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Table des matières
Financement de la sécurité sociale pour 2014 (Nouvelle lecture)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales
M. Yves Daudigny, rapporteur général
Mme Marisol Touraine, ministre
Répression du trafic d'espèces menacées
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
Situation économique et fiscale
Prescription des agressions sexuelles
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Plan local d'urbanisme intercommunal
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Ordre du jour du mardi 3 décembre 2013
SÉANCE
du jeudi 28 novembre 2013
38e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Jacques Gillot, M. Gérard Le Cam.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conférence des présidents
M. le président. - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.
JEUDI 28 NOVEMBRE 2013
À 9 heures 30 :
1°) Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n°170, 2013-2014)
À 15 heures :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 heures 15 :
3°) Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
Semaine sénatoriale de contrôle
MARDI 3 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption (n°114, 2013-2014) (demande du Gouvernement)
2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (texte de la commission, n°138, 2013-2014) (demande du Gouvernement)
À 21 heures 30 :
3°) Débat sur la sécurité sociale des étudiants (demande du groupe UMP)
MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 18 heures :
- Débat sur les perspectives d'évolution de l'aviation civile à l'horizon 2040 : préserver l'avance de la France et de l'Europe (demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques)
JEUDI 5 DÉCEMBRE 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre (demande de la commission d'enquête)
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur l'accès à la justice et la justice de proximité
Semaine sénatoriale
LUNDI 9 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 16 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises (n°28, 2013-2014) (demande du Gouvernement)
MARDI 10 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (A.N., n°1473) (demande du Gouvernement)
MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :
1°) Proposition de loi tendant à créer des sociétés d'économie mixte contrat, présentée par M. Jean-Léonce DUPONT et les membres du groupe UDI-UC (n°81, 2013-2014)
2°) Proposition de loi relative au financement du service public de l'assainissement par des fonds de concours, présentée par M. Daniel DUBOIS et plusieurs de ses collègues (n°840, 2012-2013)
À 21 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013
JEUDI 12 DÉCEMBRE 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Suite éventuelle du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises
2°) Proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement prévue à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles sur les places de stationnement adaptées lorsque l'accès est limité dans le temps, présentée par M. Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés (n°8, 2013-2014)
À 15 heures :
3°) Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
4°) Proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (n°818, 2012-2013)
5°) Proposition de loi tendant à autoriser le vote par internet pour les Français établis hors de France pour l'élection des représentants au Parlement européen, présentée par M. Robert del Picchia et plusieurs de ses collègues (n°48, 2013-2014)
À 22 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
6°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2013 (A.N., n°1547)
VENDREDI 13 DÉCEMBRE 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit
Éventuellement, SAMEDI 14 DÉCEMBRE 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2013
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
LUNDI 16 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n 173, 2013-2014)
MARDI 17 DÉCEMBRE 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014
MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n°700, 2012-2013)
2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n°697, 2012-2013)
3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d'Ivoire (n°703, 2012-2013)
4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013 ou nouvelle lecture
JEUDI 19 DÉCEMBRE 2013
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises
3°) Éventuellement, navettes diverses
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Financement de la sécurité sociale pour 2014 (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Cazeneuve, retenu par d'autres obligations.
À la suite de l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale a examiné lundi dernier, en nouvelle lecture, le PLFSS pour 2014. Je ne m'étendrai pas sur les avancées de ce texte, notamment sa contribution à la stratégie nationale de santé.
Ce projet de loi de financement vise deux objectifs, à commencer par la poursuite du redressement de nos comptes sociaux. Nous nous étions attelés à cette tâche dès l'été 201, puis la loi de financement pour 2013 avait enclenché le processus. Le déficit du régime général et du FSV sera ainsi ramené à moins de 13 milliards d'euros, quand il était de 21 milliards à notre arrivée aux responsabilités.
Ce texte porte également des réformes de structure, pour renforcer l'équité de notre système. Alors que notre pays traverse une période difficile, il est plus que jamais indispensable de consolider les piliers de notre protection sociale et de marquer le cap : la stratégie nationale de santé, la politique familiale et un système de retraite plus juste.
Le Parlement a apporté des modifications aux recettes de la sécurité sociale : introduction d'une fiscalité sur les boissons énergisantes, taxe sur les complémentaires santé, affectation d'une part de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) à l'aide aux personnes en perte d'autonomie, dès 2014.
Le Gouvernement a souhaité compléter ces adaptations en nouvelle lecture, je songe au calcul du prélèvement sur les placements exonérés d'impôt sur le revenu et assujettis en sortie, ou au lissage de la hausse des cotisations retraite des commerçants et artisans -ce qui ne remet pas en cause le déplafonnement partiel, mesure d'équité.
L'équilibre financier global est préservé, le déficit n'a pas été aggravé. La bonne maîtrise de la dépense y contribue, notamment la très bonne tenue de l'Ondam -la réalisation sera, en 2013, inférieure de 650 millions à l'objectif fixé. Le solde de la sécurité sociale pour 2014 reste fixé à 12,8 milliards pour le régime général et le FSV, soit une amélioration de 3,4 milliards par rapport à 2013.
Nous poursuivons le combat pour l'accès aux soins. L'assurance maladie, je le dis avec force, doit rester le piller fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Les complémentaires santé seront mieux régulées pour corriger le déséquilibre observé depuis 2004.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. - La diminution du reste à charge et l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé sont pour nous des priorités.
L'Assemblée nationale a voulu faciliter le recours à l'aide à la complémentaire santé (ACS) en votant le renouvellement automatique pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Pour les bénéficiaires de l'ACS de plus de 60 ans, l'allocation sera désormais de 550 euros, soit 50 euros de plus. Une double revalorisation de l'Aspa interviendra en 2014, au 1er avril et au 1er octobre, si bien qu'aucune pension ne sera inférieure à 800 euros. Ces décisions soutiendront le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes.
Un plan Autisme et un plan Alzheimer ont été lancés. Avec Mme Michèle Delaunay, nous préparons le projet de loi d'orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement : la concertation sera ouverte demain par le Premier ministre et elle se poursuivra dès la semaine prochaine avec les conseils généraux.
Les 100 millions de la Casa financeront pour 30 millions le soutien aux services d'aide à domicile, pour 70, un plan d'aide à l'investissement des Ehpad.
Nous poursuivons ainsi le redressement de nos comptes sociaux et la consolidation de notre système de protection sociale afin de retrouver le chemin du progrès ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Le 14 novembre 2013, le Sénat a rejeté la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, puis l'ensemble du texte. Pour la deuxième année consécutive, un Sénat de gauche rejette un texte préparé par un gouvernement de gauche et laisse à l'Assemblée nationale le soin de décider du sort de nos amendements et de façonner un texte majeur pour notre pays, et qui contenait des dispositions susceptibles de satisfaire les uns et les autres. On pouvait ainsi imaginer qu'une partie de l'hémicycle soit sensible aux bons résultats de gestion : 2,4 milliards d'euros d'efforts en matière de dépenses de santé, le respect de l'Ondam pour la quatrième année consécutive ou encore la réduction du déficit du régime général et du FSV de près de 4 milliards, ce n'est pas rien.
