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Table des matières
Contrôle scientifique du crédit d'impôt recherche
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
Allocation de retour à l'emploi
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
Éducation nationale en Seine-et-Marne
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
Institut national de l'origine et de la qualité (Inao)
M. Jean-Claude Peyronnet, en remplacement de M. Didier Guillaume
Permis probatoire pour les sapeurs-pompiers
Crédit-bail aux collectivités locales
Taxes affectées aux comités professionnels de développement économique
Distribution du courrier dans les mairies
Plan national d'action contre les AVC
Crise de vocations à l'hôpital
Statut des élus locaux et pension d'invalidité
Protection juridique des majeurs
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Libération des otages français au Niger
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Modification à l'ordre du jour
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du mardi 29 octobre 2013
19e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Hubert Falco, Mme Odette Herviaux.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions orales.
Contrôle scientifique du crédit d'impôt recherche
M. Michel Berson . - Le numérique est au coeur du redressement industriel de notre pays. Comment renforcer l'attractivité de la France en matière de recherche et d'innovation ? Le crédit d'impôt recherche (CIR) est particulièrement incitatif pour les PME et celles du secteur numérique tout spécialement. Or, les contrôles fiscaux se multiplient, parallèlement au nombre croissant d'entreprises déclarant un CIR. Ils se soldent souvent par des redressements qui vont jusqu'à mettre en danger l'instance même des entreprises ciblées.
À l'évidence, il y a une spécificité du numérique qui impose une redéfinition de la recherche et de l'état de l'art. C'est au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et non à la seule administration fiscale d'évaluer le respect des critères d'éligibilité au CIR.
La sous-traitance des dépenses de recherche, plafonnée pour bénéficier du CIR, est source de litiges entre administration, donneurs d'ordre et sous-traitants. Il conviendrait de supprimer les plafonds pour faire de la sous-traitance collaborative.
Le CIR ne doit pas être remis en question mais adapté. Le président de la République s'est engagé à le sanctuariser. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser comment le Gouvernement entend fluidifier, clarifier le CIR, notamment dans l'industrie numérique ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Comme ministre, j'ai moi aussi été interpellée par les PME et PMI dont les redressements compromettent l'équilibre financier. En février, une instruction fiscale établie en étroite collaboration avec mon ministère a précisé les conditions requises pour bénéficier d'un dispositif qui doit être lisible et adapté aux enjeux du numérique. J'ai lancé un groupe de travail en mai dernier, où toutes les administrations compétentes sont représentées aux côtés du secteur. Il a mis en évidence le problème de lisibilité des procédures de contrôle. Nous allons clarifier le périmètre éligible pour des secteurs comme la veille technologique. L'état de l'art sera pris en compte. Ces dispositions, opposables à l'administration fiscale, devront voir le jour en 2014.
Le projet de loi de finances 2014 simplifie l'application du CIR dans l'ensemble des entreprises du numérique. Le CIR est maintenu, et adapté, en particulier dans ce secteur très évolutif.
M. Michel Berson. - Merci de ces précisions qui confirment que le Gouvernement reste attaché au CIR et déterminé à l'adapter. Un point est crucial : le nombre d'entreprises bénéficiant du CIR a doublé depuis cinq ans. Il y a 20 000 déclarants et 15 000 bénéficiaires. C'est très positif. Mais le nombre d'experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui ont en charge le contrôle scientifique du CIR n'a pas augmenté. Songeons-y pour progresser.
Il n'y a pas encore de décret définissant ce que doit être le débat contradictoire dans les entreprises bénéficiant du CIR. C'est un principe de notre droit public qui peut être positif pour elles.
Logement en Guyane
M. Georges Patient . - Le logement social est en crise. En additionnant les 13 000 demandes non satisfaites et les 11 000 logements insalubres, on constate qu'un quart de la population guyanaise est mal logée. La croissance de la population y est cinq fois plus élevée qu'en métropole, la plus forte des outre-mer. Or, l'offre ne suit pas cette croissance de la demande. Une progression avait été enregistrée en 2011, vite retombée. Au 30 septembre 2013, 38 millions d'euros seraient dus aux sociétés d'économie mixte de Guyane au titre de la ligne budgétaire unique (LBU), même si 8 millions de crédits de paiement ont été récupérés.
C'est toute la dynamique du rattrapage des logements sociaux en Guyane qui est en jeu. Les conditions d'une explosion sociale sont réunies.
Monsieur le ministre, quels crédits entendez-vous dégager et quel dispositif mettre en place pour 2014 ? La Guyane sera-t-elle correctement dotée en autorisations de paiement et en crédits de paiement eu égard à la crise ?
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer . - Vous soulevez une difficulté majeure et récurrente. La politique du logement en Guyane est une priorité du Gouvernement. La LBU a augmenté de 18 % par rapport à l'an dernier, 25 % par rapport à 2011. Dès mon arrivée, je l'ai renforcée en faveur de la Guyane. En 2012, mon ministère a fait passer la dotation initiale de 16 à 26 millions d'euros, soit + 60 %.
L'accélération des constructions de logements sociaux, permise par le couple LBU-défiscalisation, n'a pas suffi. J'ai autorisé un abondement supplémentaire de 3 millions en juillet dernier, puis un nouvel abondement de 5,2 millions en septembre. Vous voyez que nous ne sommes pas inertes. En 2013, la dotation initiale est passée à 28 millions d'euros. Si cela ne suffit pas, je vous invite à en débattre avec le ministre du budget. Les dotations de LBU de la Guyane seront de 31,7 millions en autorisations de paiement et 32 millions en crédits de paiement. Entre 2012 et 2014, nous passons donc de 16 à 32 millions.
Compte tenu du dynamisme démographique, il faudra construire 100 000 logements en Guyane en dix ans, soit 10 000 par an. Nous mettons tout en oeuvre pour y parvenir.
M. Georges Patient. - Merci pour cet engagement. Compte tenu de la gravité de la situation en Guyane, dans un contexte très sensible, je vous invite à poursuivre l'effort : il ne s'agit pas de doubler la dotation initiale mais les crédits de paiement. Je réitère ma demande, monsieur le ministre, vous avez toute ma confiance.
Combattants volontaires
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - J'attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la différence de traitement existant entre les engagés volontaires des guerres mondiales, des guerres d'Indochine, de Corée, d'Afrique du nord et ceux servant actuellement dans nos armées.
Depuis la suspension de la conscription, ne servent dans nos armées que des volontaires. Une partie de ceux-ci sont des contractuels qui signent un contrat à durée déterminée pour une armée ou une formation rattachée. Aux termes de ce contrat, ils peuvent être désignés pour servir sur tout territoire où des troupes françaises sont stationnées ou seraient envoyées. Ils n'en demeurent pas moins des volontaires.
S'ils obtiennent la médaille commémorative avec agrafe ou la médaille d'outre-mer avec agrafe et la carte du combattant, ils remplissent toutes les conditions cumulatives pour pouvoir prétendre à la croix du combattant volontaire créée par la loi du 4 juillet 1935 et attribuée, depuis, à toutes les générations du feu. Cette décoration symbolique, sans aucun coût pour l'État, récompense l'acte de volontariat de ces engagés qui ont accepté de leur plein gré de mettre leur intégrité physique, et éventuellement leur vie, au service de la Nation.
Au nom de l'équité et de la reconnaissance que méritent ces volontaires, le Gouvernement envisage-t-il d'attribuer la croix du combattant volontaire avec agrafe « missions extérieures » aux engagés volontaires remplissant les conditions habituelles ?
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - La croix du combattant volontaire a été créée à l'occasion du premier conflit mondial pour récompenser les engagés volontaires dans une unité combattante alors qu'au regard de leur âge, ils n'étaient pas tenus de le faire.
Des conditions sont posées à son attribution, étendues en 2007 pour reconnaître le volontariat des appelés de la quatrième génération du feu, puis en 2011 pour les réservistes opérationnels. Il en va autrement des engagés volontaires contractuels dont le statut est tout autre, puisqu'ils s'engagent par contrat à servir en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances.
L'extension du droit à la croix du combattant volontaire au profit des militaires contractuels aurait pour effet de rompre l'égalité de traitement entre les générations de combattant. Les intéressés sont éligibles à toutes les récompenses et distinctions auxquelles peuvent prétendre les militaires de carrière, lesquels sont également des volontaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je regrette votre réponse. Nous reviendrons là-dessus.
Allocation de retour à l'emploi
M. René-Paul Savary . - J'attire l'attention de M. le ministre du travail sur l'allocation de retour à l'emploi. J'évoque le cas exemplaire d'une personne en contrat unique d'insertion, à vingt heures par semaine, depuis septembre 2012. Lorsqu'elle a réalisé son travail mensuel, de septembre à novembre 2012, sans heure supplémentaire, elle a perçu 669 euros nets de l'employeur, le centre communal d'action sociale (CCAS), et 180 euros nets d'allocation de retour à l'emploi, soit au total 849 euros. En revanche, lorsqu'elle a effectué douze heures supplémentaires en décembre 2012, elle a touché 763 euros nets du CCAS et aucune allocation de la part de Pôle emploi. Bref, elle a « travaillé plus pour gagner moins ».
Cette employée a donc été pénalisée pour ce qui apparaît plus comme un frein à l'emploi que comme une incitation. Qu'entend faire le Gouvernement pour pallier cette situation ?
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - Ce dispositif autorise le cumul dès lors que la durée d'activité ne dépasse pas 110 heures par mois, que ce n'est pas pour plus de 15 mois et que le montant n'excède pas 80 jours d'allocation de retour à l'emploi. Cela crée des effets de seuil.
Toutefois, la réglementation de l'assurance chômage relève de l'entière responsabilité des partenaires sociaux, gestionnaires du régime. La renégociation de la convention Unedic débutera dans les prochaines semaines. En 2011, il avait été convenu d'approfondir la réflexion sur le sujet que vous évoquez. Tout porte donc à penser que l'on y reviendra à l'occasion de la future convention d'assurance chômage.
M. René-Paul Savary. - Le Gouvernement devrait faire des propositions aux partenaires sociaux pour ne pas pénaliser ceux qui sont déterminés à s'engager davantage vers l'emploi.
Éducation nationale en Seine-et-Marne
M. Michel Billout . - L'état du service public d'éducation en Seine-et-Marne est très préoccupant.
Depuis plus de dix ans, ce département est en constante évolution démographique, ce qui requiert la création régulière de postes d'enseignants. Tous les ans, à une exception près, le nombre d'élèves scolarisés à la rentrée est supérieur aux prévisions et le nombre de postes créés inférieur aux besoins. Pour l'école primaire, sur dix ans, le retard accumulé s'élève à 366 postes. Les inspecteurs d'académie doivent faire de la cavalerie en créant des postes non-budgétés et en générant un déséquilibre entre nombre de postes et nombre d'enseignants.
Cette année, les effectifs d'élèves ont encore augmenté. Le retard cumulé est très loin d'être résorbé, la surcharge des classes reste réelle. Les 134 postes du réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased), supprimés depuis 2009, font toujours cruellement défaut et, faute de remplaçants en nombre suffisant, la formation continue des enseignants ne sera toujours pas assurée.
Alors que la Seine-et-Marne compte encore plus de 60 % de territoires ruraux, le ministère de l'éducation nationale la considère comme urbaine à plus de 99,4 % du fait de son appartenance à la région Ile-de-France. Ce mode de calcul doit être revu pour que le département soit enfin doté de moyens qui tiennent compte de ses spécificités et pour que les jeunes seine-et-marnais bénéficient des moyens indispensables à leur réussite.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - L'égalité des chances est au coeur du pacte républicain et générationnel. Le président de la République s'en engagé à récréer en cinq ans 60 000 postes nouveaux, répartis de façon transparente et selon des critères objectifs.
Dès 2012, 97 postes sur les 1 000 créés sont venus renforcer les Rased. Dès 2013, vu la loi de refondation de l'école, 7 000 nouveaux postes ont été ouverts dans les zones les plus fragiles. La scolarisation des enfants de moins de 3 ans doit être favorisée pour lutter contre l'échec scolaire.
Dans l'académie de Créteil, après 120 suppressions de postes en 2011 et 179 en 2012, 405 postes supplémentaires ont été créés à la rentrée 2013 dont 135 pour le département de Seine-et-Marne. Parmi ces créations, 11 sont dévolues au dispositif « plus de maîtres que de classes ». Dans votre département, plus une seule école ne dépasse la moyenne de 30 élèves par classe.
Interrogeons-nous au-delà sur la fonction même des Rased. Un groupe de travail propose un état des lieux et mène une réflexion en lien avec les organisations syndicales. Oui, il faut donner à la communauté éducative les moyens dont elle a besoin pour favoriser la réussite de tous.
M. Michel Billout. - Je suis bien conscient des efforts du Gouvernement, après les suppressions effectuées par le gouvernement précédent. La Seine-et-Marne est dans une situation particulière, du fait de ses spécificités démographiques. Je ne suis pas totalement rassuré. Sur les 135 postes, 2 postes seulement ont été consacrés à la scolarisation des enfants de 2 ans, 6 seulement à l'objectif « plus de maîtres que de classes ». L'ampleur du rattrapage à conduire est considérable, sans quoi les enfants seine-et-marnais ne pourront pas bénéficier d'une véritable égalité des chances.
Institut national de l'origine et de la qualité (Inao)
M. Christian Bourquin . - Si le ministre de la ruralité était là, je lui dirais qu'il s'apprête à porter un sale coup à la ruralité dans les Pyrénées-Orientales, dans le sud du sud de la France, en supprimant l'Inao de Perpignan. Car c'est supprimer ainsi ce label de qualité dans l'élevage, la viticulture, l'agriculture. Grâce à l'Inao, le département des Pyrénées-Orientales est le premier département bio de France, celui qui atteint l'un des meilleurs résultats pour l'exportation agro-alimentaire.
Supprimer six emplois à Perpignan, c'est en supprimer six cents à Paris. Le ministre est embourbé dans le chemin où l'a mis la technocratie. Comment oser dire que la décision relève de l'Inao quand l'État en maîtrise le conseil d'administration ? Dans la vie, il faut savoir ce que l'on veut. Je ne suis pas, moi, du côté de la technocratie mais du côté des gueux, des paysans, de ceux qui font avancer la ruralité. Le ministre de la ruralité dit à la télévision qu'il retire les propositions incomprises ; je lui dis : laissez tranquilles ces six emplois de l'Inao de Perpignan !
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie . - M. le ministre est à Matignon pour une réunion sur l'écotaxe suscitée par la situation en Bretagne.
L'Inao a choisi un maillage dense du territoire national, adapté à ses nouvelles compétences en matière d'agriculture biologique et de labels de qualité. L'Institut a décidé une nouvelle répartition de ses effectifs. Suite aux échanges avec les salariés et les élus, M. Le Foll a insisté sur trois éléments dans une lettre au directeur évoquée hier : le maintien de trois antennes à Nantes, Bergerac et Perpignan ; la mise en place d'une commission de suivi de l'accompagnement des agents ; pour la région Languedoc-Roussillon, l'Inao sera composé du site de Montpellier, du site de Narbonne et d'une antenne à Perpignan. L'ensemble des agents seront placés sous l'autorité de la déléguée territoriale à Montpellier. Cette réorganisation optimisera le rôle de l'Inao auprès des filières viticoles et agricoles dont le dynamisme et la performance sont reconnus de tous.
M. Christian Bourquin. - Réponse technocratique. Ici, on fait de la politique. Maillage en France ? Produisez le vin de Collioure à Dijon, allez pêcher nos anchois à Dunkerque ! Je n'y peux rien si mon département produit de la qualité. Une antenne, dites-vous ? Mots que tout cela, c'est dommage. J'alerterai le ministre en d'autres circonstances. Je suis un tenace, je ne lâcherai rien. Pour les fruits et légumes, on y est arrivé parce qu'on s'est battu. Excusez-moi d'avoir une bonne zone de produits, qui a besoin de labels pour vendre au monde. Votre réponse est décevante.
Assurance récoltes
M. Jean-Claude Peyronnet, en remplacement de M. Didier Guillaume . - M. Guillaume reçoit le ministre de l'intérieur dans la Drôme. Il attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur la difficulté des agriculteurs touchés plusieurs fois de suite par des catastrophes climatiques de trouver une assurance acceptant de couvrir leurs exploitations.
A la suite de l'épisode de grêle ayant touché le nord du département de la Drôme début juillet, les arboriculteurs et les viticulteurs ont été, une nouvelle fois, très lourdement sinistrés.
La protection de l'agriculture contre les risques climatiques relève du secteur privé pour les risques assurables, comme la grêle. Or, de nombreux agriculteurs drômois qui ont fait l'effort d'être prévoyants pour se couvrir face aux risques se retrouvent dans l'incapacité, après plusieurs sinistres, de souscrire de nouveaux contrats, ou à des tarifs prohibitifs. Les pouvoirs publics et les collectivités locales sont donc sollicités. L'incapacité de se prémunir contre ces risques a des conséquences parfois très lourdes sur la pérennité même de ces exploitations.
Quelles solutions peuvent être envisagées avec les assureurs privés ? Quelle perspective de mise en place, à moyen terme, d'une généralisation de l'assurance récolte pour éviter, chaque année, la disparition de dizaines d'exploitations, incapables de faire face aux aléas climatiques ?
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie . - Les pertes agricoles liées à la grêle n'entrent pas dans le régime des calamités agricoles, sinon les pertes de fonds. Typiquement, si des ceps de vigne ou des arbres fruitiers ont dû être taillés suite à un épisode de grêle d'une manière qui affecte les récoltes suivantes, ces pertes sont éligibles.
L'assurance-récolte, aidée par les pouvoirs publics, réalise une meilleure couverture que l'indemnisation du régime des calamités agricoles. Depuis 2010, elle fait partie du deuxième pilier de la PAC, et la prise en charge publique s'élève à 65 %.
Dès 2015, dans le cadre de la future PAC, une enveloppe annuelle de 77 millions d'euros sera consacrée à cette assurance au titre du deuxième pilier, ce qui traduit l'engagement renouvelé du Gouvernement. Demeurent des disparités entre les filières : le taux de diffusion, encore limité en viticulture, est très faible en arboriculture, à moins de 3 %.
Un groupe de travail a été mis en place avec les organisations professionnelles et les assureurs. Il s'est réuni à quatre reprises. Les produits d'assurance pourraient être améliorés. À l'avenir, toutes les productions devraient être couvertes en fonction de leurs besoins propres. Les conclusions du groupe de travail seront présentées en novembre.
Forêts de protection
M. Daniel Laurent . - Peuvent être classés en « forêt de protection », des massifs boisés dont la conservation est nécessaire à la lutte contre l'érosion des sols, pour des raisons écologiques ou pour le bien-être de la population. Le déclassement d'une partie de forêt de protection nécessite la mise en oeuvre d'une procédure longue, complexe et à l'issue incertaine. Rarement utilisée, elle doit respecter le parallélisme des formes : enquête publique, avis du ou des conseils municipaux concernés, de la commission départementale, de la nature des sites et paysages et, enfin, transmission du dossier au Conseil d'État qui entérinera ou non, par voie de décret, la réduction de la servitude. Pour un simple projet d'urbanisme ou d'infrastructure en limite de massif ou sur des parcelles couvertes de quelques arbres et friches sans enjeu environnemental, il serait bon que soit possible une procédure allégée afin que puissent être conduits des projets d'intérêt général.
