Retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°24 portant article additionnel après l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VII de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'employeur, durant l'année civile, n'a pas conclu d'accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement abolit la réduction générale de cotisations patronales lorsque l'employeur ne s'engage pas à supprimer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes.
Plusieurs dispositions ont été votées en faveur de l'égalité femmes-hommes. Nous nous inscrivons dans la lignée de la récente loi relative à l'égalité femmes-hommes que nous avons adoptée.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - L'objectif de cet amendement est partagé par tous mais il relève de la loi sur l'égalité, qui reviendra bientôt devant le Sénat. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°366, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les règles de fonctionnement des régimes visés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale sont progressivement alignées, en matière de cotisations et de prestations, sur celles régissant le régime général des salariés à l'horizon de l'année 2020.
M. Gérard Roche. - Des différences subsistent entre régime général et régimes spéciaux, institués pour répondre au problème de la pénibilité ; certains d'entre eux n'ont plus de raison d'être . Nous proposons un alignement progressif des régimes.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - La convergence est déjà prévue entre régimes du public et du privé. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
Mme Isabelle Pasquet. - Le rapport Moreau a montré que, pour les régimes spéciaux, le montant des pensions est comparable à celui versé par le régime général. Celui des cheminots est particulièrement caricaturé. Le taux de remplacement moyen est de 54 % à la SNCF pour une durée validée de trente-deux ans. L'écart de pension moyen est de 13 % avec le régime général, alors que les cheminots ont de nombreuses contraintes professionnelles -travail de nuit, le week-end, en horaires décalés. À la SNCF aussi, le ratio démographique s'est dégradé du fait de la baisse des effectifs demandée par l'État pour dégager des gains de productivité et des profits, qui ne sont pas réinvestis, ce qui entraîne une dégradation des infrastructures et du service. Lorsqu'un membre du personnel roulant est malade, le train ne part plus puisqu'il ne peut être remplacé.
Cet amendement n'a d'autre objet que de détourner le débat des vrais enjeux : nous ne le voterons pas.
M. Gérard Roche. - On peut ne pas être d'accord sur le principe mais on ne peut dire que la convergence n'a pas de raison d'être... Écoutez donc ce que disent les gens les plus humbles à propos des régimes spéciaux !
L'amendement n°366 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Claude Domeizel . - Cet article augmente la durée de cotisation, mesure qui cristallise les oppositions. Le problème des retraites, c'est leur financement. Celui-ci est rendu difficile par l'augmentation -heureuse- de l'espérance de vie, par les effets du baby-boom, du papy-boom et par l'augmentation de la productivité.
Nous devons être fidèles au système instauré à la Libération. Quatre pistes sont ouvertes : la diminution des pensions, l'augmentation des cotisations, le recul de l'âge légal de départ et la durée de cotisation.
Tous les âges de la vie se décalent de façon cohérente avec l'allongement de l'espérance de vie : fin des études, premier emploi, premier enfant... Il serait illogique que le départ à la retraite ne tienne pas compte de ces décalages.
Cet article préfère l'allongement de la durée d'assurance au recul de l'âge de départ car c'est plus juste pour ceux qui sont entrés plut tôt sur le marché du travail. Contrairement à la brutalité employée par le gouvernement précédent, cet article procède avec souplesse en ne ciblant que les générations nées après, qui partiront à la retraite entre 2020 et 2035.
Mme Cécile Cukierman. - Et les autres ?
M. Claude Domeizel. - Un compte pénibilité complète la mesure.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Claude Domeizel. - Cette réforme juste est porteuse de progrès social et de droits nouveaux ; elle dit la vérité et elle est courageuse.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - À chaque étage de la fusée, les femmes sont pénalisées. Le système de retraites est fondé sur le modèle de l'homme employé à temps plein. C'est pourquoi de nombreux mécanismes correctifs ont été envisagés, dont la montée en charge a été progressive. Mais il reste des obstacles à l'égalité : la décote et l'allongement de la durée de cotisation en font partie. En repoussant de 65 à 67 ans l'âge de départ permettant de percevoir une retraite à taux plein, la réforme de 2010 a pénalisé les femmes. La paupérisation des retraités les touche en premier lieu.
Ces dispositifs de départs anticipés pour carrière longue, la surcote, tous les mécanismes correctifs bénéficient majoritairement aux hommes.
