Débat sur les maladies infectieuses émergentes
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes.
Mme Fabienne Keller, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective . - Ce travail fait suite à plusieurs rapports, celui de M. Milon sur l'utilisation des fonds sur la grippe H1N1, celui de Mme Blandin et de M. Door sur la mutation des virus, celui de la commission d'enquête sénatoriale sur la grippe H1N1 et celui de Mme Bricq sur les agences sanitaires.
J'ai été sensibilisée à la question en suivant le travail d'une unité de recherche à Kinshasa. J'y ai rencontré de nombreux chercheurs et j'ai participé à un symposium au Japon, largement consacré à la tuberculose en Inde.
Au Sénat, un atelier de prospective a été organisé avec de multiples intervenants de diverses disciplines, dont le croisement des regards a été passionnant.
La menace des maladies infectieuses est ancrée dans la mémoire de la population. Récemment, Jérôme Ferrari, dans Le sermon sur la chute de Rome, a rappelé la pandémie grippale de 1918 qu'il décrit comme un vent fétide se levant depuis la mer et les plaines insalubres pour jeter un miasme mortel sur les hommes. Grâce aux progrès de la médecine, à la vaccination, à l'amélioration de la nutrition, les décès dus à ces maladies ont reculé : ils sont inférieurs à ceux qui sont imputables aux accidents de la route, au diabète et à l'alcoolisme.
L'intérêt pour ces maladies ne relève cependant pas d'une peur irraisonnée renvoyant aux ténèbres de l'humanité. La première alerte mondiale a été lancée par l'OMS, en 2002, à propos du Sras. Heureusement, le virus, très dangereux, était faiblement contagieux et à incubation lente. L'inverse eût été catastrophique. C'est bien cette menace, dans un contexte de multiplication des déplacements, qui est sur nous comme une épée de Damoclès. Je souscris aux déclarations du président de la République (M. Roland Courteau approuve) qui disait devant les chercheurs de l'Institut Pasteur que les virus franchissent les frontières sans avoir à présenter leurs papiers d'identité.
Le nombre des maladies émergentes progresse : 335 nouvelles maladies, dont les trois quarts d'origine animale, du chikungunya aux fièvres Ébola et au virus du Nil, identifiées dans la deuxième moitié du XXe siècle, tandis que l'efficacité des antibiotiques diminue drastiquement, ce qui pourrait nous laisser dépourvus face à des épidémies majeures. Déjà 90 % des morts liées aux maladies infectieuses ont lieu dans le sud, où elles représentent 43 % des décès.
Que faire en cas d'épidémie majeure ? Faute de solution immédiate, le recours aux moyens classiques s'imposerait : quarantaine, hygiène, changements de comportements. Nos sociétés y sont-elles prêtes ?
Comment communiquer efficacement ? Comment garantir un accès équitable aux ressources dans nos sociétés démocratiques ? Voilà qui justifie une réflexion commune des acteurs pour identifier les leviers d'action.
L'apparition des maladies émergentes est liée à l'évolution de la population mondiale, plus concentrée dans des mégalopoles, à l'agriculture qui va de pair avec la déforestation, l'élevage intensif de porcs et le déplacement d'animaux, à la mondialisation des échanges, au changement climatique -qui explique l'arrivée de la maladie de lyme aux portes de Paris-, aux déplacements de population, notamment en Afrique, à l'évolution des comportements -recours excessif aux antibiotiques, rejet de la vaccination, déplorable quand il vient de milieu médical lui-même. C'est ainsi que réapparaissent la peste, le choléra, la diphtérie, la tuberculose, la rougeole et la coqueluche.
J'ai étudié les travaux internationaux de prospective lancés à la suite de l'épidémie de Sras. On ne peut qu'identifier des scénarios globaux tant les facteurs de pandémie sont complexes. A quels scénarios pourrons-nous être confrontés ? Comment s'y préparer ? Charles Nicolle, en 1922, annonçait que des maladies nouvelles insoupçonnées apparaîtront nécessairement, qu'on croira surgies comme Athéna toute armée du cerveau de Zeus.
Le scénario catastrophe ? Une maladie à diffusion aérienne rapide, à incubation courte et que l'on ne sait pas traiter.
J'ai identifié dix leviers d'action. Il s'agit d'informer, de prévenir, de coordonner. Pour assurer prévention et réaction, le modèle doit être dynamique, interactif et flexible. Cela passe par internet, mais tout reste à faire. En termes politiques, il faut organiser la gouvernance à respecter pendant les crises, favoriser la recherche et la formation dans les pays du sud, définir les priorités de la recherche, qui ne sauraient être du choix des seuls industriels.