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie . - Le classement est la procédure la plus solide pour protéger les forêts fragiles. Il entraîne un régime spécial, interdisant les défrichements, comportant des règles techniques particulières, un contrôle des droits d'usage et une réglementation des accès publics. Il est décidé par décret en Conseil d'État. Toutes les parties sont entendues. Toute modification est prise par décret en Conseil d'État, mais la réglementation ne prévoit pas de déclassement.
Le classement en forêt de protection interdit tout mode d'occupation contraire à la préservation des boisements. Le Conseil d'État a, par exemple, refusé une dérogation pour des forages, des recherches d'hydrocarbures en forêt de Fontainebleau, demandée en 1995 par le ministère de l'industrie.
Le législateur a ainsi voulu protéger rigoureusement quelques forêts exceptionnelles, une infime partie des forêts françaises. Le Gouvernement n'entend pas y revenir.
M. Daniel Laurent. - Oui à la protection des forêts, mais les collectivités territoriales ont des infrastructures à construire, des routes à faire passer et une dérogation portant sur quelques mètres carrés ferait économiser de l'argent public -puisque nous devons acquérir des surfaces ailleurs.
Permis probatoire pour les sapeurs-pompiers
M. Jean-Claude Peyronnet . - Que diriez-vous, monsieur le ministre, si un jeune conducteur se voyait délivrer un permis probatoire pendant trois ans sans pouvoir conduire une voiture ? Comment se perfectionnerait-il ? À trottinette ? Cette situation ubuesque est celle des jeunes pompiers.
Le permis probatoire a été institué par la loi du 12 juin 2003 au nom de la lutte contre la violence routière. L'article R. 413-6 du code fixe la liste des conducteurs auxquels ces dispositions ne sont pas applicables, notamment les conducteurs des véhicules militaires et des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile. Mais aucune dérogation n'est prévue pour les sapeurs-pompiers. L'article R. 6312-7 du code de la santé publique prévoit que les conducteurs de véhicules d'urgence ne doivent pas être au nombre de ceux auxquels s'appliquent les dispositions des articles R. 413-5 et R. 413-6. Qu'entend faire M. le ministre de l'intérieur ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Monsieur le président, il vous faudra supporter ma présence pour remplacer les ministres Valls, Touraine, Cazeneuve et Taubira...
M. le président. - Nous connaissons vos capacités, madame la ministre.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Ubu n'est jamais très loin...
Le permis probatoire est un instrument de prévention auquel le Gouvernement est très attaché. Les conducteurs de véhicules militaires disposent d'une dérogation parce qu'ils reçoivent une formation spécifique. Les sapeurs-pompiers, eux, doivent être particulièrement attentifs aux risques routiers quand ils partent en intervention. Les jeunes qui s'engagent chez les sapeurs-pompiers ont de nombreuses compétences à acquérir et le président de la République a annoncé, à Chambéry, qu'il faisait du volontariat une priorité nationale. Mais nous n'envisageons pas d'autoriser les jeunes pompiers à s'exonérer du droit commun.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ubu n'est pas loin, en effet... Où donc les jeunes pompiers apprendront-ils la conduite ? Vous savez quel mal nous avons à recruter des volontaires. Cette situation est discriminatoire car les pompiers de statut militaire ont le droit, eux, de conduire. Sont-ils moins stressés dans les rues de Paris que dans nos campagnes ?
Crédit-bail aux collectivités locales
Mme Catherine Deroche . - J'attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'utilisation de la technique du crédit-bail par les collectivités territoriales dans l'intervention publique locale de l'immobilier d'entreprise. Elles mettent à disposition des entreprises qui souhaitent s'installer dans les zones artisanales intercommunales des bâtiments industriels au moyen du crédit-bail, apparaissant comme l'une des formes juridiques les plus appropriés.
La réglementation se révèle trop restrictive. Ainsi, l'article L. 511-5 du code monétaire et financier précise-t-il que la pratique du crédit-bail immobilier ne doit pas revêtir un caractère habituel pour toute personne autre qu'un établissement de crédit. La jurisprudence considère que l'habitude commence dès la première répétition. Si les collectivités locales peuvent mettre en oeuvre des opérations d'immobilier d'entreprise en crédit-bail dans le cadre de leur pouvoir économique, ces opérations ne peuvent avoir un caractère « habituel » et doivent être pratiquées de manière « occasionnelle ».
Au nombre des sanctions figure la nullité du contrat, qui peut être invoquée par le crédit-preneur. C'est ce qui est arrivé dans le département du Maine-et-Loire : la communauté de communes Loir-et-Sarthe, propriétaires de douze ateliers relais, dont huit loués en crédit-bail et deux en baux courte durée à transformer, à l'échéance, en crédit-bail ou en bail commercial, s'est vu opposer la nullité de plusieurs contrats en raison du caractère répétitif de cette pratique, permettant aux crédits-preneurs d'éviter de payer préavis et indemnités en cas de résiliation anticipée.
Il en résulte une véritable insécurité juridique pour les collectivités locales, alors que ces opérations ont fait l'objet de délibérations et n'ont pas reçu la moindre observation de la part des services de l'État.
Des aménagements sont-ils envisagés pour que les intercommunalités exercent plus sereinement leur compétence de développement économique et pour pallier la carence des opérateurs privés ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Le crédit-bail est une location assortie d'une promesse unilatérale de vente, assimilée à une opération de crédit par le code monétaire et financier. Elle n'est donc permise à titre habituel qu'aux établissements de crédit. Les collectivités territoriales ne peuvent y recourir qu'exceptionnellement en vertu de l'article R. 1511-4-1 du code général des collectivités territoriales. Le respect de la loi s'impose.
Mme Catherine Deroche. - Loin de moi l'idée d'y déroger, mais pourquoi ne pas assouplir le droit, vu l'état de notre économie, le combat quotidien que nous devons mener contre le chômage ? Libérons les énergies, supprimons tout frein à la création d'emplois.
Taxes affectées aux comités professionnels de développement économique
M. Philippe Kaltenbach . - J'attire l'attention de M. le ministre délégué, chargé du budget, sur l'inquiétude des professionnels des industries de l'habillement après les propositions formulées par le conseil des prélèvements obligatoires, de supprimer ou plafonner les taxes affectées aux opérateurs parapublics.
Les comités professionnels de développement économique et le comité de développement et de promotion des industries de l'habillement jouent un rôle crucial dans le soutien aux entreprises créatrices d'emplois et de ressources au moment où le Gouvernement s'emploie à inverser la courbe du chômage.
Ces comités, créés par la loi du 22 juin 1978, ont été voulus des professions qui représentent 24 000 entreprises, majoritairement petites et moyennes. Ils sont financés par des taxes affectées votées en 2004 par le Parlement à la demande expresse des professions pour remplacer les taxes parafiscales qui échappaient à son contrôle.
Ces taxes, payées par les entreprises pour le développement et la promotion de leur secteur, représentent une économie de plus de 300 millions d'euros pour l'État. Si celles-ci venaient à être supprimées ou plafonnées comme le préconise le conseil des prélèvements obligatoires, le financement des précieuses missions que remplissent les comités professionnels de développement économique incomberait au budget de l'État. Les efforts entrepris depuis dix-huit mois pour réduire les déficits colossaux légués par le précédent gouvernement seraient incompatibles avec cette nouvelle charge. Les actions des comités professionnels de développement économique pourraient donc, à terme, se trouver menacées.
Les professionnels sont inquiets, merci de les rassurer.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Je vais m'y efforcer. Le Gouvernement n'entend pas supprimer le financement des comités de développement économique par des taxes affectées, plafonnées depuis la loi de finances pour 2012. Les comités, eux aussi, doivent faire des économies. Le rapport Queyranne et celui du conseil des prélèvements obligatoires ont montré le surcalibrage des taxes affectées à ces comités. Vu l'état de nos finances locales, il est légitime d'inciter les opérateurs à améliorer leur gestion. L'effort budgétaire sera mesuré et équitable : le montant des taxes affectés passera de 139 millions à 134 millions d'euros. Ce niveau de plafonnement a été calculé au plus juste, de sorte que les actions menées ne soient pas remises en cause.
M. Philippe Kaltenbach. - Voilà ce qui est de nature à rassurer les professionnels qui travaillent efficacement pour développer l'activité et faire connaître nos savoir-faire à l'étranger. Ils doivent avoir les moyens de travailler.
Distribution du courrier dans les mairies
M. Yves Détraigne . - J'attire l'attention de Mme la ministre déléguée, chargée des petites et moyennes entreprises, sur la distribution du courrier dans les mairies, notamment celles des petites communes, qui sont nombreuses en France et dans la Marne en particulier. En effet, selon la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, le service de distribution doit s'effectuer, dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne physique ou morale. Cela signifie que les courriers adressés aux mairies sont, dorénavant, distribués dans les boîtes aux lettres dédiées à cet effet et non plus, comme le voulait parfois une pratique acquise depuis longtemps, au domicile du premier magistrat de la commune. On imagine bien que les petites mairies n'ont pas de secrétariat à plein temps... Simplifions les choses.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - D'après le code des postes, dans le cadre du service public postal universel réaffirmé par la loi du 2 février 2010, l'affranchissement rémunère la distribution du courrier jusqu'à l'adresse indiquée. Les municipalités peuvent avoir recours aux boîtes postales, situées dans les bureaux de poste, à la conservation du courrier dans ces bureaux, ou à diverses solutions de réexpédition globales ou temporaires. La direction générale de La Poste de Meuse Champagne-Ardenne et, le cas échéant, mon cabinet sont à votre disposition pour trouver la meilleure solution et répondre à vos attentes.
M. Yves Détraigne. - Le problème ne concerne pas seulement la Marne puisque 28 % des communes françaises ont moins de 200 habitants.
Cette loi a créé un problème inédit. Revenons au bon sens, dont nous avons tant besoin.
Services à la personne
M. Jean-Pierre Godefroy . - Les services à la personne emploient 1,7 million de salariés et font appel à 3,6 millions de particuliers employeurs. Ils sont indispensables pour maintenir à domicile les personnes âgées par exemple.
Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a supprimé la possibilité ouverte aux particuliers employeurs d'opter pour une déclaration au forfait. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a constaté, entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013, une chute de 7,9 % du volume horaire déclaré, et il est à craindre que cela ne soit qu'un début. Les salariés voient leur niveau de protection abaissé par la sous-déclaration. Qu'entend faire le Gouvernement sur ce sujet qui intéresse tant la protection sociale que l'emploi ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Le volume horaire déclaré des services à la personne est en baisse mais cela ne concerne que les particuliers employeurs. L'impact de la suppression du forfait est marginal sur l'ensemble des services à la personne. Un abattement forfaiture a été créé pour soutenir l'emploi. Le Gouvernement est attaché à la stabilité du cadre juridique pour garantir la visibilité du régime et contribuer à sa croissance.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je crains qu'après réception des feuilles d'impôt, la situation ne se détériore encore début 2014... Il n'est pas douteux que la sous-déclaration progresse. Discutons-en lors de l'examen du PLFSS.
Plan national d'action contre les AVC
M. Christian Cambon . - Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la troisième cause de mortalité derrière les maladies cardiovasculaires et le cancer. C'est la première cause d'invalidité lourde et la deuxième cause de démence après la maladie d'Alzheimer. En France, chaque année, 130 000 personnes sont victimes d'un AVC, la moitié en gardent de graves séquelles et près de 50 000 en meurent. Or le nombre de lits d'hôpitaux est très insuffisant. Il faudrait aussi faciliter l'accès à l'imagerie médicale sept jours sur sept et mieux coordonner le secteur de ville et l'hôpital.
L'AVC ne frappe pas que les personnes âgées. Chaque année, il bouleverse la vie de 10 000 à 15 000 personnes de moins de 45 ans en pleine activité. Parallèlement au vieillissement de la population, le nombre de cas augmente et représente dès aujourd'hui un grave problème de santé publique. On constate également de fortes disparités géographiques, les DOM et le nord étant jusqu'à deux fois plus touchés par les séquelles d'AVC que les autres régions et, à l'inverse, la région parisienne affichant une prévalence plus faible que la moyenne. Malgré ce bilan dramatique, le problème reste méconnu, tant du grand public que des professionnels de santé.
Une journée mondiale est consacrée aux AVC, qui tombe aujourd'hui même, pour sensibiliser le public afin de lui apprendre à réagir plus rapidement, et donc à limiter les conséquences graves de l'AVC.
Dans le Val de Marne, les professionnels se mobilisent ; je salue en particulier l'engagement de l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil, et de son unité neurovasculaire qui accomplit un travail remarquable.
Un plan national d'action a été lancé par le précédent gouvernement. Quel est le bilan à mi-parcours ? Qu'entend faire le Gouvernement pour sensibiliser la population ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Mme Touraine, retenue par l'examen du PLFSS, m'a demandé de la remplacer.
Merci d'avoir cité les efforts de l'hôpital Henri-Mondor contre ce fléau, deuxième cause de mortalité en France, d'après mes informations, et qui touche même les plus jeunes. L'hypertension, l'artériosclérose, les maladies cardiaques sont en cause, mais aussi les comportements nutritionnels et le tabagisme.
Le plan AVC est en cours mais, d'ores et déjà, cinq mesures ont été prises : l'ouverture d'unités neurovasculaires sur tout le territoire, la modification de l'AMM de l'Actilyse, la diffusion d'un guide méthodologique, les expériences pilotes de télé AVC et le lancement de nouveaux registres AVC.
Le 31 mai, le ministre de la santé a lancé une stratégie globale de lutte contre le tabagisme qui contribuera à combattre les AVC. La nouvelle stratégie nationale de santé s'attaquera notamment aux AVC.
M. Christian Cambon. - Merci de votre réponse. Je suis satisfait que le plan n'ait pas été remis en cause. Certaines disparités d'équipement entre territoires sont indignes de notre pays. Il y a quinze jours, j'ai vu un de mes collaborateurs à la mairie de Saint-Maurice, âgé de 45 ans, frappé par un AVC, qui va rester paralysé. C'est un drame pour sa famille. Luttons contre ce fléau.
Crise de vocations à l'hôpital
M. Jacky Le Menn . - Depuis quelques années certaines professions médicales hospitalières ont plus de difficultés que d'autres à pourvoir les postes disponibles. Se manifeste une autre forme de déserts médicaux à l'intérieur même des hôpitaux, certains métiers étant délaissés par la jeunesse. Face à cette pénurie, plusieurs hôpitaux ont fait appel à des médecins ayant des diplômes européens ou extra européens, ou à des agences d'intérim. Parmi ces diplômés, nombreux sont les Français qui partent étudier la médecine, en particulier en Belgique, en Roumanie ou au Maghreb, notamment pour contourner le numerus clausus. Un quart des nouveaux médecins français auraient acquis leur diplôme à l'étranger, selon le Conseil national de l'ordre des médecins.
Faisons en sorte que les jeunes générations de médecins n'aient pas à contourner notre système éducatif et qu'ils puissent être dirigés harmonieusement sur le territoire et dans les différents services des hôpitaux.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Dès septembre, la ministre a demandé qu'un plan d'ensemble soit établi, à la suite du rapport Couty. Premier levier, les modalités de rémunérations et de retraites surcomplémentaires -pour les enseignants ; deuxième mesure, les conditions d'exercice, notamment des astreintes ; troisième mesure, la diversification des modes d'exercice ; le pacte territoire-santé comporte à cette fin douze engagements cohérents et novateurs, dont la possibilité, pour un praticien hospitalier, d'exercer une activité ambulatoire dans les territoires fragiles.
Cinquante contrats de praticiens territoriaux ont déjà été signés, 100 vont l'être et, dans les prochaines semaines, 200 médecins généralistes viendront renforcer les territoires fragiles.
Le cadre européen organise la reconnaissance des qualifications délivrées dans l'Union européenne. Hors Union européenne, une procédure législative prévoit un concours, un passage en établissement de santé et devant une commission. Le doublement du numerus clausus, tant réclamé -de 3 950 à 8 000 places- a multiplié les internes dans les disciplines en déficit.
M. Jacky Le Menn. - J'en ai pris bonne note et j'en suis satisfait. Pour former un médecin, il faut dix ans. En 1971, le numerus clausus était à 8 500. En 1992, on tombait à 3 500. Les déserts existent déjà dans certaines régions en médecine générale. La sévérité du passage en deuxième année est parfois exagérée, quand on la compare au reste de l'Europe où la qualité de la médecine n'est pas moindre. Ne décourageons pas les candidats qui ne peuvent pas se réorienter. Cette sélection trop exigeante nous pénalise. Il y a là encore matière à réflexion.
Désertification médicale
Mme Anne Emery-Dumas . - La Nièvre se vide de ses médecins généralistes. Le dernier médecin installé à Imphy, berceau de la métallurgie nivernaise, vient d'annoncer son départ. L'engagement financier très lourd des mairies n'a pu enrayer l'hémorragie.
Les communes voisines se vident aussi de leur médecin. De plus en plus d'habitants se retrouvent sans médecin traitant, parmi lesquels les 61 patients de l'EHPAD local. Ce cas n'est pas isolé. Malgré les rencontres avec l'ARS dans le cadre du « pacte territoire-santé », peu de solutions émergent pour pallier les problèmes urgents.
Soutiendrez-nous l'affectation dans notre territoire d'un médecin territorial d'ici juin ? Quelles nouvelles mesures envisagent de prendre la ministre pour combattre les inégalités d'accès aux soins sur les territoires et la désertification dramatique que subissent nos départements ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Monsieur Le Menn, bien entendu, je transmettrai vos interrogations à Mme Touraine. Ma réponse précédente vaut aussi pour votre question, madame la sénatrice. La Nièvre et Imphy en particulier illustrent la réalité à laquelle le Gouvernement est confronté.
Les premiers résultats sont là, tout de même : 50 contrats déjà signés, bientôt 200 pour les territoires fragiles. Les premiers ont été signés en Bourgogne, 100 % des étudiants en médecine de deuxième cycle feront un stage en médecine générale dès cette année, là où les besoins sont les plus criants. Le soutien à la création de maisons de santé a été renforcé, le dispositif étendu aux chirurgiens-dentistes. L'ARS a mis en place dans chaque territoire de proximité un groupe d'animation territoriale qui réunit élus, professionnels, usagers. Pour le sud nivernais, une réunion a eu lieu le 23 septembre pour renforcer les zones fragiles, en présence du maire d'Imphy. Ce groupe de travail se réunira à nouveau d'ici fin novembre. Je ferai en sorte qu'il prenne en compte votre demande précise.
Mme Anne Emery-Dumas. - Merci. En effet, ma demande est pressante. Le détachement de médecins hospitaliers sur des fonctions ambulatoires risque de créer de nouveaux problèmes. Pourquoi ne pas recréer des « maisons publiques de santé », à l'image des dispensaires d'antan ?
Traitement du cancer
M. Hervé Marseille . - 2014 sera l'année du troisième plan Cancer. Or, économiquement, elle sera particulièrement difficile pour les établissements de santé dédiés à la lutte contre le cancer.
