, qui n'est guère partisan, dresse un bilan pour le moins mitigé : au-delà d'un certain seuil, les processus de fusion sont sources de surcoûts et de dysfonctionnements. Ceux-ci ne sont d'ailleurs jamais évalués. Un médecin envoie ses patients là où il irait lui-même se faire soigner : cela n'a rien à voir avec la taille de l'établissement mais avec la qualité des praticiens ! On ne peut à la fois trouver acceptable qu'une femme accouche dans un camion de pompiers, comme je l'ai entendu en commission, et condamner une maternité parce qu'elle n'a pas de service de réanimation néonatale. Que je sache, seules les maternités de niveau III disposent de tels services et personne ne soutient que toutes les maternités doivent atteindre ce niveau. Les maternités, justement, sont un exemple éclairant. Elles se sont réduites de 60 % en trente ans, passant de 1369 en 1975 à 554 en 2008 alors même que le nombre de naissances progressait. Le nombre de lits d'obstétrique a été divisé par deux. Sans parler des conséquences sur les centres d'IVG : 130 ont été fermés en dix ans selon un rapport de 2013. Le nombre de maternités de niveau II ou III a légèrement augmenté, mais celui des maternités de niveau I est passé de 415 à 263 alors qu'elles suffisent à la plupart des accouchements et sont moins coûteuses. Il faudrait les préserver, au lieu de créer des maisons de naissances pratiquant des dépassements d'honoraires avec des subventions publiques.

Le rapport de l'Igas montre que la fixation de seuils minimaux d'activités est complexe. Comment le volume d'activité doit-il être comptabilisé ? Par service, par professionnel, par domaine de pathologie ? Pour la sécurité, au-delà d'un temps d'accès aux soins de 45 minutes, selon Emmanuel Vigneron, de graves problèmes surviennent. En Lozère, dans le Gers et les Alpes-de-Haute-Provence, le temps médian s'établit à 40 minutes, ce qui signifie -pour la moitié des patients- plus de 40 minutes ! L'important, c'est la proximité : notre pays comporte des zones denses et d'autres qui le sont très peu ou qui sont isolées. A la Guadeloupe, quelques jours après la fermeture de la maternité de Marie-Galante, un cyclone a interdit tout transfert à Pointe à Pitre : a-t-on dit aux femmes qu'elles pouvaient attendre ? (Sourires)

Dans certains départements, il faut franchir plusieurs cols pour atteindre l'hôpital. Les fermetures d'hôpitaux présentent donc plus d'inconvénients que d'avantages. La diminution du nombre de lits perturbe souvent le fonctionnement des urgences. A l'Hôtel-Dieu, à Paris, une bataille est engagée depuis des mois pour maintenir un service d'urgence et un hôpital de proximité.

Il faut limiter à 5 % le nombre de lits fermés dans un établissement. Le vieillissement de la population milite pour une augmentation de la prise en charge polyvalente à l'hôpital.

En 2004-2005, la tarification à l'activité a été établie, ce qui est contraire à l'esprit du service public. Une véritable idéologie de la concurrence s'est répandue, jusqu'à parler d'hôpital-entreprise. Mais la santé n'est pas une marchandise !

Madame la ministre, je regrette que le Gouvernement ait pris si peu de mesures en faveur de l'hôpital public, malgré des positions que vous aviez prises pendant la campagne présidentielle. L'exercice libéral à l'hôpital procure à certains praticiens des rémunérations extravagantes : c'est scandaleux ! La future loi de santé publique est impatiemment attendue ; jeune parlementaire, je me méfie pourtant des lois dont il faudrait tout attendre.

Pour éviter toute mauvaise interprétation, je m'autorise à rappeler le sens précis du mot moratoire : il est la décision d'accorder un délai ou de suspendre volontairement une action. Nous entendons promouvoir la concertation. En son absence, des décisions contradictoires sont trop souvent prises. Nous ne souhaitons pas empêcher les fusions, qui sont parfois des succès, mais stopper l'hémorragie pour revenir à un modèle hospitalier conforme à nos valeurs. Cette proposition de loi a été conçue pour pouvoir être débattue dans l'espace réduit qui est celui des niches parlementaires. Il n'y a pas d'un côté les modernes, de l'autre les ringards. Nous ne saurions remonter le temps. En revanche, il n'est plus permis d'avancer sur le chemin qui a été suivi ces dix dernières années. Prenons le temps d'élaborer ensemble un nouveau modèle avec tous les acteurs de santé. En attendant, cette proposition de loi constitue en quelque sorte une mesure de sauvegarde.

