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Table des matières



Adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

M. Henri Tandonnet

M. Raymond Vall

M. Jean-Vincent Placé

M. Jean Bizet

Mme Isabelle Pasquet

Mme Delphine Batho, ministre

Discussion des articles

ARTICLE 31

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir

Mme Delphine Batho, ministre

Caisses d'allocations familiales (Questions cribles)

M. André Gattolin

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

M. Yvon Collin

Mme Caroline Cayeux

Mme Valérie Létard

Mme Jacqueline Alquier

Mme Isabelle Pasquet

Mme Catherine Procaccia

M. Ronan Kerdraon

M. Alain Fouché

Hommage à une délégation québecoise

Dépôt d'un document

Modification à l'ordre du jour

Renvoi pour avis

Représentation des Français hors de France (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois

Mme Kalliopi Ango Ela

Mme Christiane Kammermann

Mme Éliane Assassi

Mme Catherine Tasca

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Richard Yung

Mme Claudine Lepage

M. Yvon Collin

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

ARTICLE 19

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Christian Cointat

ARTICLE 20 AA

M. Christian Cointat

Mme Catherine Tasca

ARTICLE 20 A

M. Christian Cointat

ARTICLE 29 BIS

ARTICLE 29 QUINQUIES

ARTICLE 29 DECIES

ARTICLE 33 BIS

ARTICLE 33 QUATER

M. Christian Cointat

ARTICLE 33 OCTIES

M. Christian Cointat

Interventions sur l'ensemble

M. Robert del Picchia

M. Christian Cointat

M. Richard Yung

Mme Claudine Lepage

Mme Kalliopi Ango Ela

M. Christophe-André Frassa

Mme Catherine Tasca

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée

Clôture de la session ordinaire




SÉANCE

du jeudi 27 juin 2013

122e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.

Discussion générale

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP s'est tenue avec succès le 12 juin dernier, et l'accord ne fut guère difficile à obtenir, en raison du travail considérable réalisé en amont par l'Assemblée nationale, saisie du texte en premier, puis par le Sénat, qui avait amélioré le texte.

En commission, nous avons sécurisé l'article 10 sur la refonte des polices administratives et judiciaires de l'environnement. Un article 10 bis sur les agents commissionnés des réserves naturelles a été adopté à l'initiative de Ronan Dantec. Nous avons complètement récrit l'article 20 relatif à l'outre-mer et nous avons supprimé l'article 27 A qui remplaçait le terme « biocarburants » par celui d'« agrocarburants ».

En séance publique le Sénat a adopté un article 6 bis nouveau, assurant la coordination entre l'article 6 et la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale. L'article 10 bis A à l'initiative de Ronan Dantec sanctionne le trafic d'animaux d'espèces protégées.

L'article 28 bis adopté à l'initiative du Gouvernement instaure un régime particulier d'accès au réseau de gaz naturel pour les industries gazo-intensives. Il a été recadré, sa portée limitée.

Une petite moitié des articles se trouvaient en débat lorsque la CMP s'est réunie. 18 articles avaient été adoptés conformes. Avec le rapporteur de l'Assemblée nationale nous avons présenté d'abord en commun une vingtaine d'amendements rédactionnels et de coordination adoptés d'emblée. La substitution du terme d'agrocarburants à celui de biocarburants qui peut introduire une confusion dans l'esprit du public a été débattue. Nous avons maintenu l'appellation figurant dans les directives européennes et consacrée par l'usage courant. De plus, les deux termes ne sont pas tout à fait substituables. Le Gouvernement nous propose aujourd'hui un ultime amendement de coordination, sur la date d'entrée en vigueur, parfaitement logique. Je vous invite à le voter.

Nous nous félicitons de ce texte qui consacre le développement durable comme axe majeur des politiques publiques et nous met à jour sur le plan communautaire. Nous avons su nous montrer responsables en adoptant ce texte de façon consensuelle à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Une adoption rapide est nécessaire en raison des dates butoirs fixées par de nombreuses directives.

Merci à tous ceux qui nous ont aidés, au Sénat, à l'Assemblée nationale et dans vos services, madame la ministre. (MM. Michel Teston et Henri Tandonnet applaudissent)

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Nous achevons l'examen de ce projet de loi. Tout d'abord, je veux remercier tous les sénateurs qui y ont participé ainsi que la rapporteure. Le travail parlementaire précis et méticuleux a enrichi ce texte qui transpose six directives, ratifie douze ordonnances, et comporte des dispositions relatives en particulier à la lutte contre le changement climatique, la sécurité des installations dangereuses, la prévention des risques technologiques - les plans de mobilisation ont été introduits dans ce texte. Le Gouvernement présentera un amendement rédactionnel afin que le texte puisse entrer immédiatement en vigueur. À l'article 9, le débat sur la compétence des professionnels vétérinaires a été nourri. L'indépendance attachée à cette profession est maintenue.

La police de l'environnement a été renforcée, notamment en ce qui concerne le trafic d'animaux en bande organisée.

La transposition de la directive du 16 février 2009 inscrit dans le code des transports des dispositions sociales relatives aux gens de mer, en application de la convention de 2006 de l'Organisation internationale du travail. L'article 20 sur l'outre-mer apporte d'importantes avancées sociales.

Le volet énergétique est aussi significatif : il renforce l'efficacité énergétique et instaure l'audit énergétique des entreprises, comme l'a souhaité le président de la République à la conférence environnementale de septembre dernier. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Henri Tandonnet .  - L'intitulé de ce projet de loi est aussi complexe que son contenu. À l'exception de l'article 27 A relatif aux biocarburants, le Sénat a adopté des modifications acceptables pour les députés, ce qui a permis de parvenir aisément à un compromis en CMP. Je me réjouis qu'elle ait confirmé la suppression de cet article. Le groupe UDI-UC a toujours défendu les biocarburants, terme issu d'une directive européenne, qui traduit le mot biofuel.

M. Charles Revet.  - C'est très important !

M. Henri Tandonnet.  - Un changement de vocable risquait de déstabiliser une filière économique en créant une suspicion infondée.

Ce projet de loi transpose des directives techniques, adopte des règlements communautaires. Il reste indigeste sur la forme comme sur le fond. La France ne doit pas dépasser 1 % de directives non transposées. C'est la raison d'être de ces projets « Diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne » (DDADUE). Est-il normal cependant que l'Assemblée nationale ait dû adopter 200 amendements rédactionnels pour corriger un texte imparfait, et que le Parlement n'ait disposé que d'une poignée de jours pour l'examiner ? De réels efforts sont nécessaires pour rendre plus lisibles ces projets de loi, qui requièrent des compétences techniques que nous n'avons pas. Madame la ministre, nous voulons préserver notre rôle de législateur. Les deux assemblées se sont efforcées d'améliorer le texte. Le consensus en CMP fut solide. Le volet social relatif aux gens de mer est une avancée significative.

Je remercie la rapporteure. Les sénateurs UDI-UC voteront ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Raymond Vall .  - Ce texte important transpose des directives dont l'urgence est loin d'être négligeable, dans le domaine des produits dangereux, des transports, de l'énergie.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait ratifié l'ordonnance de transposition de la directive de 2012 relative au système d'échanges des quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Approprions-nous cette avancée, au moment où s'engagent les prémices des négociations internationales sur le climat, qui aboutiront, espérons-le, à Paris en 2015.

Soyons plus attentifs à la mobilisation des sources d'énergie locales. Les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer, en particulier dans le domaine de la biomasse et de la géothermie.

L'audit énergétique rendu obligatoire dans les entreprises est une très bonne mesure. Nous devons encourager le transfert modal dans les transports.

Nous avons débattu des termes agrocarburants et biocarburants. Comme l'ensemble des sénateurs RDSE, je soutiens le maintien du terme actuel, qu'il n'y avait pas lieu de changer pour des raisons idéologiques...

M. Jean Bizet.  - Très juste ! (M. Jean-Vincent Placé s'exclame)

M. Raymond Vall.  - Je salue M. Placé ! (Sourires) Mon groupe votera ce projet de loi qui nous permet de respecter nos obligations européennes et d'avancer vers un développement durable de notre planète, ce qui est encore plus important ! (Applaudissements)

M. Jean-Vincent Placé .  - Je supplée M. Dantec, empêché. Le groupe écologiste se réjouit que nos deux assemblées se soient mises d'accord. Nous nous félicitons de l'adoption de nos amendements sur le champ de compétences des agents assermentés des réserves naturelles et sur la sanction des trafics d'espèces protégées.

Le socle du droit social des gens de mer a été renforcé grâce à la transposition de la directive qui reprend la convention de l'Organisation internationale du travail. Nous ne gagnerons la lutte contre le dumping social qu'en harmonisant par le haut.

Nous avons cependant des réserves, parce que la multitude des transpositions rend le travail parlementaire difficile. En ce qui concerne les installations classées, et la transposition de la directive Seveso 3, nous regrettons que nos propositions n'aient pas été retenues. Les écologistes s'étaient réjouis de l'adoption de l'article 27 A par l'Assemblée nationale, remplaçant le terme de biocarburants par celui d'agrocarburants.

Jean-Claude Lenoir.  - Quelle différence !

M. Jean-Vincent Placé.  - Vous savez que les mots ont un sens, vous qui êtes tant engagés sur le sujet du gaz de schiste. Vous êtes un expert reconnu en matière d'énergies...

M. Jean Bizet.  - Écoutez-le !

M. Jean-Vincent Placé.  - ... même si nous ne partageons pas vos convictions. Je salue votre persévérance.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Ma lucidité ! (Sourires)

M. Jean-Vincent Placé.  - Il est regrettable que cet article n'ait pas été rétabli en CMP...

M. Jean Bizet.  - Heureusement !

M. Jean-Vincent Placé.  - Madame la ministre, on ne doit plus laisser penser que des technologies responsables de la destruction de nombreuses espèces et de forêts aient quoi que ce soit de bio. Le terme agro évoque la culture de plein champ. Le changement introduit par l'Assemblée nationale était justifié.

La transposition de la directive européenne sur les poids lourds est plus que timide, voire timorée. J'ai évoqué la concurrence déloyale dans le transport maritime. Elle sévit aussi dans le transport routier.

Le basculement de notre système fiscal vers une fiscalité juste et écologique demeure au coeur de nos préoccupations. Nous en reparlerons, madame la ministre, lors du prochain budget.

Malgré nos réserves, nous continuons à soutenir ce texte et à saluer votre action, madame la ministre. (Mme Odette Herviaux, rapporteure, applaudit)

M. Jean Bizet .  - Ce texte touffu et dense comporte de multiples entrées. Les seuls points communs entre tous les thèmes abordés sont l'Europe et l'environnement.

La France rencontre de sérieuses difficultés à transposer les directives adoptées à Bruxelles. Elle a longtemps figuré en queue des États membres, avec le risque, à terme, d'être condamnée au versement d'amendes ou d'astreintes.

Le bilan publié par M. Barnier montre une réelle amélioration. Notre pays se place au quatorzième rang sur vingt-sept États membres, ex æquo avec l'Espagne. Inspirons-nous des pays anglo-saxons qui transposent a minima mais s'impliquent activement en amont, par la publication de livres blancs et de livres verts. Il faut s'y prendre dix ans avant pour pratiquer un lobbying efficace.

Les conditions d'examen de ce texte ont été mauvaises. Il fallait aller vite, quitte à malmener les droits du Parlement et ceux du Sénat, ce que nous ne pouvons tolérer. Le Sénat est plus précis et plus affirmé que l'autre chambre. (Mme la ministre sourit) Je vois que vous appréciez !

Il y a eu un défaut d'information : l'étude d'impact était vide. Il faut éviter d'aller au-delà de la simple transposition, en ajoutant, sans publicité, des dispositions qui ne figurent pas dans les directives ajoutant ainsi aux réglementations qui asphyxient notre pays. Au fil du temps, nous accumulons des excès de transposition, sous la pression d'ONG environnementalistes, sans écouter les entreprises. Que l'on ne s'étonne pas ensuite que les chefs d'entreprises ne soient plus enclins à investir et à croire en la France.