L'évolution des techniques de prise en charge de cette maladie évite aux malades de longs séjours en milieu hospitalier. Parallèlement, le système de tarification des hôpitaux -empreint d'une forte inertie- n'a pas su s'adapter. L'innovation, source d'économies, à long terme, pour l'assurance maladie, aggrave, paradoxalement, son déficit à court terme.
De nouveaux gestes thérapeutiques se répandent, moins coûteux que les traitements traditionnels mais peu ou mal remboursés.
Une meilleure coordination de l'offre de soins évite les ruptures, pour le plus grand bien des patients.
Pourquoi ne pas moderniser notre système de tarification pour faire des économies et améliorer la prise en charge des patients ? Je pense aux nouvelles techniques de radiothérapie, plus précises de sorte que le nombre de séances peut être ramené de trente à quinze pour un cancer du sein. Le financement à la séance n'incite pas à y avoir recours. Je pense aussi à la radiologie interventionnelle, moins pénible et moins coûteuse que les thérapies habituelles.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Le cancer est la première cause de mortalité. Il doit continuer à reculer, grâce à l'amélioration des pratiques thérapeutiques comme les innovations que vous évoquiez dans votre question.
Les vingt centres de lutte contre le cancer traitent beaucoup de patients atteints de cancer et 30 % des femmes souffrant d'un cancer du sein. Les modalités de prise en charge évoluent. Mme Touraine a engagé dès 2012 une réflexion sur l'évolution des modalités de financement des établissements de santé. Le PLFSS comprend une disposition relative à l'expérimentation de procédures innovantes. La réflexion sur les chimiothérapies et la chirurgie carcinologique se poursuivra dans les prochains mois. Elle doit aussi porter sur l'amélioration de la prise en compte de la diversité des modes de prise en charge et l'accompagnement psycho-social. Merci de contribuer à cette réflexion, porteuse d'espoirs pour l'ensemble des malades.
M. Hervé Marseille. - Et pour l'ensemble des professionnels. Aucune famille n'est épargnée par cette terrible maladie. Les établissements de santé doivent pouvoir continuer à innover. Il faudrait envisager un cadre spécifique qui ne mette pas en péril l'équilibre budgétaire de ces centres pionniers. Merci de votre réponse.
Statut des élus locaux et pension d'invalidité
M. Antoine Lefèvre .J'interviens comme président de l'union des maires du département de l'Aisne, qui compte 816 communes. J'ai posé plusieurs questions écrites depuis 2011, toujours sans réponse. Les bénéficiaires d'une pension d'invalidité sont autorisés à reprendre un travail sans perdre le bénéfice de leur pension, dès lors que leur salaire se situe dans la limite de celui qu'ils percevaient avant de devenir invalide, augmenté d'un coefficient fixé par décret. S'ils sont élus, maire-adjoint par exemple, ils se trouvent confrontés à la même situation que s'ils reprenaient un travail et perdent le versement de leur pension d'invalidité, avec tous les accessoires rattachés. Comment analyser les indemnités qui sont censées compenser les frais inhérents à l'exercice d'un mandat politique et la pension d'invalidité qui vise à la prise en charge par la solidarité nationale des contraintes liées à la situation d'invalidité ? La législation actuelle est source d'inégalités entre élus, selon leur situation sociale, et perçue comme une discrimination envers les personnes handicapées ne pouvant, de ce fait, s'impliquer dans la vie politique. Des exemples récents d'élus handicapés et percevant l'allocation d'adulte handicap et l'allocation de logement ont vu la caisse d'allocations familiales prendre en compte leurs indemnités d'adjoint pour reconsidérer le montant de leurs ressources.
Une telle situation est insupportable pour ces élus, actifs dans leur délégation et qui sont pénalisés par leur handicap. Cela décourage les bonnes volontés qui acceptent encore les charges municipales. Ne peut-on exclure les indemnités des élus dans le calcul des revenus suspendant la pension d'invalidité ?
Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale un amendement similaire, portant sur le cumul emploi-retraite. La ministre de la santé a elle-même souligné qu'un mandat électif n'était pas une activité salariée. Ce qui vaut pour les pensions de retraite ne vaut-il pas pour les pensions d'invalidité ?
M. Philippe Bas. - Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Chargée des collectivités locales, je suis particulièrement intéressée par cette question, même si je vous lis la réponse de Mme la ministre de la santé.
Le critère d'attribution de l'AAH est un taux d'incapacité permanent de 80 %, avec une difficulté substantielle d'accès à l'emploi, sous condition de ressources de l'allocataire et de son conjoint, dont toute modification est susceptible de modifier les modalités de versement. Il en va de même pour l'ASL. Le montant de l?allocation est diminué lors de l'accession d'un élu à son mandat, à due concurrence des indemnités qui font augmenter ses revenus.
Soyez assuré que je resterai vigilante et attentive aux propos de Mme Touraine que vous avez cités, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur le statut de l'élu.
M. Antoine Lefèvre. - Oui, il convient que vous vous penchiez sur cette question car la réponse de Mme la ministre des affaires sociales n'est pas satisfaisante.
Protection juridique des majeurs
M. Philippe Bas . - La loi du 5 mars 2007 sur la protection des incapables majeurs vise à ne pas enfermer dans ce statut des centaines de milliers de nos compatriotes, alors que leur état peut être temporaire. Les mesures de protection sont en conséquence régulièrement réexaminées. Le Parlement a adopté cette loi, que j'ai eu l'honneur de défendre, sans opposition.
Le premier délai qui fut fixé était trop court pour que les juges puissent examiner toutes les situations. Le deuxième délai fixé par le Parlement vient à expiration au 31 décembre 2013, véritable couperet, alors que nous savons, par une enquête de la direction des services judiciaires, que la situation de plus de 100 000 personnes ne pourra être réexaminée d'ici là.
C'est fâcheux car les personnes qui auront recouvré leur faculté à cette date devraient échapper aux mesures de protection.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Il n'est pas question de remettre en question cette loi. Au 1er janvier 2009, 629 078 personnes devaient faire l'objet d'une révision de leur situation dans 304 TI et 4 TPI, défi de taille pour les juridictions. Au 31 décembre 2012, 29 % de ces mesures restaient à revoir.
La portée de la loi de mars 2007 est essentielle. Le ministère de la justice, qui a suivi l'évolution des stocks de mesures pendantes de réexamen avec une particulière attention, a pris les mesures nécessaires. Les juges ont fourni un effort remarquable. Au 30 septembre 2013, 48 875 mesures restaient à reconduire. Entre 1 % et 2,5 % des mesures ne pourront être examinées avant le 31 décembre 2013. L'impossibilité de convoquer les parties en raison de l'ancienneté de la mesure ou de déménagements successifs explique une bonne part d'entre elles. La détermination des juges et des fonctionnaires est forte. Le garde des sceaux projette, dans le cadre du futur projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour simplifier le droit et les procédures, d'alléger ou de supprimer les contraintes non nécessaires, notamment pour permettre aux juges de prononcer pour une durée supérieure à cinq ans certaines mesures lorsque la situation n'est pas susceptible d'évoluer, de modifier les modalités d'arrêt du budget et des comptes de gestion, de substituer l'avis d'un médecin extérieur à l'établissement du certificat médical circonstancié, de prévoir un dispositif d'habilitation des membres de la famille pour éviter le prononcé de mesures de protection judiciaire. Tout cela laisse envisager une nette amélioration des conditions de mise en oeuvre de cette loi, au service des personnes qui souffrent et de leurs accompagnants.
M. Philippe Bas. - Merci pour cette réponse qui me rassure. Les services du ministère de la justice ont mis les bouchées doubles et c'est heureux. Je ne suis pas hostile aux dispositions envisagées par le garde des sceaux à condition qu'on ne remette pas en cause le principe d'une révision régulière, qui ne s'impose pas, il est vrai, de la même façon pour toute personne. Les améliorations, toujours possibles pour les victimes d'accidents de la vie, doivent être prises en compte.
M. le président. - Merci madame la ministre d'avoir passé une bonne partie de la matinée avec nous, avec le brio et l'enthousiasme qui vous caractérisent.
La séance est suspendue à 12 heures 15.
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°351 rectifié bis, au sein de l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
M. le président. - Amendement n°351 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau et Mmes Génisson, Printz, Sittler, Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier.
Alinéa 6
Après les mots :
chaque génération
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
d'égalité des pensions entre les femmes et les hommes, de garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités et de pérennité financière.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement réécrit l'alinéa 6 pour dissocier objectifs et moyens de notre système de retraite, dans une rédaction plus claire que celle de l'Assemblée nationale.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
l'égalité
par les mots :
la réduction des écarts de rémunération
Mme Laurence Cohen. - Plutôt que de demander à notre système de retraite de garantir une égalité de pensions entre les femmes et les hommes, alors même que cet article précise que les pensions correspondent aux revenus, il est plus juste de prévoir qu'il appartient à la Nation de tout mettre en oeuvre pour garantir l'égalité de rémunération, et donc de pension, entre les femmes et hommes.
Les pensions résultent en effet de la structure des revenus. La rédaction de l'Assemblée nationale a pris en compte les interruptions de carrière, mais ce n'est pas suffisant. Il importe avant tout de lutter contre les inégalités professionnelles et salariales. C'est le sens du combat du collectif « Égalité maintenant ». La précarité au féminin est une catastrophe sociale qui prend racine dans les inégalités professionnelles. Nous devons agir pour les réduire.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour
par les mots :
l'amélioration du niveau de vie de
Mme Isabelle Pasquet. - Si les retraités doivent, comme le précise l'alinéa 5, avoir droit à une pension en rapport avec leurs revenus, une réforme des retraites de gauche ne peut s'en tenir au simple maintien du niveau de vie. Son amélioration est un objectif plus ambitieux.
La retraite médiane est aujourd'hui de 1 100 euros par mois mais, selon l'OCDE, son montant pourrait revenir à 850 euros sous l'effet conjugué d'une précarité croissante et de la baisse du taux de remplacement. Les réformes menées depuis 1993 ont réduit la part de salaire différé à la charge du patronat. L'Insee relève en outre une progression de la précarité dont les retraités sont les premières victimes. Il faut le dire et le redire : les retraités ne sont pas des nantis.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
leur permettant de vivre dignement
M. Éric Bocquet. - Plus de 800 000 retraités vivent sous le seuil de pauvreté et 576 000 touchent l'allocation de solidarité pour les personnes âgées, de 777 euros par mois. Le nombre de retraités pauvres a augmenté de 10 % ces trois dernières années. Ce sont majoritairement des femmes, dont 70 % vivent seules. Et les femmes ne sont que 41 % à avoir une pension complète, contre 71 % des hommes.
Alors que la retraite devrait permettre de s'adonner à des projets personnels, de se cultiver et de se distraire, un nombre croissant de retraités -10 %- recourent aux associations caritatives pour se nourrir. Réaffirmons l'objectif d'une vie digne à la retraite.
M. le président. - Amendement n°247, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et des objectifs de lisibilité et de transparence
M. Jean-Claude Lenoir. - Lisibilité et transparence sont deux objectifs cardinaux de toute réforme des retraites. Nos concitoyens sont perdus devant la complexité de notre système de retraites. Nous avons 35 régimes distincts, et près de 40 caisses différentes : c'est un vrai maquis. Nous devons accroître la lisibilité de notre système afin que chacun ait une connaissance de sa situation, actuelle et future. Parfois, les informations sont lacunaires et il en devient très difficile de faire valoir ses droits.
M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À cette fin, la Nation se donne comme objectif de combler les écarts de pensions, d'âge moyen de fin d'activité et d'âge moyen de départ en retraite entre les hommes et les femmes.
M. Michel Le Scouarnec. - Les deux tiers des retraités pauvres sont des femmes. Comment prétendre assurer l'égalité entre les femmes et les hommes sans que la Nation ne se donne pour objectif de combler les écarts de pension ? Depuis 1993, aucune réforme n'a réduit ces écarts qui atteindront, si rien n'est fait, 20 % en 2040... Il faut donc une action volontariste.
Le Gouvernement, en allongeant la durée de cotisation, pénalisera les femmes, dont les rémunérations sont moindres et les carrières souvent hachées. Il reste dans la logique des réformes précédentes. Donnons-nous les moyens d'atteindre l'égalité, et non seulement d'y prétendre.
Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales. - La commission avait demandé à l'auteure de l'amendement n°359 rectifié bis de le compléter pour ne pas faire tomber les dispositions de l'alinéa 6 relatives à la prise en compte des périodes de perte d'activité et à la garantie d'un niveau de vie satisfaisant. Avis favorable si ces éléments sont réintroduits.
Avis défavorable à l'amendement n°17 : les écarts de pension hommes et femmes sont bien pris en compte -les écarts de rémunération relèvent de la loi sur l'égalité femmes-hommes.
La question du niveau de vie moyen des retraités n'est pas ignorée par l'article premier. Avis défavorable à l'amendement n°28.
Avis favorable à l'amendement n°36 mais défavorable à l'amendement n°247, lisibilité et transparence sont davantage des moyens que des objectifs. Quant à l'amendement n°20, l'amendement n°351 rectifié bis le rend sans objet.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - Même avis que la commission. Je comprends la position de Mme Rossignol, même si la rédaction issue de l'Assemblée nationale ne me semblait entretenir aucune ambiguïté. J'ai aussi entendu les suggestions de Mme la rapporteure. Sagesse.
Même avis que la commission sur les autres amendements sauf pour l'amendement n°36 : sagesse à nouveau.
Mme Laurence Rossignol. - Travaillons au compromis. L'alinéa 6 ne nous convient pas. Il faut d'abord supprimer les mots « notamment par »...
M. Jean-Claude Lenoir. - C'est du travail de commission !
M. Gérard Longuet. - Nous avions proposé que le texte y fût renvoyé !
Mme Laurence Rossignol. - Nous rectifions notre amendement, comme c'est notre droit (Exclamations ironiques à droite)
M. le président. - Je vous propose de suspendre quelques minutes.
La séance, suspendue à 14 h 50, reprend à 14 h 55.
M. le président. - Je suis désormais saisi d'un amendement n°422 présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 6
Après les mots :
chaque génération
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
par l'égalité des pensions entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, et par la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités leur permettant de vivre dignement.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Je propose cette rédaction de synthèse.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis favorable.
M. Gérard Longuet. - J'ai certainement eu tort de retirer ma motion de renvoi en commission... Cela étant, nous permettons à nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des affaires sociales de se rattraper...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Voilà que vous utilisez les bons arguments !
M. Gérard Longuet. - Cette rédaction confond un objectif général avec les capacités effectives de notre système de retraites. L'égalité entre les femmes et les hommes existe pour les pensions : ce sont les carrières qui diffèrent, parce que les femmes ont des contraintes différentes et des modes de vie différents. (Exclamations sur les bancs du groupe CRC)
Mme Laurence Rossignol. - On les leur impose !
M. Gérard Longuet. - Que je sache, jusqu'à présent, ce sont les femmes qui font les enfants et non les hommes... (Mouvements divers sur les bancs communistes et socialistes) Le principe est : à droits égaux, pensions égales. Ou bien la rédaction enfonce une porte ouverte, ou bien on veut agir en amont -et il faut le dire.
Je me réjouis, en revanche, que vous réintroduisiez dans l'alinéa 6 les périodes d'interruption de carrière. Notre système a une vocation redistributrice qui n'est pas négligeable -20 % de ses ressources sont redistribués.
Adopter votre amendement ne changera pas la face du monde, mais il entretient la confusion sur la nature d'un texte législatif. Que se passera-t-il si quelqu'un saisit le Conseil constitutionnel pour méconnaissance du principe d'égalité des pensions entre hommes et femmes ? Les gestionnaires diront que les pensions sont les mêmes, les sociologues que les carrières diffèrent... Votre amendement est généreux mais inapplicable.
Mme Laurence Cohen. - En tant que législateur, nous avons le droit de sous-amender ou de rectifier nos amendements. C'est de bonne méthode. Je ne comprends pas les sarcasmes qui fusent sur certains bancs...
Je remercie Mme Demontès pour ses efforts de synthèse. L'inégalité devant le niveau des pensions n'est pas le fruit du hasard mais dépend de la place que la société assigne aux femmes. Elles sont contraintes à des choix qui n'en sont pas, faute de places en crèches ou de rémunération satisfaisante. Ne soyons pas naïfs...
Nous nous efforçons de clarifier des principes de la réforme, même si la rédaction de l'amendement n°422 semble un voeu pieux...
M. Gérard Longuet. - Vous partagez donc mon point de vue...
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Moi aussi, j'ai peu goûté les sarcasmes... Nous pourrions en rire, monsieur Longuet, si la situation n'était pas si dramatique pour les femmes. Les difficultés qu'elles rencontrent résultent de l'absence de droits propres, de la prégnance de stéréotypes de genre dans l'accès à l'emploi, d'un moindre accès à la formation et aux solutions de garde d'enfants, d'une forme d'autocensure, d'un recours plus fréquent au temps partiel subi, faute de places d'accueil des enfants, et à l'inéquitable répartition des tâches domestiques.
J'apprécie les efforts de Mme Rossignol et de notre rapporteure pour concilier les points de vue mais on demande à la solidarité nationale -donc aux salariés- de répondre la question des droits propres, et non aux entreprises...
M. Philippe Bas. - Je découvre la rédaction de l'amendement n°422. Et elle me stupéfait. Il y a le droit dur, le droit mou et, ici, le droit déclamatoire... La déclamation, c'est un genre littéraire, qui énonce des principes de manière théâtrale, sans la moindre conséquence sur la réalité. L'amendement aurait peut-être sa place dans le préambule de 1946 mais ne l'a sûrement pas dans ce texte à l'intitulé pompeux...
L'égalité des pensions implique-t-elle des pensions égales à cotisations inégales ? Dans l'affirmative, nos principes républicains en seraient formidablement atteints. Le montant de cotisations des femmes dépend de celui de leur rémunération, celui-ci de leurs choix professionnels et avant cela de leurs études...
Mme Christiane Demontès, rapporteur. - Des choix ? Allons !
M. Philippe Bas. - Certaines s'autocensurent, d'autres choisissent la médecine ou le professorat... S'il faut sans doute encourager les femmes à être plus libres dans leurs choix, et donc agir sur les comportements des couples, rien ne justifie qu'on ouvre une brèche dans notre système par répartition. Le primat que vous donnez à l'égalitarisme menace nos principes républicains. C'est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
Mme Catherine Génisson. - Les femmes sont la moitié de l'humanité... Je me réjouis que nous ayons une délégation aux droits des femmes, et des hommes engagés, qui ne tiennent pas les propos que je viens d'entendre, qui luttent contre les inégalités femmes-hommes dans les sphères professionnelle, publique, politique et privée. Sans doute ce sujet mériterait un alinéa spécifique afin de clarifier le débat.
M. Gérard Longuet. - Intéressant...
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous y voyons clair sur votre stratégie et votre méthode. Vous faites des déclarations de principe sur des sujets qui ne souffrent aucune objection. Hier soir, un amendement voulait faire, ou à peu près, le bonheur des peuples... Un autre voulait que la loi fixât le principe d'un temps de retraite au moins égal à la moitié du temps passé au travail...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je parlais des générations, non des individus !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Quel mépris ! Quelle caricature !