L'optimisme n'est pas de mise : le COR estime que la résorption spontanée des inégalités n'est pas envisageable. De plus, les couples changent : les retraités seront de plus en plus des personnes célibataires, séparées, divorcées. Les pensions de réversion concernent 25 % des femmes âgées de plus de 65 ans et 1 % des hommes. Il faut, pour compenser les inégalités, améliorer les parcours de droit direct. Les pistes sont connues : égalité salariale, lutte contre les stéréotypes, meilleure prise en compte du temps partiel, de la pénibilité au féminin. La réforme fait l'impasse sur ce problème. L'article 2 renforce la contributivité du système. Comme militante du droit des femmes, je ne pourrai que m'y opposer.
M. Dominique Watrin . - Je regrette l'occasion manquée. En 2010, nous étions tous mobilisés, à gauche, contre la réforme Sarkozy. Nous sommes désormais divisés. Il n'y aurait pas d'autre option que d'allonger la durée de cotisation, ce qui implique, avec les décotes, une baisse des pensions. Les départements vont, de ce fait, devoir verser davantage de prestations de solidarité.
Qu'a-t-il pu se passer depuis 2010 pour que vous choisissiez de faire payer salariés et retraités ? Depuis, une élection a eu lieu. Le président de la République a renoncé à combattre la finance et s'est plié aux désirs de la Commission européenne. En mars dernier, celle-ci lui a demandé d'allonger la durée d'assurance et de limiter la contribution des entreprises. Le Premier ministre a immédiatement annoncé vouloir respecter les recommandations de Bruxelles, qui sont aussi celles du Medef, de Mme Parisot hier et de M. Gattaz aujourd'hui.
Les salariés verront croître leurs cotisations mais ne recevront aucune contrepartie, et devront même cotiser plus longtemps : c'est la double peine. Les patrons obtiennent le désengagement du financement dont ils rêvaient.
Nous voterons donc contre cet article.
Mme Corinne Bouchoux . - Mesure phare, cet article allonge à quarante-trois ans la durée de cotisations requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Cette mesure n'est pas nouvelle : nous l'avons combattue depuis Balladur, sous Juppé, Raffarin, Fillon. Seule nouveauté : elle émane d'un gouvernement de gauche.
On nous dit qu'il faut vivre plus pour travailler plus. Il faut se méfier des simplifications. L'espérance de vie, certes, est passée de 45 ans au début du siècle dernier à 80 ans. Pour autant, le temps de travail n'a cessé de baisser, de 70 heures à 35 heures. La part de nos vies consacrée au travail a diminué d'autant.
Le problème est surtout démographique. Mais ce phénomène était prévisible depuis longtemps. Le gouvernement Jospin avait créé le fonds de réserve des retraites (FRR) dans cette perspective.
M. Alain Néri. - Eh oui ! C'était une bonne mesure.
Mme Corinne Bouchoux. - La droite l'a vidé de sa substance. Faire porter le financement des retraites sur les assurés pour ce motif est injuste.
Allonger la durée de cotisation ne va pas donner d'emploi à ceux qui en sont dépourvus. Cette réforme transformera des retraités en chômeurs et écartera encore plus les jeunes du marché du travail.
Au-delà, les recettes sont insuffisantes car assises sur les salaires. Le rapport Moreau pointe la grande responsabilité de la crise financière de 2008. Allons chercher les ressources où elles se trouvent : taxons les revenus financiers des entreprises. Ce texte ne pose pas les bonnes questions et apporte de mauvaises réponses. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Isabelle Pasquet . - Cet article se plie aux exigences européennes en échange du répit de deux ans accordé à la France pour apurer son déficit.
Pourquoi toute année d'espérance de vie gagnée devrait-elle être transformée en année travaillée ?
Nos déficits sont plus conjoncturels que structurels : sans la crise, notre système serait en situation excédentaire de 6 milliards d'euros, selon l'économiste Henri Sterdyniak. Ce sont les politiques d'austérité qui ont fait bondir notre dette publique à plus de 93 % du PIB. Les exonérations de cotisations sociales nous privent de ressources nécessaires. Et vous faites comme s'il n'y avait pas d'autre choix que de faire payer les salariés !
Nous ferons la démonstration que des alternatives existent pour instaurer un système efficace et juste.
Mme Laurence Cohen . - La mesure instaurée par cet article n'est pas neutre : elle prolonge la réforme Fillon. Depuis 1993, nous refusons cet argument de l'allongement de l'espérance de vie. Si nous vivons plus vieux, c'est justement grâce à notre système de protection sociale. Nous vivons plus vieux mais en moins bonne santé, tous les indicateurs l'attestent.
L'allongement de la durée de cotisation est une injonction à travailler plus, contraire à tout progrès enregistré jusqu'alors. Le nombre des retraités contraints de cumuler retraite et emploi a doublé depuis cinq ans.
Nous marchons sur la tête ! Un progrès de gauche, qui devrait être amplifié, est remis en cause par un gouvernement de gauche. Nous voterons contre cet article.