Les économies allemandes et françaises divergent fondamentalement. Ce phénomène y participe. La convergence économique entre la France et l'Allemagne devient dramatiquement urgente.

La directive dite « Seveso 3 » sur les substances dangereuses s'inscrit dans une harmonisation mondiale qui concerne les industriels. Veillez à ce qu'elle n'entame pas la compétitivité des entreprises européennes. Les citoyens veulent être mieux informés et donner leur avis. Les normes européennes seront sans doute demain exigées ailleurs.

L'article 27 A introduit par l'Assemblée nationale remplaçait le mot biocarburants par celui d'agrocarburants dans la législation nationale. Sa suppression par le Sénat a été heureusement confirmée par la CMP. J'ai toujours veillé comme président de la commission des affaires européennes à ce que nos transpositions soient littérales. Derrière le terme biocarburants se dessine une filière qui compte près de 30 000 emplois. Et nous sommes en route pour les carburants de deuxième et troisième génération. Cette « culture productiviste » produit du carburant certes, mais des protéines végétales surtout. Nous n'en importons plus que 45 % contre 75 % jadis. Je ne vous ai pas entendue à ce propos, madame la ministre, je n'ai entendu parler que de divergences de vue entre votre ministère et celui de l'agriculture.

Dans un esprit de responsabilité, s'agissant d'une transposition essentiellement technique, je voterai ce projet de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Isabelle Pasquet .  - La procédure législative suivie fait l'unanimité contre elle : le recours aux ordonnances, la procédure accélérée devraient être l'exception. Ce n'est hélas pas le cas. Deux lectures n'auraient pas été de trop, s'agissant d'un texte dont nous n'avons pas les moyens d'apprécier toutes les conséquences. Le député Plisson, rapporteur à l'Assemblée nationale, a qualifié d'« indigne » la qualité rédactionnelle de ce projet.

Pour certaines dispositions, le débat aura lieu plus tard et ailleurs, par exemple aux états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. La transposition du droit européen pose la question de la compétence législative des parlements nationaux. Nos propositions de résolutions européennes témoignent de notre travail, qu'il faudrait encore renforcer, le plus en amont possible. Tout ceci donne le sentiment d'un travail inachevé.

Sur l'article 27 A, les discussions ont été vives. Point de futilité, dans ce débat qui a des implications commerciales et qui pose la question de l'acceptabilité de notre politique énergétique : les mots ont un sens, la notion de biocarburants laisse croire que cette source d'énergie est vertueuse, ce qui est loin d'être le cas, tant pour des raisons économiques, qu'environnementales ou sociales. Une étude de la FAO a démontré que leurs émissions de gaz à effet de serre sont parfois aussi importantes que celles des carburants fossiles. Leur impact négatif sur la forêt, l'eau, la sécurité alimentaire, avec la hausse des prix des produits alimentaires et l'accaparement des terres, a été mis en évidence. Toutes questions qui dépassent de loin le cadre étriqué de la procédure parlementaire imposée sur ce texte.

Pendant que nous ratifions ces directives, l'Union européenne a été mandatée pour négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. L'harmonisation internationale des normes continue. Le Parlement a encore un temps de retard. Les différences restent considérables, notamment dans les normes sanitaires, avec les États-Unis. Des décisions cruciales nous échappent. Le groupe CRC préfère s'abstenir. (Mme Annie David applaudit)

Mme Delphine Batho, ministre .  - Je salue la qualité du travail parlementaire et celui du Sénat en particulier, qui est tout sauf une chambre d'enregistrement.

Nous en sommes au treizième ou quatorzième DDADUE, qui regroupe dans un même texte la transposition de plusieurs directives. La question de la surtransposition a été évoquée aux états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. La France compte 0,3 % de textes non transposés, contre une moyenne européenne de 0,6 %. C'est pour éviter des surtranspositions que j'ai donné des avis défavorables à de nombreux amendements.

Sur les biocarburants, j'ai marqué à l'Assemblée nationale que le changement d'affectation des sols pose un vrai problème. Nous soutenons l'idée d'un plafonnement. L'enjeu est de passer des biocarburants de première génération à la deuxième génération, pour éviter les impacts négatifs sur l'environnement. Il est vrai que le terme d'agrocarburants est restrictif.

Pour les Plans de prévention des risques technologiques (PPRT), le texte marque un vrai progrès.

J'ai signé avant-hier la circulaire sur ces PPRT, qui simplifie des dispositions bloquant l'implantation de certaines entreprises. Nous simplifions, mais en respectant le principe de non-réversibilité du droit protégeant l'environnement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.  - En application de notre Règlement, aucun amendement n'est plus recevable, s'il n'émane pas du Gouvernement. Le Sénat statue par un seul vote.

ARTICLE 31

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I. - Les articles 1er, 3, 4 et 5 entrent en vigueur le 1er juin 2015.

Mme Delphine Batho, ministre.  - Il s'agit d'une correction d'erreur matérielle.

Mme Odette Herviaux, rapporteure.  - La commission ne s'est pas réunie. Cet amendement va dans le bon sens. Les articles 3 bis A et 3 quater sur les PPRT sont très attendus par les particuliers et les collectivités territoriales. À titre personnel, je suis très favorable.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je saisis cette occasion pour vous interroger madame la ministre, sur la situation du PPRT relatif à l'installation de stockage de gaz GPL dans la commune de Le Merlerault, dans l'Orne.

Des habitants doivent quitter leurs habitations. Les communes concernées supportent une part importante du coût d'indemnisation des propriétaires. Parfois, la plume de celui qui trace le périmètre de protection dessine un grand parapluie pour éviter que les fonctionnaires s'exposent un jour à la mise en cause de leur responsabilité pénale... C'est un sujet complexe, sur lequel je tenais à vous alerter.

L'amendement n°1 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir .  - Dans l'Orne, il existe un projet de centre d'enfouissement des déchets industriels en cours d'implantation, à Nonant-le-Pin, à proximité du haras national, qui est en quelque sorte le Versailles du cheval, qui devrait figurer au patrimoine de l'Unesco et qui va accueillir en 2014 les Jeux équestres mondiaux. Pourquoi installer ce centre là ? Nombre d'élus ont relayé les inquiétudes de la population. Vous avez demandé, madame la ministre, une contre-expertise à un hydrogéologue, ce qui a suscité beaucoup d'espoir.

Las, l'expert que vous avez désigné a estimé avant-hier qu'il n'y avait aucun problème. J'aimerais connaître votre opinion, madame la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre.  - C'est une séance de questions au Gouvernement ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Non, mais j'utilise le temps de parole accordé par la présidente, qui conduit nos débats. Un autre sujet : nous avons voté la loi du 13 juillet 2011 qui interdit l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels. Il est apparu à M. Bataille et à moi-même que vous aviez signé une circulaire qui interdit l'étude sismique des sous-sols. Nous allons vous demander de la retirer car elle est illégale, madame la ministre.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Cette intervention relève plutôt d'une question orale.

Mme Delphine Batho, ministre .  - Le PPRT du Merlerault que vous évoquez est très complexe au plan financier. Le périmètre de danger résulte d'une analyse technique des risques. Nous y reviendrons.

Concernant la décharge de Nonant-le-Pin, le projet - que le précédent gouvernement a laissé faire - est inopportun. C'est lui qui, pour des raisons que je ne m'explique pas, n'a pas fait appel de la décision de justice enjoignant de construire cette installation. J'ai demandé au préfet de réexaminer le dossier mais la décision de justice a autorité de chose jugée. J'ai fait procéder à une contre-expertise dont j'ai eu récemment les résultats. Il n'y aura pas d'impact hydrologique, ce qui ne veut pas dire que ce centre soit opportun.

La loi du 13 juillet 2011 pose en son article premier un principe absolu d'interdiction d'exploration et d'exploitation. C'est votre droit de le regretter, mais elle a été votée sous la précédente majorité. Ma circulaire s'assure de la mise en oeuvre concrète de cette loi qui doit être respectée. C'est à ce titre que la demande de permis de recherche d'hydrocarbures de Brive, qui en apparence n'avait pas recours à ces techniques, a été rejetée. La circulaire sera maintenue.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Il faut supprimer les géologues !

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

La séance est suspendue à 10 h 40.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Caisses d'allocations familiales (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la situation des caisses d'allocations familiales.

M. André Gattolin .  - « Nous sommes au bord de la rupture » : tel est le constat du président du conseil d'administration de la Cnaf. Les syndicats parlent de situation catastrophique. Dans les Bouches-du-Rhône, plus de 100 000 dossiers sont en retard. La CAF joue pourtant un rôle essentiel d'amortisseur social face à la crise. Dans les Hauts-de-Seine, plus de 20 % des allocataires touchent le RSA.

La RGPP a fait fondre les budgets alloués aux caisses. Comment assurer une meilleure gestion avec toujours moins de moyens ? La situation des agents des caisses se dégrade et les demandes d'avance de salaires se multiplient.

Le groupe écologiste souhaite connaître les orientations du ministre de la famille pour améliorer les conditions de travail des agents des CAF, dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur certains bancs socialistes)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Nous veillerons à ce que figurent dans la convention les améliorations des conditions de travail des agents. Il faudra aussi aménager des locaux souvent vétustes. La convention d'objectifs et de gestion comportera un volet immobilier ; c'est ainsi qu'à Montbéliard des travaux ont amélioré l'accueil. Elle comportera aussi un volet « ressources humaines » qui mettra l'accent sur les conditions de travail, la prévention des risques psychosociaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Gattolin.  - Dans le contexte de restriction budgétaire, ces améliorations sont essentielles. Il faut aussi penser aux revenus des agents, dont les loyers ne cessent d'augmenter. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Yvon Collin .  - Dans le contexte de crise et de chômage, les CAF jouent plus que jamais leur rôle d'amortisseur social et de rempart contre la précarité. Elles reçoivent 19 millions de visites par an, 75 millions de lettres et 16 millions d'appels téléphoniques. Les agents sont surchargés, la baisse des effectifs dans le cadre de la RGPP ayant aggravé la situation. Ils doivent affronter la détresse au quotidien et l'accueil du public se dégrade. La convention d'objectifs et de gestion doit aboutir à une meilleure maîtrise de la charge de travail, afin que les CAF assument pleinement leurs missions de service public. (Applaudissements)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Nous sommes au moins d'accord sur le constat. La crise engendre un surcroît de travail. La gestion du RSA pèse lourd. Tout de même, sur ce tableau très sombre, je tiens à souligner combien le rôle des CAF est déterminant, pour accueillir, écouter, prendre en charge. Le stock atteint depuis décembre 2012 est le plus élevé jamais enregistré. La maîtrise de la charge de travail est un objectif prioritaire de la future convention d'objectifs et de gestion. Il faudra poursuivre la simplification administrative amorcée, la dématérialisation ; une réflexion sur l'évolution des effectifs est également engagée.

M. Yvon Collin.  - J'en prends acte. Je n'ai pas noirci le tableau : nous savons ici, sur tous les bancs, combien la situation est préoccupante. Nous comptons sur la diligence du Gouvernement.

Mme Caroline Cayeux .  - La complexité des formulaires et le nombre de documents à fournir transforment toute demande de prestation en parcours du combattant.

Dans l'Oise, la CAF reçoit plus de 200 000 visites et 340 000 appels téléphoniques. Pour une demande d'aide au logement, il faut au moins une dizaine de justificatifs que certains allocataires peinent à comprendre. Je suis consciente qu'il faut lutter contre la fraude mais un allègement de la gestion des dossiers répondrait aux voeux de tous. J'espère que la convention d'objectifs et de gestion sera à la hauteur des espérances des CAF et de leurs allocataires, alors que la demande sociale explose. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Une simplification doit à la fois faciliter les démarches des allocataires et la tâche des agents, afin que les mêmes documents ne soient pas demandés plusieurs fois de suite pour des prestations différentes. À terme, à partir de 2014, l'ensemble des formalités pourraient être effectuées sur Internet. Les échanges avec les services fiscaux, les bailleurs sociaux, les Maisons départementales des personnes handicapées peuvent encore être améliorés. La simplification du RSA, de la gestion des allocations logement a commencé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Caroline Cayeux.  - Merci pour ces précisions. Je me permets néanmoins de vous rappeler que les allocataires n'ont pas tous Internet. La dématérialisation n'est pas toujours bien comprise et doit être mieux expliquée. Il ne s'agit pas d'augmenter les charges des CAF, mais de simplifier leur gestion.