Chacun d'entre nous s'est un jour mobilisé pour sauver un hôpital. Le conseil régional d'Ile-de-France, en novembre 2012, a réclamé un moratoire sur les restructurations, en attendant la loi de santé publique.

Cette proposition de loi est donc attendue. L'évaluation des politiques publiques conduites depuis dix ans est indispensable. La majorité des personnes auditionnées sont favorables à notre proposition de loi. Je tiens les témoignages à votre disposition, ainsi que les nombreux soutiens que nous avons reçus. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Il n'est pas de sujet plus important que l'avenir de l'hôpital. Les parlementaires sont souvent à la pointe du combat pour la défense d'un service ou l'accès aux soins des populations qu'ils représentent : c'est un combat légitime.

Cette proposition de loi, que j'appellerai à ne pas voter, exprime un attachement fort à notre service public hospitalier, à son excellence. Une excellence en matière de soins, de recherche, mais aussi sur le plan social. Chacun, dans notre pays, peut être pris en charge 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans distinction de revenus ni d'origine.

Nous divergeons cependant sur la manière de concevoir l'avenir de l'organisation de notre service public hospitalier. Vous avez rappelé avec malice que j'avais signé un communiqué quand j'étais dans l'opposition, et je signerais encore aujourd'hui. Face à une politique de démantèlement du service public hospitalier, il était nécessaire d'arrêter les dégâts. Mais, depuis mai 2012, la politique hospitalière a changé, des mesures ont été prises, des orientations nouvelles marquées. Un moratoire ne se justifie plus. Nous ne conduisons pas, comme nos prédécesseurs, une politique de fermetures des hôpitaux pour des motifs purement financiers.

L'objectif du Gouvernement est clair : faire correspondre l'offre de soins aux besoins de la population. Mes projets de réorganisation engagés ne sont pas téléguidés au niveau national. Une évaluation des besoins de soins est conduite par les ARS et toutes les parties prenantes sont consultées. L'objectif est de développer la coopération entre structures. Pour un chirurgien, par exemple, un nombre minimal d'actes est nécessaire pour garantir sa maîtrise technique. Il peut y arriver s'il intervient dans des structures de référence et des structures de proximité, en ville et à la campagne. Je poursuis un objectif qualitatif et de présence dans les territoires.

Le service hospitalier n'est pas réduit aux acquêts. En 2013, 1,6 milliard d'euros supplémentaires ont été attribués aux hôpitaux publics. Dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous avons réintroduit la notion de service public hospitalier, grâce à laquelle il a été possible de sanctuariser les sommes affectées aux missions d'intérêt général. La suppression de la convergence tarifaire a bel et bien eu lieu. Une mission, en cours, s'attache à définir les contours d'un service public hospitalier au niveau territorial. Comme je m'y étais engagée, 90 millions d'euros supplémentaires ont été dégelés à la fin de l'année 2013, sans parler de l'effort de 377 millions que nous avons réalisé en faveur de la cinquantaine d'établissements qui avaient besoin d'être soutenus.

La sécurisation des investissements a été réalisée pour la première fois avec la signature d'une convention avec la BEI. Quinze établissements ont fait l'objet d'une décision favorable de leurs projets de réorganisation pour des sommes où l'État s'engage à hauteur de 1 milliard. Notre politique assure donc le maillage du territoire.

Un moratoire contrarierait cet objectif. Nous devons accompagner l'évolution des pratiques des professionnels pour adapter l'offre hospitalière. Ce qui compte, ce n'est pas le nombre d'établissements mais les objectifs de notre politique. Notre stratégie nationale de santé se conçoit sur le long terme, à l'échelle du territoire.

Depuis dix-huit mois, ma priorité est d'assurer à chaque Français l'accès à des soins de proximité en moins de trente minutes. Nous avons déjà permis à un million de personnes supplémentaires un tel accès. Les transformations ne peuvent se faire en quelques mois, mais nous progressons. J'ai soutenu des établissements isolés pour assurer la continuité de l'offre de proximité. Ainsi dans la région Aquitaine, en faveur des établissements d'Orthez ou de Blaye.

