Caisses d'allocations familiales (Questions cribles)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la situation des caisses d'allocations familiales.
M. André Gattolin . - « Nous sommes au bord de la rupture » : tel est le constat du président du conseil d'administration de la Cnaf. Les syndicats parlent de situation catastrophique. Dans les Bouches-du-Rhône, plus de 100 000 dossiers sont en retard. La CAF joue pourtant un rôle essentiel d'amortisseur social face à la crise. Dans les Hauts-de-Seine, plus de 20 % des allocataires touchent le RSA.
La RGPP a fait fondre les budgets alloués aux caisses. Comment assurer une meilleure gestion avec toujours moins de moyens ? La situation des agents des caisses se dégrade et les demandes d'avance de salaires se multiplient.
Le groupe écologiste souhaite connaître les orientations du ministre de la famille pour améliorer les conditions de travail des agents des CAF, dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur certains bancs socialistes)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Nous veillerons à ce que figurent dans la convention les améliorations des conditions de travail des agents. Il faudra aussi aménager des locaux souvent vétustes. La convention d'objectifs et de gestion comportera un volet immobilier ; c'est ainsi qu'à Montbéliard des travaux ont amélioré l'accueil. Elle comportera aussi un volet « ressources humaines » qui mettra l'accent sur les conditions de travail, la prévention des risques psychosociaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin. - Dans le contexte de restriction budgétaire, ces améliorations sont essentielles. Il faut aussi penser aux revenus des agents, dont les loyers ne cessent d'augmenter. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Yvon Collin . - Dans le contexte de crise et de chômage, les CAF jouent plus que jamais leur rôle d'amortisseur social et de rempart contre la précarité. Elles reçoivent 19 millions de visites par an, 75 millions de lettres et 16 millions d'appels téléphoniques. Les agents sont surchargés, la baisse des effectifs dans le cadre de la RGPP ayant aggravé la situation. Ils doivent affronter la détresse au quotidien et l'accueil du public se dégrade. La convention d'objectifs et de gestion doit aboutir à une meilleure maîtrise de la charge de travail, afin que les CAF assument pleinement leurs missions de service public. (Applaudissements)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Nous sommes au moins d'accord sur le constat. La crise engendre un surcroît de travail. La gestion du RSA pèse lourd. Tout de même, sur ce tableau très sombre, je tiens à souligner combien le rôle des CAF est déterminant, pour accueillir, écouter, prendre en charge. Le stock atteint depuis décembre 2012 est le plus élevé jamais enregistré. La maîtrise de la charge de travail est un objectif prioritaire de la future convention d'objectifs et de gestion. Il faudra poursuivre la simplification administrative amorcée, la dématérialisation ; une réflexion sur l'évolution des effectifs est également engagée.
M. Yvon Collin. - J'en prends acte. Je n'ai pas noirci le tableau : nous savons ici, sur tous les bancs, combien la situation est préoccupante. Nous comptons sur la diligence du Gouvernement.
Mme Caroline Cayeux . - La complexité des formulaires et le nombre de documents à fournir transforment toute demande de prestation en parcours du combattant.
Dans l'Oise, la CAF reçoit plus de 200 000 visites et 340 000 appels téléphoniques. Pour une demande d'aide au logement, il faut au moins une dizaine de justificatifs que certains allocataires peinent à comprendre. Je suis consciente qu'il faut lutter contre la fraude mais un allègement de la gestion des dossiers répondrait aux voeux de tous. J'espère que la convention d'objectifs et de gestion sera à la hauteur des espérances des CAF et de leurs allocataires, alors que la demande sociale explose. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Une simplification doit à la fois faciliter les démarches des allocataires et la tâche des agents, afin que les mêmes documents ne soient pas demandés plusieurs fois de suite pour des prestations différentes. À terme, à partir de 2014, l'ensemble des formalités pourraient être effectuées sur Internet. Les échanges avec les services fiscaux, les bailleurs sociaux, les Maisons départementales des personnes handicapées peuvent encore être améliorés. La simplification du RSA, de la gestion des allocations logement a commencé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Caroline Cayeux. - Merci pour ces précisions. Je me permets néanmoins de vous rappeler que les allocataires n'ont pas tous Internet. La dématérialisation n'est pas toujours bien comprise et doit être mieux expliquée. Il ne s'agit pas d'augmenter les charges des CAF, mais de simplifier leur gestion.
Mme Valérie Létard . - Les acteurs locaux des politiques familiales se posent de nombreuses questions. L'équilibre charges/moyens des CAF est déjà précaire. Pouvez-vous confirmer la création de 700 emplois dont 500 emplois d'avenir en 2013-2014 ? Est-il vrai que les caisses auront à en rendre 1 500 en 2016-2017 ? Cela signifierait une diminution in fine...
Il y a dix ans, le service petite enfance d'une commune remplissait un document ; il en faut désormais une demi-douzaine. Les caisses ont été priées de formuler des propositions concrètes de simplification. Comment allez-vous les prendre en compte ?