Mme Cécile Cukierman . - Nous sommes au coeur de la réforme. Nous parlons finalement peu de ceux qui devront travailler plus pour partir à la retraite. Et pour cause : il y a peu d'élus nés après 1972. Si nos séances étaient un film, il s'intitulerait : Jeunes, travaillez plus, c'est pour votre bien !
Il n'y a pas de foules pour manifester dans les rues, madame la ministre ? Cette réforme ne suscite que de la résignation. L'élection de François Mitterrand, en 1981, avec la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés, les 39 heures, a marqué une génération, la nôtre. Nous avons fait des études ou pris le temps de vivre, de choisir notre voie. Nous allons le payer cher.
Les jeunes de cette génération se sont mariés, ont eu des enfants, ont divorcé, sont devenus fonctionnaires, salariés ou chômeurs. La retraite paraît, pour eux, s'éloigner comme un mirage.
Ils n'imaginaient pas le grand changement mais ne pensaient pas que la situation serait aussi grave. Nous en sommes à un âge de départ à 62 ans pour quarante-trois ans de cotisation requis pour obtenir une retraite à taux plein. Ce qui est sûr, c'est que notre espérance de vie n'a pas augmenté de six ans et demi depuis 1993.
L'utopie, c'est ce qui permet au peuple ne de pas réagir. C'est pourquoi je ne suis pas trop utopiste. Nous démontrerons qu'une autre réforme est possible. Taxons les revenus financiers. Rétablissons l'égalité salariale entre femmes et hommes. Mobilisons-nous, comme le font les associations, les syndicats, les organisations professionnelles et politiques, nous qui, en 2012, comme nos parents en 1981, avons contribué à la défaite de la droite. (Applaudissements sur les bancs communistes et écologistes)
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et M. Rainaud.
Supprimer cet article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cet amendement supprime l'allongement de la durée de cotisation. Cette réforme prend en compte la pénibilité et la précarité : nous nous en réjouissons. Mais l'allongement de la durée de cotisation nous pose un problème majeur.
La loi Fillon continue de peser lourdement sur notre système : nous regrettons que nous ne l'ayez pas abrogée et n'imaginions pas qu'un gouvernement de gauche la prolongerait. Faut-il privilégier l'austérité à la croissance durable ? Le progrès social ne peut passer que par la recherche de la croissance.
De plus, cette mesure ne s'impose pas financièrement, comme l'a montré Henri Sterdyniak. La gauche a toujours été dans notre sens. Le COR annonce un besoin de financement de 20 milliards en 2020. Il a été aisé de trouver 20 milliards d'euros pour le CICE -dont la création n'avait jamais été annoncée- en quelques semaines. Et nous ne pourrions financer les retraites ? J'ai relu tous nos documents, nos tracts, les résolutions adoptées au bureau national. Il a toujours été question de taxer les revenus du capital et on en avait même chiffré le rendement à 24 milliards.
M. le président. - Concluez.
M. Bruno Retailleau. - Le capital temps est écoulé !
Mme Cécile Cukierman. - Soit. Je reprendrai la parole. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. le président. - Amendement identique n°250, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
M. René-Paul Savary. - Nous marchons sur la tête : le projet de loi est contesté au sein même de la majorité. Nos arguments sont différents. Cet article fait peser sur les générations futures le financement de la sécurité sociale. Nous ne partageons pas cette philosophie et y voyons un leurre ; un jeune qui entre dans la vie active à 23 ans partira à la retraite à 66 ans. Autant dire la vérité aux Français.
La solidarité n'est pas au rendez-vous : ni intergénérationnelle évidemment, ni intra-générationnelle puisque les régimes spéciaux ne sont pas concernés. Bref : courage, fuyons ! Nous défendons une réforme systémique. En attendant, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. - Amendement identique n°321 rectifié, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. - Cette mesure est infondée, injuste et inefficace. L'espérance de vie sans incapacité recule, ce qui témoigne d'une société malade de son chômage de masse et d'un malaise généralisé au travail, d'une société qui se consume dans une mortifère course à la production. Elle ne s'en sortira pas avec les vieilles recettes du libéralisme. Il faut mettre la sphère financière à contribution, repenser le travail pour mieux le partager à l'échelle de la société comme de la vie, repenser aussi le sens et la répartition des richesses en valorisant les activités humaines et environnementales. Nous avons besoin d'un changement de paradigme. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Trois amendements identiques, aux motifs diamétralement opposés. L'article 2 est un élément très important de cette réforme : il allonge la durée de cotisation sans brutalité, progressivement, ce qui est très différent du recul de l'âge légal, lequel consiste injustement à faire travailler plus longtemps les personnes qui ont commencé à travailler jeunes.