M. Jean-Claude Lenoir. - On défend maintenant la réduction des écarts de rémunérations, puis la dignité de la vie à la retraite, l'amélioration du niveau de vie, l'égalité hommes-femmes. Bref, vous voulez créer un rideau de fumée pour masquer vos intentions : augmenter les prélèvements sur les salariés, les retraités et les entreprises... Lorsque vos électeurs le comprendront, vous voulez pouvoir leur dire que vous êtes pour le bonheur des peuples !
M. Jean-Pierre Caffet. - Ne prenez pas les Français pour des imbéciles !
M. Jean-Claude Lenoir. - En 2010, madame la ministre, alors députée et porte-parole du groupe socialiste, vous annonciez vouloir abroger ce qui était sur le point d'être adopté. Lesquelles des dispositions adoptées depuis 1993 par les gouvernements Juppé, Raffarin et Fillon allez-vous à présent abroger ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Catherine Génisson. - Celles sur la pénibilité !
Mme Corinne Bouchoux. - Il n'est pas choquant, pour qui n'est ni docteur en droit ni conseiller d'État, de prendre un peu de temps pour élaborer la loi. Le dialogue entre la commission et la Délégation aux droits des femmes est parfaitement normal. L'ironie de certains est malvenue ; face à la situation des femmes, leurs effets oratoires masquent en réalité leur embarras...
M. Jean-François Husson. - Si l'on dissocie cotisation et rémunération, il faut retourner en commission. Et je rejoins M. Lenoir : sur quelles dispositions en vigueur entendez-vous revenir, madame la ministre ?
La référence aux générations me gêne un peu ; elle n'est plus pertinente dès lors qu'on fait évoluer la pension tous les deux ou trois ans en fonction de l'année de naissance. Il faudrait le dire clairement aux Français.
Mme Catherine Deroche. - Nous ne sommes pas contre le fait de sous-amender mais contre la confusion... Le débat n'y gagne rien.
Nous ne voterons pas cet amendement dont nous ne partageons pas l'esprit. Ce n'est pas une raison pour nous taxer de rétrogrades ou de misogynes... Nous en restons à des arguments juridiques. (Applaudissements sur les bancs UMP)
L'amendement n°422 est adopté.
Les amendements nos17, 28 et 36 n'ont plus d'objet.
M. Gérard Longuet. - Puisque nous sommes dans le registre des intentions, je plaide pour la lisibilité et la transparence. Consolider le régime par répartition s'impose. Ce régime suscite une inquiétude sur sa capacité à assurer des prestations définies. En effet, le taux d'activité, la démographie ont sur lui des impacts significatifs.
Nous devons à nos compatriotes des garanties de lisibilité et de transparence pour donner à chaque cotisant la certitude que son effort ne sera pas vain et qu'il peut compter sur la solidité d'un système collectif et obligatoire. Le système doit être lisible pour quiconque n'est pas agrégé de sciences actuarielles. (Exclamations ironiques sur les bancs CRC)
Mme Catherine Deroche. - En effet, madame la ministre, pourquoi avez-vous accueilli avec bienveillance l'amendement précédent et refusez-vous le nôtre ? Il est inquiétant de ne pas savoir de quoi demain sera fait.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Vous nous avez mis dans une drôle de situation.
Mme Catherine Deroche. - Vous avancez, vous reculez, c'est un tango permanent. (Sourires à droite) Le retour de bâton sera sévère.
M. Philippe Bas. - Je voterai cet amendement qui n'est ni déclamatoire ni incantatoire quand il assigne un objectif de lisibilité et de transparence, dans la suite de la réforme de 2003 mise en oeuvre par François Fillon, ministre du travail du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Ce texte créait une obligation d'information, afin que nos compatriotes sachent tous les cinq ans où ils en sont de leurs droits individuels à la retraite. Encore faut-il que nous sachions comment nos régimes de retraite vont s'équilibrer, faute de quoi les droits acquis seraient payés en monnaie de singe.
Ce texte portant diverses dispositions relatives aux retraites repose sur une mesure qui rapportera deux fois moins que le report de deux ans de l'âge de départ en retraite, ce qui n'est guère rassurant ; pis, il demeure muet sur le régime des trois fonctions publiques.
M. Gérard Longuet. - Et oui !
M. Philippe Bas. - Si encore vous consentiez à nous donner l'état exact de la situation. Compte tenu de ce qu'en 2010 vous disiez vous-même, madame la ministre, sur les dispositions que vous vouliez abroger, nous ne comprendrions point que vous ne dressassiez pas la liste de ces abrogations.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous abordons ce débat dans un esprit très constructif. (Sourires à gauche)
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Ah bon ?
M. Jean-Claude Lenoir. - Or nos propositions n'ont pas l'heur de retenir votre attention. Votre subtilité consiste à prendre pour unique argument que nos objectifs seraient des moyens. Il n'est pas un parlementaire qui n'ait entendu le trouble ressenti par les Français devant la complexité de notre système de retraite. Nos concitoyens ont un droit moral à la connaissance de la situation, un droit collectif et aussi individuel.
Il faut lever tout malentendu, madame la ministre. Vous avez affirmé, avec le candidat Hollande, que vous alliez abroger les réformes...
M. Jean-Claude Gaudin. - ...de l'ancien régime.
M. Jean-Claude Lenoir. - Faites preuve de la même clarté aujourd'hui ! Il importe que nous y voyions clairs. Quels articles de ce projet de loi abrogent les dispositions précédemment adoptées ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Quatrième fois que vous posez la question.
M. René-Paul Savary. - Les Français sont inquiets. (Exclamations sur les bancs socialistes) Ne le sentez-vous pas ? C'est grave. Les Français souffrent. N'en rajoutons pas. Ils ont besoin d'une vision. Laquelle leur donnez-vous ? Ils travaillent pour se constituer une retraite. Mais la fiscalité ne cesse d'évoluer, au gré des variations des projets de loi de finances. Transparence, visibilité font défaut. Adeptes du coup par coup, vous ne rassurez pas les Français. Quid de la solidarité intra et intergénérationnelle ? Votre texte ne comporte pas les garanties attendues. D'où l'importance de cet amendement.
MM. Gérard Longuet et Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Jean-François Husson. - Lisibilité s'oppose à complexité et la transparence s'impose pour restaurer le crédit de la parole ministérielle.
M. Gérard Longuet. - Oui.
M. Jean-François Husson. - Génération ou tranche d'âge ? Nous sommes unanimement attachés au système de retraite par répartition. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, s'interroge) Quand je suis entré dans la vie active, on prenait pour base de calcul le salaire moyen des dix meilleures années, cela représentait 25 % de plus qu'aujourd'hui.
À chaque réforme, on modifie ce rapport, pour assurer l'équilibre entre cotisants et bénéficiaires ; il convient d'assumer ces modifications et de les expliquer afin que nos concitoyens tranchent en connaissance de cause. Pourquoi tant de défiance aujourd'hui ? Parce que nos concitoyens opposent les vaines déclarations de ceux qui étaient hier dans l'opposition aux actes des gouvernants d'aujourd'hui. Le respect de la parole publique est en jeu. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)
L'amendement n°247 n'est pas adopté.
M. Gérard Longuet. - Vous êtes contre la lisibilité et la transparence ! C'est prudent.
M. Michel Le Scouarnec. - Les inégalités professionnelles et salariales pénalisent les femmes. Les dernières évolutions du régime général les aggravent, à rebours des principes fondateurs de la sécurité sociale, auxquels nous demeurons fidèles. Une étude de l'Ined de 2010 a montré que la réforme de 1993 ampute les pensions des femmes davantage que celles des hommes. L'augmentation de la durée de cotisation est défavorable aux personnes qui n'ont perçu que de faibles salaires et dont les carrières ont été interrompues, et ce sont en majorité des femmes.
M. Gérard Longuet. - Quel sont les avis du Gouvernement et de la Commission ?
M. le président. - Ils ont été donnés.
M. René-Paul Savary. - Comment ne pas s'associer aux objectifs posés par l'amendement n°20 ? Madame la ministre, aux paroles doivent succéder les actes, en prenant mieux en compte les années passées à élever les enfants, dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle. Nous sommes enclins à soutenir cet amendement.
M. Jean Desessard. - Avec un scrutin public ? (Sourires)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Ces amendements sont en discussion commune. La ministre a donné ses avis. Respectez le travail parlementaire. Je répète que la commission est défavorable à l'amendement n°247 et demande le retrait de l'amendement n°20.
M. Gérard Longuet. - Il n'est pas retiré ? La conduite des débats n'est pas un exercice facile, reconnaissons-le. Nous allons voter sur l'amendement n°20. Je laisse à nos collègues une liberté de vote sur cet amendement, déclamatoire mais qui a le mérite d'être au service de la cause des femmes.
Mme Christiane Demontès, rappporteure. - Après les propos que vous avez tenus !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Incroyable !
M. Philippe Bas. - Je ne veux pas abuser de mon temps de parole.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Pas du tout.
M. Philippe Bas. - Mais il importe, avant de voter, de savoir si l'amendement n°20 est retiré ou non. Il fallait lever toute ambiguïté. (On s'amuse)
Je remercie le président Longuet d'avoir confirmé notre liberté de vote sur cet amendement, rédigé plus précisément que l'amendement de Mme Demontès que nous voulions rejeter. Il s'agit de réduire les écarts « entre les hommes et les femmes », formulation préférable à « entre les femmes et les hommes ». (Exclamations ironiques sur les bancs CRC)
Mmes Isabelle Pasquet et Brigitte Gonthier-Maurin. - Sous-amendez-le !
M. Philippe Bas. - On pourrait en effet comprendre que tous les écarts sont visés. Il eût été préférable de le rédiger autrement. (On s'amuse franchement sur les bancs CRC) Cet amendement affiche une ambition que nous partageons, c'est pourquoi je le voterai quoiqu'il soit contraire au principe que j'énonçais tout à l'heure à propos des amendements déclamatoires. (Applaudissements à droite ; rires sur les bancs CRC).
L'amendement n°20 est adopté.
M. Jean-Claude Lenoir. - Par tous les sénateurs !
M. le président. - Amendement n°248, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La Nation assigne au système de retraite l'objectif d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires.
M. Gérard Longuet. - L'équité du système de retraite doit aussi s'entendre au niveau de la solidarité intra-générationnelle. Un rapprochement des différents régimes de retraite doit donc être engagé sans tarder. La juxtaposition de régimes nombreux nuit à l'efficacité globale tout en produisant des inégalités entre bénéficiaires du régime général et bénéficiaires des régimes spéciaux. C'est pourquoi nous affirmons l'obligation de la convergence entre le régime de retraite par répartition des salariés et les régimes des fonctions publiques et autres régimes spéciaux. L'effort que nous avons engagé en 2008 et en 2010 doit être poursuivi.
L'adoption de l'amendement n°247 eût été utile. M. Domeizel est intervenu hier pour soutenir que l'avantage en faveur de la fonction publique n'était qu'apparent, en raison de la non-inclusion des primes dans le calcul des bases. Si vous aviez adopté notre amendement n°247, nous serions plus avancés pour progresser dans cette voie. Cet amendement réitère notre objectif de long terme, le rapprochement de régimes obligatoires, même si vous n'avez pas saisi notre main tendue. (« Très bien ! » à droite)
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'article premier concerne les objectifs assignés au système de retraites au sein d'une génération ou entre les générations, non en fonction de tel ou tel régime. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - La diversité de nos régimes de retraite est le fruit de l'histoire.
M. Gérard Longuet. - Ne soyez pas conservateurs !
Mme Marisol Touraine, ministre. - Certains sont très attachées à leurs spécificités ; je pense en particulier aux professions libérales. Petits rats de l'Opéra, médecins et professeurs n'ont pas les mêmes carrières ni les mêmes contraintes.
Le rapport Moreau a montré que les règles différentes tiennent bien compte de situations différentes. Ainsi, appliquer les règles du privé aux fonctionnaires aboutirait à des injustices, en raison de la non-prise en compte des primes.
Dans la mesure où il n'est pas satisfait, cet amendement est purement idéologique. (Protestations à droite) Avis défavorable
M. Jean-Claude Lenoir. - Cet amendement confie un objectif à la Nation. Je pensais, dans un premier mouvement, que c'était à l'État de le faire. Vous faites un distinguo subtil entre objectifs et moyens. A la Nation de fixer ceux-là, à l'État de déterminer ceux-ci. Aussi voterai-je cet amendement, auquel j'ai d'abord eu l'intention de m'opposer.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Quelle surprise !
M. Jean-Claude Lenoir. - Madame la ministre, je vous ai posé, avec toute la courtoisie dont je suis capable et dont chacun reconnaît qu'elle est grande (sourires), une question simple : quels articles abrogent les dispositions que vous aviez tant dénoncées en 2010 lorsque vous siégiez à l'Assemblée nationale ? Qui a écrit « Votre projet de loi est d'ores et déjà un naufrage. La grande réforme du quinquennat s'est transformée en citrouille législative. » ? Mme Touraine, députée de l'opposition en 2010.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je n'en retire pas un mot.
M. René-Paul Savary. - Cet amendement exprime, une fois de plus, une vision qu'il faut donner à nos concitoyens. Le moment est venu de passer à l'acte en fixant, sans brutalité, des objectifs. Loin de nous l'idée de tout bousculer...
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Comme en 2010 !
M. René-Paul Savary. - Cet objectif permet de prévenir la pénibilité sans stigmatiser certains métiers, qu'il nous appartient de rendre plus supportables. Concilions l'objectif de convergence avec celui d'une réforme systématique, allant vers un régime par points. Soutenez cet excellent amendement.
M. Philippe Bas. - Il y a sans doute une ambiguïté, voire une équivoque, sur l'interprétation de cet amendement. Vous avez répondu comme s'il mettait en cause la spécificité des régimes de la fonction publique ; il n'en est nullement question. Nous réclamons justice pour les agriculteurs, artisans, commerçants, leurs conjoints. Il n'est pas concevable, en France, en 2013, qu'à droits égaux, les efforts contributifs soient différents. Il est urgent de préserver l'avenir des retraites de la fonction publique autrement que par des impôts supplémentaires, car tel est votre vice radical... (Exclamations ironiques à gauche) En tout cas, l'un des principaux risques actuels. (Applaudissements à droite)
M. Claude Domeizel. - Il faut tout faire pour rapprocher les régimes, dites-vous ? L'article 27 du projet de loi répond à votre demande. Votez-le et retirez cet amendement.
M. Gérard Longuet. - Pourquoi ne pas s'intéresser à cet article... mais votons d'abord cet amendement ! Mieux vaut tenir que courir.
M. Claude Domeizel. - Pourquoi avoir voté en commission contre cet article 27 ?
M. Gérard Longuet. - Parce qu'il vient en fin de parcours. La Lorraine est une région de tradition minière. Les régimes obligatoires ont certes des racines dans l'histoire mais les technologies modifient l'importance relative de telle ou telle profession. Le régime des chemins de fer est en déficit parce qu'il y a moins de cheminots que naguère ; le régime des avocats est en fort excédent parce qu'il y a de plus en plus d'avocats, jeunes cotisants. L'égoïsme de chaque profession en perpétue la singularité jusqu'à ce qu'elle se retourne vers les collectivités pour participer à un équilibre qu'elle ne peut plus assumer. Ces égoïsmes, qu'il faut combattre et encadrer, sont inévitables, de même que ces évolutions, qu'il faut anticiper.
Avec cet amendement, nous vous proposons qu'un régime de retraite obligatoire, équilibré ou non, ait le devoir d'anticiper l'évolution de telle ou telle profession. En 1945, les commerçants ont refusé le régime de sécurité sociale mis en place par le général de Gaulle.
Plusieurs voix à gauche. - Le CNR !
M. Gérard Longuet. - Ils ont eu bien tort. Ils s'adossaient à des fonds de commerce qu'ont détruit les grandes surfaces créées par l'automobile.
Pourquoi diable réfutez-vous l'évidence que pose cet amendement ? Vous avez une vision unilatérale de la valeur ajoutée des amendements. Nous défendrons avec enthousiasme tous les nôtres. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Caffet. - À force d'entendre les procès qui nous sont faits, on se lève et on répond. (Marques d'intérêt)
Regardez les choses comme elles sont : dans cette réforme, les régimes de base seront équilibrés en 2020. M. Bas lui-même l'a reconnu. Et d'ajouter, oui mais vous ne vous occupez pas des autres, soit des régimes complémentaires, ceux de la fonction publique et les régimes spéciaux.
Les décisions courageuses prises par l'Arrco et l'Agirc en mars 2013 ne suffiront pas à résorber les déficits des régimes complémentaires. Qui a pris des mesures courageuses en 2013 ?
M. Gérard Longuet. - Les partenaires sociaux.
M. Jean-Pierre Caffet. - Exactement. Le problème du déficit en 2020 de ces régimes complémentaires reste entier. Ce n'est pas à l'État de dicter des solutions aux partenaires sociaux.
J'en viens aux régimes de la fonction publique et aux régimes spéciaux. La surcompensation démographique existe depuis des décennies.
M. Gérard Longuet. - Le Bapsa, en 1962.
M. Jean-Pierre Caffet. - Oui, par exemple. Les mécanismes démographiques sont ainsi gommés.
Sur le régime des fonctionnaires, oui, monsieur Bas, il y aura des déficits. Que n'avez-vous pris des mesures, en votre temps ? (Protestations à droite)
Les fonctionnaires, en 2020, paieront les mêmes cotisations que les autres actifs : c'est la réforme de 2010. Ce qui change, c'est le rapport démographique : il y aura davantage de fonctionnaires à la retraite. Cette question, vous ne l'avez pas réglée !
M. Jean-Pierre Raffarin. - J'ai écouté votre intervention avec une certaine stupéfaction. Ce sujet est difficile. Il est exact que la stratégie socialiste est entièrement fiscale : inutile pourtant d'en rajouter étant donné les signes d'effondrement de l'économie française, que nous ne souhaitons nullement.
Nous n'aurions rien fait en 2003 pour la fonction publique ? Nous avons, pour la première fois, aligné les années de cotisation des fonctionnaires sur celles des salariés du privé et vous avez appelé à manifester ! Quels cris d'orfraie n'avons-nous pas entendus !
La CFDT, elle, avait eu une réaction réformatrice que je salue. Je regrette que vous n'ayiez pas pris le temps de la discussion avec les partenaires sociaux, que la préparation de ce projet ait été bâclée. Vous avez fait un choix, madame la ministre, qui n'est pas le bon. Il est encore temps. Je finis par penser qu'il faudra une réforme par quinquennat : le grand soir, en la matière, n'existe pas. MM. Balladur, Juppé, Fillon ont fait le travail ; avec Jacques Chirac, nous avons fait le travail : Jean-Marc Ayrault ne le fait pas. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marisol Touraine, ministre. - Rien ne vous autorise à dire que nous avons bâclé notre réforme. Les syndicats réformistes la soutiennent. Vous n'avez pas intérêt à aller nous chercher sur le terrain de la concertation : elle a été menée. Personne ne défile dans les rues.
Nous avons intérêt à suivre l'évolution de notre système : c'est pourquoi nous créons un comité de suivi, non pour réformer en permanence mais pour dédramatiser les questions.