Une autre partie de l'hémicycle aurait pu apprécier la refonte des prélèvements sociaux applicable aux produits de placement, l'alignement des cotisations des commerçants sur le régime des salariés ou le financement des petites retraites agricoles.
Hélas, certains se sont livrés à une surenchère difficilement compréhensible, supprimant des mesures qu'ils appelaient de leurs voeux il y a peu.
Si le Sénat choisit à nouveau une voie sans issue, il s'illustrera par ses contradictions. D'aucuns reprochent au Gouvernement de ne pas aller assez loin dans le redressement des comptes mais défendent des amendements de dépenses supplémentaires, pour plus d'un milliard d'euros.
Les postures que chacun de nous se plait à prendre ici ont un coût. En rejetant un texte dont nous n'avons pu discuter tous les articles, nous condamnons le Sénat à l'impuissance et au silence et acceptons de laisser l'Assemblée nationale décider de tout le contenu d'un texte qui ne portera pas notre marque. En rendant copie blanche, nous refusons le débat démocratique et faisons le jeu des extrêmes.
En tant que rapporteur général, je suis déçu par la tournure de ces discussions et reste persuadé qu'il était possible de faire autrement, en débattant de la quatrième partie. En tant qu'élu de la République, je suis meurtri de voir le Sénat incapable de faire prédominer l'intérêt général sur les intérêts particuliers.
Après le sort réservé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, je n'ai plus aucune illusion sur celui que subira le présent texte. Je n'en demande pas moins son adoption, dans la rédaction de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Chantal Jouanno . - Nous essaierons obstinément de faire passer nos messages, bien que le texte soit parfait aux dires du rapporteur général. (Sourires)
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Aucun ne l'est !
Mme Chantal Jouanno. - Mascarade de débat, absence de dialogue... Je n'ai aucune illusion moi non plus sur l'issue de dette discussion. Quelle étrange et pathétique inversion des discours !
Ce texte, dangereux, prélève 4 milliards supplémentaires sur nos concitoyens et les dépenses ralentissent mais ne baissent pas. De plus, tous les Français sont touchés, non uniquement les riches. L'épargne privée doit retourner à la dépense privée, non compenser le défaut d'épargne publique. Les commerçants et artisans ne doivent pas être traités comme des salariés. Ils ne sont en outre pas tous riches, leur revenu moyen est de 32 000 euros par an.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale augmente la fiscalisation de la dépense sociale et le montant des transferts. Cela ne nous choque pas-mis à part le bricolage sur la Casa. Mais, il faudrait aller au bout de la logique : créer une vraie TVA sociale et joindre la discussion du projet de loi de finances et celle du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La prévention est la grande absente de ce texte, alors qu'une étude de la Cnam montre combien elle est importante en matière de santé mentale, diabète ou maladies cardiovasculaires.
Vous avez simplement ignoré les propositions de M. Roche sur le parcours de soins, celles de Mme Dini sur l'hospitalisation à domicile. Je passe sur l'épisode méprisable et méprisant du vote bloqué.
Monsieur le rapporteur général, les soucis que vous rencontrez au sein de votre majorité ne sont pas les nôtres ; n'essayez pas d'en faire porter sur nous la responsabilité. En revanche, cette caricature de débat comporte un danger pour la démocratie, car comment s'étonner après que nos concitoyens rejettent le monde politique ? (Mme Isabelle Debré applaudit)
Nous avons eu en tout et pour tout 12 heures 30 pour préparer cette nouvelle lecture. Vous n'avez rien changé, monsieur le rapporteur général, par rapport à la première lecture, et vous conservez la même attitude hautaine et sourde à nos propositions : nous ne changerons rien à notre vote. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Dominique Watrin . - Présenter en sept minutes la position du CRC sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est une gageure. D'autant que le débat en première lecture a été compliqué par l'usage de la deuxième délibération, procédure brutale, qui a supprimé les amendements votés par le Sénat, y compris ceux du rapporteur général ! L'amendement du groupe écologiste sur la taxation des retraites chapeau -que nous avions été les premiers à présenter- est tombé. Bref, il y a une seule ligne, celle du Gouvernement. Il veut imposer une politique d'austérité mais semble ignorer qu'il n'a pas, au Sénat, de majorité claire pour le suivre sur ce terrain -et il en a de moins en moins à l'Assemblée nationale. Et pourtant, il essaie de nous faire porter le chapeau de cet échec.
Nous contestons les mesures injustes, le détournement de la Casa de son objet, la taxe sur les contrats d'assurance vie, la hausse des cotisations des salariés, la compensation des hausses de cotisations patronales par la baisse des cotisations employeur à la branche famille. Comment dire que les patrons sont mis à contribution ? Le gel des pensions coûtera 800 millions aux retraités. On impose encore des économies aux établissements de santé publics. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est la diète généralisée ! Comment ferons les plus modestes, confrontés à davantage de dépenses contraintes ?
Les établissements médico-sociaux sont mieux traités que les autres, mais ils pâtiront tout de même d'une baisse de 1 % de l'Ondam.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est donc marqué du sceau de la continuité alors qu'il faudrait rompre avec des mesures nuisibles, comme les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, véritables trappes à bas salaires qui diminuent en dernière instance les recettes sociales.
Vous choisissez de privilégier les organismes complémentaires au détriment du régime obligatoire, à rebours des principes fondateurs de notre sécurité sociale.
Vous avez refusé toutes nos propositions : taxation des revenus financiers, modulation de cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises, suppression des exonérations des cotisations sociales pour les entreprises qui ne respectent pas l'égalité salariale.
Votre refus du débat nous contraindra, si notre motion n'est pas adoptée, à ne pas prendre part aux votes, sauf sur les articles et sur le projet de loi. Nous voterons contre la partie recettes de ce texte, comme en première lecture.
M. Alain Bertrand . - Le contenu du projet de loi a changé, mais peu. Certains amendements adoptés au Sénat avaient pourtant fait l'objet d'un large consensus.
Je ne reviens pas sur le vote bloqué... Nous regrettons le maintien de la clause de désignation, censurée par le Conseil constitutionnel. L'affectation de la Casa au FSV ne nous satisfait pas non plus. Les députés ont certes réservé une part de cette contribution à la CNSA mais on ne peut que regretter que la caisse ne bénéficie pas des 640 millions promis.
Nous aurions voulu des réformes structurelles, comme annoncé, plutôt que de simples ajustements. Nous saluons la rédaction de l'article 8 et les mesures relatives à la contraception des mineures, qui garantissent l'anonymat. S'agissant du sevrage tabagique, nous vous remercions d'avoir écouté les propositions de M. Tropeano. Vous portez de 500 à 550 euros l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé des personnes de plus de 60 ans : c'est une très bonne chose, ainsi que la double revalorisation du minimum vieillesse en 2014. La précarité des retraités est une réalité, l'OCDE signale du reste, dans un rapport récent, le risque de paupérisation des futurs retraités. Le report de la revalorisation des retraites touchera de plein fouet ceux qui sont juste au-dessus du minimum vieillesse, nous y reviendrons lors de la nouvelle lecture du projet de loi garantissant l'avenir et l'équité du système de retraites.