L'augmentation de la durée de cotisation s'accompagne de mesures de justice envers les apprentis, les femmes, les étudiants, les stagiaires.
Cet article contribue à l'équilibre financier de la réforme. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. Le Gouvernement assume pleinement cet article. Nous vivons collectivement plus longtemps. Les jeunes qui s'engagent aujourd'hui dans la vie professionnelle, ayant travaillé quarante-trois ans, vivront deux ans de plus que leurs grands-parents qui auront travaillé moins longtemps. Le progrès social, c'est d'allonger le temps à la retraite.
On ne peut engager la réforme en soulignant les avancées et en faisant, dans le même temps l'impasse, sur les efforts demandés à nos concitoyens. Cette réforme forme un tout. L'essentiel est que ces efforts soient le plus justes possible.
Travailler plus longtemps, oui ; mais tout le monde ne peut pas travailler plus longtemps dans les mêmes conditions ; l'allongement de la durée de cotisation doit être modulé.
N'imaginons pas que l'on puisse supprimer toute contribution supplémentaire. Madame Lienemann, ne faisons pas l'exégèse des textes d'un parti pour lequel j'ai beaucoup d'attachement. J'ai porté, à l'Assemblée nationale, le contre-projet à la réforme de 2010. Il prévoyait l'allongement de la durée de cotisation, contre le recul de l'âge légal, lequel pénalise celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Oui, je revendique cette mesure, qui a toute sa place dans une réforme de progrès et de justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Un autre motif de refuser cet allongement de la durée de cotisation, c'est la priorité à la jeunesse proclamée par le président de la République ; or, celle-ci sera pénalisée. S'il y a tant de jeunes au chômage, c'est qu'on fait travailler plus longtemps les séniors... On sait, en outre, que la productivité baisse à partir de 60 ans, et fortement après 65. Or les jeunes générations ne pourront partir à la retraite qu'à 67 ou 68 ans...
Le niveau des retraites sera amputé. Aujourd'hui, la cessation d'activité est à 58,8 ans, pour un âge légal en moyenne un peu supérieur à 61 ans.
Le progrès social ne doit pas s'arrêter parce que le capitalisme a décidé que la rente du capital doit prévaloir sur la rémunération du travail. Oui, il faut des efforts. La hausse des cotisations est légitime. Mais dégrader les conditions de départ à la retraite n'est pas conforme à l'idéal de progrès social de la gauche.
Je retire mon amendement et appelle à voter pour celui de Mme Bouchoux.
L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.
M. Philippe Bas. - Mme Cukierman a dressé de justes constats. (Mouvements divers sur les bancs du groupe CRC) Il est vrai que beaucoup de séniors sont au chômage lorsqu'ils font valoir leur droit à la retraite ; il est vrai aussi que la capacité de production des salariés ne s'arrête pas à 58 ans ou 60 ans. Il importe, en conséquence, de multiplier les dispositions favorisant l'emploi des séniors et de mener une politique économique favorable au développement des entreprises -ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cela dit, on ne peut indéfiniment allonger la durée de cotisation. L'espérance de vie s'allonge, au-delà de 80 ans. Mais les bonnes années de retraite sont avant 70 ans. L'allongement de la durée de cotisation a une limite mais elle n'est pas atteinte en France.
La proposition du Gouvernement n'apporte rien. Elle met un terme à une disposition qui établit un rapport constant entre la durée de cotisation nécessaire pour le taux plein et l'allongement de l'espérance de vie. On peut discuter des effets des deux dispositifs ; il est certain cependant que la valeur ajoutée de cette réforme est extrêmement faible.
Comme Mme Cukierman, mais pour des raisons différentes, nous estimons qu'il ne faut pas adopter cet article. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous sommes parvenus au noeud de la réforme.
M. Bruno Retailleau. - Un noeud coulant ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Caffet. - Qui propose de supprimer cet article ? L'UMP, Mme Lienemann, le groupe EELV. Je n'ai pas compris la raison qui anime l'amendement des Verts. Monsieur Bas, je l'ai compris. Il sait que cet article est plus protecteur que la réforme de 2003, qui maintenait un rapport constant entre la durée d'assurance et l'évolution de l'espérance de vie. M. Bas a vendu la mèche, en dénonçant une réforme trop limitative à son goût parce qu'elle s'arrête à quarante-trois ans alors que la loi de 2003 conduisait la génération 1989 à cotiser pendant quarante-quatre ans...
La réforme de 2003 donnait au Gouvernement le pouvoir de décréter la durée de cotisation ; petit à petit on pouvait passer à quarante-quatre ans, quarante-cinq ans, pourquoi pas cinquante ?
