Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
La Nation garantit à toutes et tous, conformément aux principes dégagés dans le programme du Conseil National de la Résistance, l'accès aux soins.
M. Dominique Watrin. - Il est défendu. (Exclamation amusées)
Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - Cet amendement n'a pas de portée normative, et le code de la sécurité sociale comme celui de la santé comprennent déjà des dispositions de cette nature. Retrait ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Même avis.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Mme Isabelle Pasquet. - Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour des raisons purement techniques. (Rires à droite)
M. Philippe Dallier. - Sans papiers, ils sont perdus !
M. Jean-Vincent Placé. - Un peu de respect et de courtoisie !
La séance, suspendue à 11 h 40, reprend à 11 h 45.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 14° de l'article 995, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Les contrats d'assurance maladie relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative à la condition que l'organisme ne recueille pas d'informations médicales auprès de l'assuré au titre de ce contrat ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture, que les cotisations ou les primes ne soient pas fixées en fonction de l'état de santé de l'assuré, que ces garanties respectent les conditions mentionnées au même article L. 871-1 ;
« ...° Les contrats d'assurance maladie relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire à la condition que les cotisations ou les primes ne soient pas fixées en fonction de l'état de santé de l'assuré, que ces garanties respectent les conditions mentionnées à l'article L. 871-1 précité ; »
2° L'article 1001 est ainsi modifié :
a) Le 2° bis est abrogé ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « , à l'exception du produit de la taxe afférente aux contrats visés au 2° bis, qui est affecté, par parts égales, à la Caisse nationale des allocations familiales » sont supprimés.
II. - À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « du 13° de l'article 995 et du 2° bis de l'article 1001 du même code » sont remplacés par les mots : « et du 13° de l'article 995 du même code ».
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
V. - La perte de recettes résultant pour l'État des deux paragraphes précédents est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Isabelle Pasquet. - Cet amendement devrait faire l'unanimité à gauche... Jusqu'en 2010, les contrats d'assurance maladie solidaires et responsables étaient exonérés de taxe sur les conventions d'assurance (TSCA). À compter de 2010, le taux de la taxe qu'ils supportent a été progressivement porté à 7 % par le précédent Gouvernement.
Les conséquences sur les patients ne se sont pas fait attendre. La gauche avait dénoncé cet état de fait. M. Ayrault avait fustigé une forme de double peine qui touchait les classes modestes et moyennes. Plusieurs parlementaires socialistes avaient aussi interpelé le Gouvernement. Quant à François Hollande, il s'était engagé en octobre 2012, devant le congrès de la mutualité, à refondre la fiscalité des assurances complémentaires et à moduler plus fortement la TSCA. À l'occasion d'un texte qui est censé accorder de nouveaux droits, il nous paraît nécessaire, conformément aux valeurs que porte la gauche, de revenir à l'exonération des contrats solidaires.
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Cet amendement entre dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il avait d'ailleurs été déposé dans ce cadre en novembre dernier. Ici, il est hors sujet. Défavorable.
M. Michel Sapin, ministre. - Le sujet est légitime et le Gouvernement y travaille. Une mission a été confiée au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) qui rendra ses conclusions avant l'été. La question doit être traitée globalement. Retrait ?
Mme Isabelle Pasquet. - Cet amendement revient sur une décision injuste : nous le maintenons.
Mme Catherine Procaccia. - Le groupe UMP ne participera pas à ce scrutin. Le groupe CRC, fort logiquement, met le groupe socialiste devant ses responsabilités.
À la demande du groupe CRC, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 209 |
Nombre de suffrages exprimés | 194 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 98 |
Pour l'adoption | 20 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 1er
Insérer un article ainsi rédigé :
I. - L'article 995 du code général des impôts est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Les contrats d'assurance maladie complémentaire couvrant les ressortissants du régime étudiant de sécurité sociale, si ces garanties respectent les conditions définies à l'article L. 871-1 du code précité. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. - La perte de recettes résultant pour l'État des II et III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - L'état de santé des étudiants s'est beaucoup dégradé ces dernières années. Selon une étude de mai 2012, un tiers d'entre eux renoncent à des soins et un sur cinq n'a pas de médecin traitant. Les étudiants subissent de plein fouet les reculs de l'assurance maladie. Avec le passage de 3,5 % à 7 % du taux de la TSCA, l'ensemble des taxes sur les organismes complémentaires santé atteint 13,27 %. Ces taxes pèsent de la même manière sur les adhérents. Nous voulons exonérer de TSCA les contrats souscrits par les étudiants de la TSCA, afin de les aider à souscrire à une complémentaire, préalable à un accès aux soins durable.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Ce sujet relève, comme le précédent, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est hors champ de l'accord national interprofessionnel. Avis défavorable.