Mme Valérie Létard .  - Les acteurs locaux des politiques familiales se posent de nombreuses questions. L'équilibre charges/moyens des CAF est déjà précaire. Pouvez-vous confirmer la création de 700 emplois dont 500 emplois d'avenir en 2013-2014 ? Est-il vrai que les caisses auront à en rendre 1 500 en 2016-2017 ? Cela signifierait une diminution in fine...

Il y a dix ans, le service petite enfance d'une commune remplissait un document ; il en faut désormais une demi-douzaine. Les caisses ont été priées de formuler des propositions concrètes de simplification. Comment allez-vous les prendre en compte ?

Vous avez annoncé une augmentation de 7,5 % du Fonds national d'action sociale sur la période de la convention d'objectifs et de gestion, pour financer un plan petite enfance et la réforme des rythmes scolaires. Mais, dans le même temps, les caisses départementales verraient leur dotation d'action locale baisser de 7,5 à 8 %. Est-ce exact ? Vous ne souhaitez pas que la diversité devienne disparité. Elle ne doit pas non plus devenir uniformité.

Pouvez-vous confirmer que la prochaine convention d'objectifs et de gestion garantira la continuité du régime de gouvernance aménagée, à travers ses commissions territoriales, propre à la CAF du Nord et garante de l'équilibre de ses territoires ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Tour de force que de répondre en deux minutes sur l'ensemble de la politique familiale ! Lors de la précédente convention d'objectifs et de gestion, le Fonds national d'action sociale est passé de 4 à 4,6 milliards d'euros. Il passe cette fois à 6,6 milliards. Un fonds d'accompagnement est créé pour aider les communes et un autre pour corriger les inégalités territoriales, dotés l'un et l'autre de 100 millions d'euros, tandis que 250 millions d'euros seront consacrés à la réforme des rythmes scolaires.

L'effort est substantiel. À un moment, il faut faire des choix ; le nôtre est de nous attaquer à ces inégalités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Valérie Létard.  - Le personnel des caisses a besoin d'être rassuré sur le maintien des effectifs. Les personnes en grande difficulté sont de plus en plus nombreuses ; elles doivent être accompagnées. Quel sens y a-t-il à augmenter une enveloppe si, dans le même temps, on réduit les dotations des collectivités locales ?

Mme Jacqueline Alquier .  - La CAF du Tarn doit gérer de nouvelles missions (RSA et RSA jeunes) qui alourdissent sa charge de travail et occasionnent un grand nombre d'« indus non intentionnels ». Le remboursement de sommes versées à tort concerne un allocataire sur deux et fait suite à une erreur de l'usager ou de l'organisme payeur. Une erreur, pas une fraude. Cela a conduit la Cour des comptes à refuser de certifier les comptes 2011 de la branche famille.

Malgré les fermetures auxquelles certains accueils de CAF ont dû recourir pour traiter les dossiers en attente, les retards continuent de s'accumuler. Le recrutement de 1 257 postes avait été autorisé par l'État dans le cadre de la dernière convention, pour faire face à la prise en charge du RSA. Il n'a pas eu lieu. Pourquoi ?

Dans ce contexte, la négociation de la prochaine convention est de la plus haute importance. La mutualisation des moyens pourrait améliorer les choses mais la vraie solution serait de créer des postes. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - La question des indus doit être appréhendée de façon globale. L'objectif comptable est indispensable. Ces difficultés sont dues à la complexité de certaines prestations qu'il faut faire évoluer au même rythme que les revenus des allocataires. Il faut payer à la fois vite et sans erreur... Une mission de l'Igas et de l'IGF travaille là-dessus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Jacqueline Alquier.  - Vous semblez avoir pris la mesure du malaise. Vous promettez des simplifications administratives et fiscales. C'est de bon augure. Mais j'insiste pour que soit abordée la question des effectifs et des conditions de travail.

Mme Isabelle Pasquet .  - L'emploi est source d'inquiétude à la veille de la future convention. Des réductions d'effectifs seraient annoncées : on ne rompt pas avec l'esprit de la RGPP... Les besoins sont pourtant immenses. Le président du conseil d'administration de la Cnaf estime que 71 % des CAF sont submergées. À Marseille, toutes les caisses ont dû fermer leur accueil pendant quinze jours pour rattraper le retard. Certes, 500 emplois d'avenir sont annoncés, mais ils ne sont pas durables. C'est un double gâchis pour les CAF et ces jeunes.

Avec une réduction de 1 500 emplois contre l'embauche de 500 emplois d'avenir, comment assurer aux allocataires un haut niveau de service et un traitement de qualité de leurs dossiers dans des délais raisonnables ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - La convention d'objectifs et de gestion n'est pas encore signée. Attention aux chiffres que vous annoncez. Des effectifs supplémentaires seront affectés lors des deux premières années de la nouvelle convention. La branche sera autorisée à remplacer tous les départs à la retraite et à recruter des agents supplémentaires, dont au moins 500 emplois d'avenir ; s'il est de bon ton de les décrier, ils sont tout de même conclus pour trois ans, ce n'est pas rien. Les effectifs sont donc renforcés. Ensuite, il faudra veiller à simplifier les procédures et poursuivre les efforts pour faire en sorte de réaliser une adéquation entre la charge de travail et les effectifs.

La situation de la CAF des Bouches-du-Rhône est très particulière. Il y a là un énorme problème de gouvernance, au point qu'un administrateur provisoire a dû être nommé.

Mme Isabelle Pasquet.  - Dans les Bouches-du-Rhône, la situation est certes particulière, mais surtout explosive. Il faudra bien trouver des solutions.

Pour la simplification et la dématérialisation des procédures, je demande à voir... La qualité du travail des agents de Pôle emploi en a pâti. Maintenons les emplois, plutôt que de les réduire. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Catherine Procaccia .  - Vous avez annoncé une augmentation des places de crèche, la baisse de la Paje, une allocation de 450 euros pour les 18-25 ans qui ne sont ni à l'école, ni au travail ni en formation, la baisse du quotient familial, etc. Je n'approuve aucun de ces choix mais telle n'est pas ma question, celle-ci touche à leur incidence sur la situation des CAF. Comment avancer quand on ne connaît pas les règles du jeu ?

Des effectifs supplémentaires ? Certes, mais la charge de travail s'accroît. Dans le Val-de-Marne, l'engorgement est tel qu'il faudra bientôt passer par Internet, ce qui ne facilitera pas les choses pour les allocataires les plus démunis.

Il est question que, pour l'Allocation de soutien familial, les CAF puissent procéder par prélèvement direct auprès des employeurs. Le confirmez-vous ? Et pourquoi faudrait-il attendre 2016 pour que toutes les mères puissent en bénéficier ?

Comment les CAF pourront-elles vérifier si les jeunes sont en rupture de famille pour leur verser l'allocation spécifique ? (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Toute la politique familiale y passe ! Comment répondre à toutes ces questions en deux minutes ?

Tout le monde n'a certes pas Internet. Mais la CAF de Montbéliard a eu une initiative intéressante : offrir un service Internet à l'accueil, afin que chacun puisse apprendre à se servir de cet outil et l'utiliser même sans disposer d'ordinateur personnel.

Le RSA jeunes venait de vos rangs. Sa complexité empêche de nombreux jeunes d'en profiter : ils ne sont que 10 000 à le percevoir. Le Gouvernement envisage de le réformer. Un rapport me sera remis dans quelques jours.

Mme Catherine Procaccia.  - Vous ne m'avez pas répondu. Je ne parlais pas du RSA jeunes mais de l'allocation pour les jeunes en rupture de famille. Pour le recouvrement des pensions, comment comptez-vous procéder ?

M. Ronan Kerdraon .  - La caisse maritime des allocations familiales née, il y a dix ans, de la fusion des CAF commerce et pêche, accompagne les familles de marins en versant les prestations familiales et joue un rôle d'Urssaf. Elle développe également une action adaptée aux spécificités du monde maritime et assure une homogénéité de traitement sur l'ensemble du littoral ; elle coopère avec l'Établissement national des invalides de la Marine. Elle assure l'homogénéité de traitement sur tout le territoire pour les gens de mer ; elle compte 22 000 bénéficiaires en Bretagne.

Alors que la convention d'objectifs et de gestion va être signée, les allocataires de la caisse maritime seraient répartis dans les CAF départementales. Cette disparition de la caisse maritime serait un signal négatif alors que la France veut développer une politique maritime ambitieuse. Les marins risquent de souffrir de cette suppression qui ne rapporterait aucune économie. Que compte faire le Gouvernement pour rassurer les gens de mer ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le futur projet de loi sur le droit des femmes contiendra les réponses aux questions de Mme Procaccia ; pas d'impatience !

Il convient de faire fusionner la Cmaf avec la Cnaf : le nombre de ses allocataires n'est que de 6 388 quand la plus petite CAF en a 17 000. Le ratio frais de gestion/prestations est très mauvais.

Une réflexion doit être menée pour ne pas heurter les gens de mer, tout en rapprochant les systèmes afin de rendre les services offerts plus efficaces. Avec M. Cuvillier, je travaille à la meilleure adéquation du système pour une plus grande efficacité.

M. Ronan Kerdraon.  - Le conseil supérieur des gens de mer a réaffirmé son attachement à la Cmaf. Ses allocataires doivent bénéficier de toutes les allocations versées par les CAF. Des simplifications sont nécessaires. Les marins sont une profession à risque, leurs rémunérations sont fragiles ; ils sont attachés à leur caisse.

M. Alain Fouché .  - Les CAF doivent participer au financement des fonds d'amorçage pour la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires. Mais la Cnaf estime qu'elle n'aura pas les moyens d'abonder ce fonds.

Deuxième point : les CAF sont en sous-effectifs. En Haute-Vienne, les retards s'accumulent. Le traitement dans un délai de dix jours a été difficile à respecter depuis 2013. Pouvez-vous nous donner des éléments chiffrés sur les effectifs ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Sur les effectifs, j'ai déjà répondu. Les 250 millions affectés à la réforme des rythmes scolaires s'ajouteront aux crédits consacrés au financement des activités périscolaires. Le fonds d'amorçage sera abondé par la Cnaf et une prestation de service spécifique sera versée de façon pérenne. Cette aide financera les heures périscolaires induites par la réforme et sera versée pour trois heures par semaine et 36 semaines par an. Le montant de l'aide sera de 53 euros par élève. Pour les communes qui se sont engagées dans cette réforme, elles bénéficieront des 50 euros du fonds d'amorçage et des 50 euros de la prestation spécifique, sachant que le coût global d'une heure est de 130 euros.

M. Alain Fouché.  - Les emplois d'avenir devront être pérennisés. Sur les rythmes scolaires, la Cnaf fera un effort mais qui sera insuffisant pour les communes. Les maires vont se tourner vers les conseils généraux pour être aidés. L'État doit intervenir.

Hommage à une délégation québecoise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je suis particulièrement heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de l'Assemblée nationale du Québec, conduite par son président M. Jacques Chagnon et accompagnée par M. Jean-Claude Carle, président du groupe d'amitié France-Québec, et des membres de ce groupe.

Cette visite s'inscrit dans le cadre des échanges interparlementaires prévus par le « Protocole d'accord entre le groupe d'amitié France-Québec et la Délégation de l'Assemblée nationale du Québec pour les relations avec le Sénat français », protocole dont nous fêtons le 10e anniversaire.

Lors de cette session de travail interparlementaire, les thèmes d'étude qui ont été retenus sont : la conservation et la valorisation du patrimoine culturel et naturel ; les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale. Outre un programme dense d'auditions et d'entretiens à Paris sur ces deux thèmes, la délégation se rendra à Metz et à Marseille.