Dans sa grande majorité, le RDSE ne s'opposera pas à l'adoption du texte. Il rejettera à l'unanimité la motion tendant à opposer la question préalable. Espérons que nous arriverons à un résultat satisfaisant, dans le respect du jeu démocratique.
Mme Aline Archimbaud . - Le projet de loi contient plusieurs avancées concrètes : offre de soins de premier recours, promotion des génériques, élargissement des expérimentations relatives aux nouveaux modes de rémunération,...
Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait remanié la disposition relative aux boissons énergisantes, celle portant sur la contraception des mineures ou, encore, celle concernant les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé -qui n'est qu'une première étape. Nous proposons une automaticité réelle de l'accès à cette aide pour les bénéficiaires de l'AAH ou de l'APA.
En revanche, quelle lourde déception devant le sort réservé aux dispositions sur les retraites chapeau, la taxation du Diesel, de l'huile de palme, de l'aspartame ou du mercure dentaire. Attention ! Quand les scandales éclateront, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Lourde déception aussi face à l'absence de mesures substantielles de prévention. Nous ne pouvons continuer à fermer les yeux sur les dangers de l'amiante ou du mercure dentaire. Déception enfin de voir que vous ne reprenez pas les mesures concrètes que j'ai proposées dans mon rapport de septembre dernier pour simplifier drastiquement les procédures administratives et réduire les inégalités de santé : de manière urgente, il faut améliorer la CMU-c, l'AME, l'aide à l'ACS, le tiers payant et limiter les dépassements d'honoraires.
Certes, une grande loi de santé publique est en préparation. Nous l'attendons. Et pourquoi ne pas voter, en attendant, quelques mesures urgentes ?
Comme vous, nous voulons réduire les déficits sociaux. Cependant, l'absence de prévention et le renoncement aux soins sont également très coûteux. Il faut en tenir compte. (M. Yves Daudigny, rapporteur général, applaudit)
M. Alain Milon . - Je vous épargnerai de longs discours mais non certaines répétitions utiles. Ce texte est la copie conforme de celui que nous avons rejeté en première lecture. Certaines propositions du rapporteur général n'ont même pas été retenues. Seul l'article 8 a été modifié substantiellement. Sous la pression des associations d'épargnants, le Gouvernement propose que la suppression des taux historiques s'applique aux seuls contrats d'assurance vie multirisques : il n'est en effet pas cohérent de taxer les ménages, pour 400 millions d'euros, sur ce seul produit d'épargne.
Le financement de la revalorisation des retraites agricoles pèsera uniquement sur les agriculteurs, la hausse des prélèvements sociaux sur les artisans et commerçants sera certes lissée dans le temps mais elle participe d'une logique que nous contestons : toujours plus de prélèvements. Par la création d'une troisième tranche de la contribution sur le chiffre d'affaires des grossistes et répartiteurs, vous menacez l'approvisionnement des pharmacies d'officine. Vous passez outre, à l'article 12 ter, la décision du Conseil constitutionnel relative à la clause de désignation, au risque de porter atteinte à la liberté contractuelle.
Le détournement du produit de la Casa, de plus de 1 milliard depuis 2013, nous fait douter de la volonté du Gouvernement de mener à bien une vraie réforme pour adapter notre pays au vieillissement de la population.
L'article 22 ne comporte que des remèdes inefficaces aux problèmes du régime social des indépendants, dont la gestion a été qualifiée de « catastrophique » par la Cour des comptes. Le Sénat y travaillera ces prochains mois.
En matière de dépenses, nous accueillons favorablement la modification du régime de l'ACS mais craignons la mise en oeuvre, ignorons les modalités de l'appel d'offre.
La définition de plafonds au-delà desquels les dépenses ne sont pas prises en compte par les complémentaires risque de créer une pression à la hausse des prix. Ceux-ci se caleront sur ces plafonds. Les enjeux économiques et sociaux sont lourds : pourquoi avoir renoncé à la labellisation envisagée en 2012 ?
A l'hôpital, le système de tarifs dégressifs de remboursement en fonction du nombre d'actes est une fausse bonne idée, qui va créer une régulation par le volume et pénalisera les établissements plébiscités par les patients. Le collège de financeurs mis en place par la loi HPST risque de décourager les professionnels du secteur. Ce collège ne doit pas verrouiller les initiatives de terrain. Vous auriez pu reprendre la proposition que j'avais faite avec Mme Génisson.
Quant au dispositif sur les médicaments biosimilaires, il soulève de nombreuses questions. Il aurait fallu attendre les conclusions du groupe de travail.
Avec ce projet de loi, vous assommez de prélèvements les retraités, les agriculteurs, les indépendants, les familles sans avoir même l'assurance que cela contribuera au redressement de nos comptes sociaux. Aucune proposition du Sénat n'a été retenue. M. le rapporteur général a parlé d'une coalition disparate. Pour moi, le Sénat ne se condamnera pas au silence en marquant son refus. Au contraire, il prend ses responsabilités ! Les Français apprécient davantage les élus qui réfléchissent et proposent que ceux qui suivent ! (Applaudissements sur les bancs de UMP et UDI-UC)
Mme Chantal Jouanno. - Effectivement !
M. Jacky Le Menn . - En première lecture, le rejet de la troisième partie de ce texte nous a empêchés de discuter de sa partie recettes. Je crains qu'il en soit de même en nouvelle lecture. Avant de clore ce triste épisode de son cheminement, redisons quelques vérités à ceux qui croient devoir s'opposer parce qu'ils sont dans l'opposition et aux victimes d'un illusionnisme utopique qui les égare dans l'idéologie désespérante et désespérée du « plus à gauche que moi, tu meurs ! »... (Murmures sur les bancs du CRC)
Un budget s'apprécie dans sa globalité et en fonction du contexte économique dans lequel il s'inscrit. Quelle est la situation ? Les réformes des retraites et de la branche famille contribueront à redresser les comptes sociaux dans un souci, j'y insiste, de justice. Ainsi, le complément familial sera revalorisé de 50 % pour les familles nombreuses sous le seuil de pauvreté. N'est-ce pas une mesure de gauche, chers collègues du CRC ? Une évolution progressive de la durée d'assurance pour percevoir une retraite à taux plein ne s'impose-t-elle pas devant l'allongement de l'espérance de vie ?
Quant à l'assurance maladie, ses comptes se sont dégradés à tel point que le déficit avoisinera les 7,7 milliards. Face à cette situation dangereuse, le Gouvernement fait preuve de courage politique en maîtrisant la dépense sans rien sacrifier des crédits affectés en équité au financement des besoins de santé de nos concitoyens. J'ai entendu, en commission des affaires sociales, des incongruités sur l'évolution de l'Ondam, qui permet quand même de financer 4 milliards de dépenses de santé en plus.