Vous avez annoncé une augmentation de 7,5 % du Fonds national d'action sociale sur la période de la convention d'objectifs et de gestion, pour financer un plan petite enfance et la réforme des rythmes scolaires. Mais, dans le même temps, les caisses départementales verraient leur dotation d'action locale baisser de 7,5 à 8 %. Est-ce exact ? Vous ne souhaitez pas que la diversité devienne disparité. Elle ne doit pas non plus devenir uniformité.
Pouvez-vous confirmer que la prochaine convention d'objectifs et de gestion garantira la continuité du régime de gouvernance aménagée, à travers ses commissions territoriales, propre à la CAF du Nord et garante de l'équilibre de ses territoires ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Tour de force que de répondre en deux minutes sur l'ensemble de la politique familiale ! Lors de la précédente convention d'objectifs et de gestion, le Fonds national d'action sociale est passé de 4 à 4,6 milliards d'euros. Il passe cette fois à 6,6 milliards. Un fonds d'accompagnement est créé pour aider les communes et un autre pour corriger les inégalités territoriales, dotés l'un et l'autre de 100 millions d'euros, tandis que 250 millions d'euros seront consacrés à la réforme des rythmes scolaires.
L'effort est substantiel. À un moment, il faut faire des choix ; le nôtre est de nous attaquer à ces inégalités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Valérie Létard. - Le personnel des caisses a besoin d'être rassuré sur le maintien des effectifs. Les personnes en grande difficulté sont de plus en plus nombreuses ; elles doivent être accompagnées. Quel sens y a-t-il à augmenter une enveloppe si, dans le même temps, on réduit les dotations des collectivités locales ?
Mme Jacqueline Alquier . - La CAF du Tarn doit gérer de nouvelles missions (RSA et RSA jeunes) qui alourdissent sa charge de travail et occasionnent un grand nombre d'« indus non intentionnels ». Le remboursement de sommes versées à tort concerne un allocataire sur deux et fait suite à une erreur de l'usager ou de l'organisme payeur. Une erreur, pas une fraude. Cela a conduit la Cour des comptes à refuser de certifier les comptes 2011 de la branche famille.
Malgré les fermetures auxquelles certains accueils de CAF ont dû recourir pour traiter les dossiers en attente, les retards continuent de s'accumuler. Le recrutement de 1 257 postes avait été autorisé par l'État dans le cadre de la dernière convention, pour faire face à la prise en charge du RSA. Il n'a pas eu lieu. Pourquoi ?
Dans ce contexte, la négociation de la prochaine convention est de la plus haute importance. La mutualisation des moyens pourrait améliorer les choses mais la vraie solution serait de créer des postes. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - La question des indus doit être appréhendée de façon globale. L'objectif comptable est indispensable. Ces difficultés sont dues à la complexité de certaines prestations qu'il faut faire évoluer au même rythme que les revenus des allocataires. Il faut payer à la fois vite et sans erreur... Une mission de l'Igas et de l'IGF travaille là-dessus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Jacqueline Alquier. - Vous semblez avoir pris la mesure du malaise. Vous promettez des simplifications administratives et fiscales. C'est de bon augure. Mais j'insiste pour que soit abordée la question des effectifs et des conditions de travail.
Mme Isabelle Pasquet . - L'emploi est source d'inquiétude à la veille de la future convention. Des réductions d'effectifs seraient annoncées : on ne rompt pas avec l'esprit de la RGPP... Les besoins sont pourtant immenses. Le président du conseil d'administration de la Cnaf estime que 71 % des CAF sont submergées. À Marseille, toutes les caisses ont dû fermer leur accueil pendant quinze jours pour rattraper le retard. Certes, 500 emplois d'avenir sont annoncés, mais ils ne sont pas durables. C'est un double gâchis pour les CAF et ces jeunes.
Avec une réduction de 1 500 emplois contre l'embauche de 500 emplois d'avenir, comment assurer aux allocataires un haut niveau de service et un traitement de qualité de leurs dossiers dans des délais raisonnables ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - La convention d'objectifs et de gestion n'est pas encore signée. Attention aux chiffres que vous annoncez. Des effectifs supplémentaires seront affectés lors des deux premières années de la nouvelle convention. La branche sera autorisée à remplacer tous les départs à la retraite et à recruter des agents supplémentaires, dont au moins 500 emplois d'avenir ; s'il est de bon ton de les décrier, ils sont tout de même conclus pour trois ans, ce n'est pas rien. Les effectifs sont donc renforcés. Ensuite, il faudra veiller à simplifier les procédures et poursuivre les efforts pour faire en sorte de réaliser une adéquation entre la charge de travail et les effectifs.
La situation de la CAF des Bouches-du-Rhône est très particulière. Il y a là un énorme problème de gouvernance, au point qu'un administrateur provisoire a dû être nommé.
Mme Isabelle Pasquet. - Dans les Bouches-du-Rhône, la situation est certes particulière, mais surtout explosive. Il faudra bien trouver des solutions.