Nous souhaitons à nos amis québécois un séjour et des échanges fructueux, en formulant le voeu que cette session de travail interparlementaire contribue à l'amélioration de nos législations respectives dans les domaines étudiés. Nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 15 h 55.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 16 heures.

Dépôt d'un document

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l'avenant n°2 à la convention du 20 octobre 2010 entre l'État et l'Agence nationale de la rénovation urbaine relative au programme d'investissements d'avenir, action « Internats d'excellence et égalité des chances ». Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission de la culture.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé d'avancer au mercredi 3 juillet, à 14 h 30, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, initialement prévue le lundi 15 juillet. En conséquence, le Sénat ne siègera pas le lundi 15 juillet.

Par ailleurs, le président de la commission des lois, après consultation des groupes, a demandé que le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, et le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique fassent l'objet d'une discussion générale commune. Le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera de trois heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Merci d'avoir bien voulu prendre en compte cette demande.

M. le président.  - Il en est ainsi décidé.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Représentation des Français hors de France (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la représentation des Français établis hors de France.

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Le débat a eu lieu. Il a été riche. Ce projet de loi tient le plus grand compte des orientations du Sénat et de l'Assemblée nationale, de nombreuses modifications y ont été apportées. Je me réjouis de l'abstention de l'opposition à l'Assemblée nationale. Cette avancée a pu un temps paraître incertaine, tant les positions des deux assemblées furent un temps éloignées. Les rapporteurs ont beaucoup travaillé pour rapprocher les points de vue. Le nom de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) a en particulier été préservé ; j'en suis heureuse. Ces évolutions ont conduit votre rapporteur à proposer l'adoption sans modifications du texte de l'Assemblée nationale. Qu'il en soit remercié.

Ce texte réaffirme après Clemenceau que « le peuple est le seul à pouvoir faire vivre la démocratie ». La création des conseils consulaires est une grande réforme politique qui remet le citoyen au coeur de l'action publique. La discussion sur la place de l'AFE était nécessaire, moderniser la représentation politique suppose de réfléchir au statut de celles et ceux qui la font vivre. La position commune des rapporteurs est symbolique de ce que le Gouvernement a voulu apporter : un progrès démocratique pour les Français.

Certains d'entre vous ont appelé par voie de presse à des états généraux de la citoyenneté. Pour quoi faire, alors que ce projet de loi permet l'élection au suffrage universel direct, à la proportionnelle, d'un plus grand nombre d'élus de proximité ? Alors qu'il renforce les compétences des conseillers et leur champ d'action ? Et en toute transparence ! Quel paradoxe ! En vous attachant au seul statut des futurs membres de l'AFE, vous passez à côté de l'objectif d'une loi courageuse qui fait bouger des lignes inchangées depuis trente ans. On peut rêver - la réforme de l'AFE était sans doute le rêve dont vous aviez besoin électoralement - mais le Gouvernement a préféré faire vivre, avec ce projet de loi, l'espoir d'une implication plus grande de nos expatriés, d'une démocratie modernisée, d'un travail en réseau des futurs conseillers, d'un échange d'expériences, d'une nouvelle assemblée au rôle renforcé et aux compétences clarifiées. Elle élira son président, débattra des dispositions du projet de loi de finances qui concernent les Français de l'étranger. Cette assemblée reste consultative mais tient son destin entre ses mains. À elle de saisir cette opportunité, à elle de devenir une instance écoutée et reconnue pour son expertise. C'est le voeu que je forme et le pari que je prends.

Je remercie sincèrement les deux assemblées pour le travail accompli. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois .  - Un consensus s'est établi à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le besoin de réformer l'AFE, qui avait elle-même, à de nombreuses reprises, fait des propositions. Ce texte concrétise bien des attentes. Dans l'urgence, chaque assemblée a travaillé de façon indépendante, les principaux désaccords nous séparant sur le mode d'élection et le contenu du rapport du Gouvernement. Nous aurions dû les surmonter en CMP. La deuxième lecture à l'Assemblée nationale a permis de rapprocher les positions.

M. Christian Cointat.  - Ah bon ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Nous aurions pu travailler dans de meilleures conditions et rédiger mieux. Mais dans le contexte de l'urgence, je rends hommage à mon collègue député Hugues Fourage pour son sens du compromis.

Nous nous sommes rapprochés sur le nom : nous revenons à l'AFE, qui permet aux élus à cette assemblée de parrainer des candidats à la présidence de la République, et vous savez quel rôle ils jouent en ce domaine. Quant au rôle des associations, dont nous avions débattu à l'initiative de Gaëtan Gorce, nous revenons au droit commun électoral - mais leur rôle historique est reconnu.

Sur le vote, l'Assemblée nationale a préféré revenir à un scrutin indirect. Je l'ai accepté dans le cadre d'un compromis sur le nom de l'assemblée et l'augmentation du nombre de conseillers. Je regrette que la politique culturelle ne figure plus dans le rapport du Gouvernement à l'AFE ; mais l'assemblée elle-même pourra s'en saisir.

Il était nécessaire d'ouvrir des circonscriptions en plus grand nombre pour assurer la pluralité des choix : d'où le compromis auquel nous sommes parvenus à quinze circonscriptions. L'élection des conseillers à l'AFE restera bien une élection de proximité. Compte tenu du vote électronique et du calendrier de sortie des listes électorales, nous nous sommes ralliés à la position de l'Assemblée nationale de tenir les élections en mai plutôt qu'en mars simultanément avec les municipales. Nous essayerons de modifier les choses à l'avenir pour que ces deux élections soient concomitantes.

Sur la propagande électorale, le débat a été riche en première lecture. Nous avons rétabli l'obligation de l'envoyer par courrier ou par voie électronique à l'ensemble des électeurs.

Pour la première fois, nous avons limité à trois le nombre de mandats consécutifs.

On eût pu vouloir une réforme plus ambitieuse, par exemple créer une collectivité d'outre-frontières... mais nous avons tous les outils pour faire de la présente réforme un succès.

Nous avons tous beaucoup appris de l'AFE. Je rends hommage à cette assemblée et à ses membres. (M. Christian Cointat s'exclame)

Le dispositif mis en place doit servir une ambition pour les Français de l'étranger. Leur représentation est un enjeu pour la France. Grâce à leurs représentants, notre pays pourra tirer le maximum de leur expérience. Beaucoup de Français quittent leur pays en le regrettant. Les nouvelles structures, les conseils consulaires, l'AFE, leur donneront de nouveaux moyens d'expression et de participation à la vie démocratique du pays.

À ceux qui s'inquiètent, je rappelle que beaucoup de sujets sont désormais du domaine législatif. De la qualité du travail réglementaire à venir dépend néanmoins beaucoup l'avenir de cette réforme. Le niveau de participation aux élections sera aussi déterminant.

Je vous invite à voter ce texte conforme, afin que cette réforme entre en vigueur le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Kalliopi Ango Ela .  - Nous nous félicitons de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juin qui a déclaré conforme à la Constitution le texte adopté le 19 mars dernier au Sénat pour prolonger le mandat des membres de l'AFE. C'était un préalable nécessaire à la réforme d'aujourd'hui.

Les deux assemblées ont déployé des visions différentes en première lecture. Certains points qui nous sont chers ont finalement trouvé un écho au palais Bourbon en deuxième lecture. Certains points demeurent insatisfaisants, mais la pratique ou des textes réglementaires pourront y remédier.

L'AFE conserve son nom, qui nous tient à coeur ; au-delà du symbole, la possibilité de parrainage des candidats à l'élection présidentielle est préservée. Je me félicite que les députés aient limité dans le temps le nombre de mandats successifs des conseillers consulaires - je regrette que notre amendement allant dans le même sens n'ait pas été adopté. L'accès des femmes, des jeunes et de la diversité aux mandats électifs en sera facilité - à l'inverse du clientélisme.

Mme Claudine Lepage.  - Très bien !

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Les Français de l'étranger sont une fois de plus précurseurs, comme ils l'ont été avec le vote électronique. Mais je regrette que l'élection au suffrage universel direct des conseillers à l'AFE n'ait pu, pour des motifs constitutionnels, être conservée...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. André Ferrand.  - Pourquoi ?

M. Christian Cointat.  - Cela ne tient pas la route !

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Si je déplore le défaut de compétence régionale de ces futurs conseillers, j'espère que les avis de la future AFE seront entendus. Nos deux chambres devront user de la faculté ouverte à leurs présidents de la consulter.

Je souhaite que le rôle des associations représentatives des Français de l'étranger, même s'il doit être revisité, ne soit pas minimisé ; elles concourent à la vie démocratique de la Nation. Peut-être ce rôle aurait-il pu être mieux formulé, mais il est inscrit à l'article premier bis.

M. Richard Yung.  - Très bien !

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Nos élus à l'AFE demandent à être rassurés sur les mesures réglementaires qui doivent être prises dès après le vote du projet de loi.

Sous ces réserves, le groupe écologiste attend beaucoup de cette réforme. Confiant dans la mise en oeuvre de ce texte, il le votera. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

Mme Christiane Kammermann .  - Si je ne me suis pas exprimée jusqu'à présent à cette tribune sur cette réforme de cette magnifique institution qu'est l'AFE, c'est que j'étais abasourdie, stupéfaite et choquée. Les bras m'en tombaient, comme tombaient ceux des femmes et des hommes qui, à travers le monde, portent inlassablement et courageusement la bonne parole. Quel empressement à agir, madame la ministre, vous qui pourtant venez de nos rangs ! Vous nous avez mis devant le fait accompli, en décidant de balayer sans concertation une institution utile et bien rodée.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Très bien !

Mme Christiane Kammermann.  - On ne peut claquer la porte de la sorte en tirant un trait sur soixante années de construction intelligente et courageuse. S'il y avait eu concertation, nous aurions été les premiers à vous écouter. Comme vous, nous partageons l'objectif d'une meilleure représentation des Français de l'étranger. Certains conseillers verront leur mandat amputé de deux ans, le mandat de tous sera affaibli, leurs moyens seront diminués, alors qu'ils représentent la France avec brio, bravent guerres et dangers de toutes sortes. Ils portent très haut les couleurs de la France.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Très bien !

Mme Christiane Kammermann.  - Je le sais pour avoir été vingt ans délégué au Conseil supérieur des français de l'étranger pour l'Irak, la Jordanie, la Syrie et le Liban - j'ai vécu toute la guerre du Liban... Quel sera le véritable rôle des conseillers de l'AFE nouvelle mouture ? Nous parlementaires ne participerons pas aux travaux de l'AFE, sauf si on nous y invite... J'ai du mal à y croire... Comment porterons-nous la voix de nos compatriotes si nous ne sommes pas associés aux travaux de l'AFE ? De même pour les grandes associations représentatives, l'Union des Français de l'étranger pour la droite, l'Association démocratique des Français de l'étranger pour la gauche.

À votre façon d'agir, il semble que nous ne représentions rien, peanuts comme on dit familièrement... Les Français de l'étranger ne doivent pas être oubliés, madame la ministre. Ce projet de loi eût pu offrir l'occasion de moderniser l'AFE, de l'ancrer dans la mondialisation au lieu d'avoir pour seule ligne de mire les sénatoriales de 2014 !

M. Richard Yung.  - Oh !

Mme Christiane Kammermann.  - Avant de fermer le ban, madame la ministre, pensez à accrocher à la poitrine de chacun des conseillers de l'AFE une médaille de France en reconnaissance de ce qu'ils ont fait pour le pays ! (Bravos et applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Je déplore l'échec de la CMP sur un texte qui, certes, avait des limites, mais traite d'un sujet important. Les récentes législatives partielles ont montré que la représentation des Français de l'étranger fonctionne mal, avec des taux d'abstention record - 91 % pour la circonscription qui va de l'Italie à Israël - qui ne manifestent pas une volonté de sanctionner une option politique mais une défiance et une désaffection généralisées de nos concitoyens envers ceux qui les représentent. Un mode de représentation juste et inspirant confiance peut revivifier la démocratie. Ce fut le mouvement initial de ce texte. Pourtant, cette réforme manque d'ambition et de clarté, notamment sur le redécoupage des circonscriptions. D'où le blocage que nous avons constaté.