La maîtrise des dépenses de santé n'est pas, pour autant, abandonnée. Ce projet de loi accompagne le déploiement de la stratégie nationale de santé, qui fait consensus parmi les acteurs de la santé ; je pense notamment au développement de la chirurgie ambulatoire, de la télémédecine et des nouveaux modes de tarification, aux premiers jalons d'une réforme en profondeur de la tarification à l'activité, conformément aux propositions de notre Mecss, ou encore aux mesures favorisant une meilleure organisation des soins de proximité. Une grande loi de santé publique est attendue en 2014.
Ce projet de loi garde le cap. Les contraintes qui s'imposent à nous ne nous conduisent ni à l'immobilisme ni au renoncement. (« Très bien ! » sur le banc des commissions) Ce texte est juste, ce texte est responsable, ce texte est sincère.
Mme Catherine Procaccia. - Vous y croyez ?
M. Jacky Le Menn. - Il correspond à nos valeurs. Madame la ministre, nous vous apporterons notre soutien sans état d'âme car ce texte participe du redressement dans la justice et du renforcement de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Mme Laurence Cohen . - Importante décision, prise à contrecoeur, que de présenter, pour la première fois, une question préalable depuis l'arrivée d'un gouvernement de gauche.
Après trois jours de débats, le Gouvernement a fait le choix de deux procédures aux lourdes conséquences. Seconde délibération et vote bloqué : le procédé est choquant, violent même. Selon vous, cela se justifiait par la volonté de rétablir un texte qui corresponde à la réalité du Sénat. Mais quelle est cette réalité ? Vous n'avez pas la majorité pour faire aboutir ici un texte qui s'inscrit dans la continuité de la politique du gouvernement précédent. Vous n'avez pas voulu reprendre les amendements du rapporteur général... C'est faire peu de cas de notre travail et du débat démocratique. Il faut être pour ou contre... Vous avez même usé du vote bloqué à l'Assemblée nationale afin de faire adopter votre réforme des retraites -dans cette circonstance, pour mettre au pas une partie du groupe socialiste. Sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il vous a fallu prendre quelques engagements, dont le financement reste cependant incertain...
Forme et fond sont étroitement liés. Le coup de pouce de 50 euros aux bénéficiaires de l'Aspa pour l'acquisition d'une complémentaire santé, vous le financez par le fonds CMU-c, c'est-à-dire par les salariés. En définitive, derrière une mesure juste, vous épargnez encore les revenus des capitaux, les rentes financières, les plus fortunés, faisant mentir le Premier ministre et M. Moscovici. Les mutuelles devront augmenter leurs tarifs, d'autant qu'elles subiront une ponction de 150 millions. De plus, non seulement le Gouvernement n'est pas revenu sur le doublement de la taxe sur les contrats d'assurance responsables -nous en avions voté ensemble la suppression en 2011- mais il augmente, au prétexte de l'équité, la taxe sur les contrats non responsables. Votre conception de la justice sociale, c'est d'augmenter une taxe pour en rendre une autre, injuste, plus acceptable... (Applaudissements au centre et à droite)
Nous ne serions pas opposés aux clauses de désignation -rebaptisées clauses de recommandations- si elles n'allaient pas de pair avec des exonérations de charges sociales pour 2,5 milliards, même si les entreprises ne jouent pas le jeu. Les employeurs peuvent toujours compter sur le Gouvernement pour contourner les règles de financement de la sécurité sociale... Vous appauvrissez le seul bien commun de tous les salariés : le régime de base obligatoire. Au lieu d'encourager le Medef à en demander toujours davantage, acceptez les amendements que, il n'y a pas si longtemps, nous votions ensemble. Je le dis avec d'autant plus de passion que les salariés n'auront pas autant de chance que les entreprises, puisque la contribution patronale aux mutuelles sera réintégrée dans le revenu imposable...
Avec M. Watrin, nous avons dénoncé l'insuffisance de l'Ondam, qui va aggraver encore les difficultés des établissements publics de santé. D'une politique rigoureuse à la rigueur, il n'y a qu'un pas qui est malheureusement franchi. Et tandis que les établissements privés commerciaux seront éligibles au CICE, ce que dénonce la Fédération hospitalière de France, les établissements publics restent exclus du bénéfice du fonds de compensation pour les emprunts toxiques. Cela est choquant.
Monsieur le rapporteur général, malgré tout le respect que j'éprouve pour vous, n'inversez pas les responsabilités. Le Gouvernement s'est obstiné à ne pas nous entendre, ni même à nous répondre. Il est clair qu'il s'obstinera encore. Poursuivre le débat d'aujourd'hui est vain. (Applaudissements sur les bancs CRC, UDI-UC et UMP)
Mme Michelle Meunier . - D'après les auteurs de la motion, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion. C'est refuser de reconnaître les efforts du Gouvernement pour défendre notre modèle social et poursuivre le redressement de nos comptes sociaux.
Les auteurs de la motion estiment que le texte est dans la continuité des politiques précédentes. Mais le déficit du régime général, qui était de 17,4 milliards en 2011, devrait repasser sous la barre des 10 milliards ; ce n'est pas rien. Parallèlement, des réformes d'ampleur sont engagées pour moderniser notre protection sociale, pérenniser la branche famille et rendre la politique familiale plus juste, accompagner le déploiement de la stratégie nationale de santé. L'effort est surtout porté sur la branche maladie, qui connaît un déficit de 7,7 milliards. L'Ondam reste fixé à 2,4 % : nous financerons ainsi le renforcement des soins de premier secours, le sevrage tabagique pour les jeunes, le tiers payant pour la contraception des mineures, la hausse du complément familial pour les familles nombreuses sous le seuil de pauvreté... Pour la branche famille, comment ne pas évoquer la création de 275 000 places d'accueil de la petite enfance ?
L'Assemblée nationale a profondément remanié l'article 8 sur la fiscalité des produits de placement, l'article 15 sur l'affectation d'une part du produit de la Casa au financement des services d'aide à domicile, l'article 59 qui reporte le gel de l'allocation de logement familial.
Au Sénat de prendre ses responsabilités. Je l'invite à refuser l'alliance de la carpe et du lapin. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE) Elle n'est pas, politiquement, compréhensible (murmures sur les bancs CRC et au centre) et a conduit à l'élaboration d'un texte incohérent. Ne condamnons pas le Sénat au silence et à l'impuissance. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Cela ne surprendra pas : je suis contre cette motion. Le texte issu de l'Assemblée nationale apporte des réponses, notamment avec ses articles 8 et 10 remaniés. Le volet Dépenses, que nous n'avons pu examiner en première lecture du fait du vote du groupe CRC, met en oeuvre les grandes lignes de la politique du Gouvernement en matière de santé.
Le recours à la seconde délibération s'imposait quand le texte avait été défait. Fallait-il envoyer une page blanche à l'autre chambre ? Chaque groupe politique a ainsi pu clairement se positionner.
Contre l'avis de son rapporteur général, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à cette motion n°1.