J'ai reçu une aide désintéressée et efficace des chercheurs. Merci en particulier à Catherine Leport qui dirige un groupe de travail du Haut conseil de la santé publique.
Il faut un travail concerté en amont, à l'image de celui qu'ont su mener les Britanniques. Je plaide, madame la ministre, pour que l'on s'engage dans la même voie : les professionnels -médecins, professionnels des transports, des collectivités, de l'enseignement, du tourisme- concernés apprendraient à se connaître et à développer des réflexes communs. Des exercices de simulations peuvent ainsi être menés -retour du H1N1, développement du chikungunya dans le sud-ouest de la France- et des études réalisées sur des thématiques transversales comme l'interaction entre la santé animale et la santé humaine, etc. Je me féliciterais que cette initiative souhaitée également par le récent séminaire du Val de Grâce reçoive un accueil favorable du Gouvernement pour éviter des dépenses et des dégâts humains plus considérables faute d'avoir anticipé des événements, hélas !, prévisibles. (Applaudissements à droite)
M. Joël Bourdin, président de la délégation sénatoriale à la prospective . - Tous nos concitoyens sont concernés par la menace épidémique : ils attendent des pouvoirs publics des mesures de protection et de prévention. Je me félicite donc de la proposition de Mme Keller d'organiser des simulations avec l'ensemble des acteurs et espère que la ministre lui réservera un accueil favorable.
Le sujet appelle la prospective, au-delà de l'annualité budgétaire à laquelle le Parlement est soumis. Le parlement finlandais s'y est déjà engagé en créant une commission permanente et chaque année, le premier ministre doit évoquer dans son discours à la nation les perspectives pour quinze ans. En France, même si de plus en plus d'entreprises et d'institutions se dotent de prévisions à long terme, nous, parlementaires, sommes trop souvent soumis au diktat du court terme. Il faut déplorer la suppression du Commissariat général au plan, peut-être dépassé mais qui aurait pu être réformé. Jean Pierre Raffarin nous aiguillonne. Nous avons tenu, le 5 décembre, une réunion de travail conjointe avec le CESE sur la prévision stratégique à long terme.
Le Gouvernement a le même raisonnement, comme on l'a entendu dire par le Premier ministre à la conférence sociale. Un commissariat à la prospective et à la stratégie verra bientôt le jour. Nous suivrons ses travaux avec attention. Je me réjouis de cette première évocation des travaux de notre délégation en séance publique en espérant que le rapport sur l'avenir de nos campagnes qui vient de paraître donnera lieu ici à un débat. (Applaudissements sur les bancs UMP et UC)
Mme Isabelle Pasquet . - Nous abordons un sujet qui a suscité, ces dernières années, nombre de travaux liés aux crises sanitaires que nous avons traversées. Mme Keller a fait le choix judicieux de la prospective en matière de prévention, sans tomber dans le catastrophisme. Nous souscrivons à ses propositions mais regrettons que ces dix recommandations ne soient pas plus ambitieuses.
Agir sur tous les facteurs d'émergence ? Certes, mais sans une autre politique économique, financière et de coopération, on en restera au voeu pieux. La réduction de la dette des pays les plus pauvres est une étape, mais insuffisante. Pour de nombreux pays en développement, la charge de la dette interdit d'investir dans la santé : voyez le Lésotho.
Réguler les mouvements de praticiens de la santé du sud vers le nord ? Sans doute, mais tout doit être mis en oeuvre pour que les pays du sud puissent construire des systèmes de santé autonomes. Or comment le peuvent-ils quand les institutions internationales conditionnent leur aide à des mesures d'économie drastiques ? Aux Philippines, le système de santé, après les privatisations, ne soigne plus les pauvres.
Repenser les politiques agricoles au plan mondial ? Soit, mais quand d'importantes surfaces agricoles dans les pays les moins développés sont réservées à la culture de produits destinés à la fabrication de biocarburants ou d'huile de palme, comment sortir de l'impasse ? Revenir à une agriculture plus raisonnable est aussi une exigence. Je vous renvoie à l'excellent rapport sénatorial sur le changement climatique.
Chacun aura compris le sens de mon intervention : si l'on ne garde pas les yeux fixés sur les priorités que nous ne cessons de défendre, on n'avancera pas.