M. Jean-François Husson. - C'est faux !
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous nous arrêtons à quarante-trois ans. Et pour aller au-delà, il faudra revenir vers le Parlement. Reconnaissez que c'est un progrès. (Mme Cécile Cukierman rit)
Il faut regarder la réalité en face. Tout le monde sait que la réforme de 2010 a échoué. Les projections du COR pronostiquent un déficit de 20 milliards d'euros en 2020 pour l'ensemble des régimes. Je regrette que nous ne puissions pas discuter dans le même temps de toutes les mesures requises, relevant des régimes complémentaires, du projet de loi de finances et du présent projet de loi. Mais si cela avait pu être le cas, une majorité se serait dégagée pour voter contre. Et pour faire quoi ? Pacte, solidarité générationnelle... Qu'en resterait-il si l'article 2 est supprimé ? Vous reporterez la charge sur les générations futures.
Madame Lienemann, il n'est jamais trop tard pour se réclamer du président de la République !
M. Dominique Watrin. - Le groupe CRC votera la suppression de cet article inefficace et injuste, en particulier pour les jeunes que vous vous apprêtez à faire travailler au moins jusqu'à 66 ans. Nous avions prévu des mesures alternatives, dont la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises. C'est dire si d'autres solutions sont possibles pour trouver 20 milliards d'euros. Oui, on peut faire autrement.
Les cotisations patronales n'ont cessé de décroitre depuis les années 80, tandis que la part des richesses destinée à la rémunération du capital progressait fortement. Le recul de société que vous proposez est la conséquence de votre refus des mesures nécessaires pour une plus juste répartition des richesses. Interrogeons-nous aussi sur l'efficacité de nos politiques publiques : 20 milliards d'euros engloutis dans les exonérations de charges patronales sur les bas salaires, pour quel résultat ? Pour nous, au-delà de l'inefficacité économique, des trappes à bas salaires. La sécurité sociale est deux fois perdante, puisque les cotisations sociales sont assises sur les salaires.
Le Gouvernement pourrait trouver 5 milliards d'euros en prenant une mesure juste socialement et économiquement efficace, en modulant les cotisations sociales des entreprises selon leur politique sociale. Bref, des cotisations sociales intelligentes, pour réorienter l'argent vers l'économie réelle plutôt que vers la finance. Mais vous n'écoutez pas. Et ne répétez pas que nous sommes pour le statu quo. Le financement de notre système de retraite, c'est un choix de société. Le groupe CRC votera l'amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Claude Domeizel. - J'ai donné la position du groupe socialiste. Voici la mienne : j'assume pleinement mon vote contre ces amendements de suppression. Personne ne peut contester que je suis un homme de gauche.
M. Philippe Bas. - Nous ne le contestons pas.
M. Claude Domeizel. - Très jeune, j'ai milité à la SFIO. Mais être de gauche signifie-t-il qu'il faut laisser le navire prendre l'eau au premier écueil ? Non. Je pense à l'intérêt des jeunes.
Mme Cécile Cukierman. - Parlons-en !
M. Claude Domeizel. - J'entends dire que jamais un gouvernement de gauche n'a pris une telle mesure. Il revient presque au même d'allonger la durée de cotisation ou de repousser l'âge de départ à la retraite. En 1945, l'âge de la retraite est passé de 60 à 65 ans ; Alexandre Parodi, Ambroise Croizat n'étaient-ils pas de gauche ? Ils voulaient, comme nous aujourd'hui, maintenir le régime par répartition. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Pierre Laurent. - Nos arguments convergent avec ceux de Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Corinne Bouchoux. La droite nous offre un beau numéro d'hypocrisie, qui n'a de cesse, depuis la réforme Balladur, de faire reculer les droits à la retraite. (Protestations à droite) Vous voulez allonger la durée de cotisation et augmenter simultanément l'âge légal de départ à la retraite, pour nous aligner sur la norme européenne de 67 ans. Quant au prétendu dynamisme des entreprises, pourquoi le chômage augmente-t-il après des décennies d'allongement de la durée de cotisations ?
Monsieur Caffet, la très grande majorité des salariés, avec cette réforme, partiront plus tard, avec des pensions dégradées, qu'avec la réforme Sarkozy. À force de dégrader les conditions de départ à la retraite, l'espérance de vie finira par baisser -elle dépend des conditions sociales.
Une réforme de justice, madame la ministre ? Ce qui est demandé aux entreprises ne leur coûte rien car c'est intégralement compensé. L'addition sera payée par les salariés. Cette réforme est injuste et inéquitablement financée.