M. Michel Sapin, ministre. - Même avis.
Mme Catherine Procaccia. - Reportez-vous à l'excellent rapport de M. Kerdraon et de moi-même : les choses ne sont pas aussi simples que vous le pensez... (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Plutôt que balayer d'un revers de main nos arguments, regardez la réalité en face. Pour les trois quarts des étudiants, la famille reste la principale source de revenus ; 23 % sont obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins, 92 % pratiquent l'automédication et nombre d'entre eux se disent tristes et déprimés. Sans compter que la plupart d'entre eux vivent dans des villes où les dépassements d'honoraires sont courants.
M. Ronan Kerdraon. - Notre rapport met en évidence cette question, mais il va bien au-delà en préconisant la mise en place d'un véritable plan santé pour les étudiants. Le plan santé publique préparé par Mme Touraine comportera un volet « santé des jeunes » et un volet « santé des étudiants ». Ce projet de loi n'est de toute façon pas le bon véhicule.
M. François Zocchetto. - Les amendements proposés ne sont pas à la hauteur des enjeux. J'appelle l'attention du Gouvernement sur la couverture maladie des étudiants qui doit être réorganisée au plus vite. Ils peinent à se faire rembourser, ils doivent attendre des mois pour obtenir leur carte vitale. Faut-il que les étudiants rejoignent le régime général ? Je l'ignore, mais la situation doit être résolue au plus vite. (Applaudissements à droite)
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi n° du relative à la sécurisation de l'emploi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les coûts et les conséquences d'une mesure permettant à tous les étudiants de bénéficier, de droit, d'une aide au paiement d'une assurance complémentaire santé mentionnée à l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale.
Mme Isabelle Pasquet. - Nous venons de parler de la santé des étudiants, qui est inquiétante ; il faut les aider à accéder à une complémentaire. Un rapport du Gouvernement sur le sujet serait bienvenu. Selon la LMDE, plus de la moitié des étudiants vit avec moins de 400 euros par mois ; combien d'euros leur reste-t-il pour se soigner ? Près de 30 % ont déjà renoncé à des soins pour raisons financières. Doivent-ils choisir entre la santé et le logement ? Se soigner est-il un luxe ? Ils sont nombreux à s'expatrier. Ils ont droit à la solidarité nationale, notre pays ne peut les abandonner. Notre avenir dépend d'eux.
M. Philippe Dallier. - Vous demandez un rapport !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Ce projet de loi ne concerne pas les étudiants. Avis défavorable.
M. Michel Sapin, ministre. - Le sujet est certes important, mais ne relève pas de l'accord national interprofessionnel. Au reste, il concerne tous les jeunes, qu'ils soient étudiants ou non. Les rapports sur le sujet sont déjà nombreux, à quoi bon en demander un nouveau ? Le président de la République s'est engagé à ce que, d'ici le 1er juillet 2017, une couverture maladie soit assurée à tous. Nous ferons des propositions globales prochainement. Avis défavorable.
Mme Isabelle Pasquet. - Oui, il faut parler de la jeunesse, elle est l'avenir de notre pays. Vingt-cinq pour cent des jeunes sont au chômage et le premier CDI est décroché en moyenne à 27 ans, contre 23 ans autrefois. Ils font figure de variables d'ajustement : pour eux les contrats courts, l'intérim et les stages !
Notre jeunesse est de plus en plus confrontée au mur de l'emploi. À la crise économique s'ajoute une crise de confiance. Les jeunes formés en France s'expatrient de plus en plus, cela devrait nous interpeller.
Le coût des études augmente, du fait de la réforme LRU et des difficultés d'accès au logement étudiant. Où sont les logements promis aux étudiants sous la précédente législature ? Très peu ont été construits. La situation va empirer. Quid de la revalorisation des bourses ? De l'allocation d'autonomie ? Le Gouvernement a certes créé les contrats de génération mais cela ne suffira pas à résorbé la gravissime crise de confiance qui traverse le monde étudiant.
La santé n'est pas un luxe. Avec cet amendement, nous envoyons un signal aux étudiants : la solidarité n'est pas un vain mot.
M. Ronan Kerdraon. - M. le ministre a raison : de nombreux travaux sur cette question ont été commis et nous savons tous quelle est la situation. Je fais confiance au Gouvernement et au président de la République pour s'attaquer à ces problèmes. Nous ne voterons pas cet amendement.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre préliminaire du code du travail devient le chapitre liminaire.