Cette réforme rompt complètement avec votre logique qui faisait porter le poids des efforts exclusivement sur les jeunes générations en allégeant la durée de cotisations. Nous prenons en compte la rupture des carrières ainsi que la pénibilité, contrairement à la réforme de 2010.
MM. Jean-Pierre Raffarin et Gérard Larcher. - C'est dans la réforme de 2003 !
Mme Marisol Touraine, ministre. - Notre stratégie est en rupture totale avec les précédentes réformes. Elle répond à la diversité des parcours et aux problèmes des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Pour la première fois, il n'y a pas de réforme !
L'amendement n°248 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°358, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Afin d'assurer la pérennité financière et l'équilibre entre les générations du système de retraites par répartition, ainsi que son équité et sa transparence, une réforme systémique est mise en oeuvre à compter du premier semestre 2017.
« Elle institue un régime universel par points ou en comptes notionnels sur la base du septième rapport du Conseil d'orientation des retraites du 27 janvier 2010.
« Le Gouvernement organise une conférence sociale et un débat national sur cette réforme systémique au premier semestre 2015. »
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Après tant de talent oratoire, je serai bref.
M. Jean-Claude Gaudin. - Mais talentueux, comme toujours !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - La réforme systémique me tient à coeur. Le système par points correspond aux besoins de transparence et de justice. L'éclatement du système en une myriade de régimes aux règles différentes, qui ne se justifie plus, est perçu comme une injustice. Près de deux tiers des Français ne croient plus au système par répartition. Que faire pour leur redonner confiance ?
Nous débattons depuis cinq heures mais nous n'avons pas avancé. L'historique est intéressant, messieurs Domeizel et Longuet, mais nous sommes dans le présent.
Nous plaidons depuis 2010 pour une réforme qui instaure un système par point ou en comptes notionnels. Une réflexion nationale était prévue dans la loi de 2010. Mme la ministre estime que le débat a eu lieu. Celui de la commission Moreau ? Allons ! Avec tout le respect que j'ai pour les douze hauts fonctionnaires qui en faisaient partie.
La réforme que nous proposons, appliquée en Italie, en Suède, en Pologne, répond aux problèmes de notre système.
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Plus de 70% des Français y sont favorables. (Applaudissements au centre et à droite)
M. le président. - Amendement n°381 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement les conditions d'une mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations.
Mme Françoise Laborde. - Notre système de retraite a besoin d'une véritable réforme systémique. Nous plaidons depuis longtemps pour un système par points ou comptes notionnels. Le COR l'a estimé possible. Il permettrait de gommer les aléas de la vie et de simplifier les régimes actuels.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le financement du régime de retraite par répartition est assuré par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus. Les financements prélevés sur le capital sont aux moins égaux à ceux assis sur le travail.
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement précise l'objectif d'égalité et met en oeuvre l'objectif de justice sociale. Il n'est pas acceptable que les revenus du capital soient moins mis à contribution que ceux du travail pour financer la protection sociale. C'est un amendement de justice sociale.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
La pérennité financière du
par le mot :
Le
M. Michel Le Scouarnec. - Les précédents régimes affichaient des objectifs ambitieux qui n'ont pas été suivis d'effets, comme la réduction des écarts entre les femmes et les hommes. Le financement de la protection sociale demeure déséquilibré. Nous regrettons que la pérennité financière soit considérée comme un objectif en soi alors qu'elle est le moyen d'assurer des niveaux de pension satisfaisants permettant de vivre dignement.
M. le président. - Amendement n°249, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Alinéa 7
1° Première phrase
Après les mots :
chaque génération
insérer les mots :
entre les différents régimes,
2° Seconde phrase
Après les mots :
suppose de
insérer les mots :
poursuivre l'effort de convergence entre les régimes de retraites des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'État et de
M. Philippe Bas. - Une majorité de Français veulent un traitement identique des salariés du privé et des fonctionnaires. Mme la ministre nous dit que les taux de remplacement sont équivalents, mais ce n'est vrai que pour le taux moyen. Pour les fonctionnaires de catégorie C, qui ne bénéficient pas de primes aussi importantes que les autres, le taux de remplacement est supérieur. De plus, les six derniers mois sont pris en compte pour le calcul de la pension pour les fonctionnaires et, depuis 2003, les vingt-cinq meilleures années pour les salariés du privé, ce qui représente la quasi-totalité d'une carrière pour beaucoup d'entre eux.
Il faut corriger le sentiment d'injustice profond qui mine notre cohésion sociale.
M. le président. - Amendement identique n°393, présenté par M. Barbier.
Alinéa 7
1° Première phrase
Après les mots :
chaque génération,
insérer les mots :
entre les différents régimes,
2° Seconde phrase
Après les mots :
suppose de
insérer les mots :
poursuivre l'effort de convergence entre les régimes de retraites des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'État et de
M. Gilbert Barbier. - Nous parlons beaucoup de lisibilité et de transparence. Mais de grandes différences demeurent entre public et privé. Nous devons engager la convergence de ces régimes : nos concitoyens, qui exigent cette mesure d'équité, nous en seront reconnaissants. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Pour ce faire, un décret précise les modalités par lesquelles la part patronale des cotisations sociales est augmentée sur une durée de trois ans dans les proportions de l'augmentation de la part salariale depuis 1980.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ce projet de loi allonge à nouveau la durée de cotisations, synonyme de décote et de moindres pensions. La solidarité n'est pour rien dans nos déficits : c'est le tarissement des ressources qui en est la cause. Le rapport d'Alain Vasselle sur les prélèvements sociaux relevait que la part des recettes tirées des cotisations sociales dans le financement de notre système n'a cessé de se réduire -de 85 % en 1990 à 65 % en 2002- au profit de l'impôt. Cette fiscalisation, essentiellement supportée par les salariés -avec la CSG- ou les consommateurs -avec la TVA-, a épargné les entreprises, contrairement à ce que la droite répète à l'envi.
Franchises médicales, taxes sur les mutuelles, décotes diverses : les ménages sont encore mis à contribution. Nous plaidons à l'inverse pour une augmentation des cotisations sociales patronales.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La pérennisation des régimes de retraite par répartition nécessite la mise en oeuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et une qualité de l'emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont un recours systématique aux contrats précaires.
M. Dominique Watrin. - Nous souscrivons à la quasi-totalité des objectifs assignés à notre système de retraite. Mais toutes les modalités n'ont pas été précisées. Nous proposons de réécrire l'alinéa 7, pour pénaliser les entreprises qui recourent systématiquement aux emplois précaires.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi qu'une juste répartition des richesses tirées de l'activité économique, et notamment par l'élargissement de l'assiette des cotisations et contributions d'assurance vieillesse aux revenus financiers des entreprises
Mme Isabelle Pasquet. - La fiscalisation de la protection sociale n'a pas ralenti la progression des dépenses. Notre système de retraites doit reposer sur une juste répartition des richesses, qui ne peut passer que par un rééquilibrage des efforts contributifs entre les salaires et le capital. C'est pourquoi nous souhaitons intégrer les revenus financiers dans l'assiette des cotisations sociales.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Ces amendements posent des questions très différentes : réforme systémique, convergence des régimes, financement des systèmes de retraite...
La Mecss a rendu un rapport en 2010, que j'ai cosigné : il suggérait de remettre à plat notre système et envisageait l'hypothèse -simple hypothèse, j'y insiste- d'une réforme systémique. En 2010, la loi Fillon a repris cette proposition au détour d'un amendement en fixant un rendez-vous en 2013 -le président de séance d'alors...
M. Jean-Claude Gaudin. - ...et du Sénat !
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - ...M. Gérard Larcher est ici, aujourd'hui. C'était une tentative de calmer le jeu. La commission Moreau évoque également cette piste comme hypothèse, considérant qu'elle ne règlerait toutefois en rien les problèmes de notre système par répartition. Ce n'est pas un préalable à la poursuite des projets engagés. Bref, avis défavorable.
L'amendement n°381 rectifié prévoit d'étudier la mise en place d'une réforme systémique sous trois ans : même avis.
L'amendement n°34 porte sur le financement du système : l'article premier dispose déjà que le système s'appuie sur une répartition équitable entre générations et au sein des générations : avis défavorable.
Supprimer l'objectif de pérennité financière priverait la réforme d'un de ses piliers : avis défavorable à l'amendement n°29.
Nous avons déjà débattu des propositions de l'amendement n°259 : la convergence n'est pas un objectif en soi de la réforme, avis défavorable ainsi qu'à l'amendement n°393.
L'article premier affirme de grands objectifs : l'amendement n°38 n'y a pas sa place. Même avis défavorable à l'amendement n°37. Quant à l'amendement n°30, enfin, avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis que la rapporteure. Les amendements nos358 et 351 rectifié posent la question de la réforme systémique, réalisée en Suède, objet de nombreuses études depuis 2002. Le COR l'a examinée à fond en 2010 et n'y voyait qu'une architecture destinée à structurer les régimes mais, comme on l'a vu en Suède, le financement du système reste fondé sur les mêmes paramètres. Invoquer le système par points pour régler tous les problèmes, comme le font certains, c'est une forme de pensée magique. Les choix politiques restent les mêmes : âge de départ en retraite, durée de cotisation, niveau des cotisations et des pensions... En Suède, les pensions ont fortement souffert de la crise, à tel point qu'on a dû revenir sur l'ajustement automatique et que le Gouvernement a dû reprendre la main sur le système ! Avis défavorable à ces amendements, ainsi qu'aux suivants.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le rapport que vous avez cosigné avec Jean-René Lecerf, madame Demontès, indique que la mission recommande la mise en place d'un régime par points. Ce n'est pas qu'une hypothèse, une option ; c'est une proposition de la Mecss. Quant au COR, il estime qu'un tel système est techniquement possible et de nature à remplir les objectifs de solidarité.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Ce n'est pas le sujet.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Il ajoute que la question n'est pas technique mais politique. Nous y voilà ! Seulement, si certains syndicats y sont favorables, d'autres y sont opposés. Vous préférez acheter la paix sociale. (Mme Cécile Cukierman proteste)
M. Gérard Longuet. - En ne faisant rien, comme d'habitude !
M. Gérard Larcher. - Vous évoquez le débat de l'automne 2010. Il n'était pas le fait d'un amendement à la passiflore destiné à calmer les esprits : la tension venait d'ailleurs ....
Ce sujet, la Mecss l'a traité. Le septième rapport du COR également. Il s'agissait non de balayer la question d'un revers de la main mais de donner soutenabilité, lisibilité et pérennité à notre système. Il en va de la pédagogie qui s'impose quand on doit, comme l'a dit Jean-Pierre Raffarin, réformer les retraites à chaque quinquennat. Les retraites sont un marqueur d'un système social.
Se donner jusqu'en 2017 pour étudier un mécanisme au prétexte que la Suède a rencontré des difficultés -qui n'en n'aurait pas eu ?-, c'est une manière de ne rien traiter.
Comme ministre du travail, j'ai vu qu'il était impossible de traiter de la pénibilité La quantification de la pénibilité serait possible dans un tel système. S'empêcher d'étudier la question, c'est une faute envers les générations futures ! (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)
M. Gérard Longuet. - Nous voulons une réforme systémique. La plus accessible, c'est l'instauration d'un système par points.
Madame la ministre, vous n'avez pas fait l'effort de rentrer dans la logique de ce système car votre seule réponse consiste à augmenter les prélèvements sur les ménages et les retraités, dans une approche fiscale court-termiste.
Le paramètre nouveau, c'est la valeur du point, débattue et fixée collectivement. Celui-ci fournit une information claire à chacun sur les droits qu'il a accumulés. Les paramètres classiques sont bien étudiés dans le rapport, mais il manque l'essentiel.
Le régime par répartition, lorsqu'il est déficitaire, doit être abondé par l'État, ce qui endette les générations é venir. Le système par points règle la question pour la revalorisation ou la dévalorisation du point. Ce système ne marche pas qu'à la baisse, contrairement à ce que vous dites.
Nos compatriotes ne savent plus où ils en sont. Avec la retraite par points, ils le sauraient Et ce système interdirait surtout de renvoyer la facture aux générations suivantes. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Bas. - Les systèmes par points ne sont pas la panacée. Mais pourquoi les refuser pour ce motif ? Les nombreux rapports qui les envisagent ne les disqualifient pas. Leur vertu n'est pas l'équilibre automatique des régimes mais la transparence, la clarté, la lisibilité : chacun peut y comprendre aisément à quoi il a droit en fonction de l'évolution démographique, de la situation économique ou de celle de l'emploi. Ils mettent fin à l'opacité. L'effort de chacun y est retracé, ainsi que le mode de calcul du point. Le passage à pareil système, comme celui à l'an 2000, peut être délicat. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas le tenter. Donnons-nous le temps d'y réfléchir. Prenons cette voie pour améliorer l'acceptation de nos concitoyens et l'adhésion à notre système, qui ne se rendent pas compte que leurs cotisations paient les retraites d'aujourd'hui comme les leurs demain. Je voterai cet amendement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Claude Domeizel. - Les amendements nos358 et 381 rectifié plaident pour un système en comptes notionnels. La loi 2010 prévoyait une « réflexion nationale », très courageusement repoussée « au premier semestre 2013 ». En d'autres termes, on envoyait le ballon dans les tribunes...
Ce système astucieux, sympathique n'est pas exempt de difficultés. (On en convient à droite) C'est un système par capitalisation fictive. Lorsque la retraite arrive, ce capital fictif est redistribué aux retraités, selon un calcul reposant sur la différence entre l'âge de la personne et son espérance de vie. Où est passé l'argent ? La constitution des droits a payé les retraites de l'instant, comme dans notre système par répartition. D'où les difficultés, qui sont les mêmes. En cas de déséquilibre, ou on augmente les cotisations -et on fabrique de nouveaux droits qu'on retrouvera plus tard-, ou on baisse les pensions, solution choisie en Suède.
L'amendement n°358 fixe une date au premier semestre 2017. Ce n'est pas réaliste. L'amendement n°381 rectifié apparaît plus souple, en se donnant trois ans pour la mise en place d'un régime universel. À quoi servirait un rapport sur le sujet dès lors que le COR y a déjà travaillé ?
M. Gilbert Barbier. - À cause de l'article 40 !
M. Claude Domeizel. - Nous voterons contre. La superposition de ces deux systèmes créera des difficultés de trésorerie difficilement surmontables.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Cet amendement centriste présente l'avantage de confronter deux systèmes et deux conceptions. C'est un basculement complet qui nous est proposé, tournant le dos à l'esprit du CNR ; il s'attaque en effet à la solidarité intergénérationnelle.
Non, madame la ministre, la retraite par répartition, ce n'est pas la même chose que le régime notionnel, qui institue une retraite à la carte. Les jeunes générations ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour se constituer des droits propres. Le capital virtuel accumulé par chaque individu varie en fonction de nombreux critères : espérance de vie, âge, évolution du PIB... Et il inclut des mécanismes automatiques de retour à l'équilibre. Ce système n'est pas soutenable à terme, sauf à diminuer les pensions, seules variables d'ajustement. C'est bien ce qui s'est passé en Suède.
M. Jean-Pierre Caffet. - Il y aurait deux mondes : le paradis de la réforme systémique et l'enfer de la réforme paramétrique... À y regarder de plus près, les choses sont moins simples.
Comment les déficits sont-ils réduits dans les régimes de base ? Par une majoration des cotisations, la désindexation temporaire des pensions, l'allongement de la durée des cotisations. Mais c'est bien sur ces mêmes éléments qu'est fondé l'accord Agirc/Arrco de mars 2013... Où est la différence ?
Régime par annuités, points ou comptes notionnels sont des régimes par répartitions. (On en convient à droite) Pourquoi l'un d'entre eux fonctionnerait-il mieux ?
M. Gérard Longuet. - Dans le système par points, le système d'alarme est plus rapide !
M. Jean-Pierre Caffet. - Dans l'argumentaire en faveur des régimes par points, examinez les dispositions relatives aux cotisations. Sont-elles plus simples que celles des régimes de salariés actuels ? Peut-être, encore que je n'en sois pas totalement persuadé. Et aucun régime par répartition n'est, par nature, plus capable qu'un autre de résister à un choc démographique ou à un choc de croissance.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. Jean-Pierre Caffet. - L'exemple suédois l'a montré. Il a fallu diminuer les pensions. Peut-être est-il plus lisible, et encore, mais ce paradis systémique est chimérique.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Bravo !
A la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°358 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 171 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements au centre et à droite)
Les amendements nos381 rectifié, 34, 29, 249, 393, 38, 37 et 30 deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Afin de parvenir à la réalisation de l'objectif mentionné au sixième alinéa de cet article, notamment en matière d'égalité de pensions entre les femmes et les hommes, l'article L. 3123-14-2 du code du travail est abrogé.
Mme Laurence Cohen. - Le traitement équitable entre les femmes et les hommes, fixé comme objectif à l'article premier comme dans la loi de 2010, est loin d'être atteint. Comment le serait-il alors qu'un article créé par la loi de sécurisation de l'emploi permet de déroger à la durée de travail hebdomadaire à temps partiel de 24 heures afin de permettre le cumul de plusieurs temps partiels ?
Ce n'est pas une lubie du groupe CRC, les femmes sont les premières victimes de la crise ; elles sont plus nombreuses parmi les travailleurs pauvres. Nous avons, en son temps, dénoncé l'ANI, source de précarité généralisée et d'institutionnalisation du temps partiel comme mode d'organisation du travail. S'il ne s'attaque pas à cette réalité, ce projet de loi restera d'affichage.
Notre système a été conçu sur le modèle de l'homme soutien de famille, travaillant à temps plein et sans interruption de carrière ; il n'est plus adapté à la situation des femmes. Notre amendement propose d'y remédier.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Ce n'est pas le lieu de revenir sur des règles issues de la loi sur la sécurisation de l'emploi, qui a fait l'objet d'un débat dense ici. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme Laurence Cohen. - Je voterai cet amendement car le temps partiel généralisé à des conséquences néfastes que l'on ne peut ignorer ici. L'Assemblée nationale a introduit des améliorations, comme la prise en compte des périodes d'interruption involontaire de carrière. Pourquoi ne pas en faire autant ici, où nous buttons contre le mur de l'ANI ? Les temps partiels ouvrent une trappe à bas salaires dont les femmes sont les premières victimes.
M. Philippe Bas. - La loi de sécurisation de l'emploi a entendu faciliter l'activité de ceux qui n'ont le choix qu'entre un temps partiel ou deux temps partiels. Certes, l'idéal d'un temps plein est préférable mais difficilement atteignable. (Protestations sur les bancs CRC) Il s'agit d'augmenter leurs droits à retraite. Sans vouloir m'immiscer dans un débat interne aux groupes de la majorité, je me sens la responsabilité de dire que si cet amendement était adopté, il marquerait une régression sociale...
Mme Cécile Cukierman. - Nous n'en avons pas la même définition.