Mme Marisol Touraine, ministre . - Je ne peux pas vous laisser dire que je refuse le débat démocratique. Il a eu lieu, ici comme à l'Assemblée nationale, et ailleurs encore. Oui, j'assume que le Gouvernement propose une politique exigeante. Contexte difficile ou non, il importe de rétablir nos comptes sociaux Devons-nous laisser ce poids aux générations futures ? Ne faut-il pas adapter notre système de protection sociale à la société d'aujourd'hui ? Ne voyez-vous pas que notre pacte social, pour être fort vivant et durable, appelle des réponses nouvelles ? Nous ne pouvons plus nous contenter des réponses d'hier.
Je revendique la nécessité d'une protection sociale modernisée ! Par principe, avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Jean-Noël Cardoux . - Il se passe ici des choses étranges, décidément. Le Gouvernement multiplie le recours à la deuxième délibération et au vote bloqué pour nous obliger à voter les textes de l'Assemblée nationale. Hier soir encore, sur le budget. C'est la démocratie de l'entêtement. À qui la faute ? Est-ce celle de la carpe ou celle du lapin ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les deux !
M. Jean-Noël Cardoux. - C'est plutôt celle d'une majorité qui se défait parce qu'elle n'était soudée que par l'opposition à l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy.
Ce texte ne procède qu'à un replâtrage : à l'anti-économique article 8 sur la fiscalité des produits de placements ; à l'article 10 sur les cotisations des indépendants, qui reste imprécis ; à l'article 15 ; enfin au sinistre article 12 ter sur les clauses de désignation travesties en clauses de recommandation dont la constitutionnalité est douteuse, même aux yeux de l'éminent juriste qu'est M. Urvoas. C'est bien peu.
Le groupe UMP votera la motion. Pour éviter une situation qui donne une piètre image du débat politique comme du Sénat, encore faudrait-il que le Gouvernement fixe un cap lisible, susceptible de fédérer une majorité... (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Aline Archimbaud . - Nous voterons contre la motion. N'ayons pas la mémoire courte. Ce texte n'est pas de continuité, il est de rupture. Il améliore la situation des comptes sociaux et fait reculer les inégalités sociales et d'accès aux soins. Souvenez-vous qu'autrefois, on stigmatisait les chômeurs et les précaires et qu'on cherchait avant tout des recettes en faisant la chasse aux fraudeurs.
Deuxième raison, nous privilégions toujours le débat démocratique. Y mettre fin pour la deuxième année consécutive, outre nier notre travail, serait jeter le discrédit sur la politique dans une société en proie aux crispations et aux corporatismes, à la perte des repères et du souci de l'intérêt général. Ce serait faire le jeu des populismes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et RDSE)
M. Alain Bertrand . - Je suis stupéfait qu'on mélange ainsi l'accessoire et le principal. La différence se situe entre une politique de gauche, progressiste et sociale, et une politique de droite, libérale. Dans une situation tendue, où l'héritage pèse car les comptes sociaux étaient à l'équilibre quand le gouvernement Jospin a quitté le pouvoir, ce texte préserve notre protection sociale et nos services publics. La droite, elle, aurait choisi de la privatiser un peu plus ; c'est sa politique.
Le groupe CRC, que je respecte parfaitement, trouve qu'on ne va pas assez loin. En le refusant, il trompera les Français sur la nature du texte, qui est fondamentalement progressiste et protecteur du service public de la santé.
Le groupe RDSE, unanime, votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)
Mme Muguette Dini . - A l'instar de nos collègues des groupes CRC et UMP, nous pensons qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion. Pour des raisons de forme, d'abord. Le vote bloqué, la seconde délibération et les conditions d'examen de cette nouvelle lecture ne sont pas acceptables. Sur le fond, l'Assemblée nationale ayant très peu modifié le texte, aucune majorité n'est possible ici ; les mêmes causes produiront les mêmes effets...
Nous rejetons ce texte inquiétant pour l'avenir. Beaucoup de bricolage, pas de réformes structurelles, une fiscalisation non assumée de la sécurité sociale, des clauses de désignation inconstitutionnelles ; l'UDI-UC votera la motion. (Applaudissements à droite)
Mme Michelle Meunier . - Le groupe socialiste ne votera pas cette motion. Je ne reviendrai pas sur le fond pour dire que l'alliance est bien celle de la carpe et du lapin, pour ne pas dire celle du loup et de l'agneau -on sait comment l'histoire finit... (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Dominique Watrin . - Des formules à l'emporte-pièce ne remplacent pas un vrai débat.
M. Alain Bertrand. - Le débat, vous le tuez !
M. Dominique Watrin. - Nous y sommes prêts, dans le respect des valeurs de gauche. La réalité des choses est que Bruxelles impose sa politique d'austérité. Le président de la République, contrairement à ce qu'il avait dit durant la campagne présidentielle, n'a pas renégocié le traité européen. Résultat, vous allez chercher avec constance l'argent chez les couches moyennes et populaires de la population. Quelque 600 millions de moins pour les hôpitaux, qui sont en grande difficulté, voilà la réalité ! Allons chercher l'argent là où il est : les grandes fortunes ont augmenté de 25 %, les dividendes de 5 %. Cette manne financière, le Gouvernement ne l'égratigne pas le moins du monde ! L'austérité, c'est moins de pouvoir d'achat, moins de consommation et au final, moins de rentrées fiscales et moins de recettes pour la sécurité sociale. C'est ce cercle vicieux qu'il faut rompre.
Il n'y a pas d'un côté les gens responsables et de l'autre ceux qui ne le sont pas. Cette motion constitue en effet un événement exceptionnel ; nous l'avons déposée, forcés et contraints, pour provoquer un vrai débat de gauche, protéger nos concitoyens durement touchés par la crise et préparer un avenir meilleur pour cette France que nous aimons tant.
La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin n°89 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le Sénat n'a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.
La séance est suspendue à 11 heures 35.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Répression du trafic d'espèces menacées
M. Ronan Dantec . - Le sommet de l'Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique se tiendra la semaine prochaine. Je salue la volonté du président de la République de consacrer un volet à la protection de l'éléphant (rires à droite) et de la biodiversité en Afrique ; c'est essentiel pour la paix sur ce continent. Selon le programme des Nations Unies pour l'environnement et Interpol, portant sur une masse de 15 à 20 milliards de dollars par an, le trafic d'espèces protégées est le quatrième trafic après la drogue, les êtres humains et les armes. Il se répand aussi en Europe et dans notre pays.
Selon le rapport de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, on a constaté 1 084 infractions en 2012, soit près de 50 % de plus qu'en 2012. Dans la loi du 7 juillet 2013, l'article 132-71 du code pénal a été amendé à mon initiative pour aligner la qualification de trafic d'espèces protégées commise en bande organisée sur celle du trafic d'armes et de drogues.
Quatre interrogations demeurent. La première porte sur la capacité des services chargés de réprimer ces infractions de mettre en oeuvre des techniques spéciales d'enquête, utilisées pour les autres formes de criminalité organisée. La deuxième sur les moyens humains de l'Office -15 postes de plus ne suffiront pas. La troisième sur la coordination entre les services de l'intérieur, de l'écologie et des douanes. Nous regrettons la réduction des moyens de la police environnementale. La quatrième sur notre coordination avec Interpol. Ma question est simple : quels moyens vous donnez-vous pour combattre cette criminalité ?