II. - Avant le chapitre liminaire du même code, il est rétabli un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Utilité sociale et collective des entreprises
« Art. L1A. - L'activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu'elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien être des producteurs, la sécurité de l'emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l'environnement. Les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts qui priment toute autre considération. »
Mme Laurence Cohen. - Le programme économique du Gouvernement devrait se concentrer sur le bien-être des travailleurs, quand le travail n'est plus un lieu d'épanouissement mais de stress pour les femmes et les hommes.
Le recours massif aux CDD, au temps partiel, aux stages a des conséquences réelles pour les salariés et leur santé. Beaucoup acceptent en silence cette violence pour ne pas perdre leur emploi. Le mal-être au travail ne doit pas être négligé alors que ce projet de loi légalise la précarisation du travail.
La sécurité de l'emploi et de la formation doit être au coeur de nos préoccupations. En faisant comme si salariés et employeurs étaient sur un pied d'égalité, ce projet de loi fait le jeu du Medef. L'organisation patronale a imposé la rupture conventionnelle avec le ministre Xavier Bertrand ; depuis, un million de ruptures conventionnelles, sans aucune relance de l'emploi : la sécurité de l'emploi est passée à la trappe. Les salariés sont devenus une variable d'ajustement. Cet amendement doit être voté au nom des salariés et des chômeurs qui sont l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Nous partageons les finalités de cet amendement. Il excède cependant le cadre de l'accord national interprofessionnel. Avis défavorable.
M. Michel Sapin, ministre. - Je partage les grands principes qui figurent dans cet amendement, qui n'a toutefois pas sa place dans ce projet de loi. Rejet.
M. Dominique Watrin. - Cet amendement rééquilibre les principes fondamentaux que sont le droit à l'emploi et la liberté d'entreprendre. La multiplication des licenciements boursiers, spéculatifs, abusifs nous rappelle la situation de salariés remerciés du jour au lendemain, chez Michelin, Total, Danone ou Arcelor-Mittal... La liste est longue...
Le droit au travail est un principe constitutionnel qui figure dans plusieurs conventions internationales que notre pays a ratifiées, ainsi que dans le préambule de la Constitution de 1946 - le Conseil constitutionnel a procédé à l'extension du champ constitutionnel depuis sa décision du 16 juillet 1971. Il est vrai qu'il a donné la primauté à la liberté d'entreprendre, notamment dans ses décisions du 12 janvier 2002 et du 6 mars 2009. Nous le regrettons.
Ce projet de loi s'inscrit dans cette tendance et méconnaît le droit à l'emploi. M. Bernasconi, membre du bureau exécutif du Medef, ne s'est-il pas réjoui, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, des avancées de ce texte pour le patronat ? Pourquoi demander aux salariés tous ces sacrifices s'ils restent livrés aux appétits financiers des patrons ? Les rappels que contient cet amendement sont plus nécessaires que jamais.
À la demande du groupe CRC, l'amendement n°51 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 210 |
Nombre de suffrages exprimés | 207 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l'adoption | 33 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE PREMIER
M. Claude Jeannerot, rapporteur . - Cet article, très présent dans les débats en commission et en audition, donne lieu à des exigences fortes et parfois contradictoires.
Rappelons les chiffres : 33 % des personnes sans complémentaires santé renoncent à des soins, contre 15 % pour ceux qui sont couverts, 400 000 salariés n'ont pas encore de couverture santé complémentaire. Cet article bénéficiera aux salariés des petites entreprises, aux non cadres, aux emplois précaires, avant qu'une couverture complémentaire de santé de qualité soit garantie à tous en 2017.
Monsieur le ministre, pouvez-vous lever une ambiguïté et confirmer que les entreprises agricoles aussi devront accorder cette complémentaire à leurs salariés ?
Les contrats collectifs sont plus protecteurs et moins coûteux que les contrats individuels. La clause de désignation nous a beaucoup partagés. Lisons l'article avec soin : il laisse toute latitude entre totale liberté du choix, recommandation ou désignation. La clause de désignation, loin d'être une contrainte, vise à mutualiser les coûts et les éventuelles défaillances d'un employeur. Les droits des salariés sont donc renforcés d'autant que nous renforçons drastiquement la transparence, l'égalité et l'impartialité dans le choix du candidat. Cette clause de désignation, inscrite dans l'accord à la demande des partenaires sociaux, a été validée par les juridictions, y compris la Cour européenne. Relisez l'avis de l'Autorité de concurrence.