Sur la promotion de la démocratie de proximité ou l'élargissement du corps électoral des sénateurs, l'Assemblée nationale a repris pour l'essentiel les propositions du Sénat. De même pour la clarification des compétences et l'indépendance renforcée de l'AFE. Je regrette cependant que cette réforme ne soit pas à la hauteur des problèmes à résoudre. La révision constitutionnelle de 2008, avec la création de députés représentant les Français de l'étranger, a superposé différents niveaux de représentation. Pourquoi accorder à une catégorie spécifique de citoyens une représentation supplémentaire ? À la lumière des derniers résultats électoraux, la vie démocratique n'y a guère gagné... Ce déséquilibre a rendu plus nécessaire encore le mode de représentation dont nous discutons aujourd'hui.

La création des conseillers consulaires, la proportionnelle vont dans le bon sens, comme l'extension des pouvoirs des conseillers à l'AFE - mais leur avis reste consultatif...

Le système prévalant antérieurement était injuste et les écarts de représentation démographique intolérables. Sur ce point la réforme proposée est très limitée. Elle paraît encore inachevée. L'opposition sénatoriale a voulu y voir une manoeuvre politicienne. Cette polémique masque mal la volonté de ne pas toucher à une situation anormale qui voit des sénatrices et des sénateurs élus avec un nombre extrêmement faible de grands électeurs...

M. Christian Cointat.  - Nous réclamons depuis des années que ce système change ! Et avant vous !

M. Richard Yung.  - Ce n'est pas vrai !

M. Christian Cointat.  - Sous Jospin !

Mme Catherine Tasca.  - Vous avez eu dix ans pour le faire changer !

M. Richard Yung.  - Qu'avez-vous fait ?

Mme Éliane Assassi.  - À nos yeux, le nombre de conseillers consulaires aurait dû être augmenté dans de bien plus fortes proportions.

Enfin la réforme se fait à moyens constants - l'absurde politique d'austérité continue, avec les risques qu'elle fait peser sur notre réseau diplomatique, consulaire et culturel. Les représentants des Français de l'étranger devraient s'exprimer pour lutter contre la perte d'influence de notre pays dans le monde et le rétrécissement des services publics à leur disposition.

Malgré ces réserves, parce que les points importants de ce texte rendront la représentation de nos compatriotes expatriés plus démocratique, nous le voterons. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca .  - Ce texte a nécessité un dialogue constructif entre la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale. Il est clair et cohérent, issu d'un compromis qui préserve le double objectif du projet de loi initial du Gouvernement : proximité et démocratisation, avec le suffrage universel direct pour les conseillers consulaires et l'élargissement du collège électoral des sénateurs représentants les Français de l'étranger. Je salue le travail considérable de Jean-Yves Leconte et Hugues Fourage, qui ont travaillé ensemble pour rapprocher les points de vue des deux assemblées.

Le mode de scrutin retenu en première lecture au Sénat pour les conseillers à l'AFE présentait de sérieux risques d'inconstitutionnalité. Le scrutin indirect est la meilleure solution pour faire aboutir cette réforme. Les conseillers à l'AFE y seront élus par leurs pairs, les conseillers consulaires. Les députés ont accepté de faire un pas symbolique vers le Sénat en maintenant le nom d'AFE. Restait en suspens la question du nombre des circonscriptions d'élection des conseillers à l'AFE. Le Sénat avait proposé vingt, l'Assemblée nationale l'a réduit à cinq. Une solution médiane à quinze a été trouvée puis validée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Le compromis s'imposait ; 444 conseillers consulaires élus au suffrage direct éliront les 90 conseillers à l'AFE. Avec les délégués supplémentaires et les députés, ils éliront les douze sénateurs représentant les Français de l'étranger. Au moment où les élections partielles ont confirmé la trop faible participation aux élections à l'étranger, il est important de voter ce texte. Cette réforme est bienvenue et à l'honneur du travail parlementaire. Le groupe socialiste votera conforme le texte de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - En dépit du recours à l'urgence le mariage pour tous et l'échec de la CMP ont finalement retardé ce débat. La réforme, nous la voulions mais celle-ci est mauvaise, et vous le savez, madame la ministre.

L'abstention ne cesse d'augmenter : les Français de l'étranger ne comprennent pas ce millefeuille institutionnel. Au lieu de l'alléger, vous l'alourdissez, vous retirez de nombreux moyens aux Français de l'étranger. Il y aura deux nouvelles catégories d'élus ; l'AFE se perdra dans un no man's land institutionnel.

Face à l'abstention, il aurait fallu poser un véritable diagnostic. Non, vous estimez l'AFE seule responsable de l'abstention. Sept sénateurs ont écrit à Laurent Fabius pour suspendre cette réforme en attendant la convocation d'états généraux, pour sortir de l'imbroglio mais cette solution n'a pas été retenue.

La concertation aurait eu lieu, dites-vous. Mais l'AFE a émis un vote unanime en 2012, et vous en étiez encore membre : vous l'ignorez ! En matière de consultation, le Gouvernement dicte les réponses en même temps qu'il pose les questions.

Quel signal inquiétant pour l'avenir !

L'échec de la CMP est secondaire. Certes, l'élection de l'AFE au suffrage universel direct est indispensable, mais le problème tient à l'absence de rôle de la future AFE. Le pouvoir réglementaire décidera d'octroyer ou non une marge de manoeuvre à ces nouveaux élus. Les conseillers consulaires feront de la figuration, faute de moyens. Ils ne pourront même pas entreprendre une action commune auprès de leur ambassade !

La suppression du vote par correspondance ne permettra pas de combattre l'abstention. L'AFE avait proposé un élargissement du corps électoral mais sa proposition a été balayée. Nous pensons qu'en réalité cette réforme vise surtout un remodelage politicien du corps électoral en vue des sénatoriales de 2014.

J'espère que les états généraux de la citoyenneté à l'étranger auront lieu avant la publication des décrets d'application, pour prendre en compte les besoins de terrain.

Les Français de l'étranger méritaient vraiment mieux que cette réforme bâclée, qui consomme tant de temps parlementaire alors qu'il y a des sujets essentiels sur lesquels nous aurions dû travailler. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung .  - Je ne vais pas revenir sur le contenu même de ce texte que notre groupe votera conforme.

M. Christian Cointat.  - Nous en prenons acte.

M. Richard Yung.  - Cette réforme repose sur trois piliers, les trois piliers de la sagesse : la démocratie locale, une AFE réformée et la réforme du collège électoral sénatorial.

Au moins deux mesures sont approuvées. On peut discuter de l'AFE mais, pour le reste, nous sommes d'accord. Cela fait deux tiers de bon.

M. Christian Cointat.  - Mais le tiers qui reste...

M. Richard Yung.  - Reste maintenant au pouvoir réglementaire à travailler. Je me tourne vers le Gouvernement et je suggère que les élus soient associés à la mise en oeuvre de ces différents textes. Il faudra ensuite faire vivre le nouveau système. Comme le disait le comte de Lampedusa, le vieux monde est en train de mourir, mais le jeune monde n'est pas encore clair... Il faudra que les élections consulaires soient réussies. Il faudra trouver 500 candidatures par liste. Ce ne sera pas chose facile.

Il faudra faire fonctionner la nouvelle AFE et redéfinir le rôle des associations représentatives des Français de l'étranger. La très grande majorité de nos concitoyens considère que la loi sur le financement des campagnes électorales est une bonne loi. On ne peut donc aller contre, même si les deux grandes associations que nous connaissons ont permis d'organiser la vie associative démocratique et politique des Français de l'étranger. La loi interdit aux associations de financer les campagnes. Mais je constate que mon temps de parole est déjà épuisé. Je m'arrête là. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Claudine Lepage .  - Cette réforme, que nous souhaitons tous depuis longtemps, aura été bien difficile à mettre en marche. Un dialogue interne, passionné, constructif entre l'Assemblée nationale et le Sénat nous a permis de nous mettre d'accord.

Les Français de l'étranger doivent se l'approprier. Leur éloignement ne signifie pas qu'ils ont coupé les ponts avec la France. Encore faut-il qu'ils aient l'envie - et les moyens - de participer à la vie politique française. L'abstention actuelle est un terrible affront à notre démocratie. Nous devons tout faire pour développer la démocratie de proximité, en renforçant le maillage local.

Le point d'achoppement concerne la modernisation de l'AFE. En 1948, les membres du conseil supérieur des Français de l'étranger étaient désignés par les ambassadeurs. Il a fallu attendre 1982 et François Mitterrand pour que le suffrage universel direct soit instauré et que la démocratie fasse, grâce à la gauche, son entrée dans ce qui devint l'AFE en 2004.

M. Christophe-André Frassa.  - Elle la lui enlève aujourd'hui !

Mme Claudine Lepage.  - Je me réjouis de l'accord avec l'Assemblée nationale pour conserver le nom d'AFE. Les mots sont essentiels et l'appellation voulue par les députés marquait un recul.

Nous sommes parvenus à un accord sur quinze circonscriptions. Reste que le suffrage universel direct a fait les frais du compromis, même si le principe de réalité doit l'emporter. Les Français qui ont choisi de vivre loin de la France doivent être au centre de cette réforme. Les décrets détermineront les compétences précises de chacune des instances. Espérons qu'une participation plus importante finira par s'imposer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yvon Collin .  - L'an dernier, le président de la République a voulu donner un nouvel élan à la démocratie et l'AFE n'y échappe pas. La République française doit être exemplaire et garantir l'expression démocratique des Français de l'étranger. Or l'architecture institutionnelle actuelle n'était pas satisfaisante : l'AFE restait figée depuis 2004.

Le RDSE salue la volonté de moderniser le mode de désignation des représentants de l'AFE. Le collège élisant les sénateurs représentant les Français de l'étranger devait être élargi, pour éviter des situations de « copinage », sinon de clientélisme.

L'article 2 du projet de loi constitue une innovation considérable grâce à la proximité qu'il instaure. Enfin, l'abstention est un fléau qu'il convient de combattre. C'est à quoi s'emploie ce texte.

Pour toutes ces raisons, le RDSE l'approuvera. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée .  - Je me félicite du dialogue entre les deux chambres qui a abouti, comme l'a relevé Mme Tasca, à un texte clair et cohérent. Madame Kammermann, ceux qui porteront la bonne parole, celle des Français de l'étranger, seront plus nombreux, puisqu'ils seront 444. Les conseillers consulaires pourront apporter leur expertise au niveau local et à Paris pour ceux qui auront été désignés pour y siéger deux fois par an.

Ancienne élue à l'AFE, j'ai ressenti l'urgence de cette réforme. Je déplore le conservatisme de certains, qui veulent réformer sans rien changer. (M. Christophe-André Frassa proteste) Les Français veulent plus de transparence, de clarté. Certains prétendent qu'il y aurait un millefeuille de représentation politique. Tel n'est pas le cas. L'élection des délégués consulaires fera vivre la démocratie locale et certains d'entre eux viendront à Paris siéger à l'AFE qui aura un rôle renforcé : elle pourra organiser librement son travail, élira son président, fera des observations sur le budget et réalisera des études.

Cette nouvelle AFE sera force de propositions et de conseils au Gouvernement.

Un manque de considération à l'égard de nos compatriotes à l'étranger, madame Garriaud-Maylam ? La confusion ne vient pas de nous. L'opposition est sans doute nostalgique des anciennes élections des sénateurs de l'étranger.

M. Christophe-André Frassa.  - C'est faux !

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Nos concitoyens pourront se saisir de la citoyenneté par leur vote.

M. Christophe-André Frassa.  - On verra !

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - la démocratie de proximité, ce ne sera plus une formule mais une réalité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Christian Cointat.  - Nous voterons cet article ; il n'est pas nécessaire d'organiser un scrutin public.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article premier bis.

ARTICLE 2

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Je regrette que ce projet de loi ne traite pas du champ de compétences des nouveaux élus.

Les séances du conseil consulaire risquent de manquer d'animation quand il n'y aura qu'un seul conseiller...