L'article 2 est un article clé, dites-vous ; c'est en fait un article verrou, destiné à empêcher de débattre des alternatives, des propositions que nous soumettons sur la taxation des revenus financiers des entreprises ou la modulation des cotisations -différentes des solutions qu'on nous sert depuis quinze ans, avec les résultats que l'on sait. C'est une occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Laurence Cohen. - Je voterai la suppression de cet article. Nous sommes dans un dialogue de sourds...
M. Claude Jeannerot. - Oui.
Mme Laurence Cohen. - L'article 2, ce serait plus de justice pour les jeunes, les apprentis, les femmes. Peut-être, mais il y a l'allongement de la durée de cotisation. Et vous refusez les choix audacieux, courageux et réalistes qui consistent, comme nous le proposons, à aller chercher l'argent là où il est, dans les profits financiers des entreprises. Celles du CAC40 distribueront 40 milliards en dividendes l'an prochain...
La période 60-65 ans sont les meilleures années de retraite mais les plus dures au travail. N'est-on pas capable, en 2013, d'imaginer des vies différentes ? Toutes ces réformes font crever les peuples d'Europe. Celles et ceux qui plombent les comptes sociaux, ce sont ceux qui acceptent 50 milliards d'euros d'évasion fiscale et 180 milliards d'exonérations de charges. Nous voulons une autre politique qui rassemble les Français. Ce n'est pas le chemin que suit le Gouvernement. Cela ne peut me réjouir. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Corinne Bouchoux applaudissent aussi)
M. Gérard Roche. - Face au déficit des caisses de retraite, François Hollande avait récusé les mesures prises par l'ancien Gouvernement ; je comprends que ceux qui lui ont fait confiance aient l'impression d'un marché de dupes... L'article premier modifié, que nous avons voté, change l'orientation du projet de loi. Ce n'est pas anecdotique. Chacun pourra décider quand il partira à la retraite. Je voterai ces amendements de suppression.
À la demande des groupes UMP et écologiste, les amendements identiques nos250 et 321 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 205 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
L'article 2 est supprimé.
Les autres amendements deviennent sans objet.
M. Dominique Watrin. - Plus d'une cinquantaine d'amendements viennent de tomber...
M. Claude Domeizel. - Vous regrettez ?
Mme Cécile Cukierman. - Non, nous assumons !
M. Dominique Watrin. - Nous demandons une brève suspension de séance pour nous réorganiser.
La séance, suspendue à 23 h 25, reprend à 23 h 35.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°254, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l'année : « 1955 » par l'année : « 1964 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret pour les assurés nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1963 de manière croissante à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
M. René-Paul Savary. - Compte tenu de la suppression de l'article 2, cet amendement et le suivant ne se justifient plus.
Les amendements nos254 et 253 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°401 rectifié, présenté par M. Barbier.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l'année : « 1955 » par l'année : « 1965 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1965 et, pour ceux nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1964, de manière croissante, à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
M. Gilbert Barbier. - La suppression de l'article 2 a bouleversé le projet de loi. Je retire également mon amendement.
L'amendement n°401 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°362, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juin 2014, visant à étudier les modalités d'élargissement du salaire, du traitement et de la solde de référence pris en compte pour calculer le montant de la pension de retraite dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Pour les mêmes raisons, je le retire également.
L'amendement n°362 est retiré.
ARTICLE 2 BIS
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale conformément au voeu de sa délégation pour le droit des femmes, afin de revenir sur les mesures adoptées en 2010. Les dernières réformes ont défavorisé les femmes : l'article 2 bis prévoit la remise d'un rapport au Parlement. Nous complèterons cette disposition par des amendements.
M. le président. - Amendement n°395, présenté par M. Barbier.
Supprimer cet article.
M. Gilbert Barbier. - Établir un rapport de plus sur l'opportunité de ramener l'âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans est illusoire et trompeur vis-à-vis des jeunes générations. Dès lors que l'on demande quarante-trois annuités et que l'âge moyen d'entrée dans la vie active est 23 ans, on dépasse déjà les 65 ans.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Cet article est intéressant. Avis défavorable à sa suppression.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Cet article a été ajouté à l'Assemblée nationale. Je ne partage pas la présentation de M. Barbier : il peut être intéressant d'analyser ainsi l'impact pour les femmes du report de l'âge de la retraite. Toutefois, d'autres rapports sont prévus sur le même sujet, en particulier à l'article 13. Sagesse.