Si nous avions pu débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (marques d'amusement sur les bancs socialistes), vous auriez constaté que j'ai proposé un financement adapté pour la tarification en milieu isolé. Plus d'un million de personnes travaillent à l'hôpital public. Nous avons modifié la gouvernance des établissements, qui est une façon de revenir sur la loi HPST. L'objectif est de maintenir le niveau d'excellence du système hospitalier français.

L'immobilisme n'est pas la solution. L'ambition de notre politique est de prendre en considération l'évolution de notre société et de nos besoins de santé. Il est urgent de le faire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - D'abord, merci au groupe CRC de nous donner l'occasion de discuter de la question très polémique des fermetures d'établissements publics de santé. Nous les avons tous vécus localement et avons parfois ressenti comme injustes ces décisions. Pour autant, il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur toutes les fermetures. L'inertie ne saurait constituer une solution. C'est pourquoi j'apprécie que cette proposition de loi ne pose pas d'interdiction mais des garde-fous. Ils seraient si nombreux, ont dit mes collègues en commission, qu'ils aboutiraient à un blocage. Soit mais quand, dans trois départements, plus de la moitié des habitants doivent effectuer 40 minutes de transport pour être soignés à l'hôpital, cela interpelle.

Selon nous, la seule méthode est de respecter la démocratie sanitaire, ce qui suppose la concertation ; une concertation qui ne dure pas nécessairement des années et des années. Elle est parfois totalement absente ; je le sais pour m'être investie dans le combat contre la fermeture des urgences à l'Hôtel-Dieu, de la maternité des Lilas ou du service de radiologie de l'Hôpital Avicenne.

Le groupe écologiste ne peut donc pas voter contre ce texte, même si nous l'aurions rédigé autrement ainsi que son exposé des motifs. Ce texte n'est pas parfait mais l'article 40 de la Constitution nous empêchant de proposer nous-mêmes une réforme d'ampleur, nous sommes suspendus à la grande loi de santé publique que vous nous annoncez depuis des mois. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. René-Paul Savary .  - On nous propose un moratoire sur les fermetures d'établissements publics de santé. Vieux problème... Dès 2008, Alain Milon avait été chargé de réfléchir à la réorganisation de la chirurgie. En février 2013, la Cour des comptes rappelait les différentes raisons qui expliquent les restructurations, dont la principale est la volonté d'améliorer les soins sur un territoire de santé. Et pourtant, comme l'a dit Alain Milon, il n'est jamais simple de fermer un hôpital. Ceux-là mêmes qui délaissent un hôpital parce qu'ils se défient du service rendu sont prêts à se mobiliser s'il est question de le fermer.

Limiter les abus, tel était l'objectif de la T2A. Le ministère de la santé y revient, au risque d'y perdre l'objectif de la performance. Ne revenons pas à la dotation forfaitaire globale.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

M. René-Paul Savary.  - Le périmètre de l'Ondam est variable. Faut-il rappeler qu'il existe plusieurs formes d'hospitalisation, dont celle à domicile ? Ce facteur, madame la rapporteure, n'est pas pris en compte dans cette proposition de loi.

Le 13 janvier dernier, Claude Évin, ancien ministre socialiste de la santé et des affaires sociales, déclarait, dans Libération, qu'il fallait repenser l'organisation de notre système de santé. On peut s'accorder sur cet objectif en sortant, entre autre, de l'hospitalo-centrisme.

Parcours de soins, rôle des réseaux, les 35 heures à l'hôpital, les recettes, rien de cela n'est présent dans cette proposition de loi.

J'en profite pour parler du numerus clausus : il faut suffisamment de médecins sur chaque territoire. Féminisation de la profession, volonté de concilier vie professionnelle et vie familiale, souhait de travailler en équipe, et j'en passe, tout cela impose de former nos étudiants autrement. La rhumatologie, par exemple, sera de plus en plus traitée en ambulatoire.

Pour conclure, cette proposition de loi est trop générique ; la France se surhospitalise alors que nous vivons à crédit. N'oublions jamais cela dans notre réflexion. C'est la qualité des soins qui doit primer ; en la matière, le groupement hospitalier est une réponse parmi d'autres. Cela fonctionne, je l'ai expérimenté dans mon département.