M. Hervé Marseille . - Rapport préoccupant pour certains ? Il est pour nous encourageant. Je veux féliciter Mme Keller. La menace est réelle, l'histoire des maladies infectieuses nous l'enseigne : la grippe espagnole a fait plus de morts que la première guerre mondiale.
Le catastrophisme hollywoodien sait au reste fort bien spéculer sur les problèmes que soulève cette menace : voyez le film Contagion. A l'heure de l'hypertechnologie, des progrès génétiques, l'humanité pourrait se croire à l'abri.
C'est précisément ce que démontre le rapport de Mme Keller. L'incidence des maladies émergentes a augmenté dans les pays du nord de 10 % à 20 % en quinze ans ; et les maladies infectieuses sont responsables de 14 000 morts par an, pour la plupart dans les pays du sud. En France, elles représentent 12 % des décès. Selon le rapporteur, l'humanité est responsable de l'essentiel de la menace, ce qui est encourageant car cela nous montre que nous pouvons agir, pourvu que nous nous en donnions les moyens. Hélas, nous ne sommes pas prêts à affronter une pandémie meurtrière -je ne parle même pas de réchauffement climatique. Notre système sanitaire manque d'une base épidémiologique unique, comme il en existe en Grande-Bretagne, souffre du manque de coordination des acteurs et de l'insuffisante identification de leurs capacités d'action. La participation des médecins traitants à la veille sanitaire est par exemple embryonnaire. Faut-il rapprocher veille et prévention, IVS et Inpes ? La prochaine loi sur la santé publique abordera-t-elle ce sujet ?
Ce n'est guère plus encourageant au plan international. Pour le groupe UC-UDCI, l'Europe est l'échelon pertinent pour une action efficace et coordonnée. Un des aspects les plus percutants du rapport de Mme Keller est de montrer l'unicité du phénomène -personne n'y échappe, il n'y a pas de sanctuaire. La France va-t-elle soutenir les programmes de l'OMS ?
Actualité au Mali oblige, n'oublions pas, pour finir, que la guerre fait souvent le lit des pandémies, sans parler du bioterrorisme (Applaudissements au centre et à droite et au banc de la commission)
M. Gilbert Barbier . - Le remarquable rapport de Mme Keller rappelle le reflux des maladies infectieuses au XXe siècle, qui a culminé avec l'éradication de la variole en 1977. Depuis, on a noté l'apparition de nouvelles maladies infectieuses, souvent létales, et le retour de maladies qu'on croyait disparues -sans parler des infections nosocomiales. Qu'en penser ? Notre rapporteur a rappelé que la prédiction de Charles Nicolle, qui, dans les années 1930, soulignant que les agents pathogènes ont toujours accompagné l'humanité, annonçait d'imprévisibles pandémies. Cela étant, le rythme soutenu de l'apparition de maladies infectieuses émergentes -une par an- et la rapidité de leur propagation -cinq jours pour que le Sras touche les cinq continents- posent question.
Les facteurs sont multiples : mondialisation des échanges et des déplacements, changement climatique, conditions qui favorisent le passage de la barrière des espèces, médecine de plus en plus invasive, résistance croissante aux antibiotiques en raison de leur utilisation excessive, moindre vaccination dans les pays du sud, mais aussi en Europe et en France. Nous devons nous attacher à comprendre les mécanismes de refus du vaccin en lançant des études sociologiques. Pasteur faisait de l'observation la base de tous ses travaux...
Du paludisme, du sida et de la tuberculose, nous avons échoué à éradiquer les deux premiers tandis que l'efficacité du BCG s'est atténuée. En France, la recherche souffre d'une trop grande fragmentation et d'une insuffisance de financement. En 2010, à Davos, on déclarait que la décennie devait être celle du vaccin. Seule une stratégie ambitieuse de recherche interdisciplinaire permettra d'avancer, de la microbiologie à la sociologie en passant par la génétique.
Autre défi à relever, celui de l'information à l'heure d'internet et de la diffusion des rumeurs. Nous avons besoin d'une approche plus pédagogique des décisions, qui rende la complexité de la réalité plus compréhensible par la population. Enfin, il faut développer l'accès aux soins et la surveillance dans les pays du sud -j'ai noté, madame le rapporteur, vos échanges avec l'unité de Kinshasa ; il faut les développer (Applaudissements sur les bancs du groupe UC-UDI)
Mme Aline Archimbaud . - Je salue le rapport très documenté de Mme Keller. Quelque 14 millions de morts sont dues aux maladies émergentes, au chikungunya, à Ébola, à la dengue -d'autres l'ont dit avant moi.