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - Comme vous le savez, je ne suis pas un spécialiste des éléphants, ni d'autres espèces protégées. (Rires) Sur le fond, l'article 415-6 du code de l'environnement, adopté à votre initiative, réprime désormais les trafics d'espèces protégées de sept ans d'emprisonnement, de 150 000 euros d'amende et de la saisie des avoirs criminels, grâce au projet de loi de lutte contre la grande délinquance économique et financière.
Douaniers, policiers et gendarmes disposent de tous les moyens d'enquête, notamment de sonorisation, de captation des données informatiques, etc., dont ils usent pour lutter contre les autres trafics commis en bande organisée. Je ne doute pas que vous l'approuviez.
M. Jean-Louis Carrère. - Il faudrait approuver la loi de programmation militaire !
M. Manuel Valls, ministre. - C'est juste ! L'Office s'appuie sur un réseau de 350 correspondants répartis sur l'ensemble du territoire, en métropole et outre-mer. Vous avez évoqué le renforcement des effectifs de l'office par le recrutement de 15 policiers supplémentaires. Parce que ces trafics débordent les frontières, nous travaillons en liaison avec les 80 attachés de sécurité intérieure dans les ambassades et en coordination avec Interpol.
Enfin, le sommet de l'Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique comportera une table ronde sur le trafic d'ivoire et le braconnage des éléphants. Voyez, nous sommes conscients du problème et voulons avancer ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)
Fiscalité
Mme Isabelle Pasquet . - Ma question s'adresse à M. Moscovici. (Exclamations à droite) Le Premier ministre a annoncé une réforme fiscale qui semble ne concerner que les salariés et ne pas devoir toucher au capital. Or la fiscalité applicable aux entreprises est un enjeu majeur pour la croissance et l'emploi. Les niches fiscales et les exonérations de cotisations sociales patronales, pour quelque 120 milliards d'euros par an, y portent atteinte.
De plus, certains grands patrons n'hésitent pas à franchir le Rubicon pour pratiquer l'évasion fiscale et la fraude. Ces conduites antirépublicaines minent notre pacte social.
Un seul chiffre : 180 milliards d'euros perdus en fraude fiscale et sociale, dont 50 milliards sur la seule TVA. (Exclamations à droite)
Voix à droite - Qu'en savez-vous ?
Mme Isabelle Pasquet. - Alors que les fermetures de site et les plans de licenciement se multiplient, qu'entendez-vous faire pour combattre la fraude ? Deux exemples : Unilever a fermé quatre sites, détruisant 1 500 emplois en France ; Gary Klesch a coulé Kem One, anciennement Arkema, soit 1 300 emplois, en neuf mois, pour renflouer ses comptes à Jersey. Allez-vous rendre publique la liste des évadés fiscaux ? Vous devez cette transparence à notre peuple ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Dans un État de droit, je ne peux pas communiquer la liste des évadés fiscaux...
M. Marcel-Pierre Cléach. - Heureusement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...à laquelle ont néanmoins accès les rapporteurs généraux et spéciaux du Parlement. Il ne s'agit nullement de dissimuler quoi que ce soit mais de préserver le principe du contradictoire, essentiel à notre République.
Le Gouvernement lutte avec énergie contre la fraude fiscale. La mission commune d'information du Sénat, présidée M. Éric Bocquet, a formulé 60 propositions pour combattre l'évasion fiscale. Nous avons pris des dispositions législatives pour durcir considérablement notre arsenal de lutte contre la fraude, comme l'inversion de la charge de la preuve en matière de transfert de bénéfices et l'augmentation des sanctions pénales, dans le cadre de la loi contre la délinquance économique et financière que j'ai présentée avec Christiane Taubira. Nous attendons que cette lutte produise 2 milliards d'euros en 2014. La circulaire de juin a déjà eu des effets : plus de 6 000 dossiers ayant été déposés, les résultats pourraient être plus élevés. Jamais un Gouvernement n'a été aussi déterminé ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Baby Loup et laïcité
M. François Fortassin . - Hier, la cour d'appel de Paris a jugé valide le licenciement de la salariée de Baby Loup parce qu'elle refusait de retirer le voile islamique sur son lieu de travail, en dépit du règlement intérieur et des avertissements de la direction. L'avocat de la salariée a annoncé vouloir poursuivre ce marathon judiciaire absurde dû à l'absence de clarté de la loi. Pour les hommes et les femmes attachés à la République, comme le sont les radicaux, défendre la laïcité est un devoir ; plus encore, un honneur. Raison pour laquelle nous avons déposé, avec le groupe RDSE et à l'initiative de notre collègue Françoise Laborde, une proposition de loi sur l'obligation de neutralité dans les crèches, soutenue par le groupe socialiste. Le principe de la laïcité a toute sa place dans les écoles et les entreprises. Il est temps d'agir : ne laissons pas aux seuls juges le soin de donner des réponses variées selon les circonstances. La loi de la République est la seule réponse qui vaille. Oui, le courage et l'esprit de responsabilité nous commandent d'agir : le Gouvernement va-t-il inscrire notre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements à gauche ainsi que sur de nombreux bancs au centre et à droite)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - La cour d'appel a, en effet, rendu une décision contraire à l'arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013. Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter cette décision de justice, d'autant que la salariée peut se pourvoir en cassation une nouvelle fois ; en ce cas, l'assemblée plénière de la Cour statuera. En raison des difficultés d'interprétation du droit, le Gouvernement avait saisi l'Observatoire de la laïcité ; celui-ci a considéré, au terme d'une réflexion approfondie et d'une large concertation, que le droit actuel permettant de répondre à la question posée, une nouvelle loi n'était pas nécessaire...
MM. René Garrec et Charles Revet. - C'est vrai !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Dans un esprit de responsabilité et d'apaisement des tensions, dans le souci constant du respect des valeurs de la République, nous entendons prendre les mesures nécessaires pour retrouver le chemin de la concorde et de la réconciliation dans les structures d'accueil des jeunes enfants. Le Premier ministre les annoncera le moment venu. (Applaudissements à gauche)
Situation économique et fiscale
M. Roger Karoutchi . - Hier, le Sénat a rejeté le budget ; puis, ce matin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pause fiscale ? Pour vous, il n'y a jamais assez de taxes et d'impôts ! (Protestations sur les bancs socialistes ; on renchérit à droite) Les Français, ayant reçu leurs feuilles d'impôts, découvrent la facture et savent ce qu'il faut penser des annonces du président de la République et du Premier ministre. Vous annoncez une réforme fiscale qui n'est qu'un leurre. Choc du verbe, promesses... (Vives protestations sur les bancs socialistes ; marques d'approbation à droite) Idem pour le chômage : la courbe ne s'inverse pas... « Un jour » nous dit finalement le président de la République...