Ce texte représente une solution partielle à un problème complexe. Preuve en est que vous instituez un principe à l'article premier pour prévoir aussitôt des dérogations à l'article 2. Des moratoires dans des cas bien particuliers peuvent s'imposer mais ne figeons pas la situation en les généralisant partout. Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gérard Roche .  - Je ne doute pas que mes collègues CRC sont généreux et sincères mais que veulent les Français ? Des soins de qualité et la sécurité. Or la proximité s'y oppose parfois. Il faut des regroupements techniques, des chirurgiens expérimentés. On ne peut pas faire rimer proximité pour tous et soins de qualité pour tous.

Je me suis battu pour la fermeture de maternités que d'autres, par démagogie, défendaient tout en refusant d'y envoyer leurs proches. On parle de T2A, de l'évolution de l'Ondam hospitalier, comme si les fermetures étaient décidées pour des motifs purement financiers. Je ne le crois pas : c'est toujours la qualité des soins qui est en jeu.

Il faut articuler soins de premiers recours sur des plateaux techniques de qualité et médecins de proximité. L'excellence de notre système de santé en dépend. Le groupe UDI-UC votera contre le conservatisme d'un moratoire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacky Le Menn .  - L'hôpital public, et c'est heureux, évolue. Progrès et avancées scientifiques, comme la diminution des techniques intrusives, remodèlent le service public hospitalier. En médecine, ce qui compte, c'est la qualité, dit à raison M. Roche en médecin expérimenté. C'est pourquoi le moratoire généralisé ne peut pas être une réponse. On ne peut pas se contenter d'une réflexion « en silo », formule que je reprends à M. Lenoir qui l'avait lui-même empruntée à Mme Duflot.

Parcours de soins, adaptation des structures, réseaux de soins, spécificité de la médecine psychiatrique, prise en considération de la pénibilité par le personnel soignant, le Gouvernement, avec courage, s'est attaché à cette lourde tâche en présentant sa stratégie nationale de santé. Sa politique, j'y insiste, n'est pas une politique de fermeture d'hôpitaux. Elle repose sur la concertation et des objectifs qualitatifs. D'ailleurs, je suis surpris, madame la rapporteure, que vous défendiez votre texte par des arguments strictement quantitatifs, comme si l'hôpital était une entreprise et la santé une marchandise. On ne peut pas se contenter de défendre pied à pied l'existant, cela est décalé si l'on veut véritablement maintenir notre modèle de santé en ces temps de crise.

La loi HPST, nous l'avions combattue en déposant plus de 450 amendements pour en gommer les principaux écueils. La future loi de santé publique apportera des réponses.

Le T2A, que vous refusez absolument, la Mecss ne propose ni de l'abolir ni de la sanctifier mais de l'adapter. Bien souvent, ce sont des investissements hasardeux qui ont été à l'origine de difficultés financières. Pour finir, je citerai le nouveau directeur de l'AP-HP : « L'hôpital doit être vivant, il doit pouvoir bouger, l'inertie va contre l'hôpital. Le critère d'adaptation est fondamental pour lui ».

Le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier .  - Refonder l'hôpital est une nécessité, encore faut-il trouver la bonne réponse. Vous vous en doutez, celle qu'avance cette proposition de loi me semble idéologique et caricaturale. D'ailleurs, je ne fais pas la même lecture du rapport de l'Igas que Mme Cohen : il propose de réintroduire des seuils de nombre de lits pour optimiser les coûts. La politique menée ces dernières années a provoqué des incompréhensions ; les élus, qui ont parfois confondu intérêt du territoire et intérêt de la société, y ont leur part.

Autant la proximité est un impératif quand il s'agit de voir un médecin ou des premiers soins, autant pour l'accès à un plateau technique, la seule exigence qui vaille est la qualité et la sécurité. Les Français, faut-il les en blâmer, sont prêts à parcourir des kilomètres pour être bien soignés. La loi HPST, si elle comportait bien des défauts, a facilité le regroupement avec les communautés hospitalières du territoire.

En vrai, la question est celle de la place et du rôle de l'hôpital. Décréter un moratoire pour se donner le temps de réfléchir ? Le diagnostic a déjà été posé dans de trop nombreux rapports, il faut maintenant agir. Nous attendons avec impatience la loi de santé publique.

L'hôpital n'est pas là pour résoudre tous les problèmes qui n'ont pas trouvé réponse, il est là pour constituer un apport puissant de compétences techniques qui n'ont pas forcément vocation à converger vers quelques plateaux techniques. La seule règle doit être la qualité des soins, la méthode, la concertation.