Pour la simplification et la dématérialisation des procédures, je demande à voir... La qualité du travail des agents de Pôle emploi en a pâti. Maintenons les emplois, plutôt que de les réduire. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Catherine Procaccia . - Vous avez annoncé une augmentation des places de crèche, la baisse de la Paje, une allocation de 450 euros pour les 18-25 ans qui ne sont ni à l'école, ni au travail ni en formation, la baisse du quotient familial, etc. Je n'approuve aucun de ces choix mais telle n'est pas ma question, celle-ci touche à leur incidence sur la situation des CAF. Comment avancer quand on ne connaît pas les règles du jeu ?
Des effectifs supplémentaires ? Certes, mais la charge de travail s'accroît. Dans le Val-de-Marne, l'engorgement est tel qu'il faudra bientôt passer par Internet, ce qui ne facilitera pas les choses pour les allocataires les plus démunis.
Il est question que, pour l'Allocation de soutien familial, les CAF puissent procéder par prélèvement direct auprès des employeurs. Le confirmez-vous ? Et pourquoi faudrait-il attendre 2016 pour que toutes les mères puissent en bénéficier ?
Comment les CAF pourront-elles vérifier si les jeunes sont en rupture de famille pour leur verser l'allocation spécifique ? (Applaudissements à droite)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Toute la politique familiale y passe ! Comment répondre à toutes ces questions en deux minutes ?
Tout le monde n'a certes pas Internet. Mais la CAF de Montbéliard a eu une initiative intéressante : offrir un service Internet à l'accueil, afin que chacun puisse apprendre à se servir de cet outil et l'utiliser même sans disposer d'ordinateur personnel.
Le RSA jeunes venait de vos rangs. Sa complexité empêche de nombreux jeunes d'en profiter : ils ne sont que 10 000 à le percevoir. Le Gouvernement envisage de le réformer. Un rapport me sera remis dans quelques jours.
Mme Catherine Procaccia. - Vous ne m'avez pas répondu. Je ne parlais pas du RSA jeunes mais de l'allocation pour les jeunes en rupture de famille. Pour le recouvrement des pensions, comment comptez-vous procéder ?
M. Ronan Kerdraon . - La caisse maritime des allocations familiales née, il y a dix ans, de la fusion des CAF commerce et pêche, accompagne les familles de marins en versant les prestations familiales et joue un rôle d'Urssaf. Elle développe également une action adaptée aux spécificités du monde maritime et assure une homogénéité de traitement sur l'ensemble du littoral ; elle coopère avec l'Établissement national des invalides de la Marine. Elle assure l'homogénéité de traitement sur tout le territoire pour les gens de mer ; elle compte 22 000 bénéficiaires en Bretagne.
Alors que la convention d'objectifs et de gestion va être signée, les allocataires de la caisse maritime seraient répartis dans les CAF départementales. Cette disparition de la caisse maritime serait un signal négatif alors que la France veut développer une politique maritime ambitieuse. Les marins risquent de souffrir de cette suppression qui ne rapporterait aucune économie. Que compte faire le Gouvernement pour rassurer les gens de mer ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Le futur projet de loi sur le droit des femmes contiendra les réponses aux questions de Mme Procaccia ; pas d'impatience !
Il convient de faire fusionner la Cmaf avec la Cnaf : le nombre de ses allocataires n'est que de 6 388 quand la plus petite CAF en a 17 000. Le ratio frais de gestion/prestations est très mauvais.
Une réflexion doit être menée pour ne pas heurter les gens de mer, tout en rapprochant les systèmes afin de rendre les services offerts plus efficaces. Avec M. Cuvillier, je travaille à la meilleure adéquation du système pour une plus grande efficacité.
M. Ronan Kerdraon. - Le conseil supérieur des gens de mer a réaffirmé son attachement à la Cmaf. Ses allocataires doivent bénéficier de toutes les allocations versées par les CAF. Des simplifications sont nécessaires. Les marins sont une profession à risque, leurs rémunérations sont fragiles ; ils sont attachés à leur caisse.
M. Alain Fouché . - Les CAF doivent participer au financement des fonds d'amorçage pour la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires. Mais la Cnaf estime qu'elle n'aura pas les moyens d'abonder ce fonds.
Deuxième point : les CAF sont en sous-effectifs. En Haute-Vienne, les retards s'accumulent. Le traitement dans un délai de dix jours a été difficile à respecter depuis 2013. Pouvez-vous nous donner des éléments chiffrés sur les effectifs ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Sur les effectifs, j'ai déjà répondu. Les 250 millions affectés à la réforme des rythmes scolaires s'ajouteront aux crédits consacrés au financement des activités périscolaires. Le fonds d'amorçage sera abondé par la Cnaf et une prestation de service spécifique sera versée de façon pérenne. Cette aide financera les heures périscolaires induites par la réforme et sera versée pour trois heures par semaine et 36 semaines par an. Le montant de l'aide sera de 53 euros par élève. Pour les communes qui se sont engagées dans cette réforme, elles bénéficieront des 50 euros du fonds d'amorçage et des 50 euros de la prestation spécifique, sachant que le coût global d'une heure est de 130 euros.
M. Alain Fouché. - Les emplois d'avenir devront être pérennisés. Sur les rythmes scolaires, la Cnaf fera un effort mais qui sera insuffisant pour les communes. Les maires vont se tourner vers les conseils généraux pour être aidés. L'État doit intervenir.