M. Gérard Longuet. - En effet ! Il y a là une parfaite méconnaissance de la réalité. Dans la Meuse, hommes et femmes cumulent des emplois à temps partiel au service de la collectivité, comme les conductrices de cars de ramassage scolaire, dans des secteurs désertés -hélas !- depuis longtemps par l'emploi industriel. Dans une période où la ministre de l'éducation nationale multiplie les temps partiels à la charge des collectivités locales dans les écoles, pourquoi priver ceux qui occupent ces emplois d'avantages en matière de retraites ? Au nom de la cohérence politique de la gauche, renoncez à cet amendement ! (Protestations sur les bancs CRC)
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
La pérennité financière du
par le mot :
Le
Mme Michelle Demessine. - Nous aurions préféré qu'au lieu de proclamer de grands principes, le Gouvernement s'attache à prendre les mesures qui s'imposent pour en assurer concrètement le respect. La loi de 2010 évoquait elle aussi un « traitement équitable », on sait qu'il est loin d'être atteint, ne serait-ce que parce que les employeurs peuvent déroger à leurs obligations légales en matière d'égalité salariale.
Autre objectif de 2010 : le maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités... L'allongement de la durée des cotisations a provoqué d'importantes décotes et le nombre de salariés de plus de 55 ans licenciés ou contraints d'accepter une rupture conventionnelle ne cesse de croître.
Mêmes objectifs aujourd'hui, manquent toujours les outils pour les atteindre. Au regard de la précarité et du chômage, il faut renforcer le caractère redistributif de notre système et lui trouver de nouvelles ressources. D'où notre proposition de réduire jusqu'à leur suppression les exonérations générales de cotisations sociales.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - De même que précédemment, je rappelle que l'article premier vise les objectifs et non les moyens : avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. Le financement de la protection sociale dans son ensemble ne fait pas partie de ce projet de loi, qui a pour seul objet la réforme des retraites.
Mme Michelle Demessine. - Cet amendement d'appel est destiné à assurer le financement de notre sécurité sociale. Les allégements de cotisations sociales mis en place en 1993, reconduits et modifiés maintes fois depuis, concernent 10 millions de salariés et diminuent le coût du travail ; les sommes ainsi dégagées sont rarement investies dans le tissu productif et abondent le plus souvent les profits. Ils créent des trappes à bas salaires. La moitié de leur coût, estimé à 25 milliards d'euros, pourra être fléché vers une politique de l'emploi plus efficace.
M. Jean Desessard. - Je voterai cet amendement. Nous, écologistes, sommes opposés aux exonérations de cotisations sociales. (Marques d'ironie à droite) On peut créer des emplois dans la culture, la santé ou l'éducation avec les 25 milliards d'euros qu'elles coûtent à l'État, sans compter qu'elles tirent les salaires vers le bas et banalisent l'idée que le paiement des cotisations n'est pas la règle.
Libération des otages français au Niger
M. le président. - Le président de la République vient d'annoncer que nos quatre otages au Niger ont été libérés. (Applaudissements)
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à l'avenir et la justice du système de retraites.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
M. Philippe Bas. - C'est avec une immense joie que nous accueillons cette nouvelle. Nous avons hâte de retrouver nos compatriotes en bonne santé.
Sur l'amendement n°39, je me souviens des premiers pas de la politique d'allégements de charges, en 1993, sous le gouvernement d'Édouard Balladur...
Plusieurs voix sur les bancs communistes. - Eh oui !
M. Philippe Bas. - ...complétés par les dispositions prises par Alain Juppé, avec la ristourne progressive ramenant les cotisations à zéro au niveau Smic. D'après l'Insee, cette politique a créé ou sauvegardé 480 000 emplois. Le gouvernement auquel appartenait Mme Demessine en 1997 a décidé le passage aux 35 heures payées 39. Les entreprises ont été étranglées par ces dispositions. (Protestations sur les bancs socialistes)
Mme Catherine Génisson. - 350 000 emplois créés !
M. Philippe Bas. - Il a fallu compenser. La baisse des charges, alors, n'a servi qu'à réduire le surcoût induit par cette mesure. Si l'on l'annulait, il faudrait expliquer aux Français qu'ils doivent de nouveau travailler 39 heures payées 35... Je m'étonne que Mme Demessine présente un tel amendement.
Mme Cécile Cukierman. - Ne nous défendons pas les même gens.
M. Gérard Longuet. - Mon intervention est sans doute redondante. (Exclamations ironiques sur les bancs CRC) Mais la répétition est une vertu pédagogique indéniable. Madame Demessine, j'ai présidé la région Lorraine, frontalière, où la reconversion de la sidérurgie a impliqué la création d'emplois industriels allemands. Globalement, le coût salarial français était alors inférieur de 20 % au coût salarial allemand. Depuis les 35 heures en France et les réformes Schröder-Merkel outre-Rhin, il est supérieur...
Si vous revenez sur ces exonérations, il n'y aura plus du tout d'industrie en France. Est-ce là votre conception de la solidarité envers les salariés ? Ce serait leur rendre un bien mauvais service, sauf à revenir à la durée moyenne du travail des grands pays industriels. Le gouvernement de Mme Aubry a fait le choix du non-travail. Nous n'avons pas osé y revenir. Mais on ne reprendra pas le chemin de l'emploi sans s'attaquer au problème de la compétitivité française.
Mme Catherine Tasca. - Suite à l'annonce que vous venez de faire, monsieur le président, je salue cette réussite de la politique de notre Gouvernement...
M. Jean-François Husson. - De la France !
Mme Catherine Tasca. - ...et adresse tous nos voeux à nos compatriotes, à leurs familles, nos remerciements au président de la République et à tous les services de l'État qui ont contribué à leur libération. C'est la preuve que ce gouvernement est d'une grande compétence et d'une grande efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes et sur quelques bancs à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - Je m'associe à ces propos, certes, mais c'est surtout aux otages et à leurs familles que nous pensons.
M. Francis Delattre. - Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. - Sur la solidarité, nous n'avons pas de leçon à recevoir, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. - À compte d'autrui...
Mme Marie-France Beaufils. - Celui des grands actionnaires ? Nous n'avons pas les mêmes soutiens ni les mêmes amis...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Oh non !
Mme Marie-France Beaufils. - Sur les allégements de cotisations sociales, ce qui pèse sur les comptes des entreprises, ce ne sont pas les salaires mais les rémunérations des actionnaires, qui n'ont cessé de progresser en proportion de la valeur ajoutée.
Le monde du travail a besoin d'une autre réponse. Tel est le sens de notre amendement. Nous refusons la pression perpétuelle sur les salaires, la venue sur notre territoire de salariés embauchés à bas coût par des sociétés low cost. La construction européenne devrait favoriser l'harmonisation sociale et fiscale par le haut. Tel est aussi l'enjeu de la réforme des retraites. C'est pourquoi je voterai cet amendement avec conviction.
L'amendement n°39 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'impact financier d'une disposition législative visant à assurer à tout retraité le service d'une pension au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance quels que soient sa situation, son activité professionnelle passée ou les revenus qu'il a tirés de cette activité. Ce rapport fait état des mesures de financement envisageables pour parvenir à cet objectif minimal, en étudiant notamment le rendement de mesures telles que la modulation des cotisations sociales patronales d'assurance vieillesse en fonction des choix de gestion des entreprises, la contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières à hauteur des cotisations patronales d'assurance vieillesse, la résorption des inégalités professionnelles et notamment salariales entre les femmes et les hommes dans la décennie suivant la remise du rapport, la réduction du recours au temps partiel, et l'assujettissement de tous les compléments de salaire aux cotisations sociales à la même hauteur que les salaires.
M. Michel Le Scouarnec. - Nous défendons depuis longtemps l'interdiction de servir des pensions inférieures au Smic, que nous souhaitons de plus voir revalorisé très rapidement à 1 700 euros. Ce n'est pas de la régression sociale, cela ! Nous demandons un rapport pour ne pas encourir les foudres de l'article 40, dont nous devrions, un jour, aborder le sens quant à l'initiative parlementaire, dont il constitue la négation.
Le montant des pensions est, en moyenne, inférieur au Smic. Cette moyenne cache de grandes disparités. Les pensions de retraite sont la contrepartie de cotisations versées durant toute la vie active. Comment pourraient-elles demeurer inférieures au Smic, après une vis entière de travail ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'article premier, à nouveau, réaffirme des grands principes ; des objectifs quantifiés n'y ont pas place. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons.
M. Philippe Bas. - Il ne s'agit que d'un rapport mais interdire de servir des pensions inférieures au Smic ne nous semble guère opportun. On ne peut développer la solidarité que sur des fondements économiques solides et prospères.
Les décisions fiscales prises récemment freinent la consommation et stimulent des comportements d'épargne face au risque de précarité, si bien que de mois en mois, le nombre de chômeurs augmente. Bref, un divorce se produit entre une gauche de gouvernement qui ne veut pas renier la gauche de revendication, laquelle est insatiable et méconnaît les réalités.
Mme Cécile Cukierman. - Où est-ce écrit ?
M. Philippe Bas. - Nos compatriotes ne peuvent qu'être déconcertés. Les impatiences suscitées par le candidat Hollande pendant sa campagne n'ont pas disparu.
M. Jean-François Husson. - Au risque de vous surprendre, je ne m'associerai pas au vote de cet amendement. (On feint de s'en étonner à gauche)
D'abord, il manque de réalisme et de sérieux. Il relève de l'incantation. Il y quelques années, nous entendions demander un Smic à 1 500 euros. D'autres, plus tard, réclamaient que le chômage fût rendu illégal. Voilà qui jette le discrédit sur la classe politique.
Mme Cécile Cukierman. - Heureusement que la classe ouvrière s'est battue pour la retraite !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Vous feriez mieux d'écouter.
M. Jean-François Husson. - La sérénité des débats n'empêche pas l'expression des convictions. (Applaudissements à droite)
Cette réforme est votre première depuis vingt ans. Elle constitue un point zéro ! Les trois piliers -répartition, régime collectif facultatif et capitalisation individuelle- doivent être préservés. Dans la répartition, l'équilibre n'est pas garanti alors que dans le système assurantiel, le taux est garanti par le contrat.
M. Jean Desessard. - La majorité gouvernementale est constituée de plusieurs partis différents. Vous n'allez quand même pas le découvrir toutes les trois minutes ! Nous avons des convictions différentes, c'est vrai. Les communistes revendiquent un soutien sans participation, bon.
Voix à droite. - Et vous, une participation sans soutien !
M. Jean Desessard. - Notre groupe va soutenir le rapporteur. Vous parlez d'hésitations.
M. Philippe Bas. - D'atermoiements !
M. Jean Desessard. - Il est vrai que, nous, sénateurs écologistes, souhaiterions être davantage consultés, écoutés... Tout comme les sénateurs socialistes, parfois (sourires entendus sur les bancs socialistes), et vous-mêmes, à droite, je suppose que cela doit vous arriver.
Il y aurait de notre côté des reculades ? Vous jamais ? Avez-vous oublié le contrat premier emploi ? Vous faisiez bloc pour le voter. Puis il a été retiré ! Vous n'avez rien dit.
M. Philippe Bas. - C'était de la pudeur. (Sourires)
M. Jean Desessard. - Il en fut de même avec la loi relative au droit au logement opposable, le Dalo. Là encore vous avez fait bloc, et puis vinrent Les enfants de Don Quichotte au bord du canal Saint-Martin et vous avez avalisé comme un seul homme ! Nouvelle reculade ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Le Scouarnec. - Souvenez-vous de l'année 1968. Des semaines de manifestations et de grèves. La réponse était toujours que rien n'était possible. Et puis, finalement, les accords de Grenelle, le président du CNPF signant ce qu'il déclarait la veille impossible -et l'année suivante qui aura été une des meilleures années pour notre économie.
Ces amendements vont dans le sens d'une amélioration des conditions de vie des retraités. Comment ne pas partager cet objectif ? La pension moyenne est inférieure au Smic et les disparités hommes-femmes sont grandes. Il faut garantir un niveau minimum de ressources aux personnes âgées.
Certaines prestations bénéficient aux salariés du public et du privé dont les pensions sont trop faibles. Mais le montant total versé ne permet jamais de dépasser le Smic.
Mme Cécile Cukierman. - Notre amendement ne vise pas à disserter sur la façon de gouverner. Il demande un rapport relatif au niveau des pensions, question centrale, de même que la durée de cotisation.
À droite, vous voulez culpabiliser les salariés, que vous qualifiez de privilégiés. (On le conteste, à droite) Ils n'auraient pas le droit de gagner ce qu'ils gagnent. Vous parlez de slogans incantatoires : qui a inventé le « travailler plus pour gagner plus » ? Ce n'est pas un slogan incantatoire cela ? Et pour quel résultat ? (Protestations à droite)
Oui, il faut poser la question du niveau des pensions et du taux de remplacement. Les richesses augmentent dans notre pays et pourtant, les salariés et les retraités gagnent de moins en moins, notamment dans les zones rurales. Il faut prendre les contributions là où gisent les richesses : les revenus financiers doivent participer aux efforts communs. Entendez aussi les intérêts que nous défendons !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Revenez au sujet.
M. Jean-François Husson. - Et l'intérêt général ?
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 juin 2014, un rapport détaillant les mesures envisagées pour parvenir à la résorption définitive, à l'horizon 2018, des inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les inégalités de pension touchent surtout les femmes. Depuis les années 60 pourtant, les femmes ont massivement investi le monde du travail et leur formation est meilleure que celle des hommes. Néanmoins, elles sont plus touchées par le chômage et le temps partiel subi.
Le principe d'égalité de rémunération a été introduit en 1992 dans notre droit. En 2010, 2 000 entreprises seulement se sont engagées pour l'égalité professionnelle en signant des accords à cette fin. Le régime des retraites de 2010 a fait le choix de sanctions financières. Il faut passer à la vitesse supérieure. C'est pourquoi nous proposons d'imposer une obligation de résultat.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Cette nouvelle demande de rapport n'a pas sa place ici. Nous sommes nombreux à partager ces préoccupations mais ce n'est pas le véhicule législatif adéquat. Avis défavorable sur la forme.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous saluons la volonté affichée par le Gouvernement de faire de l'égalité hommes-femmes un chantier prioritaire.
En 2013, 402 mises en demeure et 4 pénalités ont été enregistrées. Les accords d'entreprise auraient progressé, certes, mais il faudrait renforcer davantage les pénalités auxquelles les entreprises sont soumises.
M. Jean-François Husson. - Nous partageons vos préoccupations. Nous avançons trop lentement dans ce domaine. On ne comprend toujours pas pourquoi, à qualification et fonction égales, la rémunération d'une femme peut être inférieure à celle d'un homme.
Les chartes de bonnes pratiques constituent une avancée. Tout progrès dans ce domaine est bien sûr bienvenu.
M. Philippe Bas. - La majorité actuelle est-elle satisfaite de la loi présentée par la ministre de l'égalité sur la parité ? Elle devrait l'être puisqu'elle l'a votée. En ce cas, les auteurs de cet amendement peuvent le retirer sans inquiétude !
En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il faut donner sa chance à ce texte. Je comprends que le groupe communiste veuille faire un pas supplémentaire, mais nous comprenons mal comment fonctionne la majorité. Réglez vos différends entre vous plutôt qu'en séance !
Mme Laurence Cohen. - Je suis très étonnée que M. Bas s'interroge sur la diversité de la gauche. C'est ce qui fait sa richesse. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de votre part ! Ne refaites pas l'histoire : nous avons en effet co-élaboré un texte pour faire progresser le droits des femmes. Manifestement, cela vous donne de l'urticaire.
Sur ce thème, comme sur d'autres, il faut passer aux actes : l'égalité, c'est comme le changement, c'est maintenant ! (Vifs applaudissements sur les bancs CRC ; Mme Gisèle Printz applaudit aussi)
Mme Catherine Deroche. - Il n'y a pas de quoi sortir de vos gonds, ce n'est pas nous qui avons proposé ce rapport ! Prenez-vous en plutôt à la ministre ou à la rapporteure. (Applaudissements à droite)
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°364, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juin 2014, visant à étudier les modalités de l'augmentation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées pour la porter à un montant minimal mensuel égal à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
M. Gérard Roche. - Notre système de retraites doit s'appuyer sur un solide fondement solidaire. L'allocation de solidarité aux personnes âgées est très faible. La porter à 75 % du Smic coûterait 100 millions d'euros. Partisans d'un régime unique, nous considérons que les économies ainsi générées permettraient de financer une telle mesure.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Cet amendement prévoit un nouveau rapport : avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis défavorable.
M. Patrice Gélard. - La commission des finances a opposé l'article 40 de la Constitution à l'amendement initial. Pourquoi ne s'applique-t-il pas aux amendements qui créent de nouveaux rapports ? Ceux-ci coûtent cher à réaliser, comme l'a opportunément observé M. Collombat en commission des lois, pointant l'une des anomalies de l'application de ce fameux article.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°364, mis aux voix par assis levé, est adopté.
(Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article premier modifié.
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
M. Dominique Watrin. - En matière d'égalité hommes-femmes, cet article premier, fondateur, aurait pu, aurait dû aller beaucoup plus loin. Nos débats ont été riches. Les retraites sont bel et bien une question de société. Il n'y a pas de fatalité à ce que les Français travaillent toujours plus pour des pensions de retraite qui ne sont pas à la hauteur des besoins. Les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux. La moitié des retraités gagnent moins de 1 100 euros par mois ; la plupart n'ont que leur pension pour vivre et beaucoup recourent aux associations caritatives.
De l'article premier découlera tout le projet de loi. Nous regrettons que le principe d'un effort équilibré n'ait pas été retenu. L'influence du Medef s'est fait sentir. Comme l'a dit Marie-Françoise Beaufils, depuis vingt-cinq ans, la richesse est allée dans la poche des actionnaires et on fait désormais payer salariés et retraités.
Mme Lienemann a raison : l'allongement de l'espérance de vie n'implique nullement de travailler plus longtemps. L'amendement sur une mise en place d'un système par points ou en comptes notionnels dissimule votre volonté d'instaurer un régime par capitalisation. (Vives protestations à droite) Nous ne voterons pas l'article premier ainsi dénaturé. (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs CRC)
M. Claude Domeizel. - Au septième alinéa a été voté un amendement qui prévoit une réflexion sur la mise en place d'un régime systémique à compter de 2017. Nos concitoyens sont troublés, c'est vrai, mais par les réformes non entreprises plus que par le principe même de la répartition. Nous voterons contre l'article ainsi dénaturé.
Mme Catherine Deroche. - Nous étions attachés à la lisibilité et à la transparence. Nous regrettons que ces amendements n'aient pas été adoptés, sauf celui relatif à la perspective d'une réforme systémique, qui nous amène à voter l'article premier ainsi enrichi.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Nous voterons pour cet article, tel que nous l'avons modifié.
M. René-Paul Savary. - Cet article reste muet sur la transparence et la lisibilité, c'est dommage. M. Caffet a rappelé les hypothèses de la réforme de 2010 : celles qui fondent ce projet de loi sont les mêmes ! Les perspectives démographiques sont, en outre, inquiétantes. La réforme ne saurait être aussi efficace que celle de 2010.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Elle l'était, c'est certain !
M. René-Paul Savary. - Vous avez refusé le principe d'un régime systémique. Nous différons aussi sur l'analyse des petites retraites. Nous voterons l'article amendé.
M. Gilbert Barbier. - Le groupe du RDSE est à l'origine de l'amendement, déjà présenté en 2010, relatif à une réforme systémique du régime de retraite. L'amendement centriste qui a été adopté s'en rapproche beaucoup. Nous nous réjouissons de son sort et voterons donc majoritairement pour l'article ainsi modifié.