Aussi, le groupe RDSE, dans sa grande majorité, ne pourra pas voter cette proposition de loi. J'en suis désolé.

Mme Isabelle Pasquet .  - Pour certains, la taille de l'hôpital est une question centrale. Il fallait fermer les petites structures de proximité pour bâtir de vastes hôpitaux high tech, de taille européenne, comme Georges-Pompidou à Paris. Celui-ci n'est que 27e dans le classement du Point. Avec un Ondam bloqué à 2,4 %, comment croire que l'on peut améliorer les soins ? Les directeurs d'hôpitaux n'ont d'autre choix que de contracter la masse salariale.

La situation est préoccupante dans les Bouches-du-Rhône, d'Arles à Aubagne, malgré la mobilisation des élus. Le centre hospitalier régional de Marseille lui-même connaît un déficit de 300 millions et une dette cumulée de 1 milliard alors que 26 cliniques fonctionnent alentour. Comme quoi la « rationalisation » profite au privé. Les populations des quartiers nord, là où il y a le plus d'enfants, perdront deux unités de chirurgie pédiatrique et cinq lits de chirurgie pédiatrique si nous n'adoptons pas cette proposition de loi. L'ARS campe sur une attitude dogmatique, en dépit de notre mobilisation.

Si j'avais plus de temps, je vous parlerais aussi de l'hôpital de Beauregard, des centres de santé de la mutualité, de la lutte des sages-femmes, des centres d'IVG.

Certes, l'objectif de cette proposition de loi est limité mais j'ai la faiblesse de penser que le Sénat peut, ici et maintenant, contribuer au changement. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Catherine Génisson .  - Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat mais la réponse qu'elle propose est inadaptée. Démocratie sanitaire, excellence de notre médecine, nous partageons ces objectifs. Cependant, les soins de premier recours ne peuvent pas être dissociés de ce sujet. Mme Touraine a rappelé sa stratégie nationale de santé. L'hôpital doit rester vivant, bouger, a dit le directeur de l'AP-HP en commission. M. Roche a rappelé l'évolution du traitement de l'infarctus du myocarde, qui modifie en profondeur notre organisation.

En fait, l'enjeu, et Mme la ministre l'a bien dit, est de faciliter les coopérations intelligentes. L'article premier de la proposition de loi vise les communautés hospitalières de territoire, qui supposent une concertation longue et ardue car il n'est pas aisé de faire accepter à un hôpital de perdre le leadership sur un soin. C'est pourquoi le moratoire est inadapté, il faut avancer et en s'appuyant sur la démocratie sanitaire, qu'il faut effectivement approfondir.

Madame la ministre, vous serez demain à Lille puis à Nantes pour défendre vos orientations ; nous comptons sur vous pour présenter rapidement au Sénat votre grande loi de santé publique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marisol Touraine, ministre .  - À Mme Pasquet, M. Watrin et Mme Cohen, je veux dire que la question du service public hospitalier ne se pose pas en termes de taille. Ce n'est évidemment pas notre seule exigence. L'hôpital Georges Pompidou est peut-être moins bien placé que d'autres CHU dans des classements qui, d'ailleurs, valent ce qu'il valent, mais c'est dans cet hôpital qu'a été réalisée la première implantation au monde d'un coeur artificiel par un grand serviteur du service public hospitalier, le professeur Carpentier, qui n'a pas oublié pour autant de nouer des contacts avec des industriels et des acteurs de l'innovation.

Madame Archimbaud, je suis extrêmement sensible à l'argument de la démocratie sanitaire. Le développement de nos politiques de santé publique passe par le renforcement de ses mécanismes et de ses structures. La loi à venir en fera un pilier de notre modèle. La loi du 4 mars 2002 a mis en avant les droits individuels ; développons à présent les droits collectifs. Ce qui ne veut pas dire que les usagers auront le dernier mot mais leur parole sera prise en compte dans les processus de décision. Je rejoins Mme Génisson, cette question renvoie à l'organisation du système de soins et à la prévention, à l'échelle des bassins de vie.

J'ai écouté avec intérêt M. Savary. Il s'est référé à une tribune publiée dans Libération qui précise les principes de la stratégie nationale de santé. Comme il dit les approuver, j'espère qu'il soutiendra notre projet de loi...