M. Michel Sapin, ministre. - Le projet de loi a vocation à s'appliquer à tous les salariés, y compris à ceux du monde agricole. Aucune disposition spécifique n'étant prévue dans le code rural, les travailleurs agricoles bénéficieront donc de la couverture complémentaire. J'ai clarifié, le 18 février dernier, ce point lors d'une réunion avec la FNSEA.
M. Roland Courteau . - Ce texte, nouvelle étape de notre bataille pour l'emploi, améliore la couverture complémentaire santé et la portabilité des droits à la santé des demandeurs d'emplois.
Nous soutenons cette avancée en espérant que les jeunes, pour lesquels nous avons pris effectivement des engagements, en bénéficient bientôt. Si des inquiétudes demeurent sur la clause de désignation, 400 000 salariés supplémentaires disposeront d'une couverture complémentaire en 2016. Disons-le tout net : c'est du bon travail.
M. Hervé Marseille . - Personne ne disconvient du bien-fondé de l'article premier. En revanche, la clause de désignation introduite par le Gouvernement pose problème : (M. Michel Sapin, ministre, soupire) l'accord prévoit une possibilité de « recommander », non de désigner.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Il n'a pas écouté le ministre...
M. Hervé Marseille. - La désignation risque de conduire à une reconfiguration brutale de l'offre de complémentaire santé car la désignation favorisera les instituts de prévoyance au détriment des mutuelles et des assurances : sur 51 branches ayant recouru à une désignation de leur couverture complémentaire, 43 ont désigné un institut de prévoyance. C'est que ceux-ci fonctionnent de manière paritaire, suivant le principe de démocratie sociale : les organisations qui les gèrent sont celles à qui il reviendra de désigner l'opérateur. Cela crée un évident conflit d'intérêt avec des partenaires sociaux qui seront à la fois juges et parties.
Cette clause de désignation méconnaît ensuite les règles de la concurrence, l'Autorité de la concurrence l'a relevé dans son avis. L'employeur, par le jeu de conditions combinées, ne pourra pas choisir librement. Cela ne profitera ni aux salariés ni aux employeurs qui verront augmenter leurs charges et, partant, devront se séparer de salariés.
Alors, pourquoi cette démarche ? Nous vous proposerons des amendements pour plus de lisibilité et de transparence. (Applaudissements au centre et à droite)
M. André Reichardt . - Merci à M. Daudigny de m'avoir cédé son tour de parole.
L'article premier transcrit les articles premier et 2 de l'accord et précise les modalités de l'extension de la couverture complémentaire à tous les salariés au 1er janvier 2016. Cette disposition serait la contrepartie du surcroît de flexibilité qu'ont obtenu les employeurs. Était-ce pourtant le bon moment de créer cette contrainte supplémentaire, quand les TPE, le petit commerce, l'artisanat et même les PME souffrent de perte de compétitivité ? Je forme le voeu que cette disposition ne crée pas de ces nouvelles difficultés que le texte doit justement résorber.
Une fois encore, les partenaires sociaux n'ont pas tenu compte des spécificités du régime d'Alsace-Moselle. En qualité de président de la commission d'harmonisation du droit local, je vous proposerai des amendements pour y remédier, afin que le système en vigueur dans nos trois départements ne soit pas moins favorable que celui prévu par l'accord national interprofessionnel.
M. René Teulade . - Un tiers des Français ont déjà renoncé à se soigner. Ce constat terrifiant témoigne de l'impérieuse nécessité d'adopter cet article premier. Non, la santé n'est pas une charge, même si elle a un coût ; elle est un investissement, le meilleur : dans l'être humain, créateur de richesses. Voyez le retour de la malaria en Grèce, et même de la tuberculose en France !
Le renoncement aux soins s'explique par des raisons pécuniaires. Les complémentaires santé se sont développées ces dernières années, nous devrons d'ailleurs débattre de leur rôle au niveau départemental.
Si cet article premier est une avancée majeure, il ne constitue qu'une étape avant la généralisation de la complémentaire aux étudiants et aux retraités pour assurer à tous une complémentaire de qualité avant la fin du quinquennat.
Dans son avis du 29 mars, l'Autorité de la concurrence a recommandé, sans mettre fin à la clause de désignation dont l'énoncé est sibyllin dans l'accord, de mettre en concurrence plusieurs candidats. Surtout, évitons d'introduire un bonus-malus dans le domaine de la santé, car cela porterait atteinte à la solidarité nationale en pénalisant ceux qui ont le malheur d'être malades.
À l'heure où les sacrifices consentis en matière de santé sont importants, poursuivons l'effort et redonnons espoir en nous souvenant du programme du Conseil national de la Résistance. Ne laissons pas d'existences abandonnées sur les rives du désespoir !
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.