Les atteintes à la biodiversité, le changement climatique, l'intensification de l'agriculture et de l'élevage, la déforestation contribuent à la propagation de ces maladies, les Verts y insistent depuis de longues années. La disparition de certaines espèces prédatrices libère des niches pour les animaux vecteurs, de même que l'augmentation des températures qui peut entraîner l'apparition d'insectes porteurs de la dengue au nord. L'urbanisation, la sélection d'espèces qui deviennent plus sensibles y contribuent également. Je m'en tiendrai à un exemple : le virus Junin, responsable d'une fièvre hémorragique en Argentine, est lié à la transformation des pampas en champs de maïs -qui a vu se multiplier les populations de rongeurs, réservoirs de la maladie, autrefois régulées par d'autres espèces.
La résistance bactérienne est en augmentation, d'autres l'ont dit avant moi. Certaines maladies émergentes sont, en fait, des maladies anciennes, devenues résistantes aux antibiotiques à cause de l'usage excessif de ces médicaments chez les hommes, mais aussi chez les animaux.
L'urgence est donc de réguler l'antibiothérapie -la loi Kouchner, qui prévoyait la présence d'un médecin modérateur dans chaque hôpital, n'est pas appliquée-, de mieux protéger la biodiversité et de modérer l'agriculture intensive. Malheureusement, les conférences internationales échouent.
L'autre enjeu majeur, enfin, est la lutte contre la pauvreté, qui fait le lit de pandémies comme le paludisme -sans parler des conséquences de la malnutrition. (M. Joël Bourdin applaudit)
Mme Catherine Deroche . - Merci à Mme Keller de son travail très complet sur les nouvelles menaces liées aux maladies infectieuses. Le professeur Claude Chastel souligne que l'homme, qui depuis le Néolithique s'est approprié la Terre, est le principal responsable de cette situation. Nous sommes quelque 7 milliards d'hommes, la mondialisation s'accélère : les maladies infectieuses se diffusent plus rapidement. A quoi il faut ajouter le changement climatique et l'évolution spontanée des agents pathogènes.
Le Règlement sanitaire international, adopté à l'OMS en 2005, marque un progrès dans le partage des connaissances et la coordination. En France, c'est la Direction générale de la santé qui est le correspondant du réseau international, et l'IVS comme les ARS assurent la veille ; au niveau européen, le CDC évalue les menaces. Nos outils doivent être sans cesse évalués et adaptés aux nouvelles menaces.
Il faut encourager le développement de la recherche. Nous nous réjouissons de la création de l'unité François Jacob à l'Institut Pasteur de Paris. L'Institut a montré sa réactivité dès les premiers cas de chikungunya à la Réunion.
Les maladies infectieuses ont des conséquences sur toute la société, ne serait-ce qu'en ralentissant les échanges et les déplacements. A nous d'utiliser au mieux internet, à l'instar des États-Unis et de leur centre d'Atlanta où 400 personnes surveillent les réseaux sociaux 24 heures sur 24. En France, lors de la grippe aviaire, elles étaient 8...
Oui, il faut élaborer des protocoles opérationnels, expérimenter des situations potentielles de crise, anticiper des scénarios catastrophe pour améliorer la protection des populations lors d'une crise sanitaire majeure. (Applaudissements sur les bancs UMP et UC-UDI)
M. Ronan Kerdraon . - Je salue la qualité de ce rapport : les maladies infectieuses touchent le nord comme le sud, la menace est permanente ; les puissances publiques doivent se mobiliser pour la recherche, l'information, la coordination et la prévention.
Face à ces risques infectieux, l'action des institutions internationales est décisive pour combiner les forces au niveau international. Entre 1940 et 2004, plus de 335 maladies infectieuses ont été détectées et les causes sont toujours les mêmes : baisse de la vigilance des systèmes de contrôle, déplacements de population, contacts rapprochés entre l'homme et l'animal. A quoi il faudrait ajouter le changement climatique, l'utilisation potentielle à des fins terroristes et la dégradation des infrastructures de santé publique.