Quel sera le rôle des grandes associations des Français de l'étranger ?

Aura-t-on au moins d'anciens élus de l'AFE qui apporteraient leur expérience comme conseillers honoraires ?

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann.

Rédiger ainsi cet article :

Les conseillers consulaires et les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger sont élus pour six ans au suffrage universel direct.

M. Christian Cointat.  - Nous en arrivons au coeur du problème.

Nous ne critiquons pas la réforme, mais seulement certains de ses points. Un dialogue constructif aurait été le bienvenu, non seulement au sein de la majorité, mais avec l'opposition. Nous sommes favorables à l'élargissement du collège électoral. La commission de la réforme de l'AFE l'avait aussi demandé. Mais pour faire quoi ? Il faut une élection directe de l'AFE. Quand on passe du suffrage universel direct au suffrage universel indirect, il y a régression. Pourquoi ne pas donner des compétences réelles à cette assemblée ? En lui conférant, par exemple, dans notre République décentralisée, le pouvoir d'affecter les crédits, les aides sociales, les bourses, d'agir dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle. L'assemblée n'est que consultative, seul le suffrage universel direct lui donnera la légitimité d'être entendue.

L'AFE est l'expression de tous les Français de l'étranger. On n'a pas le droit de revenir en arrière « Ne soyons pas difficile, contentons-nous du meilleur », disait Churchill. Votez cet amendement !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Sagesse. Je vous remercie de déposer cet amendement sur le suffrage universel direct. Vous proposez un dispositif qui ne s'accorde ni avec notre texte de compromis ni avec le vote du Sénat en première lecture, avec deux options : l'insincérité du scrutin puisqu'il y aura deux scrutins concomitants avec deux urnes différentes sans que les électeurs sachent qui ils élisent à l'AFE...

M. Christian Cointat.  - Vous anticipez sur mes autres amendements !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - ... ou le découplage entre élection à l'AFE et élection des conseillers consulaires, ce qui n'a jamais été évoqué auparavant.

Je vous rappelle que chaque membre de l'AFE aura été élu au suffrage universel direct comme conseiller consulaire.

Et puis entendre affirmer au Sénat que seul le suffrage universel direct est légitime, c'est un peu curieux.

M. Christian Cointat.  - S'il n'y a pas de pouvoirs ! Le Sénat, lui, a des pouvoirs.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Vous avez l'air de dire que quand il n'y a pas de pouvoirs, il faut le suffrage universel direct.

M. Christian Cointat.  - Pas du tout !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - À titre personnel, je ne voterai pas cet amendement. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Je regrette la confusion entretenue : il n'est pas question de créer deux catégories d'élus. Certains des conseillers consulaires, élus au suffrage universel direct, iront siéger à Paris. C'est simple, transparent et clair. Avis défavorable.

M. Christian Cointat.  - Je regrette qu'il n'y ait pas eu recherche de consensus. En première lecture, nous avons voté le principe de l'élection au suffrage universel direct. Vouloir passer en force n'a jamais porté bonheur. Vous connaîtrez des déboires. « Il ne sert à rien d'enlever une pierre du chemin si c'est pour la laisser tomber sur son pied », dit un proverbe chinois. Vous asservissez le Sénat - qui a une longue expérience en la matière - à une Assemblée nationale qui n'y connaît rien en Français de l'étranger ! Claude Cheysson disait clairement, lors de la réforme de 1984 à laquelle j'étais favorable, que les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger devaient être élus au suffrage universel direct. Je défends encore la réforme Cheysson comme je la défendais à l'époque. Oui, les conseillers consulaires seront de proximité, mais cela ne changera rien, puisqu'ils n'auront aucun pouvoir. Il faut que l'AFE ait la légitimité du suffrage universel direct. Comment pouvez-vous, madame Assassi, vous communiste, passer du suffrage universel direct au suffrage universel indirect ?

Mme Éliane Assassi.  - Et à la proportionnelle !

M. Christian Cointat.  - Comment vous, socialistes, pouvez-vous demander de passer au suffrage universel indirect ? Et vous, les Verts, vous vous êtes abstenus à l'Assemblée nationale. Et vous voteriez pour ce texte, à l'encontre de vos convictions profondes ! Cette réforme comporte de bonnes idées, mais cette disposition, c'est le néant qui engloutit tout. « Ce n'est pas en tournant le dos à une situation qu'on lui fait face », disait Pierre Dac. Je préfère la regarder dans les yeux. (Applaudissements à droite)

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Cette réforme part du bas : certes, nous avons défendu en première lecture le suffrage universel direct pour l'AFE mais nous craignons le risque d'inconstitutionnalité et d'un suffrage insincère. Il s'agit d'une même élection, et non pas d'une double élection. Les écologistes voteront donc contre cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Richard Yung.  - Le néant qui engloutit tout ? Cela m'inquiète...

M. Christian Cointat.  - C'est l'infini !

M. Richard Yung.  - Puisque vous aimez les citations : « qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ?», demandait Pascal... Nous voulons un vote conforme, c'est notre responsabilité. Nous assujettissons le Sénat à l'Assemblée nationale ? Mais c'est le fait de la Constitution et sur ce point je rejoins le général de Gaulle pour qui la politique c'est l'art de reconnaître la réalité ! Le suffrage universel direct et le pouvoir : je ne vois pas le lien entre les deux. Voter cet amendement, c'est remettre en cause la réforme et repartir dans de longues discussions et vous vous insurgeriez devant la lenteur du Gouvernement. Quoi que nous fassions, nous serions victimes de votre opprobre. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

Mme Catherine Tasca.  - Cet amendement est à rebours de la réforme qui repose sur une vraie proximité entre les Français de l'étranger et leurs représentants. François Mitterrand estimait, en 1982, qu'il fallait défendre le suffrage universel direct. Aujourd'hui, le contexte est tout autre. Il existe des sénateurs, mais aussi des députés représentant les Français de l'étranger. Les 444 conseillers consulaires enverront les meilleurs d'entre eux à l'AFE.

Enfin, cette nouvelle AFE aura des responsabilités et un pouvoir de dialoguer avec le Gouvernement sensiblement accrus. Je ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christophe-André Frassa.  - Cet amendement tire les conséquences de la réforme. Le Gouvernement n'a pas sorti le chiffon rouge de l'inconstitutionnalité, comme il l'a fait précédemment. La fameuse note hautement confidentielle du ministère de l'intérieur, que j'ai vue, n'est plus invoquée. Le groupe UMP votera cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - L'Assemblée nationale s'est prononcée deux fois et elle a beaucoup évolué pour parvenir à un compromis avec le Sénat, ce qui consacre le dialogue entre les deux chambres. Il n'y a donc pas de soumission d'une assemblée à l'autre.

Nous prolongeons la réforme Cheysson.

M. Christian Cointat.  - Vous la dénaturez !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Plus de 400 élus au suffrage universel direct, son président élu en son sein, un collège électoral sénatorial élargi... Dans l'opposition, on peut rêver ; nous sommes les artisans du possible, qui n'est pas l'idéal, même si nous gardons nos rêves...

Je vous demande d'accepter ce compromis.

À la demande des groupes UMP et socialiste, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 139
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 2 bis.

ARTICLE 19

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Le sort de la réforme dépendra en définitive des décrets d'application. Se pose un problème de moyens quand on sait que le nombre d'élus est multiplié par trois à enveloppe budgétaire constante. Le statut de l'élu local à l'étranger est encore éludé. Quid de la communication entre élus d'une même aire régionale ? Des états généraux de la citoyenneté seraient très utiles.

Je me félicite de l'amendement Le Borgn' adopté à l'Assemblée nationale pour prévoir un rapport annuel du consul devant le conseil consulaire. Je regrette toutefois que les députés aient rendu facultative la consultation des conseils consulaires.

M. Christian Cointat .  - Je ne voterai pas contre cet article mais ne puis voter pour car il ne va pas assez loin. Nous nous abstiendrons.

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 20 AA

M. Christian Cointat .  - Le Gouvernement et la majorité disent souhaiter que l'AFE soit une assemblée digne de ce nom.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - En effet.

M. Christian Cointat.  - Avez-vous déjà vu une assemblée ne se réunir que quatre mois après son élection ? C'est incompréhensible. En fait, j'ai compris que les élections auraient lieu en juin et que l'on ne pouvait réunir la nouvelle assemblée avant octobre ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - C'est cela.

M. Christian Cointat.  - Ce n'est pas convenable. J'aurais préféré que l'on retarde le renouvellement des conseillers consulaires et que la nouvelle Assemblée des Français de l'étranger se réunisse dans le mois suivant. Le résultat aurait été le même mais les apparences auraient été sauves.

Nous voterons donc contre cet article.

Mme Catherine Tasca .  - L'AFE se nourrira du travail des conseillers consulaires. Il n'est pas en soi négatif de leur laisser le temps de travailler et de faire remonter le fruit de leur travail.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Cet article a été inséré dans la loi à votre initiative, monsieur Cointat. On a prévu un délai de quatre mois à cause du principe de réalité, en tenant compte de la date de l'élection et du souci de bonne gestion des deniers publics.

M. Christian Cointat.  - J'avais bien proposé d'inscrire le délai dans la loi, mais pas un aussi long !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - S'il figure dans la loi, il doit être raisonnable.

À la demande du groupe socialiste, l'article 20 AA est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 176
Contre 138

Le Sénat a adopté.

ARTICLE 20 A

M. Christian Cointat .  - Nous voterons les articles 20 A à 29, avant de revenir à la charge sur le titre II.

Les articles 20 A, 20 B, 20 C, 20, 21, 22 et 29 sont successivement adoptés.

ARTICLE 29 BIS

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Frassa, Cointat et Duvernois, Mme Kammermann et MM. Ferrand, Cantegrit et del Picchia.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Christophe-André Frassa.  - Cet alinéa a été introduit, allez savoir pourquoi, par l'Assemblée nationale. Alors que le Parlement vient de débattre de deux projets de loi concernant l'élection des sénateurs et celle des conseillers municipaux, intercommunaux et départementaux, la question de la limitation des mandats dans le temps n'a, à aucun moment des débats, été évoquée, et voici qu'on nous l'imposerait. Il n'appartient qu'aux seuls électeurs de décider quand mettre un terme au mandat qu'exercent leurs élus !

À titre personnel, je puis être intéressé par une telle disposition, mais la forme est inacceptable. On ne peut bricoler ainsi les choses au gré des lois concernant tel ou tel mandat.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - La commission s'en remet à la sagesse du Sénat. Cet amendement avait été proposé par le président Mézard lors de la discussion du projet de loi sur les conseillers départementaux.

M. Christophe-André Frassa.  - Et n'a pas été retenu !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Oui mais, là, l'Assemblée nationale a voté.

Faisons dès maintenant bouger les lignes, pour faire avancer la réflexion globale. Cette disposition ne s'appliquera qu'en 2032 ! D'ici là, nous aurons le temps de revoir tout ce dispositif... Je ne voterai pas votre amendement, à titre personnel.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Le ministre de l'intérieur défendra un projet de loi sur le sujet global du cumul des mandats. Sagesse.

Mme Claudine Lepage.  - Nous avions déposé un tel amendement en première lecture. Les écologistes ont présenté un amendement interdisant le cumul au-delà de deux mandats. Je voterai contre cet amendement.

M. Christian Cointat.  - La situation est étrange. Je suis favorable à cette limitation mais ne puis accepter que l'on traite différemment les Français de l'étranger. Vous êtes complices, sur les bancs de la majorité, de ce traitement discriminatoire. Ce doit être tout le monde ou personne !

Mme Christiane Kammermann.  - Vous avez tout à fait raison.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Nous ouvrons la voie.

M. Christophe-André Frassa.  - L'impasse !

M. Christian Cointat.  - Nous en avons assez d'être traités à part. Si la ministre s'engage à faire pression sur le Gouvernement pour qu'une telle disposition s'applique à tout le monde, je l'accepte ; sinon, je vote l'amendement de suppression. Nous sommes des Français comme les autres, ni plus, ni moins.