M. Philippe Bas. - L'article 2 bis prévoit une étude sur l'opportunité de ramener l'âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans. Voilà une inexactitude : l'âge de la retraite n'est pas aujourd'hui de 67 ans, il est encore fixé à 65 et ne sera porté à 67 ans qu'en 2022 ! Il y a encore plus grave que cette inexactitude : les auteurs de cet article veulent en réalité créer un rapport de forces susceptible de remettre en cause la montée en régime de la réforme. Par surcroît, s'il y a bien un domaine où, depuis le Livre blanc commandé par Michel Rocard en 1990, nous ne manquons pas de rapports, c'est bien les retraites.
Cet article repose sur des données inexactes et l'intention politique de ses auteurs est dangereuse. Le report de l'âge de départ est une mesure raisonnable. Ce projet de loi englobe, conforte et valide la réforme de 2010 ; la question est de savoir quelles étapes supplémentaires nous devons faire ensemble.
Le groupe UMP votera cet excellent amendement.
M. Claude Domeizel. - Cet article présente quelques avantages, un tel rapport peut être utile. Nous voterons contre l'amendement.
M. Philippe Bas. - Vous êtes pour les 67 ans !
M. Marc Laménie. - Cet amendement est de bon sens. La réforme de 2010 avait ses mérites. Sa remise en question n'est pas forcément judicieuse. Je voterai l'amendement de M. Barbier.
L'amendement n°395 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°176 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'évolution sur le long terme des écarts de pensions entre les femmes et les hommes, les effets pour les femmes des mesures successives reculant l'âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de l'âge légal de départ à la retraite à taux plein sur les écarts de retraites entre les femmes et les hommes.
M. Michel Le Scouarnec. - Cet amendement reprend une recommandation de la Délégation aux droits des femmes formulée en 2010. Les mesures adoptées lors des précédentes réformes ont eu un impact négatif sur le montant des pensions des femmes. Leur taux d'activité est inférieur à celui des hommes. Agir sur l'inégalité professionnelle est un moyen de revaloriser leurs pensions et de rééquilibrer le financement de notre système.
M. le président. - Amendement n°178 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant l'impact sur les femmes du report de l'âge légal du départ à taux plein de la réforme de 2010 et de l'allongement de la durée de cotisation.
M. Dominique Watrin. - La réforme de 2010 a repoussé l'âge de départ à la retraite à taux plein de 65 à 67 ans ce qui, de toute évidence, pèse plus lourdement sur les femmes dont les carrières professionnelles sont souvent plus courtes et plus heurtées que celles des hommes. Les retraites des femmes sont, de ce fait, inférieures à celles des hommes et 40 % des femmes ne peuvent partir à la retraite à taux plein, contre 23 % des hommes.
Face à cette situation injuste, le Gouvernement ne propose aucune mesure concrète. Aussi, afin de trouver des réponses efficaces pour réduire les inégalités de pensions dont sont victimes les femmes, il convient d'évaluer les effets néfastes des différentes réformes survenues en matière de retraite.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Ces amendements sont satisfaits par l'article 2 bis. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. De multiples rapports sont déjà prévus. Faisons preuve de parcimonie en la matière.
M. Michel Le Scouarnec. - La retraite moyenne des femmes est de 879 euros, contre 1 150 euros par mois pour les hommes. Notre système est fondé sur le modèle de l'homme soutien de famille travaillant à temps plein. Les femmes subissent une double peine : carrières hachées, moindres pensions, lesquelles se situent en plus grande part sous le seuil de pauvreté. Leur situation mérite une étude plus approfondie.
M. Dominique Watrin. - Seulement 44 % des femmes valident une carrière complète et un tiers d'entre elles touchent une pension inférieure à 600 euros.
Remédier à cette situation rapporterait 52 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Il est donc indispensable de se pencher sur les réformes passées pour ne pas réitérer les mêmes erreurs. Un récent rapport de la Commission européenne indique que l'allongement de la durée d'assurance a un impact négatif sur les pensions touchées par les femmes.
Nous n'allons pas dans le bon sens et les effets des réformes passées continuent de se faire sentir. Les jeunes trouvent un emploi de plus en plus tard, les séniors peinent à conserver leur place sur le marché du travail. Bref, allonger la durée d'assurance, c'est favoriser le chômage.
Historiquement, l'allongement de la durée de vie permettrait de travailler moins. Cette courbe du progrès s'est inversée depuis la réforme Balladur.
En matière d'activité des femmes, la France n'est qu'à la 14e position en Europe. Il faut rapprocher le taux d'activité des femmes de celui des hommes. Cela justifie la présentation d'un rapport.
L'amendement n°176 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°178 rectifié.
M. le président. - Amendement n°184 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'impact différencié du projet de réforme des retraites sur les femmes et les hommes.