M. Roland Courteau. - Vous ne manquez pas d'air, avec votre bilan !
M. Roger Karoutchi. - Manifestement, la boîte à outils a disparu ou elle a été enterrée dans le jardin. (Rires à droite ; nouvelles protestations sur les bancs socialistes) Visiblement, nous sommes en berne quand nos voisins se redressent Je n'aurais pas la cruauté de demander, comme un député socialiste hier, quand allons-nous changer de Gouvernement ? (Interruptions sur les bancs socialistes ; on s'amuse sur certains bancs à droite) Ce n'est pas une question de personne : ce dont nous avons besoin, c'est d'un cap clair. Nous ne pouvons plus continuer comme ça ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Quel esprit de nuance et d'équilibre ! (Rires sur les bancs socialistes) Rappelons les chiffres car c'est le seul instrument qui vaille. Pendant cinq ans...
M. Alain Gournac. - C'est reparti !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...le Gouvernement auquel vous avez appartenu n'a cessé d'augmenter la dépense publique. (Vives exclamations à droite) En dix ans, de 2002 à 2012, la dépense publique a augmenté en moyenne de 2 % par an. Nous avons stoppé cette progression...
M. Roger Karoutchi. - Non !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous réalisons 15 milliards d'euros d'économies en un an, quand vous vous targuiez de 10 milliards en trois ans. Et ce ne serait pas assez ? Vous ne savez pas compter... (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)
M. Christian Cointat. - C'est vous qui ne savez pas compter !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous avez décidé 20 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires en 2011. L'augmentation a été identique en 2012 et 2013. Nous faisons vingt fois moins, soit 1 milliard d'euros, que le dernier budget préparé par Mme Pécresse, telle est la vérité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Quant à l'emploi, vous avez détruit 750 000 emplois industriels sous le précédent quinquennat.
M. Francis Delattre. - Moins 130 000 depuis le début de l'année !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous, nous inverserons la courbe du chômage ! Tel est, plus que jamais, notre objectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
Prescription des agressions sexuelles
Mme Muguette Dini . - Le 25 novembre dernier, à l'occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement a encouragé les femmes à prendre la parole pour dénoncer les agressions sexuelles. Des milliers d'enfants subissent ces violences, dans le cadre intrafamilial ou du fait de proches ; ils parlent peu. Selon la présidente de Stop aux violences sexuelles, ces crimes sont « le meurtre de l'âme (...), de véritables crimes contre l'humain ». Cécile, une femme de 41 ans, violée à cinq ans par son cousin, a tenu à porter plainte, malgré l'expiration du délai légal de prescription. Son avocat l'a souligné, le 6 novembre, devant la Cour de cassation : les abus contre les biens, comme l'abus de biens sociaux, sont davantage punis que ces crimes contre les personnes, sources de profonds traumatismes psychologiques. Les délais de prescription sont moindres. Quand cela va-t-il cesser ? (Applaudissements sur de nombreux bancs) Peut-on envisager l'imprescriptibilité ? Quand va-t-on reconnaitre que viols et agressions ne sont qu'un seul et même crime : le crime sexuel ? (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous abordez un sujet profondément douloureux. Le 25 novembre, le Gouvernement s'est attaché à libérer la parole des victimes, en lançant une campagne de sensibilisation, car il importe qu'elles parlent le plus tôt possible.
Vous évoquez l'abus de biens sociaux qui repose, par nature, sur la dissimulation et dont le délai de prescription est logiquement assez long. Pour les crimes et délits sexuels commis sur les mineurs, le délai de prescription court à compter de la majorité. Vous proposez l'imprescriptibilité. Cela ne se peut malgré les traumatismes et les violences ; il ne s'agit pas de crimes contre l'humanité. Un crime unique ? Cela irait contre le principe que sous-tend notre droit : celui de la proportionnalité. Pour autant, nous travaillons pour revoir le régime des prescriptions et, surtout, faire baisser l'acceptabilité sociale de ces crimes et violences, intolérables. (Applaudissements à gauche ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)
Plan local d'urbanisme intercommunal
M. Claude Bérit-Débat . - Lors du Congrès des maires, qui vient de s'achever, les maires se sont dits préoccupés par le transfert aux intercommunalités des compétences d'urbanisme. Le Premier ministre a rappelé son attachement à la solution de compromis adoptée par le Sénat.
L'obligation de réaliser un PLU intercommunal était vécue comme une dépossession des communes. Le Sénat a joué son rôle de représentants des collectivités territoriales en instaurant une minorité de blocage. Un quart des maires représentant 10 % de la population de l'intercommunalité pourront refuser le PLU intercommunal.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée à ne pas y revenir. Nous vous en savons gré. Le confirmez-vous ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Le PLU intercommunal est en effet un élément important du projet de loi Alur, c'est un projet envisagé de longue date car 40 % des communes restent couvertes par le règlement national d'urbanisme. Le Gouvernement apportera un appui financier aux intercommunalités qui se doteront d'un tel document.
Les inquiétudes qui se sont exprimées, bien qu'elles me semblent parfois excessives, sont légitimes. Grâce au Sénat, le PLUI demeurera la règle mais les élus ne souhaitant pas s'en doter auront les moyens de le faire. Nous respectons ainsi les élus locaux. Les engagements que j'ai pris au Sénat sont fermes et j'entends lever doutes et inquiétudes. Je défendrai votre solution devant l'Assemblée nationale, sachant que c'est aussi un engagement du premier ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Découpage cantonal
M. Antoine Lefèvre . - Le Monde d'hier a souligné l'unité transpartisane contre la loi pour l'élection des conseillers départementaux et surtout contre le redécoupage électoral cantonal : un tiers des conseils généraux, y compris dirigés par votre majorité, ont donné un avis défavorable. Dans l'Aisne, le projet a été communiqué aux élus il y a trop peu de temps. Les 42 cantons actuels -23 pour la majorité, 19 pour l'opposition- sont ramenés à 21 pour favoriser la majorité actuelle qui en gagnerait 15 contre 6 pour l'opposition.
M. Alain Gournac. - Bizarre !
M. Antoine Lefèvre. - L'augmentation de la superficie de certains va, en outre, accélérer la désertification de certains territoires, privés de services publics. Certains territoires ruraux ne seront plus éligibles à la dotation de solidarité rurale après 2017. Si vous avez conscience des avantages électoraux de ce redécoupage, avez-vous aussi conscience des dégâts que vous allez causer ? Si oui, quel cynisme ! Je ne peux le croire... (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - J'ai oublié de dire tout à l'heure à M. Dantec que M. Philippe Martin présidera la table ronde sur les espèces menacées... (Rires)
M. Alain Gournac. - A quoi pensez-vous donc ?
M. Manuel Valls, ministre. - Monsieur Lefèvre, vous avez mal lu l'article du Monde qui faisait surtout état d'une résistance à l'instauration de la parité. Le conseil général de l'Aisne compte 6 femmes sur 42 membres. Avec le binôme, nous aurons 21 femmes aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes) Les critères de découpage sont connus puisque ce sont ceux dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La démographie et la carte de coopération intercommunale en sont les principaux. A ce jour, 56 projets ont été transmis par les préfets, 36 ont été votés. Le conseil d'État examine ensuite les propositions faites : 24 dossiers ont été approuvés sur 32. Il a d'ailleurs approuvé le redécoupage dans votre département, avec une modification marginale concernant une commune, au regard du critère démographique. Bref, nous appliquons la loi et rien que la loi ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes)
Normes et statut de l'élu
M. Jean-Jacques Mirassou . - Les élus locaux, et singulièrement les maires, se plaignent depuis longtemps de l'inflation normative, qui pénalise nos territoires.