M. Roche a raison d'insister sur la qualité. C'est ce qui doit nous guider. Et elle peut être au rendez-vous dans les grandes comme dans les petites structures. J'ai été amenée à fermer des établissements qui n'apportaient pas toutes les garanties de qualité et de sécurité. Certains ont ouvert à nouveau dès que ces garanties ont été réunies. A l'inverse, j'ai maintenu ouverte une maternité qui répondait aux critères de sécurité mais pas nécessairement à ceux habituellement mis en avant, taille ou nombre d'accouchements par exemple.

M. le Menn a parfaitement indiqué les enjeux. Nous voulons faire vivre le service hospitalier en l'adaptant aux réalités. Mettre l'accent sur la pertinence des soins ou les soins de proximité n'est pas contradictoire avec la volonté de faire de l'hôpital un lieu de recours, de coopération avec la médecine de ville ou les établissements médico-sociaux.

Monsieur Barbier, la stratégie nationale de santé doit être approfondie ; plus de 200 débats dans les territoires auront eu lieu d'ici fin février. Comme l'a dit M. le Menn, nous devons trouver un équilibre, l'articulation nécessaire entre sécurité, proximité et efficacité, pour répondre aux besoins de la population.

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Ce débat est effectivement intéressant, qui met l'hôpital public et la santé au coeur de nos échanges. Plusieurs de nos collègues ont déploré, à commencer par la ministre, que nous n'ayons pas examiné en séance le volet dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est que nous n'avons pu voter le volet recettes, tant le financement de notre protection sociale était insuffisant ; et tous nos amendements ont été rejetés. Nous ne pouvions accepter d'aller plus loin. Nous assumons notre décision.

Certes, 1 milliard d'euros ont été consacrés à l'hôpital public mais l'Ondam reste dramatiquement insuffisant, comme l'a dit avec nous la Fédération hospitalière de France. Il faut partir des besoins de la population. Faire vivre la démocratie sanitaire, c'est bien, mais pas après coup ! Je suis allée à la maternité des Lilas, à l'Hôtel-Dieu, où j'ai entendu les professionnels, les usagers, les élus formuler des propositions pour un hôpital du XXIe siècle. On ne les prend pas en compte. Les directeurs d'ARS ont des pouvoirs exorbitants -sans contrepouvoirs. Pourquoi le Gouvernement a-t-il peur du moratoire ? Ce n'est qu'un outil.

Nous sommes tous d'accord pour dénoncer le numerus clausus ; je ne voudrais pas qu'il en soit de même demain pour les restructurations et fermetures décidées aujourd'hui ! Les pôles d'excellence peuvent coexister avec les hôpitaux de proximité ; sans ces derniers, où nos concitoyens se feront-ils soigner ?

En proposant un moratoire, le groupe CRC ne fait pas preuve de dogmatisme, arrêtons les caricatures ! Nous ne cherchons pas uniquement à défendre des emplois mais à répondre aux besoins de soins. Pour cela, en effet, il faut des moyens financiers et humains. Les personnels n'en peuvent plus et ils le disent.

Une mauvaise réponse à une bonne question, peut-être, mais qui donc en a proposé une autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. le président.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinons la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Michel Billout .  - Je voudrais illustrer mon propos par le cas de l'hôpital de Fontainebleau. Le projet d'hôpital public-privé a heureusement été abandonné, il aurait affaibli le service public. À Fontainebleau, 15 lits de chirurgie ont été fermés fin 2011, ce qui occasionne des difficultés incessantes aux urgences. D'autres secteurs sont menacés et aucun recrutement de chirurgiens-urologues n'a été fait.

En 2013, le budget pour les emplois précaires est à son plus haut niveau historique, alors qu'il faudrait recruter des titulaires. Cette politique comptable et de court terme réduit l'offre de soins. Où est le changement politique ? À Fontainebleau, on se le demande... Un divorce profond s'installe entre le personnel et les autorités qui décident contre lui. C'est grave. Nombreux sont les praticiens qui soutiennent notre proposition de moratoire, dont l'objectif n'est pas de figer les choses mais de se donner le temps de redéfinir un projet de service public doté des moyens nécessaires.

Mme Cécile Cukierman .  - Ce week-end, j'ai été choquée, comme nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens, par la manifestation des militants des mouvements pro-vie qui refusent scandaleusement aux femmes le droit de disposer de leur corps. Cela fait écho au débat à l'Assemblée nationale, mais aussi à ce qui se passe en Espagne.