M. Philippe Bas. - Tel qu'amendé, cet article ne fait pas de mal dans ce qu'il a de mauvais et fait un peu de bien dans ce qu'il a de bon. Nous le voterons, par conséquent. Certes, cet article préliminaire n'a guère de portée normative et fait la part belle aux excès démagogiques ; il n'est pas de bonne législation. Il fait l'impasse sur la transparence mais il a le mérite d'enjoindre le Gouvernement à présenter un rapport sur les modalités du passage à un système par points.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Ce n'est pas ce qui a été adopté !
M. Philippe Bas. - Nous n'en demeurons pas moins attachés à la répartition. Les précédentes réformes ont permis de couvrir un besoin de financement équivalent à 3 % du PIB en 2020 et 6 % du PIB en 2030.
Nos trois groupes se sont accordés sur cet article ainsi modifié. Cette façon de se retrouver ainsi sur une majorité d'idées montre que le travail parlementaire fonctionne bien. C'est l'esprit du Sénat. Reste au Gouvernement à mettre en place la réflexion que nous lui demandons.
M. Jean Desessard. - Je trouvais initialement que cet article premier tenait compte des évolutions du monde du travail. Mais le Sénat réserve des surprises ! Faire évoluer le système aurait commandé d'ajouter de la solidarité et de la justice. Or nous marchons vers un système assurantiel ! Je suis donc solidaire avec les socialistes.
M. Jean-François Husson. - Je me réjouis de ces longs moments d'échange et de dialogue. Nous avons fait des propositions pour garantir la pérennité de notre système par répartition, preuve d'esprit constructif et de responsabilité. C'est avec une forme d'enthousiasme juvénile que nous voterons cet article.
À la demande du groupe UDI-UC, l'article premier modifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements au centre et à droite)
La séance est suspendue à 19 h 35.
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu, en application de l'article 16 de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, le rapport sur l'enregistrement audiovisuel des interrogations des personnes gardées à vue ou mises en examen. Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.
M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre le rapport 2013 sur l'activité des institutions financières internationales, établi en application de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998. Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - M. le président du Sénat a proposé, à la demande de plusieurs groupes politiques, que le Sénat ne siège pas après 19 h 30 le jeudi 31 octobre au soir. En conséquence, la séance sera levée ce jour-là à 19 h 30.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Nous l'acceptons.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°24 portant article additionnel après l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VII de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'employeur, durant l'année civile, n'a pas conclu d'accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement abolit la réduction générale de cotisations patronales lorsque l'employeur ne s'engage pas à supprimer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes.
Plusieurs dispositions ont été votées en faveur de l'égalité femmes-hommes. Nous nous inscrivons dans la lignée de la récente loi relative à l'égalité femmes-hommes que nous avons adoptée.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'objectif de cet amendement est partagé par tous mais il relève de la loi sur l'égalité, qui reviendra bientôt devant le Sénat. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°366, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les règles de fonctionnement des régimes visés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale sont progressivement alignées, en matière de cotisations et de prestations, sur celles régissant le régime général des salariés à l'horizon de l'année 2020.
M. Gérard Roche. - Des différences subsistent entre régime général et régimes spéciaux, institués pour répondre au problème de la pénibilité ; certains d'entre eux n'ont plus de raison d'être . Nous proposons un alignement progressif des régimes.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - La convergence est déjà prévue entre régimes du public et du privé. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
Mme Isabelle Pasquet. - Le rapport Moreau a montré que, pour les régimes spéciaux, le montant des pensions est comparable à celui versé par le régime général. Celui des cheminots est particulièrement caricaturé. Le taux de remplacement moyen est de 54 % à la SNCF pour une durée validée de trente-deux ans. L'écart de pension moyen est de 13 % avec le régime général, alors que les cheminots ont de nombreuses contraintes professionnelles -travail de nuit, le week-end, en horaires décalés. À la SNCF aussi, le ratio démographique s'est dégradé du fait de la baisse des effectifs demandée par l'État pour dégager des gains de productivité et des profits, qui ne sont pas réinvestis, ce qui entraîne une dégradation des infrastructures et du service. Lorsqu'un membre du personnel roulant est malade, le train ne part plus puisqu'il ne peut être remplacé.
Cet amendement n'a d'autre objet que de détourner le débat des vrais enjeux : nous ne le voterons pas.
M. Gérard Roche. - On peut ne pas être d'accord sur le principe mais on ne peut dire que la convergence n'a pas de raison d'être... Écoutez donc ce que disent les gens les plus humbles à propos des régimes spéciaux !
L'amendement n°366 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Claude Domeizel . - Cet article augmente la durée de cotisation, mesure qui cristallise les oppositions. Le problème des retraites, c'est leur financement. Celui-ci est rendu difficile par l'augmentation -heureuse- de l'espérance de vie, par les effets du baby-boom, du papy-boom et par l'augmentation de la productivité.
Nous devons être fidèles au système instauré à la Libération. Quatre pistes sont ouvertes : la diminution des pensions, l'augmentation des cotisations, le recul de l'âge légal de départ et la durée de cotisation.
Tous les âges de la vie se décalent de façon cohérente avec l'allongement de l'espérance de vie : fin des études, premier emploi, premier enfant... Il serait illogique que le départ à la retraite ne tienne pas compte de ces décalages.
Cet article préfère l'allongement de la durée d'assurance au recul de l'âge de départ car c'est plus juste pour ceux qui sont entrés plut tôt sur le marché du travail. Contrairement à la brutalité employée par le gouvernement précédent, cet article procède avec souplesse en ne ciblant que les générations nées après, qui partiront à la retraite entre 2020 et 2035.
Mme Cécile Cukierman. - Et les autres ?
M. Claude Domeizel. - Un compte pénibilité complète la mesure.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Claude Domeizel. - Cette réforme juste est porteuse de progrès social et de droits nouveaux ; elle dit la vérité et elle est courageuse.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - À chaque étage de la fusée, les femmes sont pénalisées. Le système de retraites est fondé sur le modèle de l'homme employé à temps plein. C'est pourquoi de nombreux mécanismes correctifs ont été envisagés, dont la montée en charge a été progressive. Mais il reste des obstacles à l'égalité : la décote et l'allongement de la durée de cotisation en font partie. En repoussant de 65 à 67 ans l'âge de départ permettant de percevoir une retraite à taux plein, la réforme de 2010 a pénalisé les femmes. La paupérisation des retraités les touche en premier lieu.
Ces dispositifs de départs anticipés pour carrière longue, la surcote, tous les mécanismes correctifs bénéficient majoritairement aux hommes.
L'optimisme n'est pas de mise : le COR estime que la résorption spontanée des inégalités n'est pas envisageable. De plus, les couples changent : les retraités seront de plus en plus des personnes célibataires, séparées, divorcées. Les pensions de réversion concernent 25 % des femmes âgées de plus de 65 ans et 1 % des hommes. Il faut, pour compenser les inégalités, améliorer les parcours de droit direct. Les pistes sont connues : égalité salariale, lutte contre les stéréotypes, meilleure prise en compte du temps partiel, de la pénibilité au féminin. La réforme fait l'impasse sur ce problème. L'article 2 renforce la contributivité du système. Comme militante du droit des femmes, je ne pourrai que m'y opposer.
M. Dominique Watrin . - Je regrette l'occasion manquée. En 2010, nous étions tous mobilisés, à gauche, contre la réforme Sarkozy. Nous sommes désormais divisés. Il n'y aurait pas d'autre option que d'allonger la durée de cotisation, ce qui implique, avec les décotes, une baisse des pensions. Les départements vont, de ce fait, devoir verser davantage de prestations de solidarité.
Qu'a-t-il pu se passer depuis 2010 pour que vous choisissiez de faire payer salariés et retraités ? Depuis, une élection a eu lieu. Le président de la République a renoncé à combattre la finance et s'est plié aux désirs de la Commission européenne. En mars dernier, celle-ci lui a demandé d'allonger la durée d'assurance et de limiter la contribution des entreprises. Le Premier ministre a immédiatement annoncé vouloir respecter les recommandations de Bruxelles, qui sont aussi celles du Medef, de Mme Parisot hier et de M. Gattaz aujourd'hui.
Les salariés verront croître leurs cotisations mais ne recevront aucune contrepartie, et devront même cotiser plus longtemps : c'est la double peine. Les patrons obtiennent le désengagement du financement dont ils rêvaient.
Nous voterons donc contre cet article.
Mme Corinne Bouchoux . - Mesure phare, cet article allonge à quarante-trois ans la durée de cotisations requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Cette mesure n'est pas nouvelle : nous l'avons combattue depuis Balladur, sous Juppé, Raffarin, Fillon. Seule nouveauté : elle émane d'un gouvernement de gauche.
On nous dit qu'il faut vivre plus pour travailler plus. Il faut se méfier des simplifications. L'espérance de vie, certes, est passée de 45 ans au début du siècle dernier à 80 ans. Pour autant, le temps de travail n'a cessé de baisser, de 70 heures à 35 heures. La part de nos vies consacrée au travail a diminué d'autant.
Le problème est surtout démographique. Mais ce phénomène était prévisible depuis longtemps. Le gouvernement Jospin avait créé le fonds de réserve des retraites (FRR) dans cette perspective.
M. Alain Néri. - Eh oui ! C'était une bonne mesure.
Mme Corinne Bouchoux. - La droite l'a vidé de sa substance. Faire porter le financement des retraites sur les assurés pour ce motif est injuste.
Allonger la durée de cotisation ne va pas donner d'emploi à ceux qui en sont dépourvus. Cette réforme transformera des retraités en chômeurs et écartera encore plus les jeunes du marché du travail.
Au-delà, les recettes sont insuffisantes car assises sur les salaires. Le rapport Moreau pointe la grande responsabilité de la crise financière de 2008. Allons chercher les ressources où elles se trouvent : taxons les revenus financiers des entreprises. Ce texte ne pose pas les bonnes questions et apporte de mauvaises réponses. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Isabelle Pasquet . - Cet article se plie aux exigences européennes en échange du répit de deux ans accordé à la France pour apurer son déficit.
Pourquoi toute année d'espérance de vie gagnée devrait-elle être transformée en année travaillée ?
Nos déficits sont plus conjoncturels que structurels : sans la crise, notre système serait en situation excédentaire de 6 milliards d'euros, selon l'économiste Henri Sterdyniak. Ce sont les politiques d'austérité qui ont fait bondir notre dette publique à plus de 93 % du PIB. Les exonérations de cotisations sociales nous privent de ressources nécessaires. Et vous faites comme s'il n'y avait pas d'autre choix que de faire payer les salariés !
Nous ferons la démonstration que des alternatives existent pour instaurer un système efficace et juste.
Mme Laurence Cohen . - La mesure instaurée par cet article n'est pas neutre : elle prolonge la réforme Fillon. Depuis 1993, nous refusons cet argument de l'allongement de l'espérance de vie. Si nous vivons plus vieux, c'est justement grâce à notre système de protection sociale. Nous vivons plus vieux mais en moins bonne santé, tous les indicateurs l'attestent.
L'allongement de la durée de cotisation est une injonction à travailler plus, contraire à tout progrès enregistré jusqu'alors. Le nombre des retraités contraints de cumuler retraite et emploi a doublé depuis cinq ans.
Nous marchons sur la tête ! Un progrès de gauche, qui devrait être amplifié, est remis en cause par un gouvernement de gauche. Nous voterons contre cet article.
Mme Cécile Cukierman . - Nous sommes au coeur de la réforme. Nous parlons finalement peu de ceux qui devront travailler plus pour partir à la retraite. Et pour cause : il y a peu d'élus nés après 1972. Si nos séances étaient un film, il s'intitulerait : Jeunes, travaillez plus, c'est pour votre bien !
Il n'y a pas de foules pour manifester dans les rues, madame la ministre ? Cette réforme ne suscite que de la résignation. L'élection de François Mitterrand, en 1981, avec la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés, les 39 heures, a marqué une génération, la nôtre. Nous avons fait des études ou pris le temps de vivre, de choisir notre voie. Nous allons le payer cher.
Les jeunes de cette génération se sont mariés, ont eu des enfants, ont divorcé, sont devenus fonctionnaires, salariés ou chômeurs. La retraite paraît, pour eux, s'éloigner comme un mirage.
Ils n'imaginaient pas le grand changement mais ne pensaient pas que la situation serait aussi grave. Nous en sommes à un âge de départ à 62 ans pour quarante-trois ans de cotisation requis pour obtenir une retraite à taux plein. Ce qui est sûr, c'est que notre espérance de vie n'a pas augmenté de six ans et demi depuis 1993.
L'utopie, c'est ce qui permet au peuple ne de pas réagir. C'est pourquoi je ne suis pas trop utopiste. Nous démontrerons qu'une autre réforme est possible. Taxons les revenus financiers. Rétablissons l'égalité salariale entre femmes et hommes. Mobilisons-nous, comme le font les associations, les syndicats, les organisations professionnelles et politiques, nous qui, en 2012, comme nos parents en 1981, avons contribué à la défaite de la droite. (Applaudissements sur les bancs communistes et écologistes)
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et M. Rainaud.
Supprimer cet article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cet amendement supprime l'allongement de la durée de cotisation. Cette réforme prend en compte la pénibilité et la précarité : nous nous en réjouissons. Mais l'allongement de la durée de cotisation nous pose un problème majeur.
La loi Fillon continue de peser lourdement sur notre système : nous regrettons que nous ne l'ayez pas abrogée et n'imaginions pas qu'un gouvernement de gauche la prolongerait. Faut-il privilégier l'austérité à la croissance durable ? Le progrès social ne peut passer que par la recherche de la croissance.
De plus, cette mesure ne s'impose pas financièrement, comme l'a montré Henri Sterdyniak. La gauche a toujours été dans notre sens. Le COR annonce un besoin de financement de 20 milliards en 2020. Il a été aisé de trouver 20 milliards d'euros pour le CICE -dont la création n'avait jamais été annoncée- en quelques semaines. Et nous ne pourrions financer les retraites ? J'ai relu tous nos documents, nos tracts, les résolutions adoptées au bureau national. Il a toujours été question de taxer les revenus du capital et on en avait même chiffré le rendement à 24 milliards.
M. le président. - Concluez.
M. Bruno Retailleau. - Le capital temps est écoulé !
Mme Cécile Cukierman. - Soit. Je reprendrai la parole. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. le président. - Amendement identique n°250, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
M. René-Paul Savary. - Nous marchons sur la tête : le projet de loi est contesté au sein même de la majorité. Nos arguments sont différents. Cet article fait peser sur les générations futures le financement de la sécurité sociale. Nous ne partageons pas cette philosophie et y voyons un leurre ; un jeune qui entre dans la vie active à 23 ans partira à la retraite à 66 ans. Autant dire la vérité aux Français.
La solidarité n'est pas au rendez-vous : ni intergénérationnelle évidemment, ni intra-générationnelle puisque les régimes spéciaux ne sont pas concernés. Bref : courage, fuyons ! Nous défendons une réforme systémique. En attendant, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. - Amendement identique n°321 rectifié, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. - Cette mesure est infondée, injuste et inefficace. L'espérance de vie sans incapacité recule, ce qui témoigne d'une société malade de son chômage de masse et d'un malaise généralisé au travail, d'une société qui se consume dans une mortifère course à la production. Elle ne s'en sortira pas avec les vieilles recettes du libéralisme. Il faut mettre la sphère financière à contribution, repenser le travail pour mieux le partager à l'échelle de la société comme de la vie, repenser aussi le sens et la répartition des richesses en valorisant les activités humaines et environnementales. Nous avons besoin d'un changement de paradigme. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Trois amendements identiques, aux motifs diamétralement opposés. L'article 2 est un élément très important de cette réforme : il allonge la durée de cotisation sans brutalité, progressivement, ce qui est très différent du recul de l'âge légal, lequel consiste injustement à faire travailler plus longtemps les personnes qui ont commencé à travailler jeunes.
L'augmentation de la durée de cotisation s'accompagne de mesures de justice envers les apprentis, les femmes, les étudiants, les stagiaires.
Cet article contribue à l'équilibre financier de la réforme. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. Le Gouvernement assume pleinement cet article. Nous vivons collectivement plus longtemps. Les jeunes qui s'engagent aujourd'hui dans la vie professionnelle, ayant travaillé quarante-trois ans, vivront deux ans de plus que leurs grands-parents qui auront travaillé moins longtemps. Le progrès social, c'est d'allonger le temps à la retraite.
On ne peut engager la réforme en soulignant les avancées et en faisant, dans le même temps l'impasse, sur les efforts demandés à nos concitoyens. Cette réforme forme un tout. L'essentiel est que ces efforts soient le plus justes possible.
Travailler plus longtemps, oui ; mais tout le monde ne peut pas travailler plus longtemps dans les mêmes conditions ; l'allongement de la durée de cotisation doit être modulé.
N'imaginons pas que l'on puisse supprimer toute contribution supplémentaire. Madame Lienemann, ne faisons pas l'exégèse des textes d'un parti pour lequel j'ai beaucoup d'attachement. J'ai porté, à l'Assemblée nationale, le contre-projet à la réforme de 2010. Il prévoyait l'allongement de la durée de cotisation, contre le recul de l'âge légal, lequel pénalise celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Oui, je revendique cette mesure, qui a toute sa place dans une réforme de progrès et de justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Un autre motif de refuser cet allongement de la durée de cotisation, c'est la priorité à la jeunesse proclamée par le président de la République ; or, celle-ci sera pénalisée. S'il y a tant de jeunes au chômage, c'est qu'on fait travailler plus longtemps les séniors... On sait, en outre, que la productivité baisse à partir de 60 ans, et fortement après 65. Or les jeunes générations ne pourront partir à la retraite qu'à 67 ou 68 ans...
Le niveau des retraites sera amputé. Aujourd'hui, la cessation d'activité est à 58,8 ans, pour un âge légal en moyenne un peu supérieur à 61 ans.
Le progrès social ne doit pas s'arrêter parce que le capitalisme a décidé que la rente du capital doit prévaloir sur la rémunération du travail. Oui, il faut des efforts. La hausse des cotisations est légitime. Mais dégrader les conditions de départ à la retraite n'est pas conforme à l'idéal de progrès social de la gauche.
Je retire mon amendement et appelle à voter pour celui de Mme Bouchoux.
L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.
M. Philippe Bas. - Mme Cukierman a dressé de justes constats. (Mouvements divers sur les bancs du groupe CRC) Il est vrai que beaucoup de séniors sont au chômage lorsqu'ils font valoir leur droit à la retraite ; il est vrai aussi que la capacité de production des salariés ne s'arrête pas à 58 ans ou 60 ans. Il importe, en conséquence, de multiplier les dispositions favorisant l'emploi des séniors et de mener une politique économique favorable au développement des entreprises -ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cela dit, on ne peut indéfiniment allonger la durée de cotisation. L'espérance de vie s'allonge, au-delà de 80 ans. Mais les bonnes années de retraite sont avant 70 ans. L'allongement de la durée de cotisation a une limite mais elle n'est pas atteinte en France.