Mme Kalliopi Ango Ela.  - C'est précisément parce que nous sommes des Français comme les autres que nous nous inscrivons dans le mouvement national vers la limitation des mandats dans le temps. (Applaudissements à gauche)

M. Christophe-André Frassa.  - Je n'ai pas dit que j'étais contre la limitation du cumul des mandats dans le temps. Mais ce texte n'en est pas le véhicule. Pourquoi ne pas renvoyer au texte porté par le ministère de l'intérieur, qui concerne tous les élus locaux ? Parce que vous avez ordre d'obtenir un vote conforme !

M. Richard Yung.  - On connaît bien la formule : « Agiter le drapeau rouge pour mieux cacher le drapeau rouge ». En demandant que ce soit pour tout le monde ou personne, vous bottez en touche. Au lieu de 2032, ce serait 2072 !

Je suis sensible à l'argument de l'égalité de traitement. Il est bon d'être en avance pour montrer le chemin de la vertu. Je voterai contre l'amendement.

M. Christophe-André Frassa.  - Forcément ! Vous n'avez pas le choix.

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 136
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 29 bis est adopté.

M. Christian Cointat.  - Je retire tous mes autres amendements.

L'amendement n°2 est retiré, ainsi que les amendements n°3,15 rectifié, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 8, 11, 12, 16 rectifié.

L'article 29 ter est adopté, ainsi que l'article 29 quater.

ARTICLE 29 QUINQUIES

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Garriaud-Maylam et M. Ferrand.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les sénateurs ou les députés.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - En nouvelle lecture l'Assemblée nationale a refusé d'adopter notre amendement au motif qu'il serait inconstitutionnel. Nous ne méconnaissons pas cette objection, fondée sur l'article 25 de la Constitution, mais nous le présentons à nouveau, comme amendement d'appel.

Cet amendement vise à interdire le cumul entre un mandat parlementaire et un mandat de conseiller consulaire et, par voie de conséquence, de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger. Une impulsion doit être donnée dès ce projet de loi. S'en remettre à une future loi organique est illusoire, dans la mesure où le mandat de conseiller consulaire n'est pas considéré comme une fonction exécutive locale.

Ne nous voilons pas la face. Refuser de voter le non-cumul aujourd'hui équivaut à le rejeter définitivement. Prévenons une concurrence illégale, voire déloyale, de parlementaires qui ne seront pas en mesure d'effectuer le travail de terrain qu'accompliront ces élus locaux.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - C'est du domaine de la loi organique. Retrait.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Votre amendement n'est en effet pas recevable. Il n'a pas sa place dans un projet de loi ordinaire.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je retire, bien évidemment, cet amendement d'appel.

L'amendement n°17 est retiré.

L'article 29 quinquies est adopté, ainsi que les articles 29 sexies, 29 septies, 29 octies, 29 nonies.

ARTICLE 29 DECIES

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Garriaud-Maylam et M. Ferrand.

Alinéa 2

Après le mot :

électoral,

insérer les mots :

voter par correspondance sous pli fermé ou

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - A-t-on assisté à une ruée sur le vote par Internet, qui existe depuis dix ans ? Le vote par Internet a oscillé entre 9 % et 14 % des votants, contre plus de 60 % pour le vote par voie postale que nous avons instauré il y a trois décennies.

Lors des récentes législatives partielles, aucune des difficultés techniques constatées en 2012 n'a été relevée, et aucune mention officielle, y compris dans vos très nombreux tweets, madame la ministre, n'a été faite de la possibilité du recours alternatif au vote par correspondance postale. Le supprimer serait un déni de démocratie.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Défavorable. Depuis 2003, la technique a évolué et beaucoup de personnes se sont équipées et ont appris à vivre avec Internet. Le vote par correspondance a donné lieu à des ramassages de vote dans des conditions telles que le nombre de mandats égalait celui des voix dépouillées ! En 2012, les chiffres étaient de 1,2 % pour le vote par correspondance postale et de 52 % pour le vote électronique. La messe est dite.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Rien ne justifie le rétablissement d'un mode de votation abandonné depuis longtemps en France pour des raisons tenant à la sincérité du scrutin.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Moins de 7 % des inscrits ont demandé à recevoir le matériel de vote par correspondance et aucune information n'a été faite en sa faveur. L'interdiction du vote par correspondance sera une exception française, alors que le vote électronique est rejeté dans de nombreux pays en raison des fraudes qu'il permet, y compris l'usurpation d'adresse électronique.

Le ramassage des votes est une pratique scandaleuse qui a dû se produire de divers côtés. (On le conteste sur les bancs socialistes) Vu son probable destin, je retire mon amendement. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°18 est retiré.

M. Christian Cointat.  - Cet article établit une nouveauté, les urnes d'Excellence. L'ambassadeur va devenir une urne ! (Sourires)

Demander à un ambassadeur de prendre mon vote, c'est un peu audacieux. Il devra mettre ses mandats quelque part, après les avoir reçus. On me dit que le décret pourvoira à tout. Je suis désolé, mais l'affaire est d'ordre législatif.

Si l'on demandait aux Français de France de ne voter qu'à Paris, Lyon ou Marseille, le taux de participation serait beaucoup plus faible que celui des Français de l'étranger. J'ajoute que certains ont dû s'y reprendre à quatre ou cinq fois pour parvenir - ou pas - à voter par Internet. Ces erreurs informatiques existent. Favorisez le vote électronique, s'il marche ! Mais rien ne vaut un vote en personne. Bernadette Chirac aurait pu remporter le prix de l'humour politique pour cette phrase : « Dans ma famille, tout le monde a voté Hollande, sauf Jacques mais il ne le sait pas ! » (Sourires)

M. Robert del Picchia.  - Faisons confiance à l'ambassadeur et au ministère pour le transfert de ces enveloppes timbrées. Le vote par correspondance a favorisé des fraudes massives à Pondichéry. Voyez le rapport du Conseil d'État, concluant que « Quoi que l'on fasse pour le vote par correspondance, il y aura toujours des fraudes ».

Je suis l'auteur de la loi sur le vote par Internet, qui a mes préférences, bien sûr, et qui, dans la loi, s'appelle « vote par correspondance électronique ». Cela consolera, j'espère, ma collègue Garriaud-Maylam. (Sourires)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Ces urnes d'Excellence, vous les avez sécurisées pour les élections à l'AFE... Votez cet article en confiance !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je regrette que des parlementaires français soutiennent que le vote par correspondance suscite la fraude. Ce n'est qu'en France que cela se passe !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Pas du tout ! Le problème se pose dans tous les autres pays.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Nous pourrions également parler de cette question lors des états généraux de la citoyenneté que nous appelons de nos voeux. Enfin, j'ai ajouté vote par correspondance « par voie postale » pour le distinguer du vote par correspondance « électronique ».

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 29 decies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 176
Contre 136

Le Sénat a adopté.

Les articles 29 duodecies, 29 terdecies, 29 quaterdecies, 29 quindecies, 29 sexdecies, 29 septdecies, 29 vicies, 29 unvicies, 29 duovicies A, 29 duovicies, 29 tervicies, 29 quatervicies, 29 quinvicies, 29 sexvicies, 30, 31, 32 et 33 sont successivement adoptés.

ARTICLE 33 BIS

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Frassa, Cointat et Duvernois, Mme Kammermann et MM. Ferrand, Cantegrit et del Picchia.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Des sénateurs représentant les Français établis hors de France ;

M. Christophe-André Frassa.  - Cet amendement tire les conséquences de l'adoption par le Sénat du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs : le Sénat a modifié la composition du collège électoral pour l'élection des sénateurs des départements, en y ajoutant les sénateurs. Faisons de même pour les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Cet amendement se justifie par parallélisme des formes.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Sagesse. On ne peut préjuger les suites de la discussion du projet de loi sur le mode d'élection des sénateurs.

Lorsque j'ai vu cet amendement arriver sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, j'ai pensé - pardonnez la trivialité de la comparaison - au recyclage des vieilles carcasses de bovins... en farines animales, qui causèrent l'épidémie de vaches folles ! Il n'est ni sérieux ni raisonnable de faire participer les sénateurs sortants à l'élection de leurs successeurs...

M. Robert del Picchia.  - C'est le choix du Sénat ! Les députés ne votent-ils pas pour eux ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Voilà ma position personnelle... Outre que l'adoption de cet amendement déséquilibrerait le collège électoral, la rédaction est techniquement incorrecte, aucun mécanisme de suppléance n'étant prévu.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que notre rapporteur.

M. Christian Cointat.  - Cette volonté de conforme est incroyable ! À tort ou à raison, le Sénat a voulu élargir le collège électoral aux sénateurs eux-mêmes, on ne peut faire autrement dans ce texte. L'inégalité entre les uns et les autres ne serait pas acceptable, au risque de l'inconstitutionnalité. Certes, l'Assemblée nationale n'a pas encore voté le texte, mais elle devrait entériner ce qu'a voté le Sénat pour respecter la tradition républicaine.

Une fois de plus, les Français de l'étranger sont considérés comme des gens à part... On vous le rappellera ! Une égalité de traitement est nécessaire. Tout ceci n'est pas correct, pas acceptable. Avez-vous si peur que cela de l'Assemblée nationale, madame la ministre ? Cet amendement ne changerait rien de fondamental.

M. Christophe-André Frassa.  - Le Gouvernement a préféré le texte à une modification de l'article L. 280 du code électoral. Acceptez cet amendement, il y a pire dans la vie que de devoir retourner devant l'Assemblée nationale ! Vous avez ici un risque d'inconstitutionnalité réel. Soyez logiques. À défaut d'adoption de l'amendement, que Mme la ministre s'engage à présenter une disposition similaire devant l'autre chambre...

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Je voterai cet amendement. Depuis le début, les sénateurs, et notamment les sénateurs des Français de l'étranger, sont maltraités. Il est surprenant que les sénateurs et les députés représentant les Français de l'étranger ne puissent pas être membres de l'AFE - qui réunit à Paris. C'est atterrant, d'un ridicule complet ! Ne contribue-t-on pas ainsi à l'antiparlementarisme ?

Cet amendement est frappé au coin du bon sens. Pourquoi refuser aux sénateurs des Français de l'étranger ce qu'on accorde aux autres ? Quant à la comparaison de mon collègue Leconte, je lui en laisse la responsabilité ; elle n'était ni de bonne manière, ni de bonne odeur...

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 138
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°16 rectifié devient sans objet.

L'article 33 bis est adopté.

ARTICLE 33 QUATER

M. Christian Cointat .  - Le groupe UMP s'abstiendra jusqu'à l'article 33 sexies inclus.

Les articles 33 quater, 33 quinquies, 33 sexies A et 33 sexies sont successivement adoptés.

ARTICLE 33 OCTIES

M. Christian Cointat .  - Il s'agit ici d'une urne d'Excellence, au niveau sénatorial. Nous sommes au top, ici ! Nous voterons contre cet article.

L'article 33 octies est adopté.

L'article 33 duodecies A demeure supprimé.

Les articles 33 duodecies, 34, 35 et 37 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. Robert del Picchia .  - La perfection n'est pas dans les hommes mais dans les idées. Ce projet de loi ne répond pas à cet adage. Certes, l'Assemblée nationale est revenue sur certains arbitrages. Ainsi en a-t-il été des circonscriptions ; nous en avons désormais quinze, le pire a été évité...

Néanmoins, je regrette que la navette n'ait pas amélioré plus que cela le texte initial du Gouvernement, dont la version qui nous est soumise aujourd'hui est très proche. Je suis d'un naturel positif et heureux que nous ayons échappé aux circonscriptions continentales. La recherche de la perfection vous a conduite, madame la ministre, à favoriser la proximité ; difficile de ne pas adhérer... Dans cette logique, le maintien du rassemblement biannuel à Paris est une bonne chose, il nous permet de faire entendre notre voix aux oreilles des responsables parisiens.

Je préfère espérer plutôt que regretter. J'espère que l'augmentation du nombre des élus ne conduira pas au morcellement politique, que le choix fait pour la présidence des conseils consulaires ne rendra pas inaudibles les élus, que ce projet de loi sera une première étape vers le renforcement des compétences des représentants des Français de l'étranger. Le contenu compte plus que l'emballage... Les conseillers consulaires restent les élus les moins responsables de la République. Attendons de voir les textes réglementaires, mais j'espère que vous chercherez conseil auprès de nous, madame la ministre.