Le gouvernement espagnol retire aux femmes leur capacité à décider ; elles devront prouver que la grossesse met en danger leur santé ou leur vie ; si elles sont mineures, elles devront obtenir le consentement de leurs parents. Ces mesures, aussi symboliques que scandaleuses, témoignent d'une conception indigne de la femme. En France, heureusement, on en est loin, malgré les actions coups de poing illégales menées par des collectifs fanatisés. La France doit défendre les droits des femmes. Et cela passe par des actes, par le fait de rendre effectif le droit pour toutes les femmes à accéder à l'IVG. Des mesures positives ont été prises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 mais des goulets d'étranglement subsistent, qui rendent parfois cet accès impossible. De nombreux centres d'IVG ont fermé.

En novembre 2013, le Haut-commissariat pour l'égalité hommes-femmes a remis un rapport révélant un accès parfois problématique. Il pointe la réduction de l'offre et le manque de moyens et de personnel ; il note d'importantes disparités sur les territoires et propose des pistes intéressantes pour un accès à l'IVG égal, rapide et de proximité. Ce qui n'est pas indifférent dans le cadre de la présente discussion. Le service public est le garant de l'accès de toutes à l'IVG. C'est pourquoi je voterai l'article premier.

Mme Éliane Assassi .  - Élue séquanodionisienne, je représente un des départements les plus jeunes de France, mais aussi un de ceux dont le taux de natalité est le plus important. C'est dire l'ampleur des besoins en termes de soins à tarif opposable, avec application du tiers payant.... Nous voulons des actes pour relever les défis qui se posent.

La Seine-Saint-Denis n'est pas épargnée par la politique comptable imposée par les ARS. Le collectif de défense de la maternité des Lilas se mobilisera le 24 janvier : le déficit de cet établissement n'est pas structurel, il découle des décisions de l'ARS. L'Hôpital européen La Roseraie, à Aubervilliers, vient, de son côté, de déposer le bilan. Sa fermeture ferait disparaître 600 emplois et réduirait l'offre de soins. Élus et population s'en émeuvent.

La situation est tout aussi préoccupante dans les Hauts-de-Seine ; Mme Gonthier-Maurin s'inquiète, par exemple, de la fusion entre les hôpitaux Beaujon et Bichat ; de 400 à 600 lits sont en balance et il en résultera un recul de l'offre de soins. Tout cela dans le cadre de la stratégie de l'AP-HP qui veut regrouper ses 37 établissements publics en douze unités et organise ainsi la réduction de l'offre publique de soins de proximité.

Le 4 décembre dernier, on pouvait lire dans un article du Parisien qu'à la suite des mesures touchant les urgences de l'hôtel-Dieu, celles de Tenon, de Saint-Louis ou de La Pitié-Salpêtrière avaient toutes un taux d'occupation supérieur de plus de 120 %...

Je voterai en faveur de cet article. Un moratoire ne se discuterait pas ? Pourtant, madame la ministre, vous en avez réclamé un en 2011... Nous avons nos convictions, et les fermetures de services de santé y sont contraires.

Ce n'est pas une question de modernité. Comme sénatrice communiste, je refuse d'être qualifiée de ringarde. Staline est mort avant ma naissance... Cette vieille rengaine, trop utilisée, finit par me faire rire parce qu'elle masque mal l'absence d'arguments. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yves Daudigny .  - La pédagogie est aussi affaire de répétition. Nous partageons le constat fait dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, la question hospitalière est majeure -les hôpitaux concentrent 46 % de la consommation de soins et de biens médicaux. Dotations réduites, application aveugle de la T2A et de la convergence, caporalisation des structures de direction, mise à l'écart des professionnels de santé, tout cela était vrai. Il était urgent d'agir. Dès novembre 2012, décision salutaire, le Gouvernement a supprimé les processus comptables de convergence tarifaire. S'il nous faut réparer le démantèlement du service public programmé par le gouvernement précédent, nous devons aussi répondre aux besoins d'adaptation de notre système hospitalier.