Les conclusions des états généraux de la démocratie territoriale, qui se sont tenus au Sénat en 2012, ont donné lieu à la création d'un médiateur des normes. La proposition de loi de M. Sueur et de Mme Gourault, adoptée par le Sénat le 7 octobre dernier, crée un Conseil national d'évaluation des normes pour réaliser ce que François Hollande a appelé un choc de simplification.
De quels moyens disposera le médiateur des normes pour mener à bien ses missions ? Quand sera créé le Conseil national d'évaluation des normes ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Vous avez rappelé la situation : une inflation des normes qui a coûté plus de 1,2 milliard pour la seule année 2012 aux collectivités.
Je veux saluer le travail du Sénat en la matière, notamment la proposition de loi Gourault-Sueur, votée à l'unanimité. Le Conseil national d'évaluation des normes sera mis en place dans les meilleurs délais, dès que le décret sera publié.
Depuis le 2 mars 2013, chaque création de norme s'accompagne de la suppression d'une autre norme. De plus, le 19 novembre dernier, au Congrès des maires, le Premier ministre a demandé à Alain Lambert, votre ancien collègue, d'occuper le poste de médiateur des normes. Il facilitera les relations juridiques entre l'administration et les collectivités. Tout le dispositif public le soutiendra dans sa mission. (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialistes et RDSE)
GUL
M. Marc Laménie . - Le document relatif à la mise en place de la garantie universelle des loyers (GUL) a été dévoilé non par le Gouvernement mais par la presse. C'était pourtant une mesure phare de la loi Alur. L'Inspection générale des finances comme le Conseil d'analyse économique ont formulé les mêmes critiques que nous sur le financement du mécanisme : la création d'une taxe affectée serait inconstitutionnelle et allongerait encore la liste des taxes nouvelles ; quant au financement public, regardons la vérité en face : le coût du dispositif pourrait être prohibitif, 1,5 milliard. Bref, cette norme irréaliste conduira à choisir entre l'augmentation des impôts ou des dépenses publiques. Quel sera votre choix ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Le groupe de travail sur la GUL associe toutes les familles politiques. Cette garantie repose sur la solidarité. Pour la mettre en oeuvre, nous comptons sur la participation de tous. L'objectif est triple : sécurisation des propriétaires, accès au logement et prévention des expulsions. Les précédents dispositifs, locapass et GRL, étaient insuffisants -Benoist Apparu avait reconnu qu'il faudrait universaliser la mesure.
Le rapport de l'Inspection générale des finances est intéressant, vous auriez dû le lire jusqu'au bout. Il identifie un certain nombre de risques mais le procès en sorcellerie n'a pas lieu d'être mené.
L'idée d'une taxe partagée par les propriétaires et les locataires est abandonnée. Nous étudions d'autres pistes de financement : le budget de l'aide au logement représente 40 milliards, on pourrait en réaffecter une partie. N'ayez aucune inquiétude sur la mise en oeuvre de la GUL. (Applaudissements sur les bancs écologiques, socialistes et RDSE)
Services publics locaux
M. Alain Fauconnier . - « Représenter, rassembler, construire », tel était le slogan du Congrès des maires de France qui vient de s'achever. M. Ayrault, qui a été maire durant trente-cinq ans, y a été bien accueilli, contrairement à ce qu'on disait ; mieux que M. Fillon, n'est-ce pas ?
M. Roger Karoutchi. - C'est parce que nous sommes des gens corrects, ce qui n'est pas le cas de tout le monde.
M. Alain Fauconnier. - Les communes, dans la période que nous traversons, jouent un rôle fondamental. La reconfiguration de la carte cantonale les a toutefois inquiétées. Les nouveaux cantons pourront-ils bénéficier de la dotation de solidarité rurale bourg-centre ?
En outre, le maillage des services publics est également menacé. Dans l'Aveyron, ma compagnie de gendarmerie, les locaux de FR 3, les écoles ont subi d'importantes coupes, dans la droite ligne de la RGPP. Pouvez-vous nous rassurer sur ces points ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Cher ami... (on feint l'indignation à droite) ...nous sommes du même département. Au Congrès des maires, qui s'est déroulé dans un climat harmonieux, le Premier ministre a souhaité apporter des assurances et du réconfort à des élus qui ont pu se sentir mal aimés et abandonnés. En ce qui concerne la dotation de solidarité rurale bourg-centre, rien ne sera modifié avant 2016 pour une entrée en vigueur en 2017. Ses conditions d'attribution seront néanmoins préservées, même après cette date -le Premier ministre s'y est engagé.
En ce qui concerne les services publics -tous les services, pas seulement ceux de l'État, en milieu urbain comme en milieu rural-, nous travaillons avec Mme Lebranchu et Mme Duflot, dans le cadre du texte sur l'égalité des territoires, à une meilleure implantation sur tout le territoire. L'engagement a été pris de créer 1 000 maisons de services publics -il y en a 350 actuellement- avec un budget inscrit de 35 millions. En ce qui concerne la gendarmerie, M. Valls l'a déjà annoncé, il y aura 500 créations d'emplois. Cela peut, je crois, vous rassurer sur la volonté du Gouvernement. (On se gausse à droite) Comptez sur notre détermination ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)
CMP (Demande de constitution)
M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 27 novembre prennent effet.
Prochaine séance mardi 3 décembre 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à 15 h 55.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 3 décembre 2013
Séance publique
À 14 heures 30
Présidence : M. Jean-Patrick Courtois, vice-président
Secrétaires : M. Odette Herviaux - M. Jean-François Humbert
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption (n°114, 2013-2014).
Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°176, 2013-2014).
Texte de la commission (n°177, 2013-2014).
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (n°118, 2013-2014).
Rapport de M. Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n°137, 2013-2014).
Texte de la commission (n°138, 2013-2014).
À 21 heures 30
Présidence : M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
3. Débat sur la sécurité sociale des étudiants.
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 89 sur la motion n°1, présentée par M. Dominique Watrin et les membres du groupe CRC, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :345
Suffrages exprimés :345
Pour :188
Contre :157
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe UMP (132)
Pour : 131
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Claude Carle, président de séance.
Groupe socialiste (127)
Contre : 126
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat.
Groupe UDI-UC (32)
Pour : 31
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault.
Groupe CRC (20)
Pour : 20
Groupe RDSE (19)
Contre : 19
Groupe écologiste (12)
Contre : 12
Sénateurs non-inscrits (6)
Pour : 6