La proposition du Gouvernement n'apporte rien. Elle met un terme à une disposition qui établit un rapport constant entre la durée de cotisation nécessaire pour le taux plein et l'allongement de l'espérance de vie. On peut discuter des effets des deux dispositifs ; il est certain cependant que la valeur ajoutée de cette réforme est extrêmement faible.
Comme Mme Cukierman, mais pour des raisons différentes, nous estimons qu'il ne faut pas adopter cet article. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous sommes parvenus au noeud de la réforme.
M. Bruno Retailleau. - Un noeud coulant ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Caffet. - Qui propose de supprimer cet article ? L'UMP, Mme Lienemann, le groupe EELV. Je n'ai pas compris la raison qui anime l'amendement des Verts. Monsieur Bas, je l'ai compris. Il sait que cet article est plus protecteur que la réforme de 2003, qui maintenait un rapport constant entre la durée d'assurance et l'évolution de l'espérance de vie. M. Bas a vendu la mèche, en dénonçant une réforme trop limitative à son goût parce qu'elle s'arrête à quarante-trois ans alors que la loi de 2003 conduisait la génération 1989 à cotiser pendant quarante-quatre ans...
La réforme de 2003 donnait au Gouvernement le pouvoir de décréter la durée de cotisation ; petit à petit on pouvait passer à quarante-quatre ans, quarante-cinq ans, pourquoi pas cinquante ?
M. Jean-François Husson. - C'est faux !
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous nous arrêtons à quarante-trois ans. Et pour aller au-delà, il faudra revenir vers le Parlement. Reconnaissez que c'est un progrès. (Mme Cécile Cukierman rit)
Il faut regarder la réalité en face. Tout le monde sait que la réforme de 2010 a échoué. Les projections du COR pronostiquent un déficit de 20 milliards d'euros en 2020 pour l'ensemble des régimes. Je regrette que nous ne puissions pas discuter dans le même temps de toutes les mesures requises, relevant des régimes complémentaires, du projet de loi de finances et du présent projet de loi. Mais si cela avait pu être le cas, une majorité se serait dégagée pour voter contre. Et pour faire quoi ? Pacte, solidarité générationnelle... Qu'en resterait-il si l'article 2 est supprimé ? Vous reporterez la charge sur les générations futures.
Madame Lienemann, il n'est jamais trop tard pour se réclamer du président de la République !
M. Dominique Watrin. - Le groupe CRC votera la suppression de cet article inefficace et injuste, en particulier pour les jeunes que vous vous apprêtez à faire travailler au moins jusqu'à 66 ans. Nous avions prévu des mesures alternatives, dont la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises. C'est dire si d'autres solutions sont possibles pour trouver 20 milliards d'euros. Oui, on peut faire autrement.
Les cotisations patronales n'ont cessé de décroitre depuis les années 80, tandis que la part des richesses destinée à la rémunération du capital progressait fortement. Le recul de société que vous proposez est la conséquence de votre refus des mesures nécessaires pour une plus juste répartition des richesses. Interrogeons-nous aussi sur l'efficacité de nos politiques publiques : 20 milliards d'euros engloutis dans les exonérations de charges patronales sur les bas salaires, pour quel résultat ? Pour nous, au-delà de l'inefficacité économique, des trappes à bas salaires. La sécurité sociale est deux fois perdante, puisque les cotisations sociales sont assises sur les salaires.
Le Gouvernement pourrait trouver 5 milliards d'euros en prenant une mesure juste socialement et économiquement efficace, en modulant les cotisations sociales des entreprises selon leur politique sociale. Bref, des cotisations sociales intelligentes, pour réorienter l'argent vers l'économie réelle plutôt que vers la finance. Mais vous n'écoutez pas. Et ne répétez pas que nous sommes pour le statu quo. Le financement de notre système de retraite, c'est un choix de société. Le groupe CRC votera l'amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Claude Domeizel. - J'ai donné la position du groupe socialiste. Voici la mienne : j'assume pleinement mon vote contre ces amendements de suppression. Personne ne peut contester que je suis un homme de gauche.
M. Philippe Bas. - Nous ne le contestons pas.
M. Claude Domeizel. - Très jeune, j'ai milité à la SFIO. Mais être de gauche signifie-t-il qu'il faut laisser le navire prendre l'eau au premier écueil ? Non. Je pense à l'intérêt des jeunes.
Mme Cécile Cukierman. - Parlons-en !
M. Claude Domeizel. - J'entends dire que jamais un gouvernement de gauche n'a pris une telle mesure. Il revient presque au même d'allonger la durée de cotisation ou de repousser l'âge de départ à la retraite. En 1945, l'âge de la retraite est passé de 60 à 65 ans ; Alexandre Parodi, Ambroise Croizat n'étaient-ils pas de gauche ? Ils voulaient, comme nous aujourd'hui, maintenir le régime par répartition. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Pierre Laurent. - Nos arguments convergent avec ceux de Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Corinne Bouchoux. La droite nous offre un beau numéro d'hypocrisie, qui n'a de cesse, depuis la réforme Balladur, de faire reculer les droits à la retraite. (Protestations à droite) Vous voulez allonger la durée de cotisation et augmenter simultanément l'âge légal de départ à la retraite, pour nous aligner sur la norme européenne de 67 ans. Quant au prétendu dynamisme des entreprises, pourquoi le chômage augmente-t-il après des décennies d'allongement de la durée de cotisations ?
Monsieur Caffet, la très grande majorité des salariés, avec cette réforme, partiront plus tard, avec des pensions dégradées, qu'avec la réforme Sarkozy. À force de dégrader les conditions de départ à la retraite, l'espérance de vie finira par baisser -elle dépend des conditions sociales.
Une réforme de justice, madame la ministre ? Ce qui est demandé aux entreprises ne leur coûte rien car c'est intégralement compensé. L'addition sera payée par les salariés. Cette réforme est injuste et inéquitablement financée.
L'article 2 est un article clé, dites-vous ; c'est en fait un article verrou, destiné à empêcher de débattre des alternatives, des propositions que nous soumettons sur la taxation des revenus financiers des entreprises ou la modulation des cotisations -différentes des solutions qu'on nous sert depuis quinze ans, avec les résultats que l'on sait. C'est une occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Laurence Cohen. - Je voterai la suppression de cet article. Nous sommes dans un dialogue de sourds...
M. Claude Jeannerot. - Oui.
Mme Laurence Cohen. - L'article 2, ce serait plus de justice pour les jeunes, les apprentis, les femmes. Peut-être, mais il y a l'allongement de la durée de cotisation. Et vous refusez les choix audacieux, courageux et réalistes qui consistent, comme nous le proposons, à aller chercher l'argent là où il est, dans les profits financiers des entreprises. Celles du CAC40 distribueront 40 milliards en dividendes l'an prochain...
La période 60-65 ans sont les meilleures années de retraite mais les plus dures au travail. N'est-on pas capable, en 2013, d'imaginer des vies différentes ? Toutes ces réformes font crever les peuples d'Europe. Celles et ceux qui plombent les comptes sociaux, ce sont ceux qui acceptent 50 milliards d'euros d'évasion fiscale et 180 milliards d'exonérations de charges. Nous voulons une autre politique qui rassemble les Français. Ce n'est pas le chemin que suit le Gouvernement. Cela ne peut me réjouir. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Corinne Bouchoux applaudissent aussi)
M. Gérard Roche. - Face au déficit des caisses de retraite, François Hollande avait récusé les mesures prises par l'ancien Gouvernement ; je comprends que ceux qui lui ont fait confiance aient l'impression d'un marché de dupes... L'article premier modifié, que nous avons voté, change l'orientation du projet de loi. Ce n'est pas anecdotique. Chacun pourra décider quand il partira à la retraite. Je voterai ces amendements de suppression.
À la demande des groupes UMP et écologiste, les amendements identiques nos250 et 321 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 205 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
L'article 2 est supprimé.
Les autres amendements deviennent sans objet.
M. Dominique Watrin. - Plus d'une cinquantaine d'amendements viennent de tomber...
M. Claude Domeizel. - Vous regrettez ?
Mme Cécile Cukierman. - Non, nous assumons !
M. Dominique Watrin. - Nous demandons une brève suspension de séance pour nous réorganiser.
La séance, suspendue à 23 h 25, reprend à 23 h 35.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°254, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l'année : « 1955 » par l'année : « 1964 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret pour les assurés nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1963 de manière croissante à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
M. René-Paul Savary. - Compte tenu de la suppression de l'article 2, cet amendement et le suivant ne se justifient plus.
Les amendements nos254 et 253 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°401 rectifié, présenté par M. Barbier.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l'année : « 1955 » par l'année : « 1965 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1965 et, pour ceux nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1964, de manière croissante, à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
M. Gilbert Barbier. - La suppression de l'article 2 a bouleversé le projet de loi. Je retire également mon amendement.
L'amendement n°401 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°362, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juin 2014, visant à étudier les modalités d'élargissement du salaire, du traitement et de la solde de référence pris en compte pour calculer le montant de la pension de retraite dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Pour les mêmes raisons, je le retire également.
L'amendement n°362 est retiré.
ARTICLE 2 BIS
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale conformément au voeu de sa délégation pour le droit des femmes, afin de revenir sur les mesures adoptées en 2010. Les dernières réformes ont défavorisé les femmes : l'article 2 bis prévoit la remise d'un rapport au Parlement. Nous complèterons cette disposition par des amendements.
M. le président. - Amendement n°395, présenté par M. Barbier.
Supprimer cet article.
M. Gilbert Barbier. - Établir un rapport de plus sur l'opportunité de ramener l'âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans est illusoire et trompeur vis-à-vis des jeunes générations. Dès lors que l'on demande quarante-trois annuités et que l'âge moyen d'entrée dans la vie active est 23 ans, on dépasse déjà les 65 ans.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Cet article est intéressant. Avis défavorable à sa suppression.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Cet article a été ajouté à l'Assemblée nationale. Je ne partage pas la présentation de M. Barbier : il peut être intéressant d'analyser ainsi l'impact pour les femmes du report de l'âge de la retraite. Toutefois, d'autres rapports sont prévus sur le même sujet, en particulier à l'article 13. Sagesse.
M. Philippe Bas. - L'article 2 bis prévoit une étude sur l'opportunité de ramener l'âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans. Voilà une inexactitude : l'âge de la retraite n'est pas aujourd'hui de 67 ans, il est encore fixé à 65 et ne sera porté à 67 ans qu'en 2022 ! Il y a encore plus grave que cette inexactitude : les auteurs de cet article veulent en réalité créer un rapport de forces susceptible de remettre en cause la montée en régime de la réforme. Par surcroît, s'il y a bien un domaine où, depuis le Livre blanc commandé par Michel Rocard en 1990, nous ne manquons pas de rapports, c'est bien les retraites.
Cet article repose sur des données inexactes et l'intention politique de ses auteurs est dangereuse. Le report de l'âge de départ est une mesure raisonnable. Ce projet de loi englobe, conforte et valide la réforme de 2010 ; la question est de savoir quelles étapes supplémentaires nous devons faire ensemble.
Le groupe UMP votera cet excellent amendement.
M. Claude Domeizel. - Cet article présente quelques avantages, un tel rapport peut être utile. Nous voterons contre l'amendement.
M. Philippe Bas. - Vous êtes pour les 67 ans !
M. Marc Laménie. - Cet amendement est de bon sens. La réforme de 2010 avait ses mérites. Sa remise en question n'est pas forcément judicieuse. Je voterai l'amendement de M. Barbier.
L'amendement n°395 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°176 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'évolution sur le long terme des écarts de pensions entre les femmes et les hommes, les effets pour les femmes des mesures successives reculant l'âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de l'âge légal de départ à la retraite à taux plein sur les écarts de retraites entre les femmes et les hommes.
M. Michel Le Scouarnec. - Cet amendement reprend une recommandation de la Délégation aux droits des femmes formulée en 2010. Les mesures adoptées lors des précédentes réformes ont eu un impact négatif sur le montant des pensions des femmes. Leur taux d'activité est inférieur à celui des hommes. Agir sur l'inégalité professionnelle est un moyen de revaloriser leurs pensions et de rééquilibrer le financement de notre système.
M. le président. - Amendement n°178 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant l'impact sur les femmes du report de l'âge légal du départ à taux plein de la réforme de 2010 et de l'allongement de la durée de cotisation.
M. Dominique Watrin. - La réforme de 2010 a repoussé l'âge de départ à la retraite à taux plein de 65 à 67 ans ce qui, de toute évidence, pèse plus lourdement sur les femmes dont les carrières professionnelles sont souvent plus courtes et plus heurtées que celles des hommes. Les retraites des femmes sont, de ce fait, inférieures à celles des hommes et 40 % des femmes ne peuvent partir à la retraite à taux plein, contre 23 % des hommes.
Face à cette situation injuste, le Gouvernement ne propose aucune mesure concrète. Aussi, afin de trouver des réponses efficaces pour réduire les inégalités de pensions dont sont victimes les femmes, il convient d'évaluer les effets néfastes des différentes réformes survenues en matière de retraite.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Ces amendements sont satisfaits par l'article 2 bis. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. De multiples rapports sont déjà prévus. Faisons preuve de parcimonie en la matière.
M. Michel Le Scouarnec. - La retraite moyenne des femmes est de 879 euros, contre 1 150 euros par mois pour les hommes. Notre système est fondé sur le modèle de l'homme soutien de famille travaillant à temps plein. Les femmes subissent une double peine : carrières hachées, moindres pensions, lesquelles se situent en plus grande part sous le seuil de pauvreté. Leur situation mérite une étude plus approfondie.
M. Dominique Watrin. - Seulement 44 % des femmes valident une carrière complète et un tiers d'entre elles touchent une pension inférieure à 600 euros.
Remédier à cette situation rapporterait 52 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Il est donc indispensable de se pencher sur les réformes passées pour ne pas réitérer les mêmes erreurs. Un récent rapport de la Commission européenne indique que l'allongement de la durée d'assurance a un impact négatif sur les pensions touchées par les femmes.
Nous n'allons pas dans le bon sens et les effets des réformes passées continuent de se faire sentir. Les jeunes trouvent un emploi de plus en plus tard, les séniors peinent à conserver leur place sur le marché du travail. Bref, allonger la durée d'assurance, c'est favoriser le chômage.
Historiquement, l'allongement de la durée de vie permettrait de travailler moins. Cette courbe du progrès s'est inversée depuis la réforme Balladur.
En matière d'activité des femmes, la France n'est qu'à la 14e position en Europe. Il faut rapprocher le taux d'activité des femmes de celui des hommes. Cela justifie la présentation d'un rapport.
L'amendement n°176 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°178 rectifié.
M. le président. - Amendement n°184 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'impact différencié du projet de réforme des retraites sur les femmes et les hommes.
Mme Isabelle Pasquet. - Cette nouvelle réforme se fait à nouveau sur le dos des femmes. Leurs pensions sont en moyenne inférieures de 42 % à celles des hommes. Cette situation, injuste, est intolérable ; les rémunérations des femmes sont de 27 % inférieures à celles des hommes. Les précédentes réformes ont aggravé les inégalités dont elles souffrent, au travail et à la retraite.
La double peine dont elles sont victimes n'appelle aucun fatalisme : une autre réforme est possible, plus juste et plus efficace. D'où la demande de remise d'un rapport au Parlement sur cette question.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Un nouveau rapport ? L'objectif poursuivi est proche de ceux des précédents amendements. L'article 2 bis y répond : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
L'amendement n°184 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°339 rectifié bis, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'impact sur le niveau de pension des femmes et des personnes ayant eu une carrière heurtée de la décote et étudie la possibilité de supprimer la décote et la surcote.
Mme Corinne Bouchoux. - Nous le retirons. L'article 2 bis le satisfait.
L'amendement n°339 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 3
Mme Laurence Cohen . - Cet article instaure un mécanisme de pilotage du système, au moyen d'un comité de suivi. Or, celui-ci exclut parlementaires et organisations syndicales dans le but de faire taire les différences et d'empêcher d'élaborer des propositions alternatives concrètes. Ses membres seront donc tous issus du même moule, alors qu'il faudrait faire travailler ensemble des économistes de formations diversifiées et d'écoles de pensée différentes.
Ce comité lambda est à l'image de ce projet de loi : il n'y aurait pas d'autre voie que celle, suivie depuis 1993, de l'ajustement comptable et financier. Cette solution technocratique, nous la combattons. Il appartient aux représentants de la Nation de prendre les décisions qui s'imposent, avec les syndicats et gestionnaires des caisses.
Nous votons donc contre cet article.
Mme Isabelle Pasquet . - Oui, nous voterons contre cet article qui réduit ce débat à une position technique. Le président du comité sera nommé en conseil des ministres : son objectivité est sujette à caution.
Ce dessaisissement du politique par la technocratie rappelle la soumission des budgets nationaux à l'examen préalable de Bruxelles, à laquelle s'est plié Pierre Moscovici.
Nous redoutons que le débat ne soit limité par les recommandations du comité.
M. Dominique Watrin . - Au-delà de sa composition, la finalité des missions du comité nous inquiète. Il s'agit tout bonnement de favoriser le passage à un régime à cotisations définies.
Le principal levier utilisable, dans ce modèle, est le niveau des pensions. C'est ouvrir la porte à la capitalisation. Le Gouvernement donne ainsi corps aux recommandations de la Commission européenne et de la Banque mondiale. Cette ouverture au marché est dangereuse. L'expérience en matière de santé en témoigne. Vous trahissez l'esprit de 1945.
Mme Corinne Bouchoux . - Nous espérons que les membres du comité auront des sensibilités différentes. La comparaison avec le Haut Conseil des finances publiques saute aux yeux.
La possibilité donnée au comité de plaider pour l'allongement de la durée de cotisation nous inquiète. Le Gouvernement devra impérativement organiser la concertation autour des avis du comité avant de prendre la moindre décision.
M. le président. - Amendement n°255, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. René-Paul Savary. - Il serait préférable de donner une nouvelle impulsion au Comité de pilotage des retraites, le Copilor, qui a le mérite d'associer l'ensemble des acteurs de la prise en charge du risque vieillesse, ou de renforcer les moyens et les missions du COR.
Ce comité, composé de cinq experts, dont le président est nommé en conseil des ministres, sera placé sous la tutelle du Premier ministre, ce qui fait douter de son impartialité.
Plutôt que de créer de nouveaux comités de suivi, il serait possible d'élargir les missions du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, placé auprès de la commission des comptes de la sécurité sociale, et d'en faire un comité d'alerte sur les dépenses des risques maladie et vieillesse, chargé d'alerter le Gouvernement et le Parlement en cas de trajectoire défavorable des comptes de l'assurance vieillesse.
La création d'une nouvelle instance de consultation ne se justifie donc pas.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Avis défavorable à cette suppression. Le système de pilotage issu de la loi de 2010 a montré -ô combien- ses limites. Le dispositif proposé simplifie les choses et distingue mieux les phases de diagnostic et d'expertise technique. La nomination des présidents de ces instances en conseil des ministres est usuelle.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
M. le président. - Les explications de vote nous feraient dépasser l'horaire fixé, la séance de nuit n'étant pas prévue.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 octobre 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 30 octobre 2013
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n°71, 2013-2014).
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°95, 2013-2014).
Rapport d'information de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°90, 2013-2014).
Résultat des travaux de la commission (n°96, 2013-2014).
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n°76, 2013-2014).