Relever ce défi requiert une appréhension globale et un travail de long terme. La stratégie nationale de santé y pourvoit. Le Gouvernement a choisi d'agir sur tous les leviers pour rétablir la confiance et le dialogue, les équilibres financiers, les missions du service public hospitalier mais tout autant pour développer l'hôpital numérique, la politique du générique, des stratégies d'investissement, l'offre territoriale de santé. On ne peut se contenter de défendre pied à pied l'existant, pas plus qu'un objectif de rentabilité à court terme. La question de la rationalisation doit être posée territoire par territoire, en concertation.

La rédaction de l'article premier est hasardeuse. La notion même de moratoire ne fait pas sens, il fallait agir immédiatement. Maintenant, un projet de long terme est à l'oeuvre. Le groupe socialiste rejette cet article et l'ensemble de la proposition de loi.

M. Michel Le Scouarnec .  - Je m'exprime sur l'hôpital Sainte-Périne dans le XVIe arrondissement de Paris, au nom de M. Laurent.

En octobre dernier, une septuagénaire a été retrouvée morte au pied de son lit, étranglée par sa ceinture de contention ; début 2013, on avait retrouvé le corps d'une pensionnaire de 92 ans, morte de froid dans le parc. Depuis des années, les personnels nous ont alerté sur le manque de moyens dont souffre cet établissement gériatrique où le séjour mensuel coûte jusqu'à 3 500 euros.

Ces événements sont la conséquence désastreuse des suppressions massives de postes à l'AP-HP. Une mission d'inspection a été diligentée au sein de l'établissement. Sans préjuger de son résultat, un moratoire sur les suppressions de postes et le processus de restructuration à l'AP-HP s'impose.

Mme Aline Archimbaud .  - Certains arguments opposés à cette proposition de loi sont injustes. Ce n'est pas une réforme globale ? Mais toute proposition de loi est limitée dans son objet. La santé publique est évidemment un sujet trop complexe pour qu'un moratoire règle tous les problèmes. Et celui-ci ne conduit pas nécessairement à l'immobilisme.

Nous n'aurions pas voté l'exposé des motifs mais le dispositif de la proposition de loi nous convient : nous le voterons, avec l'idée que l'Assemblée nationale pourra l'amender. Le moratoire devra être limité dans le temps mais c'est un appel à la démocratie qui doit être entendu, car il reflète l'inquiétude des populations et des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)

Mme Laurence Cohen, rapporteure .  - Merci à Mme Archimbaud, qui est l'une des rares, avec son groupe, à avoir compris notre proposition de loi. Les autres groupes auraient pu proposer des amendements ; le texte serait sorti amélioré et la navette aurait pu faire son office. Vous n'avez pas fait ce choix.

M. Daudigny a rappelé les valeurs que nous partageons. Il faut passer aux actes. La convergence tarifaire continue de manière larvée, avec une baisse des tarifs plus importante dans le public que dans le privé. On entend beaucoup parler de la loi de santé publique. Souhaitons qu'elle réponde à toutes nos préoccupations ! Soutenir qu'il ne faut pas voter le moratoire dans l'espoir qu'elle le fera est un peu cavalier.

M. René-Paul Savary .  - Votre majorité est divisée sur ce projet de loi. Écoutez donc les propositions émanant d'autres bords que le vôtre, ce sera plus constructif que de détricoter ce qui a été fait auparavant ; elles mériteraient d'être étudiées.

Des avancées significatives ont été faites dans la loi de financement, par exemple en télémédecine de travail. Se pose toujours le problème de l'articulation sanitaire-médicosocial, on en arrive à des discussions de chiffonniers pour négocier les conventions tripartites -dont l'usager est absent...

Nous maintenons notre vote négatif malgré la division de la majorité. Nous sommes dans une démarche de responsabilité et de proposition.

M. François Fortassin .  - Je parlerai non du fond mais de la forme. Mme Archimbaud dit voter pour le texte parce qu'elle en a compris l'esprit. Est-ce à dire que ceux qui votent contre ne l'auraient pas compris ? Je refuse ce type d'arguments ! (Sourires)

À la demande des groupes CRC et socialiste, l'article premier est mis en voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°119 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 34
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 2

À la demande du groupe CRC, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°120 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 33
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés, je constate qu'il n'y a plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi. En conséquence, celle-ci n'est pas adoptée.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je me réjouis de ce débat, malgré son issue, car la ministre a pu mesurer les attentes et les espérances de notre commission des affaires sociales quant à la future loi de santé publique. Merci de vos réponses et de votre présence, madame la ministre.