Le premier décret pourrait concerner le fonctionnement des conseils consulaires et les compétences des conseillers. Il faudra les écouter plus et ne pas seulement les consulter. Les mandats de conseiller consulaire sont les seuls représentatifs des Français de l'étranger. Aucun fonctionnaire, aucune personne morale ne peut se prévaloir de les représenter. Rien n'interdit au Gouvernement de consulter les parlementaires et l'AFE, ni même de tenir compte de leurs avis... J'espère qu'on ne renonce pas à transposer la décentralisation à l'AFE.

À ces conditions, cette loi imparfaite serait mieux comprise et rendue plus acceptable. Je lui souhaite beaucoup de succès.

M. Christian Cointat .  - Nous avons fait un gros travail et je remercie tous mes collègues pour leur présence, en particulier ceux qui ne représentent pas les Français de l'étranger. Je regrette que l'occasion n'ait pas été saisie d'une belle et grande réforme, efficace et pérenne. Nous sommes revenus avec ce texte dans le cycle des changements de majorité accompagnés des changements de lois... alors que tout était possible d'autant que Mme la ministre faisait partie des nôtres... Nous n'avons peut-être pas su faire comprendre à l'Assemblée nationale ce que sont les Français de l'étranger, Français hors de France mais Français jusqu'au bout des ongles.

La France a besoin de ses expatriés. Un quart des Français travaillent pour l'exportation, notre commerce international irait encore moins bien sans eux. Ils doivent se sentir membres à part de la communauté nationale.

Mais rien n'est perdu, on peut encore progresser. La proximité ne suffit pas ; sans responsabilité, il n'y a pas d'élus qui vaillent. S'ils n'ont rien d'autre à faire que se plaindre, les électeurs n'iront pas voter... Au reste, le quai d'Orsay serait plus tranquille si les décisions désagréables étaient prises par les élus... Quand les lois Defferre ont été adoptées, l'administration, les préfets étaient contre. Plus maintenant ! Ils ont compris que les élus devaient décider au plus près de nos concitoyens et que le pouvoir régalien était transcendé entre leurs mains. Il se passera peut-être la même chose avec la collectivité d'outre-frontière...

L'AFE va mieux, non pas mieux que l'année dernière, mais mieux que l'année prochaine, aurait pu dire Coluche... (Sourires)

M. Richard Yung .  - Le dernier argument de M. Cointat m'a interpellé, mais je ne crois pas que les esprits soient mûrs... Il est difficile de dialoguer avec le quai d'Orsay, il y a toujours de la distance et une certaine fraîcheur.

Nous ne sommes plus au temps des regrets, il faut avancer. Cette loi ne remet pas en cause ce qui a été fait. D'ailleurs, il y a eu peu de fait, ces dernières années, la dernière grande réforme date de 1982 ! Sur les trois piliers, deux constituent des avancées importantes. Et puis, il fallait bien réformer l'AFE.

M. Christian Cointat.  - Bien sûr !

M. Richard Yung.  - Sa force, c'est le travail de terrain des élus ; son travail parisien était ignoré... La réalité, c'est que nous n'avons pas encore trouvé la base juridique et constitutionnelle pour lui donner des pouvoirs accrus, par exemple sur le plan budgétaire. J'y serais très favorable. Le dossier devra être repris.

En France, les députés et sénateurs ne font pas partie du conseil général... Même chose pour la présence des parlementaires au sein de l'AFE. C'est bien normal.

Cette loi n'est pas inspirée par des intentions politiciennes.

M. Christian Cointat.  - Vous perdrez !

M. Richard Yung.  - Personne n'a jamais gagné en modifiant les règles électorales. Bien malin qui peut faire un pronostic ! Le groupe socialiste votera ce texte.

Mme Claudine Lepage .  - Ce texte n'est pas celui dont nous avions rêvé, mais entre la vie rêvée et la vie réelle, il y a un pas qu'il faut franchir...

Même si la confrontation des points de vue n'a pas été facile, le texte a été enrichi par nos assemblées. Le groupe socialiste le votera car il correspond aux attentes de transparence et de proximité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Kalliopi Ango Ela .  - Regardons l'avenir, pas derrière nous. Les cartes sont redistribuées, mais il va falloir construire le jeu. La pratique est essentielle. Localement, les Français de l'étranger ont l'opportunité de s'emparer de cette réforme. Nous attendons sa mise en oeuvre, à laquelle nous participerons - même si elle peut compliquer la vie de certains à l'horizon 2014.

M. Christophe-André Frassa .  - Nous y sommes, le conforme ! Beaucoup de déception, de la colère aussi. Vous aviez une occasion en or, madame la ministre, de faire une vraie réforme, consensuelle. Mais l'absence de dialogue a tout grippé. La procédure accélérée n'a rien arrangé. Le point d'équilibre n'est pas atteint, comme en témoigne l'enthousiasme mitigé des sénateurs socialistes...

M. Richard Yung.  - Pas du tout !

M. Christophe-André Frassa.  - Allons bon ! J'étais favorable à l'élargissement du collège électoral et à la démocratie de proximité, mais pas à n'importe quel prix. C'est pourquoi nous voterons contre cette réforme, qui est désormais entre les mains du pouvoir réglementaire : attendons de voir les décrets d'application. Mais je ne me fais guère d'illusion.

Mme Catherine Tasca .  - N'étant pas sénatrice des Français de l'étranger, je veux témoigner de mon intérêt pour le sujet, dont je regrette qu'il ne retienne pas davantage l'attention de nos collègues de métropole et d'outre-mer. Le chemin à parcourir pour mobiliser nos collègues est encore long.

M. Christian Cointat.  - Tout à fait !

Mme Catherine Tasca.  - Si les échanges avec l'Assemblée nationale n'ont pas toujours été faciles, c'est sans doute que les députés n'ont pas encore intégré cette dimension de notre vie démocratique. Cela prendra un peu de temps...

Sur le fonds, merci à Mme la ministre d'avoir porté une réforme attendue par tous. Toute réforme est un pari sur l'avenir. Ce texte peut faire avancer une démocratie vivante pour les Français de l'étranger. Sur le mode de scrutin, le temps apportera sa réponse. Le corps électoral sera renouvelé. Les conseillers consulaires devront s'impliquer et je suis persuadée qu'ils le feront.

Enfin, l'AFE sera mieux armée demain qu'hier et encore qu'aujourd'hui pour remplir son rôle mais cela dépendra de la volonté de ceux qui y siégeront d'être les relais attentifs des conseils consulaires et inventifs dans leur dialogue avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Non, la dernière grande réforme des Français de l'étranger n'a pas eu lieu en 1982, monsieur Yung. La plus grande réforme a eu lieu en 2008, avec la création de sièges de députés représentant les Français de l'étranger, qui ont été élus pour la première fois l'année dernière.

Le grand défi est celui de la participation, qui met en péril la crédibilité et la légitimité de nos institutions. Sept des huit sénateurs UMP ont demandé à Laurent Fabius d'organiser des états généraux de la citoyenneté des Français de l'étranger.

Cette réforme aurait été meilleure si nous avions été écoutés. Il nous reste une chance : organisons ces états généraux et écoutons ce qui y sera dit. Je regrette de devoir voter contre cette réforme.

M. Yves Pozzo di Borgo .  - La France traverse une situation difficile, avec le chômage, la crise et leurs conséquences humaines et sociales. Il faut que le pays se mette au travail, que le Parlement desserre le carcan qui l'empêche d'avancer. Or depuis quelques mois, nous sommes envahis par des textes de société et des textes électoraux, concoctés par des permanents de la rue de Solférino...

M. Richard Yung.  - C'est nul !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Le binôme territorial, le mode d'élection des sénateurs, celui des sénateurs représentants les Français établis hors de France... Et le Gouvernement suit ! Et la majorité suit !

M. Richard Yung.  - Et Sarkozy ?

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Le Sénat est transformé en chambre d'enregistrement. Il est dommage que des réformes aussi importantes soient dévoyées pour des raisons purement électoralistes. Toute réforme électorale a besoin de consensus. Les Français de l'étranger sont les missionnaires de notre économie, j'étais récemment en Russie avec Mme Bricq, je sais ce qu'il en est. Le groupe UDI-UC votera contre ce projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Par curiosité et intérêt, j'ai tenu à assister au débat, ce qui m'a permis de mieux connaître nos collègues représentant les Français de l'étranger. J'ai trouvé des similitudes avec tous les sujets qui touchent l'outre-mer - par exemple, des bancs clairsemés... (Rires) Je suis solidaire de vos préoccupations.

Je veux témoigner des réelles avancées : deux piliers sur trois, c'est déjà bien.

M. Christian Cointat.  - Sur deux piliers, il faut avancer, sinon on tombe !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il serait de bon ton de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi .  - Nous nous intéressons aussi à cette question, même si le groupe CRC ne compte pas de sénateurs des Français de l'étranger. Je rends hommage à M. Cointat pour sa passion à défendre ses points de vue, que je ne partage pas toujours.

Tout ce qui tend à promouvoir la démocratie de proximité me va. Tout ce qui permet de gagner en indépendance me va. Tout ce qui donne de nouvelles compétences aux assemblées élus me va. Certes, ce n'était pas la réforme dont on rêvait, mais l'utopie est une réalité en puissance, disait Édouard Herriot. Tous ensemble travaillons les utopies. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur .  - Je veux remercier tous les sénateurs qui ont participé à ces débats, ainsi que Mme la ministre et son cabinet. Je retiendrai de nos discussions les 444 conseillers consulaires, l'élection du président de l'AFE par les membres de celle-ci, l'élargissement du collège électoral.

Je salue le rêve de M. Cointat, qui est aussi le mien, d'une collectivité d'outre-frontière...

M. Christian Cointat.  - Je suis plus à l'aise que vous !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Travaillons à ce que nos rêves deviennent réalité. C'est en ayant de bonnes institutions que l'on peut mener une bonne politique.

L'année à venir sera importante pour assurer la réussite de cette réforme. Il faudra que nous nous revoyions avec le Gouvernement pour que les textes réglementaires correspondent à nos attentes. Les Français de l'étranger doivent mieux participer aux débats nationaux. Ce texte est un progrès institutionnel mais restent les textes d'application. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 176
Contre 168

Le Sénat a adopté définitivement l'ensemble du projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée .  - Une réforme ne vaut que par ceux qui la font vivre. Retrouvons-nous aujourd'hui, au bénéfice de nos compatriotes établis à l'étranger, qui seront les seuls juges de notre action.

Monsieur del Picchia, je sais écouter. Je vous ai entendu. Nous avons collectivement à relever les défis de l'avenir. Merci à tous, merci au Sénat pour son vote. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Clôture de la session ordinaire

M. le président.  - Je vous rappelle qu'en application de l'article 28, premier alinéa, de la Constitution, la session ordinaire 2012-2013 prendra fin le dernier jour ouvrable de juin, soit le samedi 29 juin. Le président du Sénat prendra acte de la clôture de la session par une communication qui sera publiée au Journal officiel.

Prochaine séance, mardi 2 juillet 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 2 juillet 2013

Séance publique

À 14 h 30

1. Ouverture de la session extraordinaire 2012-2013.

2. Discours de Monsieur le Président du Sénat.

3. Débat sur la réforme de la politique agricole commune (PAC).

4. Projet de loi portant application du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998 (n° 328, 2006-2007).

Rapport de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 621, 2012-2013).

Texte de la commission (n° 622 rectifié, 2012-2013).

5. Projet de loi autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (n° 502, 2011-2012).

Rapport de Mme Leila Aïchi, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 470, 2012-2013).

Texte de la commission (n° 471, 2012-2013).

Le soir

6. Suite éventuelle de l'ordre du jour de l'après-midi.

7. Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (n° 554, 2012-2013).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 630, 2012-2013).

Texte de la commission (n° 631, 2012-2013).