Face à cette situation, l'OMS a mis sur pied un réseau international d'alerte et d'action. Les progrès de l'hygiène et de la médecine, cependant, ne suffiront pas à lutter efficacement contre les maladies infectieuses si l'on ne travaille pas à réduire les atteintes à l'environnement et la résistance aux antibiotiques. Je pense notamment aux maladies infectieuses réémergentes...
Une véritable politique de santé publique, une stratégie de recherche concertée devront figurer dans la future loi de santé publique, qui associe tous les acteurs, médecins, chercheurs, décideurs, populations. Nous devons nous retrouver autour d'un but commun, d'une approche transversale : politique, économique, sociale et environnementale.
Plus de moyens pour des recherches interdisciplinaires et la formation, plus d'informations sur les travaux des chercheurs, prise en compte des savoirs locaux dans les pays du sud, voilà qui permettrait d'améliorer la prévention. Pourquoi ne pas instaurer un fonds d'urgence pour ces recherches ?
L'accent doit être mis, vous l'avez compris, sur l'enseignement et la recherche. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Merci pour ce débat de qualité. Comment devons-nous concevoir la protection de notre société face au risque des maladies infectieuses émergentes et réémergentes ? En dépit des progrès médicaux, nos sociétés restent fragiles.
L'activité humaine est à l'origine du développement de ces maladies. Variole, rougeole et grippe ont été introduites dans le Nouveau Monde par les colonisateurs espagnols, lesquels ont été frappés par la fièvre jaune et ont diffusé le typhus à leur retour en Europe.
Certains ont parlé des maladies réémergentes. On croyait la gale réservée à des populations défavorisées, elle ne l'est pas. J'ai saisi le Haut conseil pour la sécurité publique à ce sujet.
Premier axe de notre politique, la prévention, dont le président de la République a rappelé la nécessité lors de la clôture du 40e congrès de la mutualité à Nice. Mieux prévenir, c'est d'abord mieux vacciner grâce à une stratégie nationale sur cinq ans. Pour une maladie aussi banale que la grippe, le taux de vaccination des personnes fragiles baisse. Ce qui me frappe aussi est le faible nombre de personnels soignants qui se font vacciner. Il existe, cela a été dit, une résistance à la vaccination en France, qu'il faut travailler à lever. Mieux prévenir, c'est aussi réduire le recours aux antibiotiques. J'ai entendu les regrets de Mme Archimbaud quant aux dispositions de la loi Kouchner du 4 mars 2002, nous nommerons bientôt un référent et, en appliquant le principe one health, limiterons le recours à ces produits pour les animaux.
Deuxième axe, la veille sanitaire. Notre système de détection et d'alerte est perfectible. Il faut inciter les professionnels de santé aux déclarations, ce sera une priorité de la stratégie nationale de santé. Le système de vigilance en cas de crise sera refondu cette année, la veille sanitaire régionale doit être valorisée, comme l'association des médecins généralistes -c'est ainsi que l'on pourra réduire les réticences telles que celles qui se sont manifestées lors de la pandémie de grippe H1N1.
Troisième axe, le renforcement de la coopération internationale. Le Règlement sanitaire international de 2005 a renforcé le contrôle sanitaire dans les lieux d'échanges et amélioré la coopération internationale grâce à un réseau mondial unique de gestion des alertes sanitaires. Le 9 janvier 2013, nous avons publié le décret qui lui donne une traduction concrète. Enfin, la coordination au niveau européen doit être le socle de notre coopération avec les pays du sud.
Tirons les leçons de la grippe H1N1. Les mesures préventives doivent être compréhensibles et comprises par la population. C'est dire qu'il faut des messages factuels, informatifs, cohérents et précis pour contrer les rumeurs. Un juste équilibre doit être trouvé entre l'exigence de ne pas inquiéter outre mesure et la nécessité d'une information de qualité. Un centre de crise a été inauguré il y a quelques mois dans mon ministère. Nous avons fait un exercice sur le chikungunya pour tester nos capacités de mobilisation, d'organisation et d'information en lien avec les médecins, les ARS, les hôpitaux. Mme Keller, qui a ouvert la voie avec un atelier de prospective en avril dernier, plaide pour des exercices plus ambitieux, s'étendant au-delà de mon seul ministère. Cette perspective est séduisante. Je plaiderai en ce sens auprès de mes collègues.
Le principal objectif de la stratégie nationale de santé est de protéger les populations en anticipant et en travaillant avec tous les acteurs. La lutte contre les maladies infectieuses appelle une politique volontariste, des mécanismes de surveillance efficaces et la confiance envers la médecine de proximité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)