Mme Isabelle Pasquet. - Cette nouvelle réforme se fait à nouveau sur le dos des femmes. Leurs pensions sont en moyenne inférieures de 42 % à celles des hommes. Cette situation, injuste, est intolérable ; les rémunérations des femmes sont de 27 % inférieures à celles des hommes. Les précédentes réformes ont aggravé les inégalités dont elles souffrent, au travail et à la retraite.
La double peine dont elles sont victimes n'appelle aucun fatalisme : une autre réforme est possible, plus juste et plus efficace. D'où la demande de remise d'un rapport au Parlement sur cette question.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Un nouveau rapport ? L'objectif poursuivi est proche de ceux des précédents amendements. L'article 2 bis y répond : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
L'amendement n°184 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°339 rectifié bis, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'impact sur le niveau de pension des femmes et des personnes ayant eu une carrière heurtée de la décote et étudie la possibilité de supprimer la décote et la surcote.
Mme Corinne Bouchoux. - Nous le retirons. L'article 2 bis le satisfait.
L'amendement n°339 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 3
Mme Laurence Cohen . - Cet article instaure un mécanisme de pilotage du système, au moyen d'un comité de suivi. Or, celui-ci exclut parlementaires et organisations syndicales dans le but de faire taire les différences et d'empêcher d'élaborer des propositions alternatives concrètes. Ses membres seront donc tous issus du même moule, alors qu'il faudrait faire travailler ensemble des économistes de formations diversifiées et d'écoles de pensée différentes.
Ce comité lambda est à l'image de ce projet de loi : il n'y aurait pas d'autre voie que celle, suivie depuis 1993, de l'ajustement comptable et financier. Cette solution technocratique, nous la combattons. Il appartient aux représentants de la Nation de prendre les décisions qui s'imposent, avec les syndicats et gestionnaires des caisses.
Nous votons donc contre cet article.
Mme Isabelle Pasquet . - Oui, nous voterons contre cet article qui réduit ce débat à une position technique. Le président du comité sera nommé en conseil des ministres : son objectivité est sujette à caution.
Ce dessaisissement du politique par la technocratie rappelle la soumission des budgets nationaux à l'examen préalable de Bruxelles, à laquelle s'est plié Pierre Moscovici.
Nous redoutons que le débat ne soit limité par les recommandations du comité.
M. Dominique Watrin . - Au-delà de sa composition, la finalité des missions du comité nous inquiète. Il s'agit tout bonnement de favoriser le passage à un régime à cotisations définies.
Le principal levier utilisable, dans ce modèle, est le niveau des pensions. C'est ouvrir la porte à la capitalisation. Le Gouvernement donne ainsi corps aux recommandations de la Commission européenne et de la Banque mondiale. Cette ouverture au marché est dangereuse. L'expérience en matière de santé en témoigne. Vous trahissez l'esprit de 1945.
Mme Corinne Bouchoux . - Nous espérons que les membres du comité auront des sensibilités différentes. La comparaison avec le Haut Conseil des finances publiques saute aux yeux.
La possibilité donnée au comité de plaider pour l'allongement de la durée de cotisation nous inquiète. Le Gouvernement devra impérativement organiser la concertation autour des avis du comité avant de prendre la moindre décision.
M. le président. - Amendement n°255, présenté par M. Longuet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. René-Paul Savary. - Il serait préférable de donner une nouvelle impulsion au Comité de pilotage des retraites, le Copilor, qui a le mérite d'associer l'ensemble des acteurs de la prise en charge du risque vieillesse, ou de renforcer les moyens et les missions du COR.
Ce comité, composé de cinq experts, dont le président est nommé en conseil des ministres, sera placé sous la tutelle du Premier ministre, ce qui fait douter de son impartialité.
Plutôt que de créer de nouveaux comités de suivi, il serait possible d'élargir les missions du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, placé auprès de la commission des comptes de la sécurité sociale, et d'en faire un comité d'alerte sur les dépenses des risques maladie et vieillesse, chargé d'alerter le Gouvernement et le Parlement en cas de trajectoire défavorable des comptes de l'assurance vieillesse.
La création d'une nouvelle instance de consultation ne se justifie donc pas.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Avis défavorable à cette suppression. Le système de pilotage issu de la loi de 2010 a montré -ô combien- ses limites. Le dispositif proposé simplifie les choses et distingue mieux les phases de diagnostic et d'expertise technique. La nomination des présidents de ces instances en conseil des ministres est usuelle.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
M. le président. - Les explications de vote nous feraient dépasser l'horaire fixé, la séance de nuit n'étant pas prévue.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 octobre 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 30 octobre 2013
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n°71, 2013-2014).
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°95, 2013-2014).
Rapport d'information de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°90, 2013-2014).
Résultat des travaux de la commission (n°96, 2013-2014).
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n°76, 2013-2014).